Kiss The Anus Of A Black Cat (in Metro 10 April 2012)
Caroline Music
1. 18 CLOSE U P MU SIQUE DIS QU A IRES 19
commande. Nous en recevions encore entre 70 et 80 journa-
LE REVEN ANT
lières avant de mettre la clé sous le paillasson. Nous étions
essentiellement sur le CD tandis que le Goupil faisait surtout
de l’occase et du vinyle pour lesquels il a sa clientèle. Il va
pouvoir la diversifier. Nous développerons par ailleurs le vi-
nyle neuf et le catalogue de fonds. Certes, nous allons vivre
une période de transition. Il faudra prévoir des réajuste-
ments mais nous verrons où nous en serons dans six mois.
Le mariage peut fonctionner.”
Les derniers chiffres qu’il a consultés sont plutôt du
CAROLINE RENAÎT DE SES CENDRES EN FACE DE L’ANCIENNE BELGIQUE. IL VENDRA CAROLINE, AVANT ET APRÈS.
genre à le rassurer. 29% des consommateurs se rensei-
DORÉNAVANT CD, VINYLES ET OCCASIONS. ROCK’N’ROLL IS NOT DEAD... gneraient sur le Web avant de casquer mais seuls 17 %
des compacts discs seraient achetés en ligne. Et dix mil-
lions de CD ont tout de même encore été vendus en Bel-
RENCONTRE JULIEN BROQUET
gique en 2011.
Le Caroline nouveau ouvrira sept jours sur sept. De 10h à
19h jusqu’au samedi. De 12h à 18h le dimanche. “40% de
e 25 octobre dernier, après 31 ans de bons, Dead, l’import, le blues, le jazz. “Tout ça s’est perdu avec notre chiffre se fait sur les heures de table en semaine.”
loyaux et musicaux services, le Caroline Music l’installation des grandes chaînes. Ceux qu’on appelle dans Rock’n’roll will never die. Ou pas tout de suite. G
Passage Saint-Honoré fermait cruellement ses le jargon les Bruns, les Rouges et les Bleus: la Fnac, le Media
portes. A deux minutes de là et à quelques mai- Markt et le Free Record Shop. La faillite de Sonica a fait mal
sons seulement du Goupil-o-phone où l’en- également. Mais des petits magas avec une âme comme
seigne est en train de renaître, Dédé, le gérant, Veals & Geeks et Elektrocution voient le jour...”
se souvient. Il se souvient des allers-retours in-
cessants sur Londres où il partait il De tout mais du bon
y a 35 piges s’approvisionner une “Rock’n’roll suicide”. L’inscription sur le panneau des
fois par semaine avec ses valises et concerts en vitrine du magasin bouclé à jamais passage
la malle de nuit. “J’allais chez Rough Trade et compagnie... Saint-Honoré résonne comme une épitaphe. “La galerie
C’était d’ailleurs très gai. Le lendemain, les clients étaient ferme pendant quatorze mois pour transformation, explique
aux portes du magasin dès l’ouverture et se battaient pour Dédé. Ils veulent en faire un espace de luxe. On nous propo-
savoir ce qu’on avait ramené.” sait une surface plus petite et des loyers doublés.” Intena-
Après le bateau, ça a été l’avion. Les commandes. “C’était ble. Il a cherché pendant plusieurs mois et en vain des al-
la démerde. On a même fait quelques trajets dans de petits ternatives dans le quartier. Mais même quand l’exploitant
coucous deux places en partance de Grimbergen fin des an- principal a décidé de ne pas continuer, il s’est entêté.
nées 70. On atterrissait sur une pelouse au nord de Londres. Ouvrir un magasin de disques en 2013, pour beaucoup
On chargeait à mac... Ca nous faisait parfois un peu flipper. c’est, si pas du suicide, à tout le moins se tirer une balle
Mais bon, le père du premier patron avait pas mal de potes dans le pied. Sauf que Dédé ne se voit pas faire autre
dans l’aviation. Il était pilote de ligne.” chose et qu’il le sait pertinemment: on n’engagera plus
C’est lui qui, au tout début, en 74, ramène les disques de dans le disque un mec de 58 piges. “Je crois encore surtout
New York. Le Caroline est alors installé rue de l’Athénée. à la vente de détail. A un magasin différent sur Bruxelles. Je
Il ne fait que de l’import. Essentiellement du funk et de la ne le ferais pas si j’habitais Hasselt ou Mons. En Europe,
dance... Et vend principalement aux boîtes de la Côte et de beaucoup d’indépendants rouvrent depuis deux ou trois ans.
Bruxelles. Proposent à la fois du neuf, du vinyle et de l’occasion.”
“L’ouverture rue Marché aux herbes a coïncidé avec l’explo- Avec le Goupil-o-phone, situé sur le boulevard Anspach,
sion punk. Les firmes ne nous prenaient pas au sérieux. On juste en face de l’Ancienne Belgique, il a trouvé l’empla-
allait chercher les disques aux States, en Angleterre, aux cement et le partenaire apparemment idéal.
Pays-Bas. Mais les choses se sont mises à changer.” “Le Passage Saint-Honoré n’avait plus de passage que le
Le Caroline devient au fil des années la référence pour nom. Il était devenu plutôt sinistre. Ici, 80 personnes défilent
tous les amateurs de musiques indépendantes de devant la vitrine à la minute. Avec une population d’un million
Bruxelles et d’ailleurs. Il ouvre des magasins à Liège, Na- d’habitants et 400 000 navetteurs par jour, il y a la place pour
mur, Lille, Huy, Wavre, Uccle Bascule... Il a même sa bou- un magasin de disques indépendant comme le nôtre. J’ai dû
tique à l’ULB fin 70, début 80. “Mais quand les lieux ont négocier pendant cinq semaines pour que les compagnies
cessé d’être gérés par des associations d’étudiants, le loyer pratiquent les mêmes tarifs. Pour faire le break, on doit ven-
est devenu impayable. Quand un magasin ferme, c’est sou- dre une centaine de plaques par jour.”
vent la même histoire. Un changement de proprio, une Ce qui n’a rien d’utopique. Caroline n’aura certes plus
hausse conséquente de loyer ou de charges...” 27000 références en magasin mais l’esprit va demeurer
Dédé se rappelle de cette époque où chaque magasin le même. “Nous opérerons une sélection. Selon les critères
avait sa spécialité. Le populaire, le rock à la Grateful habituels. Un peu de tout mais du bon. Tout sera possible à la
FOCUS VIF / 4 JANVIER 2013