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LA CAPITALE SECRETE 
1995 
Avec 
Michel BEZU 
Barbara BOULAY 
Julien BOULAY 
Frank M HINRICHS 
Fabien ORCIER 
Sylvie ORCIER 
Laurent PARISI 
Patrick PINEAU 
Moussa Theophile SOWIE 
Texte et Mise en Scène de Gerard WATKINS 
Scénographie de Frank M HINRICHS 
Lumières de Didier GIRARD 
Musique de Laurent PARISI 
Assistante à la Mise en Scène Fabienne DUVERNE 
Administration de production Bertrand KRILL 
24 représentations 
A l’ADC QUIMPER SCENE NATIONALE 
Et au THEATRE DE GENNEVILLIERS CENTRE DRAMATIQUE NATIONALen Avril/Mai 1995 
Avec le soutien du Centre National du Livre, et l’aide à la création de la DMDTS.
Que raconte La Capitale Secrète ? 
Un jeune homme, Michel, part à la recherche de sa soeur, Rosa. En suivant ses traces, il se réveille dans une ville étrange, qui évolue sous l’emprise d’un magicien et d’un souteneur. Les habitants y vivent leurs rêves éveillés, et vont au travail en dormant. Mais ce système est voué à l’échec. Rosa a fui dans un désert, emportant avec elle les pouvoirs du Magicien. 
C’est un texte fondateur ? 
Oui. J’avais écrit d’autres textes, avant, plus linéaires, plus cinématographiques. La Capitale était le premier où j’ai cherché un théâtre qui soit en harmonie avec mon imaginaire et ma sensibilité profonde. Ça a été une rupture. Ceux qui aimaient mes textes d’avant ont dit que La Capitale était un pur délire. Elle contient tous les thèmes que je vais développer par la suite. La poétique y est plus personnelle, parce qu’elle est liée à la musique, aux textes des chansons que j’écrivais pour mon groupe Western Eyes, et à la poésie que j’écrivais à cette époque. 
C’est où, « La Capitale Secrète » ? 
Pour moi, c’était Berlin-Ouest. C’était une ville maintenue dans un état de suspens et de survie à travers le rêve, l’utopie, le délire, en même temps qu’elle était la vitrine du capitalisme. C’est vraiment un texte qui résume les années quatre-vingt, le recyclage des idéaux des années 60 et 70 dans un monde ultra-libéral ; une société clairement à deux vitesses, deux populations, l’alternatif, et le monde rangé et laborieux. Le Sida, le chômage, les sans-abri, le front national, faisaient irruption dans un monde qui continuait de faire la fête et de célébrer les utopies. C’était vraiment étrange. La dualité du monde de La Capitale Secrète, c’était celle-là. Une prise de conscience que le monde décrit par Debord dans La Société du Spectacle était réel, et qu’on en faisait désormais partie. J’ai fini d’écrire La Capitale Secrète quelques semaines avant la chute du mur de Berlin. 
« Capitale » fait référence au capitalisme ? 
Il y a une idée guerrière derrière cette capitale, comme une forteresse à défendre. L’imaginaire, le monde des rêves, ce qui constitue l’humain en dehors de la société marchande. Le monde du travail aussi, comment il prend le pas sur un monde qui a décidé de rêver. La corruption de l’alliance impie entre le souteneur et le magicien est pour moi le parfait reflet de cette époque. Rien ne saurait y être pur. Il y a comme un enchaînement dans le temps de ce siècle, entre le traumatisme, une brève période d’euphorie matérielle, la création d’une nouvelle idéologie et, de nouveau, un traumatisme. 
Il y a cette volonté d’écrire les intentions humaines, de chambouler les rapports habituels avec la vie, le monde du travail et la ville. 
Oui, au début des années quatre-vingt, l’humain se cherchait et s’expérimentait avec beaucoup de ferveur. Ça se traduit beaucoup dans les textes de chansons de cette époque. 
As-tu rencontré des problèmes formels en tentant de le mettre en scène ?
J’ai rencontré des problèmes formels en tentant de l’écrire. La capitale posait le problème de la représentation à partir du moment où les rêves étaient représentés. La seule manière d’être radicalement dans l’onirisme, c’est de questionner les étapes du réel dans un monde, d’inventer ce qui précède les rêves. De décrire la vie comme étant au service des rêves, et non le contraire. Cette histoire d’amour pour les rêves, c’est mon histoire d’amour pour le théâtre, précisément. C’est le souteneur qui va se lancer dans le théâtre, alors que le magicien va s’enfermer dans le récit. Il y a un drame à ne pas pouvoir vivre ses rêves, et aussi à ne pas pouvoir les représenter. Il y a quand même une volonté louable de redonner une part plus importante aux rêves, qui correspondent à la moitié du temps de vie. 
Le tiers plutôt non ? 
Non, la moitié. On passe beaucoup de temps à rêver le jour, ça compte. T. E. Lawrence disait « méfiez-vous de ceux qui rêvent le jour, ils feront tout pour que ça devienne réalité. » Le conflit, ici, arrive très vite. L’art doit se faire avec les moyens provenant d’un monde qu’il rejette. Cette idée de corruption sera vraiment déployée dans Icône. C’est une idée assez puritaine, que je dois certainement puiser dans mes origines anglicanes. Le magicien, pour arriver à ses fins, pactise avec le diable. De ce fait, l’enfant rejette l’histoire en vivant des cauchemars plutôt que des rêves. Dans cette capitale, il y a déjà la demandeuse d’asile, Isabella, étrangère sans-papiers, exclue du système de la ville. Tous les thèmes sont là. 
Laurent, qui ne fait que des cauchemars, alimente la ville non seulement par son capital travail, mais aussi en reversant ses gains en jouant au casino. Il me semble que ses cauchemars viennent de là. Que l’on ne partage pas les rêves avec le prolétariat. 
C’est juste. 
Est-ce que l’argent corrompt tout ? Est-ce une question de jeunesse ? 
Non. C’est une question que je ressens toujours aussi violemment vingt ans plus tard. L’argent continue de nous pourrir la vie et nos démarches. L’argent n’est plus le nerf de la guerre. Il est sa moelle épinière. C’est un thème en filigrane. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de dénoncer l’argent, mais son influence néfaste sur la forteresse imaginaire de l’homme. Il ne pourrait pas se passer d’argent, c’est son invention la plus effroyablement personnelle. C’est un constat, mais ce n’est pas un moteur. L’argent est devenu une interface entre l’homme et son imaginaire. C’est ce qui provoque et formule la Société du Spectacle. C’est un rapt. On s’empare de la beauté, pour en faire une part de marché, pour éloigner l’homme de sa véritable nature, quelle qu’elle soit. 
Il y a quand même un désespoir profond dans la construction d’une utopie corrompue. Isabella ne se reconnaît pas le droit de rêver, cependant elle ne vit que par ça. Le Souteneur est un poète refoulé. Le Magicien vit sa séparation avec la famille humaine comme une véritable déchirure. Est-ce que tu te poses la question de l’immobilité ? J’ai l’impression que même le personnage qui t’intéresserait à priori le moins a un projet, n’est pas immobile. 
Un personnage qui m’intéresserait le moins n’a pas sa place sur scène. Et oui, la dramaturgie consiste à lancer des personnages dans un mouvement, dans une quête, dans une série de tentatives et d’échecs. Il me semble qu’on nous a déjà raconté que le monde était immobile, et qu’on ne pouvait pas changer l’homme, etc. 
Ce sont ces images qu’on ne verra jamais qui semblent sauver l’humain. On pourrait se dire, dès le prologue, que cette femme est folle, qu’elle parle à des tortues imaginaires, et après avoir traversé ce monde torturé, on est heureux de la retrouver et l’on se dit, dieu
merci, elle a ses tortues. Il faut avoir un grain pour inventer un monde. Est-ce que la rêverie, l’invention est une forme de résistance au capitalisme ? 
La partie la plus dangereuse du capitalisme, puisqu’on va parler du monde du travail, ce n’est pas qu’il fasse de l’homme une sorte d’esclave trimant pour ses beaux yeux, un objet malléable et corvéable à merci. C’est l’appropriation de son cerveau et son imaginaire pour en faire une part de marché. C’est un véritable assaut quotidien de sa forteresse intime. Il y a un projet global de la société du Spectacle. L’humanité, ce qui me permet de rendre ces personnages tangibles, c’est la reconnaissance qu’ils en sont partie prenante. C’est une forme d’aveu qui permet de le transgresser. C’est aussi de rendre possible et tangible des interactions entre les dominants et les dominés, qui ne soient pas linéaires. Comme dans les textes oniriques de Strindberg. 
C’est la poésie qui rend ce mouvement possible ? 
Retrouver une forme de classicisme, qui veut simplement dire laisser au mouvement le temps d’exister et de se déployer. C’est une technique pour laisser à la poésie le temps de ressurgir et de s’emparer du plateau. La poésie est une raison d’être de l’homme. La poétique doit être en ascendant sur le sens et la logique. 
La poésie entre dans la capitale, et de ce fait, cette capitale s’écroule. J’y vois un mouvement assez chaleureux, et pas forcément désespéré comme tu dis. Je l’ai vue, il y 13 ans, et en le relisant, plein d’images me sont revenues. Et ce qui m’a touché à l’époque continue de me toucher, et je me suis dit qu’avec un peu de chance, je n’avais pas trop lâché une forme de combat de rêves et de poésie. 
Ça doit être pour ça qu’on travaille ensemble. 
Ce qu’il y a de très sombre dans la capitale, c’est qu’il contient l’image de la mort. La mort d’un monde, et la mort par asphyxie de Michel, dont le voyage est un voyage initiatique vers la mort. En même temps, on accepte sa mort, peut-être parce ce que, de ça, va renaître un autre personnage, ou une autre utopie. Elle nous fait comprendre à quel point la mort est nécessaire. Parce que l’auteur peut poursuivre. 
Le théâtre est la passerelle d’un dialogue entre les vivants et les morts. Je m’y retrouve. Je retrouve cette mort sans cesse. Je la retravaille. Pour moi, c’est important d’y revenir souvent parce que la maladresse de son expression a permis de déployer une multitude de thèmes. Je ne peux pas m’en dissocier. C’est en sa que le geste est sincère. L’autre grande rencontre était avec les acteurs, le bonheur qu’on a eu à travailler ce matériau. Je sentais qu’il n’y aurait jamais de limite. 
Tu retravailles tes textes, après les avoir mis en scène ? 
Tout le temps. C’est ma pierre tombale. J’ai toujours envie qu’elle soit d’actualité. 
L’architecture mentale se retrouve toujours sur scène. La ville touffue, le désert, la forêt, le rapport à l’espace biologique. 
Oui. Le théâtre doit proposer des univers physiques, qui provoquent une scénographie, un espace, et des déplacements d’acteurs. Malgré la différence des styles, que je désire toujours en harmonie avec le fond, je provoque une géographie qui corresponde directement avec les thèmes proposés. 
Pourquoi avoir choisit le théâtre pour les raconter ?
Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que j’ai pu sacrifier des choses par amour et préconception enfantine du théâtre. Ça me gêne parfois. Aujourd’hui je cherche autre chose, et l’amour du théâtre, je le vis parfois comme un frein. Je ne pratique pas assez. Je devrais pouvoir expérimenter plus, hors temps de production, où l’on doit résoudre les objectifs d’un spectacle. Je le fais dans l’écriture, mais ce n’est pas suffisant. 
Parler d’enfance. Ton originalité vient quand même de ta double origine, française et anglaise. 
C’est plus complexe que ça. Mes origines sont aussi nord-américaines et scandinaves. J’ai même un quart corse ! Mais mon enfance a été nourrie par les voyages. Tout le temps. Je ne restais pas plus de six mois dans une même ville. Retrouver mon enfance, c’était écrire en voyageant. J’écrivais soit dans les trains, soit dans les avions, soit dans les bars, soit en me réveillant sur des canapés chez des amis. Les voyages ont surtout permis d’enrichir mon usage de la mythologie.

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  • 1. LA CAPITALE SECRETE 1995 Avec Michel BEZU Barbara BOULAY Julien BOULAY Frank M HINRICHS Fabien ORCIER Sylvie ORCIER Laurent PARISI Patrick PINEAU Moussa Theophile SOWIE Texte et Mise en Scène de Gerard WATKINS Scénographie de Frank M HINRICHS Lumières de Didier GIRARD Musique de Laurent PARISI Assistante à la Mise en Scène Fabienne DUVERNE Administration de production Bertrand KRILL 24 représentations A l’ADC QUIMPER SCENE NATIONALE Et au THEATRE DE GENNEVILLIERS CENTRE DRAMATIQUE NATIONALen Avril/Mai 1995 Avec le soutien du Centre National du Livre, et l’aide à la création de la DMDTS.
  • 2. Que raconte La Capitale Secrète ? Un jeune homme, Michel, part à la recherche de sa soeur, Rosa. En suivant ses traces, il se réveille dans une ville étrange, qui évolue sous l’emprise d’un magicien et d’un souteneur. Les habitants y vivent leurs rêves éveillés, et vont au travail en dormant. Mais ce système est voué à l’échec. Rosa a fui dans un désert, emportant avec elle les pouvoirs du Magicien. C’est un texte fondateur ? Oui. J’avais écrit d’autres textes, avant, plus linéaires, plus cinématographiques. La Capitale était le premier où j’ai cherché un théâtre qui soit en harmonie avec mon imaginaire et ma sensibilité profonde. Ça a été une rupture. Ceux qui aimaient mes textes d’avant ont dit que La Capitale était un pur délire. Elle contient tous les thèmes que je vais développer par la suite. La poétique y est plus personnelle, parce qu’elle est liée à la musique, aux textes des chansons que j’écrivais pour mon groupe Western Eyes, et à la poésie que j’écrivais à cette époque. C’est où, « La Capitale Secrète » ? Pour moi, c’était Berlin-Ouest. C’était une ville maintenue dans un état de suspens et de survie à travers le rêve, l’utopie, le délire, en même temps qu’elle était la vitrine du capitalisme. C’est vraiment un texte qui résume les années quatre-vingt, le recyclage des idéaux des années 60 et 70 dans un monde ultra-libéral ; une société clairement à deux vitesses, deux populations, l’alternatif, et le monde rangé et laborieux. Le Sida, le chômage, les sans-abri, le front national, faisaient irruption dans un monde qui continuait de faire la fête et de célébrer les utopies. C’était vraiment étrange. La dualité du monde de La Capitale Secrète, c’était celle-là. Une prise de conscience que le monde décrit par Debord dans La Société du Spectacle était réel, et qu’on en faisait désormais partie. J’ai fini d’écrire La Capitale Secrète quelques semaines avant la chute du mur de Berlin. « Capitale » fait référence au capitalisme ? Il y a une idée guerrière derrière cette capitale, comme une forteresse à défendre. L’imaginaire, le monde des rêves, ce qui constitue l’humain en dehors de la société marchande. Le monde du travail aussi, comment il prend le pas sur un monde qui a décidé de rêver. La corruption de l’alliance impie entre le souteneur et le magicien est pour moi le parfait reflet de cette époque. Rien ne saurait y être pur. Il y a comme un enchaînement dans le temps de ce siècle, entre le traumatisme, une brève période d’euphorie matérielle, la création d’une nouvelle idéologie et, de nouveau, un traumatisme. Il y a cette volonté d’écrire les intentions humaines, de chambouler les rapports habituels avec la vie, le monde du travail et la ville. Oui, au début des années quatre-vingt, l’humain se cherchait et s’expérimentait avec beaucoup de ferveur. Ça se traduit beaucoup dans les textes de chansons de cette époque. As-tu rencontré des problèmes formels en tentant de le mettre en scène ?
  • 3. J’ai rencontré des problèmes formels en tentant de l’écrire. La capitale posait le problème de la représentation à partir du moment où les rêves étaient représentés. La seule manière d’être radicalement dans l’onirisme, c’est de questionner les étapes du réel dans un monde, d’inventer ce qui précède les rêves. De décrire la vie comme étant au service des rêves, et non le contraire. Cette histoire d’amour pour les rêves, c’est mon histoire d’amour pour le théâtre, précisément. C’est le souteneur qui va se lancer dans le théâtre, alors que le magicien va s’enfermer dans le récit. Il y a un drame à ne pas pouvoir vivre ses rêves, et aussi à ne pas pouvoir les représenter. Il y a quand même une volonté louable de redonner une part plus importante aux rêves, qui correspondent à la moitié du temps de vie. Le tiers plutôt non ? Non, la moitié. On passe beaucoup de temps à rêver le jour, ça compte. T. E. Lawrence disait « méfiez-vous de ceux qui rêvent le jour, ils feront tout pour que ça devienne réalité. » Le conflit, ici, arrive très vite. L’art doit se faire avec les moyens provenant d’un monde qu’il rejette. Cette idée de corruption sera vraiment déployée dans Icône. C’est une idée assez puritaine, que je dois certainement puiser dans mes origines anglicanes. Le magicien, pour arriver à ses fins, pactise avec le diable. De ce fait, l’enfant rejette l’histoire en vivant des cauchemars plutôt que des rêves. Dans cette capitale, il y a déjà la demandeuse d’asile, Isabella, étrangère sans-papiers, exclue du système de la ville. Tous les thèmes sont là. Laurent, qui ne fait que des cauchemars, alimente la ville non seulement par son capital travail, mais aussi en reversant ses gains en jouant au casino. Il me semble que ses cauchemars viennent de là. Que l’on ne partage pas les rêves avec le prolétariat. C’est juste. Est-ce que l’argent corrompt tout ? Est-ce une question de jeunesse ? Non. C’est une question que je ressens toujours aussi violemment vingt ans plus tard. L’argent continue de nous pourrir la vie et nos démarches. L’argent n’est plus le nerf de la guerre. Il est sa moelle épinière. C’est un thème en filigrane. Ce qui m’intéresse, ce n’est pas de dénoncer l’argent, mais son influence néfaste sur la forteresse imaginaire de l’homme. Il ne pourrait pas se passer d’argent, c’est son invention la plus effroyablement personnelle. C’est un constat, mais ce n’est pas un moteur. L’argent est devenu une interface entre l’homme et son imaginaire. C’est ce qui provoque et formule la Société du Spectacle. C’est un rapt. On s’empare de la beauté, pour en faire une part de marché, pour éloigner l’homme de sa véritable nature, quelle qu’elle soit. Il y a quand même un désespoir profond dans la construction d’une utopie corrompue. Isabella ne se reconnaît pas le droit de rêver, cependant elle ne vit que par ça. Le Souteneur est un poète refoulé. Le Magicien vit sa séparation avec la famille humaine comme une véritable déchirure. Est-ce que tu te poses la question de l’immobilité ? J’ai l’impression que même le personnage qui t’intéresserait à priori le moins a un projet, n’est pas immobile. Un personnage qui m’intéresserait le moins n’a pas sa place sur scène. Et oui, la dramaturgie consiste à lancer des personnages dans un mouvement, dans une quête, dans une série de tentatives et d’échecs. Il me semble qu’on nous a déjà raconté que le monde était immobile, et qu’on ne pouvait pas changer l’homme, etc. Ce sont ces images qu’on ne verra jamais qui semblent sauver l’humain. On pourrait se dire, dès le prologue, que cette femme est folle, qu’elle parle à des tortues imaginaires, et après avoir traversé ce monde torturé, on est heureux de la retrouver et l’on se dit, dieu
  • 4. merci, elle a ses tortues. Il faut avoir un grain pour inventer un monde. Est-ce que la rêverie, l’invention est une forme de résistance au capitalisme ? La partie la plus dangereuse du capitalisme, puisqu’on va parler du monde du travail, ce n’est pas qu’il fasse de l’homme une sorte d’esclave trimant pour ses beaux yeux, un objet malléable et corvéable à merci. C’est l’appropriation de son cerveau et son imaginaire pour en faire une part de marché. C’est un véritable assaut quotidien de sa forteresse intime. Il y a un projet global de la société du Spectacle. L’humanité, ce qui me permet de rendre ces personnages tangibles, c’est la reconnaissance qu’ils en sont partie prenante. C’est une forme d’aveu qui permet de le transgresser. C’est aussi de rendre possible et tangible des interactions entre les dominants et les dominés, qui ne soient pas linéaires. Comme dans les textes oniriques de Strindberg. C’est la poésie qui rend ce mouvement possible ? Retrouver une forme de classicisme, qui veut simplement dire laisser au mouvement le temps d’exister et de se déployer. C’est une technique pour laisser à la poésie le temps de ressurgir et de s’emparer du plateau. La poésie est une raison d’être de l’homme. La poétique doit être en ascendant sur le sens et la logique. La poésie entre dans la capitale, et de ce fait, cette capitale s’écroule. J’y vois un mouvement assez chaleureux, et pas forcément désespéré comme tu dis. Je l’ai vue, il y 13 ans, et en le relisant, plein d’images me sont revenues. Et ce qui m’a touché à l’époque continue de me toucher, et je me suis dit qu’avec un peu de chance, je n’avais pas trop lâché une forme de combat de rêves et de poésie. Ça doit être pour ça qu’on travaille ensemble. Ce qu’il y a de très sombre dans la capitale, c’est qu’il contient l’image de la mort. La mort d’un monde, et la mort par asphyxie de Michel, dont le voyage est un voyage initiatique vers la mort. En même temps, on accepte sa mort, peut-être parce ce que, de ça, va renaître un autre personnage, ou une autre utopie. Elle nous fait comprendre à quel point la mort est nécessaire. Parce que l’auteur peut poursuivre. Le théâtre est la passerelle d’un dialogue entre les vivants et les morts. Je m’y retrouve. Je retrouve cette mort sans cesse. Je la retravaille. Pour moi, c’est important d’y revenir souvent parce que la maladresse de son expression a permis de déployer une multitude de thèmes. Je ne peux pas m’en dissocier. C’est en sa que le geste est sincère. L’autre grande rencontre était avec les acteurs, le bonheur qu’on a eu à travailler ce matériau. Je sentais qu’il n’y aurait jamais de limite. Tu retravailles tes textes, après les avoir mis en scène ? Tout le temps. C’est ma pierre tombale. J’ai toujours envie qu’elle soit d’actualité. L’architecture mentale se retrouve toujours sur scène. La ville touffue, le désert, la forêt, le rapport à l’espace biologique. Oui. Le théâtre doit proposer des univers physiques, qui provoquent une scénographie, un espace, et des déplacements d’acteurs. Malgré la différence des styles, que je désire toujours en harmonie avec le fond, je provoque une géographie qui corresponde directement avec les thèmes proposés. Pourquoi avoir choisit le théâtre pour les raconter ?
  • 5. Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que j’ai pu sacrifier des choses par amour et préconception enfantine du théâtre. Ça me gêne parfois. Aujourd’hui je cherche autre chose, et l’amour du théâtre, je le vis parfois comme un frein. Je ne pratique pas assez. Je devrais pouvoir expérimenter plus, hors temps de production, où l’on doit résoudre les objectifs d’un spectacle. Je le fais dans l’écriture, mais ce n’est pas suffisant. Parler d’enfance. Ton originalité vient quand même de ta double origine, française et anglaise. C’est plus complexe que ça. Mes origines sont aussi nord-américaines et scandinaves. J’ai même un quart corse ! Mais mon enfance a été nourrie par les voyages. Tout le temps. Je ne restais pas plus de six mois dans une même ville. Retrouver mon enfance, c’était écrire en voyageant. J’écrivais soit dans les trains, soit dans les avions, soit dans les bars, soit en me réveillant sur des canapés chez des amis. Les voyages ont surtout permis d’enrichir mon usage de la mythologie.