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Les Cahiers du
journaLisme n o 24 â ĂtĂ 2012 Chartes et Codes de dĂontoLogie : une synthĂšse est possibLe et nĂCessaire 234 235 L Chartes et codes de dĂ©ontologie : une synthĂšse est possible et nĂ©cessaire principe, dans lâorganisation et la vie des mĂ©dias, peuvent recevoir des rĂ©ponses variables. Dans quelle mesure, par exemple, un actionnaire doit-il pouvoir intervenir ou non dans lâorientation Ă©ditoriale dâun titre ? La charte du groupe Le Monde indique clairement que ceux-ci ne « prennent pas part au choix Ă©ditoriaux ». Ou quâils ne doivent pas Ăric RODHE Journaliste indĂ©pendant et enseignant Membre de lâAssociation de prĂ©figuration dâun conseil de presse en France (APCP) eroh@free.fr es journalistes, et les Ă©diteurs de mĂ©dias dâinformation dont ils dĂ©pendent, en France, ne disposent pas dâun texte dĂ©ontologique de rĂ©fĂ©rence ; ils en ont plusieurs. Manque et profusion : câest dans cet entre-deux quâils exercent. Un journaliste de Ouest France, par exemple, peut se reporter Ă plus dâune demi-douzaine de codes ou chartes : un texte international, quatre nationaux, un rĂ©gional, et selon les cas, Ă lâune des chartes « maison » traitant des faits divers et de la justice, de la photo, ou dâInternet. Idem pour son confrĂšre et voisin de FR3 qui, outre les mĂȘmes quatre rĂ©fĂ©rences supra-rĂ©gionales, doit prendre en compte lâavenant « audiovisuel public » de la Convention collective actualisĂ© en 2011, et la nouvelle Charte des antennes de France tĂ©lĂ©visions. Un journaliste de lâAgence France Presse (AFP), de son cĂŽtĂ©, est plus particuliĂšrement concernĂ© par lâAbĂ©cĂ©daire et par le Guide de participation aux rĂ©seaux sociaux, Ă©laborĂ©s en son sein. Celui du Monde, par la charte du groupe. Les journalistes de lâune ou lâautre de ces rĂ©dactions peuvent aussi tenir compte de certains textes Ă caractĂšre transversal, tels la Charte des journalistes jeunes ou la Charte sur la sĂ©curitĂ© des journalistes en zones de conflit ou de tension1 . Bref, la situation est double : nous sommes devant une multiplicitĂ© de textes gĂ©nĂ©raux et de textes centrĂ©s sur des questions particuliĂšres. La multiplicitĂ© est justifiĂ©e dans le deuxiĂšme cas. Certaines questions de engager un titre du groupe dans un partenariat auquel les intĂ©rĂȘts quâils dĂ©tiennent par ailleurs seraient mĂȘlĂ©s. Dâautres questions se posent Ă lâheure oĂč part la copie et demandent une apprĂ©ciation « au cas par cas ». Ainsi, le traitement des faits divers. Il repose sur quelque principes gĂ©nĂ©raux â la prĂ©somption dâinnocence en premier lieu â mais appelle aussi des recommandations spĂ©cifiques. Tel le « devoir de suite » Ă©voquĂ© par la charte de Ouest France. Laquelle donne aussi ce pertinent conseil : « Nous devons progressivement faire passer lâidĂ©e que «la mise en examen» [âŠ] est aussi juridiquement le moyen dâouvrir les droits de la dĂ©fense et non lâaffirmation publique dâune culpabilitĂ© Ă©tablie ». De mĂȘme, le traitement des photos, leur publication en ligne, la diffusion dâune information via Twitter appellent des observations selon les questions particuliĂšres Ă chaque fois posĂ©es. Ă cĂŽtĂ© de nombreuses prĂ©occupations de caractĂšre ciblĂ©, les fonctions du journaliste relĂšvent de principes nĂ©cessairement gĂ©nĂ©riques et communs2 . Et cela, aussi sĂ»rement que lâessence de lâinformation dans la vie collective ne peut avoir, par dĂ©finition, quâun seul visage. Que sa reconnaissance puisse donner lieu Ă diffĂ©rentes apprĂ©hensions, cela ne fait pas de doute. Câest, au demeurant, ce qui sâest passĂ© : la dĂ©termination fondamentale de lâinformation ainsi que celle des principes gĂ©nĂ©riques de sa collecte, de son traitement et de sa publication ont historiquement donnĂ© lieu Ă plusieurs interprĂ©tations. Si bien que les journalistes français disposent des quatre textes nationaux et du texte international Ă©voquĂ©s plus haut. Cette situation est cependant insatisfaisante car le propre dâun texte qui se veut de rĂ©fĂ©rence, contrairement Ă une norme particuliĂšre, est bien celui-ci : chacun doit savoir de quoi il sâagit et oĂč le trouver. Avant dâaborder frontalement cette question, une autre remarque sâimpose en raison dâune situation propre Ă lâHexagone. Stricto sensu, il sâagit dâun autre sujet, mais il est insĂ©parable dâun hypothĂ©tique charte de rĂ©fĂ©rence commune : le journaliste de presse Ă©crite nâest pas susceptible de devoir rendre des comptes, en dehors de lâenceinte judiciaire, contrairement Ă ses homologues de radio ou de tĂ©lĂ©vision. Cela est vrai aussi bien dans lâunivers de lâĂ©crit-papier que dans celui de lâĂ©crit-numĂ©rique (Ă la nuance prĂšs dâun devoir de modĂ©ration incombant aux mĂ©dias Ă lâĂ©gard des propos excessifs publiĂ©s dans les forums de leurs sites). Aucune instance ad hoc se rĂ©fĂ©rant Ă des
2.
236 237 principes clairement
Ă©noncĂ©s nâest en place dans lâĂ©crit tandis que le Conseil supĂ©rieur de lâaudiovisuel (CSA) est lĂ qui se prĂ©occupe, du moins en principe ou partiellement, de la dĂ©ontologie dans ce champ en sâappuyant sur un corpus normatif propre. La loi sur lâaudiovisuel de 1986, et les modifications quâelle intĂšgre, impose des principes et assigne au CSA la mission de veiller Ă leur application. Outre des idĂ©aux â dignitĂ© humaine, libertĂ©, propriĂ©tĂ©, pluralisme des courant de pensĂ©e⊠â la loi Ă©nonce par exemple lâobligation du « respect de lâhonnĂȘtetĂ© et du pluralisme de lâinformation et des programmes ». Et prĂ©cise que la convention signĂ©e avec lâĂ©diteur, condition dâoctroi de lâautorisation dâĂ©mission, stipule les « mesures Ă mettre en Ćuvre pour garantir le caractĂšre pluraliste de lâexpression des courants de pensĂ©e et dâopinion ainsi que lâhonnĂȘtetĂ© de lâinformation [âŠ] ». Sâagissant des chaĂźnes publiques, la loi se montre encore plus prĂ©cise en leur imposant dâĂȘtre le lieu du « dĂ©bat dĂ©mocratique », des « Ă©changes entre les diffĂ©rentes parties de la population », de la « cohĂ©sion sociale » et de la « lutte contre les discriminations », toutes missions encore davantage dĂ©taillĂ©es dans leur cahier des charges3 . Si lâobligation Ă©thique reste Ă la discrĂ©tion des intĂ©ressĂ©s dans le cas de lâĂ©crit, elle revĂȘt dĂ©jĂ un caractĂšre normatif dans le cas de lâaudiovisuel du fait mĂȘme de la prĂ©sence, de lâaction et de la « jurisprudence » du CSA4 . Le mot de jurisprudence nâest dâailleurs pas trop fort et en lâoccurrence se passerait presque de guillemets : en effet, le CSA, qui nâest certes pas une instance judiciaire, ne dispose pas moins dâun pouvoir de sanction, recourable devant le Conseil dâEtat, et en use5 . De mĂȘme quâĂ©choit Ă son prĂ©sident une responsabilitĂ© dâuser, si nĂ©cessaire, de « rĂ©fĂ©rĂ© » devant la justice pour faire appliquer la loi. Ainsi se met progressivement en place, en France, un dispositif de veille Ă©thique asymĂ©trique de lâinformation. Historiquement explicable, injustifiable sur le plan des principes, il est techniquement insoutenable tandis que prend corps la convergence numĂ©rique avec dâun cĂŽtĂ© des journaux (et des radios) produisant des programmes vidĂ©o en ligne et de lâautre des services audiovisuels produisant des applications Internet Ă©crites. Les uns et les autres se situant dans un cadre juridique hors CSA â de mĂȘme, Ă cet Ă©gard, hors Haute autoritĂ© pour la diffusion des Ćuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi). On le voit, le fait quâune instance de veille dĂ©ontologique soit Ă lâĆuvre dans lâaudiovisuel ne fait que souligner la nĂ©cessitĂ© dâun texte de rĂ©fĂ©rence commun. Et si une instance de veille dĂ©ontologique commune Ă lâĂ©crit et Ă lâaudiovisuel devait voir le jour, cette derniĂšre, assurĂ©ment, ne saurait Ă©mettre des avis sans se reporter Ă un texte concernant lâensemble de la profession. Il est certes possible de penser quâune seule des chartes, parmi les cinq textes de rĂ©fĂ©rence existant dĂ©jĂ ait vocation Ă devenir la rĂ©fĂ©rence commune. Ce serait toutefois faire bon marchĂ© des efforts qui ont sous-tendus lâĂ©laboration des autres et de lâattachement dont ils font parfois lâobjet. En 2009, un groupe de travail conduit par Bruno Frappat, prĂ©sident dâhonneur du groupe Bayard presse, a proposĂ© un nouveau texte, le Code de dĂ©ontologie pour les journalistes. LâidĂ©e en avait Ă©tĂ© avancĂ©e lors des Ătats-gĂ©nĂ©raux de la presse Ă©crite de lâautomne 2008 en mĂȘme temps quâune autre : annexer ce texte Ă la Convention collective nationale de travail des journalistes (CCNTJ), câest-Ă -dire au droit du travail rĂ©glant les relations entre Ă©diteurs dâinformation de lâĂ©crit et journalistes. Le jumelage de deux dĂ©marches a contribuĂ© Ă placer le projet Frappat sur le terrain des rapports patronat de presse / syndicats de journalistes⊠oĂč il a Ă©chouĂ©. Ă lâissue dâune deuxiĂšme et derniĂšre rĂ©union de concertation le 15 juin 2011, les parties se sont quittĂ©es sur le constat quâelles nâadopteraient pas ensemble ce « Code Frappat ». Lâinitiative nĂ©anmoins nâaura pas Ă©tĂ© complĂštement vaine. Dâune part ce texte â quels que soient les dĂ©fauts que dâaucuns lui trouvent â existe et comporte des Ă©lĂ©ments originaux. Il a, dâautre part, remis le sujet sur le tapis, et au centre de celui-ci. Plusieurs acteurs de lâinformation ont ainsi avancĂ©, en 2011, sur le terrain Ă©thico-dĂ©ontologique. Parmi les initiatives, citons en deux trĂšs importantes : 1. le Syndicat national des journalistes (SNJ) a rendu public, une nouvelle actualisation (la prĂ©cĂ©dente remonte Ă 1938) de la Charte des devoirs professionnels des journalistes dont la premiĂšre version date de 1918 â mise Ă jour qui comporte, comme nous le verrons, une innovation dĂ©cisive ; 2. France tĂ©lĂ©visions a livrĂ© une Charte des antennes qui sâapplique Ă ses cinq chaĂźnes Ă©ditĂ©es dans lâHexagone ainsi quâaux neuf chaĂźnes et radios de service public dâOutre-mer. Dâune couverture ample quant au fond, cette Charte est aussi un document dâune haute tenue. Ces efforts participent dâun regain dâintĂ©rĂȘt, en France, pour les prĂ©occupations Ă©thiques et dĂ©ontologiques dont il nây a que lieu de se rĂ©jouir. Force, cependant, est de relever quâils ajoutent Ă lâexistant, au risque dâaccroĂźtre involontairement la confusion, sans combler le manque dâune rĂ©fĂ©rence unique commune. Le paradoxe dâun manque dĂ» Ă la profusion ne fait ainsi que sâaccentuer. Pouvons-nous sortir de cette logique ? Oui.
3.
238 239 Un examen
attentif des codes ou chartes Ă portĂ©e internationale ou nationale et Ă vocation tous mĂ©dias, nous enseigne en effet que ces textes : 1. ne se contredisent pas et 2. quâils se complĂštent. Il est dĂšs lors envisageable dâen rĂ©aliser une synthĂšse. En fait, si celle-ci est pro- fessionnellement utile et principiellement possible, il est moralement nĂ©cessaire de la tenter et probablement opportune. Les cinq textes qui sâadressent Ă tout journaliste dans lâHexagone sont, dans lâordre chronologique de leur premiĂšre version : 1. la Charte dâĂ©thique professionnelle des journalistes du SNJ dĂ©jĂ citĂ©e ; 2. la DĂ©claration de principe sur la conduite des journalistes de la FĂ©dĂ©ration internationale des journalistes (FIJ) de 1954, rĂ©visĂ©e en 1986 ; 3. la DĂ©claration des devoirs et des droits des journalistes Ă©laborĂ©e en 1971 Ă Munich par un collĂšge, de syndicats principalement, international ; 4. la Charte QualitĂ© de lâinformation Ă©laborĂ©e, en 2008, Ă la faveur des Assises internationales du journalisme de Lille par un groupe de travail pluriel ; 5. le projet de Code de dĂ©ontologie pour les journalistes proposĂ© par le comitĂ© des onze « sages » rĂ©unis donc par Bruno Frappat. Pour plus de commoditĂ©, nous les nommerons ici Ă la suite : SNJ, FIJ, Munich, QualitĂ© et ComitĂ©. Les chartes et codes ne se contredisent pas car ils sont tous fondĂ©s sur le mĂȘme principe de responsabilitĂ©. Ce principe â celui de lâinformation du public â est posĂ© comme Ă©tant transcendant au journaliste, câest-Ă -dire quâil sâimpose Ă lui sans restriction ni aucune possibilitĂ© de nĂ©gocier un quelconque amĂ©nagement. Il dĂ©termine aussi lâensemble de son action : â « Le droit du public Ă une information de qualitĂ©, complĂšte, libre, indĂ©pendante et pluraliste, [âŠ] guide le journaliste dans lâexercice de sa mission. Cette responsabilitĂ© vis-Ă -vis du citoyen prime sur toute autre » (SNJ) ; â « La prĂ©sente dĂ©claration internationale Ă©nonce les rĂšgles de conduite des journalistes dans la recherche, la transmission, la diffusion et le commentaire des nouvelles et de lâinformation lorsquâils rendent compte dâĂ©vĂ©nements. Respecter la vĂ©ritĂ© et le droit que le public a de la connaĂźtre constitue le premier devoir du journaliste » (FIJ) ; â « Le droit Ă lâinformation, Ă la libre expression et Ă la critique est une des libertĂ©s fondamentales de tout ĂȘtre humain. De ce droit du public Ă connaĂźtre les faits et les opinions procĂšde lâensemble des devoirs et des droits des journalistes » (Munich) ; â « Le droit Ă l'information est une libertĂ© fondamentale de tout ĂȘtre humain, comme le droit Ă la critique et Ă la libre expression [âŠ]. Le droit du public Ă une information de qualitĂ© fonde la lĂ©gitimitĂ© du travail des journalistes [âŠ] » (QualitĂ©) ;
4.
238 239 â «
Le journaliste a pour fonction de rechercher, pour le public, des informations, de les vĂ©rifier, de les situer dans un contexte, de les hiĂ©rarchiser, de les mettre en forme, et Ă©ventuellement de les commenter, afin de les diffuser, sous toute forme et sur tout support » (ComitĂ©). Le droit du public Ă ĂȘtre informĂ© est la clef de voĂ»te commune des chartes et dĂ©cide des prĂ©rogatives et obligations incombant aux journalistes Ă©noncĂ©es Ă la suite dans ces textes. Avant dâen examiner quelques-unes, une autre observation capitale sâimpose qui rend justice dâavoir citĂ©, ci-dessus, les extraits SNJ et Assises en les tronquant. Dans ces deux chartes en effet, ce droit fondateur du public est indexĂ© Ă un autre texte de rĂ©fĂ©rence dans le document SNJ, Ă deux autres textes dans le document Assises. Lâun leur est commun, la DĂ©claration des droits de lâhomme et du citoyen. Assises se rĂ©fĂšre en outre Ă la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits de lâhomme et des libertĂ©s fondamentale. Ces rĂ©fĂ©rences rĂ©centes â 2011 pour SNJ, 2008 pour QualitĂ© â constituent des innovations majeures puisquâelles Ă©tablissent un lien explicite entre la vocation et la pratique du journalisme dans la CitĂ© et les deux textes les plus fondamentaux du droit gĂ©nĂ©ral qui les concerne. La DĂ©claration est partie intĂ©grante de la Constitution de la RĂ©publique française ; la Convention, Ă travers son application par la Cour europĂ©enne des droits de lâhomme (CEDH) du Conseil de lâEurope, donne dĂ©sormais le « la » aux prĂ©toires nationaux, des tribunaux jusquâĂ la Cour de cassation. Une rĂ©alitĂ© qui vaut aussi pour le Conseil dâĂtat ou du Conseil constitutionnel lorsque ceux-ci apprĂ©cient la conformitĂ© dâun texte lĂ©gislatif ou rĂ©glementaire. Asseoir lâĂ©thique journalistique selon les principes de ces deux textes en revient Ă la placer dans la perspective la plus cohĂ©rente possible, voire la plus pertinente. DâoĂč le caractĂšre dĂ©cisif de leur mention qui, en outre, indiquent trĂšs prĂ©cisĂ©ment par quel biais lâĂ©thique des professionnels de lâinformation se rattache au droit commun de la CitĂ©. Si les chartes ne se contredisent pas quant Ă leur inspiration- source, comment sâassurer quâil en va de mĂȘme sur tous les points et Ă quelles conditions peut-on estimer quâelles se complĂštent dans la perspective de leur synthĂšse ? La mĂ©thode sâimpose dâelle-mĂȘme ; en voici les trois grands principes : 1. rapprocher tous les passages portant sur un mĂȘme thĂšme ; 2. comparer afin de valider leur communautĂ© de vue et/ou apprĂ©cier leur nuance ; 3. rĂ©diger un texte synthĂ©tique. Lâapplication de ces principes se heurte toutefois Ă deux difficultĂ©s : les questions communes Ă plusieurs textes ne sont pas traitĂ©es dans le mĂȘme ordre ; elles nâapparaissent non plus forcĂ©ment dans un mĂȘme contexte. Cela implique que pour opĂ©rer un rapprochement
5.
240 241 entre passages
affĂ©rents Ă un mĂȘme thĂšme, il faille dĂ©couper chaque texte-source en autant dâĂ©lĂ©ments sĂ©parĂ©s ou sĂ©parables. Et pour Ă©viter de se retrouver rapidement avec des bribes dont on ne saurait plus lâorigine, il est nĂ©cessaire dâindexer chaque Ă©lĂ©ment. Exemple empruntĂ© Ă SNJ : 1. « Le droit du public Ă une information de qualitĂ©, complĂšte, libre, indĂ©pendante et pluraliste, rappelĂ© dans la DĂ©claration des droits de lâhomme et la Constitution française, guide le journaliste dans lâexercice de sa mission » ; 2. « Cette responsabilitĂ© vis-Ă -vis du citoyen prime sur toute autre » ; 3. « Ces principes et les rĂšgles Ă©thiques ci-aprĂšs engagent chaque journaliste, quelles que soient sa fonction, sa responsabilitĂ© au sein de la chaĂźne Ă©ditoriale et la forme de presse dans laquelle il exerce. Cependant, » ; 4. « la responsabilitĂ© du journaliste ne peut ĂȘtre confondue avec celle de lâĂ©diteur, ni dispenser ce dernier de ses propres obligations ». Nous voyons ici que le travail de segmentation-indexation relĂšve nĂ©cessairement dâune interprĂ©tation, quâil est donc, comme tel, passible de plusieurs options. Le problĂšme cardinal est la confrontation avec des Ă©noncĂ©s qui regroupent plusieurs idĂ©es. Certains scandent mĂȘme toute une Ă©numĂ©ration. Lorsque deux idĂ©es sont aisĂ©ment sĂ©parables, nous les avons donc distinguĂ©es comme dans les items 3 et 4 ci-dessus. Dans dâautres cas, oĂč la sĂ©paration paraĂźt sâimposer mais avec moins de nettetĂ©, nous avons optĂ© pour une indexation qui signe nĂ©anmoins la co-appartenance originelle des idĂ©es entre elles. Exemple, Ă propos de SNJ : 5.a. « Le journalisme consiste Ă rechercher, vĂ©rifier, » ; 5.b. « situer dans son contexte, hiĂ©rarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualitĂ©. » La sĂ©paration sâimpose parce que les tĂąches portent sur la collecte de lâinformation (5.a.) ou sur son traitement (5.b.) ; les deux gestes prenant bien sĂ»r place lâun Ă la suite de lâautre. Mais, Ă ce titre ils sont susceptibles dâĂȘtre accomplis par des personnes diffĂ©rentes, dans des contextes diffĂ©rents, etc. Dâautres dĂ©clinaisons nous ont paru mĂ©riter dâĂȘtre distinguĂ©es plus franchement. Telle celle qui, dans SNJ, figure Ă la suite dâune formule gĂ©nĂ©rique cĂ©lĂšbre : 16. « Câest dans ces conditions quâun journaliste digne de ce nom : » ;
6.
240 241 17. «
Prend la responsabilitĂ© de toutes ses productions professionnelles, mĂȘmes anonymes ; » ; 18. « Respecte la dignitĂ© des personnes et » ; 19. « la prĂ©somption dâinnocence ; ». Mais, Ă nouveau, au sein mĂȘme de cette longue dĂ©clinaison, nous rencontrons une Ă©numĂ©ration dont nous maintenons les Ă©lĂ©ments groupĂ©s : 20 « [(âŠ) Un journaliste digne de ce nom] tient lâesprit critique, la vĂ©racitĂ©, lâexactitude, lâintĂ©gritĂ©, lâĂ©quitĂ©, lâimpartialitĂ©, pour les piliers de lâaction journalistique ; (âŠ) » ; Toutes ces options dâindexation peuvent paraĂźtre bien secondaires... Elles le seraient si dâelles ne dĂ©pendait la possibilitĂ© ultĂ©rieure dâopĂ©rer une synthĂšse. Car les textes-sources diffĂšrent surtout par la maniĂšre dont ils agrĂšgent leurs idĂ©es. Aligner leurs points communs et leurs diffĂ©rences suppose donc de porter le fil du tranchant au meilleur endroit. La segmentation-indexation accomplie, le rapprochement des principes et des prĂ©ceptes communs devient possible. Il prĂ©suppose cependant encore la construction dâune taxinomie thĂ©matique. Rapprocher deux prĂ©ceptes signifie en effet leur assigner un mĂȘme emplacement, distinct dâun autre, et de nommer cet emplacement. SNJ 5.a. par exemple a vocation Ă figurer aux cĂŽtĂ©s de Munich 8.c. qui Ă©voquent tous deux la prise en compte des sources dans lâĂ©tape de la collecte de lâinformation. SNJ 5.b. doit rejoindre Munich 8.a. qui affirment, chacun Ă leur maniĂšre, la primautĂ© du rĂ©el dans le traitement de lâinformation. La taxinomie Ă Ă©laborer doit donc Ă la fois ĂȘtre inspirĂ©e par les contenus des textes-sources et, en retour, sâimposer Ă eux comme la structure Ă lâintĂ©rieur de laquelle ils sont distribuĂ©s. Quitte Ă modifier lâordre initial dans lequel les principes sont Ă©noncĂ©s dans leur texte dâorigine respectif. Seul compte le fond. Parmi les cinq textes-sources, seuls deux â QualitĂ© et ComitĂ© â prĂ©sentent un dĂ©coupage thĂ©matique en quatre sous-titres suggĂ©rant une taxinomie ; soit, respectivement : â « Principes / Recherche et traitement de lâinformation / IndĂ©pendance / Respect des personnes et du public » ; â « Le mĂ©tier de journaliste / Le recueil et le traitement de lâinformation / La protection du droit des personnes / LâindĂ©pendance du journaliste ». Nous avons, quant Ă nous, abouti Ă une taxinomie plus dĂ©taillĂ©e, pour une raison simple : lâeffet dâaddition du rapprochement des cinq textes provoque un trop-plein qui appelle un ordonnancement plus articulĂ© que celui des textes dâorigine qui, nous insistons sur ce
7.
242 243 Taxinomie thématique Textes des
codes et chartes sources SynthĂšse des codes et chartes Remarques sur la synthĂšse Propositions dâajouts Ă la synthĂšse point, ont tendance Ă agrĂ©ger les notions. Elle se dĂ©cline en 11 parties principales, dont deux comportent des sous-parties, soit : I. Le droit citoyen Ă lâinformation ; II. IndissociabilitĂ© du journalisme et de lâĂ©dition ; III. La responsabilitĂ© des mĂ©dias ; IV. LâaccĂšs Ă lâinformation ; V. LâautoritĂ© Ă©ditoriale ; VI. La collecte de lâinformation ; 1. prise en compte des sources 2. rapport avec les informateurs VII. Le traitement Ă©ditorial de lâinformation ; 1. primautĂ© de la fidĂ©litĂ© au rĂ©el 2. le respect des personnes VIII. Le suivi de la publication ; IX. La sĂ©curitĂ© ; X. Lâengagement spĂ©cifique des journalistes professionnels ; XI. La reddition de comptes. Cette approche repose sur deux clefs : elle va du principe le plus large au plus sĂ©riĂ© et/ou suit lâordre chronologique dâĂ©laboration de lâinformation, de sa collecte aux consĂ©quences de la publication. La synthĂšse dĂ©taille ainsi davantage les enjeux aux diffĂ©rentes Ă©tapes de la chaĂźne de travail et se propose comme un outil plus proche de la pratique quotidienne. Les prĂ©ceptes communs des cinq chartes prĂ©alablement segmentĂ©s et indexĂ©s, sont donc rapprochĂ©s selon une taxinomie thĂ©matique, puis reportĂ©s dans un tableau qui en autorise une vision dâensemble. En voici les entrĂ©es en ordonnĂ©e : Dans chacun des textes-sources, une prĂ©occupation se dessine de façon certes feutrĂ©e. Câest le fait selon lequel la fourniture dâinformation au public procĂšde Ă la fois de lâaction des journalistes et de celle dâĂ©diteurs de mĂ©dias. Le point peut passer pour acquis et banal. Voire comme une Ă©vidence, pour ainsi dire catĂ©gorielle, sur laquelle il ne serait pas vraiment nĂ©cessaire de sâarrĂȘter. Il mĂ©rite que lâon sây attarde pourtant comme le fait ressortir le regard lorsquâil porte sur lâensemble des extraits lâabordant. Leur lecture montre quâil y a lĂ un vĂ©ritable enjeu. Dans les textes SNJ et Munich, la question est traitĂ©e, comme cela est comprĂ©hensible, dâune maniĂšre oĂč les prĂ©occupations syndicales sont perceptibles. Câest seulement dans QualitĂ© quâelle est formulĂ©e comme une rĂ©alitĂ© de principe importante Ă souligner. Une position similaire sâesquisse dans ComitĂ© mais en creux : ici, journalistes et Ă©diteurs ont chacun « leur mĂ©tier », façon de dire que câest seulement la mobilisation de ces deux mĂ©tiers, selon une coopĂ©ration sur laquelle on ne sâĂ©tend pas, qui permet de produire et de livrer lâinformation. Ămerge ainsi, par la vertu des rapprochements et de la comparaison, un fait bien connu mais dont les contours restent le plus souvent flous : celle de la double nature de tout mĂ©dia qui fait de lui Ă la fois une entreprise intĂ©ressĂ©e et le lieu dâune mission dĂ©sintĂ©ressĂ©e Ă lâadresse du public. Une double nature dont les points de contact reprĂ©sentent une zone sensible refoulĂ©e â nous avons vu briĂšvement plus haut, comment les acteurs du groupe Le Monde se sont efforcĂ©s dâĂ©tablir des rĂšgles du jeu claires. Sâils ont pu et dĂ» le faire, câest Ă la « faveur », si lâon peut dire, du bouleversement historique quâa constituĂ© la vente du Monde Ă des actionnaires afin de garantir lâindĂ©pendance que la rĂ©daction risquait de perdre. Voyons comment cette complĂ©mentaritĂ© organique entre lâentreprise et lâĂ©diteur dâun cĂŽtĂ©, lâinformation et le journaliste de lâautre, affleure dans le tableau. Et comment la synthĂšse apparaĂźt comme lâoccasion de dire les choses plus franchement et dans quelle mesure cette franchise apparaĂźt en mĂȘme temps comme une nĂ©cessitĂ©. (Les textes-sources sont citĂ©s selon ces abrĂ©viations : S pour SNJ, F pour FIJ (sans occurrences dans ce premier exemple), M pour Munich, Q pour QualitĂ© et C pour ComitĂ©). En abscisse, devant les cases ouvertes par chacune des 11 parties thĂ©matiques sont rangĂ©s les contenus. Cette mise en forme est riche dâenseignement guidant la rĂ©daction des articles de synthĂšse. En premier lieu, la juxtaposition permet de mettre un thĂšme en relief. Prenons un exemple.
8.
244 245 II. Indissocia- bilité
du journal- isme et de lâĂ©dition S 3 Ces principes et les rĂšgles Ă©thiques ci-aprĂšs engagent chaque journali- ste, quelles que soient sa fonction, sa responsabilitĂ© au sein de la chaĂźne Ă©ditoriale et la forme de presse dans laquelle il exerce. S 4 La responsabilitĂ© du journaliste ne peut ĂȘtre confondue avec celle de lâĂ©diteur, ni dispenser ce dernier de ses propres obligations. S 8 Il ne peut y avoir de respect des rĂšgles dĂ©ontologiques sans mise en Ćuvre des conditions dâexercice quâelles nĂ©cessitent. M 6 Mais ces devoirs ne peuvent ĂȘtre effectivement respectĂ©s dans lâexercice de la profession de journali- ste que si les conditions concrĂštes de lâindĂ©pendance et de la dignitĂ© profes- sionnelle sont rĂ©alisĂ©es. Q 11 Le mĂ©dia est le produit que fab- riquent ensemble Ă©diteurs et journali- stes pour diffuser des informations Ă destination dâun public. Q 12 Il ne peut y avoir de mĂ©dias dâinformation sans journalistes pro- fessionnels regroupĂ©s au sein dâune rĂ©daction et sans Ă©diteurs. Q 13 La mission essentielle que parta- gent les journalistes et les Ă©diteurs est â en toute indĂ©pendance â de per- mettre Ă leurs concitoyens de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent pour y agir en connaissance de cause. Q 14 LâĂ©diteur et la collectivitĂ© des journalistes dĂ©finissent en concerta- tion les objectifs Ă©ditoriaux auxquels ils souscrivent ainsi que les moyens de les mettre en Ćuvre. Q 15 Ce « contrat Ă©ditorial » fonde la relation de confiance entre eux et avec le public. C 4 Les journalistes et les respon- sables Ă©ditoriaux placent au cĆur de leur mĂ©tier le droit du public Ă une information de qualitĂ©. 4. La rĂ©alisa- tion et la diffusion dâun mĂ©dia est un acte dâĂ©dition et de journal- isme. 5. Il engage, notamment Ă travers ses choix Ă©ditoriaux, chacun de ses acteurs, individuelle- ment et col- lectivement, vis-Ă -vis du public citoyen et au sein de sa communau- tĂ© professi- onnelle. Le contenu de cet article et sa place Ă©levĂ©e en 4e position se justifie double- ment : - ce sont les mĂ©dias qui sont recon- nus par la Constitu- tion (et non Nous voyons comment lâeffort de synthĂšse, en lâoccurrence, conduit Ă suivre plutĂŽt la formulation avancĂ©e par QualitĂ© qui se donne comme disant nettement ce que disent aussi sotto voce SNJ et ComitĂ©. A contrario, dans une synthĂšse, la suggestion de « âcontrat Ă©ditorialâ » avancĂ©e par le seul texte-source QualitĂ© ne saurait ĂȘtre suivie puisque les autres textes nâen soufflent mot. Dans dâautres cas, la synthĂšse suggĂšre aussi quâil serait probablement opportun de « mettre les points sur les i », sans pour autant que les textes-sources nâaillent aussi loin. Raison pour laquelle nous avons mĂ©nagĂ© dans le tableau-matrice un espace Ă part (la 5e colonne) oĂč des propositions dâajouts ont Ă©tĂ© faites. IndexĂ©es par des lettres, celles-ci (elles sont sept au total) sont nettement distinctes.
9.
244 245 IV. LâaccĂšs Ă
lâinfo. S 14 [Le jour- naliste] a accĂšs Ă toutes les sources dâinformation con- cernant les faits qui conditionnent la vie publique. M 15 Les journali- stes revendiquent le libre accĂšs Ă toutes les sources dâinformation et le droit dâenquĂȘter li- brement sur tous les faits qui condition- nent la vie publique. M 16 Le secret des affaires publiques ou privĂ©es ne peut en ce cas ĂȘtre opposĂ© au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimĂ©s. Q 16.c. [Les valeurs fondamentales de la vie dĂ©mocratique fondent la prĂ©sente « Charte de la qualitĂ© de lâinformation » :] le devoir de publier ce qui est dâintĂ©rĂȘt public. 8. Le journaliste a vocation Ă accĂ©der Ă toutes les informa- tions qui concern- ent la vie publique. Un com- plĂ©ment (proposition A ci-contre) pourrait ĂȘtre apportĂ© afin dâassumer clairement que jour- nalistes et Ă©diteurs sâautorisent â pour les motifs et dans les limites avancĂ©s tout au long de cette synthĂšse â Ă sâaffranchir des rĂšgles de confidenti- alitĂ© qui leurs sont souvent opposĂ©es et qui brident la nĂ©cessaire information du public et nuisent Ă lâintĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral. A. (A la suite de 8) LâintĂ©rĂȘt su- pĂ©rieur du droit Ă lâinformation de la collectivitĂ© des citoyens est le critĂšre sur lequel le jour- naliste se fonde pour rompre, si nĂ©cessaire, le secret observĂ© parmi les acteurs des secteurs privĂ© et public.
10.
246 247 Au total,
la synthĂšse que nous avons esquissĂ©e ici contient 54 articles (compte non tenu des sept propositions additionnelles). Sans doute dâautres options de travail auraient-elles pu ĂȘtre retenues ; dâautres formulations synthĂ©tiques sont certainement envisageables. Le seul point qui nous paraĂźt Ă ce stade acquis est quâune synthĂšse, dont nous avons montrĂ© quâelle serait utile, est certainement possible. LâhypothĂšse de la compatibilitĂ© des valeurs Ă©noncĂ©es par chacun des cinq textes-sources, quoi quâil en soit, est vĂ©rifiĂ©e. Sâils le veulent, journalistes et Ă©diteurs pourraient se doter dâun texte de rĂ©fĂ©rence commun sans que quiconque â point dĂ©cisif â nâait de concession Ă consentir sur le fond. En guise de conclusion, nous voudrions souligner lâimportance de lâenjeu. Formellement, les chartes nâont pas de pouvoir normatif au sens oĂč elles seraient prĂ©vues par une loi ou un rĂšglement quâelles viendraient complĂ©ter. Elles se prĂ©sentent donc comme un dispositif professionnel non contraignant auquel chacun peut se rĂ©fĂ©rer librement, et qui nâest juridiquement opposable Ă quiconque. Dans les pays, ou dans les rĂ©gions, oĂč siĂšgent un conseil de presse, celui sâadosse sur un tel texte de rĂ©fĂ©rence. Ce nâest donc pas (encore ?) le cas en France. Pour autant, les chartes ne revĂȘtent pas une valeur purement informelle. Lorsquâon Ă©voque lâĂ©thique ou la dĂ©ontologie professionnelle des journalistes et des Ă©diteurs dâinformation, câest Ă elles que lâon fait rĂ©fĂ©rence. Et le plus souvent, implicitement, Ă la plus ancienne, celle du SNJ, ou Ă la plus internationale, celle de Munich. Il est nĂ©cessaire de relever que ces Ă©vocations ne surgissent pas seulement dans les discours courants de ceux qui sâintĂ©ressent Ă la question ; elles apparaissent aussi dans le corps mĂȘme du droit rĂ©galien comme celui du droit prĂ©torien. La loi relative Ă lâinformatique, aux fichiers et aux libertĂ©s par exemple, autorise, au bĂ©nĂ©fice des journalistes, des dĂ©rogations aux obligations ou limitations sâimposant Ă tout un chacun. La dĂ©tention, dans une rĂ©daction, de fichiers mentionnant des informations sur « les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou lâappartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives Ă la santĂ© ou Ă la vie sexuelle de celles-ci » est autorisĂ©e. Mais, prĂ©cise la loi, « dans le respect des rĂšgles dĂ©ontologiques de cette profession6 ». Les « rĂšgles dĂ©ontologiques » de la profession... mais quelles rĂšgles ? Celles dĂ©coulant de cette Ă©thique quâĂ©voque seulement passim, mais non sans solennitĂ©, la Convention collective nationale de travail des journalistes : « Les parties reconnaissent lâimportance dâune Ă©thique professionnelle et lâintĂ©rĂȘt que celle-ci reprĂ©sente pour une bonne information du public7 ». JusquâoĂč va cette reconnaissance ? Pour lâheure, elle ne va pas plus loin. Certainement pas aussi loin que le souhaiteraient le Conseil constitutionnel ou la Cour europĂ©enne de justice du Conseil de lâEurope qui citent souvent, dans leurs arrĂȘts, cette « dĂ©ontologie » dont il nâexiste nul exposĂ© unanimement admis par la profession. Le droit, dĂ©sormais, appelle une charte de rĂ©fĂ©rence commune que les chartes existantes sont parfaitement Ă mĂȘme de nourrir n Notes * Cet article rend compte de lâĂ©tude « SynthĂšse des chartes et codes nationaux » remise en septembre 2011 Ă lâAssociation de prĂ©figuration dâun conseil de presse en France (APCP â http://apcp.unblog.fr) dont lâauteur est membre. Ni lâarticle, ni lâĂ©tude nâengagent lâAPCP. Pour le dĂ©tail de cette synthĂšse, voir la partie « Annexe ». 1. Cf les sites de lâAlliance internationale de journalistes <http://panorama.alliance- journalistes.net/archives2010/fr/> (onglet « Questions/RĂ©ponses), ou celui des Assises internationales du journalisme <www.journalisme.com>. 2. Ceci doit ĂȘtre entendu ici : Ă chaque fois que nous Ă©voquons les chartes Ă©thiques, nous avons en vue le fait quâelles concernent Ă la fois les journalistes, artisans de lâinformation, et les Ă©diteurs des mĂ©dias responsables de leur cadre de travail et le plus souvent de la politique Ă©ditoriale, et qui endossent Ă©galement la responsabilitĂ© juridique de directeur de publication. 3. Respectivement : articles 1, 28 et 33-1, 43-11 de la loi du 30 septembre 1986 et dĂ©cret du 23 juin 2009. 4. Ăthique, dĂ©ontologie... quelle est la nuance ? Voici celle que nous faisons : lâĂ©thique se tient (ou ne se tient pas !) dans lâinspiration des journalistes et des Ă©diteurs de lâinformation, la dĂ©ontologie en est le versant perceptible par le public. De lâune Ă lâautre, prend place la pratique. 5. Lire Ă ce propos le Bilan de lâactivitĂ© du groupe de travail « DĂ©ontologie des contenus audiovisuels. AnnĂ©e 2010 » et/ou le rapport dâactivitĂ© de la mĂȘme annĂ©e, documents disponibles sur le site du CSA <www.csa.fr>. 6. Loi du 6 janvier 1978, article 67, 2°. 7. Article 1, 3°.
11.
248 249 Annexe SynthĂšse des
chartes et codes de dĂ©ontologie (par Ăric RODHE) INTRODUCTION Cette initiative provient dâun constat : les chartes ou codes Ă vocation nationale, en vigueur ou en projet, ne se contredisent pas. Ils se distinguent essentiellement par le champ quâils couvrent et par certaines prĂ©occupations propres Ă leurs artisans. Souvent, ils sont redondants. En rĂ©sumĂ©, il est possible de les tenir : 1. comme puisant Ă une mĂȘme source de valeurs ; 2. comme complĂ©mentaires. DĂšs lors, rien ne sâoppose Ă la tentation de les concilier dans une synthĂšse. On peut ajouter que dans la mesure oĂč celle-ci est envisageable, cet effort sâimpose tant notre profession a besoin de repĂšres qui seraient communĂ©ment admis. Câest une tentative de ce genre qui est proposĂ©e ici. Quelques prĂ©cisions sur la dĂ©marche suivie : 1. Nous nous en sommes tenu Ă cinq textes de rĂ©fĂ©rence ; dans lâordre chronologique de leur primo-Ă©laboration : â la Charte dâĂ©thique professionnelle des journalistes du SNJ, dont la premiĂšre version date de 1918 et la 3e, derniĂšre en date, de mars 2011 ; â la DĂ©claration de principe sur la conduite des journalistes de la FĂ©dĂ©ration internationale des journalistes (FIJ) de 1954, rĂ©visĂ©e en 1986 ; â la DĂ©claration des devoirs et des droits des journalistes Ă©laborĂ©e en 1971 Ă Munich par un collĂšge professionnel syndical international ; â la Charte QualitĂ© de lâinformation Ă©laborĂ©e, en 2008, Ă la faveur des Assises internationales du journalisme de Lille par un collĂšge professionnel pluriel ; â le projet de Code de dĂ©ontologie pour les journalistes proposĂ© en octobre 2009 par un « ComitĂ© des sages » rĂ©uni Ă la suite des Etats-gĂ©nĂ©raux de 2008 et prĂ©sidĂ© par Bruno Frappat. 2. Notre premiĂšre tĂąche a Ă©tĂ© dâindexer les principes avancĂ©s par ces textes. Pour plusieurs raisons. En premier lieu, chacun dâentre eux ne numĂ©rote pas les dĂ©clinaisons de son contenu. Or, semblable numĂ©rotation est un outil de repĂ©rage indispensable. Câest notamment le seul moyen de vĂ©rifier ce qui est pris en compte ou non dans la synthĂšse et Ă quel emplacement. Cependant, lâindexation rĂ©pond Ă un besoin plus fondamental qui dĂ©coule de la structure des textes-sources prĂ©sentant presque dans tous les cas deux dĂ©fauts. Que les contenus fassent ou non lâobjet dâune numĂ©rotation, ils sont dĂ©clinĂ©s dans des paragraphes qui abordent souvent des notions diffĂ©rentes ressortissant de problĂ©matiques parfois assez Ă©loignĂ©es (mĂȘme si lâon admet que, en dĂ©finitive, tout se tient...). Dans trois cas sur cinq, les principes Ă©noncĂ©s ne le sont pas selon une segmentation ordonnĂ©e thĂ©matiquement. Dans les deux autres cas, les thĂšmes sont trĂšs gĂ©nĂ©raux. Si bien que mĂȘme en lisant ces textes plusieurs fois de suite attentivement, le lecteur nâest pas en mesure de se faire une idĂ©e satisfaisante de ce quâils ont en commun et de ce qui les distinguent. Il est probable que cet exercice dĂ©soriente les confrĂšres Ă la recherche dâidĂ©es claires et prĂ©cises. Le mode dâindexation que nous avons retenu est le plus simple possible : il consiste Ă attribuer un numĂ©ro dâordre Ă chaque idĂ©e et cela en conservant, dans un premier temps, lâordre de la rĂ©daction. Ce sont ces textes indexĂ©s qui figurent dans la section II de ce rapport. 3. Notre deuxiĂšme tĂąche a Ă©tĂ© dâĂ©laborer â il est important de le souligner, Ă partir des textes-sources eux-mĂȘmes â une taxinomie thĂ©matique. Câest elle qui constitue lâentrĂ©e n°1 du tableau de la section III. La fonction de cette matrice est cruciale. ComposĂ© de 13 parties, cela signifie quâautant de questions distinctes ont Ă©tĂ© identifiĂ©es. Bien quâĂ©videmment liĂ©es entre elles, cela signifie nĂ©anmoins quâil y a autant dâenjeux diffĂ©rents Ă prendre en compte. Câest devant chacun des thĂšmes que nous avons distribuĂ© les contenus des textes-sources prĂ©alablement segmentĂ©s. Exercice qui permet de faire ressortir ce que ces textes ont en commun tout en faisant apparaĂźtre leurs nuances. La taxinomie et les regroupements en provenance des textes-sources ont dictĂ© les articles de synthĂšse avancĂ©s ici. Dans quelque cas, ils sont accompagnĂ©s de remarques. Le rapporteur sâest aussi autorisĂ© dâajouter quelques propositions (indexĂ©es de façon diffĂ©rente de A Ă G). 4. Nous nous sommes efforcĂ© de reporter dans notre tableau matriciel la totalitĂ© des propositions avancĂ©es par chacun des cinq textes-sources. Tout, cependant, nây figure pas. Nous prenons notre lecteur Ă tĂ©moin, quâil sâagisse soit dâĂ©lĂ©ments redondants Ă lâintĂ©rieur dâun mĂȘme texte, soit de quelque phrases « chevilles » quâune synthĂšse ne se devait pas forcĂ©ment de reprendre, soit dâĂ©lĂ©ments qui peuvent passer comme allant dâeux-mĂȘmes dans le contexte de cette Ă©laboration, voire comme Ă©tant largement entĂ©rinĂ©s dans ce cadre.
12.
250 251 TEXTES-SOURCES INDEXĂS Charte
dâĂ©thique professionnelle des journalistes SNJ, 1918, 3e version de mars 2011 1. Le droit du public Ă une information de qualitĂ©, complĂšte, libre, indĂ©pendante et pluraliste, rappelĂ© dans la DĂ©claration des droits de lâhomme et la Constitution française, guide le journaliste dans lâexercice de sa mission. 2. Cette responsabilitĂ© vis-Ă -vis du citoyen prime sur toute autre. 3. Ces principes et les rĂšgles Ă©thiques ci-aprĂšs engagent chaque journaliste, quelles que soient sa fonction, sa responsabilitĂ© au sein de la chaĂźne Ă©ditoriale et la forme de presse dans laquelle il exerce. Cependant... 4. ... la responsabilitĂ© du journaliste ne peut ĂȘtre confondue avec celle de lâĂ©diteur, ni dispenser ce dernier de ses propres obligations. 5.a. Le journalisme consiste Ă rechercher, vĂ©rifier, 5.b. situer dans son contexte, hiĂ©rarchiser, mettre en forme, commenter et publier une information de qualitĂ© ; 6. il ne peut se confondre avec la communication. 7. Son exercice demande du temps et des moyens, quel que soit le support. 8. Il ne peut y avoir de respect des rĂšgles dĂ©ontologiques sans mise en Ćuvre des conditions dâexercice quâelles nĂ©cessitent. 9. La notion dâurgence dans la diffusion dâune information ou dâexclusivitĂ© ne doit pas lâemporter sur le sĂ©rieux de lâenquĂȘte et la vĂ©rification des sources. 10. La sĂ©curitĂ© matĂ©rielle et morale est la base de lâindĂ©pendance du journaliste. 11. Elle doit ĂȘtre assurĂ©e, quel que soit le contrat de travail qui le lie Ă lâentreprise. Lâexercice du mĂ©tier Ă la pige bĂ©nĂ©ficie des mĂȘmes garanties que celles dont disposent les journalistes mensualisĂ©s. 12. Le journaliste ne peut ĂȘtre contraint Ă accomplir un acte ou exprimer une opinion contraire Ă sa conviction ou sa conscience professionnelle, ni aux principes et rĂšgles de cette charte. 13. Le journaliste accomplit tous les actes de sa profession (enquĂȘte, investigations, prise dâimages et de sons, etc.) librement, 14. a accĂšs Ă toutes les sources dâinformation concernant les faits qui conditionnent la vie publique et 15. voit la protection du secret de ses sources garantie. 16. Câest dans ces conditions quâun journaliste digne de ce nom : 17. Prend la responsabilitĂ© de toutes ses productions professionnelles, mĂȘmes anonymes ; 18. Respecte la dignitĂ© des personnes et 19. la prĂ©somption dâinnocence ; 20. Tient lâesprit critique, la vĂ©racitĂ©, lâexactitude, lâintĂ©gritĂ©, lâĂ©quitĂ©, lâimpartialitĂ©, pour les piliers de lâaction journalistique ; 21. Tient lâaccusation sans preuve, lâintention de nuire, lâaltĂ©ration des documents, la dĂ©formation des faits, le dĂ©tournement dâimages, le mensonge, la manipulation, la censure et lâautocensure, la non-vĂ©rification des faits, pour les plus graves dĂ©rives professionnelles. 22. Exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations dâoĂč quâelles viennent. 23. Dispose dâun droit de suite, qui est aussi un devoir, sur les informations quâil diffuse et 24. fait en sorte de rectifier rapidement toute information diffusĂ©e qui se rĂ©vĂšlerait inexacte. 25. Nâaccepte en matiĂšre de dĂ©ontologie et dâhonneur professionnel que la juridiction de ses pairs ; 26. rĂ©pond devant la justice des dĂ©lits prĂ©vus par la loi. 27. DĂ©fend la libertĂ© dâexpression, dâopinion, de lâinformation, du commentaire et de la critique. 28. Proscrit tout moyen dĂ©loyal et vĂ©nal pour obtenir une information. 29. Dans le cas oĂč sa sĂ©curitĂ©, celle de ses sources ou la gravitĂ© des faits lâobligent Ă taire sa qualitĂ© de journaliste, il prĂ©vient sa hiĂ©rarchie et en donne dĂšs que possible explication au public. 30. Ne touche pas dâargent dans un service public, une institution ou une entreprise privĂ©e oĂč sa qualitĂ© de journaliste, ses influences, ses relations seraient susceptibles dâĂȘtre exploitĂ©es. 31. Nâuse pas de la libertĂ© de la presse dans une intention intĂ©ressĂ©e. 32. Refuse et combat, comme contraire Ă son Ă©thique professionnelle, toute confusion entre journalisme et communication. 33. Cite les confrĂšres dont il utilise le travail, 34. ne commet aucun plagiat. 35. Ne sollicite pas la place dâun confrĂšre en offrant de travailler Ă des conditions infĂ©rieures. 36. Garde le secret professionnel et protĂšge les sources de ses informations. 37. Ne confond pas son rĂŽle avec celui du policier ou du juge.
13.
252 253 â DĂ©claration
des droits de lâhomme et du citoyen (article XI) : « La libre communication des pensĂ©es et des opinions est un des droits les plus prĂ©cieux de lâHomme : tout Citoyen peut donc parler, Ă©crire, imprimer librement, sauf Ă rĂ©pondre de lâabus de cette libertĂ©, dans les cas dĂ©terminĂ©s par la Loi. » â Constitution de la France (article 34) : « La loi fixe les rĂšgles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordĂ©es aux citoyens pour lâexercice des libertĂ©s publiques ; la libertĂ©, le pluralisme et lâindĂ©pendance des mĂ©dias. » â DĂ©claration des devoirs et des droits des journalistes (Munich, 1971) : le SNJ, qui fut Ă lâinitiative de la crĂ©ation de la FĂ©dĂ©ration internationale des journalistes, en 1926 Ă Paris, est Ă©galement lâun des inspirateurs de cette DĂ©claration qui rĂ©unit lâensemble des syndicats de journalistes au niveau europĂ©en. DĂ©claration de principe de la FĂ©dĂ©ration internationale des journalistes (FIJ) sur la conduite des journalistes, 1954, 2e version de 1986 1. La prĂ©sente dĂ©claration internationale Ă©nonce les rĂšgles de conduite des journalistes dans la recherche, la transmission, la diffusion et le commentaire des nouvelles et de lâinformation lorsquâils rendent compte dâĂ©vĂ©nements. 2. Respecter la vĂ©ritĂ© et le droit que le public a de la connaĂźtre constitue le premier devoir du journaliste. 3.a. ConformĂ©ment Ă ce devoir, le journaliste dĂ©fendra, en tout temps, les principes de libertĂ© et dâhonnĂȘtetĂ© dans la collecte et la publication de lâinformation, et 3.b. du droit Ă commenter et Ă critiquer sans intention de nuire. 4. Le journaliste ne rapportera que les faits dont il/elle connaĂźt lâorigine, ne supprimera pas les informations essentielles et ne falsifiera pas de documents. 5. Le journaliste nâutilisera que des moyens honnĂȘtes pour obtenir des informations, des photographies et des documents. 6. Le journaliste sâefforcera au mieux de rectifier toute information publiĂ©e ayant causĂ© du tort du fait de son inexactitude. 7. Le journaliste gardera le secret professionnel en ce qui concerne la source des informations obtenues confidentiellement. 8. Le journaliste gardera Ă lâesprit les risques quâune discrimination soit aggravĂ©e par les mĂ©dias et fera son possible pour Ă©viter de faciliter une telle discrimination, fondĂ©e notamment sur la race, le sexe, lâorientation sexuelle, la langue, la religion, les opinions politiques et
14.
252 253 autres et
les origines sociales ou nationales. 9.a. Le journaliste considĂšrera comme fautes professionnelles graves : le plagiat ; 9.b. la distorsion malveillante, la calomnie, la mĂ©disance, la diffamation, les accusations sans fondement ; 9.c. lâacceptation dâune quelconque gratification liĂ©e Ă la publication dâune information ou de sa suppression. 10. Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir dâobserver strictement les principes Ă©noncĂ©s ci-dessus. 11. Dans le cadre gĂ©nĂ©ral de la lĂ©gislation de chaque pays, le journaliste nâacceptera, en matiĂšre professionnelle, que la juridiction de ses pairs, Ă lâexclusion de toute ingĂ©rence gouvernementale ou autre. La DĂ©claration des devoirs et des droits des journalistes Munich, 1971 1. Le droit Ă lâinformation, Ă la libre expression et Ă la critique est une des libertĂ©s fondamentales de tout ĂȘtre humain. 2. De ce droit du public Ă connaĂźtre les faits et les opinions procĂšde lâensemble des devoirs et des droits des journalistes. 3. La responsabilitĂ© des journalistes vis-Ă -vis du public prime toute autre responsabilitĂ©, en particulier Ă lâĂ©gard de leurs employeurs et des pouvoirs publics. 4. La mission dâinformation comporte nĂ©cessairement des limites que les journalistes eux-mĂȘmes sâimposent spontanĂ©ment. 5. Tel est lâobjet de la dĂ©claration des devoirs formulĂ©s ici. 6. Mais ces devoirs ne peuvent ĂȘtre effectivement respectĂ©s dans lâexercice de la profession de journaliste que si les conditions concrĂštes de lâindĂ©pendance et de la dignitĂ© professionnelle sont rĂ©alisĂ©es. 7. Tel est lâobjet de la dĂ©claration des droits qui suit. 8.a. Les devoirs essentiels du journaliste, dans la recherche, la rĂ©daction et le commentaire des Ă©vĂ©nements, sont : respecter la vĂ©ritĂ©, quelles quâen puissent ĂȘtre les consĂ©quences pour lui-mĂȘme, et ce, en raison du droit que le public a de connaĂźtre ; 8.b. dĂ©fendre la libertĂ© de lâinformation, du commentaire et de la critique ; 8.c. publier seulement les informations dont lâorigine est connue ou les accompagner, si câest nĂ©cessaire, des rĂ©serves qui sâimposent ; 8.d. ne pas supprimer les informations essentielles et 8.e. ne pas altĂ©rer les textes et les documents ; 8.f. ne pas user de mĂ©thodes dĂ©loyales pour obtenir des informations,
15.
254 255 des photographies
et des documents ; 8.g. sâobliger Ă respecter la vie privĂ©e des personnes ; 8.h. rectifier toute information publiĂ©e qui se rĂ©vĂšle inexacte ; 8.i. garder le secret professionnel et ne pas divulguer la source des informations obtenues confidentiellement ; 8.j.1. sâinterdire le plagiat ; 8.j.2. la calomnie ; la diffamation ; les accusations sans fondement ; 8.j.3. ainsi que de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la suppression dâune information ; 9. ne jamais confondre le mĂ©tier de journaliste avec celui du publicitaire ou du propagandiste ; 10. nâaccepter aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs ; 11. refuser toute pression et 12. nâaccepter de directives rĂ©dactionnelles que des responsables de la rĂ©daction. 13. Tout journaliste digne de ce nom se fait un devoir dâobserver strictement les principes Ă©noncĂ©s ci-dessus ; 14. reconnaissant le droit en vigueur dans chaque pays, le journaliste nâaccepte, en matiĂšre dâhonneur professionnel, que la juridiction de ses pairs, Ă lâexclusion de toute ingĂ©rence gouvernementale ou autre. 15. Les journalistes revendiquent le libre accĂšs Ă toutes les sources dâinformation et le droit dâenquĂȘter librement sur tous les faits qui conditionnent la vie publique. 16. Le secret des affaires publiques ou privĂ©es ne peut en ce cas ĂȘtre opposĂ© au journaliste que par exception en vertu de motifs clairement exprimĂ©s. 17. Le journaliste a le droit de refuser toute subordination qui serait contraire Ă la ligne gĂ©nĂ©rale de son entreprise, telle quâelle est dĂ©terminĂ©e par Ă©crit dans son contrat dâengagement, de mĂȘme que toute subordination qui ne serait pas clairement impliquĂ©e par cette ligne gĂ©nĂ©rale. 18. Le journaliste ne peut ĂȘtre contraint Ă accomplir un acte professionnel ou Ă exprimer une opinion qui serait contraire Ă sa conviction ou sa conscience. 19. LâĂ©quipe rĂ©dactionnelle doit ĂȘtre obligatoirement informĂ©e de toute dĂ©cision importante de nature Ă affecter la vie de lâentreprise. 20. Elle doit ĂȘtre au moins consultĂ©e, avant dĂ©cision dĂ©finitive, sur toute mesure intĂ©ressant la composition de la rĂ©daction : embauche, licenciement, mutation et promotion de journaliste. 21. En considĂ©ration de sa fonction et de ses responsabilitĂ©s, le journaliste a droit non seulement au bĂ©nĂ©fice des conventions collectives, mais aussi Ă un contrat personnel assurant sa sĂ©curitĂ© matĂ©rielle et morale ainsi quâune rĂ©munĂ©ration correspondant au rĂŽle social qui est le sien et suffisante pour garantir son indĂ©pendance Ă©conomique. Charte qualitĂ© de lâinformation, Assises internationales du journalisme Lille, 2008 Principes 1. Le droit Ă l'information est une libertĂ© fondamentale de tout ĂȘtre humain, comme le droit Ă la critique et Ă la libre expression affirmĂ© par la DĂ©claration des droits de l'homme et du citoyen. 2. Il est aujourdâhui garanti par la Constitution française et par la Convention europĂ©enne des droits de l'homme. 3. Il n'est pas d'exercice de la dĂ©mocratie sans une information honnĂȘte, rigoureuse, fiable, pluraliste et responsable. 4. Le droit du public Ă une information de qualitĂ© fonde la lĂ©gitimitĂ© du travail des journalistes telle qu'elle est reconnue par la loi du 29 mars 1935. 5. Une information de qualitĂ© dĂ©termine la confiance du public et qualifie la valeur des mĂ©dias qui les Ă©ditent. 6. La prĂ©sente Charte de la QualitĂ© de l'information s'inscrit dans le droit fil des chartes qui ont structurĂ© le dĂ©bat sur les exigences d'une information libre et indĂ©pendante. Celle de 1918 et celle ratifiĂ©e par les syndicats europĂ©ens de journalistes en 1971. 7. Les Ă©diteurs et les journalistes signataires en portent aujourdâhui les valeurs. 8. L'Ă©diteur dĂ©signe toute personne physique ou morale qui Ă©dite une publication de presse, quel que soit son support. Le terme employĂ© ici associe par nature l'ensemble des entreprises de communication audiovisuelle ainsi que les agences de presse. 9.a. Le journaliste est celui dont le mĂ©tier est de rechercher des informations, les vĂ©rifier, les sĂ©lectionner, 9.b. les situer dans leurs contextes, les hiĂ©rarchiser, les mettre en forme et Ă©ventuellement les commenter. 10. Il le fait au travers d'un mĂ©dia imprimĂ©, radiodiffusĂ©, tĂ©lĂ©visĂ© ou numĂ©rique, au moyen de textes, de sons, d'images fixes ou animĂ©es.
16.
256 257 11. Le
mĂ©dia est le produit que fabriquent ensemble Ă©diteurs et journalistes pour diffuser des informations Ă destination d'un public. 12. Il ne peut y avoir de mĂ©dias d'information sans journalistes professionnels regroupĂ©s au sein d'une rĂ©daction et sans Ă©diteurs. 13. La mission essentielle que partagent les journalistes et les Ă©diteurs est â en toute indĂ©pendance â de permettre Ă leurs concitoyens de mieux comprendre le monde dans lequel ils vivent pour y agir en connaissance de cause. 14. L'Ă©diteur et la collectivitĂ© des journalistes dĂ©finissent en concertation les objectifs Ă©ditoriaux auxquels ils souscrivent ainsi que les moyens de les mettre en Ćuvre. 15. Ce « contrat Ă©ditorial » fonde la relation de confiance entre eux et avec le public. 16.a. Les valeurs fondamentales de la vie dĂ©mocratique fondent la prĂ©sente « Charte de la qualitĂ© de l'information » : l'honnĂȘtetĂ©, le souci de la vĂ©ritĂ© des faits ; 16.b. le respect des personnes, le respect de la diversitĂ© des opinions, le refus de la manipulation des consciences, le refus de la corruption ; 16.c. le devoir de publier ce qui est d'intĂ©rĂȘt public ; 16.d. Et en toute circonstance, la culture du doute. 17. Les Ă©quipes rĂ©dactionnelles et les Ă©diteurs s'engagent Ă respecter ces principes et Ă les faire prĂ©valoir dans les mĂ©dias oĂč ils exercent. Recherche et traitement de lâinformation 18. Une information de qualitĂ© doit ĂȘtre exacte. 19. La rechercher, la vĂ©rifier et la mettre en forme nĂ©cessite du temps et des moyens. 20. L'approximation, la dĂ©formation doivent ĂȘtre bannies, tout comme le mensonge, l'invention, la rumeur. 21. Ăditeurs et journalistes s'obligent Ă rectifier les erreurs qui ont pu ĂȘtre commises. 22. L'origine des informations doit ĂȘtre connue du public. 23. Lorsque l'anonymat s'avĂšre nĂ©cessaire, Ă©diteurs et journalistes en prennent la responsabilitĂ©. 24. La recherche des faits est conduite sans a priori, dans un souci d'Ă©quitĂ© et de neutralitĂ©. 25. Ils sont rapportĂ©s avec exactitude. 26. Le rĂ©sumĂ© ou la synthĂšse ne peut justifier l'approximation. IndĂ©pendance 27. L'indĂ©pendance est la condition principale d'une information de qualitĂ©. Une indĂ©pendance Ă l'Ă©gard de tous les pouvoirs. 28. Ăditeurs et journalistes s'obligent Ă prendre recul et distance avec toutes les sources d'information, qu'elles soient institutionnelles, associatives ou privĂ©es. 29. Les journalistes comme les Ă©diteurs s'interdisent toute pratique pouvant conduire Ă un « conflit d'intĂ©rĂȘt » dans l'exercice de leurs fonctions. 30. Ils refusent les avantages financiers ou autres, dans l'exercice de leur mĂ©tier. 31. Ils n'acceptent aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs publicitaires, comme des lobbies et des services de presse ou de communication. 32. L'information de qualitĂ© ne s'Ă©panouit que dans la libertĂ©. 33. Ăditeurs et journalistes refusent toute censure. 34. Face aux modes, aux affirmations pĂ©remptoires et aux idĂ©es reçues, ils s'imposent de toujours cultiver le doute. Respect des personnes et du public 35. Une information de qualitĂ© ne peut transiger avec le respect de la personne. 36. Les journalistes et les Ă©diteurs s'obligent Ă respecter la vie privĂ©e. 37. Ils ne diffusent une information dans ces domaines que si elle apparaĂźt nĂ©cessaire Ă la comprĂ©hension d'Ă©vĂ©nements ou de situations de la vie publique. 38. Les journalistes et les Ă©diteurs ne sont ni des juges ni des policiers. 39. Ils respectent scrupuleusement la prĂ©somption d'innocence. 40. Ils ne forment pas un pouvoir mais un contre-pouvoir. 41. C'est dans le strict cadre de leurs fonctions qu'ils concourent Ă la recherche de la vĂ©ritĂ©. 42. Le droit du public Ă connaĂźtre cette vĂ©ritĂ© indĂ©pendamment de toutes pressions est leur justification. 43. Les journalistes et les Ă©diteurs affirment qu'il ne peut y avoir d'information de qualitĂ© sans une relation de confiance avec le public qui la reçoit. 44. Ils mettent en Ćuvre tous les moyens qui permettent au citoyen de contribuer Ă la qualitĂ© de cette information. Organisation d'un
17.
258 259 dialogue transparent
sur la qualitĂ© Ă©ditoriale : courrier des lecteurs, forum, mĂ©diateurs, etc. 45. Garantie d'obtenir rectification publique quand la relation des faits est altĂ©rĂ©e. 46. CapacitĂ© d'obtenir des prĂ©cisions sur la façon dont a Ă©tĂ© menĂ© le travail Ă©ditorial, dans la seule limite de la confidentialitĂ© des sources et du secret professionnel. Projet de code de dĂ©ontologie du ComitĂ© des sages prĂ©sidĂ©e par Bruno Frappat - Octobre 2009 Le mĂ©tier de journaliste 1.a. Le journaliste a pour fonction de rechercher, pour le public, des informations, de les vĂ©rifier, de les situer dans un contexte, de les hiĂ©rarchiser, 1.b. de les mettre en forme, et Ă©ventuellement de les commenter, 2. afin de les diffuser, sous toute forme et sur tout support. 3. Il le fait, au sein dâune Ă©quipe rĂ©dactionnelle, sous lâautoritĂ© de la direction de la rĂ©daction et la responsabilitĂ© du directeur de la publication, dans le cadre dâune politique Ă©ditoriale dĂ©finie. 4. Les journalistes et les responsables Ă©ditoriaux placent au cĆur de leur mĂ©tier le droit du public Ă une information de qualitĂ©. 5. Ă cette fin, ils veillent avec la mĂȘme exigence au respect des rĂšgles dĂ©ontologiques Ă©noncĂ©es dans ce code. 6. LâindĂ©pendance du journaliste, condition essentielle dâune information libre, honnĂȘte et pluraliste, va de pair avec sa responsabilitĂ©. 7. Le journaliste doit toujours avoir conscience des consĂ©quences, positives ou nĂ©gatives, des informations quâil diffuse. Le recueil et le traitement de lâinformation 8. Le journaliste doit sâattacher avant tout Ă lâexactitude des faits, des actes, des propos quâil rĂ©vĂšle ou dont il rend compte. 9. Le journaliste examine avec rigueur et une vigilance critique les informations, documents, images ou sons qui lui parviennent. 10. Le souci dâassurer au plus vite la diffusion dâune information ne dispense pas dâune vĂ©rification prĂ©alable de la crĂ©dibilitĂ© des sources. 11. Le journaliste est attentif aux critiques et suggestions du public. Il les prend en compte dans sa rĂ©flexion et sa pratique journalistique.
18.
258 259 12. Le
journaliste sâassure que les textes, documents, images quâil prĂ©sente nâont fait lâobjet dâaucune altĂ©ration ou falsification de nature Ă dĂ©former la rĂ©alitĂ© des faits. 13. Toute modification volontaire dâune image doit ĂȘtre portĂ©e Ă la connaissance du public. 14. Lâorigine des informations publiĂ©es doit ĂȘtre clairement identifiĂ©e afin dâen assurer la traçabilitĂ©. 15. Le recours Ă lâanonymat nâest acceptable que lorsquâil sert le droit Ă lâinformation ; dans ce cas, le journaliste en avertit le public aprĂšs avoir informĂ© son supĂ©rieur hiĂ©rarchique de la nature de ses sources. 16. Le journaliste sâinterdit tout plagiat. 17. Il cite les confrĂšres dont il reprend les informations. 18. Le journaliste rectifie dans les meilleurs dĂ©lais et de la façon la plus visible les erreurs quâil a pu commettre. 19. Il doit avertir le public des manipulations dont il a pu ĂȘtre victime. 20. Le journaliste sâinterdit dâutiliser des moyens dĂ©loyaux pour obtenir des informations. 21. Dans les cas oĂč le recueil dâinformations ne peut ĂȘtre obtenu quâen cachant soit sa qualitĂ© de journaliste soit son activitĂ© journalistique, il en informe prĂ©alablement sa hiĂ©rarchie, sâen explique auprĂšs du public et donne la parole aux personnes mises en cause. 22. Le journaliste veille Ă ne faire preuve dâaucune complaisance dans la reprĂ©sentation de la violence et dans lâexploitation des Ă©motions. La protection du droit des personnes 23. Le journaliste respecte la dignitĂ© des personnes et la prĂ©somption dâinnocence. 24. Il veille Ă ne pas mettre en cause, sans information crĂ©dible sur les faits allĂ©guĂ©s, la rĂ©putation et lâhonneur dâautrui. 25. Il nâabuse pas de lâĂ©tat de faiblesse ou de dĂ©tresse de personnes vivant des Ă©vĂ©nements dramatiques pour obtenir dâelles des informations ou des documents. 26. Le journaliste respecte la vie privĂ©e des personnes et ne diffuse dâinformations dans ce domaine que si elles apparaissent nĂ©cessaires Ă la comprĂ©hension dâĂ©vĂ©nements ou de situations de la vie publique. 27. Le journaliste veille Ă ne pas nourrir la haine, les discriminations ou les prĂ©jugĂ©s Ă lâĂ©gard de personnes ou de groupes. 28. Il ne relaie pas des rĂ©actions de lecteurs, dâauditeurs, de tĂ©lĂ©spectateurs ou dâinternautes qui risquent dâentretenir ces mĂȘmes sentiments.
19.
260 261 LâindĂ©pendance du
journaliste 29. Le journaliste garde recul et distance avec toutes les sources dâinformation et les services de communication, publics ou privĂ©s. 30. Il se mĂ©fie de toute dĂ©marche susceptible dâinstaurer entre lui-mĂȘme et ses sources un rapport de dĂ©pendance, de connivence, de sĂ©duction ou de gratitude. 31. Le journaliste ne confond pas son mĂ©tier avec celui de policier ou de juge. 32. Il nâest pas un agent de renseignements. 33. Il refuse toute confusion entre information et promotion ou publicitĂ© 34. Le journaliste sâinterdit toute activitĂ© lucrative, extĂ©rieure Ă lâexercice de son mĂ©tier, pouvant porter atteinte Ă sa crĂ©dibilitĂ© et Ă son indĂ©pendance. ĂLABORATION DE LA SYNTHĂSE (TABLEAU) Les textes-sources sont toujours citĂ©s dans le mĂȘme ordre chronologique de leur premiĂšre occurrence. Pm : SNJ (1918) = S ; FIJ (1954) = F ; Munich (1971) = M ; QualitĂ© Assises (2008) = Q ; ComitĂ© sages (2009) = C. Câest toutefois leur version la plus rĂ©cente dont il a Ă©tĂ© tenu compte ici (cf section I). Si le cas est rare, un article de texte-source peut ĂȘtre citĂ© plusieurs fois. La prĂ©sentation des extraits ci-dessous obĂ©it Ă des critĂšres techniques de travail ; les termes dâorigine sont respectĂ©s, mais la ponctuation est parfois modifiĂ©e. Voir ici en format pdf. Note : TEXTE DE LA SYNTHĂSE : les articles figurant entre crochets, rĂ©digĂ©s en italique et prĂ©cĂ©dĂ©s de lettres sont des propositions du rapporteur Ă considĂ©rer comme hors-synthĂšse. - - - Le droit citoyen Ă lâinformation 1. Les droits dâinformation, dâexpression et de critique sont des droits fondamentaux de lâĂȘtre humain dans la CitĂ©. 2. Leur satisfaction suppose lâexistence de mĂ©dias pluralistes, libres et indĂ©pendants, honnĂȘtes et de qualitĂ©. 3. Lâexistence des mĂ©dias est insĂ©parable de lâexercice de la souverainetĂ© populaire dans la dĂ©mocratie telle quâelle est proclamĂ©e par la Constitution de la RĂ©publique française et par la Convention europĂ©enne de sauvegarde des droits lâhomme et des libertĂ©s fondamentales. IndissociablitĂ© du journalisme et de lâĂ©dition 4. La rĂ©alisation et la diffusion dâun mĂ©dia est un acte dâĂ©dition et de journalisme. 5. Il engage, notamment Ă travers ses choix Ă©ditoriaux, chacun de ses acteurs, individuellement et collectivement, vis-Ă -vis du public citoyen et au sein de sa communautĂ© professionnelle. La responsabilitĂ© des mĂ©dias 6. La responsabilitĂ© des mĂ©dias dâinformation Ă lâĂ©gard du public citoyen de la dĂ©mocratie prime sur toute autre. 7. Elle fonde lâĂ©thique ainsi que les devoirs et les droits de tous les acteurs de la chaĂźne Ă©ditoriale quel que soit le support. LâaccĂšs Ă lâinformation 8. Le journaliste a vocation Ă accĂ©der Ă toutes les informations qui concernent la vie publique. [A. LâintĂ©rĂȘt supĂ©rieur du droit Ă lâinformation de la collectivitĂ© des citoyens est le critĂšre sur lequel le journaliste se fonde pour rompre si nĂ©cessaire le secret observĂ© parmi les acteurs des secteurs privĂ© et public.] LâautoritĂ© Ă©ditoriale 9. LâindĂ©pendance du journaliste, condition essentielle dâune information libre, honnĂȘte et pluraliste, va de pair avec sa responsabilitĂ©.
20.
262 263 10. Il
accomplit librement sa tĂąche au sein dâune Ă©quipe rĂ©dactionnelle, sous lâautoritĂ© exclusive des chefs de la rĂ©daction et sous la responsabilitĂ© du directeur de la publication. 11. Le journaliste ne peut ĂȘtre contraint dâaccomplir un acte, dâexprimer une opinion, ou dâĂȘtre associĂ© Ă une expression Ă©ditoriale qui seraient contraires Ă sa conscience professionnelle ou Ă sa conviction. 12. Il nâaccepte aucune consigne, directe ou indirecte, des annonceurs, ne cĂšde Ă aucune influence intĂ©ressĂ©e ou pression et sâassure dâagir avec la plus grande autonomie de jugement possible. La collecte de lâinformation Prise en compte des sources 13. Le journaliste doit sâattacher avant tout Ă lâexactitude des faits, des actes et des propos quâil prend en compte. 14. Il examine avec rigueur et une vigilance critique les informations, documents, images, sons et les prises de position quâil obtient ou qui lui parviennent. 15. Il sâassure notamment quâils nâont fait lâobjet dâaucune altĂ©ration ou falsification de nature Ă dĂ©former la rĂ©alitĂ©. 16. La recherche et la collecte des Ă©lĂ©ments-sources dĂ©crivant la rĂ©alitĂ© est conduite sans a priori, dans un souci dâĂ©quitĂ© et de neutralitĂ©. 17. La volontĂ© dâassurer au plus vite la diffusion dâune information ne doit lâemporter ni sur lâĂ©valuation et la vĂ©rification des sources, ni sur le sĂ©rieux de lâenquĂȘte. Rapport avec les informateurs 18. Le journaliste proscrit tout moyen dĂ©loyal et vĂ©nal pour obtenir informations, images, sons et documents. 19. Si sa sĂ©curitĂ©, celle de ses sources, ou la gravitĂ© des faits lâobligent Ă taire soit sa qualitĂ© de journaliste soit son activitĂ© journalistique, il prĂ©vient sa hiĂ©rarchie, sâen explique dĂšs que possible vis-Ă -vis du public, et donne la parole aux personnes mises en cause. 20. Lâorigine des informations publiĂ©es doit ĂȘtre clairement indiquĂ©e. Le recours Ă lâanonymat nâest acceptable que lorsquâil sert le droit Ă lâinformation ; dans ce cas, le journaliste en avertit le public aprĂšs avoir informĂ© son supĂ©rieur hiĂ©rarchique de la nature de ses sources. 21. Le journaliste nâabuse pas de lâĂ©tat de faiblesse ou de dĂ©tresse de personnes vivant des Ă©vĂ©nements dramatiques pour obtenir dâelles des informations ou des documents.
21.
262 263 [B. Les
journalistes sâefforcent de sâorganiser en pool et de partager leurs informations ou documents lorsque leur collecte risque de sâavĂ©rer traumatisante pour des victimes ou lorsque leur mobilisation risque de confĂ©rer par son caractĂšre massif une dimension disproportionnĂ©e Ă une occurrence de lâactualitĂ©.] [C. Le journaliste contribue Ă la vie de la CitĂ© Ă travers lâinformation publiĂ©e ; il sâefforce de ne pas peser sur le cours des Ă©vĂ©nements en amont, notamment par la collecte dâinformation ou par sa seule prĂ©sence sur le thĂ©Ăątre dâun Ă©vĂ©nement.] 22. Il garde recul et distance avec toute source dâinformation ; celle quâil sollicite comme celle qui se prĂ©sente Ă lui. [D. Sâil rend compte dâune situation en bĂ©nĂ©ficiant dâune prise en charge par des reprĂ©sentants dâintĂ©rĂȘts privĂ©s ou publics, il en informe le public.] 23. Il respecte le secret professionnel Ă lâĂ©gard des personnes qui lâont informĂ© confidentiellement et veille Ă ne pas les exposer. Le traitement Ă©ditorial de lâinformation PrimautĂ© de la fidĂ©litĂ© au rĂ©el 24. Chaque journaliste se porte garant, pour la part lui incombant, dâun traitement Ă©ditorial nâaltĂ©rant, ne dĂ©formant et ne falsifiant pas la rĂ©alitĂ©. 25. Il bannit lâapproximation et lâinvention. 26. Toute modification volontaire dâune image doit ĂȘtre portĂ©e Ă la connaissance du public. 27. Il refuse toute censure et veille Ă ne pas sâautocensurer en particulier lorsque les Ă©lĂ©ments dont il dispose contredisent ses prĂ©supposĂ©s, ses prĂ©visions ou ses prĂ©fĂ©rences. 28. ConfrontĂ© Ă lâautoritĂ©, Ă lâassurance du grand nombre et au charisme individuel, il cultive le doute ; avec arguments et preuves, il combat le scepticisme. 29. Il veille Ă ne servir aucun intĂ©rĂȘt privĂ© en relayant publicitĂ©, promotion ou propagande et Ă ne faire lâobjet dâaucune manipulation. 30. Il sâinterdit de propager toute rumeur. 31. Il ne fait preuve dâaucune complaisance dans la reprĂ©sentation de la violence et dans lâexploitation des Ă©motions. 32. Il sâinterdit tout plagiat et cite les confrĂšres dont il reprend les informations.
22.
264 265 33. Le
journaliste sâefforce dâindiquer au public les circonstances dâĂ©laboration et de publication de lâinformaiton â autant que lui permet un Ă©ventuel engagement de confidentialitĂ© vis-Ă -vis dâinformateurs. Le respect des personnes 34. Le journaliste agit sans intention de nuire. 35. Il sâinterdit toute malveillance, calomnie, diffamation ou injure. 36. Il Ă©vite toute mise en cause dâune personne sans Ă©lĂ©ment probant. Il ne le fait quâavec la plus grande circonspection en sâefforçant de faire droit au point de vue de la personne incriminĂ©e. 37. Il respecte la prĂ©somption dâinnocence. 38. Il combat tout prĂ©jugĂ© et toute discrimination ; notamment ceux fondĂ©s sur le genre, lâappartenance ou nonâappartenance ethnique ou nationale, la langue, la religion, lâopinion, lâorigine sociale et lâorientation sexuelle. 39. Il veille Ă ce que la diffusion dâune information ou dâune opinion ne contribue pas Ă nourrir les prĂ©jugĂ©s, les discriminations ou la haine ; dâune maniĂšre gĂ©nĂ©rale, il sâĂ©vertue Ă ne pas contribuer Ă la manipulation des consciences et Ă favoriser lâautonomie dâapprĂ©ciation du public. 40. Il respecte la vie privĂ©e des personnes et ne diffuse dâinformation en relevant que si elle apparaĂźt nĂ©cessaire Ă la comprĂ©hension d'un Ă©vĂ©nement ou dâune situation de la vie publique. Le suivi de la publication 41. Le journaliste suit les affaires traitĂ©es. 42. Il doit toujours avoir conscience des consĂ©quences, positives ou nĂ©gatives, des informations quâil diffuse. [E. Sans concession Ă lâĂ©gard des exigences dâinformation, dâexactitude et de suivi dâun Ă©vĂ©nement, le journaliste se montre attentif aux effets de rĂ©pĂ©tition et de cumul du traitement dâun Ă©vĂ©nement par un mĂ©dia ou dâun mĂ©dia Ă lâautre.] 43. Il rectifie le plus rapidement possible, de maniĂšre visible, toute information inexacte ou erreur quâil a pu commettre. 44. Il avertit le public dâune manipulation dont il a pu ĂȘtre victime. 45. Le journaliste est attentif aux critiques et suggestions du public quâil prend en compte dans sa rĂ©flexion, dans sa pratique professionnelle et au plan Ă©ditorial.
23.
264 265 La sécurité 46.
Chaque acteur au sein dâun mĂ©dia, ou dâune famille de mĂ©dia, collaborateur rĂ©gulier ou occasionnel, concourt, pour sa part, Ă la sĂ©curitĂ© matĂ©rielle et morale dâautrui. Lâengagement spĂ©cifique des journalistes professionnels 47. Le journaliste nâuse pas de la libertĂ© de la presse dans une intention intĂ©ressĂ©e. 48. Il sâinterdit de recevoir un quelconque avantage en raison de la publication ou de la non-publication dâune information. 49. Il sâinterdit toute activitĂ© lucrative, extĂ©rieure Ă lâexercice de sa profession, pouvant porter atteinte Ă sa crĂ©dibilitĂ©, Ă son indĂ©pendance ou Ă celle du mĂ©dia auquel il collabore. 50. De mĂȘme, il sâinterdit toute activitĂ© oĂč sa qualitĂ© de journaliste, son influence, ses relations seraient susceptibles dâĂȘtre exploitĂ©es Ă dâautres fins que lâinformation du public. 51. Il Ă©vite toute pratique pouvant conduire Ă un conflit d'intĂ©rĂȘt dans l'exercice de sa fonction. [F. (A la suite de 51 :) De mĂȘme, il Ă©vite les situations pouvant lĂ©gitimement laisser le publlic penser quâil est confrontĂ© Ă un conflit dâintĂ©rĂȘt.] 52. Il se garde dâinstaurer entre lui-mĂȘme et ses sources un rapport de dĂ©pendance, de connivence, de sĂ©duction ou de gratitude. 53. Il nâest pas un agent de renseignements ; il ne confond pas son rĂŽle avec celui du policier ou du juge. La reddition de comptes 54. Sâil rĂ©pond devant la justice des infractions prĂ©vues par la loi, le journaliste ne reconnaĂźt, en matiĂšre de dĂ©ontologie, dâhonneur et de pratique professionnelle, que la libre juridiction de ses pairs. [G. (Ă la suite de 54 :) ou, le cas Ă©chĂ©ant, celle dâun collĂšge reconnu par une majoritĂ© de ses pairs associant des reprĂ©sentants de journalistes, dâĂ©diteurs et du public.
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