3. ÉDITORIAL
4
PAR MUSTAPHA SEHIMI
BÂTIRDESPONTS,PASDESMURS
Le Forum mondial sur la migration, qui se tient à
Marrakech, verra la participation de plus de 180 pays
ainsi que celle du Secrétaire général de l’ONU.
L
es 10 et 11 décembre 2018,
à Marrakech, se tiendra la
conférence internationale de-
vant adopter le Pacte sur la
migration. Cet agenda sera
précédé, quelques jours auparavant,
par le Forum mondial sur la migration
dont les premiers co-présidents sont le
Maroc et l’Allemagne en la personne
de S.M. Mohammed VI et la chance-
lière Angela Merkel. Ce forum a adopté
comme slogan «Vers un contrat social
mondial sur la migration et le dévelop-
pement.» Le Maroc et l’Allemagne sont
les premiers pays à assurer, pour 2017
et 2018, la coprésidence de ce Forum
–une illustration d’un pont symbolique
sur la Méditerranée ainsi qu’entre l’Eu-
rope et l’Afrique.
Le Maroc n’est pas que l’hôte de cette
conférence qui verra la participation
de plus de 180 pays ainsi que celle du
Secrétaire général de l’ONU et d’autres
responsables d’institutions interna-
tionales et régionales. Ces dernières
années, en effet, le Royaume s’est ac-
tivement engagé dans la gouvernance
de la migration et ce à travers plusieurs
dynamiques internationales comme na-
tionales. Le Roi a été ainsi désigné, voi-
ci près de deux ans, comme «leader de
l’Union Africaine pour la Migration.» En
mai 2018, il a proposé la création d’un
Observatoire Africain des Migrations qui
a été adopté par l’UA. Au plan interne,
cela fait cinq ans au moins que le Maroc
s’est activement engagé dans une poli-
tique migratoire saluée par la commu-
nauté internationale: réforme législative
de la politique d’asile et d’immigration;
campagne de régularisation de près de
50.000 migrants en 2014 et 2017.
Le Pacte, qui doit être signé le 10 dé-
cembre –jour anniversaire de la Dé-
claration Universelle des Droits de
l’Homme du 10 décembre 1948–,
marque un fait historique. C’est en effet
le tout premier document de l’ONU trai-
tant de la question de la migration dans
toutes ses dimensions et cet instrument
international portera le nom de Pacte
Global de Marrakech. Son élaboration a
été difficile mais elle a fini par finaliser
et acter la Déclaration de New York pour
les réfugiés et les migrants adoptée par
l’ONU en décembre 2016. Les méca-
nismes multilatéraux ont fait montre de
leur capacité à apporter des réponses
consensuelles à une problématique
migratoire complexe et épineuse. Ce
Pacte est consensuel mais aussi équi-
libré, éligible à une perspective réaliste,
prenant en compte finalement les inté-
rêts de tous. Il appelle à transformer la
gouvernance mondiale des migrations;
il érige aussi la responsabilité parta-
gée en principe fondamental; enfin, il
respecte la souveraineté des États en
même temps qu’il renforce leur coopé-
ration.
Mais il y a plus. La Conférence de Mar-
rakechestaussiunappelàl’actionparce
qu’elle doit délivrer ses promesses et
ce en traduisant la cinquantaine d’ar-
ticles qui l’articulent en politiques natio-
nales ainsi qu’en mesures d’application
concrètes. L’Afrique en particulier doit
être à cet égard un moteur de l’architec-
ture de la mise en œuvre du Pacte. Une
lecture commune de la migration doit
être développée; elle doit en faire un le-
vier de co-développement. Un pilier de
la coopération Sud-Sud. Et un vecteur
de solidarité.
Dans cette perspective, l’accent doit
être mis sur la limite d’une certaine ap-
proche sécuritaire pesant sur la gestion
des flux migratoires; et tout doit être fait
en contrepartie pour la mise en œuvre
des dispositions du Pacte mondial en
matière de formation et de valorisation
des capacités humaines, d’assistance
technique et de réduction des déséqui-
libres économiques. En somme, une
nouvelle gouvernance continentale et
régionale axée sur le capital humain et
le développement économique. Bâtir
des ponts donc, pas des murs! l
L’AFRIQUE
DOIT ÊTRE À CET
ÉGARD UN MOTEUR
DE LA MISE EN
ŒUVRE DU PACTE.
PACTE MONDIAL POURLA MIGRATION
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infos
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Les marocains Fatima Zohra
Abou Fares etAbdennour Lafdini
ont été récompensés, lundi 26
novembre 2018 à Dubaï dans
le cadre de la dixième édition
du Prix Cheikh Mohammed Bin
Rashid de créativité sportive.
Abou Fares, médaille d’or dans
l’épreuve du Taekwondo aux
Jeux Olympiques de la jeunesse
(2018) enArgentine, a remporté
le prix de la catégorie du sportif
arabe. Le prix de la catégorie
des «personnes à besoins spé-
cifiques» a été attribué ex-aequo
à Lafdini, qui a décroché la
deuxième place au championnat
du monde du Para Taekwondo
à Londres en 2017, et à l’Emirati
Ahmed Mobarek Mtioui qui a
remporté 6 médailles d’or et
d’argent en cyclisme dans des
tournois internationaux.
Deux groupes belges ont
remporté, le 26 novembre
2018, un marché de mainte-
nance et de modernisation des
aéronefs des Forces armées
royales marocaines. Il s’agit
de SabenaAerospace et de la
filiale marocaine de la SABCA.
L’avion de transport militaire
Lockheed C-130 est le premier
appareil qui sera pris en charge
en matière de maintenance par
les deux entreprises belges. La
deuxième phase concernera
des avions tels que le F-16,
l’Alphajet, le Mirage F1 et les
hélicoptèresAgustaA109,
dont SABCApossède une
excellente expertise.
Une haute distinction académique de bon aloi. S.A.R. la Princesse Lalla Hasnaa,
présidente de la Fondation Mohammed VI pour la protection de l’environnement, a
reçu, mardi 27 novembre 2018 à Kyoto, au Japon, le titre de Docteur honoris causa
de l’Université Ritsumeikan. Au cours d’une cérémonie au campus universitaire,
le président de l’Université, Mikio Yoshida, a souligné que la remise à Son Altesse
Royale de ce titre vient couronner sa contribution exceptionnelle dans le domaine de
l’éducation environnementale et au développement durable.
Images de la semaine
SPORT
Deux Marocains
récompensés à Dubaï
MODERNISATION
La Belgique se charge
de la maintenance des
avions des FRA
La photo est parlante. Une vieille
femme, couverte pour se protéger
contre le froid glacial qui règne
dans la ville d’Anfgou, dans la
province de Midelt, discute avec
un médecin militaire attentionné
et serviable.
L’image renvoie au travail de
proximité réalisé par l’hôpital
militaire que les FAR viennent
d’envoyer dans cette région
enclavée célèbre pour avoir connu
un sinistre drame en 2007 avec la
mort de 33 enfants sous le coup
du froid.
Vague de froid: les FAR déploient un hôpital militaire à Anfgou
La Princesse Lalla Hasnaa, docteur honoris causa
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infos
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SELON LE QUOTIDIEN BRITANNIQUE THE TIMES
Brand South Africa, l’agence
gouvernementale sud-africaine
en charge de la promotion de
l’image du pays, a souligné,
mercredi 28 novembre 2018,
que le Maroc est bien parti
pour renforcer sa position sur
l’échiquier des investissements
en Afrique, tout en appelant le
gouvernement sud-africain à
redoubler d’efforts pour rester
dans la course avec le Royaume.
L’agence sud-africaine réagissait
au classement rendu public
récemment par Ernst & Young
(EY) sur les investissements
en Afrique. Le rapport a
montré que le Maroc a rattrapé
l’Afrique du Sud, avec laquelle
le Royaume partage désormais
la première place en termes
d’Investissements directs
étrangers en Afrique. Dans son
rapport 2018, EY a souligné
que le Maroc demeure une des
destinations les plus attrayantes
pour les investissements en
Afrique.
Dans un dossier consacré
récemment au développement
économique du Royaume,
intitulé le Maroc, 1ère économie
d’Afrique du nord», le quotidien
britannique The Times a souligné que
le Maroc, qui envisage de réussir une
intégration régionale profonde sur la base
de la coopération sud-sud et œuvre pour
exporter son génie civil en Afrique, est
en passe de devenir une superpuissance
africaine et que sa réintégration
de l’Union africaine est le signe
le plus récent de l’engagement
indéfectible du Royaume envers
l’Afrique.
Selon The Times, le Maroc est
devenu le deuxième plus grand
investisseur africain dans le
continent avec un total de 17,5
milliards de dirhams entre 2008
et 2015, faisant remarquer que
les deux dernières décennies
ont vu des investissements
records en matière de transport
routier, maritime, ferroviaire et aérien
dans le Royaume. D’après le quotidien,
«le Souverain a joué un rôle fondamental
dans le retour du Maroc à l’Union
africaine en 2017, de même qu’il a
effectué d’innombrables visites aux pays
membres pour renforcer les liens et les
partenariats». Ces visites ont été soldées
par la signature de plus de mille accords
de partenariat l
L’attrait du Maroc froisse
l’Afrique du Sud
Le Maroc est en passe de devenir
une superpuissance africaine
Le Président de la République gabonaise,
Ali Bongo Ondimba, effectue depuis le
mercredi 28 novembre 2018 un séjour
médical au Maroc, aux fins de rééducation
et de convalescence dans un établissement
hospitalier de Rabat, selon un communiqué
du ministère des Affaires étrangères et de la
Coopération internationale.
Cette décision intervient conformément
au souhait de Ali Bongo, en accord avec
les institutions constitutionnelles de la
République gabonaise et conformément
à l’avis des médecins traitants. Elle
intervient aussi suite à l’intervention de
S.M. Mohammed VI, qui a proposé à Ali
Bongo de venir au Maroc pour y effectuer
sa convalescence. Le président gabonais
était admis, depuis le 24 octobre 2018, dans
l’hôpital du Roi Fayçal de Riyad, en Arabie
Saoudite.
Depuis son hospitalisation, la présidence
gabonaise n’a communiqué officiellement
qu’à deux reprises. D’abord le 28 octobre pour
annoncer que le président était hospitalisé à
Ryad à la suite d’un malaise dû à une fatigue
sévère, consécutive à une très forte activité
ces derniers mois. Puis le 11 novembre pour
dire que le président Bongo était en phase de
recouvrement de la plénitude de ses facultés
physiques l
Ali Bongo Ondimba en convalescence au Maroc
SÉJOUR MÉDICAL
S.M.leRoiàAbidjanencompagnieduprésidentivoirienAlassaneOuattara.
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6. 9
1280 - Du 30 novembre au 06 décembre 2018
Le Maroc et les Etats-Unis d’Amérique tiennent du, 27 au
29 novembre 2018 à Rabat, un atelier bilatéral interministé-
riel relevant de l’Initiative de sécurité contre la prolifération
(ISP) des armes de destruction massive, le premier en son genre.
Cet atelier, organisé par le ministère des Affaires étrangères et
de la Coopération internationale et les Départements d’Etat et
de la Défense des Etats-Unis d’Amérique, traduit l’engagement
commun du Maroc et des Etats-Unis envers l’Initiative de sécurité
contre la prolifération.
Il contribue en ce sens au renforcement de la coopération bilaté-
rale et multilatérale conformément aux dispositions de la résolu-
tion 1540 (2004) du Conseil de Sécurité de l’ONU, et ce, en vue
de prévenir l’acquisition d’armes de destruction massive par des
acteurs non-étatiques et des groupes terroristes qui constituent
une menace à la paix, la sécurité et la stabilité régionales et inter-
nationales.
L’objectif de cet atelier est de promouvoir l’échange d’expériences
et de bonnes pratiques entre les deux pays pour le renforcement
des capacités nationales et de coordination interministérielle dans
le cadre des opérations d’interception maritimes et terrestres liées
à la prolifération des ADM, leurs vecteurs et matériels connexes.
Plus de cinquante participants prennent part à cet atelier, prove-
nant des différents départements marocains et américains concer-
nés par la lutte contre la prolifération des armes de destruction
massivel
Le Maroc et les Etats-Unis veulent lutter
contre la prolifération des armes de destruction massive
MohamedSalami,Directiondelaprotectioncivile, RedouaneHoussain,directeurauministèredes
AffairesétrangèresetStephanieMiley,del’ambassadedesUSAàRabat.
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8. 11
PAR NOUREDDINE JOUHARI
HAPPYBIRTHDAY!
MHI aura été un observateur et un témoin de son temps.
C’est cela aussi et surtout la vocation d’un journal.
O
n a coutume de dire,
il faut prendre le
temps pour faire ceci
ou cela; en fait, c’est
le temps qui nous
prend. De même qu’on ne cesse de
rappeler que le facteur temps est pour
beaucoup dans la vie d’un organe de
presse. L’important, disons-nous à
juste titre, est de durer. Maroc-Heb-
do, qui souffle sa 28ème
bougie, avec
le numéro que vous avez entre les
mains, en a fait la vérification. Il a eu
tout loisir à le faire durant sa longue
pérégrination professionnelle.
Chemin faisant, il a eu à connaître
différents profils d’hommes et de
femmes de la profession. De même
qu’il s’est frotté à un factuel pas tou-
jours facile à négocier dans l’exer-
cice de ce «métier de toutes les
épreuves», tel que nos collègues
des publications arabophones le
qualifient.
En 28 ans d’existence, MHI a vu
défiler toute une génération de jour-
nalistes. Premiers arrivés, premiers
servis, Maroc-Hebdo a contribué
à la formation de ceux qui sont ve-
nus d’autres horizons profession-
nels. De même qu’il a permis aux
jeunes lauréats des instituts spécia-
lisés de parachever leur formation.
Valeur aujourd’hui, les uns et les
autres exercent un peu partout sous
d’autres titres de presse ou dans
d’autres secteurs d’activités en tant
que communicatifs souvent créatifs.
Un enrichissement mutuel qui a pro-
duit une rédaction aguerrie, aussi
bien dans l’analyse pointue de l’ac-
tualité que dans les approches de
proximité, sur le terrain. À ce titre,
MHI aura été un observateur et un
témoin de son temps. C’est cela aus-
si et surtout la vocation d’un journal.
Il est le chroniqueur attitré qui tient
lieu de tour d’observation et de
consignation à l’adresse du grand
public. MHI est dans ce registre. Il
n’entend nullement se comparer aux
titres historiques de la presse parti-
sane qui nous ont frayé le chemin
d’une liberté d’expression difficile-
ment acquise, extensible par petites
touches, jamais satisfaisantes. MHI
s’inscrit dans cette continuité forcé-
ment optimiste.
En gros, tout en attirant l’attention
du peuple lecteur et des décideurs
annonciateurs ou officiels, sur les dif-
ficultés du moment, MHI est convain-
cu d’un lendemain meilleur, mais
l’investissement d’un esprit réfléchi
dans un secteur incontournable, à
tout point de vue.
Le contexte est favorable, dès lors
que la profession se structure et se
prend en charge.
De par son statut originel, Ma-
roc-Hebdo est l’une des toutes pre-
mières entreprises privées de presse.
Un espace où celles-ci étaient consi-
dérées comme des intrus dont l’exis-
tence est à peine tolérée. C’est par
la maîtrise de la profession, sous
toutes ses facettes techniques et
déontologiques de l’information, que
MHI a pu se faire une place parmi
une arborescence de titres.
Il n’empêche que dans cet hebdo-
madaire précurseur, il n’a jamais
été question de persifler, encore
moins de décrier la floraison de titres
nouvellement débarqués dans les
kiosques. Une tendance prolifique
qui a plutôt été perçue comme un
signe positif en soi, sans jugement
préalable. La presse privée était
constamment en acclimatation avec
les lois du marché.
Seulement voilà, l’élément décisif
pour prétendre à une certaine pé-
rennité, passait par l’annonce publi-
citaire. Or, sur ce nerf de la guerre,
la presse privée n’avait aucune prise.
Et ce n’est pas faute d’avoir essayé
de rationaliser le dispatching d’une
enveloppe globale en diminution
constante. Il n’y avait d’alternative
que de faire avec pour continuer
d’exister l
EN 28 ANS
D’EXISTENCE,
MAROC-HEBDO A VU
DÉFILER TOUTE
UNE GÉNÉRATION DE
JOURNALISTES.
MAROC-HEBDO A 28 ANS
NOTRE
JOURNAL
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Ilssontplusieursmilliers-certainsestimentleurnombre
à quelque 30.000, voire plus. De toute évidence, les
enfants des rues sont légion au Maroc. Le phéno-
mène ne procède, certes, pas d’un particularisme
local. Le sommetAfricités, événement phare de l’orga-
nisation des Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique
(CGLUA) et dont la ville de Marrakech vient d’accueillir la
huitième édition du 20 au 23 novembre 2018, a mis en évi-
dence la situation de plus de 30 millions d’enfants africains,
livrés à eux-mêmes dans les villes et villages du continent.
«Ce chiffre n’est pas seulement accablant, il est aussi en
contradiction avec les valeurs ancestrales de nos sociétés
africaines, fondées sur la solidarité et la primauté de la fa-
mille,» a commenté le roi Mohammed VI dans le discours
qu’il a adressé aux participants du sommet et dont la lecture
a été donnée par la princesse Lalla Meryem, présidente de
l’Observatoire national des droits de l’enfant (ONDE).
La situation est, ceci étant, beaucoup moins acceptable au
Maroc qu’elle ne reflète pas le niveau de développement
social et économique du pays; du moins celui auquel pré-
tendent ses dirigeants.
Au regard des statistiques à ce niveau, nous serions davan-
tage un pays en guerre, et justement, comme les pays en
guerre, beaucoup de nos enfants se sont réfugiés dans des
pays tiers, notamment en Europe, pour y élire domicile et y
trouver, éventuellement, meilleure fortune.
Faire régner la terreur
En juin 2018, les services de police de Paris avaient par
exemple fait appel aux autorités marocaines pour les aider
à identifier une dizaine d’enfants supposément originaires
du Royaume qui s’étaient retrouvés dans la capitale fran-
çaise et qui faisaient régner la terreur dans plusieurs de ses
quartiers, selon un rapport de la mairie dont la teneur avait
été révélée par le quotidien français Le Monde. Le nombre
de ces enfants pourrait même, selon certaines sources, dé-
passer la centaine.
Dans le Vieux Continent, les enfants des rues marocains
se compteraient ainsi par milliers et sont présents jusqu’en
Suède, à l’extrême nord de la péninsule scandinave, selon
les reportages de divers médias suédois. Ils tenteraient de
profiter de la législation des pays européens, qui ne peuvent
les expulser dès lors qu’ils n’ont pas encore atteint la majo-
rité et leur accordent à ce titre le permis de résider et, dans
le même sillage, l’opportunité ou du moins la possibilité d’un
avenir meilleur. Les récits de réussite de certains d’entre
eux, portés au pinacle après avoir éprouvé les pires misères
dans leur pays, ne sont certainement pas pour les découra-
ger. La ville de Tanger, distante de l’Europe d’une quaran-
taine de kilomètres seulement et d’où la ville de Tarifa, en
Espagne, est généralement visible à l’oeil nu, compte ainsi
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1280 - Du 30 novembre au 06 décembre 2018
ENFANCE
PERDUE
Ils sont environ 50.000 adolescents à errer dans
les rues de nos villes. Leur quotidien est fait
de maraudage, de drogues, de prostitution, de violence.
Un véritable casse-tête pour les autorités.
LES ENFANTS
DE LA RUE
WISSAM EL BOUZDAINI
s
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s
dans ses rues plusieurs de ces candidats à
l’immigration irrégulière qui n’ont pas encore
l’âge de passer le permis et qui se sont mis
en tête de braver un danger que nombre
de personnes plus âgées ne se risqueraient
pourtant pas à courir, au risque d’y perdre la
vie. Ils arrivent des quatre coins du Maroc,
parfois de l’autre extrémité du pays, selon les
récits recueillis par diverses associations de
protection de l’enfance actives dans la ville
du détroit.
En dehors de la possibilité d’émigrer, ils n’ont
d’autreschoixpoursubsisterquedequéman-
der quelques pièces aux passants, quand ils
ne basculent pas dans la criminalité et mi-
nimisent ainsi, sans qu’ils ne s’en rendent
vraiment compte sur l’instant, leurs chances
potentielles de s’en sortir. On les retrouve
principalement à la lisière du port, où bon gré
mal gré celui-là attend l’occasion idoine pour
se cacher derrière les roues poussiéreuses
d’un camion, l’autre pour se hisser au haut
d’un bus et échapper ainsi au regard vigilant
des douaniers.
Braver le danger
Le voyageur ayant déjà eu l’occasion de se
rendre en Espagne par bateau à partir de
Tanger ou de Tanger Med, à environ une
heure de route, a sans doute dû remarquer
la présence de ces enfants à la mine défaite,
presque résignée et semblant donner son
assentiment à la rudesse de la vie, et dont
les contours s’endurcissent de jour en jour
à mesure que les claques s’accumulent sur
leurs joues. L’odeur de la colle, à laquelle
beaucoup d’entre eux s’adonnent pour, peut-
être, trouver un exutoire temporaire, saute au
nez dès que leurs silhouettes émaciées se
rapprochent à quelques mètres. Sur place,
hélas,cetristeaperçudusortréservéàbeau-
coup de jeunes Marocains de notre temps fait
désormais partie du décor.
Les policiers s’y sont, ainsi, tellement habi-
tués qu’ils ne pourchassent même plus les
enfants, leur souhaitant peut-être, intérieu-
rement, de pouvoir décrocher le sésame
tant espéré pour le rêve européen. Combien
seront-ils à mourir en tentant de réaliser ce-
lui-ci? Parmi les nombreuses barques de
candidats à l’immigration irrégulière renver-
sés ces dernières semaines en Méditerra-
30 MILLIONS D’ENFANTS AFRICAINS SONT LIVRÉS À EUX-
MÊMES.«CE CHIFFRE EST EN CONTRADICTION AVEC LES
VALEURS ANCESTRALES DE NOS SOCIÉTÉS» A DIT S.M. LE ROI.
née, beaucoup d’enfants. Peut-être ceux-ci
avaient eux aussi traîné leurs guêtres nuit et
jour dans le port de Tanger, et ont vu leurs
espoirs se volatiliser en instant, pour ne pas
dire sombrer au plus profond de l’océan,
dans une fin aussi injuste que l’a été leur
quotidien dans la rue.
Il ne faut pas nécessairement se rendre
jusque dans le Nord pour assister à un aus-
si triste spectacle. Non loin du parlement,
avenue Mohammed-V, principale artère de
la ville de Rabat mais aussi du pays de par
son emblématisme, des dizaines d’enfants
se retrouvent également seuls, sans donner
l’impression de pouvoir retrouver, une fois la
nuit tombée, un foyer.
Certains n’ont pourtant même pas encore
dépassélahauteurdetroispommes.Quand
on leur parle pourtant, on croit s’adresser à
des personnes ayant affronté tous les tour-
ments possibles et imaginables de la vie.
De l’existence, ils sauraient vous dire des
choses bien plus profondes que le commun
des adultes, preuve aussi d’une intelligence
qui a seulement besoin d’être cultivée pour
offrir son meilleur visage. Ceci rend par ail-
leurs plus triste la situation, dans la mesure
où l’on se dit que nombre de potentiels sont
en train d’être bêtement gâchés, simple-
ment parce qu’on ne fait rien.
Triste sort
A l’occasion justement d’Africités, une cam-
pagne a été lancée pour permettre la réinté-
gration de l’ensemble des catégories d’en-
fants concernés. Elle vise toute l’Afrique et
devrait se traduire par des stratégies adap-
tées dans chacun des villes du continent, du
fait des raisons diverses sous-tendant ce
phénomène.
Au Maroc, elle devrait d’abord être menée
à Rabat, avec comme objectif de ne plus
avoir un seul enfant des rues dans la ca-
pitale. Puis, elle sera étendue au reste du
Royaume. l’ONDE usera de son expertise
acquise sur le terrain depuis sa création en
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1280 - Du 30 novembre au 06 décembre 2018
SARLalla
Meryem prési-
dantlelancement
delacampagne
panafricainepour
desvillessans
enfantsderues.
Marrakech,le24
novembre2018.
mai 1995, tandis que diverses organisations
internationales, dont le Fonds des Nations
unies pour l’enfance (UNICEF), contribue-
ront également. Le CGLUA assurera, pour
sa part, le suivi et la mobilisation. Pour que
la campagne fonctionne, il faudra ceci dit
que tout un chacun apporte sa pierre de
touche, notamment au niveau de la société.
S’il y a tant d’enfants abandonnés, ce n’est
pas forcément à cause du seul Etat, mais
aussi parce que beaucoup de familles re-
fusent désormais d’assumer leurs rôles.
Drame humain
Des récits à glacer le sang font état de cer-
tains enfants qui, littéralement, ont été pous-
sés dehors, parce que tout simplement l’on
ne pouvait/voulait plus leur offrir un toit et la
contribution financière qui va avec.
En principe, les divers textes et traités in-
ternationaux signés et ratifiés par le Maroc
devraient prévenir de tels développements,
mais la volonté politique suffisante pour les
mettre en application semble avoir manqué.
L’engagement royal, traduit par le discours
lu par Lalla Meryem, pourrait ceci dit aider
à débloquer une situation qui, au-delà d’être
un drame statistique, écrabouille chaque
jour des milliers d’espoirs et, par là même,
des milliers de vies... l
M
ounira Bouzid El Alami est
une figure associative très
connue à Tanger. Après des
études de psychanalyse en
France, elle décide de rentrer au Maroc et
s’installe à Tanger, où elle ouvre un cabinet
de psychothérapie. Mais, quelques années
plus tard, non satisfaite par sa situation so-
ciale et professionnelle en estimant être au
service de l’élite tangéroise, elle décide de
fermer son cabinet pour se consacrer au
travail associatif, particulièrement en faveur
des enfants en situation difficile. C’est ainsi
qu’elle fonde en 1995 l’association Darna,
une grande structure d’accueil qui vient en
aide aux enfants et aux femmes victimes
d’une grande précarité, tout en leur appor-
tant le soutien nécessaire et une formation
adéquate. «Une mission caractérisée par
le manque de soutien de la part des élus et
des autorités locales à ce projet citoyen»,
déplore toutefois cette grande militante.
Vingt-trois ans plus tard, l’association Darna
est devenue une entité sociale très impor-
tante à Tanger, qui accueille plus de 150 en-
fants âgés entre 8 et 19 ans et environ 120
femmes par jour. Cette population bénéficie
de cours d’alphabétisation et de sessions de
formation dans des métiers variés tels que
le tissage, la menuiserie, la peinture et la
couture. Les centres Darna sont ainsi deve-
nus de véritables lieux de vie et de partage.
Cette expérience associative, construite de
bout en bout par une femme passionnée et
dévouée, a été couronnée par l’élaboration
d’un ouvrage qui s’intitule Une tentative
pédagogique envers les personnes dému-
nies. Composé de 5 tomes, cet ouvrage est
illustré de photographies sur l’expérience de
l’association, ses structures et ses réalisa-
tions. «À Darna, les jeunes sont accueillis
hors temps scolaires, accompagnés pour
leurs devoirs, et soutenus pour développer
un projet de vie. À la maison communau-
taire des jeunes, on l’y forme; nous por-
tons une attention toute particulière à ses
comportements, aux repères et aux règles.
Nous discutons de l’orientation scolaire
la plus adaptée pour offrir une seconde
chance, proposer des choix de formation
polyvalente, une aide à l’insertion dans la
vie professionnelle et citoyenne», nous
explique Mounira Bouzid El Alami. Pour
cette militante au parcours singulier, Tanger
présente une situation très complexe pour
les enfants démunis. Ces derniers ne sont
pas tous tangérois, ils viennent de toutes
les villes du Maroc, de Fès, de Meknès, de
Tétouan et même de Marrakech. Leur rêve:
rejoindre l’autre côté de la Méditerranée.
«Avec mon équipe, nous sillonnons tous
les jours les artères et les vieux quartiers de
Tanger pour les convaincre de venir dans
notre association. C’est une tâche qui n’est
pas facile mais nous maintenons parfois la
pression», explique-t-elle.
Aujourd’hui, forte de son expérience, elle
reçoit l’appui des institutions publiques et
privées et même des organisations inter-
nationales. Malgré son âge, 72 ans, elle
compte encore continuer son combat pour
le bonheur de ces enfants déshérités qui
vivent en marge de la société l
Mounira Bouzid El Alami,
un engagement pour les enfants démunis
Aissa AMOURAG
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14. 17
1280 - Du 30 novembre au 06 décembre 2018
I
l aura donc fallu la 8ème
édition du Fo-
rum Africités, tenue à Marrakech, du
20 au 24 novembre 2018, pour qu’une
nouvelle lumière crue soit faite sur les
enfants de la rue. Combien sont-ils
dans le continent? Quelque 30 millions. Le
message royal adressé à cette rencontre a
été un appel urgent à lutter contre ce fléau
social.Cequel’onoffreaujourd’huiàcesen-
fants, c’est «l’avenir de nos villes et de nos
nations» a précisé le Souverain dans son
message lu par la princesse Lalla Meryem.
Leur précarité n’en fait pas des invisibles,
«ils sont présents et ils sont le futur», a-t-il
ajouté. Combien sont-ils au Maroc? Trente
mille, cinquante mille? Selon bien des éva-
qui aide sa famille; souvent il vit avec elle,
d’ailleurs, mais de manière intermittente.
Pareille situation s’apparente pratiquement
dans les deux cas à une vie d’errance.
Lesconditionsdéfavorables,voireextrêmes,
qui ont conduit à ce mode de vie sont nom-
breuses et complexes. Elles tiennent à
des facteurs connus: divorce des parents,
décès du père ou de la mère suivi d’un re-
mariage, violence familiale… L’enfant de la
rue se trouve ainsi plongé dans un monde
nouveau qu’il ne connaît pas et qu’il lui faut
apprendre avec la nécessité d’adopter des
conduites adaptatives pour y faire sa place
et tenter d’y trouver un «statut» de survie
quotidienne et de subsistance.
Un monde parallèle
La coupure avec la société –école, famille–
devient totale; elle porte un nom que les
sociologues appellent la «désocialisation».
Alors, les difficultés ne manquent pas et gé-
nèrent des dérèglages. Et ce par rapport au
temps, à l’espace, aux autres et, enfin, au
corps même de l’enfant de la rue. L’insécu-
rité, l’anxiété et l’inquiétude s’installent; elles
reformatent le profil et les ressorts les plus
profonds de ces jeunes adolescents, plutôt
des préadolescents, d’une dizaine d’années
seulement.
Le rythme de vie s’en ressent tant pour ce
quiestdel’alimentation,passablementaléa-
toire, que du sommeil. Le périmètre d’évolu-
tion est délimité dans des quartier particu-
liers ou dans des rues tout aussi singulières.
Une localisation qui tient à la nécessité de
répondre à des besoins propres couvrant un
large spectre: métiers de la rue, prostitution,
trafics, lieux pour dormir... Ce rapport à l’es-
pace entraîne souvent une certaine logique
des relations à autrui. Des groupes, voire
des petites bandes, peuvent alors se for-
mer; mais cela tient sans doute davantage à
un besoin de se rassembler qu’à une réelle
volonté de partager en commun.
Dans divers cas, ces enfants sont sous l’au-
torité d’un «protecteur» exerçant sur eux
unepressionpourfairefructifiersesactivités
ou ses revenus.
Une dépendance renforcée par la prise et
l’addiction à des solvants qui modifient les
perceptions corporelles, tel le rapport à la
luations, ce serait plutôt au-dessus de cette
fourchette. Preuve que les politiques pu-
bliques ne maîtrisent pas grand-chose.
Assurément, la bonne volonté ne manque
pas, mais cela suffit-il pour autant? Aucu-
nement. Alors? Il y a sans doute de la dif-
ficulté à reconnaître ce fléau, sa nature et
sa dimension. Pourquoi? Parce que c’est le
constat d’échec et de faillite, «d’une famille,
de nos valeurs mais aussi d’un système»
comme l’a justement relevé Célestine Ket-
cha, maire de Bangangté (Cameroun) et
présidente du Réseau des femmes élues
locales d’Afrique (REFELA).
Quelle est au Maroc leur implantation? Sur-
tout àTanger et à Casablanca. Suivent Mar-
rakech, Agadir, Fès, etc. Que la capitale du
Détroit se classe en tête s’explique par l’ai-
mantation qu’elle exerce sur les candidats
au départ vers l’Europe.
Une vie d’errance
L’objectif est –et reste– l’émigration par tous
les circuits et les passages possibles, des
«pateras» aux soutes de camions. Com-
bien d’entre eux finissent par arriver? Une
bien faible minorité, mais le rêve est tou-
jours là, prégnant, contribuant à les installer
de fait dans une précarité durable. Ils n’en
ont cure… Quant à la métropole écono-
mique et aux autres villes, c’est le résultat
d’une déstructuration sociale, aux facteurs
multiples.
Il faut cependant ici faire une distinction
entre les enfants de la rue et ceux qui sont
dans la rue. L’enfant de la rue, qui vit dans
la rue, n’a pratiquement plus aucun contact
avec sa famille. Tout autre est la situation
de l’enfant dans la rue, vivotant de multiples
activités –mendicité, chapardage, …- et
LA COUPURE
AVEC LA
SOCIÉTÉ (ÉCOLE,
FAMILLE…)
DEVIENT TOTALE.
s
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16. COUVERTURE
20
“Nous offrons une seconde
vie aux enfants de la rue”
ENTRETIEN AVEC MERIEM OTHMANI,
Présidente de l’association Insaf
Le phénomène des enfants de la rue
ne cesse de prendre des proportions
alarmantes dans notre pays. Quel est
votre regard là-dessus?
Je peux vous parler de l’époque où
j’étais présidente de l’association l’Heure
Joyeuse, qui accorde une grande atten-
tion aux enfants de la rue. On avait créé
des restaurants du cœur pour eux. Ils
étaient à l’époque entre 400 et 500 en-
fants. Ils venaient tous les soirs, pendant
le mois de Ramadan, au siège de l’as-
sociation pour se doucher et changer de
vêtements. Les médecins venaient pour
les soigner et leur distribuer les médica-
ments. On avait aussi la chance extraordi-
naire d’avoir des repas offerts par tous les
grands hôtels de Casablanca, comme le
Hyatt Regency et le Royal Mansour.
Ces enfants sont-ils logés dans les lo-
caux de l’association?
Non, ils ne restaient pas dans nos locaux.
Ils repartaient le soir même, en emportant
avec eux leur repas du matin. Ce sont,
La présidente de
l’association Insaf, Meriem
Othmani, a milité pendant
longtemps pour sauver les
enfants de la rue.
A l’heure actuelle, son
combat est de libérer les
petites bonnes pour les
remettre à leurs familles
et retrouver le chemin de
l’école.
malheureusement, des enfants qui sont
habitués à la rue et qu’il est extrêmement
difficile de retenir.
Pensez-vous que la société marocaine
fait assez pour ces enfants?
Outre l’Heure Joyeuse, il existe des as-
sociations qui font un travail considérable
et admirable pour ces pauvres enfants.
Je peux citer, par exemple, l’Association
marocaine d’aide aux enfants en situation
précaire, présidée par Touria Bouabid.
Celle-ci fait d’ailleurs partie de celles et
ceux qui refusent d’utiliser l’expression
«enfants de la rue» car c’est un terme
humiliant.
Cette association possède un centre
équipé qui permet de désintoxiquer ces
enfants. Une action médicale importante
qui a sauvé beaucoup d’enfants et leur a
offert ainsi une seconde vie.
Combien sont-ils à l’heure actuelle?
À l’heure actuelle, je ne sais pas exacte-
ment combien ils sont. Mais on parle de
plusieurs dizaines de milliers. Au sein de
l’association Insaf, je m’occupe d’autres
problématiques sociales comme la lutte
contre l’abandon des bébés dans la rue.
On a sauvé 19.000 bébés.
A Casablanca, près de 300 bébés morts
ou vivants sont retrouvés annuellement.
C’est un phénomène terrible au même
titre que les enfants de la rue. Il y a un
autre phénomène social qui me tient
particulièrement à cœur: c’est mon com-
“LA SITUATION DES
PETITES BONNES, C’EST
DE L’ESCLAVAGISME.”
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17. 21
1280 - Du 30 novembre au 06 décembre 2018
Propos recueillis par Aissa AMOURAG
bat quotidien contre le travail des petites
bonnes, qui sont aussi des enfants aban-
donnés. Je m’attache à les libérer pour
les remettre à leurs familles et leur faire
retrouver le chemin de l’école.
Pensez-vous que ces petites filles
vivent dans les mêmes conditions mi-
sérables que les enfants de la rue?
Pour tout vous dire, ces filles sont âgées
entre 6 et 16 ans. Elles sont toutes
maigres car elles ne mangent pas à leur
faim. Toutes petites, elles connaissent le
froid et les humiliations. Elles dorment à
la cuisine sur une paillasse. Elles n’ont ja-
mais joué dans leur courte vie. Elles sont
réveillées à 6H du matin et se couchent
très tard.
Elles travaillent sans relâche et leurs pe-
tites mains sont percées par les produits
de nettoyage corrosifs. Elles ne sont pas
soignées sans parler des coups qu’elles
reçoivent. Parfois, nous pouvons en-
tendre leurs cris et leurs pleurs dans cer-
tains immeubles.
Peut-on parler d’une forme d’escla-
vagisme?
C’est de l’esclavagisme. Nous ne pouvons
plus l’accepter dans notre pays. Nous ne
devons pas permettre le sacrifice de ces
enfants sous prétexte que leurs parents
sont pauvres. D’après nos études, si nous
prenons un village de 100 familles, 96 fa-
milles vont envoyer leurs enfants à l’école
et 4 vont envoyer leur petite fille au travail.
Toutes ces familles ont subi la sécheresse
de la même manière et elles sont toutes
aussi pauvres les unes que les autres.
Pensez-vous que la nouvelle loi ap-
porte une solution à ce phénomène?
Avant la promulgation de cette loi, on ne
pouvait rien faire. On ne pouvait pas agir.
Maintenant, avec cette loi, on peut dénon-
cer les employeurs des petites bonnes en
leur disant qu’ils encourent des peines
de prison en plus de l’obligation de payer
des amendes conséquentes: 25.000 et
50.000 dirhams en cas de récidive l
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19. 23
1280 - Du 30 novembre au 06 décembre 2018
Un compagnon de Amaoui pour changer
CONGRÈS DE LA CDT
A
vec un an de retard, la Confédéra-
tion démocratique du travail (CDT)
a finalement tenu son congrès, le
sixième du nom, les 23, 24 et 25
novembre 2018, à Bouznika. Un nouveau
secrétaire général, Abdelkader Zaïr, a été élu
en lieu et place de Noubir Amaoui, fondateur,
retenu pour empêchement majeur relatif à son
état de santé.
Comme toutes les successions à un prédé-
cesseur qui a marqué ses mandats successifs
de son empreinte, celle-ci n’a pas été facile.
Car le candidat élu n’était pas seul en course,
il lui fallait un concurrent ne serait-ce que pour
faire démocratie interne. Allal Belarbi a tenu
ce rôle. Il l’a fait jusqu’au bout; voire au delà
que prévu. L’ambition personnelle est forcé-
ment de mise, encore fallait-il se mettre d’ac-
cord sur la méthode pour atteindre un fauteuil
pour une personne. Comment le prétendant
à ce perchoir syndical allait-il être élu, par le
nouveau conseil national, formé la veille, ou
Abdellatif MANSOUR
Laprésidencedu6ème
congrèsdelaCDTavecaucentreAbdelkaderZaïr.
par l’entremise du congrès. Pendant de lon-
gues heures, les travaux du congrès étaient à
l’arrêt. Blocage.
Comme on pouvait s’y attendre, c’est l’ancien
compagnon de route de NoubirAmaoui qui est
passé haut la main.
Douloureuse séparation
Depuis sa création en 1978, la CDT se situait
dans la sphère politique de gauche. Elle se
définissait volontiers comme Le bras de réso-
nancesocialedel’USFP.L’interactionentreles
deux structures était évidente; puisque Noubir
Amaoui était membre du bureau politique du
parti de Abderrahim Bouabid. Noubir Amaoui
a décidé de se retirer du parti.
La séparation a été douloureuse au 6ème
congrès de l’USFP, en mars 2001, dirigé par
Abderrahman Youssoufi. Une rupture à grand
fracas où le compte n’était pas bon pour la
CDT. Celle-ci disposait de deux organes de
presse du parti qui couvraient allègrement ses
activités;particulièrementsesappelsrépétésà
lagrèvegénérale.Ilenaétéainsienavril1979
et juin 1981, beaucoup plus qu’en décembre
1990 et 1996. L’USFP a fini par colmater la
brèche provoquée par la défection de la CDT,
en créant la FDT(Fédération démocratique du
travail ), prolongement syndical du parti. Le di-
vorce avecAmaoui était consommé.
C’est en gros le legs que M. Zaïr héritera dès
son installation. Comment le négociera-t-il? Il
y a tout de même une note positive qui de-
vrait lui faciliter la tâche. Ce sont les actions
communes menées conjointement par l’UMT,
l’UGTM et la CDT versionAmaoui. Un regrou-
pement profitable pour une scène syndicale
qui a toujours souffert d’une dispersion ex-
trême. D’autant plus que le dialogue avec le
gouvernement est en panne l
SERA-T-ELLE DANS LA
CONTINUITÉ DE L’ÈRE
AMAOUI OU POUR
UN CHANGEMENT
D’ORIENTATION?
par le congrès souverain et suffisant par lui-
même. Au scrutin indirect s’opposait un scru-
tin direct. Deux courants se sont vite formés
derrière l’une ou l’autre de ces deux options
et de leurs chefs de file. L’enjeu est important
dans la mesure où de ce poste dépend la ligne
de conduite de la centrale. Sera-t-elle dans la
continuité de l’èreAmaoui ou pour un change-
ment d’orientation et d’action?Allal Belarbi, qui
vient de l’enseignement tout comme son rival
et le SG sortant, avait des chances d’arriver en
tête par la voie du conseil national constitué.
Alors que Abdelkader Zaïr était sûr de son fait
Avec Abdelkader Zaïr à la tête de la centrale syndicale, l’ère Amaoui n’est pas finie.
D’autant plus que le dialogue social avec le gouvernement est en panne.
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20. POLITIQUE
24
Lessixrupturesdel’Istiqlal
LE PROJET ALTERNATIF DE DÉVELOPPEMENT
L
aformationistiqlaliennepersiste
et signe. Après avoir présen-
té un projet de loi de finances
rectificatif à la fin mai 2018, le
parti rebondit cette fois en pu-
bliant un plan décliné autour de «six rup-
tures» devant marquer une nouvelle vision
du modèle de développement. Il a fait l’objet
d’une réunion de presse tenue le jeudi 29
novembre 2018, à Casablanca, à l’initiative
de l’Alliance des économistes istiqlaliens.
Ce projet se veut une analyse couplée à des
propositions d’amélioration du projet de loi
de finances 2019 actuellement en délibéra-
tion à la Chambre des conseillers après son
adoption par la Chambre des représentants.
Crise de confiance
Il intéresse en particulier quatre domaines:
l’amélioration des conditions des jeunes, le
développement de la classe moyenne, l’en-
couragement des PME et des TPE, enfin la
réduction des disparités territoriales.
Cela dit, la première rupture intéresse le mo-
dèle de gestion actuel, à revoir et à corriger
en profondeur. Un processus de transition
est ainsi défendu; il doit assurer l’évolution
«d’une société basée sur l’intermédiation,
les avantages et les formes de privilèges, à
une société de droit garantissant l’équité».
En l’état, le mode de développement actuel
a atteint ses limites. Il est devenu même
contre-productif en ce sens qu’il génère une
crise de confiance. Pourquoi? Parce qu’il
astreint pratiquement au recours aux passe-
droits, aux réseaux et à la corruption pour
permettrel’accèsàsespropresdroits.Ils’en
suit son incapacité à garantir une justice
équitable ainsi qu’une concurrence saine.
Si bien que le citoyen, malgré les avancées
Il faut opérer le passage de l’éparpillement des efforts et des ressources
à un ciblage des programmes et des actions sur les ménages et les territoires.
X
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21. 25
1280 - Du 30 novembre au 06 décembre 2018
Mustapha SEHIMI
démocratiques consacrées dans la nouvelle
Constitution, n’accorde que peu de crédit
aux instituions élues et à la capacité des ac-
teurs et à l’administration à garantir l’égalité
des droits et l’équité de traitement.
Inégalités sociales
Dans ce même registre, est mise en relief
la deuxième rupture. Elle regarde un né-
cessaire changement de gouvernance.
Celle-ci doit passer d’une approche basée
sur l’urgence et la réaction face aux «foyer
de crise» à autre chose: l’anticipation et la
vision stratégique à long terme.
Quant à la troisième rupture, elle s’attache à
la mise en œuvre des politiques publiques.
Il faut ainsi opérer le passage de l’éparpil-
lement des efforts et de l’utilisation des
ressources à un ciblage des programmes
et des actions sur les ménages et les ter-
ritoires.
Il y a bien eu depuis deux décennies une
dynamique de développement, mais celle-ci
a-t-elle réduit les inégalités sociales et ter-
ritoriales? Le fait n’est guère établi malgré
l’importance, la multiplicité et la succession
des politiques publiques et des programmes
économiques et sociaux.
Ce qui est en jeu à cet égard c’est l’acces-
sion à terme à un nouveau palier de dé-
veloppement. Il doit viser à valoriser tout
le potentiel social et territorial mais aussi à
assurer l’inclusion de tous les citoyens dans
cette dynamique. Il doit également se pré-
occuper de garantir un ciblage précis des
bénéficiaires des politiques sociales en éva-
luant l’impact des politiques publiques sur
le pouvoir d’achat et la vie quotidienne des
ménages. Mais il y a plus.
Ainsi, la quatrième rupture proposée doit
prendre en charge une nouvelle méthodolo-
gie priorisant la cohérence et la complémen-
tarité des services et des projets de déve-
loppement au niveau des territoires et ce en
lieu et place d’une gestion sectorielle, peu
intégrée parce que pratiquement «en silos».
Ce qui est recommandé dans cette même
ligne c’est une approche systémique; celle-
ci doit être basée sur la contractualisation
dans plusieurs directions; une stratégie in-
dustrielle globale; complémentaire et inté-
grée avec les métiers mondiaux du Maroc;
le développement du potentiel de valorisa-
tion des ressources naturelles et des terri-
toires; enfin, une politique tournée vers la
consolidation et l’extension d’une infrastruc-
ture matérielle et immatérielle favorisant
l’accès des produits nationaux aux marchés
internationaux.
Potentiel social
Pareille orientation –c’est la cinquième rup-
ture– doit également prendre davantage en
charge l’orientation des investissements
vers le renforcement des capacités hu-
maines et des entreprises ainsi que des or-
ganisations. Consolider le capital humain et
ses capacités: voilà l’axe stratégique. Mais il
faudra veiller à ne pas se borner aux «com-
pétences techniques» mais s’attacher à des
valeurs déclinées autour de la citoyenneté,
du mérite, du travail, du respect des normes
et des engagements, du savoir-être, du sa-
voir-apprendre et du savoir-communiquer.
Il faut y ajouter l’importance des investisse-
ments dédiés au développement des tech-
nologies et de l’innovation. Le challenge ici
est le suivant: passer du stade de consom-
mateur à celui de producteur de technologie
et d’innovation.
La dernière rupture, elle, se soucie de l’uti-
lisation des ressources naturelles. Veiller
à leur bonne consommation; valoriser leur
développement, garantir leur durabilité:
autant de principes à inscrire dans des ob-
jectifs nationaux liés au développement des
secteurs de l’économie verte et bleue. En
même temps qu’une stratégie énergétique
couplant les capacités de production d’élec-
tricité à partir d’énergies renouvelables, il
importe de mettre sur pied un programme
d’efficacité hydrique basé sur des objectifs
précis en matière de durabilité, de distri-
bution équitable et de valorisation de la
ressource hydrique. Le crédo doit être une
consommation responsable de ces res-
sources pour améliorer aussi les conditions
de vie des citoyens l
Lesdirigeants
istiqlaliens
KarimGhellab,
NizarBarakaet
AdilDouiri
CONSOLIDER
LE CAPITAL HUMAIN
ET SES CAPACITÉS:
VOILÀ L’AXE
STRATÉGIQUE.
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22. POLITIQUE
26
El Othmani en sursis
LE GOUVERNEMENT COMPTABLE
DE SON PREMIER BILAN
A quelques semaines de la fin 2018, le climat général dans lequel se trouve
le cabinet El Othmani n’est pas de bon augure pour l’avenir. Y compris
pour son propre parti.
C
omment se porte le cabinet El
Othmani? Que peut-il faire? Et
avec quel soutien politique et
populaire? Voilà des interroga-
tions, entre autres, qui tarau-
dent pratiquement tout le monde, dans les
rangs de sa majorité comme dans ceux de
l’opposition, dans les milieux économiques
et d’affaires comme dans l’opinion publique.
Pour résumer, il y a en effet beaucoup à faire
au moins sur quatre fronts.
Le premier d’entre eux est d’abord le statut du
Chefdugouvernementensaqualitédesecré-
taire général de son parti depuis pratiquement
un an, au lendemain des assises du VIIIème
congrès. Élu à une très courte majorité (1024
voix contre 912 pour Driss Azami Idrissi), ce
scrutin traduisait bien déjà une division nour-
rie depuis des mois avec la formule politique
qu’il avait mise sur pied, le 5 avril 2017, en y
incluant l’USFP, ce que Abdelilah Benkirane
avait refusé durant six mois, de sa nomination
comme Chef de gouvernement désigné le 10
octobre 2016 jusqu’au 15 mars 2017. Que
son concurrent précité ait pu se faire élire à la
présidence du conseil national du parti avec
plus de 80% des voix confirme et amplifie
même la précarité de son statut. Surtout que
c’était là l’expression d’une «ligne» Benkirane
non participationniste donc suivant les termes
de cette conjoncture particulière.
Sur cette base-là, El Othmani pouvait diffici-
lement imposer son rôle arbitral à ses alliés.
C’est qu’il se trouvait de ce fait affaibli et qu’il
devait composer avec l’ambition de Aziz
Akhannouch, président du RNI, se présentant
volontiers comme mandataire de l’UC de Mo-
hamed Sajid, du MP de Mohand Laenser et
deDrissLachgardel’USFP.Unschémainédit
de bicéphalisme paraissait prévaloir dès les
premiers mois. Il a bien été contesté à diffé-
rentes reprises par M. El Othmani. Mais a-t-il
vraiment convaincu? C’est le deuxième front
auqueliladûsecolleter.Illuiafallupasmoins
de dix mois pour faire signer une Charte de
la majorité le 19 février 2018. Un processus
laborieux donc qui était le signe des difficultés
rencontrées à cet égard. Comment cet accord
a-t-il été appliqué depuis? Pas vraiment dans
des conditions satisfaisantes. Bouderies de
ministres RNI, boycott du Conseil de gou-
vernement durant quatre réunions hebdoma-
daires par Mustapha Ramid, procès du PJD
comme parti «destructeur» à l’instar du PJD
turc d’Erdogan: rien n’a manqué dans cet
épisode de tiraillements, voire d’éclatement.
À chaque fois, El Othmani a minimisé les
choses, comparant même la situation à une
brouille conjugale! De fait, il ne maîtrisait pas
grand-chose.
Bouderies et boycott
Une position dont l’inconfort n’échappait à
personne. Surtout qu’un troisième front, si l’on
ose dire, était ouvert du côté du méchouar.
Référence est faite ici à la preuve que devait
faire le Chef du gouvernement qu’il était bien
engagé dans une politique de réformes que le
Souverain appelait de ses vœux depuis le dis-
cours du Trône du 29 juillet 2017 et qu’il avait
multiplié les adresses, le 20 août et le 13 oc-
tobre de la même année puis de nouveau en
2018 dans trois autres allocutions officielles.
Devant la carence de ce cabinet, le Roi a fixé
des orientations sur la priorité à donner au
social ainsi que sur des chantiers d’urgence
(préscolaire) ou sectoriels (éducation, forma-
tion); des délais contraignants ont même été
fixés pour la finalisation des réformes prévues
et même pour l’élaboration d’un nouveau mo-
dèle de développement pour la mi-janvier
(trois mois après le discours devant le Parle-
ment, le 12 octobre 2018). Qu’en est-il de tout
ce cahier de charges inscrit dans une vaste
problématique de relance de la machine éco-
nomique, accompagnée d’une vigoureuse
promotion de l’emploi?
Double monologue
Enfin, ce de dernier front n’est pas le plus se-
condaire. Il s’agit du soutien ou non de l’opi-
nion publique, le soutien politique des partis
de l’actuelle majorité paraissant bien frileux
et timoré. Des promesses ont été faites par
les partis de la majorité lors de la campagne
électorale de l’été 2016; elles ont été synthé-
tisées, d’une manière ou d’une autre, dans le
programme d’investiture voté par la Chambre
des représentants à la fin avril 2017. Ont-elles
été honorées? En lieu et place d’un taux de
croissance de 6-7% annoncé, ce n’est qu’un
modeste 3% qui est réalisé en 2018; pour
2019, ce n’est guère mieux. Restaurer la
confiance reste encore une entreprise aléa-
toire. Le climat des affaires et de l’investis-
sement pose encore problème; la fuite des
capitaux s’aggrave en même temps que celle
des compétences. Le dialogue social, forte-
ment recommandé par le Roi, n’est ni continu
ni institutionnalisé; il donne lieu à un double
monologue.
A quelques semaines de la fin 2018, le climat
général dans lequel se trouve le cabinet El
Othmani n’est pas de bon augure pour l’ave-
nir. Le chef du gouvernement ne maîtrise pas
plus ses troupes; bien au contraire. Lundi
26 novembre 2018, devant la Chambre des
représentants, il a été fortement malmené
par l’opposition –ce qui était prévisible- mais
aussi à propos du contrôle des prix des hy-
drocarbures. Le ministre PJD, Lahcen Daou-
di, qui a en charge ce dossier dans son dé-
partement des Affaires générales, s’est ainsi
heurté à de vives critiques de parlementaires
de son propre parti. Pour remonter en arrière,
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23. 27
1280 - Du 30 novembre au 06 décembre 2018
Mustapha Sehimi
l’affaire de l’heure légale «GMT+1» a achevé
de confondre la carence de ce cabinet. A la
mi-octobre, la candidature d’un cadre de cette
même formation, Nabil Chikhi, à la présidence
de la Chambre des conseillers, face au pré-
sident sortant du PAM, Hakim Benchamach,
a également témoigné de sa faible capacité
d’arbitrage et de décision. Les parlementaires
PJD ne se sont pas conformés en effet à l’ac-
cord donné par El Othmani à ses alliés de la
majorité de ne pas présenter un candidat lors
de ce scrutin. Une «fronde» nourrie, dit-on,
parAbdelilah Benkirane.
C’est encore ce responsable qui multiple de
plus en plus l’évaluation critique et sévère de
l’action d’El Othmani à la tête de l’Exécutif.
Il refuse ainsi de lier son propre bilan durant
près de cinq ans (octobre 2011-octobre 2016)
à celui de son successeur. Pour sa part, il
considère, lui, que son gouvernement a un
solde globalement positif à la différence de
celui d’El Othmani. Et d’invoquer au passage
le renouvellement amélioré des résultats de
son parti en 2016, preuve à ses yeux de la
confiance populaire.
Des questions sensibles
Voici deux mois, il a cloué au pilori des res-
ponsables du parti de la lampe en invoquant
plusieurs griefs: leur déviation de l’idée de
la réforme, leur argumentaire lénifiant, la
défense de leurs intérêts, le recours de cer-
tains d’entre eux à «user de violence au sein
du parti…» Et d’ajouter encore qu’il faut «les
empêcher de se prendre pour les maîtres des
horloges». Au total, il attise le feu, partout,
faisant exacerber les contradictions du cabi-
net actuel et veillant à les polariser sur des
questions sensibles à forte charge symbo-
lique (place de la darija dans les programmes
scolaires) ou émotionnelle (décès d’un berger
bloqué par la neige).
La base de cette formation islamiste partage-
t-elle ce sentiment? La déception y est de plus
en plus grande; la direction est de moins en
moins connectée avec les interrogations, les
attentes et les besoins de ses militants, de ses
élus et de ses électeurs. El Othmani et ses mi-
nistres portent-ils en effet quelque projet? Les
impulsions et les initiatives procèdent du Roi.
Si bien que l’idée d’une interruption circule, ici
et là, pouvant mettre fin à ce gouvernement
avant terme, en 2019. El Othmani soutient
le contraire et tente de convaincre qu’il ira
jusqu’à la fin de cette législature.
Abdelilah Benkirane, lui, ne rejoint pas cette
analyse et paraît se prépositionner pour un
scrutin dans les prochains mois. Il y gagnerait
dans tous les cas de figure en redevenant au
centre de la compétition électorale nationale
d’abord, partisane ensuite –au sein du PJD. Il
sait que dans cette éventualité, il retrouverait
un «statut» qui permettrait au surplus à son
parti de préserver –même avec un recul– la
première place acquise en 2011 et améliorée
en 2016.
Du côté de l’opposition prévaut une lecture
différente. Si durant l’année 2017 et jusqu’au
boycott d’avril–juin 2017, Aziz Akhannouch
paraissait bien inscrire son «forcing» person-
nel et la montée en puissance du RNI dans
un agenda de mi-législature lié à des élections
législatives anticipées, tel n’est plus, semble-t-
il, le cas aujourd’hui. Ni lui ni son parti ne sont
prêts pour une telle épreuve électorale et poli-
tique dans les prochains mois.
Prévaut ainsi, en dernière instance, une at-
tente générale pâtissant d’un déficit de visi-
bilité politique et économique. Restaurer la
confiance est impératif. Mais comment? Et
avec quels acteurs? Une situation sursitaire
qui n’est pas à la hauteur des grands dossiers
en instance ni des profondes réformes qui
doivent les traduire l
EL OTHMANI POUVAIT
DIFFICILEMENT IMPOSER
SON RÔLE ARBITRAL À SES
ALLIÉS.
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24. POLITIQUE
28
NasserBourita
etAbdelkader
Messahel.
Desdémarches
pourétablir
lecontactavec
l’Algérie.
Lesilencecoupabled’Alger
MAIN TENDUE DE RABAT
Depuis le 6 novembre, l’Algérie garde le silence pour ne pas avoir à répondre à la
demande marocaine d’un mécanisme de dialogue et de concertation conjoint pour
mettre fin au conflit du Sahara marocain.
C’
est le moins que l’on
puisse dire: l’Algérie est
au pied du mur. Depuis
le discours de la Marche
verte du 6 novembre
2018, où le roi Mohammed VI lui avait fait
sa proposition d’un mécanisme de dialogue
et de concertation conjoint pour régler les
différents différends bilatéraux dont celui au-
tour Sahara marocain, la voisine de l’Est est
pressée de toute part par la communauté
internationale.
Celle-ci la pousse instamment à accepter
cette proposition, en ce qu’elle permettrait
de mettre fin à un état de fait qui mine la
construction du Maghreb depuis 43 ans.
Car tout le monde sait aujourd’hui qu’il n’a
jamais été question, tout au long de ces
années, que du Maroc et de l’Algérie, bien
que cette dernière nie sa responsabilité
dans la genèse et le développement du
conflit. Pendant plusieurs jours après le
discours royal, les dirigeants algériens ont
gardé le silence, pour seulement fustiger
Cahier26-50.indd 28 29/11/2018 00:49
25. 29
1280 - Du 30 novembre au 06 décembre 2018
Wissam El Bouzdaini
dans les médias une «offre douteuse dans
sa forme et suspecte de par son contenu»
et «un non-événement qui ne mérite pas de
réponse formelle» -propos tenus par une
source autorisée dans un article publié le 10
novembre par le journal électronique Tout
surl’Algérieetquin’ontjamaisétédémentis,
ce qui les rend vraisemblables.
Mais il était clair qu’ils voulaient simplement
noyer le poisson car ils sont bien conscients
qu’en acceptant la proposition du Maroc et
de son Roi, ils allaient de fait reconnaitre la
véritable nature du conflit autour du Saha-
ra marocain. La parade qu’ils ont trouvée?
Convoquer un sommet des ministres des
Affaires étrangères de l’Union du Maghreb
arabe (UMA) et, ainsi, ne pas avoir à traiter
seul à seul avec le Royaume.
Noyer le poisson
L’Algérie a à ce titre saisi, le 22 novembre
2018, le secrétaire général de ladite orga-
nisation, en l’occurrence Taïeb Baccouche.
Une initiative à laquelle, en soi, le Maroc
n’est pas contre, mais qui, aux yeux du
Royaume, n’apporte pas de réponse à la
proposition marocaine.
Le ministre des Affaires étrangères et de la
Coopération internationale, Nasser Bourita,
n’a d’ailleurs pas manqué de le faire savoir
à l’ambassadeur d’Algérie à Rabat, qu’il a
reçu en audience au siège de son dépar-
tement lundi 26 novembre 2018. Selon le
communiqué publié dans la foulée par le
cabinet du chef de la diplomatie, l’état de
léthargie dans lequel se trouve l’UMA est
essentiellement dû à la nature d’après lui
«anormale» des relations entre le Maroc et
l’Algérie, lesquelles ne peuvent par consé-
quent être traitées que dans le cadre d’un
dialogue bilatéral, «direct et sans intermé-
diaires».
«Le Maroc n’a pas d’objection de principe
quant à la tenue d’une réunion du conseil
des ministres des Affaires étrangères de
l’UMA. Le Royaume a, d’ailleurs, réagi de
manière constructive à la proposition for-
mulée par la Tunisie pour tenir une retraite
des cinq ministres maghrébins des Affaires
étrangères. Néanmoins, le Maroc ne peut
que douter que cette 35ème
réunion minis-
térielle puisse parvenir à des résultats tan-
gibles, différents des 34 précédentes, en
l’absence d’une bonne préparation et d’un
dialogue direct responsable entre deux
États membres de l’UMA,» a-t-il indiqué.
Le ministère des Affaires étrangères a
également révélé l’existence de plusieurs
démarches pour établir le contact avec l’Al-
gérie à niveau ministériel, qui finalement au-
ront été vaines. Tout porte à croire qu’il ne
faudra donc pas compter sur Alger pour dé-
bloquer la situation. Un état de fait loin d’être
idéal alors que la capitale algérienne doit
justement s’assoir à table avec le Maroc, les
5 et 6 décembre 2018 dans la ville de Ge-
nève, en Suisse, pour une conférence pour
le règlement du conflit du Sahara marocain.
Des démarches vaines
Le Conseil de sécurité, qui avait prorogé de
six mois le 31 octobre 2018 le mandat de la
mission de paix des Nations unies dans les
provinces sahariennes (MINURSO), semble
décidé à en finir avec la situation sur le ter-
rain, qui maintient un statu quo invivable
pour tous. Il devrait logiquement faire pres-
sion sur l’Algérie pour qu’elle cesse son jeu
dedupesetparticipeàréglerleproblèmedu
Sahara marocain au même niveau qu’elle a
contribué à le créer et à l’alimenter. La réso-
lution par laquelle il a acté le prolongement
de la MINURSO fait d’ailleurs mention de
cette dernière comme partie prenante au
même titre que le Maroc et le mouvement
séparatiste du Front Polisario, ce qui est une
première en plus de quatre décennies.
La fin de l’hypocrisie
Contrairement à son prédécesseur, Chris-
topher Ross, proche de l’Algérie depuis son
passage en tant qu’ambassadeur dans le
pays à la fin des années 1980 et auquel le
Royaume avait d’ailleurs retiré sa confiance
en avril 2012, l’actuel envoyé personnel du
secrétaire général de l’ONU au Sahara ma-
rocain, Horst Köhler, semble pour l’instant
plutôt neutre malgré quelques maladresses
diplomatiques dans les premiers mois de
sa nomination, et il avait avoué mieux com-
prendre les choses suite à la tournée qu’il
avait effectuée au Maghreb fin juin-début juil-
let 2018. Difficile de miser sur une fin proche
du conflit tant les espoirs ont été déçus, mais
cette fois il est permis au moins de croire en
la fin de l’hypocrisie et que tout le monde
reconnaisse enfin la vraie nature du conflit
saharien, qui a moins trait à une guerre de
libération qu’aux visées hégémoniques d’un
pays, en l’occurrence l’Algérie... l
Taieb
Baccouche,
secrétaire
généralde
l’UMA.
LE CONFLIT SAHARIEN A MOINS TRAIT À UNE
“GUERRE DE LIBÉRATION” QU’AUX VISÉES
HÉGÉMONIQUES D’ALGER.
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26. POLITIQUE
30
PAR ABDELLATIF MANSOUR
LEFAUX-FUYANTALGÉRIEN
Pourquoi le Maroc tient-il tant à engager un dialogue
avec un récepteur subitement devenu sourd muet ?
R
egret pour le temps qui
passe; espérance pour le
temps qui reste. Voilà les
deux pôles du communiqué
des Affaires étrangères,
rendu public le lundi 26 novembre 2018.
L’ambassadeur d’Algérie à Rabat a, au
préalable, été appelé pour plus ample in-
formation concernant son pays. Ce n’est
pas une convocation; autrement, cette
rencontre prendrait une tournure diplo-
matique dont le Maroc ne veut pas. La
diplomatie étant pointilleuse sur les mots,
cette entrevue est qualifiée «d’entretien»
qui a donné lieu à un communiqué d’ex-
plication.
Pendant une dizaine de jours, tous les
moyens de communication ont été explo-
rés, y compris les circuits informels pour
«établir un contact avec les autorités algé-
riennes au niveau ministériel, en vain». En
général, lorsqu’on refuse le contact, c’est
qu’on a des choses à cacher; au point
de ne pas oser piper mot ou d’apparaître
au grand jour. Dans ce cas d’espèce, le
mutisme peut être bavard et largement in-
terprétable. Si Alger ne répond pas, c’est
qu’il n’y a plus de pouvoir central dans le
pays, encore moins d’autorité sectorielle
à même de réagir par elle-même. En
somme, aucun attribut minimal d’exis-
tence n’est plus permis. Un cas de va-
cance d’État.
Une question tombe sous le sens, pour-
quoi le Maroc tient-il tant à engager un
dialogue avec un récepteur subitement
devenu sourd muet, émanation d’une ins-
tance vacante? L’objectif est tout simple.
Il s’agit de connaître «la réaction officielle
des autorités algériennes à l’initiative
d’établir un mécanisme politique de dia-
logue et de concertation.» Un vœu parfai-
tement réalisable exprimé par S.M. le Roi
lors de son discours de la commémoration
de la Marche verte, le 6 novembre 2018.
Pour rassurer nos voisins de l’Est, il est dit
dans le même discours que les modalités
de fonctionnement de ce mécanisme se
feront de commun accord.
Tous les différends entre les deux pays
sont mis sur la table. Vraisemblablement,
ce sont ces garanties qui ont inquiété, au
plus haut point, la partie algérienne. Il faut
bien se résoudre à l’idée qu’Alger ne veut
pas entendre parler d’une normalisation
en bonne et due forme. Créer un cadre de
dialogue bilatéral, «direct» et «sans exclu-
sive»; comme cela se passe dans nombre
de situations analogues de par le monde;
ce n’est pas au programme à Alger. À
l’évidence, nos voisins ont d’autres priori-
tés. En premier, ils doivent se trouver un
gouvernement qui dispose de suffisam-
ment d’autonomie et de crédibilité pour
gouverner.
De même qu’il est urgent de se doter d’un
président en possession de ses moyens
physiques et cérébraux pour présider.
Sans cela, comme c’est actuellement le
cas, nul besoin de chercher un interlo-
cuteur digne de ce nom. Surtout par les
temps qui ne courent plus, avec un Boute-
flika figé dans sa maladie immobilisatrice
et pour qui on a rempilé pour un cinquième
mandat. Les élections sont proches. Gaïd
Salah et sa junte militaire sont aux aguets.
Face à cette réalité politique déplorable, et
à la rationalité pragmatique de l’offre ma-
rocaine, l’Algérie a cru trouver une sortie
par le Maghreb. Elle a appelé à une réu-
nion des ministres des Affaires étrangères
de l’UMA. L’instance maghrébine qu’Alger
a méthodiquement sabordée depuis sa
création en 1989 à Marrakech, est ainsi
appelée à la rescousse. La mauvaise foi
est patente.
Le Maroc a malgré tout choisi de faire
contre mauvaise fortune bon cœur; sans
être naïf. Le communiqué des Affaires
étrangères précise que le Royaume ne
voit pas d’inconvénient à propos du pro-
jet de réunion ministérielle placardé par
Alger. À cette grosse nuance près que la
demande algéro-tunisienne ne peut en
aucun cas être mise en concurrence avec
l’initiative royale d’un dispositif de dialogue
bilatéral, entre les deux pays directement
concernés par le conflit factice autour du
Sahara marocain. Autrement dit, cette
35ème
réunion des ministres des Affaires
étrangères maghrébins ressemblera aux
34 rencontres précédentes. En clair, un
échec pratiquement programmé.
Le faux-fuyant algérien, non seulement
ne trompe personne, mais il est inopérant
dans l’atmosphère malsaine qui règne sur
le Maghreb et à laquelle l’Algérie a beau-
coup contribué. On en est là, dans cette
impasse absurde qui court sur deux gé-
nérations l
LORSQU’ON REFUSE
LE CONTACT, C’EST
QU’ON A DES CHOSES
À CACHER.
L’INITIATIVE MAROCAINE EMBARRASSE L’ALGÉRIE
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29. 33
1280 - Du 30 novembre au 06 décembre 2018
Aissa AMOURAG
rieurmarocains’estassociéàceforumavec
un discours du ministre délégué à l’intérieur,
Noureddine Boutayeb, prononcé en ouver-
ture.
«Le Maroc a réussi jusqu’à fin septembre
2018 à mettre en échec environ 68.000
tentatives d’immigration clandestine et à
démanteler 122 réseaux criminels actifs
dans ce trafic», a affirmé ainsi Noureddine
Boutayeb. Ce dernier a souligné que depuis
2002, plus de 3.300 réseaux criminels ont
été mis hors d’état de nuire et quelque 2.000
embarcations de transport d’immigrants
clandestins ont été saisies.
Une lutte inlassable
Le Maroc a innové en matière de gouver-
nance de la migration en lançant une ini-
tiative unique en son genre dans le sud de
la Méditerranée ayant été marquée par la
régularisation de quelque 50.000 migrants,
lors des deux phases de l’opération de régu-
larisation exceptionnelle réalisées en 2014
et 2017.Al’instar de nombreux autres pays,
les principales menaces à la sécurité aux-
quelles le Royaume est confronté ont trait
au terrorisme, à la criminalité transnationale,
aux attaques cybernétiques et à la migration
irrégulière.
Les services de sécurité ont démantelé de-
puis 2002 un total de 185 structures terro-
ristes et procédé à l’arrestation de plus de
3.000 personnes. Parmi ces structures ter-
roristes, plus d’une cinquantaine sont liées
aux différents foyers de tension, notamment
la zone afghano-pakistanaise, l’Irak, la Syrie
et le Sahel. Le Maroc a été la cible des ter-
roristes en 1994, 2003, 2007 et 2011. Ce qui
a exigé une action énergique inscrite dans
une démarche globale qui allie les actions
de prévention visant à assécher les causes
de l’extrémisme violent aux impératifs de la
préservation de la sécurité et de la stabilité
etdurespectdesdroitshumainsetdel’exer-
cice des libertés individuelles et collectives.
Le ministre délégué à l’intérieur indique
qu’en complément de l’approche sécuri-
taire, le Royaume s’est engagé dans une
stratégie visant à accompagner les ex-dé-
tenus terroristes prédisposés à réviser leurs
idéauxetàrejetertouteformed’extrémisme,
à travers des programmes spécifiques dis-
pensés dans les lieux de détention. Il s’agit
particulièrement du programme de qualifica-
tion «Moussalaha», impliquant les autorités
publiques et plusieurs acteurs religieux et de
la société civile, dont le Conseil national des
droits de l’Homme, la Rabita Mohammedia
des Ouléma, la Fondation Mohammed VI
pour la réinsertion des détenus et l’INDH.
Sur le registre de la criminalité transnatio-
nale, le Maroc mène une lutte inlassable
contre les réseaux des trafics transfronta-
liers, notamment le trafic de drogues et les
contrebandes de tous genres, à travers une
stratégie opérationnelle intégrant tous les
acteurs.
Selon M. Boutayeb, la menace liée à la cri-
minalité transnationale est encore amplifiée
par le risque prouvé à maintes reprises de
mutualisation des moyens entre les réseaux
criminels et les groupes terroristes. Les
enjeux liés à la cybercriminalité et à la sé-
curité des systèmes d’information sont stra-
tégiques et touchent différents domaines
économique,sécuritaireetdifférentsacteurs
(État, entreprise et citoyen).
Les performances des services de sécurité
sont considérées, à cet effet, comme remar-
quables. Grâce à leur maîtrise de l’espace
cybernétique, elles ont réussi ces dernières
années à déjouer plusieurs plans terroristes
qui allaient être exécutés, que ce soit sur le
territoire national ou ailleurs.
Coopération bilatérale
Au volet de la coopération internationale, le
Royaume a signé au cours des dernières
années pas moins de 40 accords de coopé-
ration bilatérale dans les domaines de lutte
contre le terrorisme et la criminalité organi-
sée. De son côté, le ministre délégué aux
affaires étrangères, en charge des affaires
africaines, Mohcine Jazouli, souligne que
l’esprit de partage devrait prévaloir dans
les relations, non seulement Sud-Sud, mais
également Nord-Sud, afin de permettre un
transfert de savoir-faire, d’expérience et de
bonnes pratiques vers les pays africains qui
désirent, également, suivre le chemin du
développement et de la croissance écono-
mique.
Développement socio-économique
Il a noté que cette coopération vise à ac-
compagner les pays africains pour relever
les nombreux défis auxquels ils font face
et qui sont d’ordre sécuritaire, économique,
politique et culturel.
Pour le ministre, le Maroc s’inscrit résolu-
ment dans une volonté de se placer sur une
trajectoire de développement socio-écono-
mique, grâce aux différents chantiers qu’il
a entrepris, ajoutant que le Royaume a tou-
jours exprimé la volonté de partager son ex-
périence avec les pays du continent africain.
De même, il a estimé qu’il faut cesser de
voir la migration comme un problème, mais
plutôt comme un levier de développement.
Pour remettre les choses dans leur pers-
pective, le Maroc abrite, sous l’égide des
Nations-Unies, la première conférence inter-
gouvernementale pour l’adoption du pacte
mondial pour les migrations sûres, ordon-
nées et régulières, prévue à Marrakech les
10 et 11 décembre 2018.
Placé sous le thème «Redéfinir les axes
de la coopération internationale face aux
menaces du 21ème
siècle», l’Africa Security
Forum 2018 s’est décliné en trois axes ma-
jeurs, à savoir «Migration et développement
socio-économique», «Cyber terrorisme,
e-réputation et big data» et «Extrémismes
et lutte contre la radicalisation». Une messe
intellectuelle qui s’est bien soldée par des
idées et des recommandations fort intéres-
santes qui vont dans le sens de la protection
de la sécurité enAfrique l
LE ROYAUME A TOUJOURS EXPRIMÉ LA VOLONTÉ
DE PARTAGER SON EXPÉRIENCE AVEC
LES PAYS AFRICAINS.
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30. ECO
&
Finance
34
LES MARCHÉS
AMÉRICAIN ET CHINOIS
S’INTÉRESSENT DE
PLUS EN PLUS À LA
PRODUCTION LOCALE.
L’huile d’olive marocaine
asseoit sa notoriété
UN SECTEUR EN PLEIN ESSOR
L
a saison de cueillette des oli-
ves et de production de sa pré-
cieuse huile commence. Les
producteurs de toutes les ré-
gions oléicoles du Royaume se
frottent les mains. Le moral au beau fixe, la
production est meilleure cette année. Les
pluies généralisées et prolongées ont fait
que le rendement satisfait les attentes des
fellahs, notamment dans les régions bour,
fort dépendantes de la clémence du ciel.
Dans la province d’Azilal, région de Béni
Mellal-Khénifra, la commune Aït Atab est
connue pour la qualité recherchée de ses
olives et de son huile d’olive. Elle est em-
blématique d’une qualité garantie, d’un
goût fruité original et atypique. Comme elle
a été rendue célèbre grâce à Charles de
Foucault (1883-1884) qui soulignait, dans
son journal de route du voyage Renais-
sance au Maroc, que les maisons à Aït
Atab s’étageaient en «amphithéâtre» au
milieu des oliviers.
Groupement d’intérêt économique
Dans cette région montagneuse située
entre le Moyen et le Haut-Atlas, un groupe-
ment d’intérêt économique (GIE), du nom
de Zoyout Aït Atab (du même nom de la
commune), a vu le jour en juin 2012, fé-
dérant sous sa coupole 6 coopératives de
production d’olives et de l’huile d’olive dont
une 100% féminine. Ce groupement a eu
le mérite de faire parler de l’huile d’olive
Des prix relativement à la baisse, un rendement en hausse, et une
qualité meilleure. Trois caractéristiques de l’actuelle saison de
trituration d’huile d’olive au Maroc.
extra-vierge de cette région montagneuse
«bour» d’Aït Atab (dont l’acidité est nette-
ment faible comparativement à une huile
vierge).
Les efforts de ce GIE ne tardent pas à
porter leurs fruits. Les huiles de la région
d’AïtAtab et des communes environnantes
(Beni Hassane, Tabia, Aït Taguella, Mou-
lay Aïssa Ben Driss, Tisqi, Taounza et
Aït Ouaarda) ont été au perchoir des prix
nationaux durant les années 2014-2015-
2016.
Les agriculteurs locaux n’utilisent pas d’en-
grais, ni de pesticides ou tout autre pro-
duit chimique dans leurs cultures d’olivier.
L’huile qui en est extraite préserve son goût
fruité très prononcé, sa douceur et sa sa-
veur inégalées.
Les analyses de grands laboratoires na-
tionaux et internationaux ont montré que
l’huile de cette région est équilibrée en
termes d’intensité du piquant et de l’amer
et une acidité de moins de 0,6%. D’ail-
leurs, une société anglaise a signé une
convention avec le GIE Zoyout Aït Atab
pour l’exportation de son huile en vrac au
Royaume Uni, après avoir analysé des
échantillons d’huile et certifié la non utili-
sation de pesticides par les agriculteurs.
L’huile d’Aït Atab est vendue à Londres
sous la marque «Morocco Gold». De l’or
vert que les Britanniques et les Émiratis
apprécient fortement, après avoir veillé au
grain concernant le manuel des bonnes
pratiques suivi par l’usine de trituration
du GIE qui a reçu son autorisation sani-
taire des responsables du département de
l’agriculture.
Prix en baisse
L’unité moderne est tout en inox. L’inter-
vention humaine est abolie dans la chaîne
du nettoyage, lavage, effeuillage, broyage
et malaxage, séparation de l’huile et du
grignon jusqu’au conditionnement. En sus
de cela, l’unité a mis en place des bassins
pour l’évaporation naturelle des marjines
et de la pâte composée des noyaux et des
grignons sans avoir à les déverser dans la
nature, confie Lhoussaine Mechach, direc-
teur du GIE Zoyout Aït Atab.
Comme dans toute la région de Beni Mel-
lal-Khénifra, le litre d’huile d’Aït Atab sera
vendu cette année entre 45 à 50 dirhams,
contre 60 dirhams l’année précédente.
Cette fourchette de prix est à généraliser
sur l’ensemble des régions oléicoles du
Royaume. Si le rendement de l’année
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