Une étude comparative des deux paradigmes principaux en sciences cognitives et étude visant à évaluer le postulat de la nécessité des actes mentaux en science de la cognition sociale
2. Introduction
Énoncé d’un problème épistémologique
1.
Définitions: représentationnalisme,
2.
computationnalisme, représentations
sociales
Catégories en théorie des modèles et de
3.
la mesure des représentations sociales
Conclusion
4.
3. 1. Énoncé d’un problème
épistémologique
Est-il nécessaire de postuler l’existence de
représentations mentales collectivement
partagées afin d’expliquer causalement la
formation et l’efficace des structures
sociales?
Explication causale?
Siège des représentations?
Représentations mentales partagées?
Etc.
4. 1. Énoncé d’un problème
épistémologique
Précisions:
Ce problème peut être analysé sous
l’angle méthodologique
J’en discuterai sous celui de l’évaluation
des apports possibles des sciences
cognitives à la connaissance produite par
les sciences sociales
5. 1. Énoncé d’un problème
épistémologique
Supposons un univers fictif U2:
Physiquement en tous points identiques au
nôtre
C.-à-d. les lois par nous connues de la physique, de la
biologie en expliquent adéquatement les phénomènes
Socialement identique
Il y existe des individus et des groupes organisés
d’individus ; des institutions sociales, des normes, etc.
Un sociologue ou un anthropologue Terrien n’y
observerait aucune particularité sociale telle qu’il
puisse conclure à une différence fondamentale
entre les deux univers, d’un point de vue social.
6. 1. Énoncé d’un problème
épistémologique
Mais voilà: même possesseurs d’une
langue commune, les habitants de U2
sont incapables de produire et de
conserver ce que nous appelons:
« représentation sociale »
Un examen neurologique démontrerait
que les habitants de U2 ont un cerveau
très différent de celui des humains:
8. 1. Énoncé d’un problème
épistémologique
Ce sont des
anti-« Borgs »
par excellence
9. 1. Énoncé d’un problème
épistémologique
Ce sont des anti-« Borgs » par excellence
Capables de citer une croyance (grâce à la
1.
langue):
« X croit que p » est… syntaxiquement « vrai »
Société de citateurs
Incapables de se représenter soi-même en
2.
contexte d’interaction ou de relations
sociales:
« Croire que ‘X,Y, Z croient que p est vrai’ » est
faux
10. 1. Énoncé d’un problème
épistémologique
Règle grammaticale autorisant les noms
4.
collectifs mais tout référent collectif est
non dénoté: « Nous » = f(x) ∈ ∅
« Je » n’est jamais « comme un autre »
5.
Purs individualistes interagissant en
6.
conformité à des règles (sociales,
morales, éthiques, légales) dicibles par
eux mais insignifiantes car
irreprésentables (sociologie terrienne)
11. 1. Énoncé d’un problème
épistémologique
Nota bene
Ces attributs ne visent aucunement à
décrire un(e) politicien(ne) connu(e) ou
non…
12. 2. Définitions
Les habitants de U2 forment-ils une
société?
La problématique de l’explication
causale de la fonction des
représentations sociales est de plus en
plus étudiée par les sciences
cognitives appliquées aux sciences
sociales.
13. 2. Définitions
Les sciences cognitives sont nées en même
temps que:
La théorie de l’information de Shannon
La cybernétique au sens technique du terme:
inclusion de la rétroaction aux procédures de
computation
Les premiers essais en sciences de l’intelligence
artificielle
(Voir CREVIER, Daniel, À la recherche de l’intelligence artificielle, Paris : Flammarion, 1997, coll.
Champs; SEGAL, Jérôme, Le Zéro et le Un. Histoire de la notion scientifique d’information au 20e
siècle, Paris : Éditions Syllepse, 2003, coll. Matériologiques )
14. 2. Définitions
Les sciences cognitives ont pour
modèle de base la thèse de Turing:
Récursivité (algorithmes)
Application universelle (MTU)
Opacité des opérations de computation
(Test de Turing)
Comparabilité des résultats à la faculté
humaine mais supériorité des capacités
computationnelles à celle-ci
15. 2. Définitions
Deux grands paradigmes:
Représentationnalisme
Computationnalisme (connexionniste ou
non)
16. 2. Définitions
1. Représentationnalisme: requiert de concevoir les
fonctions neuronales (cerveau et/ou « esprit »)
comme un ensemble de processus de traitement
d’information, menant causalement à l’effectuation
de tâches cognitives particulières ou à des
comportements observables; ces mécanismes sont
représentés (modélisés) par des opérations
formelles (manipulation de symboles) qui réfèrent
strictement au contenu des opérations cognitives et
à leur contenu propre (intentionnel, sémantique,
etc.)
(P. ex.: BECHTEL, William, Mental Mechanisms. Philosophical Perspectives on Cognitive Neuroscience, New York:
Routledge, 2008)
17. 2. Définitions
Représentationnalisme:
1.
Problèmes non réglés:
la causalité intentionnelle ou cognitive;
le statut des lois ou de quasi-lois psychologiques
la « nature » propre des représentations
Le locus primus des représentations individuelles
(P. ex.: CAMPBELL, Joseph Keim, O’ROURKE, Michael, SILVERSTEIN, Harry (editors), Causation and
Explanation, Cambridge: MIT Press, 2007)
18. 2. Définitions
Le représentationnalisme tient compte de la dimension
sémantique (symbolique, sémiotique, etc.) de la
représentation individuelle
Thèse: la sémanticité des représentations est la condition
de la causalité qui les caractérise
Modèles psycho-cognitifs de manipulation de symboles
Immédiatement transposables en langages formels
Thèse: homéomorphisme langage formel/structure des
opérations mentales (langue « mentaliste » chez Fodor,
p. ex)
(FODOR, Jerry A., The Language of Thought, New York : Cromwell, 1975 ; FODOR, Jerry A.,
LOT2. The Language of Thought Revisited, New York: Oxford University Press, 2008)
19. 2. Définitions
2. Computationnalisme: requiert de concevoir les
fonctions neuronales (cerveau et/ou « esprit »)
comme un ensemble de processus de traitement
d’information, menant causalement à l’effectuation
de tâches cognitives particulières ou à des
comportements observables; ces mécanismes sont
représentés (modélisés) par des opérations
formelles (manipulation de symboles) qui réfèrent
strictement i) à la forme des opérations sans
référence à leur contenu, et ii) au résultat
observable.
20. 2. Définitions
« Le computationalisme (sic) est
l’hypothèse selon laquelle un système
est cognitif du fait qu’il calcule des
fonctions cognitives. »
CUMMINS, Robert, SCHWARTZ, Georg, « Connexionnisme, computation et
cognition », dans ANDLER, Daniel (sous la direction de), Introduction aux sciences
cognitives, Paris : Gallimard, Coll. Folio/Essai, 1992, pp. 374-394.
21. 2. Définitions
Computationnalisme
2.
Problèmes non réglés:
le statut des modèles;
le statut de l’explication (déductive,
déterministe, etc.);
les notions d’information, de complexité,
d’architecture cognitive, de calcul cognitif, de
référence;
la fonction des émotions, de la conation, du
contexte socioculturel.
22. 2. Définitions
Le computationnalisme ne tient pas compte de la dimension
sémantique (symbolique, sémiotique, etc.) de la
représentation individuelle
Thèse: la « syntaxicité » des modèles représentationnels
est la condition de la causalité qui les caractérise
Controverse connexionnisme et anti-connexionnisme
(Newell – versus – Minski, p. ex.)
Modèles psycho-cognitifs de manipulation de l’information
Thèse: l’unité d’analyse de la cognition est une
information quantifiable observable en tant que schéma
computationnel (opération de calcul) tenant lieu du sujet
Immédiatement transposables en langages formels
Thèse: homéomorphisme et déterminisme des structures
(schémas) des opérations mentales ⇒ langage formel
Opacité des opérations et de la référence
23. 2. Définitions
Représentations sociales:
3.
Y a-t-il un encyclopédiste dans la
salle?
24. 2. Définitions
Représentations sociales:
3.
Plusieurs définitions sont possibles
Chacune dépend:
D’un programme de recherche (Lakatos)
D’un cadre méthodologique (métathéories de l’observation,
de l’interprétation [heuristiques, etc.], de la preuve; principes
de logistique, de gestion de projet, de mise en œuvre des
dispositifs expérimentaux)
Surdétermination? (Cartwright)
D’une philosophie (naïve ou non) de la science:
Ontologie acceptable
Théorie de la catégorisation
Théorie de la vérité
Théorie de la causalité
25. 2. Définitions
Représentations sociales
En général: le concept est défini par:
Un processus causal de détermination (ou de
construction) d’un ensemble quelconque de
contenus cognitifs assignables à plus d’un
individu
Postulat implicite: ce processus est directement
et causalement lié aux facultés cognitives des
individus:
Fonction sommative ou agrégative (statistique ou
phénoménologique, etc.)
26. 2. Définitions
Représentations sociales
Souvent: les modèles développés sont pris
pour les théories, et vice versa
Les relations causales (p.ex.: les fonctions
d’utilité en microéconomie) sont
formellement justes mais empiriquement
questionnables (opacité référentielle
encore)
Classification et catégorisation déficientes
27. 2. Définitions
Le mécanisme causal est souvent opaque
Sinon, une théorie de la communication
sociale viendra appuyer la thèse de la
causalité du processus de formation des
représentations causales
Communication ≡ distribution de contenus
quelconques parmi une population donnée (i.e.
en fonction des paramètres de catégorisation
utilisés) → processus analysable et testable
28. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Revenons au problème
épistémologique initial
Comment analyser et interpréter le fait
qu’une collection quelconque d’individus
vivant sur U2 forme un contexte de
socialité sans que ces individus ne soient
capables de se représenter ces mêmes
contextes?
29. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Ce problème épistémologique remet
en question:
Statut de la rationalité intentionnelle
agentive
Explication des « effets » de groupe
(causalité émergente)
Les notions de modèles et de mesure
30. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
3.1 Statut de la rationalité intentionnelle
agentive
Une approche de type représentationnaliste
postule la rationalité intentionnelle agentive:
individualisme
P. ex.: la théorie boudonnienne des « bonnes
raisons » de faire x compte tenu de Y; le concept
boudonnien de « transsubjectivité » (transitivité
formelle des préférences individuelles et des
dispositions à agir selon un plan)
Computationnalisme: non
31. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Le représentationnalisme ne peut
prendre en charge l’étude de a
socialité sur U2 sans quelques
abandons
Le computationnalisme: oui, mais il y a
un prix
32. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
3.2 Explication des « effets » de groupe, émergentisme
des causes
Une approche de type représentationnaliste est
émergentiste
Thèse de la sommation ou de l’agrégation des causes
(individuelles) et des effets (sociaux)
(CAMPBELL, Joseph Keim, O’ROURKE, Michael, SILVERSTEIN, Harry (editors),
Causation and Explanation, Cambridge: MIT Press, 2007; CARTWRIGHT, Nancy, Hunting
Causes and Using Them. Approaches in Philosophy and Economics, Cambridge:
Cambridge University Press, 2007; FRANCK, Robert (sous la direction de), Faut-il chercher
aux causes une raison ? L’explication causale dans les sciences humaines, Paris : Librairie
Philosophique J. Vrin, 1994)
Computationnalisme: émergentisme systémique
Assimilation de la causalité émergente à une forme de
causalité observable expérimentalement (simulation)
33. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Hypothèse de sociologie terrienne: « Sur U2,
les phénomènes sociaux semblent émerger
d’interactions non conscientes entre les
membres de la société. »
Le représentationnalisme: pas d’accord
Le computationnalisme: d’accord
La causalité des phénomènes émergents
reste inconnue
Implicite: finalité des interactions
34. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
3.3 Théorie des modèles et théorie de la mesure
Un modèle est toujours lié à une quelconque
procédure de mesure:
formulation de la ou des hypothèses
identification des variables
classification des faits et/ou de l’information,
détermination des valeurs paramétriques
formalisation
épreuve
ROBILLARD, Jean, « La modélisation », dans GAUTHIER, Benoît (sous
la direction de), Recherche Sociale. De la problématique à la collecte
des données, Québec : Presses de l’Université du Québec, 2009, pp.
135-166.
35. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Un modèle est toujours un construit formel
Logique: en langue naturelle ou en langage
formel
Mathématique (incluant statistique)
Déterministe ou non (c.-à-d. probabilitaire)
La difficulté consiste à établir la
correspondance du modèle au réel exprimé
Théorie de la référence
Théorie de la preuve
36. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Un modèle est toujours une
idéalisation (c.f. Bunge)
Représentativité limitée à une classe
d’événements
Pour toute classe É, il existe une classe
de référents X, et une fonction bijective
de É sur X: pour tout α ∈ É, f(x) = α
Le nœud du problème est la
classification: quelles catégories?
37. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Si: « Sur U2, les phénomènes sociaux
semblent émerger d’interactions non
conscientes entre les membres de la
société. »
Alors:
Comment classifier les événements (unitaires):
quel est le but à atteindre?
C.-à-d.: Quel sens peut-on attribuer aux
événements et quel concept les décrit le mieux?
38. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Comment classifier les événements
unitaires (U2)?
Représentationnalisme:
Doit abandonner la thèse de la causalité intentionnelle
agentive
Alternative: théorie dispositionnelle non déterministe
de l’action individuelle
Mais à quel prix?
Doit abandonner la thèse de l’homéomorphisme des
modèles linguistiques et des actions observables
39. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Comment classifier les événements
unitaires (U2)?
Computationnalisme:
Doit abandonner le postulat implicite de la faculté
computationnelle des sujets:
Le sujet est stricto sensu un système computationnel
préservant la thèse de l’opération calculatrice comme
signifiant le concept de faculté cognitive
Doit abandonner la thèse de l’homéomorphisme et
déterminisme des structures (schémas) des opérations
mentales ⇒ langage formel
Opacité des opérations et de la référence ⇒ transparence des
modèles et de la théorie de la référence
40. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Quel sens attribuer aux événements et quel
concept les décrit le mieux (U2)?
Concept = fonction prédicative
Catégoriser: Dans un ensemble É
d’événements, réunir des propriétés en une
même classe et attribuer à chaque classe un
prédicat P: P = {x ∈ É | Px}
Dans les deux cas (R & C): l’ensemble É de
référence devra être entendu comme étant régi
par des fonctions aléatoires (espace probabilisé)
41. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Quel sens attribuer aux événements et quel
concept les décrit le mieux (U2)?
Si: l’ensemble É de référence est un espace
probabilisé
Alors: la seule explication est une explication
fondée sur les procédures statistiques
d’agrégation
Aucun concept d’intentionnalité agentive ne peut être
posé comme motif causal d’explication
Soulève le problème épistémologique de l’inférence
statistique (valeur logique de la généralisation par
induction)
42. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Quel sens attribuer aux événements et
quel concept les décrit le mieux (U2)?
Soulève le problème épistémologique de la
représentativité du modèle statistique et de
l’attribution d’une fonction aléatoire à
l’analyse des faits sociaux
Un ensemble d’événements sociologiquement
observables n’est pas ontologiquement identique à
une telle fonction
43. 3. Catégories en théorie des modèles et de
la mesure des représentations sociales
Quel sens attribuer aux événements et
quel concept les décrit le mieux (U2)?
Soulève également le problème classique de
la valeur des paramètres:
École fréquentiste des probabilités adopte une
image « réaliste » du monde: les probabilités
existent réellement et le monde est un vaste
ensemble d’événements aléatoires
École « épistémiste » (bayesienne) adopte une
image relativiste du monde: les probabilités d’une
classe d’événements sont liées à l’état des
connaissances de ces événements
45. 4. Conclusion
La question initiale:
Est-il nécessaire de postuler
l’existence de représentations
mentales collectivement partagées afin
d’expliquer causalement la formation
et l’efficace des structures sociales?
46. 4. Conclusion
Réponse: non
La thèse de la causalité agentive n’est qu’un
postulat empirique: pas une théorie au sens
propre du terme (ou système hypothético-
déductif)
Cette thèse est liée à celle de la rationalité
agentive: l’intentionnalité est l’expression
véhiculaire de la rationalité agentive
(normativisme)
McLAUGHLIN, Brian P., COHEN, Jonathan, Contemporary Debates in Philosophy of Mind,
Malden (MA): Blackwell Publishing, 2007
47. 4. Conclusion
Alternative
Le modèle fictif U2 aura permis de constater
les limites des deux paradigmes des
sciences cognitives
Avec U2, le problème épistémologique →
l’impossibilité de
« Croire que ‘X,Y, Z croient que p est
vrai’ » est faux
C.-à-d.: !› représentations sociales
48. 4. Conclusion
Alternative
Il suffit de:
Stipuler la possibilité des représentations
sociales
De les expliquer non sur le plan de la causalité
intentionnelle agentive
Mais sur celui de l’attribution interindividuelle de
propriétés sémantiques ou cognitives
Requiert une théorie de l’attribution en contexte
d’interaction
49. Conclusion
Une telle théorie est l’objet d’un autre
entretien…
Merci!
Robillard.jean@teluq.uqam.ca
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