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DIMANCHE 20 - LUNDI 21 MARS 2016
0123
«Lesréseaux
sociauxsont
pluspuissants
quelesmédias»
EmilyBell,directriceduTow
CenterforDigitalJournalism,
metengardeleséditeursdepresse
ENTRETIEN
L
ors d’une intervention à
l’Université de Cambridge
et dans une tribune parue
début mars dans la
Columbia Journalism Review inti-
tulée «La fin du monde tel que
nous le connaissons: comment
Facebook a avalé le journalisme»,
Emily Bell, directrice du Tow Cen-
ter for Digital Journalism, à New
York, et ancienne patronne des ac-
tivités numériques du quotidien
britannique The Guardian, met en
gardelesmédias.Elledénoncel’es-
sor des réseaux sociaux comme
intermédiaires de distribution.
L’écosystème des médias a-t-il
vraiment davantage changé en
cinq ans qu’en cinq cents ans?
L’avènement du Web social sur
mobile est un bouleversement
majeur quand on pense à la len-
teur avec laquelle les médias se
sont développés jusqu’ici, de l’in-
vention des caractères d’imprime-
rie aux rotatives industrielles, etc.
Les systèmes passés associaient
un émetteur à de nombreux lec-
teurs ou spectateurs. Les éditeurs
étaient locaux et proches de leur
public. Il existait un lien direct. Ce
n’est plus le cas. Soudain, toute la
façon dont l’information était dis-
tribuée a changé. Et ce phéno-
mène est global.
Jusqu’ici, il existait bien des
intermédiaires, comme les
kiosques, ou des régulateurs
comme le CSA en France?
Les nouvelles plates-formes
sont numériques, donc façon-
nées par un code informatique
quin’estpasintelligible.Avant,les
systèmes étaient plus simples et
clairs, et les distributeurs étaient
soumis à une certaine transpa-
rence, alors que désormais, les al-
gorithmes sont plus opaques.
L’autre différence est l’échelle:
on est passé de centaines de chaî-
nes de télévisions et de journaux
à des milliards de pages Web de
contenus. Ces derniers sont
«réintermédiés», c’est-à-dire ré-
agencésavecuneméthodequidé-
pend uniquement de la plate-
formededistribution:iln’yaplus
d’ensemble produit par le média,
commeunjournalouunechaîne.
Et Facebook, Snapchat ou Twitter
touchent l’Inde ou les Etats-Unis.
Il y a une différence de nature et
d’échelle.
Selon vous, la concentration
inédite des pouvoirs de distri-
bution menace le pluralisme
mais il y a plus de sources
disponibles que jamais…
Il y a moins de pluralité dans la
distribution, avec seulement
quelques grands réseaux sociaux
dans le monde. Paradoxalement,
il existe une grande diversité de
contenus et peu de barrières pour
s’exprimer, sauf dans les pays où
les libertés sont restreintes.
Conserver l’égalité entre les pro-
ducteurs d’information n’est pas
possible. C’est pour cela que les
plates-formes trient le contenu:
Twitter distingue les utilisateurs
authentifiés ou pas, Facebook a
des relations privilégiées avec les
médias professionnels… Les
plates-formes ont le pouvoir de
sous-exposer ou de surreprésen-
ter tel ou tel type de contenu.
En quoi est-ce un problème?
Comment décide-t-on quels
typesd’articlessontfavorisés?Ya-
t-il transparence sur les critères?
Quiestresponsable?Lesgrandsré-
seaux sociaux n’avaient pas forcé-
ment anticipé leur responsabilité
dans la distribution de l’informa-
tion. Ils doivent s’adapter, en étant
notammentplustransparents.
Les réseaux sociaux
ne touchent-ils pas un lectorat
plus jeune?
Quand le Wall Street Journal va
sur Snapchat, c’est pour trouver
des 15-24ans intéressés par son
information.Ilyalàuneopportu-
nité de toucher des personnes de
15ans, qui ont grandi sans télé et
avec le haut débit mobile, ce qui
n’est pas le cas des personnes de
25ans. Les éditeurs n’ont pas le
choix: ils doivent être présents
sur les plates-formes. Mais ils
abandonnent une part du con-
trôle sur leur distribution… C’est
un pari risqué.
En quoi les grandes plates-for-
mes menacent-elles l’écono-
mie d’un média?
Les géants technologiques peu-
vent rendre un business défici-
taire. D’abord, l’espace publici-
taire numérique disponible est
immense. Et les grands réseaux
sociaux ont la capacité d’aider les
annonceurs à cibler les lecteurs.
«Les plates-
formes ont
le pouvoir de
sous-exposer ou
de surreprésenter
tel ou tel type
de contenu»
Ils sont sur ce point plus puis-
santsquelesmédias.Pourcesder-
niers, il est difficile de se rabattre
sur le modèle payant par abonne-
ment, qui nécessite un avantage
compétitiftrèsclairetuncontenu
très original.
Le site Buzzfeed ne vend de la
publicité que sous la forme de
contenus texte ou vidéo, il se dé-
ploie sur les réseaux sociaux et
il est rentable. Est-ce la solution?
D’abord, Buzzfeed a reçu des in-
vestissements en capital de mé-
dias traditionnels, comme le
groupe audiovisuel NBC Univer-
sal.Laphilosophiedecetéditeura
certes du sens, économique-
ment: il concurrence l’activité
des agences de publicité en pro-
duisant des contenus pour les an-
nonceurs.MaisBuzzfeedn’estpas
immunisé contre les risques de
baisse des prix des publicités,
même s’il a jusqu’ici réussi à ven-
dre les siennes plutôt cher.
Selon Buzzfeed, il y a assez de di-
versité dans les réseaux sociaux
disponiblespourréduireladépen-
dance envers eux. Il n’empêche
que les plates-formes importantes
comme Facebook peuvent chan-
ger votre modèle en modifiant
leur algorithme. S’appuyer sur el-
les reste une stratégie risquée. Et
faire du contenu de marque pour
les annonceurs n’est pas forcé-
mentadaptéàtouslesmédias.Ces
derniers, pour la plupart, cher-
chent plutôt à trouver une ou plu-
sieurs sources de revenus alterna-
tives à la publicité: contenus
payant, diversification, conféren-
ces, etc. La question de fond est
celle de la pérennité des médias. Il
y a dix ans, un éditeur bénéficiaire
pouvait avoir quelques certitudes
sur son avenir, c’est moins le cas
aujourd’hui. p
Propos recueillis par
Alexandre PIQUARD
Surligné par
Eric LEGER
SILVIA MORARA/CORBIS
lundi 21 mars 2016 LE FIGARO
point de vue français est unique. En
janvier 2015, aucune chaîne anglo-
phone ou arabophone n’a montré le
numéro du Charlie des survivants.
Sur France 24, nous l’avons fait et
cela a valu des menaces, y compris
de mort, à nos journalistes. Même
quand nos journalistes sont anglais
ou arabes, leur cœur est français. Ils
défendent la liberté, l’égalité, la
fraternité et la laïcité.
Cette ligne éditoriale peut-elle
être tenue alors que votre groupe
a déjà payé un lourd tribut avec
l’assassinat de deux journalistes?
Ghislaine Dupont et Claude Verlon
ont été assassinés au Mali le 2 no-
vembre 2013. Notre politique est
claire: aucun reportage ne vaut
une vie mais nous savons aussi que
le risque zéro n’existe pas dans les
zones de crise. Nous avons aug-
menté le niveau de formation et de
protection de nos journalistes.
Nous avons un officier à la retraite
qui organise les déplacements.
Mais nous n’acceptons pas de nous
taire. La France bénéficie à l’inter-
national d’un imaginaire collectif
que nous avons vu au lendemain
des attentats. John Kerry a dit que
« la France est le pays qui a inventé
la liberté ». Nous portons cet héri-
tage et il faut être à la hauteur. Il
faut être les héritiers des Lumières,
de l’art de vivre et du concept de
laïcité qui est très complexe. Si RFI,
France 24 et Monte Carlo Doualiya
étaient plus présents en France, le
moral serait un peu plus élevé. Nos
compatriotes ne mesurent pas à
quel point notre pays est aimé dans
le monde. Parfois nous sommes ar-
rogants, parfois nous nous autofla-
gellons, mais nous ne méritons ni
l’un ni l’autre.
À votre arrivée, le climat social
était très tendu au sein de France
Médias Monde. La signature
de l’accord d’entreprise est-elle
le signe d’un apaisement?
Nous avons choisi une stratégie
pertinente. Nous affirmons la per-
sonnalité de chaque média. RFI, ce
n’est pas France 24 ni Monte Carlo
Doualiya. Nous avons bien raison
de le faire car, ainsi, nous élargis-
sons notre audience. Nous avons
15 langues et nous jouons sur ces
singularités. En revanche, en in-
terne, nous avons mutualisé tout ce
que nous pouvions faire y compris
le temps de travail et les modalités
de rémunération. Au total, nous
avons formé un groupe puissant et
extrêmement performant si on se
rappelle que nous sommes la seule
société de l’audiovisuel public
français dont le budget 2016 est in-
férieur à ce qu’il était en 2011. Il y a
un engagement très fort de nos
journalistes car nous portons un
peu plus que nous-mêmes. Les va-
leurs que nous défendons ont
beaucoup de sens. ■
Saragosse: «Nous avons l’impérieuse
nécessité de toucher la génération connectée»
Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, est l’invitée du «Buzz Média TDF-Le Figaro».
PROPOS RECUEILLIS PAR
ENGUÉRAND RENAULT
SURLIGNES PAR
ERIC LEGER
INTERVIEW L’audiovisuel exté-
rieur, regroupant RFI, France 24
et Monte Carlo Doualya, est parte-
naire de la future chaîne d’infor-
mation publique. France 24, qui
connaît une forte progression de
son audience, s’associe aussi avec
le site américain Mashable pour
viser le public jeune en France.
LE FIGARO.- France 24
est partenaire du projet
de chaîne d’information publique.
Vous serez un partenaire à part
entière ou un bouche-trou?
Marie-Christine SARAGOSSE.- Un
bouche-trou? Notre chaîne a
10 ans, 50 millions de téléspecta-
teurs à travers le monde et c’est la
seule chaîne d’information du ser-
vice public à ce jour! Non, c’est un
vrai partenariat. Nous assurons
l’antenne entre minuit et 6 heures
du matin, plus trois modules par
jour et nous apportons notre capa-
cité à intervenir en cas de « brea-
king news ». Nous partageons avec
France Télévisons et Radio France
une vraie vision. Nous sortons
d’une logique de territoire et cha-
cun amène sa spécificité, non pas
pour un mélange des genres mais
pour affirmer que cette future
chaîne sera plus ouverte sur le
monde grâce France 24. La nuit,
quand la France dort, le monde est
éveillé et regarde France 24.
Allez-vous harmoniser
la ligne éditoriale et l’habillage
d’antenne de France 24
avec celle de la chaîne d’info? Nous
sommes sur le modèle de BBC News
et BBW World. Nous avons
construit la marque France 24 à
l’international. Elle marche bien,
donc nous n’allons pas y toucher.
En revanche, chacun des partici-
pants apporte sa marque. Les re-
portages et sujets seront crédités à
France Info, France 2 ou France 24.
Nous sommes les pétales d’une
même marguerite. Nous créons
une chaîne qui aura sa propre dy-
namique.
Quel sera le nom de cette chaîne ?
Nous sommes en dehors de ce dé-
bat. Je comprends l’attachement
des équipes à leur propre marque.
La logique retenue par Mathieu
Gallet et Delphine Ernotte est une
démarche pragmatique. La ques-
tion est de savoir quel est le public
visé. Il faut faire une étude de mar-
ché pour regarder ce qui est le plus
porteur pour notre public. Rien
n’est encore décidé.
France 24 s’est associé à Mashable
pour créer un site d’info
et de divertissement.
Est-ce pour toucher les jeunes?
et l’équipe est chez nous. Mashable
nous fait confiance. Nous savons le
faire avec nos valeurs, notre rigu-
eur et nos codes. Ce n’est pas parce
qu’on est jeune qu’on ne recherche
pas la rigueur. Le site marche bien,
les internautes sont très engagés.
Certes, il y a des sujets, des angles
et des codes différents entre Mas-
hable et le site de France 24. Mais,
au total, les contenus ont le même
niveau d’exigence. Les jeunes sont
exigeants et nous ne voulons pas
nous tromper sur la manière de
nous adresser à eux.
France 24 va lancer
sa chaîne en espagnol.
Combien cela va-t-il coûter?
Le projet prévoit 6 heures de pro-
grammes en espagnol et un budget
de 7 millions d’euros. Nous savons
qu’il y a une grande francophilie en
Amérique latine. Ce capital de
sympathie bénéficie à notre chaîne
en français mais si nous vouons
toucher le grand public, il faut par-
ler la langue locale. Les câblo-opé-
rateurs et les bouquets satellitaires
sont intéressés. Nous sommes
adossés à RFI qui bénéficie d’une
audience très significative en Amé-
rique latine avec 12 fréquences FM
et une rédaction hispanophone.
Cela nécessite-t-il
une rallonge budgétaire?
Il est évident que nous n’allons pas
nous lancer sans rallonge. Le
contrat d’objectifs et de moyens
pour les années 2016 à 2020 est en
cours de finalisation mais il ne
comprend pas ce projet de chaîne
en espagnol. Il vient s’ajouter à nos
réalisations, elle ne se fait pas au
détriment du reste. Ce serait une
erreur géostratégique de toucher à
la chaîne en arabe ou d’amoindrir
notre succès en Afrique en ce mo-
ment. Le financement de la chaîne
en espagnol sera prévu dans le ca-
dre de la loi de finances 2017 avec
effet en année pleine en 2018. Pour
une diffusion 24 heures sur 24,
nous verrons plus tard.
Quels sont les résultats
d’audience pour 2015?
France 24 a connu une très forte
augmentation de son audience
pour atteindre 50,9 millions de té-
léspectateurs par semaine. RFI fait
de même avec 40 millions d’audi-
teurs par semaine. Au total, en y
ajoutant Monte Carlo Doualyia,
France Médias Monde touche plus
de 100 millions de personnes cha-
que semaine. Sur le numérique,
nous avons doublé la fréquentation
des sites depuis 2012 pour atteindre
30 millions de visiteurs en 2015. Sur
les réseaux sociaux, c’est l’explo-
sion avec 35 millions d’amis. Il est
vrai que l’actualité est porteuse. Le
fait que la France ait subi des atta-
ques a contribué à rendre France 24
visible. Le monde voulait com-
prendre ce qui se passait. En no-
vembre, cinq chaînes australiennes
et américaines ont repris France 24
en anglais à la place de leurs pro-
grammes. La progression en Égyp-
te, en Jordanie ou dans les Émirats
est intéressante. Les téléspectateurs
recherchent une distanciation et
une ligne éditoriale singulière. Le
Nous avons l’impérieuse nécessité
d’aller toucher cette génération
connectée qui change le mode de
consommation des images et de
l’info. Pour nous qui sommes pré-
sents dans des pays d’Afrique et du
Moyen-Orient où 50 % de la popu-
lation a moins de 50 ans, il faut im-
pérativement s’adapter à ces nou-
veaux usages.
Pourquoi Mashable
vous a-t-il choisi?
Ils sont venus nous chercher car ils
connaissent notre chaîne en an-
glais et trouvent que nous avions
un positionnement original qui al-
lait avec leurs valeurs: inspirer,
informer et divertir. Ils sont fran-
cophiles, pas francophones. Ils
voulaient avoir les codes d’un
monde francophone qu’ils ne
maîtrisent pas. Et puis, France 24
est le numéro un en France sur les
nouveaux médias. Nous avons une
maîtrise des réseaux sociaux, nous
avons des images et les codes d’un
monde francophone.
Ce site bénéficie-t-il
d’argent public?
Nous avons obtenu 1 million
d’euros du fonds Google pour créer
le site. Ensuite, nous trouverons
notre équilibre sur le marché. Il n’y
a pas d’argent public dans ce projet.
Matthieu Pigasse s’associe
avec Vice Média, France 24 avec
Mashable. Ces sites américains
vont-ils s’imposer en France?
Non. Le responsable de la publica-
tion de Mashable France, c’est moi
«La nuit,
quand
la France
dort,
le monde
est éveillé
et regarde
France 24»MARIE-CHRISTINE
SARAGOSSE

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Medias Classiques vs Reseaux sociaux - Entre Lutte et Partenariat

  • 1. DIMANCHE 20 - LUNDI 21 MARS 2016 0123 «Lesréseaux sociauxsont pluspuissants quelesmédias» EmilyBell,directriceduTow CenterforDigitalJournalism, metengardeleséditeursdepresse ENTRETIEN L ors d’une intervention à l’Université de Cambridge et dans une tribune parue début mars dans la Columbia Journalism Review inti- tulée «La fin du monde tel que nous le connaissons: comment Facebook a avalé le journalisme», Emily Bell, directrice du Tow Cen- ter for Digital Journalism, à New York, et ancienne patronne des ac- tivités numériques du quotidien britannique The Guardian, met en gardelesmédias.Elledénoncel’es- sor des réseaux sociaux comme intermédiaires de distribution. L’écosystème des médias a-t-il vraiment davantage changé en cinq ans qu’en cinq cents ans? L’avènement du Web social sur mobile est un bouleversement majeur quand on pense à la len- teur avec laquelle les médias se sont développés jusqu’ici, de l’in- vention des caractères d’imprime- rie aux rotatives industrielles, etc. Les systèmes passés associaient un émetteur à de nombreux lec- teurs ou spectateurs. Les éditeurs étaient locaux et proches de leur public. Il existait un lien direct. Ce n’est plus le cas. Soudain, toute la façon dont l’information était dis- tribuée a changé. Et ce phéno- mène est global. Jusqu’ici, il existait bien des intermédiaires, comme les kiosques, ou des régulateurs comme le CSA en France? Les nouvelles plates-formes sont numériques, donc façon- nées par un code informatique quin’estpasintelligible.Avant,les systèmes étaient plus simples et clairs, et les distributeurs étaient soumis à une certaine transpa- rence, alors que désormais, les al- gorithmes sont plus opaques. L’autre différence est l’échelle: on est passé de centaines de chaî- nes de télévisions et de journaux à des milliards de pages Web de contenus. Ces derniers sont «réintermédiés», c’est-à-dire ré- agencésavecuneméthodequidé- pend uniquement de la plate- formededistribution:iln’yaplus d’ensemble produit par le média, commeunjournalouunechaîne. Et Facebook, Snapchat ou Twitter touchent l’Inde ou les Etats-Unis. Il y a une différence de nature et d’échelle. Selon vous, la concentration inédite des pouvoirs de distri- bution menace le pluralisme mais il y a plus de sources disponibles que jamais… Il y a moins de pluralité dans la distribution, avec seulement quelques grands réseaux sociaux dans le monde. Paradoxalement, il existe une grande diversité de contenus et peu de barrières pour s’exprimer, sauf dans les pays où les libertés sont restreintes. Conserver l’égalité entre les pro- ducteurs d’information n’est pas possible. C’est pour cela que les plates-formes trient le contenu: Twitter distingue les utilisateurs authentifiés ou pas, Facebook a des relations privilégiées avec les médias professionnels… Les plates-formes ont le pouvoir de sous-exposer ou de surreprésen- ter tel ou tel type de contenu. En quoi est-ce un problème? Comment décide-t-on quels typesd’articlessontfavorisés?Ya- t-il transparence sur les critères? Quiestresponsable?Lesgrandsré- seaux sociaux n’avaient pas forcé- ment anticipé leur responsabilité dans la distribution de l’informa- tion. Ils doivent s’adapter, en étant notammentplustransparents. Les réseaux sociaux ne touchent-ils pas un lectorat plus jeune? Quand le Wall Street Journal va sur Snapchat, c’est pour trouver des 15-24ans intéressés par son information.Ilyalàuneopportu- nité de toucher des personnes de 15ans, qui ont grandi sans télé et avec le haut débit mobile, ce qui n’est pas le cas des personnes de 25ans. Les éditeurs n’ont pas le choix: ils doivent être présents sur les plates-formes. Mais ils abandonnent une part du con- trôle sur leur distribution… C’est un pari risqué. En quoi les grandes plates-for- mes menacent-elles l’écono- mie d’un média? Les géants technologiques peu- vent rendre un business défici- taire. D’abord, l’espace publici- taire numérique disponible est immense. Et les grands réseaux sociaux ont la capacité d’aider les annonceurs à cibler les lecteurs. «Les plates- formes ont le pouvoir de sous-exposer ou de surreprésenter tel ou tel type de contenu» Ils sont sur ce point plus puis- santsquelesmédias.Pourcesder- niers, il est difficile de se rabattre sur le modèle payant par abonne- ment, qui nécessite un avantage compétitiftrèsclairetuncontenu très original. Le site Buzzfeed ne vend de la publicité que sous la forme de contenus texte ou vidéo, il se dé- ploie sur les réseaux sociaux et il est rentable. Est-ce la solution? D’abord, Buzzfeed a reçu des in- vestissements en capital de mé- dias traditionnels, comme le groupe audiovisuel NBC Univer- sal.Laphilosophiedecetéditeura certes du sens, économique- ment: il concurrence l’activité des agences de publicité en pro- duisant des contenus pour les an- nonceurs.MaisBuzzfeedn’estpas immunisé contre les risques de baisse des prix des publicités, même s’il a jusqu’ici réussi à ven- dre les siennes plutôt cher. Selon Buzzfeed, il y a assez de di- versité dans les réseaux sociaux disponiblespourréduireladépen- dance envers eux. Il n’empêche que les plates-formes importantes comme Facebook peuvent chan- ger votre modèle en modifiant leur algorithme. S’appuyer sur el- les reste une stratégie risquée. Et faire du contenu de marque pour les annonceurs n’est pas forcé- mentadaptéàtouslesmédias.Ces derniers, pour la plupart, cher- chent plutôt à trouver une ou plu- sieurs sources de revenus alterna- tives à la publicité: contenus payant, diversification, conféren- ces, etc. La question de fond est celle de la pérennité des médias. Il y a dix ans, un éditeur bénéficiaire pouvait avoir quelques certitudes sur son avenir, c’est moins le cas aujourd’hui. p Propos recueillis par Alexandre PIQUARD Surligné par Eric LEGER SILVIA MORARA/CORBIS
  • 2. lundi 21 mars 2016 LE FIGARO point de vue français est unique. En janvier 2015, aucune chaîne anglo- phone ou arabophone n’a montré le numéro du Charlie des survivants. Sur France 24, nous l’avons fait et cela a valu des menaces, y compris de mort, à nos journalistes. Même quand nos journalistes sont anglais ou arabes, leur cœur est français. Ils défendent la liberté, l’égalité, la fraternité et la laïcité. Cette ligne éditoriale peut-elle être tenue alors que votre groupe a déjà payé un lourd tribut avec l’assassinat de deux journalistes? Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont été assassinés au Mali le 2 no- vembre 2013. Notre politique est claire: aucun reportage ne vaut une vie mais nous savons aussi que le risque zéro n’existe pas dans les zones de crise. Nous avons aug- menté le niveau de formation et de protection de nos journalistes. Nous avons un officier à la retraite qui organise les déplacements. Mais nous n’acceptons pas de nous taire. La France bénéficie à l’inter- national d’un imaginaire collectif que nous avons vu au lendemain des attentats. John Kerry a dit que « la France est le pays qui a inventé la liberté ». Nous portons cet héri- tage et il faut être à la hauteur. Il faut être les héritiers des Lumières, de l’art de vivre et du concept de laïcité qui est très complexe. Si RFI, France 24 et Monte Carlo Doualiya étaient plus présents en France, le moral serait un peu plus élevé. Nos compatriotes ne mesurent pas à quel point notre pays est aimé dans le monde. Parfois nous sommes ar- rogants, parfois nous nous autofla- gellons, mais nous ne méritons ni l’un ni l’autre. À votre arrivée, le climat social était très tendu au sein de France Médias Monde. La signature de l’accord d’entreprise est-elle le signe d’un apaisement? Nous avons choisi une stratégie pertinente. Nous affirmons la per- sonnalité de chaque média. RFI, ce n’est pas France 24 ni Monte Carlo Doualiya. Nous avons bien raison de le faire car, ainsi, nous élargis- sons notre audience. Nous avons 15 langues et nous jouons sur ces singularités. En revanche, en in- terne, nous avons mutualisé tout ce que nous pouvions faire y compris le temps de travail et les modalités de rémunération. Au total, nous avons formé un groupe puissant et extrêmement performant si on se rappelle que nous sommes la seule société de l’audiovisuel public français dont le budget 2016 est in- férieur à ce qu’il était en 2011. Il y a un engagement très fort de nos journalistes car nous portons un peu plus que nous-mêmes. Les va- leurs que nous défendons ont beaucoup de sens. ■ Saragosse: «Nous avons l’impérieuse nécessité de toucher la génération connectée» Marie-Christine Saragosse, présidente de France Médias Monde, est l’invitée du «Buzz Média TDF-Le Figaro». PROPOS RECUEILLIS PAR ENGUÉRAND RENAULT SURLIGNES PAR ERIC LEGER INTERVIEW L’audiovisuel exté- rieur, regroupant RFI, France 24 et Monte Carlo Doualya, est parte- naire de la future chaîne d’infor- mation publique. France 24, qui connaît une forte progression de son audience, s’associe aussi avec le site américain Mashable pour viser le public jeune en France. LE FIGARO.- France 24 est partenaire du projet de chaîne d’information publique. Vous serez un partenaire à part entière ou un bouche-trou? Marie-Christine SARAGOSSE.- Un bouche-trou? Notre chaîne a 10 ans, 50 millions de téléspecta- teurs à travers le monde et c’est la seule chaîne d’information du ser- vice public à ce jour! Non, c’est un vrai partenariat. Nous assurons l’antenne entre minuit et 6 heures du matin, plus trois modules par jour et nous apportons notre capa- cité à intervenir en cas de « brea- king news ». Nous partageons avec France Télévisons et Radio France une vraie vision. Nous sortons d’une logique de territoire et cha- cun amène sa spécificité, non pas pour un mélange des genres mais pour affirmer que cette future chaîne sera plus ouverte sur le monde grâce France 24. La nuit, quand la France dort, le monde est éveillé et regarde France 24. Allez-vous harmoniser la ligne éditoriale et l’habillage d’antenne de France 24 avec celle de la chaîne d’info? Nous sommes sur le modèle de BBC News et BBW World. Nous avons construit la marque France 24 à l’international. Elle marche bien, donc nous n’allons pas y toucher. En revanche, chacun des partici- pants apporte sa marque. Les re- portages et sujets seront crédités à France Info, France 2 ou France 24. Nous sommes les pétales d’une même marguerite. Nous créons une chaîne qui aura sa propre dy- namique. Quel sera le nom de cette chaîne ? Nous sommes en dehors de ce dé- bat. Je comprends l’attachement des équipes à leur propre marque. La logique retenue par Mathieu Gallet et Delphine Ernotte est une démarche pragmatique. La ques- tion est de savoir quel est le public visé. Il faut faire une étude de mar- ché pour regarder ce qui est le plus porteur pour notre public. Rien n’est encore décidé. France 24 s’est associé à Mashable pour créer un site d’info et de divertissement. Est-ce pour toucher les jeunes? et l’équipe est chez nous. Mashable nous fait confiance. Nous savons le faire avec nos valeurs, notre rigu- eur et nos codes. Ce n’est pas parce qu’on est jeune qu’on ne recherche pas la rigueur. Le site marche bien, les internautes sont très engagés. Certes, il y a des sujets, des angles et des codes différents entre Mas- hable et le site de France 24. Mais, au total, les contenus ont le même niveau d’exigence. Les jeunes sont exigeants et nous ne voulons pas nous tromper sur la manière de nous adresser à eux. France 24 va lancer sa chaîne en espagnol. Combien cela va-t-il coûter? Le projet prévoit 6 heures de pro- grammes en espagnol et un budget de 7 millions d’euros. Nous savons qu’il y a une grande francophilie en Amérique latine. Ce capital de sympathie bénéficie à notre chaîne en français mais si nous vouons toucher le grand public, il faut par- ler la langue locale. Les câblo-opé- rateurs et les bouquets satellitaires sont intéressés. Nous sommes adossés à RFI qui bénéficie d’une audience très significative en Amé- rique latine avec 12 fréquences FM et une rédaction hispanophone. Cela nécessite-t-il une rallonge budgétaire? Il est évident que nous n’allons pas nous lancer sans rallonge. Le contrat d’objectifs et de moyens pour les années 2016 à 2020 est en cours de finalisation mais il ne comprend pas ce projet de chaîne en espagnol. Il vient s’ajouter à nos réalisations, elle ne se fait pas au détriment du reste. Ce serait une erreur géostratégique de toucher à la chaîne en arabe ou d’amoindrir notre succès en Afrique en ce mo- ment. Le financement de la chaîne en espagnol sera prévu dans le ca- dre de la loi de finances 2017 avec effet en année pleine en 2018. Pour une diffusion 24 heures sur 24, nous verrons plus tard. Quels sont les résultats d’audience pour 2015? France 24 a connu une très forte augmentation de son audience pour atteindre 50,9 millions de té- léspectateurs par semaine. RFI fait de même avec 40 millions d’audi- teurs par semaine. Au total, en y ajoutant Monte Carlo Doualyia, France Médias Monde touche plus de 100 millions de personnes cha- que semaine. Sur le numérique, nous avons doublé la fréquentation des sites depuis 2012 pour atteindre 30 millions de visiteurs en 2015. Sur les réseaux sociaux, c’est l’explo- sion avec 35 millions d’amis. Il est vrai que l’actualité est porteuse. Le fait que la France ait subi des atta- ques a contribué à rendre France 24 visible. Le monde voulait com- prendre ce qui se passait. En no- vembre, cinq chaînes australiennes et américaines ont repris France 24 en anglais à la place de leurs pro- grammes. La progression en Égyp- te, en Jordanie ou dans les Émirats est intéressante. Les téléspectateurs recherchent une distanciation et une ligne éditoriale singulière. Le Nous avons l’impérieuse nécessité d’aller toucher cette génération connectée qui change le mode de consommation des images et de l’info. Pour nous qui sommes pré- sents dans des pays d’Afrique et du Moyen-Orient où 50 % de la popu- lation a moins de 50 ans, il faut im- pérativement s’adapter à ces nou- veaux usages. Pourquoi Mashable vous a-t-il choisi? Ils sont venus nous chercher car ils connaissent notre chaîne en an- glais et trouvent que nous avions un positionnement original qui al- lait avec leurs valeurs: inspirer, informer et divertir. Ils sont fran- cophiles, pas francophones. Ils voulaient avoir les codes d’un monde francophone qu’ils ne maîtrisent pas. Et puis, France 24 est le numéro un en France sur les nouveaux médias. Nous avons une maîtrise des réseaux sociaux, nous avons des images et les codes d’un monde francophone. Ce site bénéficie-t-il d’argent public? Nous avons obtenu 1 million d’euros du fonds Google pour créer le site. Ensuite, nous trouverons notre équilibre sur le marché. Il n’y a pas d’argent public dans ce projet. Matthieu Pigasse s’associe avec Vice Média, France 24 avec Mashable. Ces sites américains vont-ils s’imposer en France? Non. Le responsable de la publica- tion de Mashable France, c’est moi «La nuit, quand la France dort, le monde est éveillé et regarde France 24»MARIE-CHRISTINE SARAGOSSE