1. NEURINOME DES NERFS MIXTES : A PROPOS
DE DEUX CAS
INTRODUCTION
Les neurinomes des nerfs mixtes constituent des tumeurs exceptionnelles qui siègent habituellement aux alentours du foramen jugulaire et particulièrement
au niveau de la partie basse de l’angle ponto-cérébelleux . Leur situation conditionne une symptomatologie polymorphe et une chirurgie difficile et fréquemment
imparfaite.
OBSERVATION N°1
Il s’agit d’une femme âgée de 57 ans, porteuse d’un cœur
pulmonaire chronique, qui a été hospitalisée dans notre
service en 2002 pour vertige rotatoire évoluant depuis un an,
associé à des signes d’hypertension intracrânienne, une
hypoacousie gauche et des troubles de la déglutition.
A l’examen elle avait un syndrome cérébelleux statique et
cinétique gauche avec une atteinte des Vè, VIIè, VIIIè, IXè,
Xè et XIIè nerfs crâniens gauches,
L’IRM cérébrale a montré une tumeur extra-axiale du
foramen jugulaire gauche qui s’étendait en intra-crânien vers
le vermis et l’hémisphère cérébelleux gauche, comprimant le
V4 et responsable d’une hydrocéphalie sus-tentorielle.
La patiente a bénéficié initialement d’une dérivation
ventriculo-péritonéale puis d’une exérèse de la partie
intracrânienne de la tumeur par un abord rétrosigmoïde
gauche, L’exploration per-opératoire a pu rattacher la
tumeur aux nerfs mixtes , diagnostic qui a été confirmé par
l’étude anatomopathologique qui a conclu à un schwanome
type A.
OBSERVATION N°2
Une femme âgée de 44 ans, sans antécédent pathologique notable, a été hospitalisée dans
notre service en 2007 pour signes d’hypertension intracrânienne avec vertige et trouble de
l’équilibre évoluant depuis 15 jours avant son admission.
A l’examen elle avait un syndrome cérébelleux statique et cinétique gauche avec une atteinte
des VIIè, VIIIè et XIIè nerfs crâniens gauches.
L’IRM cérébrale a montré une tumeur extra-axiale de la citerne cérébello-médullaire latérale
gauche comprimant le tronc cérébral, à l’origine d’une hydrocéphalie sus-tentorielle (D) et
s’étendant en extra-crânien vers la région cervicale haute à travers le trou déchiré postérieur
(E et F). Cette lésion était en partie kystique , hypointense T1 (A), hyperintense T2 (B) et
prenant le Gadolinium de façon hétérogène (C).
La patiente a bénéficié tout d’abord d’une dérivation du liquide céphalo-rachidien, puis d’une
exérèse incomplète de la portion intra-crânienne par voie rétro sigmoïde gauche.
Opératoirement, la tumeur prenait directement naissance des nerfs mixtes au niveau du
foramen lacérum. L’éxamen anatomopathologique a conclu à un neurinome des nerfs mixtes
type B d’Antoni.
Les suites opératoires ont été marquées par la régression de la paralysie faciale et de
l’hypoacousie gauches mais la persistance des troubles de la déglutition. Le contrôle
scannographique à deux mois après l’intervention a montré un reliquat tumoral stable.
DISCUSSION
Le neurinome des nerfs mixtes est une tumeur rare qui représente 0,24% des tumeurs intracrâniennes primitives en dehors d’une neurofibromatose et 80 à
90% des tumeurs primitives de l’angle ponto-cérébelleux. Les neurinomes siègent au niveau du trou déchiré postérieur et sont classées par Kaye et al. en trois
types: type A, tumeur se développant en intracrânien avec extension minime à travers le foramen jugulaire; type B, tumeur à développement foraminal avec ou
sans portion intracrânienne; type C, tumeur à développement extra crânien avec extension intracrânienne. Palled et al. on ajouté le type D, c’est le neurinome
en sablier. Ketan et al. ont proposé une nouvelle classification: type A: tumeur intracrânienne, type B: tumeur en sablier et type C = le type B avec extension
cervicale supérieure.
La tumeur intéresse le plus souvent l’ensemble des nerfs mixtes et le nerf d’origine est rarement identifié. Selon la littérature, le neurinome se développe au
dépens du nerf glossopharyngien dans 40% des cas, du nerfs spinal dans 35% des cas et du nerf vague dans 25% des cas, le neurinome de l’hypoglosse étant
exceptionnel.
La symptomatologie est en rapport avec le nerf qui est à l’origine de la tumeur, associée à une hypoacousie qui est le symptôme le plus fréquent et souvent
révélateur, à un vertige par érosion du labyrinthe et à un syndrome cérébelleux par compression du cervelet et éventuellement à des signes d’hypertension
intracrânienne en cas de compression du V4.
L’IRM est l’examen radiologique de référence, permettant une étude précise de la morphologie de la tumeur et de ses rapports anatomiques sans pouvoir, pour
autant, identifier le nerf crânien d’origine. Le neurinome est iso-intense en séquence T1, hyper-intense en T2 et se rehausse fortement après injection de
gadolinium, comme il a été le cas chez nos deux patientes. On note rarement des calcifications ou des plages d’hémorragie intra-tumorale. Par ailleurs, Un
élargissement du trou déchiré postérieur est observé dans environ la moitié des cas. Dans ces cas, l’angiographie cérébrale est indiquée afin d’éliminer une
tumeur du glomus de la jugulaire qui constitue le diagnostic différentiel le plus important.
Le traitement de choix reste l’exérèse chirurgicale et la voie d’abord dépend de la classification topographique. Selon Ketan, la voie retro sigmoïde est
réservée aux neurinomes de type A, mais en cas d’extension intra pétreuse c’est la voie infra jugulaire transtuberculaire latérale extrême (ELITE). Pour le type
B on indique la voie ELITE couplée ou non à une voie transjugulaire selon l’importance de l’extension de la tumeur. Pour le type C , l’intervention est faite par
voie ELITE combinée à la voie transjugulaire et cervicale haute.
Mais selon Bozorg Grayeli et Midoz (2003) le choix de la voie d’abord ne doit pas tenir compte seulement des extensions tumorales mais aussi du
retentissement fonctionnel auditif, facial et pharyngo-laryngé. Malgré la diversité du choix de la voie d’abord qui serait adapté à chaque localisation tumorale,
le traitement chirurgicale est à l’origine d’une morbidité importante et reste souvent incomplet, source de récidive fréquente. L'intérêt de la radiochirurgie dans
le traitement de ce type de tumeur reste un sujet de discussion. Les études comparatives du traitement chirurgical et radiochirurgical plaident en faveur de
l’apport du traitement radiochirurgical en tant que traitement adjuvant, et ce en cas d’exérèse chirurgicale incomplète ou en cas de récidive post-opératoire.
Cependant, cette technique nécessite un long suivi des patients.
REFERENCES
Natarajan Muthukumar.Stereotactic radiosurgery for jugular foramen schwannomas.Surg Neurol 1999; Bruce.stereotacticradiosurgery:the preferred management for patient with nonvestibular schwannomas?Int.J.Radiation Oncology
Biol.Phys.2002; Bozorg Grayeli et Midoz. Les résultats fonctionnels dans la stratégie chirurgicale des neurinomes des nerfs mixtes.Ann Otolaryngol Chir Cervicofac 2002;Lu-Ting KUO.Extradural dumbbell schwannoma of the hypoglossal
nerve.2007;Ketan.Microsurgical management of 53 jugular foramen scwannomas.JNS 2008; Roberto Gazzeri.large pure intracranial vagal scwannoma.Journal of Clinical Neuroscience 2009.
CONCLUSION
La description de nos cas et l’analyse des données de la littérature précisent les particularités de ces tumeurs histologiquement bénignes et de prise en charge
délicate du fait de leur localisation. Leur caractère rare constitue le principal facteur qui ralentit l’évolution thérapeutique, en particulier chirurgicale qui
demeure le seul garant d’un résultat favorable.
IRM cérébrale coupe
axiale T1
IRM cérébrale coupe axiale
T1 GADO+
IRM cérébrale coupe
coronale T1 GADO+
IRM cérébrale coupe
axiale,T1(A)
IRM cérébrale coupe axiale
,T2(B)
IRM cérébrale coupe
axiale T1,GADO+(C)
IRM cérébrale coupe
coronaleT2(D)
IRM cervicale coupe
sagittale T1(E)
IRM cervicale coupe
frontaleT1(F)
A
A. Romdhane ; N. Karmani ; I. Ben Said; A. Slimane ; J. Kallel ; H. Jemel.
Service de Neurochirurgie I.N.N. Tunis.
Service de Neurochirurgie Institut National de Neurologie .Tunis