1. AMÉLIOREZ LA PERFORMANCE DE VOTRE ENTREPRISE
25 $
VOLUME 5 – ÉDITION 2007
S T R AT É G I E GESTION DE PROJETS
JEANNE ROSS DANIEL LAMARRE PETER TODD DANIEL CÔTÉ
MIT Cirque du Soleil Université McGill STM
T E C H N O L O G I E S D E L ’ I N F O R M A T I O N
DÉLAISSER LES QUESTIONS TI,
C’EST DÉLAISSER VOS AFFAIRES !
DIRIGEANTS ET CHERCHEURS
SE PRONONCENT...
GESTION DE LA RELÈVE TECHNOLOGIES ÉMERGENTES
HUBERT SAINT-ONGE JEAN-LUC CHABOT ANDREW MCAFEE CLAUDE CARON
Saintonge Alliance Hydro-Québec Université Harvard Université de Sherbrooke
APPROVISIONNEMENT ET DISTRIBUTION R-D
P O S T E - P U B L I C AT I O N S - C O N V E N T I O N N O 4 0 0 2 8 0 7 2
JACQUES ROY RAYMOND DUTIL ALAIN MARTEL STEFAN THOMKE
HEC Montréal Procycle Université Laval Université Harvard
U N E I N I T I AT I V E D U
2.
3. SOMMAIRE
APPROVISIONNEMENT ET DISTRIBUTION
6 ÉDITORIAL 28
Réseaux d’entreprises :
tenir compte des risques
De plus en plus de sociétés se regroupent pour mieux
S T R AT É G I E
8 concurrencer d’autres réseaux d’entreprises. Certaines
Quel type d’entreprise configurations et stratégies réseau sont-elles plus effica-
cherchez-vous à bâtir ? ces que d’autres ? Et moins risquées ?
Pour Jeanne Ross, professeure au MIT et sommité inter- VISION D’UN DIRIGEANT :
nationale en matière de gouvernance des TI, l’avenir Raymond Dutil, président, Groupe Procycle, p. 33
appartient aux dirigeants qui savent utiliser les TI pour
réaliser leur modèle d’affaires. ADOPTION DES TECHNOLOGIES
34 Les Québécois, des
S T R AT É G I E
11
En matière d’alignement, utilisateurs distincts ?
Pour quelles technologies les Québécois craquent-ils ?
tout dépend de l’environnement Quelles seront les tendances phares au cours des pro-
Selon les dernières recherches d’Alain Pinsonneault, chaines années ? Cinq décideurs font le point sur ces
de l’Université McGill, aligner les TI sur les stratégies questions.
de l’entreprise rapporte... mais pas toujours.
RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT
S T R AT É G I E 39
12 Vos structures Rien ne vaut l’expérience
Encore peu d’entreprises recourent aux TI pour déve-
sont-elles alignées ? lopper de nouveaux produits et services. Et pourtant, elles
S’il faut aligner les TI sur la mission ou sur les straté- auraient tout à y gagner, selon Stefan Thomke, de Harvard.
gies de son entreprise, il faut également veiller à ce que VISION DE DIRIGEANTS :
tout projet de TI soit bien adapté à ses structures, François Caza, vice-président, Ingénierie et
soutient Suzanne Rivard, de HEC Montréal. chef ingénieur, Bombardier Aéronautique, et
VISION D’UN DIRIGEANT : Daniel Pilon, PDG, Solutions virtuelles 3D, p. 43
Daniel Lamarre, PDG, Cirque du Soleil, p. 14
RESSOURCES HUMAINES
44
16
GESTION DE PROJETS Gérer sa relève à l’ère
Bons gestionnaires recherchés ! d’un déclin démographique
Selon Standish Group, les coûts de réalisation d’un L’imminent départ à la retraite des baby-boomers in-
projet de TI dépasseraient de 43 % les prévisions ini- quiète plus d’un dirigeant. Sans faire de miracles, les TI
tiales ! D’après Peter Todd, de l’Université McGill, la pourraient bien faire partie de la solution à ce problème.
solution consiste à recruter des gestionnaires de projets VISION D’UN DIRIGEANT :
plus habiles. Mais à quoi ressemblent ces perles rares ? Jean-Luc Chabot, directeur, Relève et
VISION D’UN DIRIGEANT : développement, Hydro-Québec, p. 48
Daniel Côté, directeur des grands projets, STM, p. 21
TECHNOLOGIES ÉMERGENTES – WIKIS
MARKETING WEB 50
22 Vos employés ont-ils vraiment
Et si votre site Web nuisait à besoin d’un patron ?
votre entreprise ? Comment les wikis peuvent-ils favoriser la circulation
Presque toutes les entreprises disposent aujourd’hui des connaissances en entreprise et, par conséquent, l’in-
d’un site Internet. Malheureusement, certains ternis- novation ? Andrew McAfee, de Harvard, se prononce.
sent l’image de leur société plus qu’ils ne la redorent.
VISION DE DIRIGEANTS : T E C H N O L O G I E S É M E R G E N T E S – G É O M AT I Q U E
Jean Roy, vice-président, services de 54 Pour prendre de
langue française, Presse Canadienne, p. 25
Benoît Laporte, chef du marketing électronique,
meilleures décisions
Comment la géomatique peut-elle être exploitée à des fins
Via Rail, p. 26
de marketing, financières ou autres ? Découvrez des tech-
nologies qui, hier encore, tenaient de la science-fiction.
VISION DE DIRIGEANTS :
Éric Trépanier et Pierre Dessureault,
cofondateurs d’Optima, p. 58
CEFRIO – PERSPECTIVES 2007 3
4. COMITÉ ÉDITORIAL
Photo : Yves Lacombe
À l’avant, de gauche à droite : Nathalie Larue (Fédération des caisses populaires Desjardins du Québec), Marcelle Girard (MGirard
Stratégies Communications & Marketing inc.), Stéphane Le Bouyonnec (Synergis Capital), Monique Charbonneau (CEFRIO), Robert Proulx
(Bombardier Aéronautique). Derrière, de gauche à droite : Philippe Le Roux (VDL2), Daniel Charron (Manufacturiers et Exportateurs du
Québec), Jean-Marc Léger (Léger Marketing). Absents : Bruno-Marie Béchard (Université de Sherbrooke) et Françoise Bertrand (Fédération
des chambres de commerce du Québec).
« Perspectives est le secret le mieux gardé au
Québec. Cette revue, qui est une remarquable
« Dans un monde où les nouvelles technologies
influencent à la fois les activités et les résultats des
fresque de l’état des technologies de l’information et entreprises, les dirigeants québécois ont besoin d’avoir
des perspectives d’avenir dans ce domaine, s’adresse accès à une source d’information et de réflexion qui leur
à tous les dirigeants qui veulent tirer profit des permet d’aborder les enjeux stratégiques de ces techno-
changements technologiques et se tenir au fait des logies sans s’enfermer dans la technique. Pour y arriver,
multiples possibilités que leur offrent les TI. Une la lecture de PerspecTIves est tout à fait indiquée ! »
publication à lire et à conserver ! » — Philippe Le Roux
— Jean-Marc Léger, président, Léger Marketing Associé, VDL2
« Réussir à établir un lien direct entre le succès d’une
entreprise et son investissement dans les techno-
« Le magazine PerspecTIves célèbre de belle façon
son cinquième anniversaire par un contenu riche,
logies de l’information représente un défi que la revue des propos de chercheurs parmi les plus réputés et
PerspecTIves relève avec brio, en offrant aux gens des témoignages de gestionnaires reconnus comme
d’affaires une perspective concrète de l’impact que des leaders performants. Pour le milieu des affaires,
les TI peuvent avoir sur le fonctionnement de leur PerspecTives s'avère donc un outil précieux. Souhaitons-
entreprise. » lui longue vie ! »
— Robert Proulx, vice-président, — Marcelle Girard
Processus commerciaux et chef du service de Présidente du comité éditorial et
l’information, Bombardier Aéronautique présidente, MGirard Stratégies
Communications & Marketing inc.
« PerspecTIves nous offre une foule d’idées novatri-
ces présentées dans leur application concrète.
« De la hantise des dérapages que connaissent plu-
Cette publication est à la fois en avance sur son temps sieurs développements informatiques aux atten-
et bien de son temps. En fait, la lecture de cette revue tes et aux nouveaux comportements des clients et
nous fait courir un bien beau risque : celui de nous des employés, en passant par le déploiement de la
faire voir les choses différemment et, par le fait même, présence des entreprises sur Internet, ce numéro de
de nous amener à faire les choses différemment. » PerspecTIves aborde de front les enjeux prioritaires
— Daniel Charron, président-directeur auxquels sont actuellement confrontées les organi-
général sortant, Manufacturiers sations, dans une optique à la fois universitaire et
et Exportateurs du Québec pratique qui nous donne une vision d’avenir judi-
cieuse et pragmatique des TI. Bonne lecture ! »
— Bruno-Marie Béchard
Recteur, Université de Sherbrooke
4 CEFRIO – PERSPECTIVES 2007
5. « Pour un groupe financier intégré comme Desjardins, l’adoption
massive des technologies de l’information par les entreprises a
fortement influencé le développement d’applications financières à
haute valeur ajoutée. Cette évolution de nos façons de faire n’est
toutefois pas le propre de Desjardins. Au contraire, comme le
démontre ce numéro de PerspecTIves, l’adhésion aux technologies Volume 5 – Édition 2007
de l’information transformera de façon globale et durable beau- Éditrice et rédactrice en chef
coup d’industries québécoises. Un numéro à lire pour quiconque Liette D’Amours
s’intéresse aux transformations en cours en matière d’organisation Directrice des communications, CEFRIO
du travail dans les entreprises. » Rédacteur en chef adjoint
— Nathalie Larue Réjean Roy
Conseiller en technologies de l’information
Vice-présidente, Marketing – Entreprises,
Fédération des caisses Desjardins du Québec Collaborateur
Gil Tocco
Comité éditorial
« Ce n’est pas un hasard si les membres de la Fédération des
chambres de commerce du Québec ont identifié les technolo-
Présidente : Marcelle Girard, PDG, MGirard
Stratégies Communications & Marketing inc.
Membres :
gies de l’information comme un secteur clé de leur vision écono- Bruno-Marie Béchard, recteur, Université
mique Pour un Québec gagnant. Grâce à PerspecTIves, les gens de Sherbrooke
d’affaires ont accès à un outil d’information d’une richesse inesti- Françoise Bertrand, PDG, Fédération des
mable qui leur permet de mieux comprendre comment les TI peu- chambres de commerce du Québec
vent contribuer à augmenter la productivité des entreprises d’ici et Monique Charbonneau, PDG, CEFRIO
la compétitivité de celles-ci sur les marchés régionaux, nationaux
Daniel Charron, PDG sortant, Manufacturiers
et, bien sûr, mondiaux. » et Exportateurs du Québec
— Françoise Bertrand Nathalie Larue, vice-présidente, Marketing –
Présidente-directrice générale, Entreprises, Fédération des caisses populaires
Desjardins du Québec
Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ)
Stéphane Le Bouyonnec, président,
Synergis Capital
« Pour rester dans la course, les entreprises ont aujourd’hui tout
intérêt à miser sur les technologies de l’information, tout
Philippe Le Roux, associé, VDL2
Jean-Marc Léger, président,
Léger Marketing
comme les dirigeants, d’ailleurs. En 2006, un bon leader ne peut Robert Proulx, vice-président, Processus
plus se permettre d’ignorer ces questions. Voilà qui justifie tout à d’affaires et chef du service de l’information,
fait l’existence de PerspecTIves, un outil pertinent, accessible et Bombardier Aéronautique
surtout, inspirant. » Réviseures
Thérèse Le Chevalier
— Stéphane Le Bouyonnec et Louise Letendre
Président, Synergis Capital inc.
Conceptrice graphique
et infographe
Brigitte Ayotte
Le CEFRIO ayograph@videotron.ca
En tant que spécialiste de la transformation des organisations, le CEFRIO se Photographe
penche au quotidien sur ce qui favorise ou freine l’appropriation des techno- Yves Lacombe
logies de l’information (TI), au Québec et ailleurs. Sa mission : aider les
PerspecTIves est une initiative
organisations à être plus productives et à contribuer au bien-être des citoyens du CEFRIO (Centre francophone
en utilisant les technologies de l’information comme levier de transformation d’informatisation des organisations)
et d’innovation.
888, rue Saint-Jean
Bureau 575
Pour atteindre cet objectif, le CEFRIO privilégie la recherche terrain et la Québec (Québec) G1R 5H6
diffusion rapide des résultats obtenus. Ces projets, qui regroupent des Téléphone : 418 523-3746
organisations tant publiques que privées, sont réalisés par des chercheurs Télécopieur : 418 523-2329
universitaires issus de multiples disciplines (gestion, technologies, marke-
ting, sociologie, ressources humaines, etc.). À titre d’exemple, le CEFRIO 550, rue Sherbrooke Ouest
étudie actuellement la façon dont les TI pourraient contribuer au dévelop- Bureau 350
Montréal (Québec) H3A 1B9
pement rural et régional au Québec, se penche sur ce qui favorise le partage Téléphone : 514 840-1245
de savoirs entre travailleurs chevronnés et recrues inexpérimentées, et Télécopieur : 514 840-1275
examine en quoi les technologies pourraient favoriser la participation des
Courriel : info@cefrio.qc.ca
citoyens à la vie démocratique. www.cefrio.qc.ca
www.infometre.cefrio.qc.ca
En parallèle, le CEFRIO mène des activités de veille stratégique et de vastes
enquêtes sur l’utilisation des technologies au Québec (NETendances, Net- Dépôt légal : quatrième trimestre 2006
PME, NetGouv, NetPub, etc.). Le Centre regroupe plus de 160 membres Bibliothèque nationale du Québec
provenant des secteurs privés, ainsi que 54 chercheurs associés et invités. Bibliothèque nationale du Canada
ISSN : 1703-7956
Le gouvernement du Québec est son principal partenaire financier.
CEFRIO – PERSPECTIVES 2007 5
6. ÉDITORIAL
Délaissez-vous vos affaires? Tirez-vous le maximum
A des TI?
dopter de nouvelles solu-
tions technologiques coû-
te cher. Trop cher pour rater
I l ne se passe plus une journée
Photo : Yves Lacombe
son coup. Et pourtant, com- sans qu’un article de journal,
bien de décideurs négligent de magazine ou de revue scien-
ces questions, ne se doutant tifique nous rappelle que le
pas un seul instant qu’ils Québec, ses industries et ses
délaissent ainsi leurs affaires ? régions sont confrontés à des
Combien ignorent qu’en ne s’y engageant pas, non défis redoutables sur le plan économique. Cependant,
seulement ils compromettent la réussite de leurs chaque jour, ces publications fournissent aussi au lecteur
projets TI, mais ils ratent une belle occasion de mieux attentif de nouvelles preuves que les technologies de
réaliser leur modèle d’affaires ? l’information (TI) sont l’un des éléments clés de
l’accroissement de la productivité et de la compétitivité
Depuis quelques années déjà, les chercheurs ont décou- des entreprises, et tout particulièrement des PME.
vert que tout projet, qu’il soit de nature technologique ou
autre, risque d’échouer s’il n’est pas soutenu par la Comme le montre PerspecTIves 2007, les TI peuvent
direction d’une organisation. Aujourd’hui, les experts provoquer cette hausse cruciale de différentes maniè-
vont encore plus loin. Les plus récentes recherches res. Certaines entreprises s’en servent pour fonctionner
prouvent en effet que les leaders qui réussissent le mieux plus efficacement ; Procycle, un fabricant de vélos
sont ceux qui s’interrogent sur la principale utilité des beauceron, doit en partie son succès au fait que dès les
technologies de l’information (TI) dans leur organisation années 1970, il se tournait vers les TI pour assurer le
et qui s’assurent que celles-ci soutiendront efficacement bon fonctionnement de sa chaîne d’approvisionne-
la réalisation de leur modèle d’affaires. ment. D’autres se démarquent en recourant aux techno-
logies pour créer de nouveaux modèles d’affaires ; par
Pour vous aider à mieux comprendre le rôle détermi- exemple, Solutions virtuelles 3D, une PME de Sainte-
nant que les technologies pourraient jouer dans votre Adèle, utilise des techniques développées dans le champ
organisation et surtout, celui que vous pourriez exercer, de l’animation pour soutenir l’effort de vente de géants
nous avons invité un groupe d’experts parmi les plus immobiliers américains. Certaines organisations s’ap-
influents sur la planète à participer à ce numéro qui puient par ailleurs sur les TI pour mieux gérer les
marque le cinquième anniversaire de PerspecTIves. connaissances de leur main-d’œuvre ; ainsi, Hydro-
Québec s’en sert pour éviter que les savoirs les plus
Ainsi, Jeanne Ross, une sommité internationale en gou- critiques de ses ingénieurs ou de ses techniciens expé-
vernance des TI, nous livre ici ses plus récentes ré- rimentés ne se perdent lors de leur départ à la retraite.
flexions en matière de stratégie. Selon cette chercheuse
du MIT, à peine 5 % des organisations savent utiliser Comment les technologies de l’information aideront-
les TI pour réaliser leur modèle d’affaires. Peter Todd, elles concrètement votre entreprise à affronter une
de l’Université McGill, se prononce sur l’épineuse concurrence de plus en plus féroce ? Quelles sont les
question de la gestion de projets de TI. De plus, nous principales utilisations des TI pour votre organisation ?
traitons d’autres sujets très actuels tels que les stratégies Ce numéro vous aidera sûrement à répondre à ce type
Web, la gestion de la relève et les réseaux d’entreprises. de questions. Cependant, je souhaite surtout qu’il vous
convainque que les questions de TI doivent être prises
Enfin, je vous invite à découvrir les chercheurs Stefan en compte par tous les membres de la direction de
Thomke et Andrew McAfee, de la Harvard Business votre organisation.
School. Leurs travaux portent respectivement sur le
rôle critique que peut jouer l’expérimentation dans le Je tiens finalement à saluer l’ensemble des personnes
développement de nouveaux produits et services et sur qui ont participé à la réalisation de ce numéro, et au
les technologies Web 2.0 (blogues, wikis, RSS, etc.). premier chef, les chercheurs et les praticiens qui ont
Les résultats de leurs recherches vous surprendront. Et accepté de partager avec nous leurs idées et le fruit de
pour donner une dimension plus « terrain » à cette belle leurs expériences. Merci de votre précieuse collaboration!
aventure, plusieurs dirigeants d’entreprise ont aussi été
appelés à se prononcer sur ces sujets. Souhaitons que Monique Charbonneau
leurs histoires sachent vous inspirer ! PDG du CEFRIO
Liette D’Amours
Directrice des communications, CEFRIO
6 CEFRIO – PERSPECTIVES 2007
7. Les premiers clics.
La première banque.
Solutions bancaires par Internet
Les consommateurs avisés savent que pour assurer la bonne
gestion de leurs finances personnelles, ils doivent pouvoir
compter sur des outils performants. Que ce soit pour payer
des factures, effectuer des virements ou une demande
de prêt, les Solutions bancaires par Internet de la Banque
Nationale sont des solutions bien pensées, pratiques
et sécuritaires.
www.bnc.ca
8. S T R AT É G I E
Quel type d’entreprise
cherchez-vous à bâtir ?
Bien qu’elle ait mis un certain temps à prendre racine, l’idée que les organisations doivent
chercher à ce que l’utilisation qu’elles font des technologies de l’information (TI) soit en lien
avec leurs stratégies d’entreprise est aujourd’hui acceptée par la plupart des dirigeants. Mais
est-il possible que cette théorie nouvellement reçue gagne déjà à être remise en question ?
C’est ce que croit Jeanne Ross, professeure au Massachusetts Institute of Technology (MIT)
et sommité internationale en matière de gouvernance des TI.
PA R RÉJEAN ROY ment rappelé que le cœur de l’entreprise – sa
direction – doit savoir ce que signifie « Bien se
CEFRIO : La parution de votre premier livre, IT servir des TI ». Sinon, certains projets tech-
Governance, a fait de vous une personnalité nologiques rapporteront, mais beaucoup d’autres
reconnue dans le milieu des technologies de échoueront.
l’information (TI). Vous attendiez-vous à une
réaction aussi enthousiaste ? CEFRIO : En une phrase, comment définiriez-
vous le terme « gouvernance » ?
Jeanne Ross : Pas du tout. En 2002, lorsque nous
avons commencé à étudier la question de la Jeanne Ross : En matière d’appropriation des TI,
gouvernance, mon partenaire de recherche, Peter la haute direction peut laisser aller les choses et
Weill, et moi-même n’étions pas certains que les découvrir après coup que ces investissements ont
dirigeants comprendraient à quel point ce drainé beaucoup d’argent et d’attention sans que
concept était important. Les ventes du livre ont les résultats promis aient été atteints. Elle peut
démarré lentement, puis, tout s’est passé comme également mettre en place, dès le départ, des
le décrit Malcolm Gladwell dans son ouvrage mécanismes de prise de décision qui l’aideront à
Le point de bascule1 : la vague est devenue de aborder les enjeux des TI de manière réfléchie,
plus en plus forte. Aujourd’hui, certains gestion- déterminée et efficace. Voilà ce qu’on entend
naires viennent même me voir pour me dire : par « gouvernance ».
« Votre ouvrage a changé ma vie ! » (Rires.)
CEFRIO : Dans IT Governance, vous soutenez
CEFRIO : Vous voilà donc qu’en matière de TI, il n’y a pas qu’une seule
devenue la « docteur Phil2 » façon de gouverner.
« Les entreprises des TI...
dépensent une Jeanne Ross : Cette découverte nous a surpris. Au
Jeanne Ross : En quelque début de nos recherches, nous nous attendions à
fortune sur le plan
sorte. Je pense que de nom- découvrir une solution universelle (silver bullet),
des TI ; elles ne breux gestionnaires sont mais il n’y en a pas : il y a plusieurs façons d’exer-
peuvent donc conscients du rôle que les TI cer une bonne gouvernance sur le plan des TI.
pas s’offrir le luxe peuvent jouer dans l’amé- Tout dépend du contexte. Vous êtes à la tête
de ne pas les lioration de la compétitivité d’une entreprise mondialisée et vous tenez à ce
exploiter à fond. » de leur organisation, et que celle-ci fonctionne de manière hautement
qu’ils sont dès lors très coordonnée, se dote d’une chaîne d’approvision-
déçus du peu de valeur que nement globale et fasse des gains en réalisant des
— Jeanne Ross leur organisation réussit à économies d’échelle ? Vous devriez songer à
en extraire. Mon ouvrage IT centraliser une partie de la prise de décision en
Governance leur a simple- matière de TI. Et si, au contraire, vous croyez que
8 CEFRIO – PERSPECTIVES 2006
9. votre organisation créera principalement de la
valeur en demeurant proche de ses clients et en
innovant, certaines décisions TI devraient être
prises en périphérie.
CEFRIO : Croyez-vous que les entreprises sont
avancées sur le plan de la gouvernance ?
Jeanne Ross : Dans notre livre, nous voulions
évidemment mettre en vedette des entreprises
d’avant-garde, mais peu d’organisations maîtrisent
l’ensemble des facettes d’une bonne gouvernance
et tirent le maximum des TI. UPS et ING Direct,
deux exemples à suivre en matière de gouvernan-
ce des TI, représentent beaucoup plus l’exception
que la règle. Si votre gouvernance des TI est
encore mauvaise, vous êtes loin d’être le seul
dans cette situation.
CEFRIO : Quelles sont les deux ou trois choses
que les PDG devraient retenir lorsqu’on parle de
gouvernance des TI ?
Jeanne Ross : Permettez-moi tout d’abord de sou-
ligner que les PDG qui se préoccupent beaucoup
des technologies de l’information et de la gouver-
nance de celles-ci sont rares. Tout dirigeant prin-
cipal de l’information (DPI – chief information
officer) rêve d’avoir un patron qui, comme Mike
Eskew, le PDG de UPS, parle des technologies, en
saisit l’importance et comprend quel est son rôle
en matière de TI. Cependant, peu ont cette chan-
ce. L’une des tâches les plus importantes d’un
DPI consiste à aider son supérieur à se métamor-
phoser en Mike Eskew.
CEFRIO : Certains DPI ne préfèrent-ils pas s’abs-
tenir et garder ainsi la responsabilité des TI pour
Photo : Yves Lacombe
eux seuls ?
Jeanne Ross : En effet, mais ces DPI sont presque
toujours de mauvais gestionnaires de TI et ne
conservent pas leur poste longtemps.
Détentrice d’un doctorat de l’Université de
Tout d’abord, un bon DPI doit aider son PDG à Wisconsin-Milwaukee, Jeanne Ross est
garder à l’esprit que l’on ne met pas en place de
chercheuse principale au MIT Center for
bons principes de gouvernance des TI en une
seule journée, et que tout est affaire de pratique et Information Systems Research de la Sloan
de persévérance, dans ce champ comme dans School of Management. Cette spécialiste a
d’autres. Tout PDG doit être capable de se dire : notamment coécrit l’influent IT Governance :
« Ce comité devrait régler le problème, mais s’il How Top Performers Manage IT Decision Rights
ne fonctionne pas, nous n’abandonnerons pas ; for Superior Results et le récent Enterprise
nous regarderons plutôt s’il se peut que certains
Architecture As Strategy : Creating a Foundation
membres n’étaient pas à leur place et que
d’autres, au contraire, auraient dû en faire partie ; for Business Execution, deux ouvrages publiés
nous examinerons si le comité mettait l’accent par Harvard Business Press. Le CEFRIO l’a
sur ce qui comptait ou s’il se préoccupait interviewée à Cambridge.
CEFRIO – PERSPECTIVES 2007 9
10. S T R AT É G I E
davantage de questions secondaires. Peu importe Enfin, le DPI devra aider ses collègues à effectuer
ce qui se passe, nous irons de l’avant ». ce changement de mentalité et à comprendre
qu’une phrase comme « Gens des TI, donnez-
En outre, le DPI doit nous les moyens technologiques de prendre pied
Toute organisation aider le PDG à imaginer sur le marché chinois » n’a aucun sens. Comme si
quelle devra être la prin- la décision de se lancer sur le marché chinois
doit se soucier de sa cipale utilité des TI dans pouvait être prise en faisant abstraction du
gouvernance des TI, l’entreprise. Les techno- modèle d’affaires de l’entreprise, de sa mission !
c’est-à-dire déterminer logies de l’information
qui, au sein de l’organi- peuvent aider à accom- CEFRIO : Il faut donc penser à long terme...
sation, aura la respon- plir ceci ou cela, mais en
sabilité de prendre les fin de compte, il revient Jeanne Ross : Exactement. Prenez l’exemple de
au PDG de décider de ce MetLife, une société qui, à la suite de nombreuses
décisions en matière de que l’entreprise devra en fusions et acquisitions, s’est retrouvée avec des
technologies de l’infor- faire pour devenir meil- clients qui faisaient autrefois affaire avec d’autres
mation, comment ces leure et se démarquer. fournisseurs de services financiers. Pour la
décisions seront prises, Par exemple, le DPI de direction de MetLife, le défi à relever consistait à
et comment le suivi des UPS a réussi à faire donner une image unique (single face) à l’entre-
résultats sera effectué. comprendre à son PDG prise. Cette décision l’a amenée à demander à
que l’entreprise ne devait l’équipe des TI de consacrer l’essentiel de ses
pas se limiter à imiter ressources à la construction à long terme d’une
Fedex et à recourir aux base de données centralisée qui comprendra
TI pour permettre aux clients de suivre leur colis l’ensemble de l’information client de l’organisa-
à la trace, mais qu’elle devait plutôt se servir des tion. À court terme, la direction des technologies
TI – notamment s’équiper d’une base de données de MetLife veille en outre à ce que les consom-
unique (et perpétuelle) concernant les paquets et mateurs aient l’illusion de traiter avec une
l’utiliser à des fins multiples – pour se distinguer entreprise dont les données sont intégrées : les
par l’efficience, l’efficacité, la fiabilité et la gens des TI ont créé un portail et des services
constance de ses processus d’expédition. Web qui permettent au personnel de l’organisa-
tion de puiser dans les données clients, où
CEFRIO : Cela nous amène à parler de votre der- qu’elles se trouvent.
nier livre, Enterprise Architecture As Strategy:
Creating a Foundation for Business Execution, Ainsi, MetLife va très bien actuellement, parce
dans lequel vous insistez sur le fait que les entre- qu’elle n’a pas cherché à créer une solution pour
prises doivent adapter leurs TI à leur mission chacun de ses petits problèmes. Ses dirigeants
plutôt qu’à leurs stratégies. ont compris qu’en matière de TI, il faut concen-
trer ses forces sur ce qui compte le plus.
Jeanne Ross : En effet. Le problème que les entre-
prises éprouvent, quand elles cherchent à faire CEFRIO : Le danger de faire des mécontents est
correspondre leurs stratégies aux TI, c’est qu’elles grand...
ont trop de stratégies. Elles réalisent le projet
numéro 1 pour soutenir la stratégie numéro 1, le Jeanne Ross : Certes. Gouverner, c’est prendre des
projet numéro 2 pour soutenir la stratégie numé- décisions difficiles et mécontenter à l’occasion
ro 2, et ainsi de suite. En agissant de la sorte, elles beaucoup de gens. Les dirigeants doivent être
se retrouvent très vite avec une foule de systèmes, capables de prioriser, de dire « Oui, Paul, nous
de silos et de données qu’elles doivent relier les savons que tu as ce problème, mais il ne s’inscrit
uns aux autres, une activité qui exige du temps et pas dans notre stratégie ; tu devras attendre pour le
de l’argent, et qui procure peu de valeur. régler ». Car la discipline, dans le secteur des TI,
fait la différence entre le succès et la médiocrité. s
Évidemment, il est préférable d’adapter les TI
aux stratégies, plutôt que de laisser les gens des
TI seuls dans leur coin, mais on peut faire mieux. 1 En version anglaise : The Tipping Point. États-Unis, Back Bay
La direction doit se demander « Quel genre Books, 304 p.
2 Dr Phil est un psychologue dont les émissions et les livres
d’entreprise voulons-nous être dans 15 ans ? » et
sont très populaires aux États-Unis.
« Comment les TI pourraient-elles nous permettre
d’atteindre cet objectif ? »
10 CEFRIO – PERSPECTIVES 2007
11. S T R AT É G I E
En matière d’alignement, tout
dépend de l’environnement
Alain Pinsonneault est chercheur à l’Université McGill. Les résultats de ses dernières recher-
ches vont dans le même sens que les travaux de Jeanne Ross : aligner les technologies de
l’information (TI) sur les stratégies de l’entreprise rapporte... parfois. Lorsque l’environ-
nement est changeant, l’alignement doit se faire de manière plus large !
PA R RÉJEAN ROY
« Dans le cadre d’un récent projet1 mené en
collaboration avec Paul Tallon, chercheur
au Boston College, nous nous sommes deman-
dé s’il était toujours bon d’aligner étroitement
TI et stratégies, raconte Alain Pinsonneault.
La réponse a été nuancée. Quand l’entrepri-
se fonctionne dans un environnement stable,
cette approche se justifie et est bénéfique,
parce que le contexte et les stratégies évoluent
lentement. Les dirigeants peuvent donc dire
sans courir aucun risque : “Concentrons-
nous sur ce besoin-client” et “Mettons les TI
au service de cette approche”.
« Dans un environnement instable, il con-
vient cependant de penser différemment »,
soutient Alain Pinsonneault. Comme il est
plus difficile de connaître l’avenir de l’entre-
prise, il est préférable que les dirigeants
alignent les TI de manière moins large, autre-
ment dit, sur la mission de l’organisation
plutôt que sur des stratégies qui risquent
d’être changeantes.
« Quand le contexte évolue rapidement,
conclut Alain Pinsonneault, l’entreprise où
TI et stratégies sont étroitement alignées
ressemble à celle qui est fortement intégrée : Titulaire de la Chaire Imasco en systèmes
elle est prise dans un carcan et a une capa- d’information et d’une chaire James McGill
cité de changement réduite. Dans ce cas, à la Faculté de gestion Desautels de
il vaut mieux aligner TI et stratégies avec l’Université McGill, Alain Pinsonneault a
souplesse, c’est-à-dire déployer les TI de
remporté de nombreux prix pour la qualité
manière à se laisser des choix. » s
de ses recherches et de son enseignement.
En 1990, il a notamment reçu le prestigieux
1 Voir Tallon, Paul P. et Alain Pinsonneault (à paraître). « In Doctoral Award, une récompense offerte
Pursuit of Value : Reconceptualizing the Form and Function
of Strategic IT Alignment under Environmental Dynamism ». aux rédacteurs des trois meilleures thèses
de doctorat du monde rédigées en anglais.
CEFRIO – PERSPECTIVES 2007 11
12. Détentrice d’un doctorat de l’Université Western
Ontario, Suzanne Rivard est professeure à
HEC Montréal, titulaire de la Chaire de gestion
stratégique des technologies de l’information et
fellow au Centre interuniversitaire de recherche
en analyse des organisations (CIRANO).
Elle est aussi coauteure de l’ouvrage Information
Technology and Organizational Transformation:
Solving the Management Puzzle1.
S T R AT É G I E
Vos structures
sont-elles alignées ?
S’il faut aligner les technologies de l’information (TI) de l’organisation sur sa mission ou sur
ses stratégies, il faut également veiller à ce que tout projet de TI soit bien adapté aux
structures de l’entreprise, soutient Suzanne Rivard, professeure à HEC Montréal. Dans le cas
contraire, attendez-vous à ce que la route vers la réussite soit cahoteuse !
PA R RÉJEAN ROY décisions prises par son client à un échelon infé-
rieur à celui de la vice-présidence. Résultat : ce
« Il est essentiel d’aligner les TI sur les structures
de l’entreprise, avance Suzanne Rivard. Par
qui devrait aller vite se fait par conséquent très
lentement et très difficilement. »
exemple, si vous êtes à la tête d’une entreprise
d’envergure internationale qui a des employés et Ces problèmes d’alignement TI – structures s’ajou-
des équipes partout dans le monde, il est évident tent aux difficultés que connaissent de nombreuses
que vous devrez mettre en place une infrastructure entreprises en matière d’alignement TI–mission.
qui leur permette de communiquer et de collaborer « À titre d’exemple, note Suzanne Rivard, certaines
facilement les uns avec les autres. » organisations souhaitent se démarquer de leurs
concurrentes par un contrôle serré de leurs coûts,
« On s’attend à ce que De même, les structures puis se retournent et recourent principalement aux
le personnel des TI de gouvernance TI de TI pour faire une gestion extrêmement poussée de
comprenne bien la l’entreprise devraient être leur relation-client. »
le miroir des structures de
mission de l’entreprise
gouvernance générales de Comment expliquer cette déconnexion coûteuse ?
et puisse réparer l’organisation. Suzanne « D’une part, cela vient du fait que certains diri-
rapidement les Rivard vient de terminer geants maîtrisent mal les questions de TI, ne s’ex-
nombreux bogues ou une étude de cas qui le pliquent pas bien le rôle des TI ou les perçoivent
bris informatiques qui démontre éloquemment. comme un mal nécessaire, soutient la chercheuse.
ne manquent pas de « L’entreprise que nous D’autre part, les spécialistes en technologies com-
avons examinée fonction- prennent parfois moins bien la mission ou les stra-
survenir. Il faut des
ne de manière très décen- tégies de l’entreprise. Le problème existe depuis
perles rares pour tralisée, note la chercheu- 30 ans. Il s’estompe, mais il demeure présent,
atteindre ces deux se. Elle est dynamique, et encore aujourd’hui. »
cibles à la perfection. » les décisions y sont prises
très rapidement par des Votre conseil d’administration :
comités de cadres intermédiaires. Le problème, frein ou tremplin ?
c’est qu’elle a imparti ses activités de TI à une La situation est particulièrement perfectible au
société-conseil qui, elle, fonctionne de manière sein des conseils d’administration, note Suzanne
extrêmement hiérarchisée et refuse d’accepter les Rivard. « Plusieurs responsables des TI m’ont
12 CEFRIO – PERSPECTIVES 2007
13. S T R AT É G I E
confié : “On commence à savoir comment expli- Qu’en est-il de votre organisation ? Son conseil
quer le rôle des technologies à la haute direction, d’administration comprend-il suffisamment bien
qui nous donne la possibilité de nous faire le langage des TI ? s
entendre au sein de comités importants. Mais du 1 Rivard, S., et al. (2004). Burlington (Mass.), Butterworth-
côté des conseils d’administration, c’est une autre Heinemann, 320 p.
histoire. Lorsque leurs membres acceptent de
nous écouter, ils nous donnent un quart d’heure
pour expliquer un projet de plusieurs dizaines de
Votre conseil d’administration
millions de dollars” ». comprend-il le langage des TI ?
Marc-André Sinclair, un étudiant de HEC Montréal
Sans compter que les conseils d’administration dirigé par Suzanne Rivard, a utilisé les indicateurs
n’ont pas toujours les connaissances requises suivants pour déterminer si un conseil d’administration
pour parler de TI adéquatement, une lacune qui, comprend le langage des TI, et dans quelle mesure :
note Suzanne Rivard, a des effets particulière-
ment graves. « Les conseils d’administration qui 1. Certains de ses membres occupent-ils un poste de
manquent de connaissances en TI ont souvent un directeur de l’information ou l’ont-ils déjà occupé ?
“déficit d’attention” quand on aborde le sujet ; ils
décrochent et se méfient. » 2. Le conseil d’administration peut-il compter sur le
soutien d’un comité de TI (comme il peut compter
Au bout du compte, c’est l’organisation qui en sur le soutien d’un comité de rémunération ou d’un
paye le prix, conclut la chercheuse. « Un de mes comité de stratégie) ?
étudiants, Marc-André Sinclair, a étudié les orga-
nisations du Fortune 500. Il a relevé qu’il y avait 3. Certains membres du conseil d’administration ont-ils
une différence significative entre la valeur sur le fait des études dans une discipline pertinente (par
marché, le niveau de croissance des ventes et le exemple, en gestion de l’information et des systèmes) ?
niveau de croissance des revenus des entreprises
dont le conseil d’administration comprend le 4. Certains membres ont-ils déjà occupé un emploi
langage des TI et celles dont le conseil d’admi- dans le domaine des TI ?
nistration le maîtrise moins bien. »
14. VISION D’UN DIRIGEANT
S T R AT É G I E
Depuis l’arrivée de Daniel Lamarre à la
barre du Cirque du Soleil, l’entreprise a
créé une demi-douzaine de nouveaux
Photo : Yves Lacombe
spectacles, dont le récent Love, et s’est
hissée au rang des meneurs incontestés
de l’industrie mondiale du divertissement.
CIRQUE DU SOLEIL
Les TI au service
de la créativité !
Aucun doute possible : au Cirque du Soleil, les technologies sont bien adaptées à la mission
de l’entreprise et à sa structure. Pour Daniel Lamarre, PDG de ce véritable joyau québécois, les
technologies doivent d’abord et avant tout permettre de renforcer le positionnement de
l’organisation en tant que développeur des contenus artistiques les plus avancés au monde.
PA R RÉJEAN ROY monde, la scène de Kà a été conçue à partir
d’une idée de Robert Lepage et de l’assemblage de
« Ma plus grande priorité, c’est de faire en sorte
que personne ne nous dépasse dans notre
sept technologies différentes. Le spectacle Love
doit une partie de sa force au fait que François
capacité à utiliser les technologies à des fins de Pérusse a su pousser la technologie de manière à
divertissement, affirme le dirigeant. Nous cher- créer des effets audiovisuels originaux et puis-
chons toujours à être les premiers à arriver avec sants. Et dans Delirium, des personnages virtuels
un élément neuf dans un spectacle. » interagissent avec les artistes. Nous nous devons
d’innover sans relâche, souligne Daniel Lamarre.
Résultat : le Cirque est constamment à l’affût des S’il y a sur terre un hôtel fait de verre à 100 %,
technologies les plus novatrices. « Unique au nous voulons le savoir ! Et si quelqu’un a mis au
point une casquette électronique, nous voulons
le savoir aussi ! »
ENCADRÉ 1
Innover sans cesse
Pour s’assurer de ne rater aucun développement
Miser sur la mémoire corporative technologique important, la haute direction du
Pour le Cirque du Soleil, la « Mémoire Cirque » évitera Cirque du Soleil a récemment approuvé le
de réinventer la roue. « Le costumier qui veut dessiner démarrage du projet Mémoire Cirque et de son
un costume bleu d’un style donné saura qu’on l’a déjà volet « veille ». Ainsi, un metteur en scène, un
produit pour tel spectacle, avance Daniel Lamarre. Le costumier ou un chorégraphe pourra alimenter
chorégraphe qui aimerait insérer tel mouvement dans cette Mémoire – une base multimédia de connais-
un numéro apprendra qu’on l’a essayé cinq fois sans sances artistiques – avec les résultats de ses
succès. Bien sûr, il pourra tenter sa chance à son tour, recherches sur un thème donné (par exemple, le
mais au moins, il ne partira pas de zéro ! » feu ou l’eau) ou s’en servir pour échanger, avec ses
collègues, sur un spectacle ou sur une technologie
qu’il a découvert (voir encadré 1).
14 CEFRIO – PERSPECTIVES 2007
15. S T R AT É G I E
ENCADRÉ 2
Hexagram : pour nous surprendre encore plus demain !
Hexagram est un consortium universitaire dédié à la interactifs et aux ordinateurs vestimentaires, à l’inter-
recherche en arts médiatiques et à la valorisation activité, à l’imagerie numérique évoluée, au prototy-
commerciale de ses résultats. Fondé par l’Université page rapide et à la télévision interactive.
du Québec à Montréal (UQAM) et l’Université
Concordia, Hexagram regroupe quelque 75 artistes- Ce centre de recherche est soutenu par de nombreux
chercheurs qui, avec l’aide de plus de 350 étudiants partenaires publics et privés, dont le Cirque du Soleil.
de deuxième et de troisième cycle, se consacrent à la En 2005, le Cirque a notamment injecté 225 000 dol-
création de technologies nouvelles qui révolution- lars dans la création du Fonds Hexagram, qui sou-
neront le monde des arts et les industries du spec- tient la réalisation de recherches interdisciplinaires
tacle, du cinéma, de la télévision et du jeu vidéo. dans le champ des arts médiatiques. Le Cirque a
aussi investi 25 000 dollars dans la mise au point
Hexagram s’intéresse particulièrement au cinéma réalisée par Jean Gervais, professeur à l’École supé-
émergent et aux personnages virtuels, aux nouvelles rieure de théâtre, de SetDesign, un logiciel « qui per-
formes narratives et aux créations audio-vidéo, à la met à un scénographe de théâtre, de télévision ou de
vie artificielle et aux arts robotiques, aux environne- cinéma de concevoir en moins d’une heure la
ments immersifs, à la réalité virtuelle, aux textiles maquette virtuelle 3D d’un décor1 ».
Dans la même veine, le Cirque du Soleil suit de Mieux communiquer : une priorité
très près les activités d’Hexagram, un consortium Par ailleurs, comme le Cirque du Soleil est une
universitaire montréalais dédié à la recherche en entité fortement décentralisée sur le plan géogra-
arts médiatiques et à la valorisation commerciale phique – son siège social est à Montréal, mais
des résultats obtenus. Par exemple, note Daniel il monte ou présente des spectacles de grande
Lamarre, Hexagram travaille à la mise au point de envergure dans plusieurs pays à la fois –, Daniel
tissus interactifs dont un comédien ou danseur Lamarre a fait de l’amélioration de l’infrastruc-
pourrait changer la couleur au beau milieu d’un ture de communication de cette organisation de
numéro (voir encadré 2). 3 500 employés sa deuxième priorité en matière
de TI.
« Au Québec, on ne se donne pas toujours les
moyens de nos discours économiques, mais je « Cela peut paraître élémentaire, mais je dois
crois qu’en soutenant Hexagram, en permettant m’assurer que lorsqu’un de nos groupes de tournée
aux chercheurs de transférer leurs recherches à arrive dans une nouvelle ville, il lui est aussi facile
des fournisseurs locaux et en faisant appel à ces d’utiliser le Web ou le cellulaire que s’il se trouvait
derniers, le Cirque pourrait vraiment susciter la à New York. Ces dernières années, les TI ont
mise en place d’une grappe “création” solide », fortement favorisé notre nomadisme. Dans les
avance Daniel Lamarre. années à venir, nous devrons recourir à des outils de
communication toujours plus sophistiqués, pour gé-
ENCADRÉ 3
rer correctement une croissance qui se fait de plus
en plus rapide, histoire de garder le contrôle, que
nous soyons à Taïwan ou à Dubai.»
Le B2C au Cirque du Soleil
Le Cirque se sert également des TI pour « Je ne suis pas techno pour deux sous, conclut
fidéliser ses clients. « Dans les années à Daniel Lamarre. Les technologies ne m’intéres-
venir, nous implanterons notre propre sent pas beaucoup, mais leur impact sur le Cirque
système de billetterie électronique pour me fascine. J’ai toujours du temps à consacrer à ce
mieux comprendre les consommateurs et sujet. » Voilà le genre de PDG dont les respon-
savoir ce qui les intéresse », souligne Daniel sables TI rêvent tous, dirait Jeanne Ross. s
Lamarre. De plus, l’entreprise continuera de
soutenir le Club Cirque, une communauté
virtuelle d’admirateurs qui compte mainte-
nant plus d’un million de membres. 1 Cayouette, Pierre (2006). « Arrêtez, Monsieur, vous faites rou-
gir ma robe ! », L’Actualité, 15 mars, p. 80.
CEFRIO – PERSPECTIVES 2007 15
16. GESTION DE PROJETS
Bons gestionnaires
recherchés !
Dans l’univers des technologies de l’information (TI) comme dans d’autres secteurs1, rien
n’est sans doute plus difficile que la gestion de projets. À preuve, selon la firme de
recherche Standish Group, les coûts de réalisation d’un projet d’envergure moyenne en TI
dépasseraient de 43 % les prévisions initiales2 ! Un débordement qui, en Amérique du Nord,
représente quelque 17 milliards de dollars américains par an. Pour corriger ce problème,
estime Peter Todd, doyen de la Faculté de gestion Desautels de l’Université McGill, les
organisations devraient moins se préoccuper de trouver l’approche de gestion de projets
idéale que de recruter des gestionnaires de projets habiles. Mais à quoi donc ressemble
cette ressource apparemment si rare ?
PA R RÉJEAN ROY mérite ». Pourtant, l’engagement de la haute
direction est nécessaire à l’adéquation entre les
es statistiques du Standish Group3 montrent
Lque la proportion de projets en TI réussis
chaque année a doublé entre 1994 et 2003.
initiatives en TI et les objectifs de l’organisation.
« On ne le dira jamais assez : il est inutile d’affec-
ter la meilleure équipe du monde à un projet si
Cependant, pour Peter Todd, certains projets qui l’on s’attaque au mauvais problème », souligne
sont loués comme des succès sont en réalité des Peter Todd.
échecs cuisants sur le plan organisationnel4. « Les
entreprises sauvent les meubles en posant des En outre, les dirigeants sous-estiment parfois la
gestes héroïques, lourdeur des tâches à accomplir pour assurer le
en engageant des succès d’un projet. « Les spécialistes en techno-
ressources au-delà logies peuvent généralement s’investir à fond dans
« Aucun gestionnaire de des limites du rai- les projets de TI de l’entreprise ; toutefois, pour le
projets en TI ne réussira sonnable ou encore reste du personnel, ceux-ci représentent souvent
si ses forces se trouvent en imposant un une tâche de plus », ajoute Peter Todd. Pour
principalement du côté stress indu à leur assurer le succès d’une initiative, il importe donc
technique plutôt que du personnel. En fait, de savoir mobiliser les troupes de l’organisation,
côté socio-organisationnel. » la question à se mais aussi, de produire un échéancier réaliste.
poser est moins
«Le projet a-t-il Autre facteur d’échec : « De très nombreuses
réussi ?» que «L’ap- initiatives en TI échouent parce que les entrepri-
proche utilisée pour le mener à bien a-t-elle fonc- ses n’arrivent pas à recruter les experts en gestion
tionné comme prévu ? » de projets dont elles ont besoin, soutient Peter
Todd. Lorsque je demande aux dirigeants en TI
Pour éviter le dérapage chevronnés auxquels j’enseigne quelles sont les
Pour Peter Todd, plusieurs facteurs peuvent expli- compétences à réunir en priorité pour assurer le
quer le dérapage d’un projet et l’adoption de succès d’un projet de TI, leur première réponse
mesures exceptionnelles pour en assurer la survie. ressemble généralement à : “ Il faut de bons archi-
tectes de réseau ou de bons concepteurs de bases
D’abord, « bien que les organisations investissent de données ”. Puis, au bout d’un moment, quel-
entre le tiers et la moitié de leur capital dans qu’un finit par lancer : “Je suis absolument
le secteur des TI, les présidents ou les conseils incapable de trouver les gestionnaires de projets
d’administration négligent encore souvent d’ac- dont j’ai besoin.” Voilà le principal problème
corder à ce type de projet toute l’attention qu’il des entreprises ! »
16 CEFRIO – PERSPECTIVES 2007
17. GESTION DE PROJETS
Portrait d’un bon gestionnaire
Mais à quoi donc ressemble un bon gestionnaire
de projets en TI ? « Très souvent, note Peter Todd,
les entreprises promeuvent d’excellents techni-
ciens au rang de gestionnaires de projets, en se
disant qu’il faut une maîtrise parfaite des
questions informatiques pour réussir à ce niveau.
À mon avis, c’est une erreur. Comme les techno-
logies de l’information sont de plus en plus
prêtes à l’emploi (plug-and-play), le défi, pour les
organisations, consiste moins à résoudre des
problèmes techniques que des problèmes socio-
organisationnels. Un bon chargé de projets doit
comprendre les aspects techniques des dossiers
qu’il pilote, certes, mais il doit surtout être très
à l’aise en gestion, là où les TI et les besoins
des concepteurs, des utilisateurs et des clients
se rencontrent.
« Un bon gestionnaire de projets en TI doit com-
prendre les problèmes de l’entreprise, poursuit
Peter Todd ; il doit être en mesure de communi-
quer efficacement avec le personnel, de l’inspirer,
de le motiver. Par exemple, il est relativement
facile d’amener les dirigeants de l’entreprise – le
PDG, le vice-président aux finances, le dirigeant
principal de l’information, etc. – à ramer dans le
même sens. Cependant, il est nettement plus
Photo : Yves Lacombe
difficile d’amener l’ensemble des divisions de
l’organisation à le faire. Lorsque le projet passe du
stade de simple concept à celui de la réalisation,
il arrive fréquemment que la distance qui sépare
les spécialistes en TI du personnel des divisions
opérationnelles s’accroisse. Il est alors essentiel
Diplômé en finance et systèmes d’infor-
que l’entreprise puisse compter sur des gestion- mation de gestion (SIG) de la Faculté de
naires capables de parler le langage des responsa- gestion Desautels de l’Université McGill,
bles du marketing, des finances et des ventes. Peter Todd est revenu dans cet établis-
sement en 2005, à titre de doyen et de
« Beaucoup de gens me diront que j’ai tort et que
professeur. Avant cette nomination, ce
je surestime l’importance des aspects socio-
organisationnels (touchy-feely aspects) de la
spécialiste en gestion de projets a occupé
gestion de projets, fait remarquer Peter Todd, des postes d’enseignement et de direction
mais les anecdotes qu’on me raconte me le confir- à la McIntire School of Commerce de
ment chaque fois : à l’origine de la majorité des l’Université de Virginie, où le baccalauréat
échecs, on retrouve des experts en TI qui sont en commerce est reconnu comme étant
incapables de comprendre leurs collègues5. »
l’un des trois meilleurs aux États-Unis, selon
À bas les silos…
Business Week. Peter Todd a aussi assumé
Malheureusement, l’offre de bons gestionnaires les fonctions de directeur du Centre de
de projets est nettement trop faible. Deux raisons recherche sur les systèmes d’information du
expliquent cette réalité : « Premièrement, les Bauer College of Business de l’Université de
universités tardent encore à assurer l’acquisition Houston. Il est actuellement corédacteur des
des compétences en gestion dont les futurs
revues Information Systems Research et MIS
spécialistes en TI auront de plus en plus besoin
pour s’illustrer dans leur travail6, avance le cher-
Quarterly, deux des principales publications
cheur. Je crois que, de manière générale, les scientifiques dans le domaine des technolo-
écoles de gestion ont compris l’importance de gies de l’information.
CEFRIO – PERSPECTIVES 2007 17
18. GESTION DE PROJETS
la question. Par contre, les facultés de génie ou
d’informatique hésitent à prendre le virage et
continuent de former des purs et durs de la tech-
nologie (hardcore technologists). J’ai cessé de
compter le nombre d’ingénieurs que j’ai connus
qui sont terrifiés par les comptables, même s’ils
ont fait des maths passablement plus compli-
quées que ces derniers.
« Comment voulez-vous acquérir
l’ensemble des savoirs et des savoir-
faire requis en gestion de projets
technologiques si vous ne participez
qu’à cinq projets sur l’ensemble de
votre carrière ? »
tives de grande taille plutôt que celle de projets
— Peter Todd, doyen de la Faculté de plus petits. « Non seulement il est plus compli-
gestion Desautels de l’Université McGill qué de redresser un grand projet qui a commencé
à déraper qu’un petit, mais avec cette approche, il
est aussi plus complexe de favoriser le dévelop-
pement optimal des habiletés en gestion de
« À court terme, une telle situation n’est pas si projets du personnel de l’organisation.
grave, poursuit Peter Todd. Au début de leur
carrière, avec de bonnes aptitudes techniques, les « Mes travaux, poursuit Peter Todd, m’ont récem-
diplômés en informatique ou en génie peuvent se ment amené à discuter avec des gestionnaires de
tirer d’affaire. » Mais en les empêchant d’élargir projets en TI très expérimentés, des hommes
leurs horizons, pense le doyen de la Faculté de actifs dans le domaine depuis les années 1970.
gestion Desautels, on les handicape pour l’avenir, Je me rappelle avoir demandé à l’un d’entre eux
tout comme on pénalise les organisations qui les la raison pour laquelle un de ses projets avait
embaucheront. « Il est tout de même fascinant de échoué. Il m’a répondu avec franchise : “ Je pense
constater que des spécialistes chevronnés en TI que je manquais d’expérience. Vous savez, ce
n’ont souvent aucune idée de ce dont nous parlons n’était que mon cinquième projet à vie. ”
lorsqu’ils s’inscrivent à des cours de gestion ! »
« Le type qui, dans le domaine du bâtiment, gère
Deuxièmement, certaines entreprises ne réus- chaque année la construction de trois immeubles
sissent pas à acquérir l’expertise en gestion de au sein d’une entreprise qui en bâtit 150 finit par
projets dont elles auraient besoin, parce qu’elles se faire une bonne idée des coûts, des délais, de
font l’erreur de privilégier la réalisation d’initia- ce qui se fait ou ne se fait pas, de ce qui dure ou
ne dure pas, etc. Comment voulez-vous acquérir
l’ensemble des savoirs et des savoir-faire requis
en gestion de projets technologiques si vous ne
Impartir ? Oui, mais... participez qu’à cinq projets sur l’ensemble de
De nombreuses organisations recourent à la votre carrière ? Heureusement, ajoute Peter Todd,
sous-traitance pour s’assurer les services la tendance, depuis cinq ou sept ans, est au
d’experts en TI de grande qualité. Plusieurs rétrécissement de la taille des projets.
commettent toutefois l’erreur de traiter avec
des consultants qui connaissent mal l’univers « Trop d’organisations pensent qu’il existe une
dans lequel ils font des affaires. « Lorsqu’une solution miracle aux problèmes de gestion de
entente d’impartition échoue, c’est généra- projets en TI, conclut Peter Todd. Mais aucune
lement parce que la communication entre le approche ou technique ne garantit un succès à
fournisseur et l’entreprise était déficiente », 100 %. Plutôt que de partir à la recherche de
note Peter Todd. l’outil qui réglera tous les pépins, adoptez plutôt
une approche connue et éprouvée – n’importe
18 CEFRIO – PERSPECTIVES 2007
19. GESTION DE PROJETS
Les spécialistes en TI sont morts ! Vive les spécialistes en TI7 !
Comme l’a récemment précisé Diane Morello, liorer leur maîtrise de technologies données,
de la société Gartner8, la mondialisation des mais pas nécessairement de se maintenir dans
marchés et l’automatisation de certaines tâches leur milieu et d’y progresser », soutient la spé-
(par exemple, la création de logiciels et la réali- cialiste de Gartner. Alors que les organisations
sation de tests) entraîneront progressivement intensifient leur recherche de professionnels
l’élimination de milliers de postes bien rému- polyvalents, les spécialistes en technologies
nérés dans le secteur des TI. Cela ne signifie désireux d’œuvrer dans le secteur hospitalier
pas que le secteur québécois des TI soit voué à ou dans celui de la finance gagneront à se fami-
disparaître, mais que, pour survivre et prospé- liariser étroitement avec son fonctionnement,
rer, ses acteurs devront changer. avec la culture des organisations qui y sont acti-
ves et avec leurs façons de faire.
Pour tirer leur épingle du jeu dans l’environ-
nement qui se met en place, les experts en TI L’expert en TI doit ensuite accepter de s’aven-
devront devenir « polyvalents », souligne Diane turer à l’extérieur de sa zone de confort (par
Morello. Autrement dit, comme l’avance Peter exemple, un gestionnaire qui a l’habitude de
Todd, ils ne pourront plus se contenter de mandats dans le secteur privé gagnera à fré-
maîtriser une technologie donnée : ils devront quenter le secteur public ou associatif). Ainsi,
aussi acquérir les connaissances et les compé- il aura avantage à s’inscrire à un programme
tences socio-organisationnelles, particulière- d’études connexe – comme un MBA ou encore,
ment en gestion, qui sont utiles dans leurs un certificat en gestion de la santé pour le spé-
secteurs d’activité. cialiste en TI employé dans le secteur médical –
ou à des cours d’appoint (en psychologie, en
« Par exemple, l’obtention de certifications pro- gestion de la qualité, par exemple).
fessionnelles permet aux experts en TI d’amé-
5 « Nous réaliserons bientôt des travaux pour rajeunir le
laquelle –, documentez vos actions, assurez-vous
bâtiment qui abrite la Faculté de gestion Desautels, raconte
de comprendre comment l’initiative cadre avec Peter Todd. Ces travaux dérangeront le personnel : certains
les besoins de l’organisation, voyez comment les seront incommodés par le bruit, d’autres devront déménager,
etc. Pour expliquer ce qui se passera, nous tiendrons bientôt
gens interagissent, assurez l’ouverture des canaux
notre… énième rencontre d’information. “Voici ce que nous
de communication et mesurez vos progrès de faisons, voici pourquoi nous le faisons, etc. ” Et je ne parle pas
manière systématique et standardisée. Si assez de des rencontres individuelles que nous organisons constam-
ment et des autres exercices du genre auxquels nous nous
personnes intelligentes sont assises autour de la
livrons sans cesse. La règle numéro un, en gestion de projets,
table où le projet TI est géré, il est clair que vous c’est d’éviter de garder l’information pour soi. »
pourrez corriger les problèmes au fur et à mesure 6 « Quand je demande aux diplômés de la Faculté de gestion
qu’ils se présenteront ». s Desautels que je rencontre quel cours leur a été le plus utile
dans leur carrière dans le monde des TI, ils répondent tous :
“ Le cours Comportement organisationnel ”, qui permet aux
étudiants en systèmes d’information de gestion et à ceux
1 En particulier celui de la construction. Le Québec y a rencon- d’autres disciplines d’acquérir des connaissances socio-
tré de nombreux problèmes ces dernières années – que l’on organisationnelles dont ils se serviront toute leur vie ».
pense à la construction du métro de Laval ou du siège social 7 Adapté d’un article de Roy, Réjean (2006). « Êtes-vous
de la Caisse de dépôt –, mais il n’est pas le seul dans ce cas. polyvalent ? », revue Info-FIQ de la Fédération de l’informa-
Par exemple, l’aéroport de Denver a coûté trois fois plus cher tique du Québec.
que prévu et l’immeuble du parlement écossais, dix fois plus.
8 Morello, Diane (2005). « The IT Professional Outlook : Where
Voir Eden, Colin (2005), Fran Ackermann et Terry Williams
(2005). « The Amoebic Growth of Project Costs », Project Will We Go From Here? », publié dans un document réservé
Management Journal, vol. 36, no 2, p. 1. aux abonnés de Gartner. Voir http://www.gartner.com/
2
DisplayDocument?doc_cd=130462.
Sans, évidemment, que les résultats prévus à l’origine ne
soient nécessairement atteints.
3 MacInnis, Patricia (2005). « The Business of Analyzing Project
Success », Computing Canada, 8 avril, vol. 31, no 5, p. 34.
4 Dans le privé, on se moque souvent des échecs que les gouver-
nements connaissent en matière de gestion de projets, mais la
situation n’y est pas différente. « La seule différence entre un
secteur et l’autre, note Peter Todd, c’est que les projets gouver-
nementaux sont sous les projecteurs de la presse. »
CEFRIO – PERSPECTIVES 2007 19
20. VISION D’UN DIRIGEANT
GESTION DE PROJETS
SOCIÉTÉ DE TRANSPORT DE MONTRÉAL
Réussir un projet :
une question de partage
La Société de transport de Montréal (STM) gère tous les jours des projets complexes auxquels
participent diverses industries : construction, équipements industriels, informatique. Pour
Daniel Côté, directeur des grands projets à la STM, la clé du succès repose sur quelques
approches de base : toujours garder en tête la finalité du projet, faire travailler en équipe
toutes les parties prenantes – y compris les futurs utilisateurs – et réévaluer constamment
le projet, toujours en équipe.
PA R GIL TOCCO Un processus basé sur l’esprit d’équipe
Tout le processus de gestion de projets à la STM
L ’aventure a commencé en 1989, quand la
Société de transport a décidé d’implanter un
système de gestion intégrée (ERP). Ce projet, géré
s’appuie donc sur des notions de finalité et de
travail d’équipe. « La clé du succès, nous dit
Daniel Côté, c’est de bien définir le projet et de
conjointement par une entre- s’assurer que le plus grand nombre de personnes
prise externe et par le service possible le comprenne. » C’est pour cette raison
de la vérification interne, a que tous ceux qui sont touchés par un projet doi-
mal fonctionné, jusqu’à ce vent y participer : utilisateurs, gestionnaires, ingé-
que la STM le confie à un nieurs, etc. La gestion opérationnelle est chargée
spécialiste de la gestion des de vendre le projet à tous ces intervenants.
risques. Cet expert a été
l’étincelle qui a provoqué un La première étape consiste à réaliser une étude de
changement radical en matiè- faisabilité qui couvre l’impact du projet sur
re de gestion de projets au l’entreprise et sur la clientèle, ainsi que l’évalua-
sein de l’entreprise. tion des risques. Un site de gestion de projets
permet à tous les participants de faire les évalua-
Des objectifs tions requises par rapport aux objectifs visés.
organisationnels
avant tout Vient ensuite le plan de projet et sa mise en
Daniel Côté insiste d’abord œuvre, qui comprend un volet « gestion du
sur l’aspect « finalité » d’un changement ». « Nous utilisons un outil, le Cadre
projet. « Dans la réalisation logique, qui effectue des liens entre la finalité, les
d’un projet, l’objectif n’est objectifs, les livrables, les ressources, etc. » Dans
pas d’implanter un beau un projet, c’est en fait la gestion du changement
système, mais de répondre à qui représente le principal défi.
Daniel Côté, STM certains besoins de l’entrepri-
se. » Cette simple remarque a Parmi les autres outils utilisés, notons le Ther-
de multiples conséquences. En premier lieu, tout momètre de risques, qui analyse 13 paramètres,
projet doit avoir un promoteur imputable qui est notamment les échéanciers, les coûts, les conte-
obligatoirement membre de la haute direction, et nus, l’appropriation par les gestionnaires et les
donc, orienté « finalité ». employés, les relations de travail, le financement,
etc. « Ce qui est intéressant, souligne Daniel Côté,
Le directeur de projet, quant à lui, est « le chef c’est que chaque groupe évalue lui-même ses
d’une entreprise virtuelle qui a une durée de vie risques, de sorte que tous les enjeux identifiés
limitée, et dont les objectifs ne sont pas techno- sont pris en charge.
logiques, mais organisationnels ». L’équipe de
projet est composée de membres du personnel « Le plus important, conclut le dirigeant, c’est
– dont plusieurs sont certifiés PMI (Project d’avoir un plan de projet bâti en équipe et d’éva-
Management Institute) – et d’autres qui viennent luer ensemble la performance du projet. En fait,
de divers milieux. l’essentiel, c’est de partager. » s
20 CEFRIO – PERSPECTIVES 2007
21. Vos mille et un projets d’affaires
ne resteront pas sur les tablettes.
Peu importe ce que vous produisez, fabriquez, concevez ou développez, quand
Desjardins met toute son expertise et l’ensemble de ses ressources au profit de
vos projets d’affaires, c’est tout un monde de possibilités qui s’offre alors à vous.
Avec près de 60 centres financiers dédiés exclusivement aux entreprises,
vos objectifs n’auront jamais été aussi accessibles.
desjardins.com
22. MARKETING WEB
Et si votre site Web
nuisait à votre entreprise ?
Signe des temps : presque toutes les entreprises disposent aujourd’hui d’un site Internet.
Malheureusement, ces pignons sur Web ne sont pas tous des modèles en matière de qualité
et d’efficacité. Certains ternissent même davantage l’image de leur société qu’ils ne la
redorent. Qu’est-ce qu’un bon site Web, en 2007 ? Comment en mesure-t-on la valeur et la
pertinence ? Que faut-il y intégrer ? Et surtout, pourquoi les dirigeants devraient-ils y
accorder une attention particulière ?
PA R L I E T T E D ’ A M O U R S parle de sites appartenant à de grandes sociétés
comme Future Shop, La Baie, Air Canada, Air
« Nos recherches démontrent qu’encore beau-
coup d’internautes quittent un site Web sans
France, etc. »
que celui-ci ait répondu à leur besoin. Cela Selon cet expert, bon nombre de sites essaient
constitue, selon nous, le principal critère pour en trop rapidement de mettre de l’avant un produit
mesurer la valeur. Autrement dit, si un visiteur se ou un service. Ils n’ont pas été pensés d’abord
rend sur un site pour consulter un horaire pour répondre à ce que cherchent les gens. « Par
d’autobus ou acheter un livre et qu’il n’y parvient exemple, alors que la majorité des citoyens dési-
pas – et ce, quelle que soit la qualité esthétique rent obtenir l’adresse d’un point de service ou
du site –, à nos yeux, ce dernier est inefficace », télécharger un formulaire sur les sites gouverne-
lance d’entrée de jeu Jacques Nantel, professeur mentaux, ces derniers sont truffés d’informations
chercheur en marketing à HEC Montréal. qui leur sont complètement inutiles, comme un
mot de bienvenue du ministre, les politiques du
Chaque mois, en collaboration avec Léger Marke- ministère ou des communiqués, explique Jacques
ting, la Chaire RBC invite 2 000 consommateurs à Nantel. Le phénomène est le même sur les sites
visiter des sites présélectionnés dans un secteur bancaires, où l’on vise davantage à vous vendre
industriel donné (institutions financières, com- des REER qu’à vous faciliter l’accès à votre
merces de détail, agences de voyages, etc.). Sur compte en ligne. Et pourtant, les recherches mon-
chacun des sites, les internautes doivent effectuer trent que 80 % de l’utilisation d’un site tourne
une tâche précise, toujours la même. Les cher- autour de deux ou trois fonctions. » Alors, pour-
cheurs comparent ensuite les sites entre eux, en quoi ne les retrouve-t-on pas d’entrée de jeu sur la
fonction de différents critères. « Premier résultat : page d’accueil ?
de 30 à 35 % des consommateurs n’arrivent pas à
effectuer une tâche de base sur les sites, déclare le Une stratégie Web
chercheur. Dans certains sites, ce pourcentage « La majorité des dirigeants ne savent pas ce qu’ils
atteint 70 %. Dans le cadre de cette recherche, on veulent faire de leur site. Ils ont un site Internet
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