1. Plusieurs poètes, écrivains, artistes et musiciens se sont inspirés de la Grèce. A
titre indicatif , on cite trois poètes de « la génération des années trente », dont
bien des poèmes ont été mis en musique par le grand compositeur grec
MikisTheodorákis:
Odysséas Elytis
ayant un style personnel et identifiable, ce qu’il
nomme « la métaphysique solaire», mais aussi
influencé par le mouvement du surréalisme, a obtenu
le prix Nobel de littérature. Il dit :
« [..] qu’il me soit permis, je vous en prie, de parler au
nom de la luminosité et de la transparence. Car c’est
ces deux états qui ont défini l’espace où j’ai vécu et où
il m’a été donné de m’accomplir […]
Une image de la mer, telle que nous la trouvons dans Homère, parvient intacte
jusqu'à nous. Rimbaud dira "une mer mêlée au soleil". Sauf que lui ajoutera:
"c'est là l'éternité." Une jeune fille tenant
une branche de myrte chez Archiloque survit
dans un tableau de Matisse. Et l'idée
méditerranéenne de pureté nous est ainsi
rendue plus tangible. D'ailleurs, l'image
d'une vierge de l'iconographie byzantine est-
elle si différente de celle de ses sœurs
profanes?».
C’est le poète que les grecs surnomment « le
poète de la mer Égée », comme happé malgré
lui par la beauté de la Grèce et de ses gens.
Elytis est l'héritier direct de la tradition
antique :
« En tant que poète lyrique, je ne peux
penser sans émotion que l'art que je pratique
est né ici, dans l'espace égéen ; je pourrais
dire aussi sur la terre de ma patrie, si l'on
considère que Sappho à Lesbos aussi bien
qu'Archiloque à Paros sont les premiers de
2. tout le monde occidental à avoir détaché la poésie
du poème épique et du mythe religieux et à avoir
tenté d'exprimer par cette voie leurs sentiments et
leur monde intérieur. Pour un poète, cela a
beaucoup d'importance et j'ai bien peur que les
Européens ne réalisent pas toujours que l’Égée est
bien le berceau de la tradition artistique qui s'est
continuée jusqu'à ce jour.
Et pour nous, Grecs, l'importance est encore plus
grande, car la langue grecque s'est maintenue dans
la même continuité. Ce qui a pris naissance avec
Archiloque et Sappho s'est continué sans
interruption jusqu'à nous, au point qu'il n'y a pas
eu un seul siècle sans création poétique en langue
grecque. »
En exil à Paris, en 1969, pendant la dictature en Grèce, il a écrit son œuvre majeure,
Axion Esti, mis en musique par Mikis Theodorákis, s’agissant du destin de la Grèce.
Elytis a aussi créé des collages, inspirés de son
pays:
« (…) si je n'étais pas devenu poète, j'aurais pu être un bon peintre
(…) Mais je n'ai pu réaliser cette ambition, même en amateur. Tout
simplement parce que je ne possédais pas la technique. C'est
pourquoi, quand je voulus à tout prix aller dans cette voie, je me
tournai vers les procédés du collage.
3. Le collage, c'est Max Ernst qui en avait été l'initiateur, au sein du
mouvement surréaliste, en associant d'anciennes zincographies pour
créer de nouvelles images transcendantales (…) je fis ainsi quelques
compositions que j'appelais collages »
4. Georges Séféris
un poète qui a suivi le mouvement
du symbolisme, a pris le Prix
Nobel en 1963. Il dit :
« J’appartiens à un petit pays. C’est
un promontoire rocheux dans la
Méditerranée, qui n’a pour lui que
l’effort de son peuple, la mer et la
lumière du soleil. C’est un petit pays
mais sa tradition est immense. Ce
qui la caractérise, c’est qu’elle s’est transmise à nous sans interruption. La langue
grecque n’a jamais cessé d’être parlée. Elle a subi les altérations que subit toute
chose vivante. Mais elle n’est marquée d’aucune faille. Ce qui caractérise encore
cette tradition, c’est l’amour de l’humain ; la justice est sa règle. Dans
l’organisation si précise de la tragédie classique, l’homme qui dépasse la mesure
doit être puni par les Erinnyes. Bien plus, la même règle vaut pour les lois
naturelles. “Le soleil ne peut pas dépasser la mesure, dit Héraclite, sinon les
Erinnyes, servantes de la justice, sauront le ramener à l’ordre.” […]
Dans son œuvre, il essaie de combiner ses propres expériences avec l’histoire et la
mythologie. Une de ses principales sources d’inspiration est l’Odyssée d’Homère,
notamment pour montrer comment la personnalité humaine n’a pas changé à
travers les siècles. L’héritage du monde antique ne sert pour lui qu’à humaniser le
monde contemporain :
J'ai fait mes premiers pas sur la poussière millénaire sous l'ombre grandiose des
ruines sacrées.
J'ai joué dans le stade antique, sur la terre foulée par les dieux et les héros.
J'ai entendu les pierres raconter au vent les mythes et les légendes.
Sous la lumière pâle et reposante du soleil couchant ou dans l'éclat du soleil de
l'été,
Mes yeux innocents considéraient comme naturelle la beauté indicible des statues et
des monuments
Naturel comme le mouvement de la mer et l'odeur des pins
…
La flamme sacrée s'est allumée et l'humanité s'est couverte de lumière.
Et la voie qui mène à l'humanisation de l'homme s'est ouverte… (Je suis né à
Olympie)
Le paysage grec l’inspire profondément :
Encore un peu
Et nous verrons les amandiers fleurir
Les marbres briller au soleil
La mer, les vagues qui déferlent.
Encore un peu
Élevons-nous un peu plus haut.
(Traduction Jacques Lacarrière)
5. Yiannis Ritsos
un poète dont l’œuvre,
exprimant son idéologie
communiste, s’est ouverte à
des influences nouvelles, et
s’est rapprochée par certains
aspects du surréalisme. En
Grèce, son œuvre a rencontré
un vaste écho populaire avec plusieurs de ses poèmes mis en musique par
Theodorákis. Sa renommée s'est étendue au-delà de son pays, notamment en
France, sous l’impulsion d’Aragon qui, en 1968, l’a salué comme « le plus grand
poète vivant ». Entre 1945 et 1947, il a écrit « Romiosini» (La Grécité), un terme
qui va au-delà de l'idée de la simple appartenance à la nation hellène∙c’est le
chant de la souffrance des Grecs, celui de leur Résistance pendant la guerre mais
aussi le chant de la lutte du peuple grec au fil de l’histoire (poème mis en
musique par Mikis Theodorákis). Chez Ritsos on reconnaît toujours le paysage
grec:
Ces arbres ne peuvent se rassasier de moins de ciel,
Ces pierres ne peuvent se rassasier sous les pas étrangers,
Et ces hommes ne peuvent se rassasier que de soleil,
Et ces cœurs ne peuvent se rassasier que de justice.
Ce pays est aussi dur que le silence,
Il serre contre son sein ses dalles embrasées,
Il serre dans la lumière ses vignes et ses olives orphelines,
Il serre les dents. Il n’y a pas d’eau. Seulement de la lumière.
Le chemin se perd dans la lumière.
Métal est l’ombre de l’enclos.
Ne pleure pas sur la Grèce,
- quand on croit qu’elle va fléchir,
Le couteau contre l’os
et la corde au cou,
La voici de nouveau qui s’élance,
impétueuse et sauvage,
pour harponner la bête
avec le trident du soleil.
6. Belle mais étrange patrie
Que celle qui m’a été donnée
Elle jette les filets pour prendre des
poissons
Et c’est des oiseaux qu’elle attrape
Elle construit des bateaux sur terre
Et des jardins sur l’eau
Belle mais étrange patrie
Que celle qui m’a été donnée
Elle baise le sol en pleurant
et puis elle s’exile
aux cinq chemins elle s’épuise
puis toute sa vigueur reprend
Elle menace de prendre une pierre
Elle renonce aussitôt
Elle fait mine de la tailler
Et des miracles naissent
Belle mais étrange patrie
Que celle qui m’a été donnée
Avec une petite barque
Elle atteint des océans
Elle cherche la révolte
Et s’offre des tyrans
Elle enfante cinq grands hommes
et puis elle leur brise l’échine
quand ils ne sont plus
elle chante leurs louanges
Belle mais étrange patrie…
Odysséas Elytis, Belle mais étrange patrie
En avant! Aidez-nous à soulever le soleil au-dessus de la
Grèce !
En avant ! Aidez-nous à soulever le soleil au-dessus du
monde !
Car voyez : sa roue s'est embourbée au plus profond,
son axe a sombré au plus profond du sang.
En avant les amis! A lui seul le soleil ne peut se lever.
Donnez de l'épaule et du genou pour le tirer de la boue,
donnez du genou et de l'épaule pour le tirer du sang.
Voyez : nous, ses frères de sang, nous appuyons sur lui.
En avant, frères, voici que son feu nous a cernés,
en avant, en avant, voici que sa flamme nous a enveloppés.
Ángelos Sikelianós, Pneumatiko Emvatirio
7. Nicos Engonopoulos, le retour
d’Ulysse
Théophilos Hadjimichael, rue de
Mytilène
Nikiforos Lytras, barque à voile
Yannis Tsarouxis, maison à Caryatides
8. Grèce: le voyage, la poésie, la musique, la peinture…
L'Odyssée d'Homère, Chant 1.
ἄνδρα μοι ἔ ννεπε, μοῦζα, πολύηροπον, ὃ ς μάλα πολλὰ
πλάγτθη, ἐ πεὶ Τροί ης ἱ ερὸ ν πηολί εθρον ἔ περζεν·
πολλῶν δ᾽ ἀνθρώπφν ἴ δεν ἄζηεα καὶ νό ον ἔ γνφ,
πολλὰ δ᾽ ὅ γ᾽ ἐ ν πό νηῳ πάθεν ἄλγεα ὃ ν καηὰ θσμό ν,
ἀρνύμενος ἥν ηε υστὴν καὶ νό ζηον ἑ ηαί ρφν…
Dis-moi, Muse, cet homme subtil qui erra si longtemps,
après qu'il eut renversé la citadelle sacrée de Troiè.
Et il vit les cités de peuples nombreux, et il connut leur esprit ;
et, dans son coeur, il endura beaucoup de maux, sur la mer,
pour sa propre vie et le retour de ses compagnons…
Y.Gaitis, Ulysse et les Sirènes Ulysse et les sirènes, vase à figures rouges,
Vème siècle AV JC, British Museum,Londres
J.W.Waterhouse,
Ulysse et les
Sirènes