Alors que l’American Way of Life, fondé sur la société de consommation et l’individualisme, fait désormais rêver l’Europe et le monde, l’Amérique passe à de nouveaux imaginaires de vie, et commence à assigner à ses mega-centres commerciaux d’autres missions : devenir d’abord de véritables mini-villes urbaines et écologiques ou le lien et la proximité sociale comptent plus que le bonheur par l’objet...
Distribution américaine, du Big Mall au City-Mall, révolutions en cours
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N° 51 - Janvier / Février 2014
Distribution américaine
Du « Big Mall » au « City-Mall », (R)évolutions en cours
Innovation
Suiteetfindudossier: alorsquel’AmericanWayofLife,fondésurlasociétédeconsommationetl’individualisme,
fait désormais rêver l’Europe et le monde, l’Amérique passe à de nouveaux imaginaires de vie, et commence à
assigner à ses mega-centres commerciaux d’autres missions : devenir d’abord de véritables mini-villes urbaines
et écologiques ou le lien et la proximité sociale comptent plus que le bonheur par l’objet…
Du«bigcar»au«smallisbeautiful»,lasociété
américaine en pleine mutation
Le savez-vous ? Le premier Mall (centre commercial) moderne -
tout sous le même toit, avec un décor climatisé et attrayant pour
une civilisation « accro » à la voiture et avide de consommer - à
été inventé par un immigrant autrichien aux États-Unis en 1956 à
Edina (Minnesota) : son but initial était d’apporter aux immenses
banlieues américaines multi-ethniques des commerces réunis
autour d’une véritable place publique de rencontre, qui manquait
souvent, et calquée sur le modèle des petites villes européennes.
Si la vocation sociale est passée rapidement à la trappe, celle
d’être un véritable temple de la consommation est restée, avec
le succès mondial qu’on lui connaît, en s’appropriant au passage
tous les codes religieux bibliques pour mieux fasciner : utilisation
de fontaines publiques symbolisant la pureté originelle de l’eau,
etc. Après l’Europe, la folie des Mall s’est emparée des pays dits
émergents : le gigantesque Dubaï Mall compte plus d’entrées (65
millions) que la ville de New York. En Chine, le New Century Global
Center de Chengdu, est devenu le plus grand centre commercial au
monde : il comprend un village méditerranéen, une plage de 400
mètres de long… et un soleil artificiel.
Ce modèle de consommation qui semble indétronable (la France
compte à elle 35 % des malls européens et 8 millions de m2
de
nouveaux projets), et dont les magasins bio s’inspirent encore, est
cependant de plus en plus remis en cause dans ses fondations par
la nation même qui l’a créée…
● Les nouveaux imaginaires fondateurs de l’Amérique : en
2014 l’américain dit moyen est en pleine révolution culturelle;
Côté ados, les Mall sont de moins en moins leur lieu de réunion
préféré, remplacés par les réseaux sociaux. Les tablettes tactiles et
les vélos VTT sont privilégiés à l’achat d’une voiture (l’âge moyen
des détenteurs de permis de conduire augmente).
Pour les jeunes couples et célibataires de la génération Y, et
les seniors, la banlieue et l’automobile perdent de leur pouvoir
d’attraction, au profit des centres villes : longtemps laissés aux
pauvres, ils retrouvent un nouveau souffle grâce à leur sociabilité
et à la promesse de se passer de voiture avec le télétravail ou les
nouveaux moyens de transports collectifs (bus d’entreprises, auto-
partage…). Bref, après plus de 50 ans de bons et loyaux services,
le mega-mall de banlieue aux parkings gigantesque n’est plus le
modèle dominant de l’American Dream et doit se diversifier.
Le règne du commerce de précision
À l’instar de la France (cf. Biolinéaires n°45), le temps des ciblages
géographiques et sociaux est venu avec le développement accéléré
d’un commerce chirurgical adapté à ces nouvelles populations. La
proximité géographique et l’adoption de multiples formats devient
la norme. En voici 2 tendances significatives :
● 1 – Le retour du commerce de proximité : Walmart, 1er
groupe
mondial de grande distribution et chantre du Superstore déploie
dans les grandes villes du pays ses petits Wallmart Express d’une
surface moyenne de 1400 m2
, et ses Walmart on Campus dédiés
aux étudiants d’une surface lilliputienne de 232 m2
, rejoignant ainsi
les Target’s City de son rival. Le but est aussi de concurrencer les
convenience store historiques comme 7-Eleven et WaWa.
« Le super-mall de banlieue aux parkings gigantesques
n’est plus le modele dominant de l’American Dream »
● 2 – Du Fun Shopping au Lifestyle Center : né en 1992 avec le
gigantesqueMallofAmericaquiabriteleplusgrandparcd’attraction
indoor américain, le Fun Shopping (ou Shoppertainment) consiste
en une association ludique de commerces, restaurants, parcs de
loisirs et attractions culturelles (cinémas…). L’ambition affichée
est de transformer les achats en moment « d’expériences » de vie
intenses et en lieu de loisirs pour toute la famille. La « tradition »
se poursuit de nos jours avec, par exemple, Le grand Canal Shoppes
centre commercial thématique à LasVegas qui propose le shopping
en gondole dans une Venise reconstituée. Ce mix d’attractions
Avant : le mall Villa Italia Après : le mall-cite écologique où l’on vit et travaille
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N° 51 - Janvier / Février 2014
Innovation
Passionné de bio depuis 27 ans, Sauveur
Fernandez est expert indépendant en mar-
keting durable et éco-innovation. Pionnier
français des principes de la communication
responsable,ildécryptelestendancesàvenir,
et aide les marques et distributeurs à la
création de produits et services éthiques.
Tél. : 06 11 40 19 91 – Mail : fsauveur@econovateur.com
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Adresse : 4 rue de Chaffoy - 30 000 Nîmes
spectaculaires et de commerces touche actuellement l’Europe
(Bluewater à Londres, Odyseum à Montpellier et d’autres projets
plus ambitieux en cours de développement dans notre pays).
Cependant, dès le tournant des années 2000, l’américain se met
à rechercher autre chose que des attractions spectaculaires dans
des big-box : il recherche les Lifestyle Centers, des Malls à ciel ouvert
nouvelle génération offrant des ambiances et une apparence
de centres-ville, à taille humaine et conviviaux, dans lesquels il
est possible de flâner, de disposer d’une restauration de qualité,
et de centres de bien-être (salle de remise en forme…) et, plus
subtilement, de se sentir inséré dans une communauté (pour
exemple, taper sur Google : The Village of Rochester Hill). En Île-de-
France le Bercy Village, ou Val d’Europe s’inspirent de se principe.
Nouvelle ère: du mega-mall à la mini-cité
● Viens chez moi, j’habite dans un centre commercial : les Life
Centers restent cependant des simulacres de centre-ville dans la
mesure ou l’ambiance downtown et les facades d’appartements
restent un décor fermé la nuit. Une nouvelle tendance très
intéressante émerge cependant, qui pousse le besoin de
communauté encore plus loin : voici les centres du XXI° siècle,
conçus non comme des lieux commerciaux de transit mais comme
de véritables petites villes ou l’on vit et habite à demeure ! Parmi les
dizaines d’initiatives déjà réalisées ou en cours,City-Place,en Floride,
est un bon exemple : les jolies maisons à l’italienne, dominées par
un clocher abritent des magasins de marque, mais rien n’indique
un centre commercial. Pour insister sur l’aspect ville de ce centre
(et rentabiliser les étages supérieurs des maisons), les promoteurs
y ont installé des appartements. Il est à noter que Ikea et même
Facebook ont ce type de projets dans leurs cartons ! En France
aucune initiative de ce genre n’existe encore. Si ces métamorphoses
vont dans le bons sens, ce sont cependant des villes sous contrôle
privé qui naissent, sans véritable contrôle publique et souvent
réservées à des américains aisés. Mais un événement inédit lourd
de conséquences montre que des voies encore plus novatrices sont
déjà tracées…
● Les cadavres en série des grandes surfaces, le phénomène
Dead Mall : une conjoncture complexe de récession économique,
saturationdel’offrecommerciale,détournementdesconsommateurs
vers le Web shopping, prix de l’essence et nouvelles habitudes de
consommation amène une situation unique au monde de par son
ampleur : les Dead Malls. Ce sont plus de 4OO grandes surfaces en
faillite, laissées à l’abandon ou moribondes, qui sont répertoriés
sur le site www.deadmalls.com, et qui occupent souvent plus
de 50 000 m2
chacune. Selon Green Street Advisor au moins 100
de plus sont attendues dans les prochaines années. Certaines
municipalités n’ont pas tardé à réagir en dotant ces symboles déchus
du capitalisme d’une nouvelle vie publique : les voici accueillant des
écoles, des services municipaux, des parcs, des bibliothèques, des
cabinets médicaux, et même des églises. Certains pensent convertir
certains parkings abandonnés en champs d’agriculture biologiques.
D’autres initiatives remarquables, fruits d’une coopération publique-
privée démontrent aussi qu’il est possible de redonner une fonction
commerciale à ces centres, en les transformant en mini centre-villes à
l’Européenne. En voici un exemple :
● Lakewood’s Belmar shopping center (Colorado) : ce qui était
autrefois un centre commercial en berne de 40 hectares - Le Villa
Italia Mall - à été transformé en un véritable centre urbain de 22
blocs ou l’on vit et travaille, avec des rues publiques piétonnes, des
lignes de bus, des immeubles écologiques, des bureaux, 2 écoles
et 1300 logements. Les bâtiments sont écologiques (certification
LEED). 17650 m2
de panneaux solaires et un parc éolien alimentent
le Mall-Cité. Parmi les 80 magasins, des marques dites vertes sont
privilégiées (Whole Food Markets… et l’Occitane). Les responsables
précisent que ce centre commercial du troisième type réalise 14 %
de CA supplémentaire que durant les temps d’apogée de l’ancien
Mall. Soulignons que ces (R)évolutions du meilleur du commerce
américain peuvent inspirer la distribution spécialisée bio, pour que,
au delà de la seule vente de produits bio, celle-ci cherche aussi à
créer du lien social de proximité, à s’insérer dans des éco-quartiers,
en améliorant la qualité environnementale de ses bâtiments, la
seule initiative allant dans ce sens étant pour l’instant celle de l’éco-
centre de Crolles (cf. Biolinéaires n°38).
Distribution américaine : du « Big Mall »
au « City-Mall », (R)évolutions en cours (suite)
Les potagers couverts du Galleria Ereview
Au bord de la fermeture, ce Mall de Cleveland mise sur un
positionnement de proximité durable pour rebondir, en produisant
sous son toit de verre des fruits et légumes en culture hors-sol
vendus aux restaurants. Il intègre un marché de fruits et légumes
locaux,etuncentred’éducationaujardinageurbainavecdescours
sur le compostage, la récupération d’eau de pluie, etc.