2. Molier, Ernest (18..-1933). L'équitation et le cheval. 1911.
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10. SPORTS-BIBLIOTHÈQUE
OUVRAGES DÉJÀ PARUS
LE FOOTBALL, par CH. GONDOUIN et JORDAN.
LA BOXE, par WILLIE LEWIS, JOE JEANNETTE, CHARLEMONT, etc.
LE GOLF, par ARNADD MASSY.
LES SPORTS D'HIVER, par L. MAGNUS et R. DE LA FREGEO-
LIÈRE.
LES COURSES A PIED ET LES CONCOURS ATHLÉ-
TIQUES, par DE FLEURAC, FAILLIOT, SPITZER, ANDRÉ.
L'ESCRIME, par JEAN JOSEPH-RENAUD.
L'AUTOMOBILE, par H. PETIT et MEYAN.
LA CHASSE A TIR, par CUNISSET-CARNOT
PROCHAINEMENT
LES SPORTS DE DÉFENSE,
appliqués aux combats sérieux,
par JEAN JOSEPH-RENAUD.
LES COURSESDE CHEVAUX,
par SAINT-GEORGES.
LE YACHTING, par CLERC
RAMPAL, FOREST, etc.
LE CYCLISME, par MARCEL VIOL-
LETTE, PETIT-BRETON,
ELLEGAARD.
LA NATATION ET LE RO-
WING, par JARVIS, LEIN
et G. LE ROY.
LA CHASSE A COURRE, par le
CAPITAINE DE MAROLLES.
LE TIR,parle ComteD'ALINCOURT,
COMMANDANT FERRUS, COM-
MANDANT CHAUCHAT, CRE-
QUI DE MONTFORT, etc.
LES EXERCICES PHYSI-
QUES, par BONNES, MAS-
POLI, PIERRE PAYSSE.
LA LUTTE, par PAUL PONS, AKI-
TARO-ONO, BLAZE.
LA CONDUITE EN GUIDES,
par le Comte POTOCKI.
HOCKEY, TENNIS, BOW-
LING, BALLES ET
BOULES, par CRIVELLI.
GERMONT, DE FLEURAC.
LA PÊCHE, par CUNISSET-
CARNOT.
L'AÉRONAUTIQUE,par le COM-
MANDANT VOYER, le CAPITAINE
DO, etc.
L'ALPINISME, par GEORGES CA-
SELLA.
ANIMAUX DE SPORTS ET
DE COMBAT, par JACQUES
BOULENGER.
Il paraît un volume par mois.
11.
12.
13. SPORTS-BIBLIOTHÈQUE
L'ÉQUITATION
ET LE CHEVAL
PAR
E. MOLIER
PRÉFACE DE PAUL BOURGET
DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE
OUVRAGE ORNÉ DE 43 PAGES D'ILLUS-
TRATIONS PHOTOGRAPHIQUES
HORS TEXTE
PIERRE LAFITTE & Cie
90, AVENUE DES CHAMPS-ÉLYSÉES
PARIS
14. Tous droits de traduction et de repro-
duction réservés pour tous pays.
Copyright, by PIERRELAFITTE et Cie, 1911.
15. L'ÉQUITATION ET LE CHEVAL
TABLE DES MATIÈRES
Préface de Paul Bourget, de l'Académie française XIII
AVANT-PROPOS XVII
L'ÉQUITATION ET LE CHEVAL DE SELLE 1
Historique 1
Xénophon 2
Les Romains 3
Cavaliers barbares 4
La chevalerie 4
Les tournois 5
Les écrivains Fiaschi, Grison, etc., etc 6
L'école française Pluvinel 8
Le grand siècle 9
Le XVIIIe siècle. Robichon de la Guérinière 9
L'école de Versailles 11
L'Empire 12
Restauration 12
Second Empire. Baucher 13
LE CHEVAL 17
Son origine. Son caractère. Ses qualités. Ses défauts
...... 17
Intelligence et mémoire 23
L'atavisme 27
Description détaillée du cheval 29
La tête 31
L'oreille 31
Le toupet 32
Les yeux 32
Le chanfrein
........................ 32
16. Les naseaux 32
La bouche 33
Les dents :
.. 34
La ganache 37
La langue 37
L'encolure 38
Le garrot 39
Le rein 40
La croupe 41
La queue 42
Le poitrail 43
Le passage des sangles 43
Le ventre 44
Les côtes 44
Le flanc 45
Membres antérieurs 45
Bras et avant-bras 46
Le genou 46
Le canon 48
Le boulet 48
Le paturon 48
La couronne 49
Le pied 49
L'arrière-main 51
Le jarret SI
Le beau cheval de selle 53
Les robes 60
Vices, tics et mauvaises habitudes 63
Le tic à la mangeoire 63
Tic de l'ours 64
Le piaffeur dans la stalle 64
Chevaux qui grattent et tapent 65
Chevaux qui se grattent la queue 65
Chevaux qui se couchent en vache 65
Chevaux laissant pendre la langue 66
Chevaux qui se mettent les pieds de derrière l'un sur l'autre
.
66
Tirer au renard 66
Tares physiques 67
Morve ou farcin 67
De la boiterie 68
Cécité et cheval borgne .................. 69
17. Engorgement des jambes 70
Chevaux qui se touchent les boulets en marchant 70
Effort de boulet 70
Cheval couronné 71
Crevasses et prises de longe 71
La fourbure 72
Le cornage 73
La fluxion périodique 73
Le vertigo 75
L'immobilité 75
Les tares du pied 76
Les tares des jambes 78
Supercheries employées par les maquignons pour vendre des che-
vaux tarés ou vicieux 83
L'âge 83
Eparvin sec 85
Les pieds 85
Les yeux 85
Chevaux peureux 85
Cheval rueur 86
Bouche malade 86
LE DRESSAGE 87
Dressage. Allures. Défense 87
Des défenses 92
La pointe 95
La ruade 98
Le reculer 101
Le coup de pied en vache 101
Le cheval qui s'emporte
.. 102
Le mors aux dents 102
L'« immobilité » 103
L'encensement 104
Châtiments et récompenses..- ........ 105
Le saut 108
EQUITATION 113
Considérations générales 113
Equitation élémentaire 123
Le montoir 123
La position du cavalier.................. 124
La selle ......................... 127
18. Le bridon 130
La bride 131
Le filet 132
Le mors 133
La gourmette 134
Fausse gourmette 135
Tenue des rênes des deux mains 135
Tenue des rênes d'une main 136
Leçon à la longe 137
Emploi de la force 141
La volte 144
Le changement de mains 144
Travail des hanches 147
Pivots sur l'avant et l'arrière-main 148
Pas de côté ou marche sur deux pistes, tête et croupe au mur. 148
Le galop 152
Le rôle de l'éperon 153
Maniement de la cravache 156
Usage de la martingale 157
Le filet releveur 157
Le caveçon 158
Généralités sur les allures 159
Le pas 159
Le trot 160
L'amble 160
L'aubin 161
Le trot à l'anglaise
.. 161
Le galop 161
La tenue du cavalier 164
Le saut 164
L'apprentissage du saut 169
Origine des grands sauts 173
Sauts dangereux 174
Equitation supérieure dile haute école 178
Le rassembler 181
Travail de décontraction 182
Pirouette au galop 186
Serpentine au trot 190
Changement de pied au galop, au temps 193
Galop sur place 199
Galop en arrière 200
Le piaffer ......................... 203
19. Le passage 207
Le passage sur deux pistes 212
Passage en arrière 212
La pesade 215
Le mésair 216
La courbette 216
La capriole 219
La cabrade 219
La cabrade en marchant au temps 223
La lançade 223
Lançade et capriole combinées 223
La ruade 224
Coordination des aides 227
Haute école de cirque 229
Tensions de jambes. Pas et trot espagnol 234
Tensions de jambes 245
Pivot sur tension de jambe 249
Pirouette avec tension de jambe 249
Galop sur trois jambes 250
Balancé de l'avant-main et de l'arrière-main 253
Reculer sur l'éperon 257
Reculer sur l'éperon avec contraction de la mâchoire 258
Difficulté de la haute école 258
LA VOLTIGE
«
259
Histoire de la voltige 261
Le cheval de voltige 262
Harnachement du cheval de voltige 262
Dressage du cheval de voltige 263
Pour dresser le cheval de voltige à sauter 265
Comment on prépare un voltigeur 266
La position du voltigeur .. 267
Passement de jambes 267
Passement des jambes assis en dedans et en dehors 268
Les ciseaux 268
Remonter de terre sur le cheval arrêté 268
Précautions à prendre pour éviter les chutes 271
Voltige au galop 271
Prendre une foulée 272
Saut remonté assis 275
Saut remonté à califourchon ................ 275
Saut remonté à genoux ................... 276
20. Le saut des barrières 277
Voltiger sur le dos du cheval 277
Le remplacement à cheval 277
L'ÉQUITATION FÉMININE 279
Lafemme à cheval. Son costume 279
La femme à califourchon 280
Equitationféminine 287
La selle 288
L'étrier 291
Tapis de selle 291
La bride 292
La leçon 295
Le montoir 295
La position 296
Maniement de la bride 297
Maniement de la cravache 298
Le pas 299
Les aides 301
Le reculer 302
Le galop 303
Le saut 304
Le trot à l'anglaise 308
Les appuyés, 312
Recommandations 316
L'éperon 319
La descente 319
Haute école de l'amazone 320
Des chutes 323
Avantage de la voltige pour les jeunes filles 327
LES SOINS DU CHEVAL 329
Les soins à l'écurie. Alimentation. Hygiène
........... 329
LE CHEVAL D'ARMES 335
Le cheval de guerre à travers les âges 335
Historique 335
Ce qu'il est. Ce qu'il devrait être
..............
341
Cavalerie de réserve 345
Chevaux de dragons 347
Chevaux de légère 348
Cavalerie d'Algérie .................... 349
21. Le cheval d'artillerie 350
Cheval d'infanterie 351
Rations 351
Ferrure 35'2
Harnachement 353
Nombre de chevaux des officiers en temps de paix 353
Achat du cheval d'armes 354
Réforme 357
Recensement et réquisition 358
Réquisition 360
Que pourront donner les chevaux de réquisition ?
...... 362
Dressage des chevaux d'armes 364
Généralités sur le cheval d'officier. 368
L'école de Saumur 371
Organisation des cours 372
Personnel enseignant 373
Remonte 373
Instruction équestre 374
Examen de fin de cours 375
Travail des sous-maîtres 376
L'école de guerre 376
Ecole de Fontainebleau 376
Sociétés équestres 378
La réunion hippique militaire 378
L'escadron de Saint-Georges 381
Autres sociétés équestres 381
Le rassembler 382
Quelques personnalités équestres 383
S. A. R. la duchesse de Chartres 383
Mm0 la duchesse d'Uzès 383
Milo Kousnetzoff. 386
M. le baron de Vaux 386
M. Desurmont 389
M. Crousse, capitaine d'artillerie 389
M. Henri Leclerc 390
Ecuyersprofessionnels et écuyers de cirque
......
391
Coates et Georges Parr
,............ 391
Corradini 393
Emile Gautier
....................... 394
James Fillis
,.............. 394
22. Franconi 394
Pellier 395
Lalanne 395
Albert Schumann 395
Ecuyèresprofessionnelles et ècuyères de cirque 396
Emilie Loisset 396
Elisa Petzold 396
Thérèse Renz 396
Camille Van Walberg
-
397
Marguerite Dudley 397
Blanche Allarty 397
YoladeNyss 398
Mme Heusmann 399
Anna judic 399
Alice Lavigne 399
CONCLUSION
- - ......... 401
CARNET DU DOCTEUR 403
CARNET DU VÉTÉRINAIRE
................. 417
23. PRÉFACE
A M. ERNEST MOLIER
Cher Monsieur,
vous voulez donc que j'ajoute une page justificatrice
au spirituel volume de mon confrère et ami,
M. Emile Faguet : Le Culte de l'Incompétence? Quel
est mon titre pour présenter au public un traité d'équi-
tation? Aucun, sinon d'avoir aimé le cheval passionné-
ment, et malheureusement, riayant jamais eu le loisir de
faire de véritables progrès dans cet art. C'en est un et si
délicat, si réfléchi! Ceux qui liront vos deux chapitres
sur le Caractère du cheval d'abord, puis sur le Dressage, s'en
rendront compte : tout est nuance dans l'équitation et
j'oserais dire — au risque de paraître un peu paradoxal,
mais ce sera peut-être la justification de cette lettre-pré-
face, — nuance psychologique.
Vous Vave% montré, avec cette netteté singulière que
donne la parfaite compétence, le domptage du cheval, de cet
animal si vigoureux, médiocrement intelligent, mais doué
d'une telle mémoire, n'est pas un problème de force. C'est
un problème d'observation, de réflexion et de patience. A
cause de cela, il est à désirer que ce sport, intellectuel s'il
24. en fût, ne disparaisse pas de l'éducation des jeunesgens,
et surtout qu'il ne soit pas remplacé par ces pratiques de
mécanicien,propres à brutifier l'homme autant que le che-
val est propre à l'affiner. Etre à cheval, c'est prendre con-
tact avec la vie, avec une énergie sensible et délicate qui
répond à nos moindres mouvements, que nous dirigeons,
à condition de la comprendre. Nous nous rendons compte
que nos moindres mouvements doivent être subordonnés
pour être efficaces. N'est-ce pas le principe même de la
grande éducation? Et puis quel moyen de communication
avec la nature !
Voici qu'en vous écrivant, d'innombrables souvenirs se
lèvent dansmapensée. Les images d"anciennespromenadesà
cheval me reviennentparcentaines: en Orient, surles vastes
plages de sable fauve, près de la mer couleur de saphir et
parmi les chemins creux bordés de cactus qui environnent
Beyrouth, — en Amérique et dans les forêts de magnolias
et de térébinthesde la Géorgie, traverséesde larges rivières
rouges, — à Tanger, et sur cette route sauvage qui, de pro-
montoire en promontoire, gagne le.cap Spartel et son phare
dressé sur les gouffres mouvants de l'Atlantique, -plus
près de nous, en Provence et sous les pins maritimes qui
font ressembler les bords de la rade d'Hyères à la Pineta
de Ravenne. D'avoir parcouru ainsi ces coins bénis du
monde me les a rendus si présents, si familiers. Cela seul
fait du cheval un instrument de locomotion bien supé-
rieur à l'automobile. Traverser une contrée à cheval, c'est
entrer dans son intimité, c'est en connaître, en étudier tout
le détail, tout le relief, les montées et les descentes de ses
chemins, les qualités de son sol, celles de son atmosphère.
C'est prendre garde aux formes des arbres, à celles des
rochers. Aller en automobile, c'estpasser, c'est courird'une
25. course éperdue au milieu de visions cinématographiques
aussitôt effacées qu'apparues. Qu'en reste-t-il? Une impres-
sion de vitesse qui a sa griserie et surtout sa commodité,
mais pas un tableau fixé, pas une vision précise et minu-
tieuse autour de laquelle nous puissions revenir et nous
attarder longtemps pour en nourrir notre rêve.
Des livres comme le vôtre, cher Monsieur, prouvent que
nous ne sommes pas encore devenus un peuple de chauf-
feurs et que la tradition, du noble art équestre n'est pas
près de s'éteindre cheï nous. Il faut s'en réjouir pour nos
arrière-neveux, et souhaiter que l'envahissement de la
mécanique ne les amène pas à préférer les randonnées ver-
tigineuses et leurs secousses névropathiques à la sensation
saine, heureuse, humaine d'une bête de race allante et
dressée qui vous emporte sous bois, à un joli galop de
chasse rapide, mais réglé, mais mesuré, par une belle
matinée fraîche deprintemps ou d'automne. Comme votre
livre m'en a donné la nostalgie!
J'ai une autre raison plus personnelle pour m'y être
complu. Vous y n:.entt'onnei des noms qui s'associent, pour
moi, à celui d'un homme dont j'ai tant admiré le talent
d'écrire, et goûté l'étonnant esprit de conversation : mon
vieil ami Barbey d'Aurevilly. Barbey — voilà qui va vous
ravir — raffolait du cirque. Dans les années qui sui-
virent la guerre, quand il était encore, malgré la soixan-
taine passée et très passée, d'une prodigieuse vitalité
physique et morale, que de soirées nous passâmes en-
semble, au Cirque d'Été, à regarder les écuyers et les
écuyères dont vous rappeler la vogue aujourd hui oubliée !
Barbey me disait : « Ce que ces gens-là font avec leur
corps, nous devons le faire avec notre esprit ». Cette char-
mante Emilie Loisset dont vous raconte la mort tragique,
26. de quel accent illa regrettait ! Il voulait composer des vers
sur elle et saluer cette jeune ombre. S'il vivait encore,
c'est à lui que vous aurie1: dû demander de présenter votre
essai. Il l'aurait fait magnifiquement. Je n'ai pu que le
faire simplement. Mais c'est de tout cœur que je vous
souhaite d'avoir avec ce volume autant de succès qu'avec
vos représentations de la rue Benouville, et que je vous
envoie mes compliments.
PAUL BOURGET,
de l'Académie française.
Paris, 13 novembre 1911.
27. AVANT-PROPOS
Il faut être ignorant comme un maître d'école
Pour se flatter de dire une seule parole
Que personne ici-bas n'ait pu dire avant vous
C'est imiter quelqu'unque de planter des choux.
ALFRED DE MUSSET.
LA collection sportive de Sports-Bibliothèque ayant bien
voulu me demander un travail sur l'équitation et le
cheval, je n'ai pu résister au plaisir de traiter un sujet
qui m'a toujours passionné. M'autorisant, pour accepter
cette tâche, de ma longue expérience, je prie toutefois le
lecteur de considérer cette œuvre comme celle d'un pra-
ticien bien plus que comme celle d'un écrivain.
Voué pour ainsi dire à l'équitation depuis mon enfance,
j'ai monté mon premier cheval à l'âge de sept ans. Ce fut
un poney qui fit mon apprentissage, puis une jument dont
l'excellent caractère me permit de courir à travers bois
et champs. Enfin, quand sonna ma vingtième année, mon
père me donna 2.000 francs pour m'acheter un cheval.
Naïvement j'estimai que je quadruplerais mon plaisir en
en achetant quatre pour le même prix. Et j'acquis ainsi à
28. une vente aux enchères quatre chevaux de belle apparence,
mais qui se montrèrent rétifs à plaisir. Une bataille achar-
née s'engagea entre moi et ma nouvelle cavalerie. Je con-
nus les fâcheux déplacements d'assiette, et l'art de tomber
n'eut plus de secret pour moi. Mais je finis par avoir rai-
son de mes quatre élèves et je leur suis reconnaissant
aujourd'hui des leçons qu'ils m'ont données. Sans eux,
peut-être, aurais-je commencé par m'enfermer au manège
qui, si nécessaire pour l'instruction, devient nuisible lors-
qu'on s'y adonne exclusivement, l'équitation du dehors
donnant seule l'énergie et l'aplomb.
Je ne me suis spécialisé dans l'équitation de cirque,
qu'après avoir été, toute ma jeunesse, un cavalierdu dehors,
suivi des chasses et même gagné à dix-huit ans une course
à Deauville (le Prix du Bassin). J'insiste sur ce point, car
ceux qui me liront ne doivent pas perdre de vue que cette
équitation toute particulière constitue un art dont on a le
droit d'être épris comme je le suis moi-même, mais qui
ne peut convenir que dans le manège ou dans le cirque.
C'est alors qu'en dépit de ma situation indépendante,
je rêvai de devenir un dresseur. Il m'a fallu beaucoup tra-
vailler pour y arriver, car, je puis le dire sans forfanterie,
je n'ai point eu de maître. Les professionnels à qui je
m'adressai à cette époque me refusèrent toujours leurs
conseils. En revanche, ils ne me ménageaient pas leurs
critiques souvent assez peu bienveillantes. Avais-je obtenu
un résultat comme dressage, ils me disaient : « Ce n'est
29. pas mal pour un amateur. » Leur présentais-je un cheval
complètement fini, laconiquement ils proféraient : « Il y a
de quoi faire. »
Les critiques de quelques maîtres, cependant, furent,
par leur justesse, de précieux enseignements pour moi :
Victor Franconi, à qui je présentais des changements de
pied au temps en me servant, paraît-il, du filet en même
temps que du mors pour relever la tête de mon cheval qui
avait tendance à s'enterrer, me dit : « Votre cheval n'est
pas fini, les changements de pied doivent s'obtenir avec les
effets de mors seuls. » C'était un peu sévère, mais c'était
juste.
Faute de leçons, voulant avoir l'avis d'un grand écuyer,
à l'époque de mes débuts dans le dressage, je présentai à
l'un d'eux un cheval d'École. Après avoir exécuté devant
lui appuyers, passage, changements de pied, pas espagnol,
courbettes, mon cheval m'opposa quelque résistance pour
passer au trot espagnol. Je le touchai de l'éperon naturel-
lement, et le voilà qui détacha une ruade formidable sur
mon attaque avant de s'embarquer au trot espagnol.
Aussitôt mon spectateur tournant les talons : « Votre cheval
n'est pas dompté, mon bon ami, me lança-t-il, je reviendrai
quand il le sera. » Il avait raison, car un cheval qui rue
sur l'éperon n'est pas complètement dans l'obéissance.
Le seul encouragement que j'aie jamais reçu m'a été
donné par une célébrité équestre de premier ordre : M. le
comte de Montigny. Me voyant débourrer une jument, et
30. chercher à la mettre dans la main, il me dit après m'avoir
longtemps observé : « Vous avez vraiment une patte de
vieille chatte. » Pourquoi vieille chatte et non pas jeune
chat ? probablement trouvait-il la patte de la vieille chatte
plus souple et plus habile que celle du jeune chat, en tout
cas je fus très flatté et fis depuis tous mes efforts pour per-
fectionner cette patte de vieille chatte.
Le cheval fut d'ailleurs mon seul et véritable éducateur.
Et c'est ainsi qu'il y a une trentaine d'années, pour avoir
mes aises et travailler tranquillement, je fis construire
un manège dans ma propriété de la rue Benouville. J'ai
passé là, je puis le dire, le meilleur temps de ma vie.
Encouragé par le succès de mes représentations, j'y ai
dressé un nombre considérable de chevaux. De plus, j'y
ai formé des élèves, des jeunes gens, des jeunes filles, des
femmes dont les succès, depuis, m'ont fait honneur, et
m'ont valu, dans cette spécialité, une notoriété dont je
leur suis reconnaissant.
Maintenant que je me suis présenté, conformément à
l'usage, je désirerais avant d'aborder l'objet de ce livre,
définir le sport équestre tel que je l'entends, c'est-à-dire
indiquer quelle est, à mon avis, la place qu'il doit occuper
dans les sports en général.
Et d'abord où commence, où s'arrète le sportproprement
dit? Si nous consultons les dictionnaires encyclopédiques,
le mot « sport » — d'origine française, prétendent les uns,
anglaise, affirment les autres — ne se serait appliqué pri-
31. mitivement qu'à un certain nombre de jeux et de divertis-
sements. Depuis, la chasse, la pêche, les courses, les amu-
sements en plein air ont été englobés dans cette définition.
Aujourd'hui elle s'étend à tout ce qui exerce par passe-
temps les facultés physiques ou intellectuelles, du bridge
à la photographie, en passant par la boxe et les haltères.
Larousse lui-même se range à cette façon de voir.
En ce qui me concerne, j'estime que plus l'homme aura
déployé de vigueur, d'adresse et d'énergie par lui-même,
sans le secours d'aucun appareil (ni l'intervention d'aucun
animal, serais-je tenté d'ajouter) plus le sport qu'il prati-
quera aura de valeur. L'équitation n'aurait ainsi, logi-
quement, qu'une place secondaire dans les sports, et c'est
au coureur à pied qu'il faudrait adjuger la première place.
Mais ceci posé, j'estime que l'élégance prime bien
d'autres qualités, et de là peut-être le caractère de no-
blesse qui depuis des siècles s'attache à la pratique du
cheval. On ne saurait mieux le prouver qu'en rappelant
le titre de chevalier donné à ceux qui s'adonnaient à l'équi-
tation. C'est ainsi que l'Histoire mélange dans une com-
mune estime grands seigneurs et écuyers de cirque, asso-
ciant sans distinction d'origine les noms de Pluvinel, La
Guérinière, Baucher, comte d'Aure, Franconi, pour la
plus grande gloire de l'équitation française. C'est un sport
noble entre tous, comme il le demeurera toujours, un sport
qui fut, surtout chez les Romains, le privilège dela société
aristocratique et de la haute bourgeoisie. De ces deux
32. classes, du reste, sortirent les premiers chevaliers et c'est
dans leur sein que se recruta finalement l'ordre équestre,
corps d'élite distinct de la cavalerie attachée à chaque
légion romainequi comprenait des recrues étrangères assez
nombreuses. Autrefois, à l'époque où le mot gentilhomme
avait sa plus haute signification et n'avait pas été rem-
placé par celui de gentleman, un vrai gentilhomme n'était
désigné de ce nom que s'il était cavalier et escrimeur.
Ecoutez ce que dit le baron d'Estreillis de l'équitation :
«
Elle procure une des suprêmes jouissances données par
Dieu à l'homme ; bien peu d'autres laissent moins de
regrets après elles et se renouvellent aussi facilement ».
Et ajouterai-je :
durent aussi longtemps. Un marquis de la
Bigne monte à cheval jusqu'à quatre-vingt-dix ans. En
1834, un M. Vevers, âgé de soixante-douze ans, gagne un
steeple-chase hérissé d'obstacles et qui avait 6.000 mètres
de parcours.
Je demande donc une place d'honneur pour l'équitation
qui nous a valu la noble conquête célébrée par Buffon.
Si je me suis permis d'écrire un livre et d'émettre des
principes d'équitation, c'est que j'ai été toute ma vie un
fervent praticien de celle-ci. J'ajouterai que j'ai tenu à
n'avancer aucune théorie qui ne fût justifiée pratiquement
par le résultat de mes travaux. Pour le prouver du reste,
je ne donne pas dans cet ouvrage de dessins plus ou moins
fantaisistes à l'appui de mes théories. Ce sont des photogra-
phies de mes meilleurs élèves et de chevaux dressés et
33. montés par moi dans leurs allures et attitudes démonstra-
tives qui viennentsouligner mon texte. Ces chevaux d'Ecole
travaillent à mes soirées où tout le monde peut les voir.
Ces excellentes photographies constituent une documenta-
tion indispensable pour le lecteur, chacune ayant sa valeur
schématique propre, susceptible au besoin de suppléer aux
lacunes de la plume d'un homme de cheval *.
Pour conclure, j'exprimerai l'espoir que le lecteur me
saura gré de ne m'être jamais laissé entraîner dans cet
ouvrage à une technique aussi fantaisiste que prétentieuse,
et de n'avoir pas cherché à lui en imposer en m'élevant
dans les sphères nébuleuses des théories transcendantes.
Je m'en suis bien gardé, estimant les formules de ce
genre, souvent si creuses et si obscures, qu'il faut chercher
entre les lignes ce que l'auteur à voulu dire. J'ai, au con-
traire fait tous mes efforts pour demeurer aussi clair et
aussi conçis que possible, et être intelligible à tous, m'abs-
tenant au surplus de toute critique à l'égard des principes
de ceux qui, avant moi et d'une manière souvent si remar-
quable, ont traité de l'équitation.
i. Ces photographies ont été exécutées par M. Delton.
34.
35. L'ÉQUITATION ET LE
CHEVAL DE SELLE
HISTORIQUE
c'EST en fouillant les vieux textes grecs que l'on retrouve
l'origine — sinon exacte, du moins légendaire — de
l'équitation.
Ces textes nous disent que epunetut le créateur du premier
cheval. Nous nous en rapportons à la tradition. Il est toutefois
permis de se demander comment il s'y prit. C'est bien simple.
Le dieu estima un beau jour, — on ne dit pas exactement
pourquoi, — qu'il seyait de faire un cadeau utile aux Athé-
niens. Très embarrassé d'abord, ne sachant quoi leur donner, il
eut un trait de génie : il frappa tout simplement de son tri-
dent la terre qui s'ouvrit immédiatement; il en jaillit un
admirable cheval, frémissant et bondissant. Qu'advint-il de
cette noble bête ? L'histoire est muette sur ce point.
Nous savons seulement que ce fut Bellérophonqui, le premier,
songea à utiliser le cheval comme monture. Ce qui demeure
plus certain, c'est que ce furent les Thessaliens, peuple exces-
sivement belliqueux, qui débutèrent dans l'art de dompter et
dresser des chevaux pour la guerre, et que c'est probablement
à eux qu'il faut faire remonter la première apparition du che-
val d'armes. Cette apparition, naturellement, jeta un certain
trouble dans l'esprit des peuples, et ce n'est pas pour rien
36. que la légende des Centaures et le récit de leurs exploits
homériques sont parvenus jusqu'à nous. C'est vers la même
époque que l'on trouve la trace des Amazones, guerrières
intrépides, demeurées célèbres pour leur habileté à maîtriser et
à conduire les chevaux.
Penthésilée, leur reine, était, assure-t-on, une nature éner-
gique et fière, mais nous ignorons tout de ses talents équestres.
La seule chose dont l'Histoire fasse mention, c'est la défaite
des Amazones et leur anéantissement par Hercule.
XÉNOPHON Abandonnons le domaine fabuleux dela légende
pour entrer dans celui beaucoup plus précis de
l'histoiregrecque et romaine. Un point obscur serait à élucider
pour commencer : le fameux cheval de Troie était-il l'image
d'un cheval de selle ou d'un cheval d'attelage? Nous penchons
pour la seconde hypothèse, car les Grecs de cette époque-là
ne montaient point encore les chevaux, ne s'en servant que
comme animaux de trait, c'est-à-dire attelés et harnachés. Ce
qui ne les empêcha point de devenir plus tard de fameux cava-
liers. C'est à un Grec d'ailleurs que nous devons le premier
ouvrage sur l'équitationqui soit parvenujusqu'à nous. Les can-
didats au baccalauréat ès lettres d'autrefois ont tous traduit
quelques passages du Traité de l'Equitation, et quiconque
a fait ses humanités connaît le nom du fameux homme de
guerre qui l'a signé :
Xénophon. Un contemporain débutant
dans la carrière équestre pourrait encore aujourd'hui tirer
quelque fruit de la lecture de ce livre, car il fourmille de con-
seils pratiques et d'axiomes de dressage qui n'ont rien perdu
de leur valeur. Elle est de Xénophon, cette phrase qui a une
saveur toute d'actualité : « L'équitation est presque un plaisir ;
on souhaiteparfois d'avoir des ailes ; il n'est rien qui s'en rap-
proche davantage ».
37. « Presque un plaisir » nous force néanmoins à songer que
c'est un soldat qui parle, et la conclusion est devenue caduque,
aujourd'hui que l'homme semble avoir conquis définitivement le
domaine de l'air.
Après Xénophon, c'est Alexandre, dont les exploits valurent
l'immortalité à son cheval de guerre Bucéphale.
LES ROMAINS Sans plus nous attarder, passons des Grecs
aux Romains chez qui 1 équitation, tout en
restant une branche de l'art militaire, tend déjà à devenir ce
que nous appelons aujourd'hui un sport.
La question de savoir comment on montait à cheval dans ce
temps-là n'est pas moins intéressante que l'histoire, d'ailleurs
controversée, des faits d'armes des légions romaines. Et d'abord
les Romains ne connurent qu'assez tard la selle et l'étrier. Les
premiers chevaliers se contentaient, en guise de selle, d'une
double couverture de drap, de laine, parfois de cuir ; le harnais
assez primitif était niellé d'or ou de métal précieux, le harna-
chement se composait d'un mors brisé, d'une bride et d'une
sangle. Les cavaliers n'avaient d'éperon qu'à un seul pied, et
leurs chevauxn'étaientpas ferrés. D'aprèsles documents archéo-
logiques, il paraît certain en effet que les premiers Latins se
contentaient de garnir la sole de leurs chevaux de paille ou de
cuir, à l'instardes Barbares, et que la ferrure, d'origine celtique,
ne leur fut connue qu'après la conquête des Gaules.
En revanche, les Romains, ces polythéistes par excellence,
furent les premiers à déifier le cheval. César, on le sait,
éleva une statue au sien sur le parvis du temple de Vénus.
Verus portait en guise d'amulette une effigie en or de Voluaris,
son coursier favori, auquel, d'ailleurs, il fut plus tard élevé un
tombeau sur le mont Vatican. Caligula, ce fou sadique, avait
fait édifier pour le sien un véritable palais, et projetait de lui
38. faire décerner les honneurs divins quand il périt assassiné.
L'Histoire, si fertile en anecdotes sur les chevaux d'empe-
reurs, l'est un peu moins en ce qui concerne le vulgum pecus,
mais nous savons néanmoins quel rôle important jouait le
cheval ordinaire bien dressé et entraîné dans les courses de
chars et dans les jeux équestres qui étaient déjà comme
le premier balbutiement des exercices de nos hippodromes
actuels.
CAVALIERS
BARBARES
De l'avis des Romains eux-mêmes, les Bar-
bares d'Orient étaient des cavaliers plus intré-
pides, du moins plus aguerris qu'eux, et mieux
adaptés à leur monture ; les cavaliers barbares ignoraient
cependant à peu près complètement l'usage de la selle, voire
parfois celui de la bride, ce qui prouverait que la bride et la
selle ne sont devenus des aides et des accessoires indispensa-
bles qu'avec le temps.
Néanmoins, nous devons admettre que ce furent les Barbares,
bien plus que les Grecs et les Romains, qui furent les premiers
maîtres du cheval.
Et qui pourrait dire si notre prédominance ne fut pas due aussi
à notre supériorité à cheval, supériorité que devait démontrer
sûrement, quelques siècles plus tard, la bataille de Poitiers
(au VIIIe siècle) où la cavalerie franque défit superbement la
cavalerie sarrasine.
LA CHE-
VALERIE
La trame de l'histoire — de l'histoire chevaline tout
au moins — s'obscurcit quelque peu au début de
notre ère, et nous risquerions de piétiner sur place
en suivant un ordre chronologique trop rigoureux. Après la
victoire de Poitiers, qui fut surtout une victoire de la cavalerie,
le goût du cheval d'armes se propagea très rapidement en
39. France, et l'histoire du cheval, dès lors, reste strictement liée
à notre histoire militaire.
Tout le monde veut combattre à cheval, tous ceux du moins
qui ont les moyens d'acquérir une monture.
L'engouement du cheval gagne, sous Charlemagne, puis sous
la féodalité, toutes les classes riches de la société, et on se
préoccupe dès lors d'élevage et de croisements. Les races
nouvelles résultant d'un mélange de sang espagnol et arabe
sont très recherchées et viennent améliorer nos types autoch-
tones.
En même temps se développe la passion, véritablement ata-
vique celle-là, des jeux équestres et des joutes où la brutalité
naturelle à nos pères se donne largement carrière. Même l'im-
mixtion des femmes à ces jeux, n'en adoucit point tout de suite
le caractère barbare. Il fallut des siècles pour convertir les
joutes barbares des cavaliers francs en tournois à peu près
courtois, et en tirer finalement les nobles cours d'amour du bon
roi René, ou les prestigieux carrousels du roi Soleil.
LES TOURNOIS Il serait oiseux de discuter ici l'origine des
tournois, qu'on peut faire remonter soit à
l'époque byzantine, soit à l'invasion germaine, soit à une épo-
que plus lointaine et plus imprécise. Ce qu'il y a de certain,
c'est qu'ils fleurirent en France pendant tout le moyen âge
et reçurent une vive impulsion à l'époque des croisades (XIe
et XIIe siècles) où les ordres de chevalerie militaires ou reli-
gieux, mixtes le plus souvent, brillèrent, sitôt créés, du plus vif
éclat. Le fait seul de la création presque simultanée de tous
ces ordres démontre assez l'importance qu'avait alors le
cheval dans les combats et les gestes militaires en général. Les
amateurs et même les professionnels liront avec profit, sur
cette matière, l'ouvrage admirablement documenté d'un
40. contemporain érudit, le capitaine Picard (Origines de l'Ecole
de cavalerie). En tout cas, emprunterons-nous à ce dernier
la description des airs de manège alors en vogue :
« Le chevalier sans cesse occupé à guerroyer, à rompre des
lances, qui passait d'un tournoi à un autre, devait savoir
manœuvrer son cheval en tous sens ; aussi, par l'exercice des
voltes sur les hanches et sur les épaules, se mettait-il en
mesure de faire face à l'ennemi de tous les côtés. »
A mesure que le poids des siècles s'accumule sur la chevalerie,
celui des armures diminue et finit par subir de telles réductions
que l'armure de don Mioballe en vient à ne plus peser que
quelques livres ; encore s'en remet-il la plupart du temps à son
écuyer du soin de la porter. C'est que le chevalier prévoit déjà
que, dans les batailles futures, l'avantage sera aux hommes
légers, à l'infanterie protégée par l'artillerie.
Le cheval d'armes, lui, survit à toutes les révolutions de notre
histoire. Le tournoi supprimé, il demeure le destrier fringant
des simples joutes et passes d'armes qui restent en faveur
jusqu'à l'époque où elles cèdent la place aux carrousels complè-
tement innocents ceux-là, et qui ne sont que de brillantes
exhibitions où hommes et chevaux rivalisent d'élégance,
d'adresse et de somptuosité.
LES ÉCRIVAINS
FIASCHI, GRI-
SON, ETC., ETC.
C'est à partir de cette époque aussi que
l'équitation française se dégage enfin des
traditions purement orales et transmises
pour devenir une science basée sur des
théories écrites. Les traités sur l'équitation se multiplient si rapi-
dement dès l'aube du XVIe siècle, voire dès la fin du XVe, qu'on
dirait vraiment que les grands écuyers de l'époque n'avaient
attendu que la diffusion de l'invention de Gutemberg pour se
transformer en écrivains.
41. Le capitaine Picard, qui possède à fond la bibliographie hip-
pique depuis ses origines jusqu'à nos jours, analyse séparément
la plupart de ces ouvrages, que le lecteur consultera avec fruit
s'il veut remonter aux sources de l'art équestre français, et
dont les notions d'ailleurs se trouvaient ébauchées déjà dans
les vieilles chroniques du temps.
Le premier auteur connu sur la matière paraît avoir été un
certain Benjamin de Hannibale. Vinrent ensuite un traité latin
de Laurentius Rusim et un autre de du Bellay sur la Discipline
militaire.
Vers 1530,Fiaschi fonde l'école de Naples qui produirabientôt
l'illustre Pluvinel. Fiaschi a de plus écrit un assez gros traité
dont je ne veux donner que les sous-titres : I. De la manière de
bien emboucher les chevaux et de la nature d'iceux. (Cette
première partie est une dissertation un peu indigeste sur la
bouche du cheval et sur les divers mors et brides en usage à cette
époque.) II. Du moyen de bien manier les chevaux, avec les
dessins. III. Du moyen de bien ferrer les chevaux, avec les
dessins des fers qui y sont propres.
Mais le nom de Fiaschi est à retenir surtout, parce qu'il avait
compris ou pressenti les dispositions mélomanes du cheval, ou
plutôt son instinct inné du rythme, et qu'il fut le premier à
dresser des chevaux à l'aide de la musique.
Cependant, tandis que l'école de Naples bat son plein avec
ses rudesses presque moyenâgeuses encore, l'équitation en
France subit une évolution assez rapide. Elle se concrète en une
science raisonnée et pratique, toute de finesse, de souplesse,
— d'humanité, dirais-je presque.
Les cavaliers lourdement armés et les chevaux bardés de fer,
disparaissent pour faire place à des seigneurs élégants, vêtus
de soie et de brocart, faisant évoluer des montures fines,
alertes, sellées et bridées richement.
42. Les traités de l'époque, celui de Grison notamment, sont
surtout des traités de dressage.
L'ÉCOLE FRAN-
ÇAISE. PLUVINEL
Nous laissons les Italiensmaintenant pour
parler des Français. Les deux premiers
noms qui surgissent à cette époque et qui
tous deux se réclament de l'école de Naples par leurs études
du moins, sont celui, à jamais célèbre, de Pluvinel, et celui
de La Broue, son prédécesseur de quelques années dans la
carrière.
Dans les deux ouvrages qu'il a laissés, La Broue pose les
véritables bases de l'équitation française dont les principes
s'éloignent notablement dès lors de ceux de l'école italienne. Il
oppose la douceur et la persuasion, si l'on peut dire, aux pro-
cédés sévères et durs des écuyers italiens, et trouve, pour le
dressage du cheval, des formules neuves. Et il recommande,
comme tous les vrais écuyers n'ont cessé de le faire depuis,
les exercices du dehors qui seuls peuvent éduquer et aguerrir le
cheval de manège.
Pluvinel, le grand Pluvinel, dont tous les hommes de cheval
connaissent l'œuvre à peine vieillie, est le fondateur de la pre-
mière académie hippique française. Ex-premier écuyer de
Henri III, il fit ensuite, sous le règne de Henri IV, une carrière
des plus brillantes, et mourut chargé d'ans et d'honneurs,comme
on disait autrefois. Il fut d'ailleurs le maître d'équitation du
Dauphin, et c'est pour le futur Louis XIII qu'il écrivit sa
fameuse Instruction en l'exercice de monter à cheval.
Ce traité, paru en 1626, est un des meilleurs manuels théoriques
qui aient été publiés au XVIIe siècle, et l'un des plus avisés
aussi, même dans les questions accessoires de l'équitation.
Il est bon nombre de ses conseils que nos jeunes cavaliers
actuels pourraient méditer et suivre utilement.
43. LE GRAND
SIÈCLE
Mais nous voici au grand siècle, le siècle des
grandes éloquences et des frivolités, le siècle où
les gestes s'enrubannent comme les houlettes des
personnages du romancier Honoré d'Urfé.
Le Roi soleil n'hésite pas à conduire lui-même les quadrilles
de splendides carrousels où il a pour vis-à-vis son frère, le
Grand Condé et les ducs d'Enghien et de Guise; mais, nous
allons, avant le milieu de son règne, voir la fin de ces somp-
tueux carrousels, tandis que l'équitation savante tendra à
prendre une place de plus en plus prépondérante.
L'école de Versailles, dont nous reparlerons plus loin, com-
mence à briller d'un certain éclat et à répandre autour d'elle
un enseignement réputé.
Cependant, au point de vue pédagogique, aucun écrivain de
cette époque n'égalera Pluvinel, ni le marquis de Newcastle, ce
pair d'Angleterre qui s'occupa aussi des chevaux de course, ni
M. de Beaurepère qui publia Le modèle du cavalierfrançais,
ni M. de Beaumont et son Écuyer français, ni Du Plessis,
tant vanté par Saint-Simon, ni même M. de Vaudreuil, le pro-
fesseur de La Guérinière, j'en passe, et non des moindres, de
ce siècle si fertile en professeurs d'hippiatrique.
LE XVIIIe SIÈCLE.
ROBICHON DE
LA GUÉRINIÈRE
Le XVIIIe siècle pourrait, au point de vue
où nous nous plaçons, se résumer en un
seul nom, celui de La Guérinière dont
l'ouvrage remarquable, École de cava-
lerie, est assez universellementconnu et apprécié pour que nous
nous dispensions d'en faire l'éloge ici. Ce qu'il importe de fixer,
au point de vue historique, c'est la perfection atteinte dès lors
par l'école française, comparativement aux écoles étrangères,
à celle surtout dont le marquis de Newcastle avait essayé de
faire prévaloir les traditions.
44. Je riai fait que compulser, profiter des enseignements de
mes prédécesseurs, tâchant de résumer, de donner leplus de
clartépossible à tout ce qui a étépubliésurl'équitationpour
enfaire unrecueilutile à l'enseignement. Qui tient ce modeste
langage, si différent de celui
d'écrivains plus outrecuidants
qu'érudits, qui, pour faire
croire à leur science, dénigrent
tous ceux qui ont écrit et pra-
tiqué avant eux pour se poser
en inventeurs? C'est La Gué-
rinière lui-même : ce grand
écuyer, doublé d'un écrivain,
était un modèle de modestie.
Et cependant il est univer-
sellement reconnu pour être
le père de l'équitation mo-
derne. Ses principes n'ont
pas vieilli et, malgré toutes
les modifications et tous les
soi-disant perfectionnements
qu'on a pu y apporter, ils restentla base de l'équitation française
et même mondiale. Tous ceux qui ont travaillé et travaillent
l'équitation ont puisé dans La Guérinière leurs meilleurs ensei-
gnements, et le nom de ce grand maître est aussi impérissable
que sa méthode.
Ecuyer en chef du fameux manège des Tuileries, il travailla
constamment à simplifier les procédés de dressage, apprit au
cavalier à chercher ses moyens de tenue « dans l'équilibre et
dans la rectitude de la position ». Il fut l'apôtre admirablement
inspiré de l'équitation naturelle et raisonnée. Sa grande pré-
occupation fut de toujours pénétrer les écuyers de son temps,
45. de l'indispensabilité de donner au cheval toute son aisance. Et
il leur indiqua les moyens d'y parvenir.
C'est une des plus grandes figures qui aient existé dans l'his-
toire de l'équitation.
La scission se fait à cette époque entre l'équitation militaire
et l'équitation civile, et nous voyons le maréchal de Saxe,
préoccupé d'améliorer la cavalerie, préconiser par des instruc-
tions très précises l'orientation nouvelle de l'instruction des
troupes à cheval.
L'ÉCOLE DE
VERSAILLES
Nous ne pouvons passer sous silence la célèbre
école de Versailles qui brille d'un si vif éclat
au XVIIIe siècle. Placée sous la surveillance
du grand écuyer M. le Premier, elle donne l'instruction
équestre non seulement aux pages, mais encore aux plus
grands seigneurs de la cour; elle ne disparaîtra, comme toutes
les grandes écoles, qu'avec la Révolution qui réquisitionne les
écuries et décapite les maîtres.
Parmi les écuyers célèbres qui, après La Guérinière, lais-
sèrent un nom dans les cadres de l'École de Versailles, on
remarque MM. de Nestrer, de Salvert, de Neuilly.
MM. de Lubersac, de Montfaucon, de Rogles, apparte-
naient à l'École des Chevau-légers. Parmi les écuyers de
l'école militaire se trouvaient MM. d'Auvergne et de Bois-
deffre.
L'équitation militaire prend, à partir de cette époque, la plus
large place dans l'histoire du cheval.
« L'équitation rationnelle, logique, fine, élégante, artistique
avait disparu ; il ne s'agissait plus alors que de former à la hâte
des instructeurs pour nos régiments. »
46. LEMPIRE Quant à la période impériale, elle fut moins une
période d écuyers que de cavaliers. Les sabots de
la cavalerie française foulèrent tous les pays de l'Europe. Les
écuyers proprement dits furent peu nombreux, les centaures y
étaient légion : cavaliers et montures accomplissaient les mêmes
prouesses. On voyait même de mauvais cavaliers, comme Napo-
léon, réaliser des exploits de résistance équestre qui feraient
hésiter nos meilleurs écuyers.
RESTAURATION La Restauration rouvrit l'école de Ver-
sailles et les deux d Abzac reprirent la
direction du manège du roi. Malgré la présence de ces grands
écuyers et celle du célèbre d'Aure, l'école de Versailles, qui
disparut définitivement en 1830, n'eut pas l'influence de sa
devancière de l'ancienne monarchie :
l'équitation « aux rênes
flottantes » et le style anglais en furent les principales causes.
La grande école demeure encore l'académie indiscutée de
l'équitation française et sa réputation reste comme par le passé
mondiale.
Continuateur, gardien en quelque sorte des grandes traditions,
le comte d'Aure, dernier écuyer en chef du célèbre manège de
Versailles, fut et est demeuré une des notoriétés de la science
équestre. Son nom est inséparable de celui de Baucher qui
devait être en désaccord complet avec lui.
Le comte d'Aure, bien qu'élevé dans la tradition classique,
ne s'y montra point systématiquement inféodé, et c'est là un
des côtés les plus appréciables de son immense intelligence de
l'équitation.
Avant même que disparût l'école de Versailles, il vit très
bien la nécessité d'orienter l'art équestre dans une voie nouvelle,
plus immédiatement pratique, et de le débarrasser des inutilités
qui l'encombraient. Lui aussi eut des théories restées célèbres.
47. Il émit comme principe fondamental que la base de l'équita-
tion usuelle doit être d'obtenir une impulsion très franche au
début du dressage et la corrélation de la position de la tête et de
l'encolure avecla vitesse de l'allure. Il estimait aussi que l'appui
sur la main ferme et léger, devaitaugmenter en raison directe de
l'impulsion exigée.
« Je ne puis mieux comparer, écrivait-il, la situation du cheval
dirigé par l'homme, qu'à celle de l'aveugle conduit par son chien ;
tant que l'aveugle est conduit et qu'il suit son guide, l'aveugle
marche en confiance, si la tension cesse, l'incertitude arrive. »
Ce n'est pas seulement comme théoricien que le comte d'Aure
laissera le plus durable souvenir. Il fut un praticien hors ligne,
s'imposant au monde équestre de son temps par son tact et sa
puissance à cheval : à tel point que l'ancien écuyer cavalcadour
de Louis XVIII et de Charles X, devint, après 1830, malgré
ses convictions, écuyer en chef de l'école de Saumur.
SECOND
EMPIRE
BAUCHER
A cette époque apparaît au cirque des Champs-
Elysées un écuyer dont l'autorité s'impose subite-
ment : Baucher ; sa méthode excite l'admiration de
bon nombre d'hommes de cheval, mais trouve en
revanche d'aussi nombreux contradicteurs : en somme, elle
révolutionne le monde équestre à tel point que le duc d'Orléans
fait envoyer pendant un certain temps Baucher comme profes-
seur à Saumur.
C'est à lui qu'on doit cette fameuse détermination de l'équi-
libre du premier genre : « main sans jambes, jambes sans
main » qui révolutionna les théories alors en vigueur dans le
dressage.
Baucher fut le génie incarné de l'équitation savante. Très
contesté, très jalousé, ses détracteurs les plus farouches furent
les premiers à s'inspirer de ses travaux quand ils n'allèrent
48. pas jusqu'à les copier servilement. Ses théories, en anta-
gonisme complet avec celles du comte d'Aure, suscitèrent
entre eux des polémiques et une rivalité qui mirent le
désaccord entre ces deux hommes remarquables.
Ce n'est guère qu'après
sa mort — comme tou-
jours — que l'on fut una-
nime à donnerà Baucher
la place immense qu'il
méritait d'occuper dans
l'histoire de l'équitation.
Ses études sur la légfè-
reté absolue, c'est-à-dire
sur toute absence de ré-
sistance au moindre effet
des rênes, rendant par
cela même très facile la
position du ramener,
constituaient une nou-
veauté qui lui était abso-
lument personnelle.
Est-il besoin de rappe-
ler ici sa délicate et subtile théorie sur les « effets d'ensemble ».
Aujourd'hui on pèse sainement et sans parti pris l'œuvre du
maître des maîtres en équitation savante.
Et cette œuvre laissera une empreinte ineffaçable dans l'évo-
lution de l'équitation française. Quant au praticien, il fut, paraît-
il, d'une habileté sans égale. Que de choses restées dans l'om-
bre n'a-t-il point éclairées d'un jour nouveau et inattendu, avec
quelle maîtrisen'a-t-il point appuyé d'exemples ses théories les
plus nouvelles ? Le baron d'Etreillis qui l'avait beaucoup vu
et qui l'appréciait infiniment, puisqu'il fait dans son livre le
49. plus grand éloge de sa science équestre, lui adresse cependant
cette critique : « La question d'art, de haute école, l'absorbait au
point de faire disparaître toute autre considération. Pour lui,
un cheval était comme le drap destiné à confectionnerun habit,
on ne devait pas l'utiliser pour un autre usage. Jamais nous
n'avons pu le voir à cheval qu'entre quatre murs ; dans notre
opinion, il était hors d'état de suivre pendant une heure une
chasse marchant bon train, ou de sauter la première barrière
venue, sur le cheval le plus doux ».
Mais nous, partisans de l'équitation du dehors, nous ne pouvons
nous empêcher de regretter que ce grand artiste se soit toute sa
vie renfermé dans son cirque : peut-être pourrons-nous faire le
reproche contraire au comte d'Aure d'avoir relativementnégligé
le manège. Quel malheur que d'Aure et Baucher aient été
aussi intransigeants ; car en se complétant l'un par l'autre, ils
auraient, à notre avis, réalisé la perfection de l'art équestre.
Sans médire de ces grands écuyers, et puisque nous parlons
de 1830, j'estime que la course au clocher, instituée à cette
époque, a eu aussi pour les cavaliers de grands avantages en
leur donnant la solidité sur les obstacles, le courage et l'endu-
rance qui sont les qualités primordiales pour l'équitation du
dehors. Ces courses au clocher furent du reste l'origine des
steeple-chases.
50.
51. LE CHEVAL
SON ORIGINE. SON CARACTÈRE.
SES QUALITÉS. SES DÉFAUTS
QUEL est le pays d'origine du premier cheval ?
Personne ne le sait au juste. La Bible n'en signale
aucune trace aux premiers âges du monde.
Les tribus juives même ne devaient point connaître le cheval,
car il n'est pas fait mention de lui dans la Genèse, au début de
leur histoire.
Il n'est fait mention du cheval que bien plus tard, à l'époque
des Rois :
Salomon est indiqué comme possédant 40.000 che-
vaux de trait.
Il ne faut pas oublier d'ailleurs que les provinces habitées
alors par les tribus juives — la Galilée et la Samarie surtout —
étaient des pays de montagnes, et que le cheval ne se rencontre
que dans les pays de plaines. Donc, les exégètes qui nous affir-
ment que les pasteurs de la Mésopotamie ne connurent point le
cheval ont raison, mais nous soupçonnons qu'il existait quand
même longtemps auparavant, dans tous les pays environnants,
en Égypte, en Assyrie, en Syrie surtout d'où proviennent
encore aujourd'hui les chevaux les plus parfaits. Dans l'histoire
de Joseph en Égypte il est question des chevaux des Égyptiens,
et le livre de Josué relate les premiers combats d'Israël contre
les rois syriens et leur cavalerie. Or ces combats se situent à
52. une époque qui se confond à peu près avec les débuts de l'his-
toire d'Assyrie, — le plus ancien des peuples cavaliers connus
— non point de son histoire mythique et apocryphe mais de celle
sur laquelle on possède les premiers documents authentiques.
On peut donc dire avec certitude que les premiers chevaux
connus furent des chevaux d'Asie, des chevaux syriens et
assyriens, et que le cheval apparut sur terre en même temps que
l'homme et sous les mêmes latitudes.
Reste un point que personne n'a élucidé. Comment apparu-
rent et vécurent les premiers chevaux? Buffon lui-même est
muet sur la question, mais la page où il résume l'histoire des
chevaux sauvages devrait suffire à édifier ceux qui inclinent à
croire que le cheval est venu au monde avec une selle sur le dos.
Et je le cite d'autant plus volontiers que, hormis le célèbre
exorde sur la « noble conquête », personne ne connaît le traité
de Buffon ou du moins ne se souvient de l'avoir lu.
Voici son éloquent plaidoyer en faveur du cheval de tous les
temps et de tous les pays.
« C'est par la perte de la liberté que commence son éduca-
tion, et c'est par la contrainte qu'elle s'achève. L'esclavage et
la domesticité de ces animaux sont même si universels, si
anciens, que nous ne les voyons que rarement dans leur état
naturel : ils sont toujours couverts de harnais dans leurs travaux;
on ne les délivre jamais de leurs liens, même dans les temps
du repos ; et si on les laisse quelquefois errer en liberté dans
les pâturages, ils y portent toujours les marques de la servitude,
et souvent les empreintes cruelles du travail et de la douleur ;
la bouche est déformée par les plis que le mors a produits ; les
flancs sont entamés par des plaies, ou sillonnés de cicatrices
faites par l'éperon ; la corne des pieds est traversée par des
clous. L'attitude du corps est encore gênée par l'impression
subsistante des entraves habituelles ; on les en délivrerait en
53. vain, ils n'en seraient pas plus libres ; ceux même dont l'escla-
vage est le plus doux, qu'on ne nourrit, qu'on n'entretient que
pour le luxe et la magnificence, et dont les chaînes dorées ser-
vent moins à leur parure qu'à la vanité de leur maître, sont
encore plus déshonorés par l'élégance de leur toupet, par les
tresses de leurs crins, par l'or et la soie dont on les couvre, que
par les fers qui sont sous leurs pieds. »
Personne certes ne sera tenté de contester l'exactitude de ces
observations. Elles démontrent, par ailleurs, qu'au double point
de vue humanitaire et utilitaire, le cheval est celui de tous les
animaux domestiques qui a le plus besoin d'être protégé.
Le cheval est bien le plus superbe animal de la création,
quand il est de pure race, arabe, anglais, russe, français
ou allemand. Il importe cependant de le laisser tel que la
nature l'a fait. Je n'admets pas que des gens assez fortunés
pour posséder un beau cheval, se laissent entraîner par le sno-
bisme et ne veuillent pas comprendre que c'est une faute de
goût que de lui fair-e subir des transformations dont le résultat
immédiat est de mutiler une bête que la nature avait faite de
toute beauté. Crinière, queue, sont particulièrement visées;
elles subissent l'outrage du ciseau : pourquoi? Pour sacrifier à
une mode que rien ne justifie.
Ainsi abîmé, on en arrive à identifier un animal complet
comme race et comme ensemble, à la dernière des rosses. Je
reconnais que pour posséder un joli port de queue et pour
pouvoir conserver crins et crinière, un cheval doit être parfait
de race et de modèle, ces ornements naturels ne convenant
qu'à la bête d'origine.
Aussi bien, comme les beaux chevaux sont fort rares, il est
certain que les sujets de valeur secondaire gagnent à être trans-
formés, préparés à la « mode anglaise », car c'est elle qui pré-
vaut en matière équestre.
54. Il n'en reste pas moins vrai qu'il est pénible de voir un
malheureux cheval tortiller en vain, pour chasser les mouches,
soit l'embryon de queue qu'on a bien voulu lui laisser, soit cette
même queue conservée dans toute sa longueur mais dépourvue
de crins, rappelant ces fourreaux-brosses avec lesquels on
nettoie les verres de lampe, alors que la nature prévoyante
l'avait gratifié d'un panache majestueux qui avait sa raison
d'être pratique pour l'animal et ajoutait encore à sa beauté.
Le port de queue chez le cheval doit en quelque sorte être
55. fier — c'est-à-dire que l'animal étant en action, la queue bien
détachée doit s'incurver dans un mouvement harmonieux au-
dessus de la croupe. Si sa tendance à s'infléchir vers le sol est
trop accusée, c'est au détrimentde l'élégance généralede la bête.
J'ai été très surpris de voir un trop grand nombre d'acheteurs
n'attacher qu'une médiocre importance à cette question du port
de queue et tolérer que les marchands leur présentent un che-
val bourré de gingembre. Ils n'ignorent pas cependant que
l'usage du gingembre est un moyen empirique, absolument
artificiel, dont les effets ne sont que momentanés. La superche-
rie est en effet de peu de durée, tel cheval présenté par le
marchand avec la queue superbement en panache se retrouve
chez l'acquéreur avec le même appendice complètement abattu.
Le port noble de la queue donnant, à mon avis, une grande
valeur au cheval, il mériterait d'être pris en considération par
l'acheteur.
La qualité primordiale et dominante du cheval est la force.
Il est raide et maladroit si on le compare au chat, au chien,
à la chèvre et à beaucoup d'autres quadrupèdes, mais il
est doué d'une grande vigueur. Peu d'animaux sont capa-
bles de le suivre dans sa course. Ses trois allures — le pas,
le trot et le galop —sont plus nettes, plus régulières que celles
des autres quadrupèdes. Le cheval possède même naturelle-
ment une allure très élégante nommée par les écuyers de
manège le passage. J'ai dit naturellement. Je le répète, car
contrairement à une opinion généralement admise, j'estime que
le passage est une allure naturelle au cheval.
Si vous observez le cheval frais qui vient d'être lâché en
liberté, vous remarquerezqu'il fait souvent de lui-même un bon
tour au passage, mais avec une fierté, un tride, une vigueur
qu'il est bien difficile de lui donner par le dressage.
La tête haute, l'encolure rouée, les oreilles piquées, la queue
56. relevée, il se cadence gracieusement et harpe tellement les
jambes que dans ses mouvements élastiques, il semble ne plus
prendre contact avec le sol.
Les gens qui aiment et connaissent le cheval peuvent alors
apprécier, en le considérant à cette allure, toute l'étendue de
son nerf, toute la puissance mécanique de son ressort.
Si j'ai tenu à donner ici une image rapide du passage, c'est
— et j'y reviens volontairement — pour démontrer qu'il cons-
titue bien chez le cheval une allure non pas artificielle, mais
57. essentiellementnaturelle. Et je tiens même à dire dès à présent
que c'est cette raison qui m'incitera, lorsque j'en viendrai à faire
une démarcation entre les allures naturelles et les allures arti-
ficielles, à classer le passage et le piaffer parmi les premières.
Je ne vais pas évidemment jusqu'à dire que le cheval, dans
son dressage, donne le passage qui lui est naturel, aussi faci-
lement que le pas, le trot, le galop. Non. Bien au contraire,
j'ajouterai même que le meilleur dresseur aura une grande dif-
ficulté à obtenir volontairement du cheval un passage aussi
beau et aussi correct que celui qu'il a vu donner au même ani-
mal, de lui-même, dans la prairie.
C'est cette difficulté qu'ont toujours rencontrée les dresseurs
qui leur a fait croire, me semble-t-il, que le passage n'est pas
une allure naturelle. Je pense tout différemment. Et j'espère
l'avoir démontré, surtout après m'être autorisé de la photogra-
phie de cette superbe haquenée qui vient d'être lâchée devant
ses écuries, instantané des plus probants que j'apporte ici à
l'appui de ma thèse (Voir page 205).
N'insistons pas quant à présent, sur les qualités physiques —
ou plus exactement mécaniques — du cheval ; parlons un peu
de son moral et de son i ntelligence. Le moral est bon : l'animal
est résistant et courageux.o
INTELLIGENCE
ET MÉMOIRE
Pour être sincère, le cheval ne brille pas
par l'intelligence ; il n'est guère d'animaux
ayant aussi peu de raisonnement que lui.
Un simple exemple à l'appui de cette opinion : Prenez un
cheval peureux ; placez sur son passage, à droite, un objet sus-
ceptible de l'effrayer, un tonneau ou un sac de blé par exemple.
Par de bons et habiles procédés, vous allez arriver à le mettre
en confiance, à lui retirer sa frayeur, pour qu'il passe tranquille-
ment, sans aucune crainte, à côté de l'objet qui l'épouvantait.
58. Ce résultat obtenu, placez à
gauche les mêmes objets ; vous
aurez à vaincre les mêmes résis-
tances que lorsqu'ils se trou-
vaient du côté droit. Tout sera
à recommencer.
L'animal n'a donc pas eu assez
de raisonnement pour compren-
dre que cet objet qui l'effrayait
une seconde fois était le même
que celui dont il avait eu peur
la première.
Poussons les choses plus loin
pour démontrercombien la com-
paraison de son intelligence avec
celle des autres animaux lui est désavantageuse. Le cheval
le plus doux donne en
jouant, sans raison, un
coup de pied mortel à
l'homme qui le soigne.
Le chien le plus mé-
chant mordra-t-iljamais
son maître?
Il faut avouer que la
manière dont le cheval
est élevé contribue sin-
gulièrement à lui reti-
rer le peu d'intelligence
qu'il pourrait avoir.
Le malheureux qui
était fait pour être libre
et courir dans les grands espaces débute mal dès sa venue en
59. ce monde. Après un semblant d'indépendance dans la prairie,
il est brusquement attaché assez court et condamné à une
immobilité presque complète dans une stalle généralement trop
étroite et tout juste assez longue. Son peu d'intelligence est
encore atrophié par cette captivité qui n'aura plus de fin.
Apprivoisé à coups de fourche à l'écurie, il l'est dehors à
coups de bâton. Attelé
presque toujours trop
jeune à une voiture trop
lourde, on lui met dans
la bouche, sa partie la
plus délicate, une barre
de fer qu'on nomme
mors, munie de deux
puissants leviers. S'il
veut se porter en avant,
on lui arrache la mâ-
choire en l'asseyant sur
les jarrets avec cet ins-
trument de supplice; si
la douleur l'empêche d'avancer à la volonté de son bourreau,
celui-ci n'hésite pas à le frapper à tour de bras avec un fouet.
Monté, ce sont les mêmes procédés dont on use envers lui,
avec cette simple différence que le fouet est remplacé par la
cravache. Il n'y verrait peut-être que demi-mal si, comme il
arrive souvent, nombre de dresseurs, armant leurs talons d'épe-
rons à molettes pointues et profitant de la position à califour-
chon, très commode pour se servir des jambes, n'en usaient
pour fourrager durement les flancs de leur monture juste à
l'endroit où s'arrêtent les côtes, c'est-à-dire au ventre.
Le cheval ainsi élevé, devient fatalement une brute, sa phy-
sionomie morne en fait une véritable caricature qui n'a plus
60. qu'une ressemblance éloignée avec l'animal libre et fier que la
nature avait créé.
Peut-être que s'il vivait plus étroitement avec son maître,
cette intelligence précaire se développerait chez le cheval
comme elle se développe chez le
chien qui est, pour ainsi dire inti-
mement lié à l'existence de son
maître.
Si la sincérité oblige à recon-
naître le peu d'intelligence du
cheval, il est juste de lui accorder
sans réserve une très grande qua-
lité : la mémoire. Certainement il
possède une mémoire tout à fait
remarquable. Un cheval dressé en
haute école ou en liberté, pourra
par la suite être attelé, monté en
course ou à la chasse, jamais il
n'oubliera son travail de jadis
même dans ses moindres détails.
Vous pourrez le reprendre au ma-
nège au bout de plusieurs mois,
de plusieurs années, après avoir cesse de le monter, et lui
demander tout ce que vous lui avez appris autrefois, son travail
le plus compliqué même. C'est certainement lui qui surprendra
votre mémoire en défaut, hésitant et même se défendant lorsque
vous intervertirez, par oubli, l'ordre de son ancien travail.
Lorsqu'il fait de la route, vous pouvez également constater
sa grande mémoire. A-t-il parcouru un chemin deux fois?
Il pourra vous guider dans tous ses détours ; les méandres en
sont gravés dans son esprit, et il ira jusqu'à vous arrêter net,
si vous n'y prenez pas garde, aux endroits précis où vous
61. l'aurez arrêté la première fois que vous avez fait le même trajet.
Cette mémoire, si utile pour le dressage, lui est bien com-
mode pour se défendre. Il sait à merveille l'utiliser à son profit.
Vous a-t-il désarçonné à une place? Menez-vous;en repassant
à cette même place, il cherchera certainement à recommencer.
Et cette mémoire très précise, toujours en éveil, lui dicte quel-
quefois sa ligne de conduite ; tel cavalier l'a forcé à obéir : il
ne lui résistera plus ; tel autre a eu peur de lui et lui a cédé :
il lui résistera à outrance.
De ceci, il faut déduire qu'on doit beaucoup compter sur la
mémoire du cheval, et que s'il apprend lentement et diffici-
lement, en revanche, il n'oublie jamais.
C'est pourquoi le dresseur averti de cette grande mémoire
et de ce peu d'intelligence, devra suppléer à l'infériorité de la
seconde en procédant par une graduation très lente et très nette
dans le dressage et profiter ainsi de ce qui est acquis définiti-
vement sans risquer d'embrouiller par de trop multiples
demandes les facultés restreintes d'intelligence du cheval.
Cette manière de procéder aura en outre l'avantage de ne pas
l'énerver, car, comme on le sait, il est très emporté et ses prin-
cipales révoltes sont occasionnées presque toujours par une
insuffisance de compréhension.
Gardez-vous donc des faiblesses et des mauvaises leçons
dont les conséquences sont presque irréparables.
L'ATAVISME Le caractère du cheval, comme celui des
autres animaux, subit d'une façon très cu-
rieuse les influences de 1 atavisme. Qu'on en juge plutôt.
Il y a près d'un quart de siècle, lorsque les premières
bicyclettes ont commencé à circuler dans Paris et dans sa
périphérie, ce n'est point de peur, mais d'une véritable terreur
que furent pris les chevaux. On les vit se dérober, se jeter sur
62. n'importequel obstacle, inconscients et affolés, plutôt que de se
laisser approcher par ces véhicules inconnus d'eux ; il en est
même quelques-uns qui ne purent jamais s'habituer au voisi-
nage de ces nouvelles machines. Puis, dès la deuxième ou troi-
sième génération, nous avons vu venir à Paris de jeunes che-
vaux, qui voyaient passer près d'eux pour la première fois des
bicyclettes avec la plus grande indifférence.
Il en a été de même pour l'automobile. Les premierschevaux
en furent terrorisés, leur descendance ne s'en émeut plus.
L'exemple est peut-être plus frappant ici, parce que cette petite
locomotive sans voie ferrée a débuté dans la carrière avec un
bruit infernal. Il a fallu au cheval une mentalité facilement
transformable pour oublier, en moins de deux générations, ses
terreurs premières et voir passer presque dans ses jambes,
sans s'en inquiéter, les véhicules trépidants dont les moteurs
transmettaient à ses oreilles un vacarme bien fait pour l'effrayer.
Les lois de l'atavisme s'étendent d'une génération à l'autre,
à toutes les qualités et à tous les défauts du cheval, aussi bien
aux tares morales qu'aux tares physiques. Un animal rétif
transmettra à sa descendance, à un degré plus ou moins déve-
loppé, un caractèresemblable au sien. Un cheval doux, lympha-
tique, engendrera des animaux calmes et apathiques. D'une
manière générale, on peutdire que tous les défauts de caractère
se transmettent de génération en génération, sous une même
forme, mais avec une intensité variable.
63. DESCRIPTION DÉ-
TAILLÉE DU CHEVAL
Nous devons donc rechercher, comme cheval de selle, l'animal
robuste et le plus près du sang possible. Comme le sang n'est
64. en somme que le sang oriental, il faudra donc que le cheval de
selle ne s'éloigne pas trop de cette origine orientale, tel le pur
sang anglais qui s'en rapproche le plus.
Je ne saurais mieux faire que de reproduire ici comme type de
cheval oriental le magnifique étalon syrien dessiné par Adam.
Pour qu'un cheval soit réellementbeau, il ne suffit pas que cer-
tainespartiesde son corps soient bien établies, il faut encore que
toutes ses parties forment une harmonie parfaite, harmonie qui
ne doit être contrariée par aucune défectuosité. Voici pour l'en-
65. semble ; nous allons, en détail, décrire chaque partie du cheval,
en expliquant ce qu'elle doit être pour se rapprocher de la per-
fection.
LA TÊTE La tête se compose des oreilles, dufront, du tou-
pet, des yeux, du chanfrein, des naseaux, de la
bouche, des lèvres et de la ganache.
L'OREILLE L'oreille ne doit être ni trop grande ni trop
sur le front, enfin quand elles se dressent dans des directions
opposées, on dit des chevaux affectés de telles oreilles qu'ils
sont « mal coiffés ».
L'intérieur de l'oreille est généralement revêtu d'une couche
de poils assez longs qu'il était autrefois d'usage de couper;
mais on a reconnu que c'était une erreur, car ce duvet est des-
tiné à empêcher les corps étrangers et les mouches d'entrerdans
le cornet acoustique qui, par sa position, les reçoit trop faci-
lement.
66. LE TOUPET Comme l'indique son nom, le toupet est une
mèche de crins qui pend sur le front, attachée
entre les deux oreilles. Le toupet naturel est plus ou moins
long, mais il est généralement raccourci ou supprimé pour
satisfaire aux exigences variables de la mode.
LES YEUX Comme je l'ai déjà dit, l'œil doit être plutôt à
fleur de tête que rentré ; de couleur foncée ; les
deux yeux ne doivent pas être de couleur différente, car le
cheval serait dit alors cheval à l'œil vairon. Cette dissemblance
est considérée comme une laideur. L'œil doit être bien ouvert
et les paupières bien mobiles. Quand il est trop couvert, c'est
généralement un signe de sournoiserie ou de méchanceté. On
dit qu'un cheval a « des yeux de cochon » lorsqu'ils sont trop
petits.
LE CHANFREIN Le chanfrein est la partie qui descend du
front au nez. Il doit être le plus droit pos-
sible, car lorsqu'il est busqué il donne à la tête du cheval
l'aspect d'une tête de mouton. Beaucoup d'irlandais, quelques
normands, ont le chanfrein busqué. Quant au front, il doit être
large et plat.
LES NASEAUX Les naseaux doivent être bien ouverts, car,
étant destinés à l'entrée de l'air dans les pou-
mons, plus ils seront ouverts et dilatables, plus les poumons
absorberont facilement l'air. Cette large ouverture des naseaux
est tellement importante que certains peuples d'Orient ouvrent
avec des ciseaux les naseaux de leurs poulains lorsqu'ils vien-
nent au monde, sachant parfaitement que pour obtenir une
marche rapide du cheval, il faut qu'il puisse aspirer l'air à
pleins poumons,
67. Les naseaux doivent aspirer et repousser l'air extérieur sans
aucun bruit, bruit qui serait signe d'une tare de la gorge ou
des poumons.
LA BOUCHE Je commence la description de la bouche par
les lèvres. Ces lèvres, qui sont d'une grande
mobilité, servent au cheval non seulement à prendre sa nour-
riture, mais encore à trier dans le grain, dans l'herbe et dans
le fourrage, les parties qui conviennent le mieux à son alimen-
tation. Le cheval a donc dans la bouche une adresse et un
tact égaux à ceux que nous avons dans les mains et que je pour-
rais comparer aussi à l'adresse de la trompe de l'éléphant.
Chez le jeune cheval, ces lèvres sont peu charnues, mais plus
le cheval prend d'âge, plus les lèvres deviennent épaisses. Elles
doivent pourtant toujours rester assez fermes pour être bien
collées sur les dents et se joindre afin que la bouche reste
constamment fermée. Un grand défaut pour un cheval est
d'avoir la lèvre inférieure pendante; cela dépare complètement
sa physionomie. La lèvre supérieure ne doit pas non plus être
trop longue, car elle viendrait coiffer la lèvre inférieure, ce qui
serait aussi très disgracieux.
Les lèvres du cheval, comme je l'ai déjà dit, sont tellement
mobiles que c'est avec elles qu'il commence à s'emparer des
branches du mors pour prendre ce mors dans les dents lorsqu'il
veut s'emballer. On remédie généralement aux inconvénients
que peut avoir ce défaut, dans la conduite du cheval, en mettant
au mors une fausse gourmette.
Combien de chevaux aussi ouvrent la porte de leur box et
les robinets d'eau avec leurs lèvres.
Lorsqu'on ouvre la bouche du cheval, on trouve les dents, la
langue, le palais et les barres.
Comme chez presque tous les animaux de son espèce, la
68. bouche du cheval ne comprend que des molaires et des inci-
sives. Il n'y a guère qu'une canine, à laquelle on donne le
nom de crochet, qui vient de chaque côté des mâchoires du cheval
lorsqu'il prend de l'âge.
LES DENTS Les dents, chez le cheval, ont une grande impor-
tance en dehors du rôle qu elles jouent comme
masticatrices, rôle déjà capital, car le cheval, se nourrissant
d'herbes sèches et de grains et n'ayant pas, comme les rumi-
nants, la faculté de mastiquer plusieurs fois sa nourriture, doit
du premier coup broyer ses aliments. C'est vous dire la néces-
sité de la grande puissance de sa mâchoire qui rend les mor-
sures du cheval si redoutables. Dans sa jeunesse, le cheval
69. a les dents courtes, très enfoncées dans les gencives et la
mâchoire presque convexe.
En avançant en âge, les dents perdent de leur convexité, et
dans la vieillesse l'angle qu'elles forment devient de plus en
plus aigu.
C'est par l'inspection des dents qu'on arrive le plus sûrement
à déterminer l'âge d'un cheval. Nous allons donc donner une
série de schémas montrant la configuration de la bouche du
cheval depuis l'âge de trois ans jusqu'à dix-huit ans, car après
cet âge, le cheval entrant dans la vieillesse est en plein déclin
et son âge n'a plus d'intérêt. Comme il n'y a pas de règle sans
exception, il y a beaucoup de mâchoires irrégulières qui ne
permettent pas de reconnaîtrel'âge d'un cheval et qui pourraient
même tromper si on se fiait aux apparences. Entre ces irré-
gularités, l'une des principales est la longueur prématurée des
dents chez le jeune cheval ; elle se présente dans plusieurs cas.
Il peut d'abord arriverque la mâchoire inférieure n'étant pas au-
dessous de la mâchoire supérieure, et les incisives d'en bas et d'en
haut ne frottant pas l'une sur l'autre, l'usure n'atteigne pas un
degré normal et que les dents deviennent ainsi trop longues.
Les chevaux qui ne mangent pas d'avoineont généralement aussi
les dents plus longues, ces dents n'ayant rien à broyer. Puisque
nous parlons de la longueur démesurée des dents, je signalerai
l'allongement de certaines molaires, allongement qui produit
des aspérités gênant à ce point la mastication, qu'on est obligé
70. de les faire limer pour que
le cheval puisse bien broyer
sa nourriture et que le grain
n'arrive pas dans l'estomac
sans être moulu,ce qui occa-
sionnerait de mauvaises
digestions, et affaiblirait le
cheval puisqu'il ne pourrait
pas dans ce cas s'assimiler
les principes nutritifs du
grain et du fourrage. Une
irrégularité qui n'a pas les
mêmes inconvénients mais
qui facilite les erreurs ou
tromperies en ce qui con-
cerne 1 âge d'un cheval,
c'est l'effacement préma-
turé de la fève1 dans les
incisives, effacement qui,
lorsqu'il se produit, peut
faire croire que le cheval
est beaucoup plus âgé qu'il
ne l'est réellement.Lorsque
les chevaux ont des inci-
sives ainsi rasées avant
l'âge, on les nomme bégus.
Les connaisseurs en che-
vaux, lorsqu'ils se trouvent
enprésenced'unsujetbégu,
n'ont plus comme ressource, pour déterminer son âge, que
i. La fève est la partie ovale de couleur marron légèrement creuse qui se trouve au,
milieu de la dent du jeune cheval.
71. d'examiner la ganache, les salières, les saillies des os de la
tête et l'aspect général du cheval, ce qui est beaucoup plus
difficile et bien moins certain.
Dans certains cas, les chevaux, quoique vieillissant, ont aussi
les dents de devant très usées et trop courtes. Ce sont les
tiqueurs '.
LA GANACHE En termes techniquesvétérinaires « la ganache
est une région basse ayant pour siège la por-
tion rectiligne du maxillaire inférieur » ; en somme, c'est elle
qui forme toute la mâchoire inférieure, depuis le cou jusqu'à la
barbe qui la sépare de la lèvre inférieure.
Comme je l'ai dit plus haut, la ganache se compose de deux
os réunis ensemble, lesquels os, selon qu'ils sont plus ou moins
minces, aident à déterminer l'âge du cheval. Il passe aussi à la
partie intérieure de la ganache une veine sur laquelle on a l'ha-
bitude de « tâter le pouls » chez le cheval.
Puisque j'ai été amené à parler de la barbe, je tiens encore à
lui marquer sa place dans la mâchoire inférieure, place qui est
représentée par un creux, une sorte de petite gouttière, précédant
la lèvre inférieure. C'est à cet endroitde la ganache que vient por-
ter la gourmette, qui est le point d'appui des leviers du mors. Ce
point d'appui est assez solide, car deux os, en descendant et fai-
sant suite à la ganache, offrent un point sérieux de résistance.
C est en pinçant la peau entre la gourmette et ces os, qu'on
obtient une sensibilité qui vient s'ajouter à celle de l'effet du
mors sur les barres.
LA LANGUE Il est important que la langue d'un cheval soit
d'un volume normal et assez ferme pour être
bien maintenue à l'intérieur de la bouche, adhérente à la cavité
1. Voir aux Défauts et tares du cheval.
72. de la mâchoire inférieure, car si elle était trop longue elle pen-
drait, ce qui est d'un aspect désagréable. Une langue pendante
est un défaut capital pour un cheval, parce qu'il est irrémédiable.
Tous les moyens essayés jusqu'à ce jour pour l'empêcher n'ont
jamais donné aucun bon résultat. Le cheval qui a l'habitude de
passer sa langue par dessus le mors est d'une conduite difficile,
car l'action du mors, n'étant plus mitigée par le support de la
langue, perd de son efficacité. La
bouche du cheval devient dure et
pleine de contractions. On réussit
quelquefois à empêcher ce défaut
par l'emploi du mors à palette.
Comme il est toujours dange-
reux d'explorer la bouche d'un
cheval, en tenant cette bouche avec
les mains, il est d'usage d'empoi-
gner la langue avec la main en
l'entrant par la partie dépourvue
de dents, c'est-à-dire en la passant
sur les barres, et de la porter un peu
sur le côté de la bouche, de façon à ce qu'elle se trouve pincée
entre les molaires inférieures et les molaires supérieures,
position dans laquelle le cheval ne peut plus mordre sans se
mordre lui-même la langue, ce qu'il se gardera bien de faire.
L'ENCOLURE Puisque nous avons commencé l'examen du
cheval par la tête, continuons par l'encolure.
L'encolure est la partie allongée qui relie la tête au corps.
Elle a comme point plus élevé la nuque, et comme base le
garrot. Sa partie supérieure est garnie de crins, qu'on appelle
la crinière, et sa partie inférieure, plus charnue, vient s'attacher
au poitrail.
73. L'encolure doit être puissante à sa base, et aller en s'amin-
cissant jusqu'à la nuque. Comme je ne m'occupe que de l'en-
colure du cheval de selle, je la préfère haute, suffisamment
longue et un peu arrondie, c'est-à-dire rouée à la partie supé-
rieure, car si elle l'était à la base, le cheval aurait trop de ten-
dance à s'encapuchonner. Il faut éviter les chevaux qui ont
l'encolure trop courte et surtout ceux qui l'ont renversée, c'est-
à-dire creusée en son milieu. Cette conformation est rebelle à la
mise en main et d'un effet disgracieux. On appelle « coude cerf »
la forme de cette encolure.
Comme vous le verrez dans le dressage du cheval, l'assou-
plissement de l'encolure étant d'une très grande importance, il
faudra choisir avec soin un sujet à encolure longue et flexible,
sans être trop grêle, trop « cou de cygne », afin que cet assou-
plissement ne dégénère pas en dislocation.
Certains chevaux, et des meilleurs, ont quelquefois sur la
partie latérale du cou, une marque plus ou moins profonde,
ressemblant à une cicatrice. Cette marque est naturelle, elle
s'appelle le « coup de lance », et les vieux auteurs la considèrent
presque toujours comme le signe d'une grande qualité chez
l'animal.
LE GARROT Le garrot est une saillie osseuse qui sert d'inter-
médiaire entre le cou et le dos du cheval, il se
trouve donc logé entre les deux épaules. Le garrot doit être
bien sorti, c'est-à-dire avoir une bonne élévation au-dessus du
dos, se prolonger le plus possible en arrière, surtout chez le
cheval de selle, mais il ne faut pas cependant que cette éléva-
tion soit exagérée, car le garrot devenant moins charnu à
mesure que le cheval prend de l'âge, finirait par être en lame de
couteau, et le manque de chair sur l'os qui en est le fond, occa-
sionnerait une sécheresse trop grande de cette partie, séche-
74. resse qui rend le derme cassant et trop facilement enclin aux
blessures occasionnées par la selle. Comme nous le verronsplus
tard, les chevaux ayant le garrot très sorti devront être équipés
avec des selles à garrot découpé. Le défaut contraire chez cer-
tains chevaux et surtout chez les juments, c'est d'avoir le garrot
peu apparent, pour ainsi dire enfoui dans les chairs. C'est l'in-
verse du garrot en lame de couteau, c'est le garrot empâté ; les
chevaux qui possèdent ce garrot manquent du reste générale-
ment d'espèce et sont difficiles à seller, car la selle n'étant pas
retenue en avant a tendance à glisser sur les épaules. Je le
déconseille donc absolument dans le choix d'un cheval de selle.
Du reste, le cheval à garrot élevé s'approchant le plus, sous ce
rapport, de la perfection, est le cheval haut de devant ; celui
qui a le garrot peu saillant est presque toujours le cheval bas
du devant. Cette défectuosité saute aux yeux des moins expé-
rimentés. C'est le garrot du cheval adulte, de six ou sept ans,
que je viens de décrire, car le poulain a rarement un garrot
bien sorti.
En somme, il n'est pas de cheval bien fait sans garrot
saillant.
LE REIN Le rein est la partie qui joint le dos à la croupe. Il
est, avec les jambes, une des parties les plus impor-
tantes du cheval, surtout du cheval de selle. Il doit donc être
le plus solide et le plus résistant possible. Pour cela il faut
qu'il soit court et large. Le dos et le rein d'un cheval doivent
juste avoir la longueur suffisante pour y poser la selle. Il doit
être droit et bien attaché sur les hanches et sur la croupe. Il y
a des dos arqués qui sont très solides, mais qui sont disgracieux
et donnent une grande raideur au cheval. Il y a des dos creux
et ce sont les plus mauvais, car cette forme concave entraîne la
faiblesse.
75. Quelques chevaux ont cette conformationde dos de naissance,
beaucoup la prennent en vieillissant, on dit alors qu'ils sont
ensellés, et par ce fait ils sont incapables de porter du poids.
Il faut donc les écarter, surtout comme chevaux de selle. Une
qualité très importante du rein est la souplesse, pour cette rai-
son que les muscles du dos comme tous les autres ne doivent
pas avoir de raideur. Cette souplesse est tellement importante
que tous les connaisseurs en chevaux pincent le dos du cheval
afin de voir si le rein cède et si le cheval se plie sous la pression
des doigts, ce qui témoigne du degré de souplesse de l'animal. Il
ne faut pas confondre la souplesse avec la faiblesse de certains
reins mous, mal attachés et étroits qui, tout en ayant une bonne
apparence, sont faibles. Le cavalier les reconnaîtra facilement
lorsqu'il se mettra en selle.
Les chevaux affectés d'un mauvais rein se plient presque en
deux et se jettent un peu de droite à gauche, en recevant le
poids du cavalier. Quelques chevaux cependant ne font ces
deux mouvements plus ou moins inquiétants que par excès de
sensibilité ;
c'est à l'habileté du cavalier à discerner le cheval
faible de rein du cheval seulement nerveux et impressionnable.
Par dérogation à ce que je viens de dire, je préfère le rein un
peu fléchi au-dessous de la ligne droite, au rein trop droit. Cette
forme légèrement affaissée donnera au cheval une grande sou-
plesse, très appréciable pour le cavalier. Il est bien certain que
cette forme légèrement concave du rein ne devra jamais être
exagérée, car nous retomberions dans la faiblesse ou dans l'en-
sellement.
LA CROUPE La croupe et la queue sont les régions qui vien-
nent après le rein, et tont partie de cet ensem-
ble qui s'appelle l'arrière-main ; la croupeé tant destinée, non
seulement à porter du poids, mais à supporter les efforts du
76. rein, il faut la rechercher puissante, c'est-à-dire large, avce la
pointedes hanches bien sortie. Ilne la faut pas trop longue, mais
cependant assez pour que le cheval ait de l'élégance. Il est
important aussi qu'elle soit assez droite et que celle-ci ne tombe
pas brusquement de la pointe des hanches à la pointe des fesses,
ce qui donnerait au cheval l'aspect très commun. Il aurait ce
qu'on appelle la croupe fuyante ou « ravalée ». La croupe devra
donc être puissante, large, et plutôt longue que courte.
LA QUEUE La queue est la prolongation de la colonne ver-
tebraie qui vient dépasser la croupe a la partie
supérieure. Pour qu'un cheval ait la queue bien attachée, il
faut qu'elle soit sur la même ligne que la partie supérieure de
la croupe et qu'elle soit fixée assez haut pour que le cheval, dès
qu'il se met en mouvement, porte la queue légèrement au-des-
sus de la ligne des reins.
La queue à l'état naturel est toujours longue et très four-
nie de crins, mais à toutes les époques la mode en modifie la
longueur et la forme. Les Romains déjà la coupaient très courte
ainsi que la crinière, puis sous Louis XIII et Louis XIV on la
laissait dans toute sa longueur, mais on la nouait chez le che-
val de selle et chez le cheval de parade.
Maintenant, suivant la mode, on la laisse tour à tour longue,
en brosse, en éventail, en sifflet, et quelquefois tellement rac-
courcie qu'il n'en reste pour ainsi dire plus.
Il est mêmechez le cheval un granddéfautqui est d'ailleurs une
maladie, c'est de ne pas avoir de poils sur la queue. Ces chevaux
s'appellent « queue de rat » ; chose curieuse, les chevaux affec-
tés d'une pareille queue sont presque toujours excellents.
« Queue de rat n'a jamais laissé son cavalier dans l'embarras. »
Enfin quelle que soit la queue, on l'a toujours vouluetrès haute,
c'est pour cela qu'autrefois on ajoutait aux croupières des che-
77. vaux des culerons releveurs, sorte de supports qui remontaient
la queue. Quant à la question des procédés artificiels pour faire
tenir la queue, elle relève d'un chapitre spécial sur le maquil-
lage et les transformations que l'on fait subir aux chevaux.
LE POITRAIL Le poitrail, qui forme la base de l'avant-main
du cheval doit être puissant et large d'une façon
générale, car étant formé des pectoraux et des muscles qui
rattachent les épaules et les jambes au tronc, s'il était étroit,
ces muscles n'auraient pas assez de développement, et par con-
-
séquent ne seraient pas robustes. Lorsqu'un cheval a le poitrail
étroit, on dit qu'il est étroit du devant, et c'est un grand défaut
pour les raisons que je viens de donner et encore pour
l'esthétique générale de l'animal. Cette largeur du poitrail, qui
est très appréciable, ne doit pas être non plus exagérée et doit
rester en rapport avec l'ensemble de l'animal pour cette raison
que si l'étroitesse du poitrail entraîne celle de l'avant-main, il
est bien certain qu'un poitrail trop large, trop empâté chez un
cheval léger, mince, est également un défaut.
En somme, les proportions doivent rester harmonieusesentre
le poitrail, le corps et l'ensemble de l'animal.
LE PASSAGE
DES SANGLES
Le passage des sangles correspond à ce qu'on
appelle chez l'homme la ceinture, c'est-à-dire
que cest la partie la plus rétrécie du corpsqui,
passant derrière le garrot, se continue de chaque côté des côtes,
de leur partie la plus amincie à celle de leur attache, en venant
tourner en dessous du cheval, à la partie aplatie qu'on nomme le
sternum. On dit qu'un cheval a un bon passage de sangles, lors-
que ce passage est bien marqué sous le ventre du cheval par
la présence d'une région plus incurvée qui se dessine un
peu en arrière du sternum.
78. LE VENTRE Un beau cheval doit avoir un ventreproportionné
à sa taille, ni trop resserré, ni trop développé.
Lorsqu'il est trop resserré, on dit qu'il est levretté, qu'il man-
que de boyaux, qu'il a de l'air sous le ventre.
Les chevaux ainsi construits se nourrissent généralement mal
et c'est bien regrettable, car ce sont presque toujours des che-
vaux énergiques, pleins de qualités. Ceux qui, au contraire, ont
un gros ventre sont ceux qui se nourrissent trop. Ceux-là, il faut
les museler à l'écurie, pour qu'ils ne se laissent pas aller à
satisfaire leur grand appétit qui les porte à se bourrer de paille.
La dimension exagérée du ventre chez un cheval le rend épais
et disgracieux. On dit qu'il a le ventre de vache. Les chevaux à
gros ventre sont généralement apathiques, lourds et paresseux.
Il faut cependant, pour ne pas tomber dans l'exagération,
admettre que le jeune cheval qui se nourrit d'herbes et n'est
pas encore engrainé ni entraîné, ait le ventre assez proé-
minent.
LES COTES Les côtes doivent être fortes et résistantes, ni
trop larges, ni trop étroites, de façon a ce que
le cheval de selle, tout en étant assez bien garni de chaque côté
ne soit pas non plus rendu trop volumineux par un écartement
exagéré des côtes. Cette bonne proportion avec l'ensemble du
cheval est surtout importante chez l'animal de selle, car de
même que le cavalier doit trouver un dos et un rein bien con-
formés pour s'asseoir, il doit pouvoir aussi loger ses jambes et ne
pas être gêné par un excès de largeur ou d'étroitesse.
On dit d'un cheval qu'il a les côtes plates, quand ces côtes,
insuffisamment arquées, se dessinent presque droites, et, dimi-
nuant le volume de la cage thoracique, compriment les organes
respiratoires et digestifs. Ces chevaux manquent généralement
de qualité.
79. LE FLANC Le flanc est la partie charnue qui se trouve
entre les côtes et les hanches. Sa forme dépend
immédiatement de celle du ventre. Nous ne nous étendrons pas
sur cette forme et sur ses dimensions car nous en avons déjà
fait la descriptionà propos du ventre en général. Le grand intérêt
qu'offre le flanc du cheval c'est la grande facilité avec laquelle
il relate les mouvements des organes de la respiration. C'est
par l'examen du flanc, par la lenteur ou la fréquence de ses
mouvements qu'on distingue le cheval poussif de celui qui ne
l'est pas. Par son agitation et l'irrégularité de ses battements
on reconnaît aussi son degré d'essoufflement, après un travail
plus ou moins exagéré.
MEMBRES
ANTÉRIEURS
La conformation de l'épaule est très importante,
car de sa longueur et de son degré d'obliquité
dépend la vitesse ou l'élévation des mouve-
ments du cheval, mouvements qui d'habitude produisent des
effets contraires. Je dis d'habitude, parce que certains chevaux,
particulièrement ceux doués de beaucoup de sang, peuventavoir
de la vitesse tout en levant les jambes. Il faut avant tout que
l'épaule soit longue, parce que de son développement dépend le
développementmusculaire correspondant et que de l'amplitude
du mouvement de l'épaule dépend celle du membre tout entier,
à condititon toutefois que le reste de ce membre soit bien
proportionné. Il faut encore que l'épaule soit oblique, l'obli-
quité, en effet, permet au membre de se soulever dans une
grande mesure et d'accomplir tout son jeu avant son retour sur
le sol.
Voyez le cheval oriental, le véritable pur sang, comme il
passe élégammentla jambe à une bonne hauteurà chaque enjam-
bée. La perfection pour moi c'est que le cheval porte bien la
iambe en avant, au pas et au trot, en la soulevant à une certaine
80. distance du sol, et vienne reposer son pied légèrement, bien
d'aplomb, ni trop sur la pince, ni trop sur le talon. Je proscris
donc le cheval qui rase le tapis, de même que celui qui
marche du genou. L'un risque d'accrocher le sol et de tomber,
l'autre perd du temps en l'air au lieu d'avancer. L'épaule, quel
que soit le cheval, doit être bien musclée, car c'est elle qui,
en faisant mouvoir les jambes, provoque et règle comme un
ressort le mouvement d'ensemble.
BRAS ET
AVANT-BRAS
Le bras et l'avant-bras forment la partie supé-
rieure de la jambe au-dessous de l'épaule. Je
n'ai rien de bien particulier à dire sur le bras
et sur l'avant-bras; plus ils seront musclés, plus ils seront
solides. Leur longueur doit être en proportion du reste de la
jambe, c'est-à-dire en former un peu plus de la moitié. Cepen-
dant, dans la recherche de la vitesse, il faut tenir compte de la
longueur de l'avant-bras, mais ne jamais tomber dans l'exagé-
ration car alors le cheval raserait le tapis et ce défaut compro-
mettrait la sécurité du cavalier.
Avant de terminer ces observations sur le bias, je signa-
lerai une excroissance de corne qui se trouve vers sa partie
inférieure et qu'on appelle lachataigne. Elle a peu d'importance
si ce n'est qu'elle prend souvent trop de développement et qu'on
est obligé de la tailler comme toutes les excroissances de
corne. De quelle utilité est la « chataigne » et que vient-elle
faire là ? Personne n'a jamais pu l'expliquer.
LE GENOU Le genou qui, entre parenthèse, ne correspond
en aucune façon au genou de l'homme, est l'arti-
culation qui sert au bas de la jambe à se mouvoir en dessous
de l'avant-bras. Il doit être sec, un peu descendu et formant
bosse de chaque côté de la jambe. S'il est trop gros et enveloppé
81. d'une texture molle, on ditqu'il estempâté. Ce genou ne vaut rien,
il est sujet aux maladies et déformations. De la qualité du genou
vice de naissance qui nuit beaucoup au bon aspect et à la soli-
dité du cheval dans sa marche. On dit du cheval
brassicourt qu'il est arqué. Il peut l'être aussi par
usure, c'est ce qui arrive assez fréquemment chez
les chevaux surmenés. Le défaut contraire pour un
cheval, c'est d'avoir le genou qui creuse en arrière.
Si le bas des jambes s'en va à droite et à gauche en
dessous des aplombs, on dit le chevalpaizard. Dans
d'autres cas, toujours à cause de la mauvaise con-
formation des genoux, le bas des jambes se trouve
tourné en dedans au lieu d'être en dehors, on dit
alors qu'il est cagneux. C'est laid et disgracieux.
Il faut donc éviter les chevaux ayant les pieds trop
en dehors ou trop en dedans, mais comme la per-
fection est rare et que dans le choix d'un cheval il
faut souvent faire quelques concessionsrelativement
à la beauté idéale, je préfèrerai le cheval panard
au cheval cagneux, car j'ai reconnu par expérience qu'il était
plus adroit.
82. LE CANON Le canon est immédiatementau-dessous du genou,
d'où il va rejoindre le boulet. Il doit être large,
court, descendant verticalement et sa qualité dépend de sa
sécheresse et de sa netteté. Il doit être également bien détaché.
Le tendon qui forme sa partie postérieure doit être aussi bien
sorti et très net. Cette netteté doit être contrôlée non seulement
par le regard mais aussi par le toucher. C'est en descendant
le pouce et l'index le long de la partie inférieure de la jambe
dr cheval composée du talon et du tendon qu'on peut constater
la netteté de l'une et de l'autre. Tout ce qui viendrait rompre
ces deux lignes ne pourrait être qu'une tare.
LE BOULET Le boulet est l'articulation formant aussi saillie
qui joint le canon au paturon. Ayant un rôle
très important dans le mécanisme de la jambe, il doit être fort,
large, épais sans être empâté, car s'il l'était,il ne serait plus net.
Une particularité du boulet qui n'a peut-être pas beaucoup
d'importance,c'est d'être muni à la partie postérieured'une touffe
de crins au milieu de laquelle se trouve une excroissance de
corne appelée l'ergot. On entend par fanon, l'ensemble cons-
titué par la touffe de crins et l'ergot. Chez les chevaux de race,
il est peu volumineux, mais il est gros et épais chez les che-
vaux communs.
LE PATURON Le paturon qui prend naissance au-dessous
du boulet sur lequel il s'attache vient se con-
fondre avec la partie supérieure de la couronne. Il joue absolu-
ment le même rôle que le poignet humain qui lie la main au
bras. Chez le cheval c'est lui qui fait mouvoir le pied au-dessous
du canon. Ce rôle est très important dans les mouvements
de flexion et d'extension de la jambe. C'est en partie de lui que
dépendentla sûreté et l'élasticitéde la marche d'un cheval. Il doit