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Printed at United Nations, Geneva
GE.07-51204–August 2007–2,415
UNCTAD/ALDC/AFRICA/2007
United Nations publication
Sales No. F.07.II.D.12
ISBN-13: 978-92-1-212343-1
ISSN 1990-5092
CNUCED	LEDÉVELOPPEMENTÉCONOMIQUEENAFRIQUE	NATIONSUNIES
Retrouver une marge d’action
La mobilisation des ressources intérieures
et l’Etat développementiste
NATIONS UNIES
CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT
LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE
EMBARGO
Le présent document ne doit pas être
cité ou résumé par la presse, la radio,
la télévision ou des médias
électroniques avant le 26 septembre
2007, 17 heures TU.
Retrouver une marge d’action:
CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT
Genève
Le développement économique
en Afrique
NATIONS UNIES
New York et Genève, 2007
la mobilisation des ressources intérieures
et l’État développementiste
Note
Les cotes des documents de l’Organisation des Nations Unies se composent
de lettres majuscules et de chiffres. La simple mention d’une cote dans un texte
indique qu’il s’agit d’un document de l’Organisation.
Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des
données qui y figurent n’impliquent de la part du Secrétariat de l’Organisation
des Nations Unies aucune prise de position quant au statut juridique des pays,
territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs
frontières ou limites.
Le texte de la présente publication peut être cité ou reproduit sans autorisation,
sous réserve qu’il en soit dûment fait mention. Un exemplaire de la publication
renfermant la citation ou la reproduction doit être adressé au secrétariat de la
CNUCED.
UNCTAD/ALDC/AFRICA/2007
PUBLICATION DES NATIONS UNIES
Numéro de vente: F.07.II.D.12
ISBN 978-92-1-212343-1
ISSN 1990–5114
Copyright © Nations Unies, 2007
Tous droits réservés
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’actionii
UNCTAD/ALDC/AFRICA/2007/1
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste iiiiii
­Remerciements
Le rapport Le développement économique en Afrique de cette année a été
préparé par une équipe composée de Samuel Gayi (chef d’équipe), Janvier
Nkurunziza, Martin Halle et Shigehisa Kasahara. Le premier chapitre s’inspire de
l’étude intitulée «Mobilizing non debt generating foreign and domestic resources
for achieving the MDGs in Africa» (La mobilisation des ressources intérieures
et étrangères non génératrices d’endettement aux fins de la réalisation des
objectifs du Millénaire pour le développement en Afrique), établie par Martin
Brownbridge pour un projet de la CNUCED sur le même thème financé à
l’aide du Compte de l’ONU pour le développement (cinquième tranche). Des
observations détaillées ont été reçues de Kamran Kousari et Martin Brownbridge
sur l’ensemble des chapitres, et de Chandra Patel sur les conclusions de politique
générale. Le manuscrit a été revu par Diana Barrowclough.
Une équipe du Service central de statistique et de recherche documentaire de
la Division de la mondialisation et des stratégies de développement du secrétariat
de la CNUCED, conduite par Flavine Creppy sous la supervision générale de son
responsable, Henry Laurencin, a apporté son concours en matière statistique.
Le rapport a été établi sous la supervision générale de Habib Ouane, Directeur
de la Division de l’Afrique, des pays les moins avancés et des programmes
spéciaux au secrétariat de la CNUCED.
Les services de secrétariat ont été assurés par Heather Wicks. La couverture a
été conçue par Diego Oyarzun-Reyes, et le texte a été édité par Michael Gibson.
La mise en page, les illustrations et la publication assistée par ordinateur ont été
réalisées par Madasamyraja Rajalingam.
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’actioniv
Table des matières
Page
Notes explicatives.............................................................................................vi
Abréviations.....................................................................................................vi
Introduction................................................................................................... 1
Chapitre premier.
La mobilisation des ressources intérieures: les questions en jeu............................. 6
A.	 Les ressources intérieures....................................................................... 6
B.	 Évolution de l’épargne............................................................................ 7
C.	 L’épargne des ménages......................................................................... 10
D.	 L’épargne des entreprises...................................................................... 15
E.	 Les recettes publiques: l’impôt............................................................. 17
F.	 Marchés financiers et intermédiation financière.................................... 21
G.	 Transferts des migrants.......................................................................... 28
H.	 La fuite des capitaux............................................................................. 32
I.	 Conclusion........................................................................................... 34
Chapitre 2.
Augmenter l’épargne tout en stimulant les investissements productifs................. 37
A.	 Introduction......................................................................................... 37
B.	 Augmentation de l’épargne................................................................... 39
C.	 Contraintes liées au crédit.................................................................... 46
D.	 Obstacles à l’investissement en Afrique................................................. 51
E.	 Incidences du climat des affaires sur la formation intérieure brute
	 de capital............................................................................................. 60
Chapitre 3.
Vers un «État développementiste»..................................................................... 64
A.	 Introduction......................................................................................... 64
B.	 L’État développementiste: concept et caractéristiques........................... 65
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 
C.	 Les réformes du secteur financier: limiter l’intervention
	 des pouvoirs publics pour éviter la «répression financière».................... 74
D.	 L’Afrique peut-elle engendrer des «États développementistes»?............. 83
E.	 Une «marge d’action» − Pour quoi faire?............................................. 94
F.	 Conclusions.......................................................................................... 98
Chapitre 4.
Retrouver et mettre à profit une marge d’action............................................. 100
A.	 Mobilisation de l’épargne intérieure................................................... 101
B.	 Développement des marchés financiers et promotion
	 des investissements productifs............................................................ 104
C.	 Mise en œuvre de politiques de financement et d’investissement
	 bien conçues: la nécessité d’un «État développementiste».................. 107
Notes	.......................................................................................................... 112
Bibliographie................................................................................................ 120
Liste des encadrés
1.	 Les nouveaux pays industriels: dynamique de l’accumulation
de capital, lien entre exportation et investissement et gestion
des rentes................................................................................................. 69
2.	 Le rôle des banques centrales dans le développement.............................. 75	
Liste des figures
1.	 Épargne intérieure brute en Afrique subsaharienne, 1960–2005................. 8
2.	 Épargne intérieure brute par région en développement 1960–2004............ 9
3.	 Indicateurs de densité de l’activité financière et
de l’intermédiation financière................................................................... 22
4.	 Flux de capitaux vers l’Afrique, 1985–2005.............................................. 30
5.	 Rapport entre la formation de capital et le climat des affaires.................... 61
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’actionvi
Liste des tableaux
1.	 Ventilation des taux d’épargne en Afrique, 2000–2005............................... 8
2.	 Données comparatives sur la facilité de faire des affaires........................... 53
3.	 Épargne nationale brute, investissement intérieur brut et
exportations dans les nouveaux pays industriels d’Asie et
en Afrique, 1951–2005............................................................................ 71
4.	 La fracture technologique entre l’Asie de l’Est et l’Afrique......................... 72
5.	 Taux de croissance du PIB par habitant: 50 premiers pays
en développement en 1960–1975 et comparaison avec
la période 1975–1989.............................................................................. 88
6.	 Évolution de l’économie par période et par région.................................... 89
Notes explicatives
Le terme «dollar» s’entend du dollar des États-Unis.
Afrique subsaharienne (ASS): Comprend l’Afrique du Sud sauf indication
contraire.
Afrique du Nord: Contrairement à la classification adoptée dans le Manuel
de statistiques de la CNUCED, le Soudan est considéré comme faisant partie
de l’Afrique subsaharienne, et non de l’Afrique du Nord, dans la présente
publication.
Abréviations
APD	 Aide publique au développement
FMI	 Fonds monétaire international
GATT	 Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce
IED	 Investissement étranger direct
NEPAD	 Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique
OCDE	 Organisation de coopération et de développement économiques
OMC	 Organisation mondiale du commerce
OMD	 Objectifs du Millénaire pour le développement
PAS	 Programme d’ajustement structurel
PIB	 Produit intérieur brut
RNB	 Revenu national brut
TIC	 Technologies de l’information et de la communication
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 
Introduction
L’un des principaux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD)
adoptés en 2000 au Sommet du Millénaire était de réduire de moitié le niveau de
la pauvreté absolue dans les États Membres d’ici à 2015. Si certaines régions en
développement ont bien progressé vers cet objectif, l’Afrique subsaharienne se
détache comme une région qui a peu de chances d’y parvenir d’ici à 2015 si les
tendances actuelles se maintiennent. À mi-parcours de l’année butoir, il ressort
en effet des dernières données sur la pauvreté que l’Afrique subsaharienne est
la seule région en développement où le nombre absolu de pauvres n’a cessé de
croître, même si en termes relatifs leur proportion est tombée de 47 % à 41 %
de la population totale entre 1999 et 2004 (Chen et Ravaillon, 2007). L’une des
raisons pour lesquelles l’Afrique subsaharienne risque de manquer l’objectif de
2015 tient à son taux de croissance économique relativement bas. En effet, en
dépit des avancées récentes d’un certain nombre de pays en termes de recettes
d’exportation, grâce aux prix élevés de quelques grands produits de base, le
taux de croissance dans la région de l’Afrique subsaharienne reste inférieur
aux 7 à 8 % qui sont nécessaires pour réaliser l’objectif du Millénaire pour le
développement consistant à réduire de moitié la pauvreté.
Pour stimuler le taux de croissance et le maintenir à un niveau qui
permettra aux pays d’Afrique de réduire de moitié la pauvreté d’ici à 2015,
il faut nettement accroître le volume des ressources intérieures et extérieures
consacrées au développement global en général et aux programmes de réduction
de la pauvreté en particulier. De nombreuses initiatives on été prises au niveau
international afin d’accroître le volume de l’aide publique au développement
(APD) et son élément don aux pays pauvres1. Mais, apparemment, les donateurs
risquent de ne pas atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés (OXFAM, 2007; The
Economist, 2007), et l’effet global de ces apports sur la réduction de la pauvreté
est resté marginal. L’efficacité limitée de l’APD en termes de développement a
été imputée pour partie à l’utilisation inefficiente de l’aide, ce qui signifie que
seuls des montants relativement restreints ont été effectivement utilisés aux
fins du développement (CNUCED, 2006a). Les flux d’investissements étrangers
directs (IED) vers l’Afrique, bien qu’en hausse ces dernières années, restent trop
limités sur le plan géographique et trop concentrés sur les industries extractives
pour avoir un effet notable en termes de création d’emplois et d’atténuation
de la pauvreté (CNUCED, 2005). En tirant parti des ressources financières
intérieures, on pourrait donc aider à mobiliser un financement additionnel afin
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action
de réduire le déficit de ressources de l’Afrique et d’accélérer le processus de
développement économique et de réduction de la pauvreté. En outre, une
moindre dépendance vis-à-vis du financement par des donateurs, avec les
conditions que celui-ci implique, favoriserait une meilleure «appropriation» du
processus de développement, puisque les ressources en question pourraient
être utilisées pour financer les priorités propres des pays plutôt que celles des
donateurs.
Il existe plusieurs sources potentielles de financement intérieur qui pourraient
fournir d’importantes ressources additionnelles pour le développement s’il en
était tiré parti comme il convient. Toutefois, les mesures de politique générale
prises jusqu’à présent pour accroître le montant total des ressources pour
le développement ne tiennent pas suffisamment compte du fait que les pays
d’Afrique doivent mieux mobiliser leurs ressources intérieures. Premièrement,
un certain nombre de réformes des finances publiques ont été mises en œuvre
en vue d’accroître les recettes publiques, mais ces réformes ont été limitées à
des mesures de base telles que l’introduction d’impôts à la consommation à
large assise, essentiellement sous la forme de taxe sur la valeur ajoutée, dont
l’effet sur les recettes publiques est resté limité. Deuxièmement, les efforts pour
mobiliser les transferts des migrants, qui représentent pourtant une importante
ressource extérieure pour certains pays africains sont restés limités. À l’heure
actuelle, comme ces flux de fonds échappent en grande partie au système
bancaire et sont utilisés pour des besoins de consommation ou vont, dans une
certaine mesure, au secteur de l’immobilier, ils n’ont guère d’effets positifs en
termes de développement. Troisièmement, il n’y a pas eu d’efforts concertés
pour tirer parti des ressources disponibles pour l’investissement provenant
du secteur informel malgré son importance et son dynamisme dans les pays
africains. Quatrièmement, la fuite des capitaux continue à priver les économies
africaines d’importantes ressources propres qui auraient permis de financer des
investissements intérieurs qui créent des emplois et qui procurent un revenu aux
vastes groupes de population sans emploi ou sous‑employés, ou qui leur assurent
un revenu accru. Cinquièmement, les réformes dans le secteur financier ont été
axées sur la libéralisation des taux d’intérêt et le démantèlement des barrières à
l’entrée dans le secteur bancaire pour accroître la concurrence, afin d’améliorer
la qualité des services d’intermédiation financière. Mais, jusqu’à présent, les
résultats ont été mitigés.
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 
Les besoins de l’Afrique en matière
de ressources financières
Les pays africains ont enregistré ces dernières années une performance
économique relativement robuste, ce qui est une évolution encourageante par
rapport aux précédentes décennies, où leur croissance économique était soit
négative soit nulle. Le continent a enregistré en 2006 un taux de croissance de
5,7 %, dépassant ainsi le taux record de 5,3 % enregistré en 2005 et celui de 5,2 %
enregistré en 2004 (CEA, 2007). La région de l’Afrique subsaharienne a enregistré
aussi un taux de croissance de son produit intérieur brut (PIB) par habitant
de 3,4 % en 2005, soit le taux le plus élevé depuis 1974 (Banque mondiale,
2007a). Cette très bonne performance est principalement due à la hausse des
prix des produits de base, aux effets positifs de la stabilité macroéconomique et
des réformes, aux flux substantiels de financement extérieur et à l’allégement de
la dette (CEA, 2007).
Malgré une performance macroéconomique robuste depuis le début du
siècle, les taux de croissance obtenus restent insuffisants pour permettre au
continent d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement d’ici à la
date butoir de 2015. Entre 1998 et 2006, cinq pays d’Afrique seulement (Angola,
Guinée équatoriale, Mozambique, Soudan et Tchad) sont parvenus aux taux de
croissance de 7 à 8 % qui sont nécessaires pour réduire de moitié la pauvreté
(CEA, 2007). En outre, bien que la région prise dans son ensemble ait obtenu ces
dernières années de bons résultats économiques, les taux de croissance y restent
tributaires de quelques produits de base et leur niveau moyen élevé masque de
fortes disparités de performance au sein de la région. La croissance économique
récente ne s’est pas non plus traduite par une progression correspondante de
l’emploi, et les peu nombreuses créations d’emplois observées ont concerné
essentiellement le secteur informel, car les industries extractives ayant contribué
à la croissance sont à forte intensité de capital et relativement isolées du reste de
l’économie (CNUCED, 2005; OIT, 2007). Ce phénomène de «croissance sans
emploi» est d’ailleurs une préoccupation majeure pour les Ministres africains des
finances, de la planification et du développement économique, comme exprimé
à Abuja en 2005 (CEA, 2005b).
Les choix de politique générale, la stabilité économique et l’environnement
extérieur sont autant de facteurs d’une importance cruciale qui déterminent la
performance économique des pays africains. Mais quelle que soit la situation,
il leur faudra disposer de ressources pour entreprendre des investissements
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action
productifs dans les secteurs économique et social et arriver à une structure
économique plus équilibrée fondée sur la diversification de l’économie
(CNUCED, 2003) et la création d’emplois. Les ressources actuelles ne sont ni
suffisantes ni assez stables pour permettre à la région de réaliser pleinement le
premier objectif du Millénaire pour le développement d’ici à 2015 (CNUCED,
2000a; CNUCED, 2005; CNUCED, 2006a; CEA, 2006).
L’exercice qui consiste à estimer le montant des ressources qu’implique la
réalisation des OMD est forcément de nature spéculative, mais il donne quand
même une idée approximative de l’actuel déficit de ressources. On considère
que, pour l’ensemble des pays en développement, il faudrait un montant
additionnel de 50 à 76 milliards de dollars par an pour atteindre les objectifs en
question. Pour l’Afrique, on estime généralement qu’il faudrait des ressources
additionnelles représentant entre 10 et 20 % du PIB (CEA, 2005a; CEA, 2006;
voir CNUCED, 2006a pour des observations plus détaillées sur les estimations
de coût).
En 2000, la CNUCED avait estimé qu’il fallait des taux d’investissement de 22
à 25 % pour porter durablement les taux de croissance à 6 % (CNUCED, 2000a).
Entre 2000 et 2004, l’Afrique subsaharienne a enregistré des taux d’investissement
moyens de 18,1 % du PIB seulement, alors que le chiffre pour l’Afrique dans son
ensemble atteignait 20,7 %. On explique généralement ces chiffres médiocres par
les taux d’épargne insuffisants ainsi que par l’absence d’options d’investissement
rentables. Sept pays seulement d’Afrique subsaharienne (Botswana, Érythrée,
Gabon, Lesotho, Mozambique, Sao Tomé‑et‑Principe et Tchad) sont arrivés à
des taux d’investissement supérieurs à 25 % du PIB. Mais en Afrique du Nord,
les taux d’investissement étaient nettement supérieurs et atteignaient 25,6 % en
moyenne (Banque mondiale, 2006).
Le déficit de ressources en Afrique doit être comblé en tirant parti de
ressources tant extérieures qu’intérieures. Or, une dépendance excessive vis‑à‑vis
des flux de capitaux étrangers pose certains problèmes (voir CNUCED, 2005;
CNUCED, 2006a). En renforçant la mobilisation des ressources intérieures, tout
en améliorant l’efficience et l’efficacité de l’utilisation de ces ressources, on
parviendra non seulement à réduire ou à éliminer le déficit de ressources, mais
aussi à amplifier la «marge d’action» de l’État afin de lui permettre de définir ses
objectifs en matière de développement et les moyens de les réaliser.
L’objet du rapport de cette année est d’examiner les possibilités pour les pays
africains d’accroître leur enveloppe globale de ressources intérieures afin d’être
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 
moins tributaires des ressources extérieures, notamment l’APD, et de diversifier
leurs ressources pour le développement. À titre d’objectif complémentaire, il
s’agit de consacrer ces ressources à des investissements productifs afin d’accroître
leur efficience. Pour atteindre ces objectifs, l’État devra assumer son rôle d’«État
développementiste», concept auquel le présent rapport entend redonner une
place centrale (voir le chapitre 3 où ce concept est traité). Il faut en effet que les
États africains retrouvent leur rôle développementiste afin de donner un véritable
sens au principe d’«appropriation» dans le cadre de la gestion macroéconomique
et de la gestion des ressources.
Cette mobilisation des ressources ne réglera pas bien entendu à elle seule tous
les problèmes auxquels sont confrontés les pays africains, sachant en particulier
que bon nombre d’entre eux sont dépourvus d’institutions et de ressources
humaines nécessaires pour faire du développement une réalité. Toutefois, dans le
moyen à long terme, si les pays africains pouvaient financer une part croissante de
leurs besoins en matière de développement en tirant parti de sources intérieures,
ils disposeraient de la flexibilité indispensable pour formuler et mettre en œuvre
des politiques adaptées à leurs problèmes économiques et sociaux ainsi que d’
autres problèmes de développement. La multitude de défis auxquels l’Afrique est
confrontée exige forcément une «diversité d’actions», en fonction de la situation
spécifique de chaque pays, plutôt qu’une approche identique pour tous. Dans
ce contexte, le rapport met en lumière la nécessité pour les pays africains de
disposer d’une plus grande marge d’action pour concevoir et mettre en œuvre
des politiques tirant le meilleur parti des ressources disponibles, de manière à
arriver à un cercle vertueux d’accumulation, d’investissement, de croissance et
de réduction de la pauvreté fondé sur le modèle de l’État développementiste.
Le chapitre premier expose succinctement les principales questions en
jeu pour la mobilisation des ressources intérieures dans le contexte des pays
africains. Le chapitre 2 examine les problèmes que pose l’accroissement du
niveau de l’épargne en Afrique et considère comment l’épargne constituée
pourrait être utilisée pour financer des investissements productifs et promouvoir
une croissance durable. Le chapitre 3 expose les caractéristiques de l’«État
développementiste» et examine l’applicabilité de celui‑ci à l’Afrique. Il y est
avancé que les conditions nécessaires sont actuellement en place pour que
les pays africains s’emploient à surmonter leurs problèmes de développement
dans le cadre d’un «État développementiste». Le quatrième et dernier chapitre
présente des conclusions de politique générale découlant des considérations
ci‑dessus.
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action
LA MOBILISATION DES RESSOURCES 
INTÉRIEURES: LES QUESTIONS EN JEU 
A. Les ressources intérieures
La faible mobilisation des ressources intérieures est généralement imputée
au bas niveau des revenus, à des facteurs démographiques et à la structure
des marchés financiers, éléments sur lesquels il est généralement difficile
d’agir dans le court à moyen terme. On a donc souvent supposé qu’il était
irréaliste d’attendre une progression importante et durable de la mobilisation
des ressources intérieures en Afrique. Cette mobilisation accrue des ressources
intérieures étant ainsi présentée comme l’«option dure» pour remédier au déficit
de ressources de l’Afrique (Aryeetey, 2004), la plupart des débats sur les moyens
de combler ce déficit ont été axés sur l’augmentation des apports de sources
extérieures, tels que l’APD et l’IED, et sur la réduction de la dette.
Cette focalisation n’est pas sans poser de problèmes dans le contexte de
l’Afrique, pour plusieurs raisons. Si l’aide publique au développement reste
une source majeure de financement dans la région, elle est instable, fortement
concentrée et tributaire des priorités (souvent géopolitiques ou stratégiques, y
compris pour des raisons touchant à la sécurité) des partenaires de développement
(CNUCED, 2006a). L’investissement étranger direct, qui a mobilisé beaucoup
d’attention récemment, est encore plus concentré en Afrique que l’aide
publique au développement. L’IED est lui aussi relativement instable et tend à
être concentré sur les industries extractives, sans guère de liens avec l’économie
nationale (CNUCED, 2005). Exception faite de l’Afrique du Sud, l’investissement
de portefeuille est insignifiant dans la région (CEA, 2006).
Un renforcement de la mobilisation des ressources intérieures présente de
nombreux avantages potentiels pour les pays africains. Premièrement, il les rendra
moins dépendants des apports de sources extérieures − un facteur d’instabilité
dommageable en termes de disponibilité des ressources − et moins vulnérables
aux chocs extérieurs. Deuxièmement, cela offrira aux pays africains une plus
grande marge d’action, en leur donnant une meilleure maîtrise du processus
Chapitre premier
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 
de développement et en renforçant la capacité de leurs États. Troisièmement,
le succès des efforts engagés pour développer la part des ressources intérieures
dans le processus de développement dépend de la capacité de l’État à améliorer
le climat économique intérieur, ce qui induit d’importants effets externes positifs.
Enfin, ces efforts seront aussi perçus par les donateurs et par les investisseurs
comme un signal positif, ce qui pourrait favoriser des apports de ressources
extérieures accrus.
Trois questions distinctes doivent être considérées pour que les ressources
intérieures puissent prendre une place plus importante dans le développement
économique des pays africains. Premièrement, la question du volume des
ressources existantes se pose; deuxièmement, ces ressources doivent être
détenues sous une forme qui en facilite une allocation utile du point de vue
économique et social. Enfin, les ressources disponibles doivent être utilisées
effectivement et efficacement.
Les principales sources de ressources intérieures sont l’épargne privée et les
recettes publiques. Les transferts des migrants, bien qu’ils ne soient pas générés
dans le pays, peuvent constituer une importante source de ressources intérieures
pour le pays qui les reçoit. Inversement, la fuite de capitaux affecte directement
le montant des ressources intérieures disponibles pour l’investissement. Il est
donc important d’examiner ces flux financiers dans l’analyse du volume total des
ressources intérieures disponibles, puisqu’ils peuvent avoir un effet soit positif,
comme dans le cas des transferts des migrants, soit négatif, comme dans le cas
de la fuite des capitaux.
B. Évolution de l’épargne
L’Afrique subsaharienne est la région en développement qui a le plus bas taux
d’épargne. En 2005, l’épargne intérieure brute dans la région représentait 17,6
% du PIB, contre 26,0 % en Asie du Sud, 24,0 % en Amérique latine et dans
les Caraïbes et près de 42,9 % dans les pays de l’Asie de l’Est et du Pacifique
(Banque mondiale, 2007a).
Ce taux d’épargne moyen pour l’Afrique masque, toutefois, d’importantes
disparités à l’intérieur du continent. En 2005, l’Algérie et la République du
Congo ont l’une et l’autre enregistré des taux d’épargne intérieure brute de plus
de 50 % de leur PIB, tandis que l’Érythrée et Sao Tomé‑et‑Principe avaient des
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action
taux largement en deçà de moins 20 %, dénotant une désépargne à une échelle
massive (Banque mondiale, 2006).
Le taux d’épargne en Afrique subsaharienne a évolué globalement de la
manière suivante. Entre 1960 et 1974, il a progressé régulièrement, passant
de 17,5 % à 24,3 % du PIB (Banque mondiale, 2007a). Le taux d’épargne a
connu ensuite une beaucoup plus grande instabilité, avant d’atteindre un niveau
record, à près de 26 %, en 1980. Puis est survenu l’«effondrement de l’épargne»
(Elbadawi et Mwega, 2000) en Afrique, avec une chute à un taux de moins de
15 % en 1992. Depuis, et malgré un léger redressement, le taux est resté bas et
a plafonné à 17,6 % du PIB en 2005 (Banque mondiale, 2007a).
Source: Banque mondiale, 2007a.
Tableau 1
Ventilation des taux d’épargne en Afrique, 2000–2005
(nombre de pays)
Taux négatif 0 à 10 %
du PIB
10 à 20 %
du PIB
20 à 30 %
du PIB
Plus de 30 %
du PIB
11 14 13 7 5
Source: Banque mondiale, 2007a.
Figure 1
Épargne intérieure brute en Afrique subsaharienne, 1960–2005
(en pourcentage du PIB)
10
12
14
16
18
20
22
24
26
28
1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 
Cette évolution a aussi été caractérisée par une disparité de plus en plus
grande entre les régions en développement, surtout depuis 1980. En Afrique les
taux d’épargne ont chuté, en Amérique latine ils ont stagné et en Asie de l’Est ils
ont bondi. Ces tendances reflètent la performance économique générale de ces
régions au cours des quatre dernières décennies (Hussein et Thirlwall, 1999).
Indépendamment du taux de l’épargne, une stabilité durable de l’épargne
est indispensable pour des investissements rationnels et prévisibles, et là encore
l’Afrique est moins bien placée que les autres régions en développement. L’une
des raisons majeures de cet état de choses est une instabilité des sources de
revenu plus forte en Afrique que dans les autres régions en développement,
essentiellement sous l’effet de chocs exogènes. Pour l’épargne intérieure brute
en pourcentage du PIB, l’écart type entre 1965 et 1992 a été de 8,7 % pour
l’Afrique, de 6,6 % pour les «Tigres» d’Asie de l’Est et de 6,0 % pour l’Amérique
latine et les Caraïbes (Schmidt‑Hebbel et al., 1994).
Source: Banque mondiale, 2007a.
Figure 2
Épargne intérieure brute par région en développement, 1960–2004
(en pourcentage du PIB)
10
15
20
25
30
35
40
45
1960 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004
Asie de l‘Est et Pacifique
Amérique latine et Caraïbes
Afrique subsaharienne
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action10
La capacité d’épargne est essentiellement déterminée par le niveau de
revenu, par le taux de croissance du revenu et par le ratio des inactifs aux actifs,
c’est‑à‑dire par le rapport entre la population âgée de moins de 16 ans ou de
plus de 60 ans et la population active (Loayza et al., 2000). Il existe une relation
positive entre le taux d’épargne et le revenu par habitant (Hussein et Thirlwall,
1999): le taux d’épargne augmente lorsque le taux de croissance du revenu
par habitant progresse. Enfin, les taux d’épargne semblent réagir de manière
négative aux hausses du ratio des inactifs aux actifs.
La volonté d’épargner, dans le même temps, semble dépendre de la facilité
d’accès aux instruments d’épargne, de l’attractivité de ces instruments et de la
situation économique (Wright, 1999; Hussein et Thirlwall, 1999).
Les taux d’épargne brute donnent un aperçu utile de la situation générale
en matière d’épargne dans une économie nationale. Mais ce ne sont pas des
indicateurs nécessairement fiables des ressources intérieures disponibles pour
l’investissement dans les pays africains, en partie à cause de l’imprécision des
données de la comptabilité nationale concernant l’épargne. En effet, la méthode
de calcul par dérivation de l’épargne considérée comme un facteur résiduel
d’autres variables implique d’importantes marges d’erreur (Deaton, 1990). En
outre, dans les pays africains, l’épargne des ménages est souvent une épargne de
précaution qui n’est pas prise en compte de façon adéquate dans les données de
la comptabilité nationale (Aryeetey et Udry, 2000).
Compte tenu du fait que l’épargne peut prendre de nombreuses formes, c’est
la nature des instruments d’épargne qui détermine largement les possibilités de
transformer l’épargne en investissements productifs. Pour comprendre la nature
de l’épargne et sa relation avec l’investissement, il convient d’examiner dans
les détails les options et les choix des ménages et des entreprises en matière
d’épargne.
C. L’épargne des ménages
En améliorant la mobilisation de l’épargne des ménages, on pourrait
dégager un volume important de ressources en faveur du développement.
En effet, l’épargne des ménages constitue l’essentiel de l’épargne en Afrique,
mais elle n’est pas utilisée pour le moment, de façon suffisamment productive
(Aryeetey et Udry, 2000). En comprenant pourquoi et comment épargnent les
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 1111
ménages, en particulier les plus pauvres d’entre eux, on pourra mieux définir
les mesures propres à accroître le volume des ressources disponibles pour le
développement.
Les ménages, surtout dans les zones rurales, ont des sources de revenu
instables. Faute d’accès à des services de crédit et d’assurance, ils doivent
compter sur ce qu’ils épargnent pour éviter de modifier leurs habitudes de
consommation (Deaton, 1990; Dercon, 2002).
L’épargne de précaution implique que, même avec un faible revenu disponible
et en l’absence d’instruments d’épargne attractifs, les ménages pauvres sont
forcés d’épargner une part substantielle de leur revenu. Au Ghana, par exemple,
il a été constaté que dans les zones rurales du sud du pays le ménage médian
épargnait plus de 30 % de son revenu (Aryeetey et Udry, 2000).
Ce comportement de précaution est la motivation essentielle de l’épargne
des ménages en Afrique. Selon des études concernant le Ghana, l’épargne
financière n’augmente en parallèle avec le revenu que chez les 10 % de ménages
les plus riches (Aryeetey, 2004). Cela laisse penser que, pour une grande partie
des ménages, l’épargne est une forme nécessaire d’assurance individuelle. Cette
observation a des incidences importantes, à la fois du point de vue de la structure
de l’épargne ainsi constituée et du choix de type d’épargne effectué par les
ménages. La structure de l’épargne des ménages a tendance à être irrégulière,
avec de fréquents mouvements de balancier entre épargne et désépargne et
avec une préférence pour les instruments d’épargne très liquides et accessibles
(Deaton, 1990).
Les instruments d’épargne à la disposition des ménages se répartissent en
quatre catégories: épargne non financière, épargne financière informelle,
épargne financière formelle et épargne financière semi‑formelle. Comme
c’est la composition du portefeuille d’épargne des ménages qui détermine
les fonds disponibles pour l’investissement, cet élément est important pour le
développement d’un pays.
En Afrique, l’épargne des ménages comprend essentiellement des biens
matériels et un peu d’épargne financière placée dans le secteur financier
informel. Seule une part restreinte de cette épargne est donc disponible pour
des investissements productifs.
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action12
L’épargne non financière
Les ménages détiennent souvent des portefeuilles très diversifiés d’actifs non
financiers, tels que cheptel, stocks de marchandises destinées à des transactions,
céréales ou matériaux de construction, qui sont acquis comme des richesses et
souvent achetés ou vendus afin de préserver des habitudes de consommation.
Bien qu’il y ait peu d’informations à ce sujet, des études montrent que les avoirs
des ménages dans les zones rurales sont constitués à 80 % environ d’actifs non
financiers (Aryeetey et Udry, 2000).
Le choix d’actifs non financiers comme instruments d’épargne dépend de
divers facteurs. Certains de ces actifs, comme le cheptel, les biens immobiliers
ou les bijoux, ont une valeur symbolique ou servent d’indicateurs du statut et/ou
de la richesse. Mais l’accumulation d’actifs non financiers comme instruments
d’épargne peut aussi résulter d’une décision de placement raisonnée dans un
contexte combinant risque élevé, environnement financier incertain et la difficulté
d’accès aux instruments financiers adéquats. Ainsi, si une certaine proportion
d’actifs non financiers continuera probablement à figurer dans le portefeuille
d’épargne des ménages dans les pays africains, une amélioration des services
financiers en termes d’accès, d’adéquation et de fiabilité pourrait favoriser
une augmentation de l’épargne détenue sous forme financière, les instruments
financiers venant se substituer aux formes d’épargne non financières.
L’épargne financière informelle
Le secteur financier informel offre un large éventail d’instruments d’épargne,
qui va de la simple collecte des dépôts jusqu’à d’importants groupements ou clubs
d’épargne autogérés (Wright, 1999). L’épargne prend essentiellement la forme
de dépôts modestes mais répétés, ce qui correspond aux besoins des ménages et
des petites entreprises. Les problèmes d’accès et de fiabilité sont moindres que
dans le secteur financier formel, dans la mesure où les organismes du secteur
financier informel opèrent dans un cadre communautaire géographiquement et
socialement bien délimité (Nissanke et Aryeetey, 2006).
Contrairement à ce qui se passe dans le secteur financier formel, l’épargne
du secteur informel génère rarement des intérêts. En général, les ressources
mobilisées grâce à l’épargne du secteur informel ne sont pas utilisées pour d’autres
investissements et ne procurent donc pas de rendement. Dans la plupart des
cas, par conséquent, les déposants doivent payer les services d’épargne. Si l’on
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 1313
considère que les ménages pauvres épargnent quand bien même ils perçoivent
l’équivalent d’intérêts négatifs, toute l’importance des services d’épargne pour
ces ménages et toute leur volonté d’épargner apparaissent manifestement. En
Afrique, les ménages combinent souvent plusieurs placements d’épargne auprès
de différents organismes, qui offrent des conditions différentes pour les dépôts
et les retraits. Ils peuvent ainsi mieux se prémunir contre le risque de non
remboursement et mieux s’adapter à leurs besoins financiers (Wright, 1999).
L’épargne financière formelle
En Afrique subsaharienne, l’épargne détenue dans le secteur financier formel
ne représente généralement qu’une faible proportion des actifs des ménages.
Selon une étude portant sur le nord du Ghana, sur les 20 % d’actifs détenus par
les ménages sous forme financière, 12 % sont détenus dans le secteur informel et
8 % dans le secteur formel (Aryeetey, 2004). Ces chiffres reflètent les difficultés
d’accès aux instruments d’épargne formels et, surtout, la méfiance vis‑à‑vis des
établissements financiers du secteur formel, ainsi que l’inadéquation entre les
instruments d’épargne formels et les besoins d’épargne des ménages pauvres.
Les banques sont le principal type d’établissements financiers du secteur
formel engagés dans la mobilisation de l’épargne en Afrique. Dans certains pays,
des bureaux de poste ont aussi été utilisés, compte tenu de leur vaste réseau. Plus
récemment, les réformes du secteur financier dans beaucoup de pays africains
ont conduit à une réduction du nombre d’agences bancaires du fait que les
banques, dégagées de l’ingérence des pouvoirs publics, se sont concentrées sur
les activités plus rentables et surtout en milieu urbain. Or, une présence accrue
des banques dans les zones rurales pourrait aider à promouvoir l’épargne dans le
secteur financier formel (Ikhide, 1996).
L’éloignement physique des agences bancaires n’est pas le seul facteur qui
limite la croissance de l’épargne financière dans le secteur formel. Le seuil
minimum élevé qui est fixé pour les dépôts et pour le solde des comptes, le
temps nécessaire pour effectuer les opérations et les procédures administratives
que cela implique découragent également les épargnants. En outre, la réticence
des banques à prêter aux ménages pauvres et aux petites entreprises n’encourage
pas l’épargne dans le secteur formel (Wright, 1999).
Mais il y a des signes encourageants, et la technologie devrait permettre de
surmonter certains obstacles, comme l’éloignement et les coûts de traitement,
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action14
qui freinent la fourniture de services dans les zones pauvres et rurales. Les
systèmes de banque par téléphone mobile permettent aux banques de fournir
des services financiers de base aux personnes démunies, y compris dans les zones
rurales. Bien que de création récente, ces systèmes comptent déjà des milliers
de clients dans des pays comme le Botswana, le Kenya et la Zambie (Honohan
et Beck, 2007)2.
Dans la plupart des pays africains, le degré de confiance dans les établissements
bancaires est faible. En effet, les pouvoirs publics étaient largement impliqués
dans l’activité des banques, surtout avant les récentes réformes du secteur
financier, et comme la nécessité politique a souvent prévalu sur la viabilité
commerciale les banques ont accumulé un énorme passif mettant en danger
leurs activités. Entre le milieu des années 80 et le milieu des années 90, bon
nombre de pays africains ont connu des crises du secteur bancaire. Il ressort
de l’étude de Daumont et al. (2004) sur les crises du secteur bancaire dans 10
pays africains entre 1985 et 1995 que plus de 50 % des prêts bancaires étaient
des prêts improductifs au Bénin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Guinée, en
Ouganda, en République‑Unie de Tanzanie et au Sénégal, la proportion n’étant
que légèrement inférieure au Ghana et au Nigéria. Dans beaucoup de pays,
ces crises ont été suffisamment graves pour affecter profondément l’économie
nationale. Au Bénin, par exemple, lors de la crise bancaire de 1988‑1990 les
trois banques du pays se sont effondrées parce que 78 % des prêts qu’elles
avaient accordés étaient improductifs, et cela a coûté à l’économie, selon les
estimations, l’équivalent de 17 % du PIB. Ces crises bancaires en Afrique étaient
dues essentiellement à la forte ingérence des pouvoirs publics, à une supervision
et une régulation défaillantes du secteur bancaire et à des problèmes de gestion
(Daumont et al., 2004).
Malgré les réformes, les banques n’ont pas sensiblement amélioré leurs
portefeuilles de prêts, et elles n’ont pas regagné la confiance du grand public.
L’épargne dans le secteur formel est placée en général sur des comptes de dépôt
à court terme et la proportion de l’épargne placée dans des instruments de dépôt
à plus long terme reste faible (Nissanke et Aryeetey, 1998).
L’épargne financière semi‑formelle
Le secteur financier semi‑formel qui émerge en Afrique se spécialise dans
la fourniture de services financiers aux ménages et aux petites entreprises qui
n’ont pas accès aux services financiers du secteur formel. Ce secteur comprend
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 1515
des organismes qui, bien que légalement constitués, ne sont pas réglementés au
même titre que les banques. Si ce secteur semi‑formel pourrait devenir important
pour la mobilisation de l’épargne des ménages, sa couverture est encore trop
limitée pour lui permettre de répondre efficacement aux besoins financiers de
nombreux ménages en Afrique.
Le secteur semi‑formel offre toutefois un grand potentiel pour mobiliser
davantage l’épargne dans la région. En effet, si les organismes du secteur
semi‑formel parviennent à proposer des instruments d’épargne sûrs et
raisonnablement liquides qui procurent des rendements positifs à un grand
nombre de ménages, il pourrait y avoir une augmentation substantielle de
l’épargne financière utilisable pour des investissements productifs en raison de
la réaffectation d’actifs financiers et non financiers actuellement détenus dans le
secteur informel.
En résumé, le choix de l’instrument d’épargne dépend de l’accessibilité, de la
fiabilité et de la pertinence des instruments d’épargne disponibles pour répondre
aux besoins des ménages en matière d’épargne. En Afrique, les ménages
épargnent essentiellement par précaution. Les actifs qu’ils détiennent remplacent
l’assurance et le crédit auxquels ils n’ont pas accès. Le schéma d’épargne ainsi
créé se caractérise par une épargne irrégulière et à court terme, et où il peut y
avoir, sur une période donnée, autant d’épargne que de désépargne (Deaton,
1990). Pour couvrir leurs besoins financiers, les ménages nécessitent donc des
instruments d’épargne sûrs et autorisant des petites transactions à intervalles
fréquents. La part très élevée des actifs non financiers dans les portefeuilles
d’épargne des ménages laisse penser qu’à l’heure actuelle, le secteur financier
ne répond pas comme il convient à ces besoins.
D. L’épargne des entreprises
L’épargne des entreprises a beaucoup moins mobilisé l’attention que l’épargne
des ménages et elle reste généralement mal connue, notamment dans les pays
en développement. Dans la plupart des pays africains, les données nécessaires
pour désagréger l’épargne privée en épargne des ménages et épargne des
entreprises n’existent pas. L’Afrique du Sud est l’un des rares pays d’Afrique qui
dispose de données suffisantes pour permettre un examen détaillé de l’épargne
des entreprises. Les éléments d’information disponibles à ce sujet laissent penser
que l’épargne des entreprises dépend de l’évolution de leur rentabilité, de
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action16
l’inflation, des taux d’intérêt et de l’offre de crédit (Aron et Muellbauer, 2000).
Mais comme en Afrique du Sud le secteur des entreprises et le secteur financier
sont beaucoup plus développés que ceux de la plupart des autres pays africains,
il est très difficile de transposer ces constatations aux autres pays de la région.
Dans la plupart des pays africains, les entreprises se répartissent en deux
catégories bien distinctes: un petit nombre d’entreprises formelles et un
grand nombre d’entreprises qui opèrent dans le secteur informel. Comme les
informations disponibles sur les entreprises dans la région sont trop souvent
focalisées sur la première catégorie uniquement, elles donnent une idée fausse
de la réalité à laquelle la plupart des entreprises sont confrontées.
Les grandes entreprises ont beaucoup plus de chances que les petites ou
micro entreprises d’obtenir un crédit bancaire (Bigsten et al., 2003). Si l’accès
à un financement et le coût de ce dernier sont problématiques pour la plupart
des entreprises en Afrique, ils le sont d’autant plus pour les petites entreprises
du secteur informel, soit la grande majorité des entreprises dans la région3.
Les entreprises doivent donc compter sur leurs bénéfices non distribués pour
financer non seulement leur fonds de roulement, mais aussi leurs nouveaux
investissements. Les entreprises en Afrique subsaharienne financent entre la
moitié et les trois‑quarts de leurs nouveaux investissements à l’aide de leur
propre épargne (Nasir et al., 2003; Blattman et al., 2004; Banque mondiale,
2007b).
L’épargne des entreprises leur est donc indispensable pour leur sécurité et
leur croissance. Face à un système financier qui ne répond pas à leurs besoins,
les entreprises doivent compter sur leur propre épargne pour se prémunir contre
les baisses temporaires de leurs recettes et pour financer leur développement. Il
ressort de l’étude de Fafchamps et al. (2000) que, au Zimbabwe, les entreprises
se constituent des stocks importants et ont recours dans une moindre mesure
à l’épargne financière pour se protéger dans un environnement opérationnel
risqué. Compte tenu du rôle crucial de l’épargne pour les entreprises, ces fonds
ont très peu de chances d’être utilisés autrement. En effet, comme beaucoup
d’entreprises ne peuvent pas se procurer de financement extérieur, leur épargne
sera soit directement réinvestie dans l’entreprise, soit conservée sous forme très
liquide afin d’être immédiatement disponible en cas de besoin.
Ce financement des nouveaux investissements à l’aide des bénéfices non
distribués peut être extrêmement efficace. Cette épargne constituée de bénéfices
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 1717
non distribués, en effet, est surtout accumulée par des entreprises prospères
et rentables, qui n’ont guère de raisons de choisir des investissements peu
productifs.
Il y a toutefois des raisons de penser que la situation actuelle en ce qui
concerne l’épargne et les investissements des entreprises en Afrique est loin
d’être optimale. Premièrement, le nombre élevé d’entreprises qui ont des
difficultés à se procurer du crédit démontre que leurs bénéfices non distribués
ne sont pas une source de financement suffisante par rapport à leurs besoins
perçus (Bigsten et al,. 2003). En effet, les entreprises qui passent du stade de la
micro entreprise à celui d’entreprise plus complexe sont proportionnellement
moins nombreuses en Afrique que dans les autres régions (Nissanke, 2001).
Deuxièmement, les investissements faits à l’aide de fonds propres peuvent être
productifs, mais d’autres options d’investissement pourraient être plus rentables
ou mieux adaptées aux besoins immédiats de l’entreprise. Enfin, faute de
possibilités de crédit et d’assurance pour beaucoup d’entreprises, leur épargne
doit être conservée sous une forme très liquide et ne peut donc pas être réinvestie
facilement par le système financier dans des investissements productifs. Cette
situation fait donc obstacle non seulement à la croissance des entreprises, mais
aussi au développement du secteur financier.
Un système financier mieux adapté aux besoins financiers des entreprises
permettrait de réduire leur volume d’épargne constituée pour s’assurer contre
d’éventuels risques. De ce fait, plus de ressources seraient disponibles pour
financer des investissements productifs.
E. Les recettes publiques: l’impôt
Le niveau et l’efficacité des dépenses publiques sont des questions d’une
importance essentielle pour que les ressources intérieures puissent devenir un
moteur du développement en Afrique. Les ressources du secteur public ont,
par rapport à l’épargne privée, un rôle distinct et complémentaire. Même si l’on
peut faire une distinction entre les recettes publiques, qui couvrent les dépenses
renouvelables, et l’épargne publique, qui finance les investissements à long terme,
les besoins auxquels elles pourvoient dans les deux cas sont immenses dans la
plupart des pays africains. Les dépenses publiques sont indispensables pour
mettre en valeur le capital humain et elles permettent de financer les services
publics essentiels tels que l’éducation et les soins de santé. Les investissements
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action18
publics, de leur côté, peuvent procurer les ressources pour les infrastructures
indispensables au développement du secteur privé.
L’équilibre entre dépenses et investissements importe par conséquent
moins que le niveau des ressources en cause et l’efficacité avec laquelle elles
sont utilisées. Étant donné que l’impôt représente la quasi-totalité des recettes
publiques dans la plupart des pays africains, une augmentation des recettes
fiscales peut aider de façon significative à mobiliser davantage de ressources
intérieures, à condition de ne pas décourager, dans le même temps, l’initiative
économique privée.
Le montant des recettes fiscales en pourcentage du PIB en Afrique était de
22 % en 2002 (Banque mondiale, 2005a), soit un chiffre inférieur à la moyenne
pour les pays développés. Pour l’Europe/Organisation de coopération et de
développement économiques (OCDE), la même année le chiffre atteignait
32 %. La pression fiscale en Afrique, toutefois, est plus forte que dans d’autres
régions en développement (Tanzi et Zee, 2000), même s’il y a des disparités
considérables au sein de la région. Elle est en effet beaucoup plus faible en
Afrique subsaharienne (20 %) qu’en Afrique du Nord (25 %). En outre, si l’on
exclut l’Afrique du Sud, la part de l’impôt en Afrique subsaharienne ne dépasse
pas 16 % du PIB (Banque mondiale, 2005a). Il y a aussi d’importantes disparités
entre les pays de la région, puisque exprimée en pourcentage du PIB, en 2002
la pression fiscale allait de plus de 38 % en Algérie et en Angola à moins de 10 %
au Niger, au Soudan et au Tchad (Banque mondiale, 2005a).
Le ratio de l’impôt au PIB dans un pays est déterminé par un ensemble de
facteursstructurels,principalementlerevenuparhabitant,ledegréd’urbanisation,
le taux d’alphabétisation, la part de l’industrie, de l’agriculture et des industries
extractives et le niveau des échanges commerciaux (Tanzi et Zee, 2000).
En Afrique subsaharienne en particulier, il a été établi que les facteurs
déterminants du ratio de l’impôt au PIB étaient essentiellement le revenu par
habitant, le niveau des échanges commerciaux et la part de l’agriculture et des
industries extractives dans l’économie (Stotsky et WoldeMariam, 1997). Le
revenu par habitant reflète la capacité contributive de la population et il sert
aussi d’indicateur du développement de l’économie en général. À ces deux
titres, il a été constaté une corrélation positive entre le PIB par habitant et des
ratios de l’impôt au PIB plus élevés. Bien qu’elles aient baissé ces dernières
années avec la libéralisation du commerce, les impositions qui frappent les
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 1919
échanges commerciaux restent des sources de recettes importantes pour les pays
africains. Il y a donc une corrélation positive entre le niveau des exportations et
des importations et une pression fiscale accrue. La part de l’agriculture dans
l’économie aurait, quant à elle, un effet négatif marqué sur le ratio de l’impôt au
PIB. En effet, dans les pays africains, le secteur agricole comprend essentiellement
de petits exploitants dont l’activité s’exerce dans le secteur informel et ne
génère que de modestes revenus imposables. La part des industries extractives
dans l’économie aurait elle aussi un effet négatif sur l’impôt, mais cet effet ne
s’explique pas clairement (Stotsky et WoldeMariam, 1997).
Pour comparer la fiscalité entre un pays et un autre, on peut notamment
déterminer le niveau de pression fiscale qui peut être «attendu» dans un pays
compte tenu des divers déterminants. Ce ratio de l’impôt au PIB attendu est
ensuite comparé au ratio effectif, ce qui correspond à la notion d’effort fiscal. Il
ressort des comparaisons de l’effort fiscal entre pays par Piancastelli (2001) que
l’effort est plus élevé en Afrique que dans les autres régions, en dépit des faibles
ratios de l’impôt au PIB qui y sont observés. Cela semblerait indiquer que, même
si ces ratios sont peu élevés en Afrique, ils sont supérieurs aux attentes compte
tenu de la structure et du niveau de développement des économies africaines.
Mais comme les mesures de la capacité contributive dépendent pour beaucoup
du modèle utilisé pour déterminer le ratio attendu, ces mesures restent très
limitées et n’ont qu’une valeur indicative.
Des ratios de l’impôt au PIB élevés ne signifient pas nécessairement qu’un
système fiscal est efficace. En fait, à travers la politique fiscale on détermine ce
que l’État procure et à qui, comment les dépenses publiques sont financées et qui
les paye (Addison et al., 2006). En tant que telle, cette politique s’inscrit au cœur
du plus vaste problème de la mobilisation et de l’utilisation des ressources. Les
recettes publiques devraient être mobilisées de telle manière que les acteurs du
secteur privé restent incités à travailler et à épargner, et les objectifs d’un système
fiscal optimal devraient être l’équité, l’efficacité et la simplicité administrative
(Thirlwall, 2003).
Dans le cadre des réformes fiscales qu’ils ont entreprises ces deux dernières
décennies, beaucoup de pays africains ont considéré l’impôt comme un
exercice technique et administratif, sans tenir compte de sa dimension politique.
À travers ces réformes, essentiellement dictées par les donateurs, on a cherché
à modifier la structure de l’impôt au profit d’impôts plus faciles à recouvrer et
considérés comme ayant des effets de distorsion moindres sur l’économie, en
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action20
général en privilégiant des impôts indirects comme la taxe sur la valeur ajoutée,
en réduisant les taux des impôts directs tout en élargissant leur assiette, et en
réduisant les impositions qui frappent les échanges commerciaux internationaux.
Sur le plan administratif, les réformes ont été axées sur le renforcement de la
capacité institutionnelle des administrations fiscales, en accroissant les effectifs
et leur rémunération, en améliorant la formation et le matériel technique et en
simplifiant les procédures.
Ces réformes ont toutefois été d’une utilité limitée en termes d’accroissement
des recettes fiscales des pays africains. Il est bien entendu indispensable
d’améliorer, du point de vue administratif et technique, le système fiscal, en
particulier en renforçant la capacité des administrations fiscales et en luttant
contre la corruption. Mais en privilégiant exclusivement ces aspects, les réformes
n’ont pas pris en compte le fait que l’impôt représente une relation de nature
politique entre l’État et la société (DiJohn, 2006).
Le faible niveau de recettes fiscales en Afrique est due en partie à des facteurs
qui rendent plus difficile le recouvrement de l’impôt, notamment un revenu
par habitant faible; un secteur agricole important; et un large rôle du secteur
informel dans la production, le commerce et l’emploi, secteur qui selon les
estimations représentait en 2001 78 % des emplois autres que dans l’agriculture
en Afrique (Xaba et al., 2002). Ce faible niveau de recettes fiscales dénote aussi
une relative faiblesse de l’État par rapport à certaines catégories de la société. La
capacité contributive en Afrique est généralement fortement concentrée sur un
petit nombre de particuliers et d’entreprises, qui parviennent souvent à échapper
à l’impôt grâce à leur pouvoir et à leur influence. La majorité de la population,
même si elle n’a guère de pouvoir politique ni d’influence, a en général une faible
capacité contributive qu’il est coûteux de chercher à exploiter, en particulier dans
les zones rurales (Fjeldstad et Rakner, 2003; Fjeldstad, 2006). En Ouganda, par
exemple, seules les entreprises de taille moyenne paient généralement l’impôt.
En effet, les grandes entreprises utilisent leur influence et leurs relations avec les
autorités pour échapper à l’impôt, et les petites entreprises peuvent se soustraire
à l’impôt en restant dans le secteur informel (Gauthier et Reinikka, 2006).
C’est, au bout du compte, la légitimité de l’État qui est au centre de la question
de l’impôt. En appliquant les critères de l’efficacité, de l’effectivité et de l’équité
non seulement dans le système fiscal mais aussi dans l’utilisation des ressources
publiques, il peut être créé un cercle vertueux où recouvrement de l’impôt,
services fournis et légitimité de l’État se trouvent renforcés. Selon une étude
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 2121
récente, en République-Unie de Tanzanie, par exemple, la grande majorité des
personnes seraient prêtes à payer davantage d’impôts si ces ressources servaient
à améliorer de façon manifeste les services publics (Fjeldstad, 2006). On voit
donc que s’il est indispensable pour mieux mobiliser les ressources intérieures
de réformer le système d’imposition, une telle réforme n’a guère de chances de
succès s’il n’y a pas une évolution plus radicale des relations entre l’État et la
société.
F. Marchés financiers et intermédiation financière
L’intermédiation financière fait le lien crucial entre épargne et investissement.
Un système financier qui fonctionne bien doit pouvoir mobiliser avec efficacité
des ressources et consacrer celles-ci aux options d’investissement les plus
productives. Sans une intermédiation financière efficace, il y a peu d’incitation
à détenir une épargne financière et les investissements ont tendance à rester
concentrés dans le secteur ayant généré l’épargne, qui n’est pas forcément le
plus productif. Le résultat est qu’il y a une mobilisation moindre des ressources
et que celles‑ci vont à des investissements moins productifs.
Il y a une forte demande de services financiers en Afrique, en dépit du bas
niveau de revenu. Les ménages ont besoin de services financiers pour gérer les
risques liés à l’instabilité de leurs sources de revenu, et les entreprises ont besoin
de financement pour se développer. Or, le système financier en Afrique n’a
guère répondu à la demande de services d’intermédiation financière efficaces.
Si les besoins ne peuvent pas être satisfaits, c’est essentiellement en raison
de la fragmentation et de la segmentation du secteur financier en Afrique. Les
services financiers sont fournis principalement par un secteur financier formel
de taille modeste qui se concentre sur le segment supérieur du marché, et par
un secteur financier informel plus important qui se concentre sur le segment
inférieur du marché. Il y a peu d’interaction entre les deux secteurs et il existe un
vide considérable à combler sur le marché des services financiers entre ces deux
segments de marché.
Le secteur financier formel
Le secteur financier formel en Afrique, comme dans les autres régions en
développement, comprend essentiellement les banques. Même si les organismes
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action22
financiers non bancaires et les marchés boursiers se développent dans certains
pays d’Afrique, leur influence reste généralement marginale par rapport à celle
du secteur bancaire (Brownbridge et Gayi, 1999; Aryeetey, 2004).
Comparativement, le secteur financier formel est peu performant en Afrique.
En 2005, le ratio des engagements exigibles (M3) au PIB, qui indique les
ressources monétaires mobilisées par le secteur financier formel, était de 32 %
en Afrique, contre 49 % en Asie de l’Est et le Pacifique et 100 % dans les pays à
revenu élevé (Honohan et Beck, 2007). La comparaison est encore plus parlante
pour le crédit au secteur privé, qui est déterminant dans la performance du
secteur financier en termes de services d’intermédiation. En 2005, le ratio du
crédit au secteur privé par rapport au PIB était en effet de 18 % en Afrique,
contre 30 % en Asie du Sud et 107% dans les pays à revenu élevé (Honohan et
Beck, 2007).
En outre, en Afrique les banques sont généralement concentrées dans
les grandes agglomérations et il y a peu d’agences dans les zones rurales.
Figure 3
Indicateurs de densité de l’activité financière
et de l’intermédiation financière
A. Ratio des engagements
exigibles au PIB, 2005
Pourcentage
Pourcentage
0
20
40
60
80
100
120
Afrique Asie de l’Est
et Pacifique
Pays à
revenu élevé
Afrique Asie du Sud Pays à
revenu élevé
B. Ratio du crédit au secteur privé
par rapport au PIB, 2005
0
20
40
60
80
100
120
Source: Honohan et Beck, 2007.
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 2323
Souvent aussi, elles appliquent pour les dépôts et pour les prêts des règles et
des procédures qui empêchent les ménages pauvres et les petites entreprises
d’accéder à leurs services. Ces obstacles comprennent par exemple un montant
minimum pour les dépôts et pour le solde des comptes de dépôt, ainsi que
des taux d’intérêt élevés et des garanties importantes pour les prêts. De ce fait,
dans beaucoup de pays africains une grande partie de la population est tout
simplement exclue du secteur bancaire. Au Ghana et en République-Unie de
Tanzanie, par exemple, 5 à 6 % de la population seulement a accès au secteur
bancaire (Basu et al., 2004).
L’un des principaux facteurs qui empêchent les banques de développer
leurs opérations dans les pays africains est leur capacité limitée de gestion
des risques (Nissanke et Aryeetey, 2006). Il existe des risques systémiques
élevés dans la région, où les économies sont exposées à d’importants chocs
endogènes ou exogènes tels que détérioration des termes de l’échange, conflits
politiques, changements climatiques exceptionnels et modifications radicales de
politique économique. Selon Honohan et Beck (2007), chaque pays d’Afrique
subsaharienne doit absorber une ou deux fois par décennie un choc majeur tel
que l’effondrement de son économie ou de ses structures politiques, dû à un
conflit, une famine, la désintégration de la vie politique et de la société ou des
facteurs exogènes. En outre, les risques inhérents aux emprunteurs potentiels
sont également importants dans la région. Il n’y a pas en général de registre des
emprunteurs et il est difficile, sinon impossible, d’obtenir des renseignements
sur le profil de risque des emprunteurs, en particulier pour les grandes banques
centralisées. Enfin, il n’y a souvent que peu de moyens de s’assurer que les
contrats commerciaux sont respectés dans les pays africains, et les recours
juridiques en cas de non remboursement des emprunteurs requièrent une
longue procédure, coûteuse et à l’issue incertaine.
Cette capacité insuffisante des banques en Afrique pour gérer les risques est
en grande partie une séquelle de la politique d’ingérence systématique de l’État
dans le secteur privé. Avant les récentes réformes, les banques étaient le plus
souvent contrôlées par les pouvoirs publics et les priorités politiques prévalaient
sur la viabilité commerciale. La concurrence entre établissements bancaires était
découragée et les banques étaient peu incitées à développer leurs activités. C’est
pourquoi les banques n’ont pas pu se doter de la capacité institutionnelle voulue
pour gérer les risques systémiques et spécifiques propres aux systèmes financiers
africains (Nissanke, 2001).
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action24
En partie pour remédier à ces problèmes, beaucoup de pays africains ont
entrepris de réformer leur secteur financier à partir du milieu des années 80. Ces
réformes, qui s’inscrivaient dans un plus vaste ensemble de réformes axées sur
l’économie de marché et souvent entreprises à la demande des donateurs, ont
comporté en général une libéralisation financière et des réformes institutionnelles
pour les mécanismes de réglementation prudentielle et les banques d’État en
difficulté (Brownbridge et Gayi, 1999). Elles ont permis de limiter l’ingérence
des pouvoirs publics dans le secteur financier et de renforcer la réglementation
prudentielle des établissements financiers mais, dans la plupart des cas, elles
ne sont pas parvenues à densifier ni à diversifier l’activité du secteur financier.
En fait, la concurrence n’a pas sensiblement augmenté et le secteur bancaire
dans beaucoup de pays reste de type oligopolistique (Senbet et Otchere,
2005). Vu leur faible capacité de gestion des risques et l’accent accru mis sur
la rentabilité, les banques ont été peu incitées à s’engager dans des activités
considérées comme coûteuses et risquées, comme celles qui consistent à fournir
des services bancaires aux ménages ruraux ou aux petites entreprises du secteur
informel. Elles ont donc fermé beaucoup de leurs agences dans les zones rurales
et concentré de plus en plus leur activité de crédit sur les grandes entreprises
et les obligations d’État. Le ratio du crédit au secteur privé par rapport au PIB a
ainsi diminué dans beaucoup de pays africains à la suite des réformes (Steel et
al., 1997).
Les gouvernements émettent des obligations à fort rendement pour attirer
des capitaux privés et combler ainsi leur déficit budgétaire parce qu’ils n’ont
plus directement accès aux ressources du secteur financier contrôlées par des
institutions publiques4. Ces actifs à fort rendement et à relativement faible
risque constituent désormais une part importante des créances bancaires.
Or, si en Afrique les créances sur le secteur privé représentent une part
nettement moindre des créances bancaires, alors que les créances sur l’État et
les entreprises d’État y sont plus importantes, cela signifie que les obligations
d’État prennent la place des investissements privés dans cette région (Honohan
et Beck, 2007). Aujourd’hui, les banques en Afrique ne remplissent guère leur
fonction essentielle de mobilisation de l’épargne et d’intermédiation financière.
On en veut pour preuve qu’en dépit d’une demande excédentaire de crédit, les
banques détiennent souvent un fort excès de liquidités5, en général sous la forme
d’obligations d’État, et que leurs portefeuilles de prêts sont surtout constitués par
des prêts à de gros clients privés présentant souvent des risques élevés (Nissanke
et Aryeetey, 2006).
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 2525
Les marchés financiers se sont considérablement développés en Afrique
récemment. Alors qu’en 1992 il n’existait en Afrique qu’une dizaine de marchés
boursiers, en 2002 on en dénombrait 24, ainsi que 2 216 sociétés cotées en
bourse (Senbet et Otchere, 2005). Toutefois, l’Afrique reste la région qui a les
marchés boursiers les plus modestes et souffrant d’un grave manque de liquidités.
Sur les 15 marchés boursiers en Afrique subsaharienne, sept ont une capitalisation
boursière inférieure à 10 % du PIB; à l’exception de la Bourse de Johannesburg
la valeur des échanges y est inférieure à 3 % du PIB; et à l’exception de trois ces
marchés ont des taux de rotation inférieurs à 10 % (Honohan et Beck, 2007). Cela
s’explique en partie par le cadre économique modeste dans lequel ces marchés
opèrent. En effet, il a été constaté qu’apparemment les marchés boursiers ne se
créent et ne se développent qu’au‑delà d’un certain niveau de développement
économique et d’accumulation de capital (Capasso, 2006). Il n’est pas exclu non
plus que les prescriptions réglementaires auxquelles sont assujettis les marchés
boursiers dans la région soient excessives et découragent beaucoup d’entreprises
d’y recourir pour lever des fonds (Honohan et Beck, 2007).
La mise en place et la bonne performance relative des marchés boursiers en
Afrique sont néanmoins encourageantes, et ces marchés pourraient contribuer
à la densification et à la diversification du système financier et jouer un
rôle important dans la répartition et le partage des risques. Mais au stade de
développement actuel de la plupart des pays africains, il semble douteux que
les marchés boursiers y aient un impact important sur le système financier et
a fortiori sur la croissance économique.
Le secteur financier informel
Le secteur financier informel recouvre l’ensemble des structures et des
transactions qui ne relèvent pas du secteur financier officiel d’un pays. Selon les
études, en Afrique ce secteur est plus important que le secteur financier formel en
termes d’influence, de couverture et même de valeur des transactions (Nissanke
et Aryeetey, 2006). On estime en effet que 20 % au maximum des ménages
africains ont accès au secteur financier formel (Honohan et Beck, 2007).
Parmi les intervenants qui offrent des services financiers dans le secteur
informel il y a aussi bien d’importants groupements d’épargne que des prêteurs
individuels. La gamme des services offerts est elle aussi vaste et comprend
divers instruments de collecte de l’épargne ou mécanismes de prêt, y compris
les transactions financières de caractère non commercial entre amis ou parents.
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action26
Les principaux intervenants dans ce secteur sont les collecteurs de dépôts, les
prêteurs et les associations de crédit. Il existe aussi des groupements de micro
assurance qui mettent en commun les modestes contributions de leurs membres
et procurent des fonds pour des événements particuliers tels que mariages ou
funérailles (Wright, 1999; Dercon, 2002). Les organismes du secteur financier
informel concentrent en général leur activité soit sur la collecte des dépôts soit
sur le crédit. Ceux, peu nombreux, qui combinent ces deux services ne sont
généralement ouverts qu’aux seuls membres.
Les transactions financières dans le secteur financier informel sont en général
fréquentes et de modeste ampleur, compte tenu du faible revenu disponible
des ménages et des petites entreprises et de leur préférence pour les liquidités.
Le secteur est dynamique, varié et bien adapté aux besoins de la population
en termes de services financiers, mais il ne joue pas un rôle significatif dans
l’intermédiation financière, malgré sa forte capacité de mobilisation de l’épargne.
Il semblerait que les stratégies de gestion des risques suivies par les organismes
du secteur financier informel, qui leur permettent d’opérer dans le segment
inférieur du marché financier, freinent dans le même temps leur expansion
(Nissanke et Aryeetey, 2006).
Les organismes du secteur financier informel appliquent en effet
essentiellement des stratégies de réduction des risques fondées sur une relation
individuelle avec le client et sur la répétition des transactions. Ces transactions
s’effectuent aussi dans le cadre d’une communauté qui, de par les pressions
sociales qu’elle exerce, minimise beaucoup les risques de fraude ou de défaut
de paiement (Nissanke et Aryeetey, 2006). Mais c’est justement parce qu’ils
sont tributaires d’une relation individuelle avec le client et des pressions que
la communauté peut exercer que ces organismes peuvent difficilement se
développer au-delà du cadre communautaire. Avec l’arrivée de nouvelles
technologies de l’information et de la communication (TIC), toutefois, les coûts
de transaction qui limitent l’échelle des opérations de ces organismes devraient
pouvoir être minimisés.
Le secteur financier semi‑formel
Il y a eu récemment dans les systèmes financiers africains une innovation
importante avec l’apparition d’organismes de microfinance, c’est‑à‑dire des
organismes financiers orientés vers les petites entreprises, les personnes pauvres
et les ménages qui n’ont pas accès au système financier plus structuré, pour
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 2727
mobiliser l’épargne et accéder aux services financiers (Basu et al., 2004). Ces
organismes appartiennent au secteur informel et aussi, dans une proportion
restreinte mais qui augmente, au secteur formel. Toutefois, certains organismes
de microfinance ne relèvent ni du secteur informel ni du secteur formel. Il s’agit
d’organismes qui sont dûment constitués et souvent réglementés dans une
certaine mesure, mais qui ne sont pas traités comme des banques ni assujettis à
l’application de règles prudentielles au sens le plus strict.
L’émergence de ce secteur semi‑formel semble très prometteuse pour
combler le vide qui subsiste, en termes de services financiers, entre le secteur
financier formel et le secteur financier informel. Beaucoup d’organismes de
microfinance ont recours aux méthodes et parfois même à des interlocuteurs
du secteur financier informel pour fournir des services financiers aux personnes
pauvres et dans les zones rurales sans encourir des coûts prohibitifs. On voit
aussi se tisser des liens entre organismes de microfinance et banques, dans la
mesure où les premiers passent par les mécanismes de dépôt et de crédit des
grandes banques du secteur formel.
Les organismes de microfinance du secteur semi‑formel se prémunissent
contre les risques en partie en recourant aux interlocuteurs et aux méthodes
du secteur financier informel, par exemple en utilisant le mécanisme du
crédit collectif. Mais la gestion des risques passe surtout par le développement
d’une large base de clientèle et par le plafonnement du montant des prêts. Le
portefeuille des organismes de microfinance en Afrique est de grande qualité.
On estime en effet que le ratio de l’encours à risque sur trente jours à l’encours
de prêt brut ne dépasse pas 4 % en Afrique, alors qu’il est supérieur à 5 % en
Asie de l’Est, en Asie du Sud et en Amérique latine (Lafourcade et al., 2005).
Le renforcement du secteur semi‑formel pourrait aussi aider à densifier et
à diversifier l’activité des systèmes financiers africains. Les organismes de ce
secteur peuvent jouer un rôle crucial dans le financement de la croissance des
petites et moyennes entreprises. Ils peuvent aussi participer à une mobilisation
et à une mise en commun accrues des ressources financières, et contribuer ainsi
directement à accroître le volume des ressources intérieures disponibles pour
des investissements productifs.
En résumé, les marchés financiers restent fragmentés et segmentés et ils ne
jouent pas pleinement leur rôle dans le développement économique des pays
africains. L’intermédiation financière est limitée et inefficiente dans le secteur
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action28
formel, quasiment inexistante dans le secteur informel et en voie d’émergence
seulement dans le créneau intermédiaire entre les deux. Si les ménages ont
accès à certains services financiers fournis par le secteur informel, ces services
restent coûteux et les ressources mobilisées ne sont pas utilisées pour des
investissements. Les petites et moyennes entreprises, dans le même temps, ont
toujours autant de difficultés à accéder à des services financiers adaptés à leurs
besoins, notamment en matière de crédit. Les grandes entreprises du secteur
formel et les riches particuliers vivant dans les centres urbains ont moins de
problèmes pour accéder aux services financiers. Mais les banques ont tendance
à investir les ressources qu’elles mobilisent dans des obligations d’État à fort
rendement et à faible risque, ou à les prêter à leurs clients traditionnels sans tenir
compte de la rentabilité de l’investissement (Senbet et Otchere, 2005).
Pour renforcer le rôle des ressources intérieures dans le développement
économique, il est indispensable d’améliorer, en quantité et en qualité, les
services d’intermédiation financière. Une meilleure intégration entre secteur
financier formel et secteur financier informel, éventuellement par l’expansion
du secteur semi‑formel, augmenterait la couverture du secteur financier et
permettrait de répondre aux besoins financiers d’un plus grand nombre de
ménages et d’entreprises. Un secteur financier plus intégré pourrait mieux mettre
en commun les ressources mobilisées et procéder à la transformation d’échéance
entre une épargne à court terme instable et des investissements à long terme
stables. Un système financier efficace avec une meilleure couverture pourrait
accroître les ressources financières de l’économie, mobiliser une plus grande
partie de ces ressources en faveur de l’investissement et améliorer l’affectation
des fonds en vue d’investissements productifs.
G. Transferts des migrants
Ces envois de fonds, qui sont des transferts monétaires ou non monétaires
effectués par les travailleurs émigrés vers leur pays d’origine, sont de plus en plus
considérés comme une importante source de financement du développement.
Au niveau global, ils représentent désormais la deuxième source de flux de
capitaux vers les pays en développement, après l’IED mais devant l’APD
(Solimano, 2003). En tant que ressource pour le développement, ces transferts
présentent plusieurs avantages par rapport aux autres flux de capitaux étrangers.
Leur progression régulière tout au long du cycle de croissance constitue un atout
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 2929
par rapport à l’instabilité des flux d’IED et d’APD. Ils ne sont ni générateurs
d’endettement ni assortis de conditions et ils présentent moins de risques de
déperdition que l’IED et l’APD. En outre, ces transferts de fonds ne semblent
pas avoir d’effets négatifs sur le secteur des exportations du pays de destination
(CEA, 2006).
Les données relatives aux transferts des migrants telles que présentées dans les
statistiques de la balance des paiements du Fonds monétaire international (FMI)
ne mesurent pas avec exactitude ces flux (Solimano, 2003). En englobant tous
les transferts privés dans le secteur autre que celui des entreprises, les données
du FMI ont tendance à y inclure des transferts qui ne sont pas à proprement
parler des envois de fonds. Toutefois, comme les transferts de fonds qui passent
par les circuits structurés sont souvent sous‑estimés, et que la forte proportion
des envois de fonds qui passent par les circuits informels n’est guère prise en
compte, on s’accorde à penser que les chiffres officiels des transferts des migrants
sont inférieurs aux flux réels. Les chiffres officiels donnent quant même une idée
de l’importance de ces transferts et de leur évolution dans le temps.
Les transferts de fonds vers les pays en développement officiellement
comptabilisés sont passés de 15 milliards de dollars en 1980 à 80 milliards de
dollars en 2002, soit un taux de croissance annuel de 7,7 % (Solimano, 2003).
L’Afrique dans son ensemble reçoit 15 % environ des transferts mondiaux des
migrants, dont les deux tiers vont à l’Afrique du Nord (CEA, 2006). Parmi les
régions, c’est celle de l’Afrique subsaharienne qui reçoit le moins de fonds
(4 milliards de dollars) et où ces transferts ont enregistré le plus faible taux de
croissance entre 1980 et 2002, à 5,2 % (Solimano, 2003). On a cependant des
raisons de penser que les chiffres officiels ont particulièrement tendance à être
sous‑estimés du fait qu’en grande partie ces transferts transitent par les circuits
informels faute d’accès, dans de nombreux endroits, à des mécanismes de
transfert formels.
L’utilisation des circuits informels est aussi favorisée par le fait que les
mouvements migratoires dans la région se font pour beaucoup au niveau
intrarégional, et dans le court à moyen terme (Sander et Maimbo, 2003). En
outre, les intermédiaires qui se chargent des transferts informels offrent certains
avantages, tels qu’anonymat, rapidité et minimum de formalités (Gupta et
al., 2007). On estime donc que le montant réel des transferts de fonds dans la
région est au minimum deux fois supérieur au chiffre annoncé (CEA, 2006).
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action30
Même si l’on suppose que leur chiffre est sous‑estimé, les transferts des
migrants constituent des apports de capitaux importants pour les pays africains.
Ces envois de fonds, représentant 2,5 % du produit national brut de l’Afrique.
Toutefois, l’importance de ces transferts varie considérablement d’un pays à
l’autre. Si l’Égypte, la Gambie, le Lesotho et le Maroc reçoivent des transferts
de fonds représentant plus de 5 % de leur revenu national brut, dans beaucoup
d’autres pays ces transferts sont négligeables.
L’importance de ces transferts d’un pays à un autre dépend essentiellement
de la structure des mouvements migratoires. Les travailleurs émigrés bien
formés et qui ont un bon salaire dans leur pays de résidence envoient des fonds
plus importants. Mais il est évident aussi que même si ces transferts de fonds
constituent un apport important pour un pays, ils ne peuvent guère compenser
qu’une fraction du coût que représente pour lui l’émigration de ses ressortissants.
Ce coût est très lourd en Afrique subsaharienne, où les personnes qualifiées sont
particulièrement nombreuses à émigrer. Certains pays, comme le Burundi ou le
Figure 4
Flux de capitaux vers l’Afrique, 1985–2005
(en millions de dollars É.‑U.)
Sources: CNUCED 2006b, OCDE 2007 et FMI 2007.
0
5'000
10'000
15'000
20'000
25'000
30'000
35'000
40'000
1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005
APD IED Envois de fonds
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 3131
Mozambique, ont perdu ainsi plus d’un tiers de leurs ressortissants qualifiés en
âge de travailler, à travers l’émigration (Gupta et al., 2007).
En ce qui concerne les motivations des migrants qui rapatrient des fonds, on
fait généralement la distinction entre altruisme et intérêt personnel. Les migrants
qui agissent par altruisme effectuent des transferts de fonds pour améliorer le
bien‑être des membres de leur famille dans leur pays d’origine. Ceux qui agissent
plutôt par intérêt choisissent un certain type de placement lorsqu’ils décident
d’investir dans leur pays d’origine. Si c’est l’altruisme qui prévaut, les transferts
de fonds seront plutôt de type anticonjoncturel. Réciproquement, si l’intérêt
personnel est la principale motivation, les transferts de fonds seront plutôt de
type pro-conjoncturel. En réalité, les faits ne sont pas clairs et il semblerait que
les rapatriements de fonds obéissent à l’un et l’autre type de motivation, les
rapatriements de fonds en Afrique subsaharienne se révélant d’une stabilité
remarquable tout au long du cycle de croissance (Gupta et al, 2007).
Les transferts des migrants peuvent avoir un effet positif dans le pays de
destination de plusieurs manières. Premièrement, en tant qu’apports de
capitaux étrangers, ces fonds améliorent la situation de la balance des paiements
des pays qui les reçoivent. Deuxièmement, ces fonds réduisent directement la
pauvreté et aident à préserver les habitudes de consommation des ménages,
et ils contribuent ainsi indirectement à stabiliser l’activité économique du pays
(PNUD, 2005). Selon les estimations, 80 % environ des fonds rapatriés en
Afrique sont utilisés pour des dépenses de consommation et pour couvrir des
frais de scolarité (CEA, 2006). La consommation accroît la demande de produits
locaux et elle peut, par un effet multiplicateur indirect, promouvoir l’emploi et
l’investissement. Les dépenses faites pour les études ou pour la santé, quant à
elles, améliorent le capital humain du pays et ont ainsi un effet sur sa productivité
à long terme. Souvent aussi ces fonds sont investis dans des terres, du cheptel
ou des biens immobiliers, même si cela reste secondaire par rapport à leur
utilisation pour faire face aux nécessités quotidiennes ou à des dépenses au profit
du capital humain (Sander et Maimbo, 2003). Enfin, certaines études montrent
que les fonds rapatriés sont de plus en plus investis, surtout pour financer des
petites ou moyennes entreprises ou des petits projets d’infrastructure (Sander et
Maimbo, 2003; PNUD, 2005).
En résumé, les transferts des migrants constituent, pour le développement, une
ressource importante et qui croît régulièrement et ils aident à compenser le coût
de l’émigration, à accroître les revenus des ménages et à améliorer la balance
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action32
extérieure des pays qui les reçoivent. Avec des politiques et des institutions
appropriées, ils pourraient davantage servir pour le développement et aller à des
investissements productifs qui contribuent à l’emploi et à la croissance.
H. La fuite des capitaux
La fuite de capitaux réduit le montant des ressources disponibles pour les
investissements intérieurs, tant privés que publics. Il est donc important de
comprendre les raisons de ce phénomène afin d’en limiter l’ampleur et de
contribuer ainsi à promouvoir l’épargne et les investissements intérieurs.
La fuite de capitaux n’est pas un concept clairement délimité et il en
existe diverses définitions et méthodes de mesure. La différence conceptuelle
essentielle entre les diverses méthodes de mesure de ce phénomène tient à la
définition des sorties de capitaux qui sont prises en compte, et notamment à la
distinction qui est faite entre l’exode de capitaux dû à une situation politique et
économique difficile, et les sorties de capitaux «normales» qui auraient eu lieu
indépendamment de ces difficultés. Si dans une catégorie de mesures on prend
en considération le montant total des ressources qui quittent le pays, dans l’autre
on prend en compte plus spécifiquement les poussées épisodiques de sorties
de capitaux dues à des conditions défavorables. Ces différentes méthodes de
mesure produisent bien entendu des estimations contradictoires de l’ampleur du
phénomène dans les pays africains. En réalité, il existe peu d’études empiriques
sur la fuite des capitaux dans les pays africains et il est presque impossible de
les comparer, car ces études reposent sur des définitions du phénomène, des
méthodes de calcul, des pays et des périodes qui ne sont pas identiques.
Selon des estimations très prudentes, on chiffre le montant des capitaux qui
ont fui l’Afrique entre 1976 et 1997 à près de 3 milliards de dollars en moyenne
par an, soit une perte annuelle de 2,6 % du PIB (Lensink et al., 2000). D’autres
estimations chiffrent à plus de 13 milliards de dollars par an les capitaux qui ont
fui entre 1991 et 2004, soit un pourcentage vertigineux de 7,6 % du PIB annuel
(Salisu, 2005). Le stock cumulé de capitaux ayant fui l’Afrique subsaharienne
entre 1970 et 1996 est chiffré à environ 285 milliards de dollars. Sachant que la
dette extérieure combinée de la région était de 178 milliards de dollars en 1996,
on peut soutenir que cela fait de l’Afrique subsaharienne un «pays créancier» (en
termes nets) vis‑à‑vis du reste du monde (Boyce et Ndikumana, 2001).
La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 3333
De même qu’il existe d’importants écarts entre les estimations de l’ampleur
du phénomène de la fuite de capitaux à partir des pays africains, il n’y a pas
de consensus concernant son évolution dans le temps. En effet, s’il ressort de
l’étude de Collier, Hoeffler et Patillo (2004) que cet exode a atteint un pic avec
un chiffre représentant 35 % de la richesse du secteur privé, en 1988, pour
diminuer ensuite, selon Salisu (2005) le chiffre de ces sorties de capitaux serait
passé de 15 milliards de dollars en 1991 à 30 milliards de dollars en 2003, ce
qui signifie qu’il aurait doublé.
Il ressort néanmoins de l’ensemble de ces études que ce phénomène prive
actuellement d’importantes ressources des pays qui en auraient un besoin urgent
pour financer leur développement. En effet, indépendamment du fait que ces
sorties de capitaux représentent 5 % du PIB (Ajayi, 1997) ou plus de 7 % (Salisu,
2005), il est clair qu’en évitant cet exode on pourrait réduire considérablement
le déficit de ressources dans les pays africains.
Le phénomène de la fuite des capitaux résulte d’une décision de placer ses
avoirs à l’étranger plutôt que dans l’économie nationale et il dépend, à ce titre,
de facteurs tels que l’instabilité macroéconomique et politique ou la densité
de l’activité du marché financier, qui déterminent les rendements des avoirs
intérieurs, ajustés en fonction des risques.
Les études empiriques pour déterminer plus précisément les facteurs qui
contribuent à la fuite de capitaux donnent des résultats différents selon la
définition du phénomène et le choix de l’échantillon. Toutefois, certains facteurs
semblent avoir plus d’influence que d’autres. Parmi les indicateurs de l’instabilité
financière, c’est le niveau de la dette extérieure qui semble le plus nettement
lié à l’exode de capitaux. Apparemment, en dénotant une mauvaise gestion
financière et en laissant aussi présager des hausses d’impôt futures, la dette
extérieure encourage les sorties de capitaux. Dans certains cas aussi, c’est la dette
qui aurait procuré des fonds pour les sorties de capitaux (Ajayi, 1997). D’autres
signes encore de mauvaise gestion économique semblent favoriser l’exode de
capitaux, par exemple surévaluation de la monnaie, déséquilibres budgétaires
et taux d’inflation élevés. Les données empiriques concernant l’influence de ces
facteurs sur l’exode de capitaux en Afrique sont, toutefois, plus ambiguës.
Il y a une corrélation étroite entre la stabilité politique et le phénomène de la
fuite de capitaux. Une stabilité politique insuffisante provoque directement une
fuite accrue des capitaux et conduit souvent à l’instabilité macroéconomique,
Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action34
avec des possibilités d’investissement réduites et un risque accru pour les
détenteurs d’avoirs intérieurs. Les indicateurs de la stabilité politique et de
la bonne gouvernance sont donc corrélés de façon négative aux niveaux du
phénomène de la fuite de capitaux (Collier et al., 2004; Lensink et al., 2000).
Les différences de taux de croissance entre un pays et un autre favorisent
également les sorties de capitaux du pays avec la croissance économique
moindre vers le pays avec la croissance économique plus forte et offrant des
possibilités accrues et des rendements plus élevés. La densification de l’activité
des circuits financiers devrait également décourager l’exode de capitaux en
améliorant, quantitativement et qualitativement, les possibilités d’investissement
ainsi que les rendements de ces investissements (CEA, 2006). Quant à l’effet sur
l’exode de capitaux de la libéralisation du compte de capital, qui a fait partie des
réformes du secteur financier dans beaucoup de pays africains, il est contesté.
Si cette libéralisation facilite le transfert d’actifs à l’étranger, légalement ou
illégalement, on a aussi fait valoir qu’elle créait des possibilités d’investissement
dans le pays. Sur ce point, les faits sont contradictoires (Collier et al., 2001).
Le phénomène de la fuite des capitaux, peu importe comment il est défini,
prive actuellement les pays africains d’un volume de ressources considérable.
Son inversion pourrait contribuer à combler le déficit de ressources dans ces
pays.
I. Conclusion
En Afrique, les ressources financières intérieures viennent essentiellement
de l’épargne privée et des recettes publiques. Les taux d’épargne intérieure
brute y sont bas et instables, et ils se sont considérablement contractés au cours
des quatre dernières décennies. Paradoxalement, les études montrent que les
ménages africains épargnent en fait une très forte part de leur revenu. Mais
à cause, en grande partie, des insuffisances du secteur financier formel, cette
épargne est constituée sous une forme non financière ou dans le secteur informel,
et ne va donc pas à des investissements productifs. Les entreprises génèrent aussi
une épargne, mais les dysfonctionnements du marché du crédit les obligent à
conserver cette épargne essentiellement pour financer leurs investissements avec
leurs fonds propres.
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  • 1. Printed at United Nations, Geneva GE.07-51204–August 2007–2,415 UNCTAD/ALDC/AFRICA/2007 United Nations publication Sales No. F.07.II.D.12 ISBN-13: 978-92-1-212343-1 ISSN 1990-5092 CNUCED LEDÉVELOPPEMENTÉCONOMIQUEENAFRIQUE NATIONSUNIES Retrouver une marge d’action La mobilisation des ressources intérieures et l’Etat développementiste NATIONS UNIES CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE EN AFRIQUE EMBARGO Le présent document ne doit pas être cité ou résumé par la presse, la radio, la télévision ou des médias électroniques avant le 26 septembre 2007, 17 heures TU.
  • 2. Retrouver une marge d’action: CONFÉRENCE DES NATIONS UNIES SUR LE COMMERCE ET LE DÉVELOPPEMENT Genève Le développement économique en Afrique NATIONS UNIES New York et Genève, 2007 la mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste
  • 3. Note Les cotes des documents de l’Organisation des Nations Unies se composent de lettres majuscules et de chiffres. La simple mention d’une cote dans un texte indique qu’il s’agit d’un document de l’Organisation. Les appellations employées dans la présente publication et la présentation des données qui y figurent n’impliquent de la part du Secrétariat de l’Organisation des Nations Unies aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes ou zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières ou limites. Le texte de la présente publication peut être cité ou reproduit sans autorisation, sous réserve qu’il en soit dûment fait mention. Un exemplaire de la publication renfermant la citation ou la reproduction doit être adressé au secrétariat de la CNUCED. UNCTAD/ALDC/AFRICA/2007 PUBLICATION DES NATIONS UNIES Numéro de vente: F.07.II.D.12 ISBN 978-92-1-212343-1 ISSN 1990–5114 Copyright © Nations Unies, 2007 Tous droits réservés Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’actionii UNCTAD/ALDC/AFRICA/2007/1
  • 4. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste iiiiii ­Remerciements Le rapport Le développement économique en Afrique de cette année a été préparé par une équipe composée de Samuel Gayi (chef d’équipe), Janvier Nkurunziza, Martin Halle et Shigehisa Kasahara. Le premier chapitre s’inspire de l’étude intitulée «Mobilizing non debt generating foreign and domestic resources for achieving the MDGs in Africa» (La mobilisation des ressources intérieures et étrangères non génératrices d’endettement aux fins de la réalisation des objectifs du Millénaire pour le développement en Afrique), établie par Martin Brownbridge pour un projet de la CNUCED sur le même thème financé à l’aide du Compte de l’ONU pour le développement (cinquième tranche). Des observations détaillées ont été reçues de Kamran Kousari et Martin Brownbridge sur l’ensemble des chapitres, et de Chandra Patel sur les conclusions de politique générale. Le manuscrit a été revu par Diana Barrowclough. Une équipe du Service central de statistique et de recherche documentaire de la Division de la mondialisation et des stratégies de développement du secrétariat de la CNUCED, conduite par Flavine Creppy sous la supervision générale de son responsable, Henry Laurencin, a apporté son concours en matière statistique. Le rapport a été établi sous la supervision générale de Habib Ouane, Directeur de la Division de l’Afrique, des pays les moins avancés et des programmes spéciaux au secrétariat de la CNUCED. Les services de secrétariat ont été assurés par Heather Wicks. La couverture a été conçue par Diego Oyarzun-Reyes, et le texte a été édité par Michael Gibson. La mise en page, les illustrations et la publication assistée par ordinateur ont été réalisées par Madasamyraja Rajalingam.
  • 5. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’actioniv Table des matières Page Notes explicatives.............................................................................................vi Abréviations.....................................................................................................vi Introduction................................................................................................... 1 Chapitre premier. La mobilisation des ressources intérieures: les questions en jeu............................. 6 A. Les ressources intérieures....................................................................... 6 B. Évolution de l’épargne............................................................................ 7 C. L’épargne des ménages......................................................................... 10 D. L’épargne des entreprises...................................................................... 15 E. Les recettes publiques: l’impôt............................................................. 17 F. Marchés financiers et intermédiation financière.................................... 21 G. Transferts des migrants.......................................................................... 28 H. La fuite des capitaux............................................................................. 32 I. Conclusion........................................................................................... 34 Chapitre 2. Augmenter l’épargne tout en stimulant les investissements productifs................. 37 A. Introduction......................................................................................... 37 B. Augmentation de l’épargne................................................................... 39 C. Contraintes liées au crédit.................................................................... 46 D. Obstacles à l’investissement en Afrique................................................. 51 E. Incidences du climat des affaires sur la formation intérieure brute de capital............................................................................................. 60 Chapitre 3. Vers un «État développementiste»..................................................................... 64 A. Introduction......................................................................................... 64 B. L’État développementiste: concept et caractéristiques........................... 65
  • 6. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste C. Les réformes du secteur financier: limiter l’intervention des pouvoirs publics pour éviter la «répression financière».................... 74 D. L’Afrique peut-elle engendrer des «États développementistes»?............. 83 E. Une «marge d’action» − Pour quoi faire?............................................. 94 F. Conclusions.......................................................................................... 98 Chapitre 4. Retrouver et mettre à profit une marge d’action............................................. 100 A. Mobilisation de l’épargne intérieure................................................... 101 B. Développement des marchés financiers et promotion des investissements productifs............................................................ 104 C. Mise en œuvre de politiques de financement et d’investissement bien conçues: la nécessité d’un «État développementiste».................. 107 Notes .......................................................................................................... 112 Bibliographie................................................................................................ 120 Liste des encadrés 1. Les nouveaux pays industriels: dynamique de l’accumulation de capital, lien entre exportation et investissement et gestion des rentes................................................................................................. 69 2. Le rôle des banques centrales dans le développement.............................. 75 Liste des figures 1. Épargne intérieure brute en Afrique subsaharienne, 1960–2005................. 8 2. Épargne intérieure brute par région en développement 1960–2004............ 9 3. Indicateurs de densité de l’activité financière et de l’intermédiation financière................................................................... 22 4. Flux de capitaux vers l’Afrique, 1985–2005.............................................. 30 5. Rapport entre la formation de capital et le climat des affaires.................... 61
  • 7. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’actionvi Liste des tableaux 1. Ventilation des taux d’épargne en Afrique, 2000–2005............................... 8 2. Données comparatives sur la facilité de faire des affaires........................... 53 3. Épargne nationale brute, investissement intérieur brut et exportations dans les nouveaux pays industriels d’Asie et en Afrique, 1951–2005............................................................................ 71 4. La fracture technologique entre l’Asie de l’Est et l’Afrique......................... 72 5. Taux de croissance du PIB par habitant: 50 premiers pays en développement en 1960–1975 et comparaison avec la période 1975–1989.............................................................................. 88 6. Évolution de l’économie par période et par région.................................... 89 Notes explicatives Le terme «dollar» s’entend du dollar des États-Unis. Afrique subsaharienne (ASS): Comprend l’Afrique du Sud sauf indication contraire. Afrique du Nord: Contrairement à la classification adoptée dans le Manuel de statistiques de la CNUCED, le Soudan est considéré comme faisant partie de l’Afrique subsaharienne, et non de l’Afrique du Nord, dans la présente publication. Abréviations APD Aide publique au développement FMI Fonds monétaire international GATT Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce IED Investissement étranger direct NEPAD Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique OCDE Organisation de coopération et de développement économiques OMC Organisation mondiale du commerce OMD Objectifs du Millénaire pour le développement PAS Programme d’ajustement structurel PIB Produit intérieur brut RNB Revenu national brut TIC Technologies de l’information et de la communication
  • 8. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste Introduction L’un des principaux objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) adoptés en 2000 au Sommet du Millénaire était de réduire de moitié le niveau de la pauvreté absolue dans les États Membres d’ici à 2015. Si certaines régions en développement ont bien progressé vers cet objectif, l’Afrique subsaharienne se détache comme une région qui a peu de chances d’y parvenir d’ici à 2015 si les tendances actuelles se maintiennent. À mi-parcours de l’année butoir, il ressort en effet des dernières données sur la pauvreté que l’Afrique subsaharienne est la seule région en développement où le nombre absolu de pauvres n’a cessé de croître, même si en termes relatifs leur proportion est tombée de 47 % à 41 % de la population totale entre 1999 et 2004 (Chen et Ravaillon, 2007). L’une des raisons pour lesquelles l’Afrique subsaharienne risque de manquer l’objectif de 2015 tient à son taux de croissance économique relativement bas. En effet, en dépit des avancées récentes d’un certain nombre de pays en termes de recettes d’exportation, grâce aux prix élevés de quelques grands produits de base, le taux de croissance dans la région de l’Afrique subsaharienne reste inférieur aux 7 à 8 % qui sont nécessaires pour réaliser l’objectif du Millénaire pour le développement consistant à réduire de moitié la pauvreté. Pour stimuler le taux de croissance et le maintenir à un niveau qui permettra aux pays d’Afrique de réduire de moitié la pauvreté d’ici à 2015, il faut nettement accroître le volume des ressources intérieures et extérieures consacrées au développement global en général et aux programmes de réduction de la pauvreté en particulier. De nombreuses initiatives on été prises au niveau international afin d’accroître le volume de l’aide publique au développement (APD) et son élément don aux pays pauvres1. Mais, apparemment, les donateurs risquent de ne pas atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés (OXFAM, 2007; The Economist, 2007), et l’effet global de ces apports sur la réduction de la pauvreté est resté marginal. L’efficacité limitée de l’APD en termes de développement a été imputée pour partie à l’utilisation inefficiente de l’aide, ce qui signifie que seuls des montants relativement restreints ont été effectivement utilisés aux fins du développement (CNUCED, 2006a). Les flux d’investissements étrangers directs (IED) vers l’Afrique, bien qu’en hausse ces dernières années, restent trop limités sur le plan géographique et trop concentrés sur les industries extractives pour avoir un effet notable en termes de création d’emplois et d’atténuation de la pauvreté (CNUCED, 2005). En tirant parti des ressources financières intérieures, on pourrait donc aider à mobiliser un financement additionnel afin
  • 9. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action de réduire le déficit de ressources de l’Afrique et d’accélérer le processus de développement économique et de réduction de la pauvreté. En outre, une moindre dépendance vis-à-vis du financement par des donateurs, avec les conditions que celui-ci implique, favoriserait une meilleure «appropriation» du processus de développement, puisque les ressources en question pourraient être utilisées pour financer les priorités propres des pays plutôt que celles des donateurs. Il existe plusieurs sources potentielles de financement intérieur qui pourraient fournir d’importantes ressources additionnelles pour le développement s’il en était tiré parti comme il convient. Toutefois, les mesures de politique générale prises jusqu’à présent pour accroître le montant total des ressources pour le développement ne tiennent pas suffisamment compte du fait que les pays d’Afrique doivent mieux mobiliser leurs ressources intérieures. Premièrement, un certain nombre de réformes des finances publiques ont été mises en œuvre en vue d’accroître les recettes publiques, mais ces réformes ont été limitées à des mesures de base telles que l’introduction d’impôts à la consommation à large assise, essentiellement sous la forme de taxe sur la valeur ajoutée, dont l’effet sur les recettes publiques est resté limité. Deuxièmement, les efforts pour mobiliser les transferts des migrants, qui représentent pourtant une importante ressource extérieure pour certains pays africains sont restés limités. À l’heure actuelle, comme ces flux de fonds échappent en grande partie au système bancaire et sont utilisés pour des besoins de consommation ou vont, dans une certaine mesure, au secteur de l’immobilier, ils n’ont guère d’effets positifs en termes de développement. Troisièmement, il n’y a pas eu d’efforts concertés pour tirer parti des ressources disponibles pour l’investissement provenant du secteur informel malgré son importance et son dynamisme dans les pays africains. Quatrièmement, la fuite des capitaux continue à priver les économies africaines d’importantes ressources propres qui auraient permis de financer des investissements intérieurs qui créent des emplois et qui procurent un revenu aux vastes groupes de population sans emploi ou sous‑employés, ou qui leur assurent un revenu accru. Cinquièmement, les réformes dans le secteur financier ont été axées sur la libéralisation des taux d’intérêt et le démantèlement des barrières à l’entrée dans le secteur bancaire pour accroître la concurrence, afin d’améliorer la qualité des services d’intermédiation financière. Mais, jusqu’à présent, les résultats ont été mitigés.
  • 10. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste Les besoins de l’Afrique en matière de ressources financières Les pays africains ont enregistré ces dernières années une performance économique relativement robuste, ce qui est une évolution encourageante par rapport aux précédentes décennies, où leur croissance économique était soit négative soit nulle. Le continent a enregistré en 2006 un taux de croissance de 5,7 %, dépassant ainsi le taux record de 5,3 % enregistré en 2005 et celui de 5,2 % enregistré en 2004 (CEA, 2007). La région de l’Afrique subsaharienne a enregistré aussi un taux de croissance de son produit intérieur brut (PIB) par habitant de 3,4 % en 2005, soit le taux le plus élevé depuis 1974 (Banque mondiale, 2007a). Cette très bonne performance est principalement due à la hausse des prix des produits de base, aux effets positifs de la stabilité macroéconomique et des réformes, aux flux substantiels de financement extérieur et à l’allégement de la dette (CEA, 2007). Malgré une performance macroéconomique robuste depuis le début du siècle, les taux de croissance obtenus restent insuffisants pour permettre au continent d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement d’ici à la date butoir de 2015. Entre 1998 et 2006, cinq pays d’Afrique seulement (Angola, Guinée équatoriale, Mozambique, Soudan et Tchad) sont parvenus aux taux de croissance de 7 à 8 % qui sont nécessaires pour réduire de moitié la pauvreté (CEA, 2007). En outre, bien que la région prise dans son ensemble ait obtenu ces dernières années de bons résultats économiques, les taux de croissance y restent tributaires de quelques produits de base et leur niveau moyen élevé masque de fortes disparités de performance au sein de la région. La croissance économique récente ne s’est pas non plus traduite par une progression correspondante de l’emploi, et les peu nombreuses créations d’emplois observées ont concerné essentiellement le secteur informel, car les industries extractives ayant contribué à la croissance sont à forte intensité de capital et relativement isolées du reste de l’économie (CNUCED, 2005; OIT, 2007). Ce phénomène de «croissance sans emploi» est d’ailleurs une préoccupation majeure pour les Ministres africains des finances, de la planification et du développement économique, comme exprimé à Abuja en 2005 (CEA, 2005b). Les choix de politique générale, la stabilité économique et l’environnement extérieur sont autant de facteurs d’une importance cruciale qui déterminent la performance économique des pays africains. Mais quelle que soit la situation, il leur faudra disposer de ressources pour entreprendre des investissements
  • 11. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action productifs dans les secteurs économique et social et arriver à une structure économique plus équilibrée fondée sur la diversification de l’économie (CNUCED, 2003) et la création d’emplois. Les ressources actuelles ne sont ni suffisantes ni assez stables pour permettre à la région de réaliser pleinement le premier objectif du Millénaire pour le développement d’ici à 2015 (CNUCED, 2000a; CNUCED, 2005; CNUCED, 2006a; CEA, 2006). L’exercice qui consiste à estimer le montant des ressources qu’implique la réalisation des OMD est forcément de nature spéculative, mais il donne quand même une idée approximative de l’actuel déficit de ressources. On considère que, pour l’ensemble des pays en développement, il faudrait un montant additionnel de 50 à 76 milliards de dollars par an pour atteindre les objectifs en question. Pour l’Afrique, on estime généralement qu’il faudrait des ressources additionnelles représentant entre 10 et 20 % du PIB (CEA, 2005a; CEA, 2006; voir CNUCED, 2006a pour des observations plus détaillées sur les estimations de coût). En 2000, la CNUCED avait estimé qu’il fallait des taux d’investissement de 22 à 25 % pour porter durablement les taux de croissance à 6 % (CNUCED, 2000a). Entre 2000 et 2004, l’Afrique subsaharienne a enregistré des taux d’investissement moyens de 18,1 % du PIB seulement, alors que le chiffre pour l’Afrique dans son ensemble atteignait 20,7 %. On explique généralement ces chiffres médiocres par les taux d’épargne insuffisants ainsi que par l’absence d’options d’investissement rentables. Sept pays seulement d’Afrique subsaharienne (Botswana, Érythrée, Gabon, Lesotho, Mozambique, Sao Tomé‑et‑Principe et Tchad) sont arrivés à des taux d’investissement supérieurs à 25 % du PIB. Mais en Afrique du Nord, les taux d’investissement étaient nettement supérieurs et atteignaient 25,6 % en moyenne (Banque mondiale, 2006). Le déficit de ressources en Afrique doit être comblé en tirant parti de ressources tant extérieures qu’intérieures. Or, une dépendance excessive vis‑à‑vis des flux de capitaux étrangers pose certains problèmes (voir CNUCED, 2005; CNUCED, 2006a). En renforçant la mobilisation des ressources intérieures, tout en améliorant l’efficience et l’efficacité de l’utilisation de ces ressources, on parviendra non seulement à réduire ou à éliminer le déficit de ressources, mais aussi à amplifier la «marge d’action» de l’État afin de lui permettre de définir ses objectifs en matière de développement et les moyens de les réaliser. L’objet du rapport de cette année est d’examiner les possibilités pour les pays africains d’accroître leur enveloppe globale de ressources intérieures afin d’être
  • 12. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste moins tributaires des ressources extérieures, notamment l’APD, et de diversifier leurs ressources pour le développement. À titre d’objectif complémentaire, il s’agit de consacrer ces ressources à des investissements productifs afin d’accroître leur efficience. Pour atteindre ces objectifs, l’État devra assumer son rôle d’«État développementiste», concept auquel le présent rapport entend redonner une place centrale (voir le chapitre 3 où ce concept est traité). Il faut en effet que les États africains retrouvent leur rôle développementiste afin de donner un véritable sens au principe d’«appropriation» dans le cadre de la gestion macroéconomique et de la gestion des ressources. Cette mobilisation des ressources ne réglera pas bien entendu à elle seule tous les problèmes auxquels sont confrontés les pays africains, sachant en particulier que bon nombre d’entre eux sont dépourvus d’institutions et de ressources humaines nécessaires pour faire du développement une réalité. Toutefois, dans le moyen à long terme, si les pays africains pouvaient financer une part croissante de leurs besoins en matière de développement en tirant parti de sources intérieures, ils disposeraient de la flexibilité indispensable pour formuler et mettre en œuvre des politiques adaptées à leurs problèmes économiques et sociaux ainsi que d’ autres problèmes de développement. La multitude de défis auxquels l’Afrique est confrontée exige forcément une «diversité d’actions», en fonction de la situation spécifique de chaque pays, plutôt qu’une approche identique pour tous. Dans ce contexte, le rapport met en lumière la nécessité pour les pays africains de disposer d’une plus grande marge d’action pour concevoir et mettre en œuvre des politiques tirant le meilleur parti des ressources disponibles, de manière à arriver à un cercle vertueux d’accumulation, d’investissement, de croissance et de réduction de la pauvreté fondé sur le modèle de l’État développementiste. Le chapitre premier expose succinctement les principales questions en jeu pour la mobilisation des ressources intérieures dans le contexte des pays africains. Le chapitre 2 examine les problèmes que pose l’accroissement du niveau de l’épargne en Afrique et considère comment l’épargne constituée pourrait être utilisée pour financer des investissements productifs et promouvoir une croissance durable. Le chapitre 3 expose les caractéristiques de l’«État développementiste» et examine l’applicabilité de celui‑ci à l’Afrique. Il y est avancé que les conditions nécessaires sont actuellement en place pour que les pays africains s’emploient à surmonter leurs problèmes de développement dans le cadre d’un «État développementiste». Le quatrième et dernier chapitre présente des conclusions de politique générale découlant des considérations ci‑dessus.
  • 13. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action LA MOBILISATION DES RESSOURCES INTÉRIEURES: LES QUESTIONS EN JEU A. Les ressources intérieures La faible mobilisation des ressources intérieures est généralement imputée au bas niveau des revenus, à des facteurs démographiques et à la structure des marchés financiers, éléments sur lesquels il est généralement difficile d’agir dans le court à moyen terme. On a donc souvent supposé qu’il était irréaliste d’attendre une progression importante et durable de la mobilisation des ressources intérieures en Afrique. Cette mobilisation accrue des ressources intérieures étant ainsi présentée comme l’«option dure» pour remédier au déficit de ressources de l’Afrique (Aryeetey, 2004), la plupart des débats sur les moyens de combler ce déficit ont été axés sur l’augmentation des apports de sources extérieures, tels que l’APD et l’IED, et sur la réduction de la dette. Cette focalisation n’est pas sans poser de problèmes dans le contexte de l’Afrique, pour plusieurs raisons. Si l’aide publique au développement reste une source majeure de financement dans la région, elle est instable, fortement concentrée et tributaire des priorités (souvent géopolitiques ou stratégiques, y compris pour des raisons touchant à la sécurité) des partenaires de développement (CNUCED, 2006a). L’investissement étranger direct, qui a mobilisé beaucoup d’attention récemment, est encore plus concentré en Afrique que l’aide publique au développement. L’IED est lui aussi relativement instable et tend à être concentré sur les industries extractives, sans guère de liens avec l’économie nationale (CNUCED, 2005). Exception faite de l’Afrique du Sud, l’investissement de portefeuille est insignifiant dans la région (CEA, 2006). Un renforcement de la mobilisation des ressources intérieures présente de nombreux avantages potentiels pour les pays africains. Premièrement, il les rendra moins dépendants des apports de sources extérieures − un facteur d’instabilité dommageable en termes de disponibilité des ressources − et moins vulnérables aux chocs extérieurs. Deuxièmement, cela offrira aux pays africains une plus grande marge d’action, en leur donnant une meilleure maîtrise du processus Chapitre premier
  • 14. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste de développement et en renforçant la capacité de leurs États. Troisièmement, le succès des efforts engagés pour développer la part des ressources intérieures dans le processus de développement dépend de la capacité de l’État à améliorer le climat économique intérieur, ce qui induit d’importants effets externes positifs. Enfin, ces efforts seront aussi perçus par les donateurs et par les investisseurs comme un signal positif, ce qui pourrait favoriser des apports de ressources extérieures accrus. Trois questions distinctes doivent être considérées pour que les ressources intérieures puissent prendre une place plus importante dans le développement économique des pays africains. Premièrement, la question du volume des ressources existantes se pose; deuxièmement, ces ressources doivent être détenues sous une forme qui en facilite une allocation utile du point de vue économique et social. Enfin, les ressources disponibles doivent être utilisées effectivement et efficacement. Les principales sources de ressources intérieures sont l’épargne privée et les recettes publiques. Les transferts des migrants, bien qu’ils ne soient pas générés dans le pays, peuvent constituer une importante source de ressources intérieures pour le pays qui les reçoit. Inversement, la fuite de capitaux affecte directement le montant des ressources intérieures disponibles pour l’investissement. Il est donc important d’examiner ces flux financiers dans l’analyse du volume total des ressources intérieures disponibles, puisqu’ils peuvent avoir un effet soit positif, comme dans le cas des transferts des migrants, soit négatif, comme dans le cas de la fuite des capitaux. B. Évolution de l’épargne L’Afrique subsaharienne est la région en développement qui a le plus bas taux d’épargne. En 2005, l’épargne intérieure brute dans la région représentait 17,6 % du PIB, contre 26,0 % en Asie du Sud, 24,0 % en Amérique latine et dans les Caraïbes et près de 42,9 % dans les pays de l’Asie de l’Est et du Pacifique (Banque mondiale, 2007a). Ce taux d’épargne moyen pour l’Afrique masque, toutefois, d’importantes disparités à l’intérieur du continent. En 2005, l’Algérie et la République du Congo ont l’une et l’autre enregistré des taux d’épargne intérieure brute de plus de 50 % de leur PIB, tandis que l’Érythrée et Sao Tomé‑et‑Principe avaient des
  • 15. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action taux largement en deçà de moins 20 %, dénotant une désépargne à une échelle massive (Banque mondiale, 2006). Le taux d’épargne en Afrique subsaharienne a évolué globalement de la manière suivante. Entre 1960 et 1974, il a progressé régulièrement, passant de 17,5 % à 24,3 % du PIB (Banque mondiale, 2007a). Le taux d’épargne a connu ensuite une beaucoup plus grande instabilité, avant d’atteindre un niveau record, à près de 26 %, en 1980. Puis est survenu l’«effondrement de l’épargne» (Elbadawi et Mwega, 2000) en Afrique, avec une chute à un taux de moins de 15 % en 1992. Depuis, et malgré un léger redressement, le taux est resté bas et a plafonné à 17,6 % du PIB en 2005 (Banque mondiale, 2007a). Source: Banque mondiale, 2007a. Tableau 1 Ventilation des taux d’épargne en Afrique, 2000–2005 (nombre de pays) Taux négatif 0 à 10 % du PIB 10 à 20 % du PIB 20 à 30 % du PIB Plus de 30 % du PIB 11 14 13 7 5 Source: Banque mondiale, 2007a. Figure 1 Épargne intérieure brute en Afrique subsaharienne, 1960–2005 (en pourcentage du PIB) 10 12 14 16 18 20 22 24 26 28 1960 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
  • 16. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste Cette évolution a aussi été caractérisée par une disparité de plus en plus grande entre les régions en développement, surtout depuis 1980. En Afrique les taux d’épargne ont chuté, en Amérique latine ils ont stagné et en Asie de l’Est ils ont bondi. Ces tendances reflètent la performance économique générale de ces régions au cours des quatre dernières décennies (Hussein et Thirlwall, 1999). Indépendamment du taux de l’épargne, une stabilité durable de l’épargne est indispensable pour des investissements rationnels et prévisibles, et là encore l’Afrique est moins bien placée que les autres régions en développement. L’une des raisons majeures de cet état de choses est une instabilité des sources de revenu plus forte en Afrique que dans les autres régions en développement, essentiellement sous l’effet de chocs exogènes. Pour l’épargne intérieure brute en pourcentage du PIB, l’écart type entre 1965 et 1992 a été de 8,7 % pour l’Afrique, de 6,6 % pour les «Tigres» d’Asie de l’Est et de 6,0 % pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Schmidt‑Hebbel et al., 1994). Source: Banque mondiale, 2007a. Figure 2 Épargne intérieure brute par région en développement, 1960–2004 (en pourcentage du PIB) 10 15 20 25 30 35 40 45 1960 1964 1968 1972 1976 1980 1984 1988 1992 1996 2000 2004 Asie de l‘Est et Pacifique Amérique latine et Caraïbes Afrique subsaharienne
  • 17. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action10 La capacité d’épargne est essentiellement déterminée par le niveau de revenu, par le taux de croissance du revenu et par le ratio des inactifs aux actifs, c’est‑à‑dire par le rapport entre la population âgée de moins de 16 ans ou de plus de 60 ans et la population active (Loayza et al., 2000). Il existe une relation positive entre le taux d’épargne et le revenu par habitant (Hussein et Thirlwall, 1999): le taux d’épargne augmente lorsque le taux de croissance du revenu par habitant progresse. Enfin, les taux d’épargne semblent réagir de manière négative aux hausses du ratio des inactifs aux actifs. La volonté d’épargner, dans le même temps, semble dépendre de la facilité d’accès aux instruments d’épargne, de l’attractivité de ces instruments et de la situation économique (Wright, 1999; Hussein et Thirlwall, 1999). Les taux d’épargne brute donnent un aperçu utile de la situation générale en matière d’épargne dans une économie nationale. Mais ce ne sont pas des indicateurs nécessairement fiables des ressources intérieures disponibles pour l’investissement dans les pays africains, en partie à cause de l’imprécision des données de la comptabilité nationale concernant l’épargne. En effet, la méthode de calcul par dérivation de l’épargne considérée comme un facteur résiduel d’autres variables implique d’importantes marges d’erreur (Deaton, 1990). En outre, dans les pays africains, l’épargne des ménages est souvent une épargne de précaution qui n’est pas prise en compte de façon adéquate dans les données de la comptabilité nationale (Aryeetey et Udry, 2000). Compte tenu du fait que l’épargne peut prendre de nombreuses formes, c’est la nature des instruments d’épargne qui détermine largement les possibilités de transformer l’épargne en investissements productifs. Pour comprendre la nature de l’épargne et sa relation avec l’investissement, il convient d’examiner dans les détails les options et les choix des ménages et des entreprises en matière d’épargne. C. L’épargne des ménages En améliorant la mobilisation de l’épargne des ménages, on pourrait dégager un volume important de ressources en faveur du développement. En effet, l’épargne des ménages constitue l’essentiel de l’épargne en Afrique, mais elle n’est pas utilisée pour le moment, de façon suffisamment productive (Aryeetey et Udry, 2000). En comprenant pourquoi et comment épargnent les
  • 18. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 1111 ménages, en particulier les plus pauvres d’entre eux, on pourra mieux définir les mesures propres à accroître le volume des ressources disponibles pour le développement. Les ménages, surtout dans les zones rurales, ont des sources de revenu instables. Faute d’accès à des services de crédit et d’assurance, ils doivent compter sur ce qu’ils épargnent pour éviter de modifier leurs habitudes de consommation (Deaton, 1990; Dercon, 2002). L’épargne de précaution implique que, même avec un faible revenu disponible et en l’absence d’instruments d’épargne attractifs, les ménages pauvres sont forcés d’épargner une part substantielle de leur revenu. Au Ghana, par exemple, il a été constaté que dans les zones rurales du sud du pays le ménage médian épargnait plus de 30 % de son revenu (Aryeetey et Udry, 2000). Ce comportement de précaution est la motivation essentielle de l’épargne des ménages en Afrique. Selon des études concernant le Ghana, l’épargne financière n’augmente en parallèle avec le revenu que chez les 10 % de ménages les plus riches (Aryeetey, 2004). Cela laisse penser que, pour une grande partie des ménages, l’épargne est une forme nécessaire d’assurance individuelle. Cette observation a des incidences importantes, à la fois du point de vue de la structure de l’épargne ainsi constituée et du choix de type d’épargne effectué par les ménages. La structure de l’épargne des ménages a tendance à être irrégulière, avec de fréquents mouvements de balancier entre épargne et désépargne et avec une préférence pour les instruments d’épargne très liquides et accessibles (Deaton, 1990). Les instruments d’épargne à la disposition des ménages se répartissent en quatre catégories: épargne non financière, épargne financière informelle, épargne financière formelle et épargne financière semi‑formelle. Comme c’est la composition du portefeuille d’épargne des ménages qui détermine les fonds disponibles pour l’investissement, cet élément est important pour le développement d’un pays. En Afrique, l’épargne des ménages comprend essentiellement des biens matériels et un peu d’épargne financière placée dans le secteur financier informel. Seule une part restreinte de cette épargne est donc disponible pour des investissements productifs.
  • 19. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action12 L’épargne non financière Les ménages détiennent souvent des portefeuilles très diversifiés d’actifs non financiers, tels que cheptel, stocks de marchandises destinées à des transactions, céréales ou matériaux de construction, qui sont acquis comme des richesses et souvent achetés ou vendus afin de préserver des habitudes de consommation. Bien qu’il y ait peu d’informations à ce sujet, des études montrent que les avoirs des ménages dans les zones rurales sont constitués à 80 % environ d’actifs non financiers (Aryeetey et Udry, 2000). Le choix d’actifs non financiers comme instruments d’épargne dépend de divers facteurs. Certains de ces actifs, comme le cheptel, les biens immobiliers ou les bijoux, ont une valeur symbolique ou servent d’indicateurs du statut et/ou de la richesse. Mais l’accumulation d’actifs non financiers comme instruments d’épargne peut aussi résulter d’une décision de placement raisonnée dans un contexte combinant risque élevé, environnement financier incertain et la difficulté d’accès aux instruments financiers adéquats. Ainsi, si une certaine proportion d’actifs non financiers continuera probablement à figurer dans le portefeuille d’épargne des ménages dans les pays africains, une amélioration des services financiers en termes d’accès, d’adéquation et de fiabilité pourrait favoriser une augmentation de l’épargne détenue sous forme financière, les instruments financiers venant se substituer aux formes d’épargne non financières. L’épargne financière informelle Le secteur financier informel offre un large éventail d’instruments d’épargne, qui va de la simple collecte des dépôts jusqu’à d’importants groupements ou clubs d’épargne autogérés (Wright, 1999). L’épargne prend essentiellement la forme de dépôts modestes mais répétés, ce qui correspond aux besoins des ménages et des petites entreprises. Les problèmes d’accès et de fiabilité sont moindres que dans le secteur financier formel, dans la mesure où les organismes du secteur financier informel opèrent dans un cadre communautaire géographiquement et socialement bien délimité (Nissanke et Aryeetey, 2006). Contrairement à ce qui se passe dans le secteur financier formel, l’épargne du secteur informel génère rarement des intérêts. En général, les ressources mobilisées grâce à l’épargne du secteur informel ne sont pas utilisées pour d’autres investissements et ne procurent donc pas de rendement. Dans la plupart des cas, par conséquent, les déposants doivent payer les services d’épargne. Si l’on
  • 20. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 1313 considère que les ménages pauvres épargnent quand bien même ils perçoivent l’équivalent d’intérêts négatifs, toute l’importance des services d’épargne pour ces ménages et toute leur volonté d’épargner apparaissent manifestement. En Afrique, les ménages combinent souvent plusieurs placements d’épargne auprès de différents organismes, qui offrent des conditions différentes pour les dépôts et les retraits. Ils peuvent ainsi mieux se prémunir contre le risque de non remboursement et mieux s’adapter à leurs besoins financiers (Wright, 1999). L’épargne financière formelle En Afrique subsaharienne, l’épargne détenue dans le secteur financier formel ne représente généralement qu’une faible proportion des actifs des ménages. Selon une étude portant sur le nord du Ghana, sur les 20 % d’actifs détenus par les ménages sous forme financière, 12 % sont détenus dans le secteur informel et 8 % dans le secteur formel (Aryeetey, 2004). Ces chiffres reflètent les difficultés d’accès aux instruments d’épargne formels et, surtout, la méfiance vis‑à‑vis des établissements financiers du secteur formel, ainsi que l’inadéquation entre les instruments d’épargne formels et les besoins d’épargne des ménages pauvres. Les banques sont le principal type d’établissements financiers du secteur formel engagés dans la mobilisation de l’épargne en Afrique. Dans certains pays, des bureaux de poste ont aussi été utilisés, compte tenu de leur vaste réseau. Plus récemment, les réformes du secteur financier dans beaucoup de pays africains ont conduit à une réduction du nombre d’agences bancaires du fait que les banques, dégagées de l’ingérence des pouvoirs publics, se sont concentrées sur les activités plus rentables et surtout en milieu urbain. Or, une présence accrue des banques dans les zones rurales pourrait aider à promouvoir l’épargne dans le secteur financier formel (Ikhide, 1996). L’éloignement physique des agences bancaires n’est pas le seul facteur qui limite la croissance de l’épargne financière dans le secteur formel. Le seuil minimum élevé qui est fixé pour les dépôts et pour le solde des comptes, le temps nécessaire pour effectuer les opérations et les procédures administratives que cela implique découragent également les épargnants. En outre, la réticence des banques à prêter aux ménages pauvres et aux petites entreprises n’encourage pas l’épargne dans le secteur formel (Wright, 1999). Mais il y a des signes encourageants, et la technologie devrait permettre de surmonter certains obstacles, comme l’éloignement et les coûts de traitement,
  • 21. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action14 qui freinent la fourniture de services dans les zones pauvres et rurales. Les systèmes de banque par téléphone mobile permettent aux banques de fournir des services financiers de base aux personnes démunies, y compris dans les zones rurales. Bien que de création récente, ces systèmes comptent déjà des milliers de clients dans des pays comme le Botswana, le Kenya et la Zambie (Honohan et Beck, 2007)2. Dans la plupart des pays africains, le degré de confiance dans les établissements bancaires est faible. En effet, les pouvoirs publics étaient largement impliqués dans l’activité des banques, surtout avant les récentes réformes du secteur financier, et comme la nécessité politique a souvent prévalu sur la viabilité commerciale les banques ont accumulé un énorme passif mettant en danger leurs activités. Entre le milieu des années 80 et le milieu des années 90, bon nombre de pays africains ont connu des crises du secteur bancaire. Il ressort de l’étude de Daumont et al. (2004) sur les crises du secteur bancaire dans 10 pays africains entre 1985 et 1995 que plus de 50 % des prêts bancaires étaient des prêts improductifs au Bénin, au Cameroun, en Côte d’Ivoire, en Guinée, en Ouganda, en République‑Unie de Tanzanie et au Sénégal, la proportion n’étant que légèrement inférieure au Ghana et au Nigéria. Dans beaucoup de pays, ces crises ont été suffisamment graves pour affecter profondément l’économie nationale. Au Bénin, par exemple, lors de la crise bancaire de 1988‑1990 les trois banques du pays se sont effondrées parce que 78 % des prêts qu’elles avaient accordés étaient improductifs, et cela a coûté à l’économie, selon les estimations, l’équivalent de 17 % du PIB. Ces crises bancaires en Afrique étaient dues essentiellement à la forte ingérence des pouvoirs publics, à une supervision et une régulation défaillantes du secteur bancaire et à des problèmes de gestion (Daumont et al., 2004). Malgré les réformes, les banques n’ont pas sensiblement amélioré leurs portefeuilles de prêts, et elles n’ont pas regagné la confiance du grand public. L’épargne dans le secteur formel est placée en général sur des comptes de dépôt à court terme et la proportion de l’épargne placée dans des instruments de dépôt à plus long terme reste faible (Nissanke et Aryeetey, 1998). L’épargne financière semi‑formelle Le secteur financier semi‑formel qui émerge en Afrique se spécialise dans la fourniture de services financiers aux ménages et aux petites entreprises qui n’ont pas accès aux services financiers du secteur formel. Ce secteur comprend
  • 22. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 1515 des organismes qui, bien que légalement constitués, ne sont pas réglementés au même titre que les banques. Si ce secteur semi‑formel pourrait devenir important pour la mobilisation de l’épargne des ménages, sa couverture est encore trop limitée pour lui permettre de répondre efficacement aux besoins financiers de nombreux ménages en Afrique. Le secteur semi‑formel offre toutefois un grand potentiel pour mobiliser davantage l’épargne dans la région. En effet, si les organismes du secteur semi‑formel parviennent à proposer des instruments d’épargne sûrs et raisonnablement liquides qui procurent des rendements positifs à un grand nombre de ménages, il pourrait y avoir une augmentation substantielle de l’épargne financière utilisable pour des investissements productifs en raison de la réaffectation d’actifs financiers et non financiers actuellement détenus dans le secteur informel. En résumé, le choix de l’instrument d’épargne dépend de l’accessibilité, de la fiabilité et de la pertinence des instruments d’épargne disponibles pour répondre aux besoins des ménages en matière d’épargne. En Afrique, les ménages épargnent essentiellement par précaution. Les actifs qu’ils détiennent remplacent l’assurance et le crédit auxquels ils n’ont pas accès. Le schéma d’épargne ainsi créé se caractérise par une épargne irrégulière et à court terme, et où il peut y avoir, sur une période donnée, autant d’épargne que de désépargne (Deaton, 1990). Pour couvrir leurs besoins financiers, les ménages nécessitent donc des instruments d’épargne sûrs et autorisant des petites transactions à intervalles fréquents. La part très élevée des actifs non financiers dans les portefeuilles d’épargne des ménages laisse penser qu’à l’heure actuelle, le secteur financier ne répond pas comme il convient à ces besoins. D. L’épargne des entreprises L’épargne des entreprises a beaucoup moins mobilisé l’attention que l’épargne des ménages et elle reste généralement mal connue, notamment dans les pays en développement. Dans la plupart des pays africains, les données nécessaires pour désagréger l’épargne privée en épargne des ménages et épargne des entreprises n’existent pas. L’Afrique du Sud est l’un des rares pays d’Afrique qui dispose de données suffisantes pour permettre un examen détaillé de l’épargne des entreprises. Les éléments d’information disponibles à ce sujet laissent penser que l’épargne des entreprises dépend de l’évolution de leur rentabilité, de
  • 23. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action16 l’inflation, des taux d’intérêt et de l’offre de crédit (Aron et Muellbauer, 2000). Mais comme en Afrique du Sud le secteur des entreprises et le secteur financier sont beaucoup plus développés que ceux de la plupart des autres pays africains, il est très difficile de transposer ces constatations aux autres pays de la région. Dans la plupart des pays africains, les entreprises se répartissent en deux catégories bien distinctes: un petit nombre d’entreprises formelles et un grand nombre d’entreprises qui opèrent dans le secteur informel. Comme les informations disponibles sur les entreprises dans la région sont trop souvent focalisées sur la première catégorie uniquement, elles donnent une idée fausse de la réalité à laquelle la plupart des entreprises sont confrontées. Les grandes entreprises ont beaucoup plus de chances que les petites ou micro entreprises d’obtenir un crédit bancaire (Bigsten et al., 2003). Si l’accès à un financement et le coût de ce dernier sont problématiques pour la plupart des entreprises en Afrique, ils le sont d’autant plus pour les petites entreprises du secteur informel, soit la grande majorité des entreprises dans la région3. Les entreprises doivent donc compter sur leurs bénéfices non distribués pour financer non seulement leur fonds de roulement, mais aussi leurs nouveaux investissements. Les entreprises en Afrique subsaharienne financent entre la moitié et les trois‑quarts de leurs nouveaux investissements à l’aide de leur propre épargne (Nasir et al., 2003; Blattman et al., 2004; Banque mondiale, 2007b). L’épargne des entreprises leur est donc indispensable pour leur sécurité et leur croissance. Face à un système financier qui ne répond pas à leurs besoins, les entreprises doivent compter sur leur propre épargne pour se prémunir contre les baisses temporaires de leurs recettes et pour financer leur développement. Il ressort de l’étude de Fafchamps et al. (2000) que, au Zimbabwe, les entreprises se constituent des stocks importants et ont recours dans une moindre mesure à l’épargne financière pour se protéger dans un environnement opérationnel risqué. Compte tenu du rôle crucial de l’épargne pour les entreprises, ces fonds ont très peu de chances d’être utilisés autrement. En effet, comme beaucoup d’entreprises ne peuvent pas se procurer de financement extérieur, leur épargne sera soit directement réinvestie dans l’entreprise, soit conservée sous forme très liquide afin d’être immédiatement disponible en cas de besoin. Ce financement des nouveaux investissements à l’aide des bénéfices non distribués peut être extrêmement efficace. Cette épargne constituée de bénéfices
  • 24. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 1717 non distribués, en effet, est surtout accumulée par des entreprises prospères et rentables, qui n’ont guère de raisons de choisir des investissements peu productifs. Il y a toutefois des raisons de penser que la situation actuelle en ce qui concerne l’épargne et les investissements des entreprises en Afrique est loin d’être optimale. Premièrement, le nombre élevé d’entreprises qui ont des difficultés à se procurer du crédit démontre que leurs bénéfices non distribués ne sont pas une source de financement suffisante par rapport à leurs besoins perçus (Bigsten et al,. 2003). En effet, les entreprises qui passent du stade de la micro entreprise à celui d’entreprise plus complexe sont proportionnellement moins nombreuses en Afrique que dans les autres régions (Nissanke, 2001). Deuxièmement, les investissements faits à l’aide de fonds propres peuvent être productifs, mais d’autres options d’investissement pourraient être plus rentables ou mieux adaptées aux besoins immédiats de l’entreprise. Enfin, faute de possibilités de crédit et d’assurance pour beaucoup d’entreprises, leur épargne doit être conservée sous une forme très liquide et ne peut donc pas être réinvestie facilement par le système financier dans des investissements productifs. Cette situation fait donc obstacle non seulement à la croissance des entreprises, mais aussi au développement du secteur financier. Un système financier mieux adapté aux besoins financiers des entreprises permettrait de réduire leur volume d’épargne constituée pour s’assurer contre d’éventuels risques. De ce fait, plus de ressources seraient disponibles pour financer des investissements productifs. E. Les recettes publiques: l’impôt Le niveau et l’efficacité des dépenses publiques sont des questions d’une importance essentielle pour que les ressources intérieures puissent devenir un moteur du développement en Afrique. Les ressources du secteur public ont, par rapport à l’épargne privée, un rôle distinct et complémentaire. Même si l’on peut faire une distinction entre les recettes publiques, qui couvrent les dépenses renouvelables, et l’épargne publique, qui finance les investissements à long terme, les besoins auxquels elles pourvoient dans les deux cas sont immenses dans la plupart des pays africains. Les dépenses publiques sont indispensables pour mettre en valeur le capital humain et elles permettent de financer les services publics essentiels tels que l’éducation et les soins de santé. Les investissements
  • 25. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action18 publics, de leur côté, peuvent procurer les ressources pour les infrastructures indispensables au développement du secteur privé. L’équilibre entre dépenses et investissements importe par conséquent moins que le niveau des ressources en cause et l’efficacité avec laquelle elles sont utilisées. Étant donné que l’impôt représente la quasi-totalité des recettes publiques dans la plupart des pays africains, une augmentation des recettes fiscales peut aider de façon significative à mobiliser davantage de ressources intérieures, à condition de ne pas décourager, dans le même temps, l’initiative économique privée. Le montant des recettes fiscales en pourcentage du PIB en Afrique était de 22 % en 2002 (Banque mondiale, 2005a), soit un chiffre inférieur à la moyenne pour les pays développés. Pour l’Europe/Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la même année le chiffre atteignait 32 %. La pression fiscale en Afrique, toutefois, est plus forte que dans d’autres régions en développement (Tanzi et Zee, 2000), même s’il y a des disparités considérables au sein de la région. Elle est en effet beaucoup plus faible en Afrique subsaharienne (20 %) qu’en Afrique du Nord (25 %). En outre, si l’on exclut l’Afrique du Sud, la part de l’impôt en Afrique subsaharienne ne dépasse pas 16 % du PIB (Banque mondiale, 2005a). Il y a aussi d’importantes disparités entre les pays de la région, puisque exprimée en pourcentage du PIB, en 2002 la pression fiscale allait de plus de 38 % en Algérie et en Angola à moins de 10 % au Niger, au Soudan et au Tchad (Banque mondiale, 2005a). Le ratio de l’impôt au PIB dans un pays est déterminé par un ensemble de facteursstructurels,principalementlerevenuparhabitant,ledegréd’urbanisation, le taux d’alphabétisation, la part de l’industrie, de l’agriculture et des industries extractives et le niveau des échanges commerciaux (Tanzi et Zee, 2000). En Afrique subsaharienne en particulier, il a été établi que les facteurs déterminants du ratio de l’impôt au PIB étaient essentiellement le revenu par habitant, le niveau des échanges commerciaux et la part de l’agriculture et des industries extractives dans l’économie (Stotsky et WoldeMariam, 1997). Le revenu par habitant reflète la capacité contributive de la population et il sert aussi d’indicateur du développement de l’économie en général. À ces deux titres, il a été constaté une corrélation positive entre le PIB par habitant et des ratios de l’impôt au PIB plus élevés. Bien qu’elles aient baissé ces dernières années avec la libéralisation du commerce, les impositions qui frappent les
  • 26. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 1919 échanges commerciaux restent des sources de recettes importantes pour les pays africains. Il y a donc une corrélation positive entre le niveau des exportations et des importations et une pression fiscale accrue. La part de l’agriculture dans l’économie aurait, quant à elle, un effet négatif marqué sur le ratio de l’impôt au PIB. En effet, dans les pays africains, le secteur agricole comprend essentiellement de petits exploitants dont l’activité s’exerce dans le secteur informel et ne génère que de modestes revenus imposables. La part des industries extractives dans l’économie aurait elle aussi un effet négatif sur l’impôt, mais cet effet ne s’explique pas clairement (Stotsky et WoldeMariam, 1997). Pour comparer la fiscalité entre un pays et un autre, on peut notamment déterminer le niveau de pression fiscale qui peut être «attendu» dans un pays compte tenu des divers déterminants. Ce ratio de l’impôt au PIB attendu est ensuite comparé au ratio effectif, ce qui correspond à la notion d’effort fiscal. Il ressort des comparaisons de l’effort fiscal entre pays par Piancastelli (2001) que l’effort est plus élevé en Afrique que dans les autres régions, en dépit des faibles ratios de l’impôt au PIB qui y sont observés. Cela semblerait indiquer que, même si ces ratios sont peu élevés en Afrique, ils sont supérieurs aux attentes compte tenu de la structure et du niveau de développement des économies africaines. Mais comme les mesures de la capacité contributive dépendent pour beaucoup du modèle utilisé pour déterminer le ratio attendu, ces mesures restent très limitées et n’ont qu’une valeur indicative. Des ratios de l’impôt au PIB élevés ne signifient pas nécessairement qu’un système fiscal est efficace. En fait, à travers la politique fiscale on détermine ce que l’État procure et à qui, comment les dépenses publiques sont financées et qui les paye (Addison et al., 2006). En tant que telle, cette politique s’inscrit au cœur du plus vaste problème de la mobilisation et de l’utilisation des ressources. Les recettes publiques devraient être mobilisées de telle manière que les acteurs du secteur privé restent incités à travailler et à épargner, et les objectifs d’un système fiscal optimal devraient être l’équité, l’efficacité et la simplicité administrative (Thirlwall, 2003). Dans le cadre des réformes fiscales qu’ils ont entreprises ces deux dernières décennies, beaucoup de pays africains ont considéré l’impôt comme un exercice technique et administratif, sans tenir compte de sa dimension politique. À travers ces réformes, essentiellement dictées par les donateurs, on a cherché à modifier la structure de l’impôt au profit d’impôts plus faciles à recouvrer et considérés comme ayant des effets de distorsion moindres sur l’économie, en
  • 27. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action20 général en privilégiant des impôts indirects comme la taxe sur la valeur ajoutée, en réduisant les taux des impôts directs tout en élargissant leur assiette, et en réduisant les impositions qui frappent les échanges commerciaux internationaux. Sur le plan administratif, les réformes ont été axées sur le renforcement de la capacité institutionnelle des administrations fiscales, en accroissant les effectifs et leur rémunération, en améliorant la formation et le matériel technique et en simplifiant les procédures. Ces réformes ont toutefois été d’une utilité limitée en termes d’accroissement des recettes fiscales des pays africains. Il est bien entendu indispensable d’améliorer, du point de vue administratif et technique, le système fiscal, en particulier en renforçant la capacité des administrations fiscales et en luttant contre la corruption. Mais en privilégiant exclusivement ces aspects, les réformes n’ont pas pris en compte le fait que l’impôt représente une relation de nature politique entre l’État et la société (DiJohn, 2006). Le faible niveau de recettes fiscales en Afrique est due en partie à des facteurs qui rendent plus difficile le recouvrement de l’impôt, notamment un revenu par habitant faible; un secteur agricole important; et un large rôle du secteur informel dans la production, le commerce et l’emploi, secteur qui selon les estimations représentait en 2001 78 % des emplois autres que dans l’agriculture en Afrique (Xaba et al., 2002). Ce faible niveau de recettes fiscales dénote aussi une relative faiblesse de l’État par rapport à certaines catégories de la société. La capacité contributive en Afrique est généralement fortement concentrée sur un petit nombre de particuliers et d’entreprises, qui parviennent souvent à échapper à l’impôt grâce à leur pouvoir et à leur influence. La majorité de la population, même si elle n’a guère de pouvoir politique ni d’influence, a en général une faible capacité contributive qu’il est coûteux de chercher à exploiter, en particulier dans les zones rurales (Fjeldstad et Rakner, 2003; Fjeldstad, 2006). En Ouganda, par exemple, seules les entreprises de taille moyenne paient généralement l’impôt. En effet, les grandes entreprises utilisent leur influence et leurs relations avec les autorités pour échapper à l’impôt, et les petites entreprises peuvent se soustraire à l’impôt en restant dans le secteur informel (Gauthier et Reinikka, 2006). C’est, au bout du compte, la légitimité de l’État qui est au centre de la question de l’impôt. En appliquant les critères de l’efficacité, de l’effectivité et de l’équité non seulement dans le système fiscal mais aussi dans l’utilisation des ressources publiques, il peut être créé un cercle vertueux où recouvrement de l’impôt, services fournis et légitimité de l’État se trouvent renforcés. Selon une étude
  • 28. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 2121 récente, en République-Unie de Tanzanie, par exemple, la grande majorité des personnes seraient prêtes à payer davantage d’impôts si ces ressources servaient à améliorer de façon manifeste les services publics (Fjeldstad, 2006). On voit donc que s’il est indispensable pour mieux mobiliser les ressources intérieures de réformer le système d’imposition, une telle réforme n’a guère de chances de succès s’il n’y a pas une évolution plus radicale des relations entre l’État et la société. F. Marchés financiers et intermédiation financière L’intermédiation financière fait le lien crucial entre épargne et investissement. Un système financier qui fonctionne bien doit pouvoir mobiliser avec efficacité des ressources et consacrer celles-ci aux options d’investissement les plus productives. Sans une intermédiation financière efficace, il y a peu d’incitation à détenir une épargne financière et les investissements ont tendance à rester concentrés dans le secteur ayant généré l’épargne, qui n’est pas forcément le plus productif. Le résultat est qu’il y a une mobilisation moindre des ressources et que celles‑ci vont à des investissements moins productifs. Il y a une forte demande de services financiers en Afrique, en dépit du bas niveau de revenu. Les ménages ont besoin de services financiers pour gérer les risques liés à l’instabilité de leurs sources de revenu, et les entreprises ont besoin de financement pour se développer. Or, le système financier en Afrique n’a guère répondu à la demande de services d’intermédiation financière efficaces. Si les besoins ne peuvent pas être satisfaits, c’est essentiellement en raison de la fragmentation et de la segmentation du secteur financier en Afrique. Les services financiers sont fournis principalement par un secteur financier formel de taille modeste qui se concentre sur le segment supérieur du marché, et par un secteur financier informel plus important qui se concentre sur le segment inférieur du marché. Il y a peu d’interaction entre les deux secteurs et il existe un vide considérable à combler sur le marché des services financiers entre ces deux segments de marché. Le secteur financier formel Le secteur financier formel en Afrique, comme dans les autres régions en développement, comprend essentiellement les banques. Même si les organismes
  • 29. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action22 financiers non bancaires et les marchés boursiers se développent dans certains pays d’Afrique, leur influence reste généralement marginale par rapport à celle du secteur bancaire (Brownbridge et Gayi, 1999; Aryeetey, 2004). Comparativement, le secteur financier formel est peu performant en Afrique. En 2005, le ratio des engagements exigibles (M3) au PIB, qui indique les ressources monétaires mobilisées par le secteur financier formel, était de 32 % en Afrique, contre 49 % en Asie de l’Est et le Pacifique et 100 % dans les pays à revenu élevé (Honohan et Beck, 2007). La comparaison est encore plus parlante pour le crédit au secteur privé, qui est déterminant dans la performance du secteur financier en termes de services d’intermédiation. En 2005, le ratio du crédit au secteur privé par rapport au PIB était en effet de 18 % en Afrique, contre 30 % en Asie du Sud et 107% dans les pays à revenu élevé (Honohan et Beck, 2007). En outre, en Afrique les banques sont généralement concentrées dans les grandes agglomérations et il y a peu d’agences dans les zones rurales. Figure 3 Indicateurs de densité de l’activité financière et de l’intermédiation financière A. Ratio des engagements exigibles au PIB, 2005 Pourcentage Pourcentage 0 20 40 60 80 100 120 Afrique Asie de l’Est et Pacifique Pays à revenu élevé Afrique Asie du Sud Pays à revenu élevé B. Ratio du crédit au secteur privé par rapport au PIB, 2005 0 20 40 60 80 100 120 Source: Honohan et Beck, 2007.
  • 30. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 2323 Souvent aussi, elles appliquent pour les dépôts et pour les prêts des règles et des procédures qui empêchent les ménages pauvres et les petites entreprises d’accéder à leurs services. Ces obstacles comprennent par exemple un montant minimum pour les dépôts et pour le solde des comptes de dépôt, ainsi que des taux d’intérêt élevés et des garanties importantes pour les prêts. De ce fait, dans beaucoup de pays africains une grande partie de la population est tout simplement exclue du secteur bancaire. Au Ghana et en République-Unie de Tanzanie, par exemple, 5 à 6 % de la population seulement a accès au secteur bancaire (Basu et al., 2004). L’un des principaux facteurs qui empêchent les banques de développer leurs opérations dans les pays africains est leur capacité limitée de gestion des risques (Nissanke et Aryeetey, 2006). Il existe des risques systémiques élevés dans la région, où les économies sont exposées à d’importants chocs endogènes ou exogènes tels que détérioration des termes de l’échange, conflits politiques, changements climatiques exceptionnels et modifications radicales de politique économique. Selon Honohan et Beck (2007), chaque pays d’Afrique subsaharienne doit absorber une ou deux fois par décennie un choc majeur tel que l’effondrement de son économie ou de ses structures politiques, dû à un conflit, une famine, la désintégration de la vie politique et de la société ou des facteurs exogènes. En outre, les risques inhérents aux emprunteurs potentiels sont également importants dans la région. Il n’y a pas en général de registre des emprunteurs et il est difficile, sinon impossible, d’obtenir des renseignements sur le profil de risque des emprunteurs, en particulier pour les grandes banques centralisées. Enfin, il n’y a souvent que peu de moyens de s’assurer que les contrats commerciaux sont respectés dans les pays africains, et les recours juridiques en cas de non remboursement des emprunteurs requièrent une longue procédure, coûteuse et à l’issue incertaine. Cette capacité insuffisante des banques en Afrique pour gérer les risques est en grande partie une séquelle de la politique d’ingérence systématique de l’État dans le secteur privé. Avant les récentes réformes, les banques étaient le plus souvent contrôlées par les pouvoirs publics et les priorités politiques prévalaient sur la viabilité commerciale. La concurrence entre établissements bancaires était découragée et les banques étaient peu incitées à développer leurs activités. C’est pourquoi les banques n’ont pas pu se doter de la capacité institutionnelle voulue pour gérer les risques systémiques et spécifiques propres aux systèmes financiers africains (Nissanke, 2001).
  • 31. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action24 En partie pour remédier à ces problèmes, beaucoup de pays africains ont entrepris de réformer leur secteur financier à partir du milieu des années 80. Ces réformes, qui s’inscrivaient dans un plus vaste ensemble de réformes axées sur l’économie de marché et souvent entreprises à la demande des donateurs, ont comporté en général une libéralisation financière et des réformes institutionnelles pour les mécanismes de réglementation prudentielle et les banques d’État en difficulté (Brownbridge et Gayi, 1999). Elles ont permis de limiter l’ingérence des pouvoirs publics dans le secteur financier et de renforcer la réglementation prudentielle des établissements financiers mais, dans la plupart des cas, elles ne sont pas parvenues à densifier ni à diversifier l’activité du secteur financier. En fait, la concurrence n’a pas sensiblement augmenté et le secteur bancaire dans beaucoup de pays reste de type oligopolistique (Senbet et Otchere, 2005). Vu leur faible capacité de gestion des risques et l’accent accru mis sur la rentabilité, les banques ont été peu incitées à s’engager dans des activités considérées comme coûteuses et risquées, comme celles qui consistent à fournir des services bancaires aux ménages ruraux ou aux petites entreprises du secteur informel. Elles ont donc fermé beaucoup de leurs agences dans les zones rurales et concentré de plus en plus leur activité de crédit sur les grandes entreprises et les obligations d’État. Le ratio du crédit au secteur privé par rapport au PIB a ainsi diminué dans beaucoup de pays africains à la suite des réformes (Steel et al., 1997). Les gouvernements émettent des obligations à fort rendement pour attirer des capitaux privés et combler ainsi leur déficit budgétaire parce qu’ils n’ont plus directement accès aux ressources du secteur financier contrôlées par des institutions publiques4. Ces actifs à fort rendement et à relativement faible risque constituent désormais une part importante des créances bancaires. Or, si en Afrique les créances sur le secteur privé représentent une part nettement moindre des créances bancaires, alors que les créances sur l’État et les entreprises d’État y sont plus importantes, cela signifie que les obligations d’État prennent la place des investissements privés dans cette région (Honohan et Beck, 2007). Aujourd’hui, les banques en Afrique ne remplissent guère leur fonction essentielle de mobilisation de l’épargne et d’intermédiation financière. On en veut pour preuve qu’en dépit d’une demande excédentaire de crédit, les banques détiennent souvent un fort excès de liquidités5, en général sous la forme d’obligations d’État, et que leurs portefeuilles de prêts sont surtout constitués par des prêts à de gros clients privés présentant souvent des risques élevés (Nissanke et Aryeetey, 2006).
  • 32. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 2525 Les marchés financiers se sont considérablement développés en Afrique récemment. Alors qu’en 1992 il n’existait en Afrique qu’une dizaine de marchés boursiers, en 2002 on en dénombrait 24, ainsi que 2 216 sociétés cotées en bourse (Senbet et Otchere, 2005). Toutefois, l’Afrique reste la région qui a les marchés boursiers les plus modestes et souffrant d’un grave manque de liquidités. Sur les 15 marchés boursiers en Afrique subsaharienne, sept ont une capitalisation boursière inférieure à 10 % du PIB; à l’exception de la Bourse de Johannesburg la valeur des échanges y est inférieure à 3 % du PIB; et à l’exception de trois ces marchés ont des taux de rotation inférieurs à 10 % (Honohan et Beck, 2007). Cela s’explique en partie par le cadre économique modeste dans lequel ces marchés opèrent. En effet, il a été constaté qu’apparemment les marchés boursiers ne se créent et ne se développent qu’au‑delà d’un certain niveau de développement économique et d’accumulation de capital (Capasso, 2006). Il n’est pas exclu non plus que les prescriptions réglementaires auxquelles sont assujettis les marchés boursiers dans la région soient excessives et découragent beaucoup d’entreprises d’y recourir pour lever des fonds (Honohan et Beck, 2007). La mise en place et la bonne performance relative des marchés boursiers en Afrique sont néanmoins encourageantes, et ces marchés pourraient contribuer à la densification et à la diversification du système financier et jouer un rôle important dans la répartition et le partage des risques. Mais au stade de développement actuel de la plupart des pays africains, il semble douteux que les marchés boursiers y aient un impact important sur le système financier et a fortiori sur la croissance économique. Le secteur financier informel Le secteur financier informel recouvre l’ensemble des structures et des transactions qui ne relèvent pas du secteur financier officiel d’un pays. Selon les études, en Afrique ce secteur est plus important que le secteur financier formel en termes d’influence, de couverture et même de valeur des transactions (Nissanke et Aryeetey, 2006). On estime en effet que 20 % au maximum des ménages africains ont accès au secteur financier formel (Honohan et Beck, 2007). Parmi les intervenants qui offrent des services financiers dans le secteur informel il y a aussi bien d’importants groupements d’épargne que des prêteurs individuels. La gamme des services offerts est elle aussi vaste et comprend divers instruments de collecte de l’épargne ou mécanismes de prêt, y compris les transactions financières de caractère non commercial entre amis ou parents.
  • 33. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action26 Les principaux intervenants dans ce secteur sont les collecteurs de dépôts, les prêteurs et les associations de crédit. Il existe aussi des groupements de micro assurance qui mettent en commun les modestes contributions de leurs membres et procurent des fonds pour des événements particuliers tels que mariages ou funérailles (Wright, 1999; Dercon, 2002). Les organismes du secteur financier informel concentrent en général leur activité soit sur la collecte des dépôts soit sur le crédit. Ceux, peu nombreux, qui combinent ces deux services ne sont généralement ouverts qu’aux seuls membres. Les transactions financières dans le secteur financier informel sont en général fréquentes et de modeste ampleur, compte tenu du faible revenu disponible des ménages et des petites entreprises et de leur préférence pour les liquidités. Le secteur est dynamique, varié et bien adapté aux besoins de la population en termes de services financiers, mais il ne joue pas un rôle significatif dans l’intermédiation financière, malgré sa forte capacité de mobilisation de l’épargne. Il semblerait que les stratégies de gestion des risques suivies par les organismes du secteur financier informel, qui leur permettent d’opérer dans le segment inférieur du marché financier, freinent dans le même temps leur expansion (Nissanke et Aryeetey, 2006). Les organismes du secteur financier informel appliquent en effet essentiellement des stratégies de réduction des risques fondées sur une relation individuelle avec le client et sur la répétition des transactions. Ces transactions s’effectuent aussi dans le cadre d’une communauté qui, de par les pressions sociales qu’elle exerce, minimise beaucoup les risques de fraude ou de défaut de paiement (Nissanke et Aryeetey, 2006). Mais c’est justement parce qu’ils sont tributaires d’une relation individuelle avec le client et des pressions que la communauté peut exercer que ces organismes peuvent difficilement se développer au-delà du cadre communautaire. Avec l’arrivée de nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), toutefois, les coûts de transaction qui limitent l’échelle des opérations de ces organismes devraient pouvoir être minimisés. Le secteur financier semi‑formel Il y a eu récemment dans les systèmes financiers africains une innovation importante avec l’apparition d’organismes de microfinance, c’est‑à‑dire des organismes financiers orientés vers les petites entreprises, les personnes pauvres et les ménages qui n’ont pas accès au système financier plus structuré, pour
  • 34. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 2727 mobiliser l’épargne et accéder aux services financiers (Basu et al., 2004). Ces organismes appartiennent au secteur informel et aussi, dans une proportion restreinte mais qui augmente, au secteur formel. Toutefois, certains organismes de microfinance ne relèvent ni du secteur informel ni du secteur formel. Il s’agit d’organismes qui sont dûment constitués et souvent réglementés dans une certaine mesure, mais qui ne sont pas traités comme des banques ni assujettis à l’application de règles prudentielles au sens le plus strict. L’émergence de ce secteur semi‑formel semble très prometteuse pour combler le vide qui subsiste, en termes de services financiers, entre le secteur financier formel et le secteur financier informel. Beaucoup d’organismes de microfinance ont recours aux méthodes et parfois même à des interlocuteurs du secteur financier informel pour fournir des services financiers aux personnes pauvres et dans les zones rurales sans encourir des coûts prohibitifs. On voit aussi se tisser des liens entre organismes de microfinance et banques, dans la mesure où les premiers passent par les mécanismes de dépôt et de crédit des grandes banques du secteur formel. Les organismes de microfinance du secteur semi‑formel se prémunissent contre les risques en partie en recourant aux interlocuteurs et aux méthodes du secteur financier informel, par exemple en utilisant le mécanisme du crédit collectif. Mais la gestion des risques passe surtout par le développement d’une large base de clientèle et par le plafonnement du montant des prêts. Le portefeuille des organismes de microfinance en Afrique est de grande qualité. On estime en effet que le ratio de l’encours à risque sur trente jours à l’encours de prêt brut ne dépasse pas 4 % en Afrique, alors qu’il est supérieur à 5 % en Asie de l’Est, en Asie du Sud et en Amérique latine (Lafourcade et al., 2005). Le renforcement du secteur semi‑formel pourrait aussi aider à densifier et à diversifier l’activité des systèmes financiers africains. Les organismes de ce secteur peuvent jouer un rôle crucial dans le financement de la croissance des petites et moyennes entreprises. Ils peuvent aussi participer à une mobilisation et à une mise en commun accrues des ressources financières, et contribuer ainsi directement à accroître le volume des ressources intérieures disponibles pour des investissements productifs. En résumé, les marchés financiers restent fragmentés et segmentés et ils ne jouent pas pleinement leur rôle dans le développement économique des pays africains. L’intermédiation financière est limitée et inefficiente dans le secteur
  • 35. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action28 formel, quasiment inexistante dans le secteur informel et en voie d’émergence seulement dans le créneau intermédiaire entre les deux. Si les ménages ont accès à certains services financiers fournis par le secteur informel, ces services restent coûteux et les ressources mobilisées ne sont pas utilisées pour des investissements. Les petites et moyennes entreprises, dans le même temps, ont toujours autant de difficultés à accéder à des services financiers adaptés à leurs besoins, notamment en matière de crédit. Les grandes entreprises du secteur formel et les riches particuliers vivant dans les centres urbains ont moins de problèmes pour accéder aux services financiers. Mais les banques ont tendance à investir les ressources qu’elles mobilisent dans des obligations d’État à fort rendement et à faible risque, ou à les prêter à leurs clients traditionnels sans tenir compte de la rentabilité de l’investissement (Senbet et Otchere, 2005). Pour renforcer le rôle des ressources intérieures dans le développement économique, il est indispensable d’améliorer, en quantité et en qualité, les services d’intermédiation financière. Une meilleure intégration entre secteur financier formel et secteur financier informel, éventuellement par l’expansion du secteur semi‑formel, augmenterait la couverture du secteur financier et permettrait de répondre aux besoins financiers d’un plus grand nombre de ménages et d’entreprises. Un secteur financier plus intégré pourrait mieux mettre en commun les ressources mobilisées et procéder à la transformation d’échéance entre une épargne à court terme instable et des investissements à long terme stables. Un système financier efficace avec une meilleure couverture pourrait accroître les ressources financières de l’économie, mobiliser une plus grande partie de ces ressources en faveur de l’investissement et améliorer l’affectation des fonds en vue d’investissements productifs. G. Transferts des migrants Ces envois de fonds, qui sont des transferts monétaires ou non monétaires effectués par les travailleurs émigrés vers leur pays d’origine, sont de plus en plus considérés comme une importante source de financement du développement. Au niveau global, ils représentent désormais la deuxième source de flux de capitaux vers les pays en développement, après l’IED mais devant l’APD (Solimano, 2003). En tant que ressource pour le développement, ces transferts présentent plusieurs avantages par rapport aux autres flux de capitaux étrangers. Leur progression régulière tout au long du cycle de croissance constitue un atout
  • 36. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 2929 par rapport à l’instabilité des flux d’IED et d’APD. Ils ne sont ni générateurs d’endettement ni assortis de conditions et ils présentent moins de risques de déperdition que l’IED et l’APD. En outre, ces transferts de fonds ne semblent pas avoir d’effets négatifs sur le secteur des exportations du pays de destination (CEA, 2006). Les données relatives aux transferts des migrants telles que présentées dans les statistiques de la balance des paiements du Fonds monétaire international (FMI) ne mesurent pas avec exactitude ces flux (Solimano, 2003). En englobant tous les transferts privés dans le secteur autre que celui des entreprises, les données du FMI ont tendance à y inclure des transferts qui ne sont pas à proprement parler des envois de fonds. Toutefois, comme les transferts de fonds qui passent par les circuits structurés sont souvent sous‑estimés, et que la forte proportion des envois de fonds qui passent par les circuits informels n’est guère prise en compte, on s’accorde à penser que les chiffres officiels des transferts des migrants sont inférieurs aux flux réels. Les chiffres officiels donnent quant même une idée de l’importance de ces transferts et de leur évolution dans le temps. Les transferts de fonds vers les pays en développement officiellement comptabilisés sont passés de 15 milliards de dollars en 1980 à 80 milliards de dollars en 2002, soit un taux de croissance annuel de 7,7 % (Solimano, 2003). L’Afrique dans son ensemble reçoit 15 % environ des transferts mondiaux des migrants, dont les deux tiers vont à l’Afrique du Nord (CEA, 2006). Parmi les régions, c’est celle de l’Afrique subsaharienne qui reçoit le moins de fonds (4 milliards de dollars) et où ces transferts ont enregistré le plus faible taux de croissance entre 1980 et 2002, à 5,2 % (Solimano, 2003). On a cependant des raisons de penser que les chiffres officiels ont particulièrement tendance à être sous‑estimés du fait qu’en grande partie ces transferts transitent par les circuits informels faute d’accès, dans de nombreux endroits, à des mécanismes de transfert formels. L’utilisation des circuits informels est aussi favorisée par le fait que les mouvements migratoires dans la région se font pour beaucoup au niveau intrarégional, et dans le court à moyen terme (Sander et Maimbo, 2003). En outre, les intermédiaires qui se chargent des transferts informels offrent certains avantages, tels qu’anonymat, rapidité et minimum de formalités (Gupta et al., 2007). On estime donc que le montant réel des transferts de fonds dans la région est au minimum deux fois supérieur au chiffre annoncé (CEA, 2006).
  • 37. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action30 Même si l’on suppose que leur chiffre est sous‑estimé, les transferts des migrants constituent des apports de capitaux importants pour les pays africains. Ces envois de fonds, représentant 2,5 % du produit national brut de l’Afrique. Toutefois, l’importance de ces transferts varie considérablement d’un pays à l’autre. Si l’Égypte, la Gambie, le Lesotho et le Maroc reçoivent des transferts de fonds représentant plus de 5 % de leur revenu national brut, dans beaucoup d’autres pays ces transferts sont négligeables. L’importance de ces transferts d’un pays à un autre dépend essentiellement de la structure des mouvements migratoires. Les travailleurs émigrés bien formés et qui ont un bon salaire dans leur pays de résidence envoient des fonds plus importants. Mais il est évident aussi que même si ces transferts de fonds constituent un apport important pour un pays, ils ne peuvent guère compenser qu’une fraction du coût que représente pour lui l’émigration de ses ressortissants. Ce coût est très lourd en Afrique subsaharienne, où les personnes qualifiées sont particulièrement nombreuses à émigrer. Certains pays, comme le Burundi ou le Figure 4 Flux de capitaux vers l’Afrique, 1985–2005 (en millions de dollars É.‑U.) Sources: CNUCED 2006b, OCDE 2007 et FMI 2007. 0 5'000 10'000 15'000 20'000 25'000 30'000 35'000 40'000 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 2001 2003 2005 APD IED Envois de fonds
  • 38. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 3131 Mozambique, ont perdu ainsi plus d’un tiers de leurs ressortissants qualifiés en âge de travailler, à travers l’émigration (Gupta et al., 2007). En ce qui concerne les motivations des migrants qui rapatrient des fonds, on fait généralement la distinction entre altruisme et intérêt personnel. Les migrants qui agissent par altruisme effectuent des transferts de fonds pour améliorer le bien‑être des membres de leur famille dans leur pays d’origine. Ceux qui agissent plutôt par intérêt choisissent un certain type de placement lorsqu’ils décident d’investir dans leur pays d’origine. Si c’est l’altruisme qui prévaut, les transferts de fonds seront plutôt de type anticonjoncturel. Réciproquement, si l’intérêt personnel est la principale motivation, les transferts de fonds seront plutôt de type pro-conjoncturel. En réalité, les faits ne sont pas clairs et il semblerait que les rapatriements de fonds obéissent à l’un et l’autre type de motivation, les rapatriements de fonds en Afrique subsaharienne se révélant d’une stabilité remarquable tout au long du cycle de croissance (Gupta et al, 2007). Les transferts des migrants peuvent avoir un effet positif dans le pays de destination de plusieurs manières. Premièrement, en tant qu’apports de capitaux étrangers, ces fonds améliorent la situation de la balance des paiements des pays qui les reçoivent. Deuxièmement, ces fonds réduisent directement la pauvreté et aident à préserver les habitudes de consommation des ménages, et ils contribuent ainsi indirectement à stabiliser l’activité économique du pays (PNUD, 2005). Selon les estimations, 80 % environ des fonds rapatriés en Afrique sont utilisés pour des dépenses de consommation et pour couvrir des frais de scolarité (CEA, 2006). La consommation accroît la demande de produits locaux et elle peut, par un effet multiplicateur indirect, promouvoir l’emploi et l’investissement. Les dépenses faites pour les études ou pour la santé, quant à elles, améliorent le capital humain du pays et ont ainsi un effet sur sa productivité à long terme. Souvent aussi ces fonds sont investis dans des terres, du cheptel ou des biens immobiliers, même si cela reste secondaire par rapport à leur utilisation pour faire face aux nécessités quotidiennes ou à des dépenses au profit du capital humain (Sander et Maimbo, 2003). Enfin, certaines études montrent que les fonds rapatriés sont de plus en plus investis, surtout pour financer des petites ou moyennes entreprises ou des petits projets d’infrastructure (Sander et Maimbo, 2003; PNUD, 2005). En résumé, les transferts des migrants constituent, pour le développement, une ressource importante et qui croît régulièrement et ils aident à compenser le coût de l’émigration, à accroître les revenus des ménages et à améliorer la balance
  • 39. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action32 extérieure des pays qui les reçoivent. Avec des politiques et des institutions appropriées, ils pourraient davantage servir pour le développement et aller à des investissements productifs qui contribuent à l’emploi et à la croissance. H. La fuite des capitaux La fuite de capitaux réduit le montant des ressources disponibles pour les investissements intérieurs, tant privés que publics. Il est donc important de comprendre les raisons de ce phénomène afin d’en limiter l’ampleur et de contribuer ainsi à promouvoir l’épargne et les investissements intérieurs. La fuite de capitaux n’est pas un concept clairement délimité et il en existe diverses définitions et méthodes de mesure. La différence conceptuelle essentielle entre les diverses méthodes de mesure de ce phénomène tient à la définition des sorties de capitaux qui sont prises en compte, et notamment à la distinction qui est faite entre l’exode de capitaux dû à une situation politique et économique difficile, et les sorties de capitaux «normales» qui auraient eu lieu indépendamment de ces difficultés. Si dans une catégorie de mesures on prend en considération le montant total des ressources qui quittent le pays, dans l’autre on prend en compte plus spécifiquement les poussées épisodiques de sorties de capitaux dues à des conditions défavorables. Ces différentes méthodes de mesure produisent bien entendu des estimations contradictoires de l’ampleur du phénomène dans les pays africains. En réalité, il existe peu d’études empiriques sur la fuite des capitaux dans les pays africains et il est presque impossible de les comparer, car ces études reposent sur des définitions du phénomène, des méthodes de calcul, des pays et des périodes qui ne sont pas identiques. Selon des estimations très prudentes, on chiffre le montant des capitaux qui ont fui l’Afrique entre 1976 et 1997 à près de 3 milliards de dollars en moyenne par an, soit une perte annuelle de 2,6 % du PIB (Lensink et al., 2000). D’autres estimations chiffrent à plus de 13 milliards de dollars par an les capitaux qui ont fui entre 1991 et 2004, soit un pourcentage vertigineux de 7,6 % du PIB annuel (Salisu, 2005). Le stock cumulé de capitaux ayant fui l’Afrique subsaharienne entre 1970 et 1996 est chiffré à environ 285 milliards de dollars. Sachant que la dette extérieure combinée de la région était de 178 milliards de dollars en 1996, on peut soutenir que cela fait de l’Afrique subsaharienne un «pays créancier» (en termes nets) vis‑à‑vis du reste du monde (Boyce et Ndikumana, 2001).
  • 40. La mobilisation des ressources intérieures et l’État développementiste 3333 De même qu’il existe d’importants écarts entre les estimations de l’ampleur du phénomène de la fuite de capitaux à partir des pays africains, il n’y a pas de consensus concernant son évolution dans le temps. En effet, s’il ressort de l’étude de Collier, Hoeffler et Patillo (2004) que cet exode a atteint un pic avec un chiffre représentant 35 % de la richesse du secteur privé, en 1988, pour diminuer ensuite, selon Salisu (2005) le chiffre de ces sorties de capitaux serait passé de 15 milliards de dollars en 1991 à 30 milliards de dollars en 2003, ce qui signifie qu’il aurait doublé. Il ressort néanmoins de l’ensemble de ces études que ce phénomène prive actuellement d’importantes ressources des pays qui en auraient un besoin urgent pour financer leur développement. En effet, indépendamment du fait que ces sorties de capitaux représentent 5 % du PIB (Ajayi, 1997) ou plus de 7 % (Salisu, 2005), il est clair qu’en évitant cet exode on pourrait réduire considérablement le déficit de ressources dans les pays africains. Le phénomène de la fuite des capitaux résulte d’une décision de placer ses avoirs à l’étranger plutôt que dans l’économie nationale et il dépend, à ce titre, de facteurs tels que l’instabilité macroéconomique et politique ou la densité de l’activité du marché financier, qui déterminent les rendements des avoirs intérieurs, ajustés en fonction des risques. Les études empiriques pour déterminer plus précisément les facteurs qui contribuent à la fuite de capitaux donnent des résultats différents selon la définition du phénomène et le choix de l’échantillon. Toutefois, certains facteurs semblent avoir plus d’influence que d’autres. Parmi les indicateurs de l’instabilité financière, c’est le niveau de la dette extérieure qui semble le plus nettement lié à l’exode de capitaux. Apparemment, en dénotant une mauvaise gestion financière et en laissant aussi présager des hausses d’impôt futures, la dette extérieure encourage les sorties de capitaux. Dans certains cas aussi, c’est la dette qui aurait procuré des fonds pour les sorties de capitaux (Ajayi, 1997). D’autres signes encore de mauvaise gestion économique semblent favoriser l’exode de capitaux, par exemple surévaluation de la monnaie, déséquilibres budgétaires et taux d’inflation élevés. Les données empiriques concernant l’influence de ces facteurs sur l’exode de capitaux en Afrique sont, toutefois, plus ambiguës. Il y a une corrélation étroite entre la stabilité politique et le phénomène de la fuite de capitaux. Une stabilité politique insuffisante provoque directement une fuite accrue des capitaux et conduit souvent à l’instabilité macroéconomique,
  • 41. Le développement économique en Afrique: Retrouver une marge d’action34 avec des possibilités d’investissement réduites et un risque accru pour les détenteurs d’avoirs intérieurs. Les indicateurs de la stabilité politique et de la bonne gouvernance sont donc corrélés de façon négative aux niveaux du phénomène de la fuite de capitaux (Collier et al., 2004; Lensink et al., 2000). Les différences de taux de croissance entre un pays et un autre favorisent également les sorties de capitaux du pays avec la croissance économique moindre vers le pays avec la croissance économique plus forte et offrant des possibilités accrues et des rendements plus élevés. La densification de l’activité des circuits financiers devrait également décourager l’exode de capitaux en améliorant, quantitativement et qualitativement, les possibilités d’investissement ainsi que les rendements de ces investissements (CEA, 2006). Quant à l’effet sur l’exode de capitaux de la libéralisation du compte de capital, qui a fait partie des réformes du secteur financier dans beaucoup de pays africains, il est contesté. Si cette libéralisation facilite le transfert d’actifs à l’étranger, légalement ou illégalement, on a aussi fait valoir qu’elle créait des possibilités d’investissement dans le pays. Sur ce point, les faits sont contradictoires (Collier et al., 2001). Le phénomène de la fuite des capitaux, peu importe comment il est défini, prive actuellement les pays africains d’un volume de ressources considérable. Son inversion pourrait contribuer à combler le déficit de ressources dans ces pays. I. Conclusion En Afrique, les ressources financières intérieures viennent essentiellement de l’épargne privée et des recettes publiques. Les taux d’épargne intérieure brute y sont bas et instables, et ils se sont considérablement contractés au cours des quatre dernières décennies. Paradoxalement, les études montrent que les ménages africains épargnent en fait une très forte part de leur revenu. Mais à cause, en grande partie, des insuffisances du secteur financier formel, cette épargne est constituée sous une forme non financière ou dans le secteur informel, et ne va donc pas à des investissements productifs. Les entreprises génèrent aussi une épargne, mais les dysfonctionnements du marché du crédit les obligent à conserver cette épargne essentiellement pour financer leurs investissements avec leurs fonds propres.