1. n°14 www.ecoreseau.fr
avec ses lunettes de soleil et
son tutoiement américain, ne
sera sûrement pas loin….
OCTOBRE 2014 35
A46 ans ce designer-chercheur
a les lu-nettes
de soleil et le
tutoiement facile, preuve qu’il
commence à s’intégrer dans
sa patrie américaine d’adop-tion.
Après 20 ans passés
dans l’automobile, de Peugeot
à Volkswagen en passant par
le conseil, Michael Oualid
vit dorénavant à Détroit où
il participe à l’aventure de
voitures de luxe construites
à la main, s’occupant de leur
homologation. Mais le frère
de Patrick Oualid – l’un des
fondateurs de Pixmania –,
garde à l’esprit son projet
phare : le Free Car Project
(FCP). « Ce n’est pas une
question d’argent, mais plutôt
une sorte de croisade parce
que je suis mal à l’aise avec
cette industrie automobile en
manque de rentabilité, d’éco-logie,
de proximité avec les
clients. » L’idée ne s’est pour-tant
pas concrétisée en
France, malgré une certaine
notoriété. Si EcoRéseau en
reparle aujourd’hui, c’est
parce que le secteur, aux
prises avec une crise struc-turelle,
l’adoptera dans le fu-tur,
sous une forme ou une
autre.
STEVE JOBS DE
L’AUTOMOBILE ?
Aujourd’hui une voiture ne
coûte à la fabrication que
5% du chiffre d’affaires
qu’elle génère par ailleurs.
L’idée est donc de faire fi-nancer
la fabrication par les
enseignes concernées. FCP
repose sur une automobile
simple et solide, pas juste
utilitaire, mais élégante et
simple, open source, d’une
durée de vie de 15 ans en
moyenne, dont le coût s’élève
seulement à 5000 euros. L’au-tre
rupture majeure vient du
fait que la voiture est donnée
au consommateur, puis rem-boursée
au fur et à mesure
des achats qu’il effectue grâce
à elle. Les marchands parte-naires
qui profitent de la mo-bilité
de leurs consommateurs
remboursent quelques cen-times
à chaque paiement. Le
lecteur de carte bancaire in-tégré
au tableau de bord per-met
de valider le déplacement
du conducteur jusqu’au ma-gasin,
puis l’utilisation à la
caisse de la CB valide l’achat.
Les marchands peuvent pro-mouvoir
le système sous
forme de micro-commissions
sur le surcroît de CA effectif
apporté par la voiture gratuite.
Un danger pour la voiture
payante ? « Non, un nouveau
segment complémentaire, per-mettant
d’équiper des popu-lations
qui n’achetaient pas
de voiture », explique celui
qui a dessiné son modèle
dans l’esprit d’un smartphone,
simple et vide, prêt à recevoir
des applications, des person-nalisations.
« L’industrie au-tomobile
est déconnectée de
la vraie vie et recherche tou-jours
plus de poids et de
puissance. Il faut tout repen-ser
», ponctue l’entrepreneur
visionnaire.
LEVÉE DE BOUCLIERS
La stratégie du début, consis-tant
à garder FCP secret et à
trouver un partenaire sérieux,
n’était clairement pas la
bonne. Le diplômé de l’Ecole
supérieure de l’aéronautique
et de la construction auto-mobile
(Estaca) a donc fini
par rendre publiques ses idées,
afin de rassurer les acteurs,
ce qui lui a permis d’ouvrir
des portes. Entre 2008 et
2012, celui qui avait par le
passé monté à Paris un centre
de réflexion pour Volkswagen
afin d’imaginer « la voiture
autrement » a rencontré des
patrons automobiles, des par-tenaires
potentiels comme
Google Auchan, BNP, Mat-mut...,
des milliardaires
suisses ou des politiciens
stambouliotes. Mais rien n’y
a fait, FCP était trop riche et
transversal, « reposant sur
l’interconnection de différents
corps de métiers – l’industrie,
la banque, l’assurance, la
grande distribution, l’enter-tainment,
le luxe, le e-com-merce
– ce qui en a fait le
plus grand frein intellectuel
à l’engagement d’un de ces
acteurs », analyse l’entrepre-neur.
Celui-ci n’a pas pu non
plus se développer sur le
mode start-up, à Paris ou dans
la Silicon Valley. « Les in-vestisseurs
aiment bien les
idées simples et courtes qui
se racontent dans un ascen-seur.
Cela peut se comprendre,
mais ce n’est pas dans un
ascenseur qu’on peut influer
sérieusement sur l’écologie,
l’économie, la politique ou
l’industrie », décrit celui qui
se dit « bluffé par l’énergie
des gens à Détroit ».
ET C’EST PAS FINI…
Mais n’en déplaise aux pes-simistes
et conservateurs de
tous bords, cette idée est dans
l’air du temps. Michael Oua-lid,
qui a déposé les projets
et a depuis lors enchaîné les
conférences, sait que son rai-sonnement
est déjà en vogue
dans d’autres secteurs. « Je
me souviens des études sur
Nokia, qui offrait un mobile
à 150 euros, pour que les
gens dépensent 500 euros par
an pendant trois ans. Au final
le coût d’acquisition client
s’élevait à 10% de ce qu’il
rapportait. » Cette idée de
l’appareil comme cheval de
Troie, et d’une rentabilité as-surée
par les services générés,
paraît résoudre beaucoup de
problématiques. Ce principe
de la nouvelle économie est
d’ailleurs suivi à la lettre par
Google: « Celui qui paye est
celui qui gagne de l’argent
avec », sinon la solution est
gratuite et bien pratique pour
la communauté constituée.
Concrètement tout le monde
aurait à y gagner. Les utilisa-teurs
verraient leur pouvoir
d’achat augmenter du fait de
la gratuité et des offres des
assureurs « pay as you drive »
grâce à l’interface numérique.
La planète profiterait d’une
voiture qui est simple à pro-duire
– alors qu’actuellement
le suréquipement des voitures
saute aux yeux –, non pol-luante,
facile à recycler, et
sûrement plus longue à pos-séder,
car tout le monde aurait
intérêt à ce que l’utilisateur
conserve ce véhicule le plus
longtemps possible. Pour les
constructeurs, non seulement
le gain serait de 1000 euros
annuels en moyenne sur 15
ans, mais en plus ils adapte-raient
leur offre aux tranches
de population de faible pou-voir
d’achat, le « bottom of
the pyramid ». Or selon une
étude A.T. Kearney, dans le
monde 16 millions de per-sonnes
dépourvues de voiture
auront en 2016 les moyens
d’en acquérir une pour moins
de 3500 dollars. Un segment
que les constructeurs ne pour-ront
couvrir en augmentant
la puissance, comme ils le
font actuellement. Il leur fau-dra
sûrement changer d’orien-tation.
Et Michael Oualid,
Matthieu Camozzi
Le design est déroutant, mais au moins l’idée de gratuité est bien présente…
Electron libre : Michael Oualid CLUB ENTREPRENDRE
"Free car project", le projet incompris ?
Son idée de voiture gratuite a défrayé la chronique il y a deux ans, puis plus rien… La France n’est-elle pas
prête à adopter le véhicule et l'écosystème proposé par Michael Oualid ? Ce Géo Trouvetou tente
maintenant sa chance aux Etats-Unis…
Aujourd'hui une voiture ne coûte à la fabrication que 5%
du CA qu'elle génère par ailleurs. L’idée est donc de faire
financer la fabrication par les enseignes concernées