Portrait de Petre Metu, l'ancien international roumain atteint de la maladie ...
Mas
1. NICOLAS MAS - PILIER INTERNATIONAL DE MONTPELLIER LE DROITIER AUX
70 SÉLECTIONS EST EN FORME À L’AUBE DES PHASES FINALES. APRÈS UN
DÉBUT DE SAISON MITIGÉ ET UN TOURNOI DIFFICILE POUR LES BLEUS, IL
REVIENT SUR CES DERNIERS MOIS. ET SUR L’ÉVOLUTION DE LA MÊLÉE,
QUI L’INQUIÈTE BEAUCOUP.
« Il n’y a plus d’intimidation entre
les piliers »
Propos recueillis par Émilie DUDON, envoyée spéciale
emilie.dudon@midi-olympique.fr
Vous avez connu beaucoup de changements cette saison, entre les modifications des
règles en mêlée et votre départ de l’Usap.
Je savais que je me mettais en danger mais j’avais envie de voir autre chose. C’est vrai que ça
faisait beaucoup en même temps. J’étais à Perpignan depuis quatorze ans, je n‘avais connu que ce
club et je changeais de statut en venant au MHR. Mais le club m’a laissé le temps de digérer tout
ça. On m’a fait confiance, les coachs et les joueurs m’ont bien soutenu. Je ne regrette rien. Je suis
très content et je profite parce que le temps passe vite… Alors il faut vivre tous ces moments à
fond.
Le fait que vous ne soyez pas titulaire en début de saison a beaucoup fait parler. Un
international peut-il se satisfaire d’être remplaçant ?
J’avais passé un deal avec Fabien (Galthié, N.D.L.R.) : je vais avoir 34 ans en mai et, même si ce
n’est pas trop vieux pour mon poste, j’avais envie d’avoir des plages de récupération. J’en avais
besoin. C’était très clair dans ma tête. Du coup, tout ça ne me tracassait pas même s’il y a eu
beaucoup de polémiques.
Avez-vous douté à un moment ?
Non parce que je savais très bien ce qu’on attendait de moi et ce que je voulais. Ça m’allait très
bien. Maxi (Bustos) était titulaire l’année dernière, il faisait de très bons matchs et il était normal
qu’il commence les rencontres quand je suis arrivé. C’est la concurrence. Aujourd’hui, un joueur se
2. trompe s’il croit qu’il va être titularisé à chaque match. Pour moi, il n’y avait aucun problème par
rapport à ça.
Le fait d’avoir moins joué au début explique-t-il votre forme actuelle ?
Oui. Cela m‘a permis de me régénérer. J’ai beaucoup joué pendant les échéances internationales
et j’ai pu monter en puissance. Le fait de m’être bien géré au début me permet d’aller bien
aujourd’hui. Et je touche du bois maintenant !
D’autant que le poste de droitier est en souffrance au MHR. Malgré le retour de
Fa’anunu, vous avez été le seul valide ces derniers temps.
Il y a de nombreux blessés à ce poste en effet. Mais Nahuel Lobo a beaucoup travaillé. Il faut le
féliciter car ce n’est pas facile de passer de gauche à droite. Après, j’ai l’habitude d’avoir ce rôle-
là… Et je me régale.
En équipe de France aussi, la relève peine à être assurée derrière vous. Avez-vous
l’impression de porter la mêlée française sur vos épaules ?
Pas du tout, je ne suis pas comme ça. Personne n’est irremplaçable ! Avant moi il y avait Pieter De
Villiers… Et derrière, il y a Rabah (Slimani) qui a seulement 24 ans. Luc Ducalcon aussi qui fait des
performances avec le Racing. Il y a du potentiel.
Expliquez-vous le manque chronique de droitiers en France ?
Peut-être est-ce un poste qui ne fait pas rêver les jeunes ? C’est contraignant et on ne passe pas
à la télé, on est moins sollicités que les autres. Les gosses qui font du rugby veulent jouer derrière
et toucher des ballons. C’est naturel. Et puis les piliers sont des taiseux. Ils ont un côté
conservateur qui ne donne pas forcément envie.
Êtes-vous inquiet pour ce poste en France ?
Oui et non. Il y a un an, on disait qu’il n’y avait pas de remplaçant pour moi en équipe de France et
Rabah est arrivé. Il y a des piliers droits ! Mais il faut voir comment vont évoluer les règles en
mêlée et les politiques de recrutement des clubs.
Le pack français, et notamment ses piliers, a été montré
du doigt pendant le Tournoi des 6 Nations…
C’était dur… L’an passé, nous parvenions à être corrects et puis, d’un coup, on s’est fait
sanctionner. On ne va pas dire que nous nous sommes repliés sur nous-mêmes mais on s’est
3. demandé ce que tout le monde avait contre nous. On s’est un peu braqué… Thomas (Domingo) a
été montré du doigt. Contre l’Irlande, l’arbitre lui a dit qu’il était trop bas. Mais il est petit, c’est tout !
Il y a eu pas mal d’incompréhension. Et je pense qu’on s’est trop focalisés sur la mêlée. Il fallait
changer d’état d’esprit avec les nouvelles règles. Il faut jouer sans se ronger à se dire qu’on aurait
dû récupérer une pénalité sur telle ou telle mêlée. Il faut savoir passer à autre chose. J’ai mis du
temps à l’accepter mais le Tournoi a été déclencheur. Maintenant, je relativise.
Vous êtes-vous remis en cause à titre personnel ?
Bien sûr ! On se pose plein de questions, on se demande pourquoi ça ne marche pas, ce qui se
passe… Mais il fallait en passer par là. Maintenant, ça va. Je m’adapte mieux. Enfin, disons que je
fais avec.
Quel regard portez-vous sur ces nouvelles règles en mêlée ?
Ça a été un chamboulement pour nous. Pour ma part, j’ai connu beaucoup d’évolutions depuis le
début de ma carrière… On n‘est jamais très satisfait quand il y a des changements de règles en
mêlée. Je crois qu’on peut dire que tout le rugby français a eu du mal à s’adapter à celle-là mais il
y a du mieux maintenant. On s’est habitué.
Que changent-elles principalement ?
L’approche n’est pas la même, mentalement surtout. On ne peut plus se dire qu’on va gagner ou
récupérer des points grâce à la mêlée, car les arbitres la sifflent de moins en moins. Ils veulent que
ça joue et on n’est pas forcément récompensé quand on domine dans ce secteur. Il faut assimiler
tout cela et se dire que la mêlée, même si elle reste primordiale, a peut-être moins d’importance
que par le passé.
Le regrettez-vous ?
Il n’y a plus cette intimidation entre les piliers, il n’y a plus ce duel entre le droitier et le gaucher…
Aujourd’hui, c’est vraiment la force qui est mise en avant. Ce n’est plus la même chose. Je ne vais
pas être nostalgique et le rugby ne se résume pas à la mêlée mais cette situation nous a
chagrinés, nous les piliers disons « à l’ancienne ».
Concrètement, cela a-t-il changé votre façon de travailler ?
Je suis pilier depuis quinze ans alors j’ai essayé de changer un minimum de choses pour garder
l’expérience que j’ai acquise. Je fais toujours du renforcement du cou. C’est primordial et encore
plus aujourd’hui car il y a plus de pression qu’avant. On n’a pas le temps de prendre ou de se faire
prendre la place dans la mêlée et, du coup, il y a des pressions énormes. Je pense qu’il y a plus de
risques avec ces nouvelles règles parce qu’on est bloqué dès que ça monte. Le renforcement et le
4. gainage sont normaux pour un pilier mais il faut les travailler un peu plus.
Comprenez-vous toutes ces évolutions des règles décidées par l’IRB ?
Pas trop. Ce n’est pas à moi de dire ça mais on tend à ne plus avoir de mêlée dans le XV. Ce que
je regrette, c’est qu’on n’ait pas notre mot à dire. L’IRB nous sort cette règle et on doit l’appliquer
sans broncher. Pourquoi n’a-t-elle pas sondé les piliers pour savoir ce qu’ils en pensaient ? C’est
bizarre.
La mêlée est en danger alors ?
Bien sûr. Et ce n’est pas nouveau. Mais il faut continuer à se battre et ne pas lâcher. Les piliers
sont des gens un peu spéciaux. Nous sommes petits, râblés et nous avons quand même la chance
de pouvoir jouer. Notre race - j’utilise ce mot parce que j’assimile cela à la corrida - est particulière.
Bientôt, il n’y aura plus de piliers d’1,80 m. Ils feront tous 1,90 m, seront athlétiques. Nous n’aurons
plus notre place. C’est un peu de la discrimination et c’est dommage. La beauté du rugby, c’est
aussi qu’un petit, un gros, un grand, n’importe qui peut jouer. Et ça devient compliqué maintenant.
Cet attachement à la mêlée n’est-il pas propre au rugby français ? On sait que c’est un
secteur moins capital dans le rugby du Sud par exemple.
Peut-être… Depuis la nuit des temps, la mêlée constitue la base du rugby en France. Même s’il n’a
pas joué en même temps que moi, je côtoie Jean-Pierre Garuet par exemple. On parle de confrérie
entre nous… Entre piliers, nous avons des rapports particuliers. C’est un monde à part. Seuls nous
savons ce que nous vivons, ce que nous faisons et les difficultés qui sont les nôtres… S’il n’y a
plus de mêlée en France, à quoi cela sert-il d’y avoir du rugby à XV ?
Comment vivez-vous la situation de l’Usap ?
Un peu de loin, même si j‘ai des amis là-bas. J’ai vécu cette situation par le passé et je sais
combien la pression est dure à supporter. Mais je sais aussi qu’ils vont s’en sortir. J’ai confiance en
eux. C’est dur quelque part, parce que c’est mon club de cœur.
« Je pense qu’il y a plus de risques avec ces nouvelles règles parce que la pression est énorme et
on est bloqué dès que ça monte. »