"Quand la littérature se lit avec les mains" Conférence Biskra 2019 Autour de la littérature numérique Colloque international – Université Mohamed Khider de Biskra – Algérie 6-7 octobre 2019

1. ì Colloque international
Autour de la littérature numérique
Université de Biskra, Algérie, 6 et 7 octobre 2019
Quand la li)érature se lit avec les mains. Délinéarisa4on et
rela4onalité dans l’écrilecture numérique
Marie-Anne Paveau, Université Paris 13, EA 7338 Pléiade
@: ma.paveau@orange.fr TwiKer : @mapav8
Carnet de recherche Technologies discursives colloque : #biskra2019
hKps://technodiscours.hypotheses.org/
Carnet de recherche La pensée du discours
hKps://penseedudiscours.hypotheses.org/

2. Introduction
ì PerspecQve linguis4que/analyse du discours – qualitaQve
ì Ques4ons posées à l’approche linguis4que/discursive par la
mulQmodalité/hétérogénéité sémioQque/plurisémioQcité
liKérature/l’écriture numérique na4ve
ì Na4ve : produite dans univers numérique conçu comme milieu
(≠ support) – ici : web staQque 1.0 et web social/
conversaQonnel 2.0 (≠ internet)
ì Plurisémio4cité : texte / image fixe ou animée / son =>
composiQon/arQculaQon ≠ juxtaposiQon

5. Introduction
ì Écrilecture : écrire et lire même geste sémioQque – la lecture
est écriture et l’écriture est une lecture anQcipée
ì Geste des mains => cliquer/scroller – lecture augmentée, mains
comme extension de la vue et de la cogniQon
ì 1. Délinéarisa4on ≠ combinaison & fil du discours
ì 2. Rela4onalité = toute écrilecture suppose relaQon singulière
écrilecteur/appareil/navigateur/sites

6. Plan de l’intervention
ì IntroducQon
ì 1. Cadre de travail : analyse du discours numérique (ADN)
ì 2. La délinéarisa4on du discours, une révolu4on linguis4que ?
ì 3. L’écriture et la rela4on. Une produc4on idionumérique
ì Conclusion
ì Références

7. 1. Cadre de travail :
analyse du discours numérique (ADN)
ì 1.1 ADN, technodiscours, postdualisme
ì 1.2 La no9on d’écrilecture

8. 1.1 ADN, technodiscours, postdualisme
ì Analyse du discours numérique (ADN) PAVEAU 2017 : maQère
technolangagière composite, coproducQon humaine & non humaine
des discours
ì Technodiscours : maQère langagière composite intégrant machine
i.e. code et algorithmes ≠ logocentrisme prénumérique – 6 traits :
composiQon, délinéarisa4on, augmentaQon, rela4onalité,
invesQgabilité, imprévisibilité
ì Postdualisme LATOUR 1991, DESCOLA 2007, KOHN 2013, écologie du
discours, intégraQon différentes matérialités du monde, langage co-
extensif autres matérialités, noQon de cons4tu4vité (PÊCHEUX et al.
1971)

9. 1.2 La notion d’écrilecture
ì Écrilecture BARBOSA 1996 (A Ciberliteratura. Criaçâo Literária e
Computador)
ì fusion des deux acQvités de lecture et d’écriture impliquée par
les hypertextes par ex. (PAVEAU 2016 s/hypertexte)
ì cliquabilité des éléments langagiers => manipulabilité du texte
numérique (« énoncé de geste » BOUCHARDON 2011) créé
matériellement en même temps qu’il est lu

10. 1.2 La notion d’écrilecture
CHARTIER 1994
« Avec le texte électronique, […], non seulement le lecteur peut
soume<re le texte à de mul9ples opéra9ons (il peut l'indexer,
l'annoter, le copier, le démembrer, le recomposer, le déplacer,
etc.), mais, plus encore, il peut en devenir le co-auteur. La
disEncEon, fortement visible dans le livre imprimé, entre l'écriture
et la lecture, entre l'auteur du texte et le lecteur du livre, s'efface
au profit d'une réalité autre : celle où le lecteur devient un des
acteurs d'une écriture à plusieurs voix ou, à tout le moins, se
trouve où en posiEon de cons9tuer un texte nouveau à par9r de
fragments librement découpés et assemblés. »

11. 1.2 La notion d’écrilecture
ì Lect-acteur (Weissberg, Bouchardon), lectant, readwrite
ì BOUCHARDON 2007

15. Le lien. Étape 1 surligner le segment à marquer

16. Le lien. Étape 2 ouvrir la fenêtre « insérer/modérer un
lien »

17. Le lien. Étape 3 coller l’url concerné

18. Le lien. Étape 4 insérer le lien

19. 1.2 La notion d’écrilecture

20. 2. La délinéarisation du discours, une révolution
linguistique ?
ì 2.1. La délinéarisa9on, une ques9on linguis9que
ì 2.2. Proposi9ons : catégories et fonc9onnements
ì 2.3. Délinéarisa9on et iconisa9on du discours

21. 2.1. La délinéarisation, une question linguistique
ì linéarité définitoire du langagier (combinaison, syntaxe,
syntagme), du discursif (fil du discours, intradiscours), du
textuel (progression)
ì énoncés naQfs du web délinéarisés, par technomots (pseudos,
hashtags), technosignes (boutons de partage et de
recommandaQon) et hyperliens => tous les éléments cliquables
ì quesQon : comment intégrer ce phénomène à l’analyse
linguis4que ? pas de catégories et disposiQfs d’analyse
disponibles dans syntaxe énoncés prénumériques

22. 2.1. La délinéarisation, une question linguistique
Délinéarisa4on – PAVEAU 2015
« La délinéarisaEon, trait spécifique à l’énoncé numérique naEf, consiste
en l’interven9on d’éléments cliquables dans le fil du discours, qui
dirigent le lecteur-scripteur d’un fil-source vers un fil-cible, instaurant
une relaEon entre deux discours (par ex. un hashtag, un lien dans un
texte) ; ceRe relaEon est le produit d’une décision de l’internaute-
lecteur, acEvant les éléments cliquables par un « énoncé de
geste » (BOUCHARDON 2011). La délinéarisaEon est une élaboraEon
du fil du discours dans laquelle les ma9ères technologiques et
langagières sont co-cons9tu9ves, et affectent la combinatoire
phrasEque en créant un discours composite à dimension
rela9onnelle. La délinéarisaEon est un phénomène relevant
pleinement de la technologie discursive ».

23. 2.2. Propositions : catégories et fonctionnements
ì Poser des catégories : paradigme en techno- de l’ADN
(technodiscours, technomot, technosigne, technodiscours
rapporté, etc.) signale ceKe propriété des discours numériques
naQfs
ì Décrire des fonc4onnements énoncia4fs : la délinéarisaQon par
hyperlien = changer de système énonciaQf ≠ parenthèse ou
digression puisqu’elle permet de ne pas revenir à la situaQon
d’énonciaQon précédente
ì Prendre acte de l’iconisaQon du discours : image pilote le sens
(pictorial turn MITCHELL 1994)

25. 2.3. Délinéarisation et iconisation du discours
ì Iconisa4on du discours : tendance générale discours
numériques naQfs
ì Sur les fRSN, applis smartphones : technographismes
(composites image-texte type gif, mèmes, stories) – Whatsapp :
GHLISS JAHJAH 2019, GHLISS 2019 dans GHLISS, PEREA,
RUCHON dir. 2019
ì LiKérature numérique contemporaine : iconisa4on importante
vs affaiblissement hypertextuel – Ex : remue.net, WaKpad

28. 3. L’écriture et la relation. Une production
idionumérique
ì 3.1. Les énoncés numériques na9fs sont
idionumériques
ì 3.2. La no9on de rela9onalité du web
ì 3.3. Conséquences linguis9ques

29. 3.1. Les énoncés numériques natifs sont
idionumériques
ì Contextualisa4on technorela4onnelle PAVEAU 2013, 2016
– tout énoncé en ligne dépendant d’un point de vue subjec4f hic et
nunc, & d’une configura4on matérielle individuelle (comptes
RSN ne sont pas des espaces discursifs mais des annuaires de
liens)
– tout énoncé en ligne consQtue une forme absolument singulière
liée aux situa4ons de l’internaute
– sur RSN chaque internaute voit/lit/écrilit des choses différentes <
manipula4ons matérielles (mains)
– la contextualisaQon technorelaQonnelle bloque l’objec4va4on
des énoncés vs subjec4vité corporelle

31. ì (page de mon compte TwiKer sur Tweetdeck,
faisant apparaître les messages privés)

32. 3.1. Les énoncés numériques natifs sont
idionumériques
ì Corpus idionumérique ÉMERIT 2016, § 42 à 44
ì Défini9on du corpus idionumérique. «Lorsque l’on prend pour
terrain de recherche les environnements numériques on a
conscience, de façon plus ou moins forte, de la nature aléatoire
de la présentaEon des données, voire des données elles-mêmes.
On sait bien, par exemple, qu’un u9lisateur ne verra pas les
mêmes éléments s’afficher s’il consulte Facebook à parEr d’un
ordinateur fixe ou s’il le fait via l’applicaEon de son téléphone
mobile. »

33. 3.1. Les énoncés numériques natifs sont
idionumériques
ì Corpus idionumérique ÉMERIT 2016
ì « Par exemple dans le cadre du lieu de corpus « Ma Thèse Sdl »
il est nécessaire de l’idenEfier avec le compte Ma Thèse Sdl pour
avoir accès à l’ensemble des données. Sur Facebook chaque
locuteur reçoit un contenu différent sur sa 9meline. Celle-ci est
composée de publicaEons qui sont produites et reçues dans
l’écosystème auquel appar9ent le compte de chaque
u9lisateur à un moment donné. »

34. 3.1. Les énoncés numériques natifs sont
idionumériques
ì Corpus idionumérique ÉMERIT 2016
« Le contenu est personnalisé automa9quement par un algorithme
qui sélecEonne les messages à afficher en priorité. Cet algorithme
est alimenté par les traces numériques de l’uElisateur sur le site
comme le nombre de clics, de likes ou de commentaires. Les icônes
signalant les ac9vités des membres de la liste d’amis (connexion
au chat, brèves actualités) sont également différentes en foncEon
du moment auquel ils sont consultés. »

35. 3.2. La notion de relationalité du web
ì PAVEAU 2017, arQcle « Rela4onalité »
« La relaEonalité est un des traits structuraux des discours
numériques naEfs, en parEculier sur le web. Tout discours produit
dans un environnement numérique connecté s’inscrit en effet dans
une rela9on matérielle qui se manifeste à plusieurs niveaux :
– relaEon avec les autres technodiscours du fait de la structure
hypertextuelle du web ;
– relaEon avec les appareils du fait de la nature composite des
technodiscours, liRéralement coproduits dans la machine ;
– relaEon avec les scripteurs et les (écri)lecteurs qui passe par la
subjecEvité de la configuraEon des interfaces d’écriture
et de lecture, et qui rend les technodiscours idionumériques,
c’est-à-dire dépendants du point de vue unique de l’internaute. »

36. 3.3. Conséquences linguistiques
3.3.1. Sur la théorie linguis4que/discursive
Les catégories
ì Nouvelles catégories/aménagement des catégories existantes :
URL ? Mot cliquable ? CirculaQon hypertextuelle ?
ì Hypertextualité => énoncés-liens ou énoncés liés
ì inves4gabilité/trouvabilité (searchabilty/findability) (moteurs
de recherche, redocumentarisaQon)
ì partageabilité (technodiscours rapporté) – PAVEAU 2014
ì algorithmicité (les énoncés produisent des énoncés)
=> l’énoncé est un lien, lié au corps & machine, phénomène inédit,
repenser combinaison et défini4on unités (phrase, texte, discours)

37. 3.3. Conséquences linguistiques
3.3.1. Sur la théorie linguis4que/discursive
La rela9onalité matérielle
ì matérielle = de nature informaQque (vs dialogisme, intertextualité,
interdiscursivité)
ì HERRENSCHMIDT 2007 : écriture en ligne ou sur machine pas
enQèrement le fait des scripteurs-sujets, mais passe par des
programmes
ì GOYET, COLLOMB 2016 : concepQon de l’écriture numérique souffre
dans recherche d’un anthropomorphisme qui affaiblit validité
résultats
ì relaQonalité matérielle des énoncés numériques naQfs : changement
important dans la nature des données traitées par linguistes =>
retravailler no4ons opératoires en analyse du discours

38. 3.3. Conséquences linguistiques
3.3.2. Sur la méthodologie de la recherche
Méthodologie écologique
ì relaQonalité des technodiscours implique en effet leur
approche écologique, c’est-à-dire leur analyse dans leurs
environnements naQfs ;
ì méthode par extrac4on, par exemple dans le cas de l’analyse
automaQque de grands ou moins grands corpus de tweets par
exemple, écarte de fait de nombreux paramètres de
foncQonnement des technodiscours.

39. 3.3. Conséquences linguistiques
3.3.2. Sur la méthodologie de la recherche
Dimension idionumérique
ì Effet sur : collecte des données, élaboraQon observables,
construcQon corpus
ì Présence internaute détermine en grande parQe les énoncés, forme,
format, contexte)
ì Présence : ex. configuraQon de la barre d’ou4ls navigateur &
ordinateur car marque-pages & boutons engagent procédures de
lecture & écriture :

43. Conclusion
ì RévoluQon linguisQque ?
– Plan des formes (technomots, technosignes, technodiscours), de
la disposi4on des discours (hypertextualité, invesQgabilité,
redocumentaQon, augmentaQon), de leur circula4on
(partageabilité, innombrabilité)
– Plan des rapports discours-sujet => relaQonalité
ì LiKérature : évoluQon conQnue => Li)ératube

45. Références
ì BARBOSA Pedro, 1996, A Ciberliteratura. Criaçâo Literária e Computador,
Lisboa, Cosmos.
ì BOUCHARDON Serge, 2007, “Chapitre III. Les œuvres de liKérature numérique”
in Bouchardon S. dir., Un laboratoire de liRératures : LiRérature numérique et
Internet, Paris, ÉdiQons de la Bibliothèque publique d’informaQon, p. 147-226,
hKp://books.openediQon.org/bibpompidou/232
ì BOUCHARDON Serge, 2011, « Des figures de manipulaQon dans la créaQon
numérique », Protée 39, p. 37-46.
ì CHARTIER Roger, 1994, « Du codex à l’écran : les trajectoires de l’écrit », Solaris
1, p. 65-77.
ì DACOS Marin (dir.) 2010, Readwrite book. Le livre inscripEble, Cléo, Open ediQon
press.
ì DESCOLA Philippe, 2006, Par-delà nature et culture, Paris, Seuil.
ì EMERIT LaeQQa 2016, « La noQon de lieu de corpus : un nouvel ouQl pour l’étude
des terrains numériques en linguisQque », Corela 14-1,
hKp://corela.revues.org/4594

46. Références
ì GHLISS Yosra, 2019, « Les photo-discours WhatsApp : éléments d’analyse d’une
affordance d’une applicaQon mobile », Corela HS 28,
hKps://journals.openediQon.org/corela/8480
ì GHLISS Yosra, JAHJAH Marc, 2019, « Habiter WhatsApp ? Éléments d’analyse
postdualiste des interacQons en espace numérique », Langage et société, vol. 167,
no. 2, 2019, p. 29-50.
ì GHLISS Yosra, PEREA François, RUCHON Catherine, 2019 dir., Les affordances
langagières : textualité numérique, matérialité discursive, Corela HS 28,
hKps://journals.openediQon.org/corela/7890
ì GOYET Samuel & COLLOMB Cléo, 2016, « Do Computers Write on Electric Screens? »,
communicaEon +1, Vol. 5, ArQcle 2., hKp://scholarworks.umass.edu/cpo/vol5/iss1/2
ì HERRENSCHMIDT Claire, 2007, Les trois écritures. Langue, nombre, code, Paris,
Gallimard.
ì KOHN Eduardo, 2017 [2013], Comment pensent les forêts, trad. Grégory Delaplace,
Paris, Zones sensibles.
ì LATOUR Bruno, 1991, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie
symétrique, Paris, La Découverte.

47. Références
ì MITCHELL William J. Thomas, 1994, Picture Theory : Essays on Verbal and Visual
RepresentaEon, Chicago, The University of Chicago Press.
ì PAVEAU Marie-Anne, 9 mai 2013, “Analyse discursive des réseaux sociaux numériques“,
DicEonnaire d’analyse du discours numérique, Technologies discursives, [Carnet de
recherche], hKp://technodiscours.hypotheses.org/?p=431
ì PAVEAU Marie-Anne, 31/12/2014, "[DicQonnaire] Technodiscours rapporté," in
Technologies discursives [Carnet de recherche],
hKps://technodiscours.hypotheses.org/606.
ì PAVEAU Marie-Anne, 2015, « Ce qui s’écrit dans les univers numériques. MaQères
technolangagières et formes technodiscursives », IEnéraires ltc,
hKp://iQneraires.revues.org/2313
ì PAVEAU Marie-Anne, 2016, « Des discours et des liens. Les parcours technodiscursifs de
l’écrilecture », Semen 42, p. 23-48.
ì PAVEAU Marie-Anne, 2017, L’analyse du discours numérique. DicEonnaire des formes et
des praEques, Paris, Hermann.
ì PÊCHEUX Michel, Claudine HAROCHE et Paul HENRY, 1971, « La sémanQque et la coupure
saussurienne », Langages 24, p. 93-106.