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ETAT DES LUTTES CONTRE LES CONDITIONS DE
TRAVAIL INACCEPTABLES DES SALARIÉS AGRICOLES
Vendredi 19 mai 2006
au lycée agricole Nîmes-Rodilhan (Gard)
Des luttes contre la servitude
Résistances en Europe
à la servitude
en agriculture
ADRESSES
SOC-SAT (Sindicato de Obreros del
Campo – Sindicato Andaluz de
Trabajadores) Almeria
membre de la Via Campesina
1, bajo, 04006, Almería, Andalucía
Courriel : socalmeria@yahoo.es
Forum Civique Européen
Le Pigeonnier, F-04300 Forcalquier,
Courriel : France@forumcivique.org
www.forumcivique.org
Collectif de défense
des travailleurs saisonniers (Codetras)
BP 87 - 13303 Marseille cedex 3
Courriel codetras@espace.asso.fr
www.codetras.org
Confédération Paysanne
membre de la Via Campesina
104 rue Robespierre – 93170 Bagnolet
Courriel :
contact@confederationpaysanne.fr
www.confederationpaysanne.fr
Coordination paysanne
européenne
18 rue de la Sablonière – 1000 Bruxelles
Belgique
www.cpefarmers.org
Plateforme pour une agriculture
socialement durable
14, Mauverney, 1196 Gland, Suisse
Courriel : agrisodu@bluewin.ch
www.agrisodu.ch
L’autre syndicat
14, rue Mauverney
CH-1196 Gland, Suisse
Courriel : lautresyndicat@bluewin.ch
www.lautresyndicat.ch
Via Campesina
www.viacampesina.org
Ce document a été rédigé à partir des interventions du
SOC, de la Confédération Paysanne, du Codetras, du
Forum Civique Européen et de L’autre syndicat, et de
Fréderic Decosse, Patrick Herman, Gérard Filoche,
Alain Morice.
II Gérard Filoche est inspecteur du travail depuis
1982. Il est rédacteur en chef de la revue Démocratie
& Socialisme depuis 1992. Auteur de différents
ouvrages dont «Carnets d’un inspecteur du travail»,
Edition Ramsay, 2004 ; «On achève bien… les inspec-
teurs du travail», Jean-Claude Gawsewitch Editeur,
2004 ; «Le travail jetable», Ramsay, 1997.
II Alain Morice est anthropologue, chargé de
recherche au CNRS. Il est responsable de la spécialité
professionnelle « Migrations et relations interethniques
»du Master Sociologie et anthropologie : Politique, cul-
ture et migrations Il est membre de l’association
Migreurop : http://www.migreurop.org
Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont «Comme des
esclaves, ou les avatars de l’esclavage métaphorique»,
Cahiers d'études africaines, n° 179-180, p. 1015-1036
Les lois de l'inhospitalité : Les politiques de l'immigration
à l'épreuve des sans-papiers (dirigé avec Didier Fassin et
Catherine Quiminal) La Découverte, Cahiers Libres,
Paris, 1997.
II Patrick Herman est paysan journaliste. A écrit dif-
férents articles sur les saisonniers en agriculture in Le
Monde diplomatique, Alternatives Internationales,
Témoignage chrétien. A paraître en janvier 2007 : «La
Roue: D'une rive à l'autre, la noria des saisonniers agri-
coles», 90 photos de Yohanne Lamoulere, textes de
Patrick Herman.
II Frédéric Decosse est doctorant en sociologie sous
la direction d’Annie Thébaud-Mony à l'EHESS sur
«Santé des travailleurs marocains en agriculture intensive
: une approche comparative France-Espagne-Maroc».
espagne
3
ESPAGNE
Le SOC (syndicat des ouvriers agricoles en Andalousie) défend depuis
30 ans les droits des journaliers. Traditionnellement il était implanté
dans le centre de l'Andalousie, région de grandes propriétés foncières
de fruits et d'olives qui employaient de nombreux journaliers andalous,
environ 500 000 dont une majorité devait émigrer la plus grande partie
de l’année à la recherche de travail ailleurs. Depuis les agressions
racistes à El Ejido – province d'Almeria au sud est de l’Espagne – en
2000, le SOC s’est implanté dans cette région qui recouvre plus de
35 000 ha (en progression chaque année) de serres réparties entre
15000 petites exploitations familiales. La production annuelle est
estimée à 4 millions de tonnes de fruits et légumes et plus de 1.5
millions de tonnes par an de déchets. Les quantités de pesticides sont
considérables puisque les concentrations peuvent être jusqu’à 200 fois
supérieures à celles autorisées dans l’agriculture classique, la nappe
phréatique qui constitue l’unique ressource en eau de la région est
désormais contaminée. Environ 90 000 immigrés venus du Maghreb,
d’Afrique noire, d’Amérique latine et plus récemment d’Europe de
l’est (32 nationalités) – hommes et femmes - y travaillent, dont la
moitié en situation régulière. L’impossibilité de louer un logement à
cause du racisme latent a engendré de véritable bidonvilles aux abords
des serres sous des huttes de fortune, bricolées avec les déchets
(plastiques, cordes, tôles, contre-plaqués, etc.) issus de l’agriculture.
Une grande partie de l’économie de cette région repose sur ce modèle
de production : l’agriculture intensive, industrielle. Il est donc très
délicat de le remettre en cause en dénonçant l’exploitation des
travailleurs ou encore les problèmes environnementaux qu’il
Desluttescontrelaservitude
EN ESPAGNE, l’immigration est organisée par l’Etat et cogérée par les
syndicats agricoles majoritaires avec les contrats d’origine. En 2003,
7000 femmes sont venues travailler dans la région de Huelva, 22 000
en 2005 et 32 000 en 2006 venant de Pologne et de Roumanie mais
également – phénomène récent - du Maroc (8000 en 2005). Ces
femmes ne travaillent pas à temps plein. Chaque année le nombre de
femmes venant travailler augmente pour maintenir une sur-offre de
la main d’œuvre Employeurs et entreprises commercialisant les
fraises organisent sur place des bureaux de recrutement pour la
main d’œuvre dont ils ont besoin.
YACOMBA est ivoirien, émigré
d’abord au Mali suite aux évè-
nements xénophobes récents
dans le pays d’Houphouët, il
décide de partir vers l’Europe,
laissant parents, femme et
enfants sur place. Il part avec
une douzaine de compagnons
vers la Mauritanie, puis pour
1400 euros traverse dans une
barque de fortune, pendant 4
jours, l’océan pour atteindre
l’Espagne où il découvrira un
nouvel enfer.
KATARINA fait partie des 90 000 tra-
vailleurs saisonniers qui travaillent dans
les serres de la région d’Almeria
(Andalousie). Elle est ingénieur carto-
graphe en Ukraine. Elle a quitté sa famil-
le il y a 3 ans lorsqu’elle a appris qu’au
sud de l’Europe, on embauchait femmes
et hommes n’ayant pas peur de travailler,
avec une rétribution qui paraît d’or en
comparaison de sa situation à ce moment
en Ukraine. Mais en arrivant, c’est le
choc, sous les tunnels de plastique des
températures qu’elle n’a jamais connues
et un air irrespirable. Sur les 700 euros
qu’elle gagne chaque mois, elle en dépen-
se 200 pour se nourrir et autant de loyer
pour une maison qu’elle partage avec
d’autres femmes, ne pouvant supporter
les conditions insalubres de leurs loge-
ments près des serres. Elle cotise égale-
ment 42 euros de sécurité sociale et elle
envoie le reste en Ukraine pour payer le
crédit de sa maison et aider ses enfants
et son mari.
SOC (syndicat des ouvriers
agricoles en Andalousie)
engendre. Le travail représente 60% des
coûts dans les cultures de serres. Ce
modèle ne tient donc que par une
surenchère de l’exploitation de la main
d’œuvre qui se traduit par une division des
travailleurs entre eux et leur remplacement
continuel organisé par les employeurs. Une
politique de sur-offre permanente de main
d’œuvre maintient également cette
exploitation : certains travaillent 3 à 5 jours
par mois uniquement, et chaque matin se
retrouvent sur le marché du travail en
offrant leur force de travail pour un coût
toujours plus bas pour l’employeur.
Le SOC fait un travail d’information, de
défense juridique tant au niveau du droit du
travail que du droit des étrangers. Il se bat
souvent seul pour défendre ouvriers et
ouvrières agricoles dans leur grande
majorité étrangers. Le SOC a organisé les
plus précaires des européens dans les
années 70-80, désormais il organise tout un
secteur de travailleurs maintenant
majoritaires dont les grands syndicats
(CGT….) font peu de cas.
>
Affaire : vente de contrat OMI
Six saisonniers sont bloqués au Maroc, pour la campagne 2005/2006
Contexte : augmentation significative des contrats OMI depuis que la Coordination rurale a
pris la Chambre d’agriculture en 2001, on constate 100 contrats en 2000 et 1400 contrats en
2005, 30 employeurs de main d’œuvre étrangère en 2000 à 300 en 2005.
Leur contrat n’a pas été renouvelé. Ils travaillent sous
contrat OMI depuis 2001 pour certains d’entre eux. Ils
sont tous originaires du même village, cousins plus ou
moins directs du chef d’équipe à qui ils ont acheté leur
contrat (entre 3 à 5000 euros). En France, ils ont été
remplacés par d’autres saisonniers qui avaient eux
aussi achetés leur contrat (5000 euros). En plus de
l’achat de contrat, ces ouvriers s’étaient vu retenir le
remboursement de la taxe OMI sensée couvrir les
frais de transport et de visite médicale au Maroc, soit
85 heures de travail à 8.03 euros, au total 680 euros
alors que le montant fixé par décret n’excède pas 500
euros pour la campagne 2005. A ces prélèvements,
s’ajoutent la valeur de 120 heures de travail soit 960
euros par personne pour le transport du lieu de travail
au lieu d’habitation ; 80 à 120 euros pour le logement (un lit dans une chambre de 4 sans
douche) et 10 à 15 euros pour l’eau et l’électricité. Avant de rentrer au Maroc, les salariés
avaient dû s’acquitter également de 4 mois de loyer pour retrouver le logement la saison
suivante. Ces salariés ont décidé de porter plainte auprès du Procureur. Au final, 8 personnes
se sont portées partie civile - ils auraient pu être plus nombreux mais certains attendent
encore de savoir si ils se verront renouveler ou non leur contrat l’année prochaine. C’est une
limite à souligner du recours à l’action judiciaire : les salariés n’entreprennent ces démarches
que s’ ils n’ont rien à perdre.
Dans les faits, le chef d’équipe a été mis en examen en décembre 2005, événement bien
relaté dans la presse. Une commission d’enquête a été ouverte, les ouvriers ont été entendus,
certains ont parlé, d’autres pas, les primo-contrats rentrés pour la saison 2005/2006
notamment par l’intermédiaire du deuxième chef d’équipe qui lui également vendait des
contrats ont fait bloc derrière les accusés d’où une ambiance délétère. Une commission
rogatoire internationale pour pouvoir enquêter au Maroc et entendre les plaignants a été
demandée par le juge d’instruction. Le patron n’a pas été inquiété, il était déjà connu de
l’ITEPSA (Inspection du travail et de la protection sociale en agriculture ), il avait été pris en
flagrant délit en 2004 pour avoir logé ses ouvriers dans un logement insalubre sur la propriété.
Il aurait d’ailleurs dû se voir interdire l’autorisation de contrats cette année mais la Direction
départementale du Travail est passée outre l’avis de l’ITEPSA…
france
4
Desluttescontrelaservitude
Pratiques abusives pour pénurie de
La main d’œuvre étrangère est également une source de profit pour d’autres personnes que pour l’exploitant. Achat de cont
paiement des heures supplémentaires, retenues sur salaire,… sont des pratiques très répandues. Mais les mécanismes de sp
moins d’autonomie du chef d’équipe y compris sur le plan financier, des logements en dehors de l’exploitation gérés par des
Lot et Garonne
Une exploitation arboricole de 250 hectares de kiwis, pommes et poires emploie 85 saisonniers sous contrat
OMI dans la région d’Agen.
A savoir :
• Les contrats
OMI relèvent des
dispositions
réglementaires
d’un contrat à
durée déterminée
et de la
convention
collective :
la prime
d’ancienneté est
un dû.
• L’aide
juridictionnelle
peut être
demandée si la
procédure
apparaît d’un
intérêt probant.
• Il est
impossible de
priver de droits
sociaux au motif
du statut
irrégulier de
séjour. Les
articles L. 161.3
et L.161.8 du
Code de la
Sécurité sociale
précisent qu’à
partir du moment
où le bénéficiaire
cesse d’être affilié,
le bénéfice des
prestations court
pendant un an
pour les
indemnités
journalières et
pendant 4 ans
pour les
remboursements
de soins.
france
5
FRANCE
Desluttescontrelaservitude
droits
trat, remboursement de la taxe OMI, insalubrité des logements, non
poliation peuvent prendre des formes assez différentes avec plus ou
s marchands de sommeil ou en lien avec la prostitution…
Bouches du Rhone
Baloua est né au Maroc en 1957 et travaille en France
depuis 1982 chez un arboriculteur avec un contrat
OMI de 6 mois très souvent prolongé de deux mois
supplémentaires. Sa famille vit au Maroc. Sur
l’exploitation, il fait la cueillette des pommes, puis
travaille au conditionnement et pendant la saison
morte, il «bricole» sur l’exploitation avec des salariés
permanents. Tous les autres saisonniers (36) font la
cueillette jusque fin octobre et cherchent du travail sur
d’autres exploitations «au noir». Si le travail est déclaré
c’est par l’intermédiaire du patron «primo-déclarant»,
qui encaisse l’argent des autres employeurs et les paie.
Ils travaillent dimanches et jours fériés et effectuent
entre 230 et 250 heures par mois pour un salaire
inférieur au SMIC. En 2004, il a effectué 1 750 heures
de travail avec des pointes de 230 heures par mois,
«payées 5 euros, les derniers mois». La liste est longue
des infractions à la législation du travail : durée au-delà
de la légalité du travail quotidien ou hebdomadaire,
heures supplémentaires payées au tarif ordinaire ou
pas payées, non-respect des temps de repos, salaire ne
tenant pas compte de la qualification, normes
d’hygiène et de protection dans le travail non
respectées, paiement partiel du salaire à chaque fin de
mois et versement du solde à la fin du contrat (sans les
intérêts, bien sûr...).
En 2005, il découvre dans un journal que le domaine
sur lequel il travaille depuis 23 ans est mis en vente
sans en avoir été informé par son employeur. Il a porté
plainte contre cette exploitation : 23 années de travail
et presque 2 années de souffrance, la préfecture
refusant de lui délivrer une carte de résidence.
Ce qui est dénoncé à travers le cas Baloua : il a
été pendant 23 années surexploité et pénalement
victime d’abus sur personnes dépendantes, victime de
servitude au sens moderne du terme. Pourquoi ?
Parce qu’après avoir fait le calcul des heures
effectivement payées par le patron et celles
effectivement travaillées au cours de ces 23 années, la
différence s’élève à 4800 heures soit 3 années de
travail non payées.
Baloua réclame un titre de séjour de 10 ans car au
cours de ces 23 années de travail il a fourni 15 années
de travail au profit de l’économie du département. Il
est l’exemple type de ces gens dont tout le monde
s’accorde à dire que sans eux il n’y aurait pas
d’agriculture intensive dans les Bouches du Rhône.
Trois terrains de combat juridiques différents : au
tribunal des Prud’hommes pour l’application du droit
du travail, au tribunal administratif pour le titre de
séjour, et au pénal pour dénoncer l’état de servitude.
Baloua personnifie le système d’exploitation basé
sur le contrat saisonnier.
Affaire : heures supplémentaires non payées, pas de
droit à la retraite - Soutien du Codetras
Baloua travaille depuis 25 ans en France sous contrat OMI
chez un arboriculteur (pommes).
Communiqué du Codetras
Baloua Aït Baloua gagne la première manche !
Lundi 18 septembre 2006, le juge des référés a rendu sa décision. Il ordonne
au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. Aït Baloua « une autorisa-
tion provisoire de séjour l’autorisant à travailler ». Dans la bataille que
Baloua a entreprise dès mars 2005, cette décision favorable, toute provisoire
qu’elle soit, est extrêmement importante.
En effet, le juge considère que Baloua était « en réalité un travailleur perma-
nent car occupant un emploi permanent » et que son statut de saisonnier
invoqué par le préfet pour rejeter sa demande de titre de séjour permanent
n’était qu’une « apparence juridique que son employeur et l’administration
avaient entendu donner à son embauche et à son séjour sur le territoire fran-
çais ».
C’est une reconnaissance officielle de la fiction de beaucoup d’emplois sai-
sonniers en agriculture qui vient conforter les analyses des inspecteurs géné-
raux de l’Agriculture et des Affaires sociales dans le rapport 2001-118 de
novembre 2001 tenu secret et, naturellement, sans suite.
Elle est une nouvelle perche tendue à l’administration pour cesser des pra-
tiques favorisant la surexploitation des travailleurs étrangers et revenir à sa
fonction première : faire respecter l’état de droit.
Pour Baloua Aït Baloua, cette première victoire le confirme dans la justesse
de son combat. Désormais, il peut affronter les étapes suivantes à l’abri du
risque d’être exilé de force d’un pays où il a fourni toute sa force de travail
depuis l’âge de 24 ans.
france
6
Desluttescontrelaservitude
FRANCE
NAISSANCE DU CODETRAS : Collectif de Défense des Travailleurs Saisonniers
En 2002, c’est la rencontre de personnes, syndicalistes, associations de droits de l’homme, de solidarité, nord-sud…
qui partageaient un profond sentiment d’indignation totale devant le fait qu’une activité économique – à savoir
l’agriculture industrielle du département – ne se développait, et ne pouvait se développer, que sur le mépris insti-
tué des gens qui y travaillaient et en particulier de ces ouvriers étrangers, et plus particulièrement sous contrat sai-
sonnier. Le mépris comme attitude des employeurs mais aussi de toutes les institutions concernées et de toute la
population apparaît comme une nécessité organique.
Ses actions :
dénoncer et faire connaître publiquement les situations, contribuer à faire appliquer le droit et les
droits dont les travailleurs saisonniers disposent.
Contexte : en 1998 : 3420 contrats ; 1999 : 3378 et
2000 : 2858, 4491 en 2001, plus de 4000 en 2005,
2400 en 2006. Cette baisse semble avoir été
comblée, d’après les responsables syndicaux CGT,
par l’introduction de Marocains résidents espagnols
et des Équatoriens via des entreprises de travail
temporaire.
Depuis 2 ans, les heures supplémentaires n’étaient
pas payées, plus exactement celles de 2003 avaient
été payées péniblement en 2004 mais au tarif
normal, et celles de 2004 n’étaient toujours pas
payées en 2005. Les ouvriers travaillaient plus de
300 heures par mois en moyenne, payées 150. Ont-
ils eu connaissance des difficultés de gestion de cette
exploitation et que des risques de licenciement, et a
fortiori les primes dues ne leur seraient jamais
payées, toujours est-il qu’un petit groupe de
marocains a décidé d’arrêter le travail. Situation
typique où des gens se révoltent sans préparation
préalable et sans une grande pratique de lutte
syndicale, la question d’un soutien syndical s’est
posée. Le délégué de la CGT de Fos les a aidé à
organiser la grève et a commencé à parler au nom
des ouvriers qui, petit à petit, disparaissaient. Une
réunion en préfecture a été rapidement organisée et
la négociation s’est conclue ainsi : engagement
formel du patron de payer la prime, relogement des
ouvriers mal logés par l’état qui se substitue au
patron, priorité pour ces 240 ouvriers sur toutes les
nouvelles demandes d’employeurs OMI.
Dans les faits, la prime a été payée, les mal
logés ont été relogés dans l’urgence, et la
saison terminée, les ouvriers sont rentrés
chez eux. Pendant ce temps, l’exploitation a
été mise en liquidation judiciaire. En août
dernier, seul 3 des 240 ouvriers agricoles ont
été repris.
Bagarre actuelle : obtenir l’autorisation
provisoire de séjour pour des ouvriers ayant
fini leur contrat et ayant engagé une
procédure contre leur patron car leur
présence est obligatoire devant les
Prud’hommes. Aujourd’hui la préfecture des
Bouches du Rhône s’avère être là complice en
définitive du patron, en déstabilisant l’ouvrier,
en faisant en sorte qu’il ne soit pas présent…
elle porte une atteinte gravissime au droit de
la défense, elle contrevient à l’article 6 de la
Convention européenne des droits de
l’homme. C’est un combat qui n’est pas gagné, mais
c’est un combat qu’il ne faut pas lâcher.
Bouches du Rhone
Une exploitation de 1 000 ha de vergers (pêchers) située dans la plaine de La Crau, 4 sociétés appartenant à
Laurent Comte : Sedac, Cossure-Fruits, Grand Brahis, Sep, 15 ans d’existence, 240 saisonniers sous contrats
OMI, venant du Maroc et de Tunisie.
Affaire : grève de 240 saisonniers pour dénoncer leurs conditions de travail indignes
suisse
7
Desluttescontrelaservitude
SUISSE
En Suisse, la législation concernant l’agriculture est moyenâgeuse : le
travail agricole n’est pas soumis à la loi sur le travail, les conditions de
travail sont réglementées d’une manière non contraignante canton par
canton. Il existe 26 législations différentes concernant les conditions de
travail en agriculture. Et même si dans les cantons de Genève et de Vau
dans les années 80 et 90 des améliorations ont été apportées, elles n’ont
pas abouti à une réelle législation pour les travailleurs agricoles. Les
grosses centrales syndicales en Suisse ont de la peine à percevoir les
risques de maintenir l’agriculture hors cadre législatif.
Signataires du
«Manifeste pour une agriculture
socialement durable»
Organisations agricoles : Uniterre, BIO SUISSE, Bioforum-
Möschberg, Schweizerische Vereinigung zum Schutz der
kleinen und mittleren Bauern (VKMB), KAG-Freiland,
Jardins de Cocagne Genève, aspaari, Schweizer
Bergheimat, Longo Maï
Associations de consommateurs : Fédération romande
des consommateurs (FRC), Associazione consumatrici
della Svizzera italiana (ACSI),
Syndicats : Unia, Syndicat interprofessionnel de tra-
vailleuses et travailleurs Genève (SIT), l’autre syndicat La
Côte
Organisations de défense des immigré-e-s : Comité euro-
péen pour la défense des réfugiés et immigrés (CEDRI),
Forum Civique Européen (FCE)
Partis politiques : Parti suisse du travail-POP, Parti écolo-
giste suisse (les verts), Parti socialiste suisse PSS,
Jeunesse socialiste suisse JS
Association économie-écologie pour un développement
durable Genève AEE+DD, attac Valais et personnes indi-
viduelles.
La plateforme pour une agriculture socialement durable est un regroupement
d’organisations de producteurs, de syndicats agricoles, d’ouvriers, d’organisations de consommateurs, de défense de
l’environnement, défense des migrants…. née il y a deux ans. Elle a édité un manifeste pour dénoncer les conséquences
sociales désastreuses de la course effrénée au plus bas prix des denrées alimentaires. Ce manifeste contient un certain
nombre de revendications : amélioration des conditions de travail des ouvriers agricoles, véritable législation pour le
travail agricole, convention collective ou contrat type harmonisé partout en Suisse, régularisation des ouvriers sans
papier, rémunération plus équitable des producteurs et des ouvriers agricoles, qualité des produits.
Les membres de cette plateforme tentent d’intervenir auprès des grands distributeurs car les prix à la production
baissent alors que les prix à l’étal augmentent. Il est difficile au bout de deux ans d’en faire un bilan cependant, suite aux
différentes campagnes menées dans le cadre de la sensibilisation sur les événements d’El Ejido ou contre les grands
distributeurs, on constate que le débat sur le rôle de l’agriculture dans la société, les politiques agricoles, l’OMC… sont
autant de thèmes sur lesquels les suisses débattent.
L’autre point positif est l’attitude plus critique des consommateurs face à des importations hivernales de fruits et
légumes. Au niveau syndical, l’Union des paysans en Suisse est aujourd’hui, après avoir refusé pendant dix ans, en train
de discuter d’une convention collective. Bio Suisse, organisation principale des producteurs biologiques – a intégré dans
son cahier des charges des normes sociales qui jusqu’à maintenant n’existaient pas. La situation n’est pas évidente, certes
elle est moins visible que dans le sud de l’Espagne ou dans les Bouches du Rhône en France, mais devrait nous interpeller
sur la manière de mieux mettre ensemble nos forces afin d’obtenir des avancées.
Initiative citoyenne
8
Desluttescontrelaservitude
Le système actuel est une mise en concurrence des zones de production au niveau mondial accompagnée d’une
mise en concurrence des mains d’œuvre les unes avec les autres. Rappelons que dans la région d’Almeria 32
nationalités ont été recensées.
Tendance à la délocalisation
Au niveau de la production des fruits et légumes -
productions qui emploient beaucoup de main
d’œuvre – on peut considérer d’une certaine
manière qu’une nouvelle frontière se dessine :
transfert de zones de production de l’Espagne et
de la France vers le Maghreb et les pays de l'est.
Même si au Maroc, ce n’est pas tout à fait nouveau
de la part des espagnols puisque dans la région de
Larache en particulier, déjà plusieurs centaines de
producteurs espagnols y font de la fraise, cette
tendance s’est accentuée ces dernières années
avec par exemple la délocalisation de production
de haricots verts. Il faut savoir que le Maroc
produisait il y a deux ans, 80 000 tonnes par an
d’haricots verts, 2000 ha de poivrons, mais
également du maïs doux… c’est une tendance de
fond qui apparaît désormais en Europe de l’est.
Nouvelle
réglementation
La loi Sarkozy 2 est une extension de la possibilité
d’avoir des travailleurs saisonniers, sans distinction
du secteur d’activité. La nouvelle disposition dit
qu’il sera désormais possible de délivrer une carte
valable 3 ans avec la mention «ouvrier saisonnier»
à des gens qui déclareront explicitement avoir leur
résidence à l’étranger et qui seront autorisées
pour chacune des trois années à travailler 6 mois
en France. Ce qui ressort des débats
parlementaires est la simplification de la procédure
pour les patrons qui embauchent - qui n’auront
plus trois déclarations à faire mais une seule - et de
la gestion administrative- plus qu’un visa à délivrer.
Cette nouvelle réglementation va dans le sens
d’une extension du statut de saisonnier à d’autres
nationalités (que Maroc, Tunisie, Pologne), mais
pas à une disparition d’un sous statut de travailleur.
Dans un tel contexte, quelle place les contrats
OMI vont occuper dans la stratégie d’emploi de la
main d’œuvre dans l’avenir ? Est-ce la
généralisation de ce qui s’est produit à Huelva avec
les contrats d’origine - une telle préfiguration est-
elle perceptible en France avec le remplacement
de l’Office des migrations Internationales (OMI)
par l’ANAEM (Agence Nationale de l’Accueil des
Etrangers et des Migrations) ? Est-ce la priorité
donnée aux travailleurs des pays de l’est qui
préfigure?
En Dordogne par exemple pour la première fois
en 2006, contre l’avis de l’ITEPSA et de l’ANPE,
250 travailleurs polonais sont venus faire la
cueillette de fraises.
Une politique
d’immigration choisie
Même si les états européens cherchent à garder
chacun leurs prérogatives en matière de politiques
migratoires, on constate une tendance lourde qui
s’exprime aussi bien en France, qu’en Espagne ou
en Italie, non pas à fermer les frontières comme
c’était le cas dans les années 90 mais à choisir les
migrants et surtout essayer d’éviter au maximum
qu’ils s’installent durablement. Les contrats OMI
sont un véritable modèle appelé à fleurir dans tous
les aspects de politiques migratoires et pas
seulement celles de saisonniers agricoles. A travers
une régulation, la mise en place de quotas dans
certains pays et surtout l’établissement d’un lien de
plus en plus étroit et sévère entre le contrat de
séjour et le contrat de travail.
Processus de
privatisation
des terres au Maroc
Le processus de privatisation des terres de la
SODEA (Société de développement de
l’agriculture) et de la SOGETA (Société de
gestion des terres agricoles) a été lancé il y a
deux ans. La SOGETA avait été créée dans
les années 70 pour gérer les terres qui
appartenaient auparavant aux colons, fran-
çais en particulier. Il y a eu le lancement de la
privatisation de 50 000 ha avec des appels
d’offre qui ont surtout concerné les entre-
preneurs espagnols et les entrepreneurs
français, ces derniers sont d’ailleurs en tête
en terme de soumission de projets (une qua-
rantaine) sur des grosses exploitations.
Évolution prévisible des législations
en agriculture
Le racisme, élément
organique de la politique
migratoire
Il a été montré, notamment dans les travaux de
Jean-Pierre Berlan sur le modèle californien, que le
racisme est un élément fonctionnel, organique de
ces politiques de choix des personnes. Il est
d’ailleurs très difficile pour les pouvoirs publics et
les employeurs de s’en passer. Lors d’un entretien
avec un exploitant dans les Bouches du Rhône qui
embauchait des saisonniers, il disait «…moi ces
saisonniers marocains, je les aime bien, ils
travaillent très bien et il n’y a pas de problème, ils
sont très courageux mais sincèrement je suis
raciste, je préfère qu’ils ne s’installent pas !». C’est-
à-dire qu’il les aimait dans la mesure où ils
retournaient régulièrement dans leur pays.
Simultanément, chez ces mêmes employeurs on
relève un dénigrement de la main d’œuvre locale
souvent qualifiée de «bras cassés, de personnes qui
n’ont aucune ardeur au travail, qui viennent un jour
et qui s’aperçoivent que c’est dur de lever les bras
dans les pommiers et ne reviennent pas le
lendemain…». Derrière ce dénigrement des
travailleurs locaux - qui sont souvent des enfants
issus de l’immigration - on s’aperçoit que
contrairement à ce qui est dit, cette main d’œuvre
est extrêmement prisée car elle permet d’amortir
les excédents de production ou les périodes de
«coup de feu». Le discours raciste cache en fait une
utilisation au rabais de cette main d’œuvre
complémentaire.
Evolution de la stratégie
d’emploi de main d’œuvre
pour l’employeur
Avec la loi Sarkozy 2 et la disparition des contrats
OMI stricto sensu, il est possible que l’on observe
un désavantage pour certains employeurs et leur
glissement vers d’autres stratégies. En l’oc-
currence, les prestataires de service qui utilisent la
main d’œuvre détachée à partir de pays extérieurs
et qui peuvent parfois avoir des formes mafieuses
d’exploitation. C’est toute une diversification qui
se présente : un excédent de main d’œuvre pour
pouvoir faire pression sur le prix du travail, ou au
contraire l’allongement de la durée du travail, ou
encore le recours à de la main d’œuvre venant des
pays de l’est pour faire de la substitution au cas où
les gens commenceraient à revendiquer leurs
droits.
Trafics de main d’œuvre et
de contrats OMI ?
En Haute Corse, 14 contrats OMI en 99 et 872 en
2004. A cela, à titre dérogatoire était autorisée la
signature de contrats de 2 mois - alors que la règle
par circulaire depuis 1976 veut que les contrats
soient de 4 à 6 mois avec prolongation
exceptionnelle à 8 mois -, contrats représentant
plus de la moitié des contrats signés. Les primo
contrats en 2003 représentaient 81% du total des
contrats signés.
9
Desluttescontrelaservitude
Introduction des contrats
d’origine en 2001 en Espagne
Il y a eu un changement de stratégie de la part
des employeurs à Huelva pour remplacer la main
d’œuvre africaine et nord africaine par des
femmes venues des pays de l’est après une
manifestation collective de saisonniers marocains
qui - au printemps 2001 - avaient occupé des
bâtiments publics à Huelva pour réclamer du
travail. Le cycle de réunions qui a présidé à la
naissance des contrats d’origine a eu lieu à
l’automne 2001. La même attitude peut être
soulignée dans la région d’Almeria où les
émeutes d’El Ejido ont suivi un début
d’organisation des travailleurs marocains qui
avaient manifesté pour un peu plus de dignité et
pour du travail dans les années 98/99. On
s’aperçoit que les changements de stratégies des
employeurs sont souvent liés à l’apparition d’un
premier mouvement collectif de la part des
travailleurs.
et de l’utilitarisme migratoire
10
Desluttescontrelaservitude
Quelle est cette
déréglementation
qui est en train
d’affecter toutes
les relations
du travail ?
Est-ce que le
contrat OMI va
être généralisé à
d’autres secteurs
d’activité sous
forme de contrat
de saison ou de
contrat
de chantier ?
Quel est le rôle
des entreprises
prestataires
de services ?
Quelles sont les
possibilités pour
les inspecteurs du
travail de faire
respecter la
législation par
rapport à ces
entreprises
prestataires
de services ?
Pour Gérard Filoche, inspecteur du travail…
La tendance est vers une dégradation générale des droits des
salariés, une évolution des contrats de travail vers davantage de
précarité : 950 000 CDD (contrat à durée déterminée),
800 000 saisonniers, 3.6 millions de temps partiel (dont 85%
de femmes et 80% de non qualifiés), des travailleurs pauvres…
et plus de 4 millions de chômeurs. L’emploi saisonnier agricole
en France représente 800 000 personnes dans le secteur des
fruits et légumes en 1998 (contre 140 000 permanents et
90 000 à temps plein). Environ 100 000 saisonniers sont
employés sur une période de plus de 3 mois ; 200 000
saisonniers entre 20 jours et 3 mois et 500 000 saisonniers de
moins de 20 jours. 40 % des emplois sont féminins.
L’Inspection du travail a peu de moyens pour faire appliquer la
loi : 427 inspecteurs du travail et 813 contrôleurs du travail
pour 400 lois, 8 000 décrets et plus de15 millions de salariés.
Ils sont moins nombreux en 2006 qu’au début du XXe
siècle.
Ces 1300 agents de contrôle établissent entre 15 et 25 000
procès verbaux mais les 3/4 sont classés sans suite. Quand ils
sont jugés, cela débouche sur moins de 5000 condamnations
par an dont 90% à des amendes limitées en moyenne à 840 €,
à moins de 500 peines de prison dont 480 avec sursis, et celles
qui sont «fermes», en moyenne de deux mois, le sont pour
«récidive dans le trafic de main d’œuvre» ou «faute inexcusable
avec mort d’homme» mais ne sont pas exécutées.
C’est dans ce contexte que deux inspecteurs – un homme et
une femme – en septembre 2004 à Saussignac en Dordogne se
font assassiner par un agriculteur qui refusait un contrôle sur
les saisonniers travaillant sur son exploitation. Ils auraient, lors
de ce contrôle, découvert des ouvriers agricoles marocains,
mis à disposition par une société qui a d’ailleurs été
condamnée, fin septembre, à 1000 euros d’amende pour avoir
confondu le statut de prestataire de travaux agricoles avec celui
d’agence de travail temporaire. Cette entreprise de prêt illicite
de main d’œuvre avait déjà été l’objet de plusieurs procédures
en Dordogne pour des cotisations sociales non versées. En
Périgord, il y aurait plusieurs sociétés de marchands d’esclaves
de ce type venues de Gironde.
Aujourd’hui l’Inspection du travail est menacée alors qu’elle
devrait être renforcée pour empêcher la généralisation de ces
entreprises de main d’œuvre illicites. Augmenter les
contrôles au lieu de les remettre en cause est une
question d’emploi, d’ordre social et de santé publique.
Pour la Confédération Paysanne…
La position de la Confédération paysanne peut sembler paradoxale. Classifié dans la nomenclature
institutionnelle syndicat de patrons, de petits patrons employeurs de main d’œuvre parfois
temporairement, parfois à temps plein, ce syndicat de patrons se positionne au côté des travailleurs
de la terre en lutte contre leurs exploiteurs….
Rien d’étonnant à cela au vu des thèses défendues par la Conf. Mais par ailleurs, il est difficile de
transformer cette position de soutien en participation active à la dénonciation et ensuite à la solidarité
concrète dans les luttes que mènent parfois les travailleurs saisonniers trop souvent dans la solitude
et l’invisibilité.
Les idées sont simples et les faits têtus :
•La politique agricole libérale engendre la disparition des petites fermes dans les pays riches et dans
les pays cibles des exportations des surplus agricoles. Elle est doublement criminelle : en
assassinant les savoir faire locaux, elle empêche la production locale qui ne peut plus être
rémunérée, et elle organise par là même la déportation de centaines de milliers de personnes,
souvent issues du milieu rural, qui vont se trouver pour beaucoup en situation d’esclavage et de
servitude dans les «eldorados» promis.
•Quand les prix de vente baissent, c’est souvent parce qu’a été organisé, planifié un certain volume
de surproduction afin de peser sur le marché. C’est pareil sur le marché des fruits et légumes et
sur le marché du travail (national ou international, dont les codes sont chaque jour un peu plus
érodés). C’est une évidence que lorsque les prix sont bas, le travail ne peut plus être rémunéré.
Celui du paysan, comme celui de l’ouvrier. La lutte pour le respect du droit du travail, au logement,
des droits de l’homme pour les salariés (saisonniers ou non) dans les champs est donc le synonyme
complémentaire de la lutte du paysan pour un revenu ou des prix rémunérateurs.
Une des difficultés rencontrées lors des luttes est celle des intérêts immédiats des uns et des autres,
et celle des moyens que chacun a à sa disposition pour poser ses revendications et les négocier (pas
de syndicat de travailleurs agricoles au sens strict, corporatisme du syndicat agricole, lié à ses statuts,
ses adhérents…). Il faut donc dépasser dans nos rencontres ces contradictions, qui sont réelles mais
secondaires. Une fois mis en route le traitement des «urgences», en utilisant tous les outils
disponibles, il faut donner du sens au concept de souveraineté alimentaire, et l’imposer dans le corps
du discours et des pratiques des politiques. Travail de longue haleine, mais indispensable pour assurer
et garantir l’accès à la nourriture des peuples du monde.
Pour la Confédération Paysanne…
et le soutien financier de :
I Un monde par tous,
sous l'égide de la Fondation de France
I Foundation for population, migration
and environment (Suisse)
Coordination Paysanne Européenne
European Farmers CoordinationCPE
Avec les partenaires :CONFÉDÉRATION PAYSANNE
104, rue Robespierre 93170 Bagnolet
tel : 01 43 62 04 04 • fax : 01 43 62 80 03
email contact@confederationpaysanne.fr
www.confederationpaysanne.fr

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200605 europe dossier_résistanceseneuropea_laservitudeenagriculture

  • 1. ETAT DES LUTTES CONTRE LES CONDITIONS DE TRAVAIL INACCEPTABLES DES SALARIÉS AGRICOLES Vendredi 19 mai 2006 au lycée agricole Nîmes-Rodilhan (Gard) Des luttes contre la servitude Résistances en Europe à la servitude en agriculture
  • 2. ADRESSES SOC-SAT (Sindicato de Obreros del Campo – Sindicato Andaluz de Trabajadores) Almeria membre de la Via Campesina 1, bajo, 04006, Almería, Andalucía Courriel : socalmeria@yahoo.es Forum Civique Européen Le Pigeonnier, F-04300 Forcalquier, Courriel : France@forumcivique.org www.forumcivique.org Collectif de défense des travailleurs saisonniers (Codetras) BP 87 - 13303 Marseille cedex 3 Courriel codetras@espace.asso.fr www.codetras.org Confédération Paysanne membre de la Via Campesina 104 rue Robespierre – 93170 Bagnolet Courriel : contact@confederationpaysanne.fr www.confederationpaysanne.fr Coordination paysanne européenne 18 rue de la Sablonière – 1000 Bruxelles Belgique www.cpefarmers.org Plateforme pour une agriculture socialement durable 14, Mauverney, 1196 Gland, Suisse Courriel : agrisodu@bluewin.ch www.agrisodu.ch L’autre syndicat 14, rue Mauverney CH-1196 Gland, Suisse Courriel : lautresyndicat@bluewin.ch www.lautresyndicat.ch Via Campesina www.viacampesina.org Ce document a été rédigé à partir des interventions du SOC, de la Confédération Paysanne, du Codetras, du Forum Civique Européen et de L’autre syndicat, et de Fréderic Decosse, Patrick Herman, Gérard Filoche, Alain Morice. II Gérard Filoche est inspecteur du travail depuis 1982. Il est rédacteur en chef de la revue Démocratie & Socialisme depuis 1992. Auteur de différents ouvrages dont «Carnets d’un inspecteur du travail», Edition Ramsay, 2004 ; «On achève bien… les inspec- teurs du travail», Jean-Claude Gawsewitch Editeur, 2004 ; «Le travail jetable», Ramsay, 1997. II Alain Morice est anthropologue, chargé de recherche au CNRS. Il est responsable de la spécialité professionnelle « Migrations et relations interethniques »du Master Sociologie et anthropologie : Politique, cul- ture et migrations Il est membre de l’association Migreurop : http://www.migreurop.org Il est l’auteur de nombreux ouvrages dont «Comme des esclaves, ou les avatars de l’esclavage métaphorique», Cahiers d'études africaines, n° 179-180, p. 1015-1036 Les lois de l'inhospitalité : Les politiques de l'immigration à l'épreuve des sans-papiers (dirigé avec Didier Fassin et Catherine Quiminal) La Découverte, Cahiers Libres, Paris, 1997. II Patrick Herman est paysan journaliste. A écrit dif- férents articles sur les saisonniers en agriculture in Le Monde diplomatique, Alternatives Internationales, Témoignage chrétien. A paraître en janvier 2007 : «La Roue: D'une rive à l'autre, la noria des saisonniers agri- coles», 90 photos de Yohanne Lamoulere, textes de Patrick Herman. II Frédéric Decosse est doctorant en sociologie sous la direction d’Annie Thébaud-Mony à l'EHESS sur «Santé des travailleurs marocains en agriculture intensive : une approche comparative France-Espagne-Maroc».
  • 3. espagne 3 ESPAGNE Le SOC (syndicat des ouvriers agricoles en Andalousie) défend depuis 30 ans les droits des journaliers. Traditionnellement il était implanté dans le centre de l'Andalousie, région de grandes propriétés foncières de fruits et d'olives qui employaient de nombreux journaliers andalous, environ 500 000 dont une majorité devait émigrer la plus grande partie de l’année à la recherche de travail ailleurs. Depuis les agressions racistes à El Ejido – province d'Almeria au sud est de l’Espagne – en 2000, le SOC s’est implanté dans cette région qui recouvre plus de 35 000 ha (en progression chaque année) de serres réparties entre 15000 petites exploitations familiales. La production annuelle est estimée à 4 millions de tonnes de fruits et légumes et plus de 1.5 millions de tonnes par an de déchets. Les quantités de pesticides sont considérables puisque les concentrations peuvent être jusqu’à 200 fois supérieures à celles autorisées dans l’agriculture classique, la nappe phréatique qui constitue l’unique ressource en eau de la région est désormais contaminée. Environ 90 000 immigrés venus du Maghreb, d’Afrique noire, d’Amérique latine et plus récemment d’Europe de l’est (32 nationalités) – hommes et femmes - y travaillent, dont la moitié en situation régulière. L’impossibilité de louer un logement à cause du racisme latent a engendré de véritable bidonvilles aux abords des serres sous des huttes de fortune, bricolées avec les déchets (plastiques, cordes, tôles, contre-plaqués, etc.) issus de l’agriculture. Une grande partie de l’économie de cette région repose sur ce modèle de production : l’agriculture intensive, industrielle. Il est donc très délicat de le remettre en cause en dénonçant l’exploitation des travailleurs ou encore les problèmes environnementaux qu’il Desluttescontrelaservitude EN ESPAGNE, l’immigration est organisée par l’Etat et cogérée par les syndicats agricoles majoritaires avec les contrats d’origine. En 2003, 7000 femmes sont venues travailler dans la région de Huelva, 22 000 en 2005 et 32 000 en 2006 venant de Pologne et de Roumanie mais également – phénomène récent - du Maroc (8000 en 2005). Ces femmes ne travaillent pas à temps plein. Chaque année le nombre de femmes venant travailler augmente pour maintenir une sur-offre de la main d’œuvre Employeurs et entreprises commercialisant les fraises organisent sur place des bureaux de recrutement pour la main d’œuvre dont ils ont besoin. YACOMBA est ivoirien, émigré d’abord au Mali suite aux évè- nements xénophobes récents dans le pays d’Houphouët, il décide de partir vers l’Europe, laissant parents, femme et enfants sur place. Il part avec une douzaine de compagnons vers la Mauritanie, puis pour 1400 euros traverse dans une barque de fortune, pendant 4 jours, l’océan pour atteindre l’Espagne où il découvrira un nouvel enfer. KATARINA fait partie des 90 000 tra- vailleurs saisonniers qui travaillent dans les serres de la région d’Almeria (Andalousie). Elle est ingénieur carto- graphe en Ukraine. Elle a quitté sa famil- le il y a 3 ans lorsqu’elle a appris qu’au sud de l’Europe, on embauchait femmes et hommes n’ayant pas peur de travailler, avec une rétribution qui paraît d’or en comparaison de sa situation à ce moment en Ukraine. Mais en arrivant, c’est le choc, sous les tunnels de plastique des températures qu’elle n’a jamais connues et un air irrespirable. Sur les 700 euros qu’elle gagne chaque mois, elle en dépen- se 200 pour se nourrir et autant de loyer pour une maison qu’elle partage avec d’autres femmes, ne pouvant supporter les conditions insalubres de leurs loge- ments près des serres. Elle cotise égale- ment 42 euros de sécurité sociale et elle envoie le reste en Ukraine pour payer le crédit de sa maison et aider ses enfants et son mari. SOC (syndicat des ouvriers agricoles en Andalousie) engendre. Le travail représente 60% des coûts dans les cultures de serres. Ce modèle ne tient donc que par une surenchère de l’exploitation de la main d’œuvre qui se traduit par une division des travailleurs entre eux et leur remplacement continuel organisé par les employeurs. Une politique de sur-offre permanente de main d’œuvre maintient également cette exploitation : certains travaillent 3 à 5 jours par mois uniquement, et chaque matin se retrouvent sur le marché du travail en offrant leur force de travail pour un coût toujours plus bas pour l’employeur. Le SOC fait un travail d’information, de défense juridique tant au niveau du droit du travail que du droit des étrangers. Il se bat souvent seul pour défendre ouvriers et ouvrières agricoles dans leur grande majorité étrangers. Le SOC a organisé les plus précaires des européens dans les années 70-80, désormais il organise tout un secteur de travailleurs maintenant majoritaires dont les grands syndicats (CGT….) font peu de cas. >
  • 4. Affaire : vente de contrat OMI Six saisonniers sont bloqués au Maroc, pour la campagne 2005/2006 Contexte : augmentation significative des contrats OMI depuis que la Coordination rurale a pris la Chambre d’agriculture en 2001, on constate 100 contrats en 2000 et 1400 contrats en 2005, 30 employeurs de main d’œuvre étrangère en 2000 à 300 en 2005. Leur contrat n’a pas été renouvelé. Ils travaillent sous contrat OMI depuis 2001 pour certains d’entre eux. Ils sont tous originaires du même village, cousins plus ou moins directs du chef d’équipe à qui ils ont acheté leur contrat (entre 3 à 5000 euros). En France, ils ont été remplacés par d’autres saisonniers qui avaient eux aussi achetés leur contrat (5000 euros). En plus de l’achat de contrat, ces ouvriers s’étaient vu retenir le remboursement de la taxe OMI sensée couvrir les frais de transport et de visite médicale au Maroc, soit 85 heures de travail à 8.03 euros, au total 680 euros alors que le montant fixé par décret n’excède pas 500 euros pour la campagne 2005. A ces prélèvements, s’ajoutent la valeur de 120 heures de travail soit 960 euros par personne pour le transport du lieu de travail au lieu d’habitation ; 80 à 120 euros pour le logement (un lit dans une chambre de 4 sans douche) et 10 à 15 euros pour l’eau et l’électricité. Avant de rentrer au Maroc, les salariés avaient dû s’acquitter également de 4 mois de loyer pour retrouver le logement la saison suivante. Ces salariés ont décidé de porter plainte auprès du Procureur. Au final, 8 personnes se sont portées partie civile - ils auraient pu être plus nombreux mais certains attendent encore de savoir si ils se verront renouveler ou non leur contrat l’année prochaine. C’est une limite à souligner du recours à l’action judiciaire : les salariés n’entreprennent ces démarches que s’ ils n’ont rien à perdre. Dans les faits, le chef d’équipe a été mis en examen en décembre 2005, événement bien relaté dans la presse. Une commission d’enquête a été ouverte, les ouvriers ont été entendus, certains ont parlé, d’autres pas, les primo-contrats rentrés pour la saison 2005/2006 notamment par l’intermédiaire du deuxième chef d’équipe qui lui également vendait des contrats ont fait bloc derrière les accusés d’où une ambiance délétère. Une commission rogatoire internationale pour pouvoir enquêter au Maroc et entendre les plaignants a été demandée par le juge d’instruction. Le patron n’a pas été inquiété, il était déjà connu de l’ITEPSA (Inspection du travail et de la protection sociale en agriculture ), il avait été pris en flagrant délit en 2004 pour avoir logé ses ouvriers dans un logement insalubre sur la propriété. Il aurait d’ailleurs dû se voir interdire l’autorisation de contrats cette année mais la Direction départementale du Travail est passée outre l’avis de l’ITEPSA… france 4 Desluttescontrelaservitude Pratiques abusives pour pénurie de La main d’œuvre étrangère est également une source de profit pour d’autres personnes que pour l’exploitant. Achat de cont paiement des heures supplémentaires, retenues sur salaire,… sont des pratiques très répandues. Mais les mécanismes de sp moins d’autonomie du chef d’équipe y compris sur le plan financier, des logements en dehors de l’exploitation gérés par des Lot et Garonne Une exploitation arboricole de 250 hectares de kiwis, pommes et poires emploie 85 saisonniers sous contrat OMI dans la région d’Agen. A savoir : • Les contrats OMI relèvent des dispositions réglementaires d’un contrat à durée déterminée et de la convention collective : la prime d’ancienneté est un dû. • L’aide juridictionnelle peut être demandée si la procédure apparaît d’un intérêt probant. • Il est impossible de priver de droits sociaux au motif du statut irrégulier de séjour. Les articles L. 161.3 et L.161.8 du Code de la Sécurité sociale précisent qu’à partir du moment où le bénéficiaire cesse d’être affilié, le bénéfice des prestations court pendant un an pour les indemnités journalières et pendant 4 ans pour les remboursements de soins.
  • 5. france 5 FRANCE Desluttescontrelaservitude droits trat, remboursement de la taxe OMI, insalubrité des logements, non poliation peuvent prendre des formes assez différentes avec plus ou s marchands de sommeil ou en lien avec la prostitution… Bouches du Rhone Baloua est né au Maroc en 1957 et travaille en France depuis 1982 chez un arboriculteur avec un contrat OMI de 6 mois très souvent prolongé de deux mois supplémentaires. Sa famille vit au Maroc. Sur l’exploitation, il fait la cueillette des pommes, puis travaille au conditionnement et pendant la saison morte, il «bricole» sur l’exploitation avec des salariés permanents. Tous les autres saisonniers (36) font la cueillette jusque fin octobre et cherchent du travail sur d’autres exploitations «au noir». Si le travail est déclaré c’est par l’intermédiaire du patron «primo-déclarant», qui encaisse l’argent des autres employeurs et les paie. Ils travaillent dimanches et jours fériés et effectuent entre 230 et 250 heures par mois pour un salaire inférieur au SMIC. En 2004, il a effectué 1 750 heures de travail avec des pointes de 230 heures par mois, «payées 5 euros, les derniers mois». La liste est longue des infractions à la législation du travail : durée au-delà de la légalité du travail quotidien ou hebdomadaire, heures supplémentaires payées au tarif ordinaire ou pas payées, non-respect des temps de repos, salaire ne tenant pas compte de la qualification, normes d’hygiène et de protection dans le travail non respectées, paiement partiel du salaire à chaque fin de mois et versement du solde à la fin du contrat (sans les intérêts, bien sûr...). En 2005, il découvre dans un journal que le domaine sur lequel il travaille depuis 23 ans est mis en vente sans en avoir été informé par son employeur. Il a porté plainte contre cette exploitation : 23 années de travail et presque 2 années de souffrance, la préfecture refusant de lui délivrer une carte de résidence. Ce qui est dénoncé à travers le cas Baloua : il a été pendant 23 années surexploité et pénalement victime d’abus sur personnes dépendantes, victime de servitude au sens moderne du terme. Pourquoi ? Parce qu’après avoir fait le calcul des heures effectivement payées par le patron et celles effectivement travaillées au cours de ces 23 années, la différence s’élève à 4800 heures soit 3 années de travail non payées. Baloua réclame un titre de séjour de 10 ans car au cours de ces 23 années de travail il a fourni 15 années de travail au profit de l’économie du département. Il est l’exemple type de ces gens dont tout le monde s’accorde à dire que sans eux il n’y aurait pas d’agriculture intensive dans les Bouches du Rhône. Trois terrains de combat juridiques différents : au tribunal des Prud’hommes pour l’application du droit du travail, au tribunal administratif pour le titre de séjour, et au pénal pour dénoncer l’état de servitude. Baloua personnifie le système d’exploitation basé sur le contrat saisonnier. Affaire : heures supplémentaires non payées, pas de droit à la retraite - Soutien du Codetras Baloua travaille depuis 25 ans en France sous contrat OMI chez un arboriculteur (pommes). Communiqué du Codetras Baloua Aït Baloua gagne la première manche ! Lundi 18 septembre 2006, le juge des référés a rendu sa décision. Il ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. Aït Baloua « une autorisa- tion provisoire de séjour l’autorisant à travailler ». Dans la bataille que Baloua a entreprise dès mars 2005, cette décision favorable, toute provisoire qu’elle soit, est extrêmement importante. En effet, le juge considère que Baloua était « en réalité un travailleur perma- nent car occupant un emploi permanent » et que son statut de saisonnier invoqué par le préfet pour rejeter sa demande de titre de séjour permanent n’était qu’une « apparence juridique que son employeur et l’administration avaient entendu donner à son embauche et à son séjour sur le territoire fran- çais ». C’est une reconnaissance officielle de la fiction de beaucoup d’emplois sai- sonniers en agriculture qui vient conforter les analyses des inspecteurs géné- raux de l’Agriculture et des Affaires sociales dans le rapport 2001-118 de novembre 2001 tenu secret et, naturellement, sans suite. Elle est une nouvelle perche tendue à l’administration pour cesser des pra- tiques favorisant la surexploitation des travailleurs étrangers et revenir à sa fonction première : faire respecter l’état de droit. Pour Baloua Aït Baloua, cette première victoire le confirme dans la justesse de son combat. Désormais, il peut affronter les étapes suivantes à l’abri du risque d’être exilé de force d’un pays où il a fourni toute sa force de travail depuis l’âge de 24 ans.
  • 6. france 6 Desluttescontrelaservitude FRANCE NAISSANCE DU CODETRAS : Collectif de Défense des Travailleurs Saisonniers En 2002, c’est la rencontre de personnes, syndicalistes, associations de droits de l’homme, de solidarité, nord-sud… qui partageaient un profond sentiment d’indignation totale devant le fait qu’une activité économique – à savoir l’agriculture industrielle du département – ne se développait, et ne pouvait se développer, que sur le mépris insti- tué des gens qui y travaillaient et en particulier de ces ouvriers étrangers, et plus particulièrement sous contrat sai- sonnier. Le mépris comme attitude des employeurs mais aussi de toutes les institutions concernées et de toute la population apparaît comme une nécessité organique. Ses actions : dénoncer et faire connaître publiquement les situations, contribuer à faire appliquer le droit et les droits dont les travailleurs saisonniers disposent. Contexte : en 1998 : 3420 contrats ; 1999 : 3378 et 2000 : 2858, 4491 en 2001, plus de 4000 en 2005, 2400 en 2006. Cette baisse semble avoir été comblée, d’après les responsables syndicaux CGT, par l’introduction de Marocains résidents espagnols et des Équatoriens via des entreprises de travail temporaire. Depuis 2 ans, les heures supplémentaires n’étaient pas payées, plus exactement celles de 2003 avaient été payées péniblement en 2004 mais au tarif normal, et celles de 2004 n’étaient toujours pas payées en 2005. Les ouvriers travaillaient plus de 300 heures par mois en moyenne, payées 150. Ont- ils eu connaissance des difficultés de gestion de cette exploitation et que des risques de licenciement, et a fortiori les primes dues ne leur seraient jamais payées, toujours est-il qu’un petit groupe de marocains a décidé d’arrêter le travail. Situation typique où des gens se révoltent sans préparation préalable et sans une grande pratique de lutte syndicale, la question d’un soutien syndical s’est posée. Le délégué de la CGT de Fos les a aidé à organiser la grève et a commencé à parler au nom des ouvriers qui, petit à petit, disparaissaient. Une réunion en préfecture a été rapidement organisée et la négociation s’est conclue ainsi : engagement formel du patron de payer la prime, relogement des ouvriers mal logés par l’état qui se substitue au patron, priorité pour ces 240 ouvriers sur toutes les nouvelles demandes d’employeurs OMI. Dans les faits, la prime a été payée, les mal logés ont été relogés dans l’urgence, et la saison terminée, les ouvriers sont rentrés chez eux. Pendant ce temps, l’exploitation a été mise en liquidation judiciaire. En août dernier, seul 3 des 240 ouvriers agricoles ont été repris. Bagarre actuelle : obtenir l’autorisation provisoire de séjour pour des ouvriers ayant fini leur contrat et ayant engagé une procédure contre leur patron car leur présence est obligatoire devant les Prud’hommes. Aujourd’hui la préfecture des Bouches du Rhône s’avère être là complice en définitive du patron, en déstabilisant l’ouvrier, en faisant en sorte qu’il ne soit pas présent… elle porte une atteinte gravissime au droit de la défense, elle contrevient à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est un combat qui n’est pas gagné, mais c’est un combat qu’il ne faut pas lâcher. Bouches du Rhone Une exploitation de 1 000 ha de vergers (pêchers) située dans la plaine de La Crau, 4 sociétés appartenant à Laurent Comte : Sedac, Cossure-Fruits, Grand Brahis, Sep, 15 ans d’existence, 240 saisonniers sous contrats OMI, venant du Maroc et de Tunisie. Affaire : grève de 240 saisonniers pour dénoncer leurs conditions de travail indignes
  • 7. suisse 7 Desluttescontrelaservitude SUISSE En Suisse, la législation concernant l’agriculture est moyenâgeuse : le travail agricole n’est pas soumis à la loi sur le travail, les conditions de travail sont réglementées d’une manière non contraignante canton par canton. Il existe 26 législations différentes concernant les conditions de travail en agriculture. Et même si dans les cantons de Genève et de Vau dans les années 80 et 90 des améliorations ont été apportées, elles n’ont pas abouti à une réelle législation pour les travailleurs agricoles. Les grosses centrales syndicales en Suisse ont de la peine à percevoir les risques de maintenir l’agriculture hors cadre législatif. Signataires du «Manifeste pour une agriculture socialement durable» Organisations agricoles : Uniterre, BIO SUISSE, Bioforum- Möschberg, Schweizerische Vereinigung zum Schutz der kleinen und mittleren Bauern (VKMB), KAG-Freiland, Jardins de Cocagne Genève, aspaari, Schweizer Bergheimat, Longo Maï Associations de consommateurs : Fédération romande des consommateurs (FRC), Associazione consumatrici della Svizzera italiana (ACSI), Syndicats : Unia, Syndicat interprofessionnel de tra- vailleuses et travailleurs Genève (SIT), l’autre syndicat La Côte Organisations de défense des immigré-e-s : Comité euro- péen pour la défense des réfugiés et immigrés (CEDRI), Forum Civique Européen (FCE) Partis politiques : Parti suisse du travail-POP, Parti écolo- giste suisse (les verts), Parti socialiste suisse PSS, Jeunesse socialiste suisse JS Association économie-écologie pour un développement durable Genève AEE+DD, attac Valais et personnes indi- viduelles. La plateforme pour une agriculture socialement durable est un regroupement d’organisations de producteurs, de syndicats agricoles, d’ouvriers, d’organisations de consommateurs, de défense de l’environnement, défense des migrants…. née il y a deux ans. Elle a édité un manifeste pour dénoncer les conséquences sociales désastreuses de la course effrénée au plus bas prix des denrées alimentaires. Ce manifeste contient un certain nombre de revendications : amélioration des conditions de travail des ouvriers agricoles, véritable législation pour le travail agricole, convention collective ou contrat type harmonisé partout en Suisse, régularisation des ouvriers sans papier, rémunération plus équitable des producteurs et des ouvriers agricoles, qualité des produits. Les membres de cette plateforme tentent d’intervenir auprès des grands distributeurs car les prix à la production baissent alors que les prix à l’étal augmentent. Il est difficile au bout de deux ans d’en faire un bilan cependant, suite aux différentes campagnes menées dans le cadre de la sensibilisation sur les événements d’El Ejido ou contre les grands distributeurs, on constate que le débat sur le rôle de l’agriculture dans la société, les politiques agricoles, l’OMC… sont autant de thèmes sur lesquels les suisses débattent. L’autre point positif est l’attitude plus critique des consommateurs face à des importations hivernales de fruits et légumes. Au niveau syndical, l’Union des paysans en Suisse est aujourd’hui, après avoir refusé pendant dix ans, en train de discuter d’une convention collective. Bio Suisse, organisation principale des producteurs biologiques – a intégré dans son cahier des charges des normes sociales qui jusqu’à maintenant n’existaient pas. La situation n’est pas évidente, certes elle est moins visible que dans le sud de l’Espagne ou dans les Bouches du Rhône en France, mais devrait nous interpeller sur la manière de mieux mettre ensemble nos forces afin d’obtenir des avancées. Initiative citoyenne
  • 8. 8 Desluttescontrelaservitude Le système actuel est une mise en concurrence des zones de production au niveau mondial accompagnée d’une mise en concurrence des mains d’œuvre les unes avec les autres. Rappelons que dans la région d’Almeria 32 nationalités ont été recensées. Tendance à la délocalisation Au niveau de la production des fruits et légumes - productions qui emploient beaucoup de main d’œuvre – on peut considérer d’une certaine manière qu’une nouvelle frontière se dessine : transfert de zones de production de l’Espagne et de la France vers le Maghreb et les pays de l'est. Même si au Maroc, ce n’est pas tout à fait nouveau de la part des espagnols puisque dans la région de Larache en particulier, déjà plusieurs centaines de producteurs espagnols y font de la fraise, cette tendance s’est accentuée ces dernières années avec par exemple la délocalisation de production de haricots verts. Il faut savoir que le Maroc produisait il y a deux ans, 80 000 tonnes par an d’haricots verts, 2000 ha de poivrons, mais également du maïs doux… c’est une tendance de fond qui apparaît désormais en Europe de l’est. Nouvelle réglementation La loi Sarkozy 2 est une extension de la possibilité d’avoir des travailleurs saisonniers, sans distinction du secteur d’activité. La nouvelle disposition dit qu’il sera désormais possible de délivrer une carte valable 3 ans avec la mention «ouvrier saisonnier» à des gens qui déclareront explicitement avoir leur résidence à l’étranger et qui seront autorisées pour chacune des trois années à travailler 6 mois en France. Ce qui ressort des débats parlementaires est la simplification de la procédure pour les patrons qui embauchent - qui n’auront plus trois déclarations à faire mais une seule - et de la gestion administrative- plus qu’un visa à délivrer. Cette nouvelle réglementation va dans le sens d’une extension du statut de saisonnier à d’autres nationalités (que Maroc, Tunisie, Pologne), mais pas à une disparition d’un sous statut de travailleur. Dans un tel contexte, quelle place les contrats OMI vont occuper dans la stratégie d’emploi de la main d’œuvre dans l’avenir ? Est-ce la généralisation de ce qui s’est produit à Huelva avec les contrats d’origine - une telle préfiguration est- elle perceptible en France avec le remplacement de l’Office des migrations Internationales (OMI) par l’ANAEM (Agence Nationale de l’Accueil des Etrangers et des Migrations) ? Est-ce la priorité donnée aux travailleurs des pays de l’est qui préfigure? En Dordogne par exemple pour la première fois en 2006, contre l’avis de l’ITEPSA et de l’ANPE, 250 travailleurs polonais sont venus faire la cueillette de fraises. Une politique d’immigration choisie Même si les états européens cherchent à garder chacun leurs prérogatives en matière de politiques migratoires, on constate une tendance lourde qui s’exprime aussi bien en France, qu’en Espagne ou en Italie, non pas à fermer les frontières comme c’était le cas dans les années 90 mais à choisir les migrants et surtout essayer d’éviter au maximum qu’ils s’installent durablement. Les contrats OMI sont un véritable modèle appelé à fleurir dans tous les aspects de politiques migratoires et pas seulement celles de saisonniers agricoles. A travers une régulation, la mise en place de quotas dans certains pays et surtout l’établissement d’un lien de plus en plus étroit et sévère entre le contrat de séjour et le contrat de travail. Processus de privatisation des terres au Maroc Le processus de privatisation des terres de la SODEA (Société de développement de l’agriculture) et de la SOGETA (Société de gestion des terres agricoles) a été lancé il y a deux ans. La SOGETA avait été créée dans les années 70 pour gérer les terres qui appartenaient auparavant aux colons, fran- çais en particulier. Il y a eu le lancement de la privatisation de 50 000 ha avec des appels d’offre qui ont surtout concerné les entre- preneurs espagnols et les entrepreneurs français, ces derniers sont d’ailleurs en tête en terme de soumission de projets (une qua- rantaine) sur des grosses exploitations. Évolution prévisible des législations en agriculture
  • 9. Le racisme, élément organique de la politique migratoire Il a été montré, notamment dans les travaux de Jean-Pierre Berlan sur le modèle californien, que le racisme est un élément fonctionnel, organique de ces politiques de choix des personnes. Il est d’ailleurs très difficile pour les pouvoirs publics et les employeurs de s’en passer. Lors d’un entretien avec un exploitant dans les Bouches du Rhône qui embauchait des saisonniers, il disait «…moi ces saisonniers marocains, je les aime bien, ils travaillent très bien et il n’y a pas de problème, ils sont très courageux mais sincèrement je suis raciste, je préfère qu’ils ne s’installent pas !». C’est- à-dire qu’il les aimait dans la mesure où ils retournaient régulièrement dans leur pays. Simultanément, chez ces mêmes employeurs on relève un dénigrement de la main d’œuvre locale souvent qualifiée de «bras cassés, de personnes qui n’ont aucune ardeur au travail, qui viennent un jour et qui s’aperçoivent que c’est dur de lever les bras dans les pommiers et ne reviennent pas le lendemain…». Derrière ce dénigrement des travailleurs locaux - qui sont souvent des enfants issus de l’immigration - on s’aperçoit que contrairement à ce qui est dit, cette main d’œuvre est extrêmement prisée car elle permet d’amortir les excédents de production ou les périodes de «coup de feu». Le discours raciste cache en fait une utilisation au rabais de cette main d’œuvre complémentaire. Evolution de la stratégie d’emploi de main d’œuvre pour l’employeur Avec la loi Sarkozy 2 et la disparition des contrats OMI stricto sensu, il est possible que l’on observe un désavantage pour certains employeurs et leur glissement vers d’autres stratégies. En l’oc- currence, les prestataires de service qui utilisent la main d’œuvre détachée à partir de pays extérieurs et qui peuvent parfois avoir des formes mafieuses d’exploitation. C’est toute une diversification qui se présente : un excédent de main d’œuvre pour pouvoir faire pression sur le prix du travail, ou au contraire l’allongement de la durée du travail, ou encore le recours à de la main d’œuvre venant des pays de l’est pour faire de la substitution au cas où les gens commenceraient à revendiquer leurs droits. Trafics de main d’œuvre et de contrats OMI ? En Haute Corse, 14 contrats OMI en 99 et 872 en 2004. A cela, à titre dérogatoire était autorisée la signature de contrats de 2 mois - alors que la règle par circulaire depuis 1976 veut que les contrats soient de 4 à 6 mois avec prolongation exceptionnelle à 8 mois -, contrats représentant plus de la moitié des contrats signés. Les primo contrats en 2003 représentaient 81% du total des contrats signés. 9 Desluttescontrelaservitude Introduction des contrats d’origine en 2001 en Espagne Il y a eu un changement de stratégie de la part des employeurs à Huelva pour remplacer la main d’œuvre africaine et nord africaine par des femmes venues des pays de l’est après une manifestation collective de saisonniers marocains qui - au printemps 2001 - avaient occupé des bâtiments publics à Huelva pour réclamer du travail. Le cycle de réunions qui a présidé à la naissance des contrats d’origine a eu lieu à l’automne 2001. La même attitude peut être soulignée dans la région d’Almeria où les émeutes d’El Ejido ont suivi un début d’organisation des travailleurs marocains qui avaient manifesté pour un peu plus de dignité et pour du travail dans les années 98/99. On s’aperçoit que les changements de stratégies des employeurs sont souvent liés à l’apparition d’un premier mouvement collectif de la part des travailleurs. et de l’utilitarisme migratoire
  • 10. 10 Desluttescontrelaservitude Quelle est cette déréglementation qui est en train d’affecter toutes les relations du travail ? Est-ce que le contrat OMI va être généralisé à d’autres secteurs d’activité sous forme de contrat de saison ou de contrat de chantier ? Quel est le rôle des entreprises prestataires de services ? Quelles sont les possibilités pour les inspecteurs du travail de faire respecter la législation par rapport à ces entreprises prestataires de services ? Pour Gérard Filoche, inspecteur du travail… La tendance est vers une dégradation générale des droits des salariés, une évolution des contrats de travail vers davantage de précarité : 950 000 CDD (contrat à durée déterminée), 800 000 saisonniers, 3.6 millions de temps partiel (dont 85% de femmes et 80% de non qualifiés), des travailleurs pauvres… et plus de 4 millions de chômeurs. L’emploi saisonnier agricole en France représente 800 000 personnes dans le secteur des fruits et légumes en 1998 (contre 140 000 permanents et 90 000 à temps plein). Environ 100 000 saisonniers sont employés sur une période de plus de 3 mois ; 200 000 saisonniers entre 20 jours et 3 mois et 500 000 saisonniers de moins de 20 jours. 40 % des emplois sont féminins. L’Inspection du travail a peu de moyens pour faire appliquer la loi : 427 inspecteurs du travail et 813 contrôleurs du travail pour 400 lois, 8 000 décrets et plus de15 millions de salariés. Ils sont moins nombreux en 2006 qu’au début du XXe siècle. Ces 1300 agents de contrôle établissent entre 15 et 25 000 procès verbaux mais les 3/4 sont classés sans suite. Quand ils sont jugés, cela débouche sur moins de 5000 condamnations par an dont 90% à des amendes limitées en moyenne à 840 €, à moins de 500 peines de prison dont 480 avec sursis, et celles qui sont «fermes», en moyenne de deux mois, le sont pour «récidive dans le trafic de main d’œuvre» ou «faute inexcusable avec mort d’homme» mais ne sont pas exécutées. C’est dans ce contexte que deux inspecteurs – un homme et une femme – en septembre 2004 à Saussignac en Dordogne se font assassiner par un agriculteur qui refusait un contrôle sur les saisonniers travaillant sur son exploitation. Ils auraient, lors de ce contrôle, découvert des ouvriers agricoles marocains, mis à disposition par une société qui a d’ailleurs été condamnée, fin septembre, à 1000 euros d’amende pour avoir confondu le statut de prestataire de travaux agricoles avec celui d’agence de travail temporaire. Cette entreprise de prêt illicite de main d’œuvre avait déjà été l’objet de plusieurs procédures en Dordogne pour des cotisations sociales non versées. En Périgord, il y aurait plusieurs sociétés de marchands d’esclaves de ce type venues de Gironde. Aujourd’hui l’Inspection du travail est menacée alors qu’elle devrait être renforcée pour empêcher la généralisation de ces entreprises de main d’œuvre illicites. Augmenter les contrôles au lieu de les remettre en cause est une question d’emploi, d’ordre social et de santé publique.
  • 11. Pour la Confédération Paysanne… La position de la Confédération paysanne peut sembler paradoxale. Classifié dans la nomenclature institutionnelle syndicat de patrons, de petits patrons employeurs de main d’œuvre parfois temporairement, parfois à temps plein, ce syndicat de patrons se positionne au côté des travailleurs de la terre en lutte contre leurs exploiteurs…. Rien d’étonnant à cela au vu des thèses défendues par la Conf. Mais par ailleurs, il est difficile de transformer cette position de soutien en participation active à la dénonciation et ensuite à la solidarité concrète dans les luttes que mènent parfois les travailleurs saisonniers trop souvent dans la solitude et l’invisibilité. Les idées sont simples et les faits têtus : •La politique agricole libérale engendre la disparition des petites fermes dans les pays riches et dans les pays cibles des exportations des surplus agricoles. Elle est doublement criminelle : en assassinant les savoir faire locaux, elle empêche la production locale qui ne peut plus être rémunérée, et elle organise par là même la déportation de centaines de milliers de personnes, souvent issues du milieu rural, qui vont se trouver pour beaucoup en situation d’esclavage et de servitude dans les «eldorados» promis. •Quand les prix de vente baissent, c’est souvent parce qu’a été organisé, planifié un certain volume de surproduction afin de peser sur le marché. C’est pareil sur le marché des fruits et légumes et sur le marché du travail (national ou international, dont les codes sont chaque jour un peu plus érodés). C’est une évidence que lorsque les prix sont bas, le travail ne peut plus être rémunéré. Celui du paysan, comme celui de l’ouvrier. La lutte pour le respect du droit du travail, au logement, des droits de l’homme pour les salariés (saisonniers ou non) dans les champs est donc le synonyme complémentaire de la lutte du paysan pour un revenu ou des prix rémunérateurs. Une des difficultés rencontrées lors des luttes est celle des intérêts immédiats des uns et des autres, et celle des moyens que chacun a à sa disposition pour poser ses revendications et les négocier (pas de syndicat de travailleurs agricoles au sens strict, corporatisme du syndicat agricole, lié à ses statuts, ses adhérents…). Il faut donc dépasser dans nos rencontres ces contradictions, qui sont réelles mais secondaires. Une fois mis en route le traitement des «urgences», en utilisant tous les outils disponibles, il faut donner du sens au concept de souveraineté alimentaire, et l’imposer dans le corps du discours et des pratiques des politiques. Travail de longue haleine, mais indispensable pour assurer et garantir l’accès à la nourriture des peuples du monde. Pour la Confédération Paysanne…
  • 12. et le soutien financier de : I Un monde par tous, sous l'égide de la Fondation de France I Foundation for population, migration and environment (Suisse) Coordination Paysanne Européenne European Farmers CoordinationCPE Avec les partenaires :CONFÉDÉRATION PAYSANNE 104, rue Robespierre 93170 Bagnolet tel : 01 43 62 04 04 • fax : 01 43 62 80 03 email contact@confederationpaysanne.fr www.confederationpaysanne.fr