De part votre discipline vous êtes confrontée à des situation de handicap au quotidien concernant vos patients. Quelle est votre position quand ces difficultés d'ordres psychique ou physique touchent les internes ?
Concernant l'intégration professionnelle d'un médecin en situation de handicap :
- Comment s’organise l’arrivée d’un interne présentant un handicap dans le service où il est affecté ? Faut-il prévenir l’équipe en amont ?
Cela doit être organisé selon le droit commun du travail. Prévenir le service, non, cela ne doit pas être systématique. Il faut en discuter avec l’interne en question en fonction de ce qu’il souhaite. Au contraire, cette attitude pourrait être vécue comme une forme de discrimination : personnellement, je ne préviens plus les chefs de service qu’ils auront des femmes ! Je ne vois pas non plus de raison particulière de prévenir un service d’endocrinologie qu’il va avoir un interne en fauteuil.
- Un accompagnement ou un suivi particulier est-il prévu ?
De la même façon, le suivi qui doit être proposé par la médecine du travail est identique au suivi des autres internes.
- Pourrait-on imaginer un poste en surnombre systématique afin d'éviter la pénalisation des collègues internes par exemple ?
Non, je n’ai pas le concept que d’avoir un collègue handicapé soit forcément une pénalisation ! L’organisation du service s’adaptera à ce que l’interne peut et souhaite faire. Un handicap ce n’est pas une propriété de l’individu mais de l’environnement. Il faut que les environnements de travail ne soient pas handicapants.
reseauprosante.fr
Interview du pr isabelle richard, doyen de la faculté de médecine d’angers.
1. Le Magazine des internes et de l’ISNIH
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Interview du
Pr Isabelle Richard,
doyen de la faculté de
médecine d’Angers
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X Comment s’organise l’arrivée d’un interne présentant un handicap dans le
service où il est affecté ? Faut-il prévenir l’équipe en amont ?
Cela doit être organisé selon le droit commun du travail. Prévenir le service, non,
cela ne doit pas être systématique. Il faut en discuter avec l’interne en question en
fonction de ce qu’il souhaite. Au contraire, cette attitude pourrait être vécue comme
une forme de discrimination : personnellement, je ne préviens plus les chefs de service
qu’ils auront des femmes ! Je ne vois pas non plus de raison particulière de prévenir
un service d’endocrinologie qu’il va avoir un interne en fauteuil.
X Un accompagnement ou un suivi particulier est-il prévu ?
De la même façon, le suivi qui doit être proposé par la médecine du travail est iden-tique
au suivi des autres internes.
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pénalisation des collègues internes par exemple ?
Non, je n’ai pas le concept que d’avoir un collègue handicapé soit forcément une pé-nalisation
! L’organisation du service s’adaptera à ce que l’interne peut et souhaite
faire. Un handicap ce n’est pas une propriété de l’individu mais de l’environnement. Il
faut que les environnements de travail ne soient pas handicapants.
Aujourd’hui malheureusement, le caractère globalement discrimi-nant
de la société fait qu’il y a peu de médecins en situation de han-dicap
: les gens en situation de handicap ne font pas d’étude de mé-decine
et le premier problème à régler est celui-là, c’est l’accès aux
études de médecine aux personnes en situation de handicap .
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2. Le Magazine des internes et de l’ISNIH
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X Peut-on imaginer une entrée sur dossiers, l’instauration de quotas ?
Toutes les solutions de quotas ont leurs effets pervers. Un accompagnement des élèves en situation de handicap en première
année existe tels que des adaptations des modalités du concours avec des tiers temps supplémentaires. Il s’agit du problème
général de l’intégration des personnes au travail. La très grande majorité des métiers de médecins ne sont pas moins accessibles
à la très grande majorité des personnes en situation de handicap que d’autres métiers : Etre couvreur quand on est en fauteuil c’est
compliqué mais être médecin quand on est fauteuil, ça ne pose pas de problème sauf celui du regard des autres. C’est à la société de
le dépasser et de faire autrement.
Ma principale intervention en tant que doyen devant un interne en situation de handicap, ce serait de m’as-surer
qu’il n’est pas confronté à des discriminations et si tel était le cas, de pointer que ce n’est pas possible
et que ça va s’arrêter !
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X Quelle est votre attitude, des adaptations sont-elles possibles ?
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au représentant des internes, à la direction des affaires médicales et au doyen de faire le travail de gestion des res-sources
humaines normalement. Il me semble que dans cette faculté (Angers) on l’a toujours fait.
X Peut-on faire des exceptions, en particulier concernant la validation d’un semestre ?
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l’interne. Tout comme invalider un semestre au-delà de 4 mois peut également avoir un intérêt pour l’interne et pour sa forma-
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Ce n’est pas plus fréquent. Mais on ferme moins les yeux, alors que ça a toujours existé. Les solutions sont d’abord préventives.
Un certain nombre de ces internes n’auraient pas dû pouvoir terminer leur 2ème …›…Ž‡†‡•±–—†‡•±†‹…ƒŽ‡•‡–…‡•†‹ˆϐ‹-
cultés avaient déjà été dépistées.
Comment prévenir ces situations ?
D’une part, il faut instaurer une évaluation des compétences cliniques des étudiants de 2ème cycle, par exemple par des évalua-
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D’autre part, cela doit s’assortir de passerelles sortantes des études de médecine crédibles et non dramatiques. Actuel-lement,
tout le monde ferme les yeux sur l’étudiant de 2ème …›…Ž‡“—‹ƒ‹ˆ‡•–‡‡–ƒ†‡•†‹ˆϐ‹…—Ž–±•†ƒ•Žǯ‡š‡”…‹…‡†‡…‡±–‹‡”Ǣ
tout le monde y compris l’étudiant lui-même et sa famille. A ce jour, il n’y a pas de propositions acceptables et on préfère penser
que le problème n’existe pas ou va se régler par la suite.
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4. Le Magazine des internes et de l’ISNIH
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ter tout le monde à 18 ans .
‹‡•‘—˜‡–…‡•±–—†‹ƒ–••‡–”‘—˜‡–…‘–”ƒ‹–•‡͵ème cycle à des droits au remord forcés dans des spécialités non
cliniques qui ne correspondent pas non plus à leur besoin ?
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en radiologie ou en anapath, il faut signer le compte rendu et décider d’un diagnostic et ce n’est pas forcément plus simple.
La question du droit au remord devrait être gérée un peu différemment. ƒ’Žƒ‹ϐ‹…ƒ–‹‘”‹‰‹†‡–‡ŽŽ‡“—ǯ‘‡••ƒ›‡†‡Žƒˆƒ‹”‡
dans les études de médecine ne marche pas ! Si nous étions dans un système où il y ait plus de passerelles entrantes et sor-tantes,
plus de liens et de ponts entre les spécialités et de possibilités d’en valider plusieurs ǤǤǤ’Ž—•†‡ϐŽ‡š‹„‹Ž‹–±ǡ—…‡”–ƒ‹
nombre de ces problèmes ne se poseraient pas de cette manière. Il ne faut pas ajouter des règles mais plutôt en enlever et de façon
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Un premier élément de prévention serait de les dépister en 2ème cycle. Le second serait un soutien aux in-ternes
au cours de leur première année d’internat. C’est sur ce dernier point que nous allons travailler et
essayer de mettre en place à Angers pour l’année prochaine .
Comment ?
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Que des jeunes professionnels soient lâchés dans une activité contraignante, stressante sans espace de parole, cela favorise des
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table ! C’est un des chantiers de l’année prochaine. Il faut qu’il y ait un espace pour discuter de l’inquiétude avant la 1ère
garde et de la moindre inquiétude après la 1ère garde. Les associations d’internes ont leur responsabilité dans le fait que
cela n’existe pas ! C’est aussi leur rôle de s’y investir.
Un autre sujet à aborder avec les associations d’internes est la consommation de toxiques et en particulier d’alcool. Il y a un certain
nombre d’internes dont la consommation d’alcool, pas forcément au travail, est excessive voire pathologique. Il faut lutter contre,
de la même façon qu’il y a eu des stratégies envers les populations d’étudiants plus jeunes sur la prévention des alcoolisations
massives. Les internes sont des catégories dans lesquelles ces pratiques existent voire à un moment celles-ci ont étés valorisées.
Qui est le mieux en mesure de juger l’incapacité à faire des gardes ?
Un certain nombre d’internes mais aussi de médecins seniors à un moment de leur existence, pour des raisons particulières et
personnelles, peuvent ne pas être en mesure d’effectuer des gardes ou d’effectuer leur travail habituel. De qui est-ce la respon-sabilité
Les volumes horaires importants ne contribuent-ils pas à cette souffrance au travail ?
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et aller boire le 4éme» ! Nous sommes des humains pas tellement plus résistants que les autres. Le repos de sécurité est
une des mesures à l’évidence des plus intelligentes qui aient été prises pour diminuer le temps de travail. Par ailleurs,
les médecins sont des cadres supérieurs, ils ne peuvent pas se comporter comme s’ils étaient payés à l’heure.
Le Pr Isabelle Richard,
doyen de la faculté de médecine d’Angers, PU-PH,
r
esponsable de la discipline de médecine physique
et de réadaptation à l’université d’Angers
? C’est d’abord de la responsabilité des collègues.
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est dans un état dépressif transitoire, dans une situation normale, ne devrait jamais dépasser le périmètre des collègues
qui partagent la liste de garde. La nécessité d’une intervention autre ne survient que lorsque les collègues ne se com-portent
pas de façon normale, et cela ne règle jamais vraiment bien le problème.
Interview réalisé par Caroline Eymerit-Morin , sécrétaire générale adjointe de l’ISNIH
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