Famili: Reportage photos "Les pères à la maternité"
1. 2 3
POUR LES HOMMES AUSSI,
UNE NAISSANCE DURE DES
HEURES. S’ILS PASSENT DE
LONGS MOMENTS À
SOUTENIR LA FUTURE MÈRE,
ILS OCCUPENT LEURS TEMPS
DE SOLITUDE À HANTER LES
COULOIRS, PIANOTER SUR
LEUR TÉLÉPHONE, SE
PROJETER DANS LE FUTUR…
TROIS D’ENTRE EUX NOUS
ONT OUVERT LEUR CŒUR.
PAR CLAUDE DE FAŸ.
Maternité de l’hôpital Foch à Suresnes, 18 et 19 novembre.
Ils arrivent un peu en retrait, trois pas derrière la future mère.
Patientent dans la salle d’attente qu’on veuille bien leur confir-
mer que «la naissance est probablement pour aujourd’hui».
Plus tard, on les reconnaîtra sans peine, marchant d’un pas
rapide ou nonchalant, les bras encombrés de sacs. Ils ont l’air
un peu perdus, parfois inquiets ou proches de l’extase! Les
émotions qu’ils ressentent les chavirent mais il leur faut dans
le même temps rassurer et distraire la future mère, donner des
nouvelles à la famille qui s’impatiente au bout du fil, s’assu-
rer que tout roule au travail, faire le relais auprès des autres
enfants… Et casser une petite graine pour ne pas tourner de
l’œil au dernier moment! Durant notre reportage, l’efferves-
cence était à son comble dans les couloirs. Il est des jours où
les naissances s’enchaînent et où, faute de place, les couples
repartent (sauf urgence) patienter à la maison. Merci aux
pères qui ont accepté de se confier à famili et à tous les autres
que nous avons croisés et avec qui nous avons tant partagé…
les pères à la maternité
Ils pensent à quoi
quand on
accouche ?
Reportage maternité
De gauche à droite, Stéphane,
Jean-Michel &Tiana.
2. 4 5
Reportage maternité
EXALTATION ET FÉBRILITÉ
C’est notre deuxième enfant. Julie a per-
du les eaux ce matin, on est à J + 2, c’est
dire si je suis impatient et ravi! J’éprouve
un mélange d’exaltation et de fébrilité.
Fille ou garçon, on a préféré garder la
surprise et découvrir son sexe au dernier
moment. Dans une vie où on maîtrise
tout, garder une part d’inconnu me va
bien. Là, je suis à fond et viens d’annu-
ler une réunion…
TOUT SON PÈRE!
Notre entourage ne sait pas que Julie
accouchera aujourd’hui, juste qu’on
avait rendez-vous à la maternité ce ma-
tin. Pour le moment, on préfère ne pas
donner de nouvelles pour ne pas être
submergé de coups de fil et inquiéter
au cas où… Garder ce moment d’inti-
mité pour nous, le vivre ensemble dans
notre bulle, nous paraît essentiel. En tout
cas, les pronostics vont bon train. Tout
le monde imagine que c’est un garçon
vu la forme du ventre de Julie. J’ai aus-
si entendu: «J’espère qu’il ne sera pas
aussi poilu que toi» et, parce qu’on est
à J + 2: «Il prend son temps comme son
père!» C’est très sympa de constater que
cet enfant est déjà inscrit dans le cercle
familial et amical, qu’il a déjà sa place.
QUALITÉ EXIGÉE, DÉBROUILLARDISE
J’aimerais transmettre à mon enfant les
mêmes valeurs que j’ai reçues de mes
parents: humilité, respect des autres,
courage, amour de la famille, etc. J’ai-
merais aussi qu’il soit débrouillard! Vu
le monde dans lequel on vit, mieux vaut
qu’il n’ait pas les deux pieds dans le
même sabot.
SOUFFRANCE ET IMPUISSANCE
Je suis plus tendu [ndlr il est tout blanc].
Les contractions étaient si douloureuses
que Julie répondait à peine aux ques-
tions et n’était pas loin de tomber dans
les vapes. Lors de son premier accou-
chement, elle avait tenté
sans péri mais craqué à
dilatation 8. C’est dur de
voir souffrir sa femme et
d’être complètement im-
puissant devant sa dou-
leur! J’aurais aimé poser
la péridurale moi-même
pour que ça aille plus vite
et lui éviter ces minutes
de souffrance… Je suis
admiratif du courage des
femmes. Je crois bien que
je ne supporterais pas
une telle douleur!
ENTRE CALME ET EXCITATION
Cela fait six heures que les contractions
ont démarré, on vient seulement d’arri-
ver à la maternité. On attend cet enfant
depuis si longtemps ma femme et moi,
notre fils aîné a déjà 6 ans. Nous avons
même consulté dans un centre d’AMP
mais, au final, il a été conçu naturelle-
ment. J’attends ma famille, qui vient
de Madagascar.
TROP BIEN LES FORUMS DE FUTURS
PARENTS
Mon fils aîné est né par césarienne, cette
fois-ci on tente l’accouchement par voie
basse. Tsanta souffre beaucoup et attend
la péridurale avec une impatience gran-
dissante: «Césarienne ou voie basse, je
m’en fiche, il faut qu’elle sorte!» a-t-elle
dit. J’essaie de la calmer et de la rassurer,
j’espère que je serai à la hauteur pour la
suite… On s’est particulièrement bien
préparés pour cette naissance et nous
avons découvert les forums de futurs
parents – celui de famili aussi! Eh bien,
ça tranquillise de constater que chacun
passe par les mêmes interrogations. C’est
fou ce que certaines femmes viennent
y raconter et même leur accouchement
heure par heure… Je n’y ai jamais vu
beaucoup d’hommes!
LA CHAÎNE DES GÉNÉRATIONS
C’est une fille. Vous dire ma joie…
Cela fait longtemps que je veux une
fille! A qui va-t-elle ressembler? J’ai-
merais qu’elle soit médecin. Ma mère
est morte il y a longtemps d’un AVC,
mes deux oncles aussi et j’ai alors pen-
sé: «Mais pourquoi je n’ai pas fait mé-
decine!» J’aurais peut-être pu la sauver.
Voilà, cette petite fille qui arrive, c’est
le fil de la vie qui continue, un lien qui
se crée avec ma mère qu’elle ne connaî-
tra pas. Mon aîné? J’aimerais bien qu’il
fasse l’ENA. Oui, j’ai de grandes ambi-
tions pour mes enfants!
JE CAFIOTE, TU MAILES, IL
TÉLÉPHONE
J’ai l’air calme comme ça mais j’en suis
à mon 5e
ou 6e
café depuis ce matin: il
faut bien tenir, il est 9h30 et les contrac-
tions ont démarré à 2 heures et demie!
Et mieux vaut avoir la tête sur les épaules
pour traiter les mails urgents du bureau.
GALIPETTE ARRIÈRE
Je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer ni
de trop m’impatienter. Une césarienne a
été décidée. Le bébé s’est retourné et mis
en siège. Pourvu que tout se passe bien.
LE PLUS HEUREUX DES HOMMES
J’ai été très impressionné par la césa-
rienne. Je pensais voir beaucoup de sang
et des gens qui couraient un peu par-
tout comme dans les films. Eh bien pas
du tout! Tout était calme, l’équipe très
discrète et professionnelle. Lorsque j’ai
vu ma fille, ça a été magique! Elle s’ap-
pelle Tiah. Même avec une césarienne,
une naissance reste extraordinaire. Son
grand frère est déjà venu la voir, cela m’a
surpris qu’il soit déjà très protecteur en-
vers sa sœur. Et puis, quoi de plus beau
que de contempler ses deux enfants en-
semble? Il n’y a pas de mots pour décrire
cette émotion. Je suis le plus heureux
des hommes.
PAS LE GENRE À S’AVENTURER
PLUS BAS
Thibault est né et tout s’est bien pas-
sé. En trois contractions et poussées,
c’était fait. Je suis resté tout près de Ju-
lie, je ne suis pas du genre à m’aventurer
plus bas. Je me suis toujours demandé
si l’émotion serait aussi intense puisque
je l’avais déjà vécue pour la naissance
de mon aînée. Eh bien oui, la force et la
puissance de l’instant étaient les mêmes!
L’amour submerge tout, je ne pense plus
qu’à ça et à notre nouveau bonheur. J’ai
pris mes trois jours de congé paterni-
té et des RTT, histoire de ne rien rater
des premiers moments et de les parta-
ger à deux.
« une fille ! Vous dire ma joie… »
Tiana, 43 ans
« Je suis admiratif du
courage des femmes»
Jean-Michel, 36 ans
3. 6 7
ABSENTS DES SALLES DE NAISSANCE
PENDANT LONGTEMPS, LES PÈRES Y SONT
AUJOURD’HUI DEVENUS TRÈS ACTIFS. TROP ?
LES RÉPONSES DE NOS SPÉCIALISTES.
La bonne place
du père
« je ne sais pas
ce qui m’a pris »
Stéphane, 39 ans
UNE FAMILLE EN EXPANSION
Tout va bien, je ne suis ni stressé, ni an-
goissé, ni pressé. J’ai déjà deux garçons
de 3 ans et demi et de 2 ans qui sont
gardés par belle-maman et nous atten-
dons une fille. Le col est ouvert à trois
centimètres, c’est parti! Je pense que le
bébé naîtra avant minuit. On prend les
paris? Ma fille sera le huitième petit-en-
fant de la famille, bientôt rejointe par
mon futur neveu ou nièce. La famille
s’agrandit pour le plus grand bonheur
de mes parents.
ÊTRE OU NE PAS ÊTRE À
L’ACCOUCHEMENT
C’est important pour ma femme que
je sois près d’elle. Je donc serai là à l’ac-
couchement pour l’accompagner. Je le
fais pour Frédérique, elle m’en voudrait
si je n’assistais pas à son accouchement
et ma fille pourrait me le reprocher plus
tard. Il me semble que l’accouchement
est davantage une affaire de femmes.
SCRABBLE ET FILM DE FILLES
Je rentre chez moi faire un saut, histoire
de prendre une douche, manger un petit
bout. Et montrer à mes aînés une pho-
to de leur maman avec le monitoring!
En principe, cet enfant qui arrive est le
dernier de la fratrie. Quand on en a plus
de trois, il faut tout changer, la voiture,
l’appart, etc.:-)) Et puis, chez nous, ça
marche par trois. Mon père a eu trois
enfants, et mon frère trois. Trois fois
trois, vous croyez à la répétition fami-
liale, vous? En attendant, pour tuer le
temps, on joue au scrabble et Frédérique
a un «film de filles» sous le coude!
MA FILLE, CETTE INCONNUE
Je m’interroge sur les rapports père-fille.
De quoi sont-ils faits? Après deux pe-
tits mecs, ce ne sera pas la même chose.
J’imagine que lorsque les enfants gran-
dissent, il y a davantage de rivalité entre
père et fils et plus de complicité père-
On en parle avec famili sur RTL!
«On est fait pour s’entendre»,du lundi au vendredi de 15 h à 16 h.
Tous les jours,Flavie Flament dialogue avec ses auditeurs sur les
sujets qui les concernent.Retrouvez-la le 9 janvier dans une émission
consacrée aux PAPASÀ LA MATERNITÉ.La rédactrice en chef
de famili,Cédrine Meier,et le DrThierry Harvey,obstétricien et chef
de la maternité des Diaconesses,seront en studio pour en parler.
fille. L’expression «la fille à son papa»
doit bien vouloir dire quelque chose! En
tout cas, je l’idéalise sûrement cette fa-
meuse relation d’un père avec sa fille…
RETOURNEMENT DE SITUATION
Tout est allé très vite, Helena est née peu
après 21 heures. Il s’est passé un truc
incroyable, absolument pas prémédité.
Pour mon premier enfant, je suis resté
prudent, tout près de Frédérique. Le deu-
xième? J’ai jeté un œil et vu sa tête sortir.
Aujourd’hui, je ne sais pas ce qui s’est
passé, j’ai dit soudainement à la sage-
femme: «Je veux le faire»! C’était l’occa-
sion ou jamais, une façon de faire partie
de l’événement au lieu de tenir bêtement
la main de Frédérique. La sage-femme
a accepté, et avec son aide, j’ai attrapé
le bébé sous les aisselles et l’ai sorti du
ventre de sa maman pendant qu’elle-
même prenait une photo. Ça fait tout
drôle quand même, quelle émotion…
Reportage maternité
«La place des pères en maternité? Il me semble qu’il y a un ajustement à
faire. Ils y ont été poussés dans les années 1980… sans être encadrés. Certains
ne savent pas pourquoi ils sont là, d’autres n’en ont pas forcément vraiment
envie mais se sentent un peu “obligés”. La question de la présence du père
pendant l’accouchement mériterait d’être vraiment discutée lors du projet de
naissance (à préparer en couple): à quoi s’attend-il? Que veut-il y faire? Envie
de couper le cordon? Beaucoup d’hommes ne sont pas assez préparés.
En suites de couches, je vois de plus en plus de pères déçus parce qu’ils ont
l’impression que leur femme prend toute la place! Par exemple, cet homme
dont la compagne allaitait, le bébé pendu au sein toute la journée. Il était
complètement perdu, pensait qu’il ne servait à rien juste à changer les couches.
Il n’avait pas compris que son rôle est avant tout de protéger sa femme et de
faire le relais, de la rassurer, de l’aider mais pas de se substituer à elle. Sinon,
elle perd confiance en ses capacités et “n’existe plus”, ce qui est dangereux.»
Fabienne Galley-Raulin
Xavier, en attendant la
naissance d’Alphonse.
L’avis de la sage-femme
L’avis de la psychologue
«L’accouchement n’est plus seulement une question de
femmes mais de couple. Il est bénéfique que le père prenne
sa place dans ces moments-là mais elle est encore mal
définie. J’aime à dire que c’est le père qui porte la mère qui
porte l’enfant. Ça signifie quoi? Que le rôle de l’homme est
primordial pendant neuf mois, à l’accouchement, en suites
de couches, etc. Il soutient sa compagne, la réconforte,
l’écoute, la «contient». Et c’est dès le début de la grossesse
qu’il doit y réfléchir: quelle place pour moi? Comment?
A chaque couple de se déterminer. Certains pères ont des
réticences à participer, d’autres en font peut-être trop,
occupant une place qui n’est pas la leur. Couper le cordon
est symbolique. Ce n’est pas la même chose que sortir soi-
même le bébé du ventre maternel comme je l’ai déjà vu.
Qui soutient la mère dans ce cas-là?
On évoque souvent le bouleversement émotionnel et
psychique de la femme quand elle donne naissance à son
enfant, moins de celui du père. Et pourtant, lui aussi met
au monde psychiquement son enfant… Comme elle, il a
besoin d’être accompagné.»
Séverine Dagand-Berteau
L’avis du gynécologue-obstétricien
«Il est difficile de demander aux pères de s’investir auprès de
leur bébé… pour ensuite trouver qu’ils sont trop présents!
Cela dit, chacun doit être à sa place et dans son rôle en
salle de naissance: l’obstétricien ou la sage-femme dans la
réalisation de l’accouchement, le père dans le soutien.
Certaines choses me “choquent”: l’homme qui se place en
face de sa compagne, qui voit tout, filme et a l’intention de
regarder le résultat en famille! Il ne se rend pas compte que
l’intimité de son couple, sexuelle entre autres, peut en être
bouleversée; celui qui est envahissant à certains moments (il
répond à la question qu’on pose à sa compagne) et pas assez
présent à d’autres (par exemple après la naissance) alors
qu’elle a vraiment besoin de lui.
Je constate souvent que certaines femmes n’allaitent pas car
leur mari veut donner le biberon! Il ne sait pas qu’il ne sera
pas moins bon père pour autant… Si beaucoup d’hommes
sont à leur place, certains sont insuffisamment préparés.»
Pr Philippe Deruelle