Conférence Fablabs, ateliers de fabrication numérique et d'innovation collabo...
25032016 La Tribune
1. Comment les « Makers » inventent l'usine du futur
« DIY » pour « Do It Yourself! » (« Faites-le vous-même »), tel est le mot d'ordre d'une nouvelle
génération d'innovateurs-artisans. Rassemblées dans des « Fab Labs », ces communautés de
bricoleurs-technophiles sont en passe de réindustrialiser les villes et peut-être d'inventer les
usines du futur. Par Philippe Boyer, directeur marketing et développement d’une société de ser-
vices dont l’activité est centrée sur l’aménagement de la ville.
N° 5928
vendredi 25 mars 2016
Page 18
1016 mots
FOCUS
C
omme souvent, la nouveauté
est venue des Etats-Unis. Plus
précisément de l'entrepreneur Dale
Dougherty, à l'origine de l'expression
« Web 2.0 » et éditeur du magazine
« Make », qui, au début des années
2000, structura une communauté
naissante : les "makers« (à traduire
par »Faiseurs"). Pour ces artisans du
numérique, il y a d'abord la volonté
de produire soi-même plutôt que
d'acheter. Adeptes de l'innovation à
la portée de tous et prônant le travail
collaboratif, ces techno-bricoleurs
adhèrent aux valeurs de l'économie
du partage et de la volonté d'en finir
avec l'obsolescence programmée des
objets impersonnels fabriqués à la
chaine.
Des outils à la portée de tous
Ces makers apprennent ou savent dé-
jà manier imprimantes 3D, frai-
seuses, découpeuses au laser et
autres logiciels de conception pour
produire toutes sortes d'objets diffi-
ciles voire impossibles à trouver à
l'unité. Qu'il s'agisse de la petite
pièce en plastique destinée à réparer
un jouet cassé ou bien la conception
d'objets plus complexes dignes de
prototypes industriels, il est désor-
mais possible de réaliser et de fabri-
quer soi-même et de personnaliser
un nombre impressionnant d'objets
dans différents matériaux grâce aux
outils numériques.
« On peut fabriquer presque
n'importe quoi avec le numé-
rique »
Membres d'une communauté qui fait
chaque jour de nouveaux émules, ces
makers échangent et s'entre-aident
via les réseaux sociaux ou certains
sites spécialisés. Partout dans le
monde, ce mouvement n'en finit pas
de grossir au point de voir apparaitre
des « Maker Fairs » (foire aux inno-
vateurs) et autres festivals, réunis-
sant les adeptes de cette « bidouille
numérique ». Qu'ils soient étudiants,
ingénieurs, designers ou retraités…
tous sont convaincus, comme Neil
Gershenfeld, professeur au Massa-
chusetts Institute of Technology
(MIT) et connu pour avoir popularisé
le concept de fablab, que « l'on peut
fabriquer presque n'importe quoi avec
le numérique. ». Aux Etats-Unis, le
président lui-même s'est emparé de
ce sujet sujet appelant les Américains
à faire émerger « a nation of makers »
(« une nation d'innovateurs ») et de
rappeler les valeurs fondatrices du
pays : "'If you can imagine it, then you
can do it'… That's a pretty good motto
for America. » (« Si vous pouvez
l'imaginer, alors faites-le…à la ma-
nière de la devise américaine ».)
Les usines du futur dans les villes
de demain
Dans les villes, ces « makers » ont
leurs espaces consacrés : ce sont les
« fablabs » - contraction de « fabrica-
tion » et « laboratory », sorte
« d'atelier de création numérique ».
Difficile de classifier ces lieux de pro-
duction tant il en existe de diffé-
rents : tantôt fablabs « classiques »
en tant qu'ateliers de production et
affiliés au réseau mondial Fab Foun-
dation, tantôt « hackerspace » où
s'élaborent des programmes infor-
matiques ou encore « techshop » - on
accède aux machines sur abonne-
ment… ces lieux variés sont souvent
comparés à de petites usines implan-
tées en cœur de villes. Outre que
cette forme de production semi-in-
dustrielle contribue à repeupler cer-
tains quartiers difficiles - Incite Fo-
cus, à Detroit, fablab de quartier qui
s'est fixé un double enjeu :
l'expérimentation et l'insertion - ces
nouveaux sites de production sé-
duisent car ne génèrent presque au-
cune nuisance et très peu de déchet
à la différence des usines classiques.
De ce fait, de nombreuses villes en-
couragent ces implantations semi-
industrielles d'un nouveau genre. A
Barcelone, le Conseil municipal a ac-
1
2. té la création d'au moins un fablab
dans chaque quartier de la ville. En
France, des centaines de fablabs
existent déjà ; le plus souvent dans
les grandes villes mais également en
milieu rural, à l'instar de RuralLab,
fablab implanté à Néons-sur-Creuse
(400 habitants).
Tous ces lieux de production d'un
nouveau genre témoignent que
l'économie collaborative, qu'elle soit
circulaire ou du partage, s'ancre pro-
fondément dans nos quotidiens au
point d'inciter de nouveaux adeptes
à se familiariser avec la programma-
tion, le codage et la fabrication… Au
final, l'objectif (vertueux) étant de
mieux consommer. Plus largement,
l'éclosion de ces « ateliers urbains »
préfigure peut être aussi une nou-
velle forme de ville intelligente dans
laquelle cohabiteront de nouveaux
lieux de création (industrielle) et de
production (agricole).
Fablabs industriels
A l'instar des fablabs grand public, les
grands groupes industriels ont
presque tous aujourd'hui leurs lieux
d'innovation et de tests portés en ce-
la par leur culture de la R&D. Re-
nault, Airbus, Safran, Air Liquide,
Alcatel-Lucent, Systra, Dassault Sys-
tèmes, Bouygues… ont leurs propres
FabLab avec pour ambition de miser
sur « l'innovation ouverte » en col-
laborant avec des startups du numé-
rique à l'instar de la coopération ente
Airbus et Sigfox, PME Toulousaine,
qui travaille sur l'Internet des objets.
Depuis peu, l'association - Fab&Co
- milite pour rassembler grands
groupes industriel, universitaires et
petites entreprises innovantes. Outre
l'échange réciproque, il s'agit
d'organiser des workshops permet-
tant l'échange et l'expérimentation
avec, un mot d'ordre, le recours à des
« méthodes agiles » d'innovation.
Quels résultats attendre de cette agi-
tation d'un nouveau genre ? Forcé-
ment que du « mieux » et du « nou-
veau » dès lors que c'est un univers
en plein bouillonnement qui n'hésite
pas à repousser ses propres limites et
à se poser des questions nouvelles du
type « Et si… ? ». Dans ce paysage
de l'innovation et du numérique,
l'Alliance pour l'Industrie du Futur,
association créée en juillet 2015, par-
ticipe à cette ambition commune de
moderniser et de transformer
l'industrie en France, notamment par
l'apport du numérique.
Pour cet enjeu stratégique porté par
notre époque qui se caractérise par
« l'âge du faire », toutes les bonnes
volontés sont conviées : que l'on soit
un grand groupe industriel ou un
« maker » de quartier adepte du DIY,
« Do it yourself ».■
par Philippe Boyer
Tous droits réservés La Tribune 2016
1978F57B53009E03066D19C9C50EA1F21FB2F686247C65A0234991C
Parution : Quotidienne
2