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Communication formation décembre 2019
« Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres » (3 à 4 heures)
A-Mise au point scientifique
-La société d’ordres. Tensions, mutations et crispations : une recomposition permanente
Les tensions, mutations et crispations qui ont lieu dans la société sont liées à la fois à
l’évolution de la bourgeoisie qui possède de plus en plus le pouvoir de l’argent et à celle de la noblesse
qui voit son rôle et son idéal de vie changer entre le XVIIe et le XVIIIe siècle.
La société d’ordres telle qu’elle a été théorisée depuis le XIe siècle a instauré un cadre
juridique qui n’a jamais empêché des évolutions collectives ou individuelles au sein de ce cadre.
Néanmoins, à partir du début du XVIIIe siècle, le cadre social tel qu’il est imposé devient de plus en
plus difficile à supporter pour l’élite du tiers Etat qui veut pouvoir passer outre afin d’accéder à
l’ensemble des postes de décision, y compris dans l’armée, qui lui reste fermée.
Un des moyens trouvés par la monarchie pour contenter un temps cette bourgeoisie a été de
rendre légale la vénalité des offices à partir du début du XVIIe siècle et de permettre à des aux plus
enrichis de prétendre à la noblesse de robe puis aux instances de gouvernement. La monarchie rend
ainsi possible une ascension sociale qu’elle contrôle en partie, seules certaines des charges étant
anoblissantes, comme celle de secrétaire du Roi (la « savonnette à vilains »).
Il existe une multitude de cas individuels qui peuvent constituer autant d’exceptions au cas
courant, d’où la difficulté d’une généralisation, qui sera forcément abusive. On peut néanmoins se
concentrer sur les relations entre les membres de chacun des ordres tels qu’ils sont établis dans les
villes de France
Introduction : Le cadre urbain et son évolution du XVIe au XVIIIe siècle
Le fait marquant de l’époque moderne est la croissance de l’ensemble des villes, mais
également du taux d’urbanisation. Ceux-ci sont incertains avant 1650, mais on estime que la France
a un taux d’urbanisation de 10 % à 14 % vers 1600 selon le seuil choisi (le dernier correspondant à
un seuil de 2 000 habitants). La croissance est faible et s’étend essentiellement sur les deux derniers
siècles de la période. Elle est cependant indéniable : vers 1725, la France compte 16 % d’urbains, 19 %
en 1808 (avec une augmentation de 50 % de la population urbaine en chiffres absolus, celle-ci passant
de 3,7 millions à 5,5 millions, ceci malgré les vicissitudes de la Révolution française qui ont largement
touché les villes.
Ce mouvement touche toutes les grandes métropoles françaises, les ports en particulier. Les
chiffres antérieurs sont très lacunaires, surtout pour la période autour de 1500. De ce fait, nous avons
choisi de partir de 1600. L’essentiel est cependant acquis avec un aperçu de l’évolution de la
population des villes au cours de la période :
Ville Population
vers 1600
Population
vers 1700
Population
vers 1789
Augment°
1600-1789
Augment°
XVIIIe s.
Paris 220 000 500 000 600 000 + 170 % + 20 %
Lyon 90 000 100 000 150 000 + 66 % +50 %
Marseille 45 000 75 000 110 000 + 144 % + 46 %
Lille 33 000 55 000 65 000 + 100 % +18 %
Bordeaux 40 000 45 000 110 000 + 175 % + 144 %
Toulouse 40 000 43 000 53 000 + 32 % +23 %
Nantes 20 000 40 000 80 000 + 300 % +100 %
Rouen 70 000 60 000 72 000 + 3 % +26 %
Les chiffres ne sont pas tous précis et ont pu fluctuer fortement, y compris au cours d’un siècle,
comme à Lyon, qui comptait sans doute 60 000 habitants au milieu du XVIe siècle avant de connaître
les dévastations des Guerres de Religion.
La croissance urbaine au XVIIe siècle est essentiellement parisienne, mais est aussi
importante à Marseille ou à Lille, puis touche la plupart des villes de province au XVIIIe siècle.
Rouen stagne et perd définitivement son statut de métropole au profit des ports atlantiques.
Il ne s’agit ici que des plus grandes villes, mais les villes plus modestes commencent aussi à
développer des faubourgs. A Chalon-sur-Saône, Emiland Gauthey, Ingénieur en chef des Etats de
Bourgogne lotit les nouveaux quartiers au nord de la ville jusqu’aux remparts de la citadelle.
Dijon : 22 000 hbts en 1750, alors qu’elle en compte 13 000 à la fin du XVe siècle. Evolution
très lente avec une ville peu dynamique par rapport à celles de la côte.
Chalon sur Saône : 9 000 habitants en 1793
Gains d’habitants modestes que l’on peut voir grâce aux cartes et à une relative augmentation des
faubourgs ou des nouveaux quartiers à l’intérieur des remparts.
Aussi des mutations architecturales et des changements de paysages, du cadre monumental,
des remparts qui sont détruits, comme Paris dans les années 1670 pour faire des boulevards ou à
Chalon à partir de 1788 pour les remparts de la Citadelle.
I-La ville, un monde où se côtoient hiérarchies traditionnelles (juridiques) et hiérarchies
nouvelles (économiques)
1-L’évolution de l’ethos de la noblesse et la perte de son influence
La noblesse, bien qu’elle soit limitée en taille, est un ordre pluriel où l’on pourrait presque
croire que chaque famille connaît une situation particulière. Au XVIe siècle, la noblesse est encore
largement dominée par la noblesse d’épée, qui s’estime seule bonne conseillère du monarque. Le
conseil du Roi n’est d’ailleurs composé que de nobles d’ancienne (ou relativement ancienne)
extraction. Le maniement des armes est alors « une vertu plus qu’une fonction » (A. Jouanna). Les
nobles représentent d’ailleurs un contrepoids de taille face à la monarchie, comme le montrent les
guerres de Religion qui peuvent être synthétisées comme une recomposition des clientèles des
grandes familles. Il est donc important pour les rois de passer du temps avec la noblesse et de bien la
traiter. D’ailleurs, la grande ordonnance de Blois de 1579 rappelle que les charges de baillis et de
sénéchaux sont réservées à la noblesse d’épée et ceux-ci sont encouragés à étudier afin de pouvoir
tenir dignement leurs fonctions. Les rois sont aussi très attentifs aux mariages des nobles de haut rang
afin que ceux-ci conservent leur prestige. Il paie également les dettes des grands nobles afin d’éviter
leur disparition. La noblesse est alors volontiers frondeuse, mais il devient nécessaire, pour participer
au gouvernement, de s’installer en ville et de louer une demeure à la hauteur de son statut ou de s’en
faire construire une.
La régence de Marie de Médicis voit l’échec de Concini, aventurier italien, proche de la reine,
au profit d’un retour à la noblesse avec le marquis d’Albert puis duc de Luynes, dont la famille,
originaire d’Italie, s’est mise au service de Charles VII, puis du cardinal de Richelieu.
La véritable rupture a lieu avec Louis XIV. Fénelon, dans son Télémaque, publié en 1699,
accuse Louis XIV de despotisme, car il gouverne sans les conseillers naturels et l’entourage
aristocratique (noblesse d’épée et parlements). La Régence, qui dure de 1715 à 1723 revient d’ailleurs
aux traditions en nommant des aristocrates comme chefs des différents conseils de la polysynodie. Le
duc de Villars, fait maréchal en 1702 et pair de France en 1709 suite à la bataille de Malplaquet. Il est
issu de la petite noblesse mais a fait ses preuves par les armes. Le système ayant échoué, c’est le
cardinal Dubois, aux origines pourtant modestes, qui la faveur du Régent. (Dubois ancien maître du
duc d’Orléans).
Au XVIIIe siècle, il y a une rupture démographique au sommet de la noblesse puisque ce sont
les premiers à réduire les naissances et une rupture idéologique avec une noblesse qui change
d’identité. La longue paix au début du règne de Louis XV et la guerre de Sept Ans montrent que la
noblesse pense davantage aux bienfaits matériels qu’à la gloire de la France et qu’une paix honteuse
d’où l’on revient vivant est préférable à l’émulation et au courtage collectif mis en avant jusqu’en
1713. L’intérêt général que doit défendre la noblesse passe donc après la recherche des plaisirs,
favorisée par la position sociale.
L’image de la noblesse, surtout d’épée, se détériore et l’exemple vient d’en haut. Louis XV
prend pour maîtresse à partir de 1771 Mme du Barry, non noble et courtisane et renvoie en même
temps les Parlements avec le « coup de Maupeou ». Le Parlement se place alors comme le
représentant de l’intérêt général du pays, se substituant ainsi à la noblesse d’épée, et donne une image
de despote oriental qui se fait gouverner par son sérail.
La noblesse traditionnelle connaît alors une crise d’identité majeure, encore un temps protégée
par l’édit de Ségur de 1781 qui vise surtout les gens anoblis afin qu’ils ne puissent pas entreprendre
de carrière d’officiers.
2-La noblesse en ville : l’emprise aristocratique
Cette évolution générale de la noblesse se retrouve en ville, avec une géographie particulière
des noblesses qui se dessine au cours de l’époque moderne.
Choix de Paris : -Mieux connu
-Coeur du pouvoir : variété de nobles
Les grands nobles habitent justement de plus en plus en ville. Un président du Parlement,
Jacques des Ligneris, fait construire en 1545 le premier hôtel classique « entre cour et jardin » en
ville, sur plus de 2 000 m2. Il s’agit de l’hôtel Carnavalet, demeure au XVIIe siècle de Mme de
Sévigné. Le plan de son hôtel se retrouve ensuite en plusieurs lieux parisiens :
rue des Francs-Bourgeois, pour Pierre Le Jay, trésorier de l’Extraordinaire des Guerres, 1551
l’hôtel de Rocquencourt, trésorier de l’Epargne, construit près du Louvre, en 1553
Hôtel du grand écuyer Claude Gouffier de Roannès, construit rue Saint-Antoine
Le Marais devient alors le quartier à la mode pour les aristocrates qui se font construire des
demeures jusqu’au milieu du XVIIe siècle, puis l’implantation des hôtels témoigne des déplacements
successifs de la noblesse.
-Les déplacements successifs de la noblesse à Paris entre le XVIe et le XVIIe siècle
-Marais : hôtels particuliers : à la mode au XVIe siècle et jusqu’au début du XVIIIe siècle.
-Hôtel Carnavalet, construit entre 1547 et 1549 par Pierre Lescot
-Hôtel de Lamoignon, construit entre 1585 et 1589, par Thibault Métezeau
-Hôtel de Sully, construit entre 1624 et 1630, acheté par Sully en 1634, qui y habite à
peine.
-Hôtel d’Aumont, construit entre 1631 et 1650 par François Mansart
-Hôtel de Beauvais, construit entre 1655 et 1660 dans un tissu urbain désormais saturé.
-Hôtel de Soubise, construit entre 1705 et 1708 sur l’hôtel de Clisson.
-Développement en parallèle des faubourgs Saint Germain et Saint Honoré
-Hôtels et grandes demeures au faubourg Saint Germain
Autour du Luxembourg dans les rues au début du XVIIe siècle
Hôtel de Condé
Rue de Grenelle, dans le nouveau lotissement pris sur le pré aux clercs qui se
tapisse d’hôtels particuliers, dont celui de madame de Beauvais
Hôtel de Matignon, rue de Varenne
Le faubourg Saint-Germain ne comprend quasiment aucun noble issu de la finance, qui se
décrasse sur la rive droite avant de passer la Seine. De 1715 à 1789, aucun fermier général ne réside
dans les quartiers du Luxembourg et de Saint-Germain-des-Prés. En 1760, le fermier général Jean-
Joseph de Laborde renonce à acheter l’hôtel Bonnier de la Mosson à la duchesse de Chaulnes,
prétendant que l’hôtel se trouve trop loin des affaires. On peut plutôt penser qu’en vertu des
conventions sociales implicites, les traitants sont indésirables dans le noble faubourg.
cf. Diaporama : faubourg Saint-Germain.
-Hôtels au faubourg Saint Honoré
Autour du Louvre et parfois dans la cour du Louvre
cf. Diaporama : Faubourg Saint-Honoré
Parmi ces hôtels, on doit bien sûr distinguer ceux qui relèvent des princes du sang (Palais-
Bourbon), ceux qui relèvent de la noblesse d’épée (hôtel d’Evreux, par Henri de la Tour d’Auvergne,
comte d’Evreux et gendre d’Antoine Crozat : Palais de l’Elysée ; Matignon par le prince
Montmorency-Luxembourg), ceux qui relèvent de la noblesse de robe ou de la finance, les deux ayant
tendance à se confondre (hôtels de Beauvais, rue Saint-Antoine et rue de Grenelle. Abraham Peyrenc
de Moras, financier anobli en 1720, se fait construire un hôtel place Vendôme avant d’en faire
construire un autre dans le faubourg Saint-Germain, près des Invalides (actuel musée Rodin).
L’hôtel Lambert, sur l’île Notre-Dame (Saint-Louis) est quant à lui passé de la robe avec
Lambert de Thorigny, à la finance, avec Dupin, fermier général, puis à l’épée avec le marquis du
Châtelet, époux d’Emilie de Breteuil.
Mais au XVIIIe siècle, les deux îles Saint-Louis et de la Cité se démodent quelque peu. Les
nobles de la finance s’installent massivement dans les quartiers du Palais-Royal et de Montmartre
(Chaussée d’Antin), où sont domiciliés en 1789 presque tous les fermiers généraux et trois quarts des
receveurs généraux des finances. Les maîtres des requêtes, collaborateurs directs du chancelier,
cèdent à la mode et rejoignent le quartier Montmartre.
L’habitat noble explique en grande partie la différenciation sociale des quartiers, même si le
zonage n’est pas aussi tranché qu’il le sera à la fin du XIXe siècle.
Les domestiques représentent 30 % des personnes contractant un mariage en 1749 dans
les « beaux quartiers », alors qu’il n’y en a aucun dans le faubourg Saint-Antoine.
3-Les tensions dans la noblesse parisienne
La noblesse peut apparaître comme un but pour tout grand bourgeois qui se veut accompli. Il
existe cependant des différences de rangs et de fortunes dont rend compte la capitation de 1695,
depuis les princes du sang et ducs et pairs jusqu’aux riches bourgeois en voie d’anoblissement ou
venant d’acheter un brevet de noblesse : la charge de secrétaire du Roi ou la charge de capitoul de
Toulouse par exemple. Si la noblesse d’épée, qui se veut la plus prestigieuse et dépendant de ses
possessions terriennes, est bien installée à Paris, les financiers sont de plus en plus nombreux parmi
la noblesse. Le statut social des fermiers généraux illustre cette différence car parmi les 223 fermiers
généraux titulaires ou adjoints recensés durant cette période, la grande majorité fait partie de la
noblesse ou est en passe d’entrer dans celle-ci. Mais seuls 15, à peine 7 %, fait partie de l’authentique
noblesse pouvant faire état de quatre quartiers au moins. Les nouveaux nobles, faisant figure de
parvenus, sont écartés des postes de l’armée et il leur est impossible de figurer parmi les officiers aux
Gardes après 1745, ni même, en vertu de l’édit de Ségur en 1781, parmi les sous-lieutenants
d’infanterie sans passer par le rang.
Le roi tient compte de ces différences. Il abandonne par exemple les fermiers généraux Dupin
et Roussel, qui sont ruinés et rembourse les dettes du duc de Gramont. Il permet également aux nobles
de cour et d’épée désargentés d’épouser des filles de la finance. Elles compensent leur infériorité
sociale par des dots d’un montant de plusieurs millions. Pour le douaire, qui garantit un fonds pour la
veuve, qui correspond souvent au 1/10 de la dot, le roi peut y pourvoir. C’est ainsi que Louis XV
garantit le douaire d’Anastasie Savalette lorsqu’elle épouse le comte de Broglie en 1752.
Savalette : descendante de Pierre Savalette, qui a possédé un temps l’hôtel de Beauvais au
tournant du XVIIIe siècle avant de le revendre à Jean Orry, dont le fils est Contrôleur général des
Finances de Louis XV de 1730 à 1745.
L’enrichissement permis par les positions et les charges permet donc de créer des nobles sans
fief, qui vivent comme des bourgeois de rang supérieur, sans s’attacher à une profession déterminée :
Robert Charles Hatte de Chevilly : son père est magistrat, président trésorier de France
à Alençon et presque tous ses cousins sont dans la finance et il a même été officier aux Gardes. Il
quitte cependant son emploi pour se marier et tire tous ses revenus de la location d’immeubles à Paris,
du prêt d’argent à des particuliers et de rentes sur l’Etat.
A l’inverse : nobles déchus : Le Vaillant de Damery doit interrompre sa carrière en
1761 à cause d’un procès familial. Il liquide sa collection de tableaux pour payer ses dettes et termine
sa vie à partir de 1785 aux Invalides car « il ne lui reste pas de quoi avoir des souliers ».
Il y a également des enfants de la noblesse qui se trouvent en rupture avec le milieu familial,
soit parce que leur avenir semble bouché, soit parce qu’ils désirent se rendre indépendants. Ces
enfants prodigues tombent facilement dans la misère et sont reniés par leurs parents, à tel point qu’ils
disparaissent des généalogies. Les nobles parisiens ne sont donc pas à l’abri de la ruine ou au moins
de l’embourgeoisement, qui causes un déclassement brutal.
Pour rejoindre cette catégorie sociale, les familles bourgeoises en voie d’enrichissement
doivent investir dans les charges tout en espérant que chacun vive assez longtemps pour les
rentabiliser. Mathieu Marraud a mené une vaste étude sur la bourgeoisie marchande parisienne du
XVIIe siècle, dont plusieurs sont membres des Six Corps (corporation privilégiées : drapiers, épiciers,
bonneterie, orfèvres, merciers et pelletiers, voire les marchands de vin qui revendiquaient aussi ce
privilège).
On peut aussi citer le cas d’Isaac Mariette, marchand de vin protestant originaire d’Orléans,
qui s’installe à Paris peu après la fronde, au faubourg Saint-Germain. Les affaires sont fructueuses et
il revendique peu à peu un statut de bourgeois, que les notaires lui accordent dans les actes. Il
abandonne la marchandise et marie une de ses six filles à un banquier, Etienne de Meuves, dont une
des filles épouse le marquis de Moillac au tournant du XVIIIe siècle. Il a fait construire de son vivant
une maison rue du Bac, qui comprend de nombreux attributs de l’hôtel particulier, encore occupée
par une de ses petites filles, la comtesse de Ligny, dans les années 1770.
II-Une « mixité sociale » toujours présente
1-L’évolution de la cohabitation horizontale
Au XVIIe siècle, la plupart des quartiers parisiens connaissent encore ce que l’on appellerait
aujourd’hui une forte mixité sociale. On trouve au milieu de maisons communes des immeubles avec
plus d’ouvertures, aux façades mieux travaillées. Ils appartiennent à des aristocrates, des grands
bourgeois, mais aussi parfois à de simples marchands. Cette succession peut être analysée en partie
grâce au rôle des boues, un document fiscal qui recense l’ensemble des locataires qui doivent payer
la taxe servant au prélèvement de leurs ordures. Le montant de la taxe est fonction de la taille de la
maison et de la qualité (au sens fort du terme) de la façade. Les propriétaires sont cités pour près de
la moitié des maisons et nous connaissons la profession des propriétaires pour près de 15 % des
maisons. Cela peut paraître peu, d’autant plus qu’il existe des biais, notamment celui de citer de
manière privilégiée les gens de justice, mais certains recenseurs faisant leur travail avec beaucoup de
sérieux, nous pouvons avoir des séries complètes sur quelques rues.
Nous avons sélectionné la première partie de la rue de Jouy car le rédacteur du rôle est
soucieux de bien faire et fournit des données assez complètes. On voit que les maisons communes,
de trois ou quatre étages et taxées de 3 à 7 livres, peuvent possédées par des artisans comme par des
gens de justice, tandis que les grandes maisons, taxées 9 lt ou plus sont possédées ici par des gens de
justice. Les aristocrates qui n’ont pas d’hôtel sont souvent locataires de grandes maisons, comme ici
le sieur de Lozière. Il existe d’ailleurs une règle tacite, dite de « bienséance » selon laquelle on doit
habiter une maison conforme à son rang et une autre selon laquelle la dénomination d’hôtel est
réservée aux seuls aristocrates.
Il existe cependant des cas exceptionnels comme le sieur Comtesse, maître en maçonnerie,
qui possède 14 maisons dans l’île Saint-Louis qui vient d’être lotie.
Quant aux locataires, qui sont en fait les principaux locataires, on peut voir qu’ils occupent
des professions variées dans la marchandise, l’artisanat ou la justice. Le cas général n’est donc pas
celui du lotissement, mais de la volonté d’acquisition d’un terrain dans un lieu plus ou moins à la
mode, du moins pour les plus aisés et de la manière de transformer les parcelles au milieu des maisons
plus modestes. Les plus grands hôtels se font toujours en marge de la ville, près des remparts existants,
afin d’avoir plus de place et un terrain moins cher. Les raisons peuvent aussi être la concentration de
gens du même métier avec qui l’on doit travailler ou avoir des relations sociales plus fréquentes ou
pour maintenir son statut.
L’hôtel de Beauvais est typique de ce rachat de parcelles dans un petit périmètre, charge à
l’architecte de construire un bâtiment qui soit un hôtel harmonieux et cohérent. (cf. diapo) Il a été
construit entre 1655 et 1660 par le couple Pierre de Beauvais - Catherine Bellier, femme de chambre
d’Anne d’Autriche et déniaiseuse de Louis XIV. La densité du bâti explique qu’il soit sur la rue et
que l’architecte, Antoine Le Pautre ait dû faire des prouesses pour garder l’harmonie du lieu.
Dans la première partie du XVIIe siècle, certains quartiers concentrent les demeures
aristocratiques, surtout le Marais, ainsi qu’autour du palais du Luxembourg, mais les pauvres n’en
sont pas exclus. Ce n’est que dans la seconde moitié du XVIIe siècle que des îlots de personnes riches
et d’aristocrates se constituent. C’est le cas du faubourg Saint-Germain dès les années 1670-1680
suite au lotissement du domaine de la reine Marguerite le long de la rue de l’Université jusqu’à la rue
du Bac. Dans la rue de Grenelle commence à s’élever une file presque ininterrompue d’hôtels entre
cour et jardin. Le premier est en 1645 celui du président e Loigneux, qui deviendra l’hôtel de Brissac,
actuellement la mairie du VIIe arrondissement. La tendance se confirme au XVIIIe siècle et l’ouest
du quartier Saint-Germain devient un quartier presque exclusivement aristocratique, alors que se
développe de la même manière, en face, le quartier Saint-Honoré. L’ouest devient à la mode, parce
qu’il offre de la place loin des faubourgs populaires comme le faubourg Saint-Antoine, mais
également car ce côté est plus commode pour se rendre à Versailles. Les architectes profitent de ces
opportunités pour accéder à la notoriété ou les particuliers profitent également de la célébrité des
architectes pour asseoir le prestige de leur demeure.
Un entre-soi encore embryonnaire, mais réel, s’est bien créé à partir de la fin du XVIIe siècle
à partir de lotissements mieux organisés et pensés, qui sont l’oeuvre d’aristocrates qui ne vivent plus
sur leurs terres, mais à Paris ou à Versailles. Ce sont les nobles de cour ou les gens de justice, au
service du roi, qui en sont les principaux promoteurs.
2-La cohabitation verticale
Les Parisiens habitent dans des maisons relativement petites, ce qui les poussent à vivre dans
la rue au cours de la journée, malgré leur saleté et leur manque d’entretien (les boues de Paris sont
célèbres à l’étranger). Les locataires que nous avons présentés ne sont que les principaux locataires,
responsables de l’immeuble. Mais ils n sont pas seuls dans la maison. Un document de 1658 nous
permet d’avoir une idée de la composition des immeubles.
Cette année-là, une partie du pont Marie, qui relie la rive droite à l’île Saint-Louis s’effondre
à cause de la débâcle et les commissaires du Burrau des pauvres entreprennent le recensement de
toutes les personnes qui y habitaient afin de voir celles qui ont péri, celles qui ont survécu et celles
qui ont eu la bonne idée de partir avant la catastrophe.
Ce sont des maisons assez petites où chaque étage fait environ 30 m2. Il y a en vingt-cinq de
chaque côté du pont et dix se sont effondrées.
On ne peut véritablement définir une stratification verticale même si les principaux locataires
semblent plus aisés, pouvant même prendre pour eux l’ensemble de l’immeuble. Il n’y a cependant
pas forcément une solidarité entre voisins car dans la cinquième maison, en l’absence de la principale
locataire, personne ne peut dire qui habitant au quatrième étage de la cinquième maison. Le
commissaire donne le professions, mais peu de précisions annexes, sauf pour Morie, le charpentier
logeant au dernier étage de la maison, pour qui il est dit qu’ils sont très pauvres.
Si l’on exclut les chambres vides, il y a en moyenne 2,6 personnes par chambre, avec des
situations extrêmement différentes. Si on les inclut, la moyenne tombe à 2,3. Il y a des chambres
« surpeuplées », mais elles sont une minorité. 67% des chambres sont habitées par une à quatre
personnes, et même 82% si l’on ajoute les chambres vides.
3-Les relations sociales
Pas développer mais les interactions sont nombreuses
Domesticité : les domestiques, qui sont environ 50 000 à Paris au milieu du XVIIIe siècle,
avec une prééminence de la domesticité masculine chez les aristocrates. Les ducs et pairs en ont cinq
en moyenne, tandis que les bourgeois en ont 1,2, souvent une femme qui sert de bonne à tout faire.
16 % des contrats de mariage sont le fait des domestiques, qui y trouvent un avantage, mais ils sont
considérés comme mineurs, ce qui les exclue du vote pour les Etats généraux et encore pendant la
Révolution.
Artisans et marchands qui peuvent les rencontrer au quotidien sur un chantier.
Dans la rue : cloisonnement de plus en plus clair des gens aisés par rapport à la « populace » :
il y a 15 000 carrosses à Paris dans les années 1760, qu’ils soient bourgeois ou de louage. Une taxe
est d’ailleurs appliquée sur eux, à hauteur de 150 lt.
La nuit : 6 000 paysans de la banlieue apportent les denrées alimentaires nécessaires au
quotidien
III-Les ports français et le développement de l’économie de plantation et de la traite
L’activité négrière française est indissociablement liée à celle de la construction de l’Empire
outre-Atlantique. Ce sont surtout ce que l’on appelle les « îles à sucre » qui sont concernées,
colonisées dès les années 1620 et 1630 par les Français : en 1625, Saint-Christophe devient la
première colonie française des Antilles, suivie par la Guadeloupe en 1635 et la Martinique en 1637.
En 1640, une poignée d’aventuriers s’emparent de la partie occidentale de l’île de Saint-Domingue,
plus ou moins abandonnée par les Espagnols depuis 1606. Les débuts sont fragiles puisque Saint-
Domingue ne compte que 400 habitants en 1665, puis 3 500 en 1677.
Les Hollandais sont alors les maîtres du commerce atlantique, au grand dam de Louis XIV,
qui fera la guerre de Hollande avant tout pour des motifs commerciaux, tout en espérant récupérer
une part de leurs comptoirs. Ils sont alors les « rouliers des mers » et prennent la place des Portugais
dans l’espace atlantique comme en Indonésie. Le premier moulin à sucre est installé à la Martinique
par la famille Trézel, des marchands de Rouen d’origine hollandaise, trois ans après que les Anglais
aient fait de même à la Barbade.
Les colons qui s’aventurent sur ces îles sont dans un premier temps des engagés, à qui l’on
donne des terres au bout de cinq à sept ans de travail sans salaire, assimilé à de l’esclavage. Ce sont
eux qui formeront ensuite la société des « petits blancs », des petits propriétaires des îles, face aux
grands propriétaires qui concentrent déjà des capitaux importants nécessaires à la plantation, à la
fabrication du sucre et à leur envoi en métropole. Les colonies n’ont d’ailleurs pour seul intérêt que
de rapporter de l’argent à des compagnies qui exploitent ces terres. Il faut donc trouver assez
rapidement des denrées qui pourront être exportées en métropole : le tabac en Virginie, les peaux de
castor au Québec, le sucre dans les îles antillaises, puis le café au XVIIIe siècle. Les engagés qui
viennent aux Antilles voient leur sort modifié par l’essor de la plantation sucrière organisée de
manière quasi industrielle. Ces plantations réclament de plus en plus de monde et
-les engagés sont peu nombreux
-pour les attirer, il faudrait augmenter leur « salaire » (la surface de terres)
Ce sont les Hollandais qui installent les premiers des esclaves noirs aux Antilles, suivant
l’exemple des Portugais qui les avaient utilisés au Brésil. La traite atlantique prend donc son essor
pour des raisons de manque de main-d’oeuvre, avec un prix d’amortissement de l’esclave très rapide
- environ un an à la Barbade en 1645 - même si son coût augmente par la suite. L’esclave représente
un capital toujours disponible et il ajoute du prestige à son propriétaire. Le Code noir de 1685 associe
l’esclave à un bien meuble.
L’essor de la traite s’explique ensuite par la hausse de la production mais aussi à cause de la
grande mortalité des esclaves dans un système servile. Il faut donc approvisionner régulièrement les
îles en esclaves. Les Antilles françaises reçoivent environ 150 000 captifs entre 1626 et 1700, dont
80 % après 1676. Les navires français en fournissent 1 000 à 1 500 sur les 5 000 amenés chaque année.
Saint-Domingue compte en 1789 environ 506 000 habitants : 32 000 blancs, 24 000 libres de couleur
et 450 000 esclaves, soit près de 90 % de la population totale de l’île.
Les principaux ports négriers français sont Bordeaux et Nantes. Ce dernier a toutefois un rôle
bien plus important dans la traite car il compte pour plus de 40 % des négriers armés depuis la France
au cours du XVIIIe siècle (1420 sur 3 300). Si l’on regarde les ports bretons dans leur ensemble, la
proportion dépasse les deux tiers.
Nantes, suite à des crises de débouchés au milieu du XVIIe siècle, a besoin de trouver un
nouveau commerce, qui se trouve être celui de la traite négrière. La concurrence est féroce entre les
Britanniques, qui arment la plupart de leurs négriers depuis Liverpool, qui accaparent la moitié du
trafic global, et les négriers français, qui comptent pour un quart de l’ensemble. C’est un commerce
qui est également hautement spéculatif, surtout au cours des périodes de guerre :
-Guerre de Succession d’Espagne
-Guerre de Succession d’Autriche
-Guerre de Sept Ans
-Guerre d’Amérique
Le capitaine de la Généreuse note d’ailleurs, lorsqu’il arrive à Cayenne : « le besoin que les
habitants ont des nègresles a fait acheter plus cher et à un prix excessif, les mâles 600 livres et les
femelles 550 livres. Jamais on ne les avait achetées 550 livres, les femelles ».
Nantes profite également du fait que les lettres patentes de 1716 donnent le monopole de la
traite à quatre ports français : Nantes, Bordeaux, La Rochelle et Rouen, mais elles consacrent surtout
un état de fait avec des capitaux constitués dans les familles.
Les Nantais arrivent un peu tard par rapport aux Anglais et aux Hollandais, lorsqu’ils veulent
se lancer dans la traite de manière résolue, au début du XVIIIe siècle. Les Hollandais sont à El Mina
et les Britanniques à Cape Coast (Ghana). Le Sénégal et Gorée sont donc surtout des escales vers des
points situés à l’Est du golfe de Guinée. Ouidah totalise au début du XVIIIe siècle 82 des 83
expéditions nantaises sur la côte des Esclaves. Au total, au cours du siècle, 31 % se des expéditions
ont lieu sur la côte des Esclaves et près de 50 % du delta du Niger à l’Angola, ce qui pouvait rallonger
les expéditions de plus de six mois.
La mortalité des esclaves est importante, plus de 10 % en moyenne, et jusqu’à 100 % en cas
d’épidémie ou de mutinerie à bord. Mais les dangers sont pour tout le monde.
O. Pétré-Grenouilleau prend l’exemple du Victorieux, parti de Nantes le 31 décembre 1718,
250 tonneaux et 99 hommes d’équipage. En arrivant en Afrique, il mouille au petit Sestre, un matelot
se fait enlever et le bateau doit repartir sans lui. Plus loin, le capitaine apprend que cette colère des
habitants vient du fait que les Anglais viennent chaque jour au petit Sestre sous pavillon français pour
y « faire des incursions et enlever des habitants sous prétexte de traite ». A Ouidah, le 22 juin 1719,
le navire est attaqué par des forbans qui ont déjà pris trois navires aux Portugais, un aux Anglais et
un autre à des Rochelais. Le navire s’échappe, puis revient. L’équipage est ensuite atteint de scorbut.
A Principe, le gouverneur accepte de leur fournir un équipage complémentaire, à condition que le
capitaine accepte de se rendre au Brésil. Il part donc avec un navire portugais et est de nouveau attaqué
par des forbans le 7 octobre 1719. Ceux-ci vendent 141 esclaves à un navire anglais, qui en rétrocède
finalement 35. Le Victorieux arrive à la Martinique le 12 mars 1720, avec 52 captifs. 57 membres de
l’équipage sont morts, 4 ont déserté pour passer chez les forbans.
La traite profite à une bourgeoisie en pleine ascension. Entre 1690 et 1720, la valeur des dots
de l’élite négociante passe de 10 000 à 30 000 livres.
Autre indice : un recensement effectué par le maire Gérard Mellier en 1724 conduit à estimer
à 18,5 millions de livres la fortune des 230 négociants nantais, chiffre estimé à 30 millions de livres
au milieu du XVIIIe siècle, puis à 120 millions de livres en 1789 (chiffre à diviser par deux pour tenir
compte de l’augmentation du nombre de négociants => doublement tout de même).
Cette fortune profite aussi à des petits et moyens négociants : capitaines de navires,
commerçants travaillant pour la marine, voire artisans. Nantes est tellement tournée vers le commerce
que l’université migre à Rennes, villes où se situe également le Parlement.
Les négociants les plus riches construisent des hôtels particuliers, notamment dans l’île de la
Saulzaye, où réside un négociant sur trois. Un des hôtels les plus célèbres est le Temple du goût,
construit pour Guillaume Grou, par l’architecte Pierre Rousseau. Les maisons des négociants utilisent
les matériaux exotiques, rapportés lors de la morte-saison du sucre : acajou, ébène, santal rouge, aussi
bien pour les meubles que pour les boiseries.
La municipalité sollicite ensuite les négociants pour des emprunts, ce qui leur permet de passer
pour les bienfaiteurs de la ville. Il faut dire que de 1693 à 1789, 19 maires se succèdent à Nantes et
dix au moins sont liés au monde du négoce.
B-Proposition de mise en oeuvre pédagogique (3 à 4 heures)
Cours 1
Introduction (5 minutes)
La société urbaine : présentation globale en relation avec la société d’ordres
I-La ville, un monde à part entière : vivre à Paris à l’époque moderne
(riches et pauvres à Paris)
Intro : Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles
Les riches et les pauvres se distinguent sur plusieurs points
Les personnes (10 minutes)
Pillorget : Deux gravures à comparer, une d’Abraham Bosse (menuisier), l’autre de
Lignaet (procureur) : Laisser deux minutes et faire en dialogué avec un questionnement précis
Mobilités sociales : menuisier et sa femme risquent de verser dans la pauvreté et la dépendance
si le moindre problème se présente, alors que le procureur, qui fait partie du personnel de justice, est
sans doute en ascension sociale. De plus, il a un capital avec sa charge de procureur, ce qui lui permet
une plus grande résilience.
Synthèse : à donner déjà écrite, mais à se mettre en tête.
L’habitat
Exercice (15 minutes, correction comprise) : tableau des maisons de Paris avec les
professions et le montant de la taxe. => maisons différentes et taxe différente => prendre à SG & M.
Exercice en variante : A partir des différents plans établis par Le Muet et des prix de location
des appartements, établir les caractéristiques de la bienséance (où peut vivre un membre de telle
catégorie sociale)
Illustration à contextualiser (5 minutes)
Maisons rue aux Ours / Hôtel de Beauvais + anecdotes
Mme de Beauvais : première femme de chambre d’Anne d’Autriche
Parvient à se faire donner les pierres prévues pour les travaux
du Louvre. => ne parvient pas à le garder.
(5 minutes)
Lieu d’habitat : Complément à l’oral : situer les quartiers mixtes (centre de Paris en général),
les quartiers les plus riches (ouest) et les quartiers les plus populaires (Saint-Antoine) avec des
spécialisations
Meubles : St Antoine (artisanat en général) : quartier populaire.
Libraires : Rue Saint-Jacques : encore aujourd’hui : rue Saint-Jacques et autour :
quartier des libraires.
Privilèges : eau à domicile pour les principaux personnages de la ville.
Laisser 1 minute
Synthèse : déjà écrite, la faire mettre en tête
Dans la rue (à la maison) : se comporter selon son statut (cf. le rang, voir s’il y a un
élargissement aux pauvres)
Document en dialogué : Boileau : satire VI sur les embarras de Paris : caractère
véritable avec beaucoup d’exagérations et de clichés.
Document en dialogué, variante : Gravure : Le pont neuf vu de la rue
Pont sans maison et pavé.
Vie est dans la rue à cause des petites maisons
Mixité et séparation des catégories sociales (carrosse, chaise à porteurs) :
Accès à l’eau : portefaix, crieurs en général (eau de la rivière)
Pompe de la Samaritaine
Ordures diverses, cendres des bateaux à lessive, teintures du
quartier Saint-Marceau, cadavres qui peuvent traîner.
Aussi des gens qui cherchent du travail.
Animaux dans la ville, que les marchands font circuler
Pont Neuf : assez propre par rapport aux rues : le nettoiement est un combat
quotidien du Châtelet au XVIIe siècle, avec une prise de conscience progressive de l’importance de
la propreté des rues, progressivement imposée par la police de Paris et le Parlement. Tas d’ordures
qui traînent depuis plus de vingt ans selon les témoignages de l’époque.
Document : typique du XVIIe siècle qui montre toutes les situations en même temps, de
manière globale.
Synthèse (déjà écrite : mais la lire et la faire mettre en tête)
Cours 2
II-La ville, un centre marchand
1-L’enrichissement des bourgeoisies marchandes
Pas sur la forme de la ville, mais sur la structure de l’enrichissement. On peut ensuite
montrer quelques palais, mais seulement à titre illustratif (cf. émission tv, 3-5 minutes minutes)
Nantes au XVIIIe siècle : -Pétré-Grenouilleau
-François Crouzet
Bordeaux au XVIIIe siècle : tableau d’Horace Vernet, 1758
(Les ports français et le développement de l’économie de plantation et de la traite)
Explications sur les origines de l’argent et la fortune des familles
Traite pour Nantes
Commerce en droiture pour Bordeaux
Service du roi à Paris, notamment le financement de sa dette.
-Déplacement économique vers l’ouest du royaume : développement du commerce atlantique
en général.
2-Une implication limitée des aristocrates dans l’univers marchand ?
Dérogation des nobles, malgré l’insistance de Richelieu (contrairement à l’Angleterre) : surtout le fait
des grands aristocrates : Emmanuel de Croÿ, qui fonde la société d’Anzin, dans le Nord. Pour
favoriser son commerce, il fait jouer des amitiés politiques pour interdire l’importation du charbon
de Belgique.
Les Wendel en Lorraine, qui se lancent dans la sidérurgie : a reçu des lettres de noblesse en
1727 de la part du duc de Lorraine.
La monarchie encourage les aristocrates : un arrêt de 1767 protège les manufacturiers nobles
de tout risque de dérogeance.
Pas un succès massif : la plupart des familles confient leurs capitaux à des professionnels. Ils se
trouvent donc dans la situation d’actionnaires, comme la manufacture royale de Neuville (filage), qui
est dirigée par des techniciens, mais financée par des nobles.
Les petites et moyennes noblesses se contentent de la rente de la terre, pourtant en déclin.
=> imbrication de la bourgeoisie et de la noblesse qui st très forte autour de l’argent.
Une présence en ville, des ressources dans les campagnes
Hôtel particulier, mais rentes tirées de la terre.
Document : carte des nobles entrepreneurs dans la métallurgie
Cours 3
III-La ville, un centre de connaissances et d’informations
1-Le développement de l’imprimerie et son contrôle
Nombre de livres, pamphlets, journaux imprimés dans les différentes villes, en particulier à Paris.
Nombre de lecteurs dans les ville, surtout les grandes villes
Succès des journaux thématiques : médecine, agriculture, mode, théâtre, musique
Commandes de l’Encyclopédie
Document : Malesherbes et l’Encyclopédie.
Une de journal / privilège de livre.
2-Le salon, un entre-soi savant
Antoine Lilti
Présentation globale et rapide des salons
Se déroule en intérieur : espace féminin => femmes qui tiennent les salons, alors que les cafés sont
pour des dialogues plus ouverts ou pour parler affaires.
Beaucoup de salons : Mme de Rambouillet, ... Mme de Tencin
XVIIIe siècle : parfois des bourgeoises qui tiennent ces salons : Mme Geoffrin, qui a
longtemps assisté Mme de Tencin
Mixité intellectuelle, mais qui regroupe surtout des gens d’une certaine aisance : forme
d’oisiveté ostensible.
Coûte cher à organiser également.
Concurrence entre les salonnières qui ne tiennent pas salon le même jour.
Tableau de Lemonnier, sinon, des variantes avec des portraits des salonnières.
Tâche complexe : Analyse critique d’un document et construction d’une argumentation : donner les
grandes lignes et le faire faire à la maison.
(Mercier?)
Tâche complexe, variante : Expliquer les évolutions des villes aux XVIIe et XVIIIe siècles du point
de vue spatial, économique
Conclusion
Les embarras de Paris (Nicolas Boileau)
Qui frappe l'air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ?
Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ?
Et quel fâcheux démon, durant les nuits entières,
Rassemble ici les chats de toutes les gouttières ?
J'ai beau sauter du lit, plein de trouble et d'effroi,
Je pense qu'avec eux tout l'enfer est chez moi :
L'un miaule en grondant comme un tigre en furie ;
L'autre roule sa voix comme un enfant qui crie.
Ce n'est pas tout encor : les souris et les rats
Semblent, pour m'éveiller, s'entendre avec les chats,
Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure,
Que jamais, en plein jour, ne fut l'abbé de Pure.
Tout conspire à la fois à troubler mon repos,
Et je me plains ici du moindre de mes maux :
Car à peine les coqs, commençant leur ramage,
Auront des cris aigus frappé le voisinage
Qu'un affreux serrurier, laborieux Vulcain,
Qu'éveillera bientôt l'ardente soif du gain,
Avec un fer maudit, qu'à grand bruit il apprête,
De cent coups de marteau me va fendre la tête.
J'entends déjà partout les charrettes courir,
Les maçons travailler, les boutiques s'ouvrir :
Tandis que dans les airs mille cloches émues
D'un funèbre concert font retentir les nues ;
Et, se mêlant au bruit de la grêle et des vents,
Pour honorer les morts font mourir les vivants.
Encor je bénirais la bonté souveraine,
Si le ciel à ces maux avait borné ma peine ;
Mais si, seul en mon lit, je peste avec raison,
C'est encor pis vingt fois en quittant la maison ;
En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la presse
D'un peuple d'importuns qui fourmillent sans cesse.
L'un me heurte d'un ais dont je suis tout froissé ;
Je vois d'un autre coup mon chapeau renversé.
Là, d'un enterrement la funèbre ordonnance
D'un pas lugubre et lent vers l'église s'avance ;
Et plus loin des laquais l'un l'autre s'agaçants,
Font aboyer les chiens et jurer les passants.
Des paveurs en ce lieu me bouchent le passage ;
Là, je trouve une croix de funeste présage,
Et des couvreurs grimpés au toit d'une maison
En font pleuvoir l'ardoise et la tuile à foison.
Là, sur une charrette une poutre branlante
Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente ;
Six chevaux attelés à ce fardeau pesant
Ont peine à l'émouvoir sur le pavé glissant.
D'un carrosse en tournant il accroche une roue,
Et du choc le renverse en un grand tas de boue :
Quand un autre à l'instant s'efforçant de passer,
Dans le même embarras se vient embarrasser.
Vingt carrosses bientôt arrivant à la file
Y sont en moins de rien suivis de plus de mille ;
Et, pour surcroît de maux, un sort malencontreux
Conduit en cet endroit un grand troupeau de boeufs ;
Chacun prétend passer ; l'un mugit, l'autre jure.
Des mulets en sonnant augmentent le murmure.
Aussitôt cent chevaux dans la foule appelés
De l'embarras qui croit ferment les défilés,
Et partout les passants, enchaînant les brigades,
Au milieu de la paix font voir les barricades.
On n'entend que des cris poussés confusément :
Dieu, pour s'y faire ouïr, tonnerait vainement.
Moi donc, qui dois souvent en certain lieu me rendre,
Le jour déjà baissant, et qui suis las d'attendre,
Ne sachant plus tantôt à quel saint me vouer,
Je me mets au hasard de me faire rouer.
Je saute vingt ruisseaux, j'esquive, je me pousse ;
Guénaud sur son cheval en passant m'éclabousse,
Et, n'osant plus paraître en l'état où je suis,
Sans songer où je vais, je me sauve où je puis.
Tandis que dans un coin en grondant je m'essuie,
Souvent, pour m'achever, il survient une pluie :
On dirait que le ciel, qui se fond tout en eau,
Veuille inonder ces lieux d'un déluge nouveau.
Pour traverser la rue, au milieu de l'orage,
Un ais sur deux pavés forme un étroit passage ;
Le plus hardi laquais n'y marche qu'en tremblant :
Il faut pourtant passer sur ce pont chancelant ;
Et les nombreux torrents qui tombent des gouttières,
Grossissant les ruisseaux, en ont fait des rivières.
J'y passe en trébuchant ; mais malgré l'embarras,
La frayeur de la nuit précipite mes pas.
Car, sitôt que du soir les ombres pacifiques
D'un double cadenas font fermer les boutiques ;
Que, retiré chez lui, le paisible marchand
Va revoir ses billets et compter son argent ;
Que dans le Marché-Neuf tout est calme et tranquille,
Les voleurs à l'instant s'emparent de la ville.
Le bois le plus funeste et le moins fréquenté
Est, au prix de Paris, un lieu de sûreté.
Malheur donc à celui qu'une affaire imprévue
Engage un peu trop tard au détour d'une rue !
Bientôt quatre bandits lui serrent les côtés :
La bourse ! ... Il faut se rendre ; ou bien non, résistez,
Afin que votre mort, de tragique mémoire,
Des massacres fameux aille grossir l'histoire.
Pour moi, fermant ma porte et cédant au sommeil,
Tous les jours je me couche avecque le soleil ;
Mais en ma chambre à peine ai-je éteint la lumière,
Qu'il ne m'est plus permis de fermer la paupière.
Des filous effrontés, d'un coup de pistolet,
Ébranlent ma fenêtre et percent mon volet ;
J'entends crier partout: Au meurtre ! On m'assassine !
Ou : Le feu vient de prendre à la maison voisine !
Tremblant et demi-mort, je me lève à ce bruit,
Et souvent sans pourpoint je cours toute la nuit.
Car le feu, dont la flamme en ondes se déploie,
Fait de notre quartier une seconde Troie,
Où maint Grec affamé, maint avide Argien,
Au travers des charbons va piller le Troyen.
Enfin sous mille crocs la maison abîmée
Entraîne aussi le feu qui se perd en fumée.
Je me retire donc, encor pâle d'effroi ;
Mais le jour est venu quand je rentre chez moi.
Je fais pour reposer un effort inutile :
Ce n'est qu'à prix d'argent qu'on dort en cette ville.
Il faudrait, dans l'enclos d'un vaste logement,
Avoir loin de la rue un autre appartement.
Paris est pour un riche un pays de Cocagne :
Sans sortir de la ville, il trouve la campagne ;
Il peut dans son jardin, tout peuplé d'arbres verts,
Recéler le printemps au milieu des hivers ;
Et, foulant le parfum de ses plantes fleuries,
Aller entretenir ses douces rêveries.
Mais moi, grâce au destin, qui n'ai ni feu ni lieu,
Je me loge où je puis et comme il plaît à Dieu.
(Satire VI)
Bibliographie sélective
I-Tensions, mutations et tensions de la société d’ordres
Bluche, François, Solnon, Jean-François, La véritable hiérarchie sociale de l’ancienne France. Le
tarif de la première capitation (1695), 1983.
Mousnier, Roland, Les hiérarchies sociales de 1450 à nos jours, PUF, 1969
Mousnier, Roland, La Stratification sociale à Paris au XVIIe et XVIIIe siècles. L’échantillon de 1634,
1635, 1636, Pedone, 1976.
Bourquin, Laurent, La Noblesse dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècles), Belin, 2002.
Cosandey, Fanny, Le Rang, Paris, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 2016
Drévillon, Hervé, Venturino, Diego (dirs.), Penser et vivre l’honneur à l’époque moderne, Actes du
colloque organisé à Metz par le CRULH, PUR, 2011.
El Hage, Fadi, Le Sabordage de la noblesse. Mythes et réalités d’une décadence, Paris, Passés
Composés, 2019.
Feutry, David, Plumes de fer et robes de papier. Logiques institutionnelles et pratiques politiques du
Parlement de Paris, Fondation Varenne, 2013.
Marraud, Mathieu, La Noblesse de Paris au XVIIIe siècle, Seuil, 2000.
Marraud, Mathieu, De la Ville à l’Etat, La Bourgeoisie parisienne, XVIIe-XVIIIe siècle, Albin Michel,
2009.
II-Les villes
Abad, Reynald, Le Grand marché, Paris, Fayard, 2002.
Chartier & al., La Ville des temps modernes de la Renaissance à la Révolution, Paris, Seuil, 1998
[1980].
Farge, Arlette, Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, folio histoire, 1992 [1979]
Loupès, Philippe, Poussou, Jean-Pierre (dirs.), Les Petites villes du Moyen Age à nos jours, Paris,
CNRS, 1987.
Nouvelle Histoire de Paris
Babelon, Jean-Pierre, Paris au XVIe siècle, Paris, Hachette, 1986.
Pillorget, René, Paris sous les premiers Bourbons, Paris, Hachette, 1988.
Dethan, Georges, Paris au temps de Louis XIV, Paris, Hachette, 1990.
Chagniot, Jean, Paris au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1988.
Rouleau, Bernard, Paris, Histoire d’un espace, Paris, Seuil, 1997.
III-Les femmes d’influence dans le monde politique, littéraire, religieux
Beauvalet-Boutouyrie, Scarlett, Les Femmes à l’époque moderne, Paris, Belin, 2003.
Duby, Georges, Perrot, Michel, Histoire des femmes en Occident, t. III : XVIe-XVIIIe siècle, Paris,
Perrin, Tempus, 2002 [1991].
Lilti, Antoine, Le Monde des salons, Paris, Fayard, 2005.
Lough, John, « A propos du tableau de Lemonnier : « une soirée chez Madame Geoffrin »,
Recherches sur Diderot et l’Encyclopédie, Année 1992, n° 12, pp. 4-18. (cf. également Pierre-Yves
Beaurepaire qui reprend cette analyse sur le site « l’Histoire par l’image).
IV-La traite
Pétré-Grenouilleau, L’Argent de la traite. Milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle,
Paris, Aubier, 1996.
Pétré-Grenouilleau, Nantes au temps de la traite des noirs, Paris, Hachette, 1998.

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  • 1. Communication formation décembre 2019 « Tensions, mutations et crispations de la société d’ordres » (3 à 4 heures) A-Mise au point scientifique -La société d’ordres. Tensions, mutations et crispations : une recomposition permanente Les tensions, mutations et crispations qui ont lieu dans la société sont liées à la fois à l’évolution de la bourgeoisie qui possède de plus en plus le pouvoir de l’argent et à celle de la noblesse qui voit son rôle et son idéal de vie changer entre le XVIIe et le XVIIIe siècle. La société d’ordres telle qu’elle a été théorisée depuis le XIe siècle a instauré un cadre juridique qui n’a jamais empêché des évolutions collectives ou individuelles au sein de ce cadre. Néanmoins, à partir du début du XVIIIe siècle, le cadre social tel qu’il est imposé devient de plus en plus difficile à supporter pour l’élite du tiers Etat qui veut pouvoir passer outre afin d’accéder à l’ensemble des postes de décision, y compris dans l’armée, qui lui reste fermée. Un des moyens trouvés par la monarchie pour contenter un temps cette bourgeoisie a été de rendre légale la vénalité des offices à partir du début du XVIIe siècle et de permettre à des aux plus enrichis de prétendre à la noblesse de robe puis aux instances de gouvernement. La monarchie rend ainsi possible une ascension sociale qu’elle contrôle en partie, seules certaines des charges étant anoblissantes, comme celle de secrétaire du Roi (la « savonnette à vilains »). Il existe une multitude de cas individuels qui peuvent constituer autant d’exceptions au cas courant, d’où la difficulté d’une généralisation, qui sera forcément abusive. On peut néanmoins se concentrer sur les relations entre les membres de chacun des ordres tels qu’ils sont établis dans les villes de France
  • 2. Introduction : Le cadre urbain et son évolution du XVIe au XVIIIe siècle Le fait marquant de l’époque moderne est la croissance de l’ensemble des villes, mais également du taux d’urbanisation. Ceux-ci sont incertains avant 1650, mais on estime que la France a un taux d’urbanisation de 10 % à 14 % vers 1600 selon le seuil choisi (le dernier correspondant à un seuil de 2 000 habitants). La croissance est faible et s’étend essentiellement sur les deux derniers siècles de la période. Elle est cependant indéniable : vers 1725, la France compte 16 % d’urbains, 19 % en 1808 (avec une augmentation de 50 % de la population urbaine en chiffres absolus, celle-ci passant de 3,7 millions à 5,5 millions, ceci malgré les vicissitudes de la Révolution française qui ont largement touché les villes. Ce mouvement touche toutes les grandes métropoles françaises, les ports en particulier. Les chiffres antérieurs sont très lacunaires, surtout pour la période autour de 1500. De ce fait, nous avons choisi de partir de 1600. L’essentiel est cependant acquis avec un aperçu de l’évolution de la population des villes au cours de la période : Ville Population vers 1600 Population vers 1700 Population vers 1789 Augment° 1600-1789 Augment° XVIIIe s. Paris 220 000 500 000 600 000 + 170 % + 20 % Lyon 90 000 100 000 150 000 + 66 % +50 % Marseille 45 000 75 000 110 000 + 144 % + 46 % Lille 33 000 55 000 65 000 + 100 % +18 % Bordeaux 40 000 45 000 110 000 + 175 % + 144 % Toulouse 40 000 43 000 53 000 + 32 % +23 % Nantes 20 000 40 000 80 000 + 300 % +100 % Rouen 70 000 60 000 72 000 + 3 % +26 % Les chiffres ne sont pas tous précis et ont pu fluctuer fortement, y compris au cours d’un siècle, comme à Lyon, qui comptait sans doute 60 000 habitants au milieu du XVIe siècle avant de connaître les dévastations des Guerres de Religion. La croissance urbaine au XVIIe siècle est essentiellement parisienne, mais est aussi importante à Marseille ou à Lille, puis touche la plupart des villes de province au XVIIIe siècle. Rouen stagne et perd définitivement son statut de métropole au profit des ports atlantiques. Il ne s’agit ici que des plus grandes villes, mais les villes plus modestes commencent aussi à développer des faubourgs. A Chalon-sur-Saône, Emiland Gauthey, Ingénieur en chef des Etats de Bourgogne lotit les nouveaux quartiers au nord de la ville jusqu’aux remparts de la citadelle. Dijon : 22 000 hbts en 1750, alors qu’elle en compte 13 000 à la fin du XVe siècle. Evolution très lente avec une ville peu dynamique par rapport à celles de la côte.
  • 3. Chalon sur Saône : 9 000 habitants en 1793 Gains d’habitants modestes que l’on peut voir grâce aux cartes et à une relative augmentation des faubourgs ou des nouveaux quartiers à l’intérieur des remparts. Aussi des mutations architecturales et des changements de paysages, du cadre monumental, des remparts qui sont détruits, comme Paris dans les années 1670 pour faire des boulevards ou à Chalon à partir de 1788 pour les remparts de la Citadelle.
  • 4. I-La ville, un monde où se côtoient hiérarchies traditionnelles (juridiques) et hiérarchies nouvelles (économiques) 1-L’évolution de l’ethos de la noblesse et la perte de son influence La noblesse, bien qu’elle soit limitée en taille, est un ordre pluriel où l’on pourrait presque croire que chaque famille connaît une situation particulière. Au XVIe siècle, la noblesse est encore largement dominée par la noblesse d’épée, qui s’estime seule bonne conseillère du monarque. Le conseil du Roi n’est d’ailleurs composé que de nobles d’ancienne (ou relativement ancienne) extraction. Le maniement des armes est alors « une vertu plus qu’une fonction » (A. Jouanna). Les nobles représentent d’ailleurs un contrepoids de taille face à la monarchie, comme le montrent les guerres de Religion qui peuvent être synthétisées comme une recomposition des clientèles des grandes familles. Il est donc important pour les rois de passer du temps avec la noblesse et de bien la traiter. D’ailleurs, la grande ordonnance de Blois de 1579 rappelle que les charges de baillis et de sénéchaux sont réservées à la noblesse d’épée et ceux-ci sont encouragés à étudier afin de pouvoir tenir dignement leurs fonctions. Les rois sont aussi très attentifs aux mariages des nobles de haut rang afin que ceux-ci conservent leur prestige. Il paie également les dettes des grands nobles afin d’éviter leur disparition. La noblesse est alors volontiers frondeuse, mais il devient nécessaire, pour participer au gouvernement, de s’installer en ville et de louer une demeure à la hauteur de son statut ou de s’en faire construire une. La régence de Marie de Médicis voit l’échec de Concini, aventurier italien, proche de la reine, au profit d’un retour à la noblesse avec le marquis d’Albert puis duc de Luynes, dont la famille, originaire d’Italie, s’est mise au service de Charles VII, puis du cardinal de Richelieu. La véritable rupture a lieu avec Louis XIV. Fénelon, dans son Télémaque, publié en 1699, accuse Louis XIV de despotisme, car il gouverne sans les conseillers naturels et l’entourage aristocratique (noblesse d’épée et parlements). La Régence, qui dure de 1715 à 1723 revient d’ailleurs aux traditions en nommant des aristocrates comme chefs des différents conseils de la polysynodie. Le duc de Villars, fait maréchal en 1702 et pair de France en 1709 suite à la bataille de Malplaquet. Il est issu de la petite noblesse mais a fait ses preuves par les armes. Le système ayant échoué, c’est le cardinal Dubois, aux origines pourtant modestes, qui la faveur du Régent. (Dubois ancien maître du duc d’Orléans). Au XVIIIe siècle, il y a une rupture démographique au sommet de la noblesse puisque ce sont les premiers à réduire les naissances et une rupture idéologique avec une noblesse qui change d’identité. La longue paix au début du règne de Louis XV et la guerre de Sept Ans montrent que la noblesse pense davantage aux bienfaits matériels qu’à la gloire de la France et qu’une paix honteuse d’où l’on revient vivant est préférable à l’émulation et au courtage collectif mis en avant jusqu’en
  • 5. 1713. L’intérêt général que doit défendre la noblesse passe donc après la recherche des plaisirs, favorisée par la position sociale. L’image de la noblesse, surtout d’épée, se détériore et l’exemple vient d’en haut. Louis XV prend pour maîtresse à partir de 1771 Mme du Barry, non noble et courtisane et renvoie en même temps les Parlements avec le « coup de Maupeou ». Le Parlement se place alors comme le représentant de l’intérêt général du pays, se substituant ainsi à la noblesse d’épée, et donne une image de despote oriental qui se fait gouverner par son sérail. La noblesse traditionnelle connaît alors une crise d’identité majeure, encore un temps protégée par l’édit de Ségur de 1781 qui vise surtout les gens anoblis afin qu’ils ne puissent pas entreprendre de carrière d’officiers. 2-La noblesse en ville : l’emprise aristocratique Cette évolution générale de la noblesse se retrouve en ville, avec une géographie particulière des noblesses qui se dessine au cours de l’époque moderne. Choix de Paris : -Mieux connu -Coeur du pouvoir : variété de nobles Les grands nobles habitent justement de plus en plus en ville. Un président du Parlement, Jacques des Ligneris, fait construire en 1545 le premier hôtel classique « entre cour et jardin » en ville, sur plus de 2 000 m2. Il s’agit de l’hôtel Carnavalet, demeure au XVIIe siècle de Mme de Sévigné. Le plan de son hôtel se retrouve ensuite en plusieurs lieux parisiens : rue des Francs-Bourgeois, pour Pierre Le Jay, trésorier de l’Extraordinaire des Guerres, 1551 l’hôtel de Rocquencourt, trésorier de l’Epargne, construit près du Louvre, en 1553 Hôtel du grand écuyer Claude Gouffier de Roannès, construit rue Saint-Antoine Le Marais devient alors le quartier à la mode pour les aristocrates qui se font construire des demeures jusqu’au milieu du XVIIe siècle, puis l’implantation des hôtels témoigne des déplacements successifs de la noblesse. -Les déplacements successifs de la noblesse à Paris entre le XVIe et le XVIIe siècle -Marais : hôtels particuliers : à la mode au XVIe siècle et jusqu’au début du XVIIIe siècle. -Hôtel Carnavalet, construit entre 1547 et 1549 par Pierre Lescot -Hôtel de Lamoignon, construit entre 1585 et 1589, par Thibault Métezeau -Hôtel de Sully, construit entre 1624 et 1630, acheté par Sully en 1634, qui y habite à peine. -Hôtel d’Aumont, construit entre 1631 et 1650 par François Mansart
  • 6. -Hôtel de Beauvais, construit entre 1655 et 1660 dans un tissu urbain désormais saturé. -Hôtel de Soubise, construit entre 1705 et 1708 sur l’hôtel de Clisson. -Développement en parallèle des faubourgs Saint Germain et Saint Honoré -Hôtels et grandes demeures au faubourg Saint Germain Autour du Luxembourg dans les rues au début du XVIIe siècle Hôtel de Condé Rue de Grenelle, dans le nouveau lotissement pris sur le pré aux clercs qui se tapisse d’hôtels particuliers, dont celui de madame de Beauvais Hôtel de Matignon, rue de Varenne Le faubourg Saint-Germain ne comprend quasiment aucun noble issu de la finance, qui se décrasse sur la rive droite avant de passer la Seine. De 1715 à 1789, aucun fermier général ne réside dans les quartiers du Luxembourg et de Saint-Germain-des-Prés. En 1760, le fermier général Jean- Joseph de Laborde renonce à acheter l’hôtel Bonnier de la Mosson à la duchesse de Chaulnes, prétendant que l’hôtel se trouve trop loin des affaires. On peut plutôt penser qu’en vertu des conventions sociales implicites, les traitants sont indésirables dans le noble faubourg. cf. Diaporama : faubourg Saint-Germain. -Hôtels au faubourg Saint Honoré Autour du Louvre et parfois dans la cour du Louvre cf. Diaporama : Faubourg Saint-Honoré Parmi ces hôtels, on doit bien sûr distinguer ceux qui relèvent des princes du sang (Palais- Bourbon), ceux qui relèvent de la noblesse d’épée (hôtel d’Evreux, par Henri de la Tour d’Auvergne, comte d’Evreux et gendre d’Antoine Crozat : Palais de l’Elysée ; Matignon par le prince Montmorency-Luxembourg), ceux qui relèvent de la noblesse de robe ou de la finance, les deux ayant tendance à se confondre (hôtels de Beauvais, rue Saint-Antoine et rue de Grenelle. Abraham Peyrenc de Moras, financier anobli en 1720, se fait construire un hôtel place Vendôme avant d’en faire construire un autre dans le faubourg Saint-Germain, près des Invalides (actuel musée Rodin). L’hôtel Lambert, sur l’île Notre-Dame (Saint-Louis) est quant à lui passé de la robe avec Lambert de Thorigny, à la finance, avec Dupin, fermier général, puis à l’épée avec le marquis du Châtelet, époux d’Emilie de Breteuil.
  • 7. Mais au XVIIIe siècle, les deux îles Saint-Louis et de la Cité se démodent quelque peu. Les nobles de la finance s’installent massivement dans les quartiers du Palais-Royal et de Montmartre (Chaussée d’Antin), où sont domiciliés en 1789 presque tous les fermiers généraux et trois quarts des receveurs généraux des finances. Les maîtres des requêtes, collaborateurs directs du chancelier, cèdent à la mode et rejoignent le quartier Montmartre. L’habitat noble explique en grande partie la différenciation sociale des quartiers, même si le zonage n’est pas aussi tranché qu’il le sera à la fin du XIXe siècle. Les domestiques représentent 30 % des personnes contractant un mariage en 1749 dans les « beaux quartiers », alors qu’il n’y en a aucun dans le faubourg Saint-Antoine. 3-Les tensions dans la noblesse parisienne La noblesse peut apparaître comme un but pour tout grand bourgeois qui se veut accompli. Il existe cependant des différences de rangs et de fortunes dont rend compte la capitation de 1695, depuis les princes du sang et ducs et pairs jusqu’aux riches bourgeois en voie d’anoblissement ou venant d’acheter un brevet de noblesse : la charge de secrétaire du Roi ou la charge de capitoul de Toulouse par exemple. Si la noblesse d’épée, qui se veut la plus prestigieuse et dépendant de ses possessions terriennes, est bien installée à Paris, les financiers sont de plus en plus nombreux parmi la noblesse. Le statut social des fermiers généraux illustre cette différence car parmi les 223 fermiers généraux titulaires ou adjoints recensés durant cette période, la grande majorité fait partie de la noblesse ou est en passe d’entrer dans celle-ci. Mais seuls 15, à peine 7 %, fait partie de l’authentique noblesse pouvant faire état de quatre quartiers au moins. Les nouveaux nobles, faisant figure de parvenus, sont écartés des postes de l’armée et il leur est impossible de figurer parmi les officiers aux Gardes après 1745, ni même, en vertu de l’édit de Ségur en 1781, parmi les sous-lieutenants d’infanterie sans passer par le rang. Le roi tient compte de ces différences. Il abandonne par exemple les fermiers généraux Dupin et Roussel, qui sont ruinés et rembourse les dettes du duc de Gramont. Il permet également aux nobles de cour et d’épée désargentés d’épouser des filles de la finance. Elles compensent leur infériorité sociale par des dots d’un montant de plusieurs millions. Pour le douaire, qui garantit un fonds pour la veuve, qui correspond souvent au 1/10 de la dot, le roi peut y pourvoir. C’est ainsi que Louis XV garantit le douaire d’Anastasie Savalette lorsqu’elle épouse le comte de Broglie en 1752. Savalette : descendante de Pierre Savalette, qui a possédé un temps l’hôtel de Beauvais au tournant du XVIIIe siècle avant de le revendre à Jean Orry, dont le fils est Contrôleur général des Finances de Louis XV de 1730 à 1745.
  • 8. L’enrichissement permis par les positions et les charges permet donc de créer des nobles sans fief, qui vivent comme des bourgeois de rang supérieur, sans s’attacher à une profession déterminée : Robert Charles Hatte de Chevilly : son père est magistrat, président trésorier de France à Alençon et presque tous ses cousins sont dans la finance et il a même été officier aux Gardes. Il quitte cependant son emploi pour se marier et tire tous ses revenus de la location d’immeubles à Paris, du prêt d’argent à des particuliers et de rentes sur l’Etat. A l’inverse : nobles déchus : Le Vaillant de Damery doit interrompre sa carrière en 1761 à cause d’un procès familial. Il liquide sa collection de tableaux pour payer ses dettes et termine sa vie à partir de 1785 aux Invalides car « il ne lui reste pas de quoi avoir des souliers ». Il y a également des enfants de la noblesse qui se trouvent en rupture avec le milieu familial, soit parce que leur avenir semble bouché, soit parce qu’ils désirent se rendre indépendants. Ces enfants prodigues tombent facilement dans la misère et sont reniés par leurs parents, à tel point qu’ils disparaissent des généalogies. Les nobles parisiens ne sont donc pas à l’abri de la ruine ou au moins de l’embourgeoisement, qui causes un déclassement brutal. Pour rejoindre cette catégorie sociale, les familles bourgeoises en voie d’enrichissement doivent investir dans les charges tout en espérant que chacun vive assez longtemps pour les rentabiliser. Mathieu Marraud a mené une vaste étude sur la bourgeoisie marchande parisienne du XVIIe siècle, dont plusieurs sont membres des Six Corps (corporation privilégiées : drapiers, épiciers, bonneterie, orfèvres, merciers et pelletiers, voire les marchands de vin qui revendiquaient aussi ce privilège). On peut aussi citer le cas d’Isaac Mariette, marchand de vin protestant originaire d’Orléans, qui s’installe à Paris peu après la fronde, au faubourg Saint-Germain. Les affaires sont fructueuses et il revendique peu à peu un statut de bourgeois, que les notaires lui accordent dans les actes. Il abandonne la marchandise et marie une de ses six filles à un banquier, Etienne de Meuves, dont une des filles épouse le marquis de Moillac au tournant du XVIIIe siècle. Il a fait construire de son vivant une maison rue du Bac, qui comprend de nombreux attributs de l’hôtel particulier, encore occupée par une de ses petites filles, la comtesse de Ligny, dans les années 1770.
  • 9. II-Une « mixité sociale » toujours présente 1-L’évolution de la cohabitation horizontale Au XVIIe siècle, la plupart des quartiers parisiens connaissent encore ce que l’on appellerait aujourd’hui une forte mixité sociale. On trouve au milieu de maisons communes des immeubles avec plus d’ouvertures, aux façades mieux travaillées. Ils appartiennent à des aristocrates, des grands bourgeois, mais aussi parfois à de simples marchands. Cette succession peut être analysée en partie grâce au rôle des boues, un document fiscal qui recense l’ensemble des locataires qui doivent payer la taxe servant au prélèvement de leurs ordures. Le montant de la taxe est fonction de la taille de la maison et de la qualité (au sens fort du terme) de la façade. Les propriétaires sont cités pour près de la moitié des maisons et nous connaissons la profession des propriétaires pour près de 15 % des maisons. Cela peut paraître peu, d’autant plus qu’il existe des biais, notamment celui de citer de manière privilégiée les gens de justice, mais certains recenseurs faisant leur travail avec beaucoup de sérieux, nous pouvons avoir des séries complètes sur quelques rues. Nous avons sélectionné la première partie de la rue de Jouy car le rédacteur du rôle est soucieux de bien faire et fournit des données assez complètes. On voit que les maisons communes, de trois ou quatre étages et taxées de 3 à 7 livres, peuvent possédées par des artisans comme par des gens de justice, tandis que les grandes maisons, taxées 9 lt ou plus sont possédées ici par des gens de justice. Les aristocrates qui n’ont pas d’hôtel sont souvent locataires de grandes maisons, comme ici le sieur de Lozière. Il existe d’ailleurs une règle tacite, dite de « bienséance » selon laquelle on doit habiter une maison conforme à son rang et une autre selon laquelle la dénomination d’hôtel est réservée aux seuls aristocrates. Il existe cependant des cas exceptionnels comme le sieur Comtesse, maître en maçonnerie, qui possède 14 maisons dans l’île Saint-Louis qui vient d’être lotie. Quant aux locataires, qui sont en fait les principaux locataires, on peut voir qu’ils occupent des professions variées dans la marchandise, l’artisanat ou la justice. Le cas général n’est donc pas celui du lotissement, mais de la volonté d’acquisition d’un terrain dans un lieu plus ou moins à la mode, du moins pour les plus aisés et de la manière de transformer les parcelles au milieu des maisons plus modestes. Les plus grands hôtels se font toujours en marge de la ville, près des remparts existants, afin d’avoir plus de place et un terrain moins cher. Les raisons peuvent aussi être la concentration de gens du même métier avec qui l’on doit travailler ou avoir des relations sociales plus fréquentes ou pour maintenir son statut. L’hôtel de Beauvais est typique de ce rachat de parcelles dans un petit périmètre, charge à l’architecte de construire un bâtiment qui soit un hôtel harmonieux et cohérent. (cf. diapo) Il a été construit entre 1655 et 1660 par le couple Pierre de Beauvais - Catherine Bellier, femme de chambre
  • 10. d’Anne d’Autriche et déniaiseuse de Louis XIV. La densité du bâti explique qu’il soit sur la rue et que l’architecte, Antoine Le Pautre ait dû faire des prouesses pour garder l’harmonie du lieu. Dans la première partie du XVIIe siècle, certains quartiers concentrent les demeures aristocratiques, surtout le Marais, ainsi qu’autour du palais du Luxembourg, mais les pauvres n’en sont pas exclus. Ce n’est que dans la seconde moitié du XVIIe siècle que des îlots de personnes riches et d’aristocrates se constituent. C’est le cas du faubourg Saint-Germain dès les années 1670-1680 suite au lotissement du domaine de la reine Marguerite le long de la rue de l’Université jusqu’à la rue du Bac. Dans la rue de Grenelle commence à s’élever une file presque ininterrompue d’hôtels entre cour et jardin. Le premier est en 1645 celui du président e Loigneux, qui deviendra l’hôtel de Brissac, actuellement la mairie du VIIe arrondissement. La tendance se confirme au XVIIIe siècle et l’ouest du quartier Saint-Germain devient un quartier presque exclusivement aristocratique, alors que se développe de la même manière, en face, le quartier Saint-Honoré. L’ouest devient à la mode, parce qu’il offre de la place loin des faubourgs populaires comme le faubourg Saint-Antoine, mais également car ce côté est plus commode pour se rendre à Versailles. Les architectes profitent de ces opportunités pour accéder à la notoriété ou les particuliers profitent également de la célébrité des architectes pour asseoir le prestige de leur demeure. Un entre-soi encore embryonnaire, mais réel, s’est bien créé à partir de la fin du XVIIe siècle à partir de lotissements mieux organisés et pensés, qui sont l’oeuvre d’aristocrates qui ne vivent plus sur leurs terres, mais à Paris ou à Versailles. Ce sont les nobles de cour ou les gens de justice, au service du roi, qui en sont les principaux promoteurs. 2-La cohabitation verticale Les Parisiens habitent dans des maisons relativement petites, ce qui les poussent à vivre dans la rue au cours de la journée, malgré leur saleté et leur manque d’entretien (les boues de Paris sont célèbres à l’étranger). Les locataires que nous avons présentés ne sont que les principaux locataires, responsables de l’immeuble. Mais ils n sont pas seuls dans la maison. Un document de 1658 nous permet d’avoir une idée de la composition des immeubles. Cette année-là, une partie du pont Marie, qui relie la rive droite à l’île Saint-Louis s’effondre à cause de la débâcle et les commissaires du Burrau des pauvres entreprennent le recensement de toutes les personnes qui y habitaient afin de voir celles qui ont péri, celles qui ont survécu et celles qui ont eu la bonne idée de partir avant la catastrophe. Ce sont des maisons assez petites où chaque étage fait environ 30 m2. Il y a en vingt-cinq de chaque côté du pont et dix se sont effondrées. On ne peut véritablement définir une stratification verticale même si les principaux locataires semblent plus aisés, pouvant même prendre pour eux l’ensemble de l’immeuble. Il n’y a cependant
  • 11. pas forcément une solidarité entre voisins car dans la cinquième maison, en l’absence de la principale locataire, personne ne peut dire qui habitant au quatrième étage de la cinquième maison. Le commissaire donne le professions, mais peu de précisions annexes, sauf pour Morie, le charpentier logeant au dernier étage de la maison, pour qui il est dit qu’ils sont très pauvres. Si l’on exclut les chambres vides, il y a en moyenne 2,6 personnes par chambre, avec des situations extrêmement différentes. Si on les inclut, la moyenne tombe à 2,3. Il y a des chambres « surpeuplées », mais elles sont une minorité. 67% des chambres sont habitées par une à quatre personnes, et même 82% si l’on ajoute les chambres vides. 3-Les relations sociales Pas développer mais les interactions sont nombreuses Domesticité : les domestiques, qui sont environ 50 000 à Paris au milieu du XVIIIe siècle, avec une prééminence de la domesticité masculine chez les aristocrates. Les ducs et pairs en ont cinq en moyenne, tandis que les bourgeois en ont 1,2, souvent une femme qui sert de bonne à tout faire. 16 % des contrats de mariage sont le fait des domestiques, qui y trouvent un avantage, mais ils sont considérés comme mineurs, ce qui les exclue du vote pour les Etats généraux et encore pendant la Révolution. Artisans et marchands qui peuvent les rencontrer au quotidien sur un chantier. Dans la rue : cloisonnement de plus en plus clair des gens aisés par rapport à la « populace » : il y a 15 000 carrosses à Paris dans les années 1760, qu’ils soient bourgeois ou de louage. Une taxe est d’ailleurs appliquée sur eux, à hauteur de 150 lt. La nuit : 6 000 paysans de la banlieue apportent les denrées alimentaires nécessaires au quotidien
  • 12. III-Les ports français et le développement de l’économie de plantation et de la traite L’activité négrière française est indissociablement liée à celle de la construction de l’Empire outre-Atlantique. Ce sont surtout ce que l’on appelle les « îles à sucre » qui sont concernées, colonisées dès les années 1620 et 1630 par les Français : en 1625, Saint-Christophe devient la première colonie française des Antilles, suivie par la Guadeloupe en 1635 et la Martinique en 1637. En 1640, une poignée d’aventuriers s’emparent de la partie occidentale de l’île de Saint-Domingue, plus ou moins abandonnée par les Espagnols depuis 1606. Les débuts sont fragiles puisque Saint- Domingue ne compte que 400 habitants en 1665, puis 3 500 en 1677. Les Hollandais sont alors les maîtres du commerce atlantique, au grand dam de Louis XIV, qui fera la guerre de Hollande avant tout pour des motifs commerciaux, tout en espérant récupérer une part de leurs comptoirs. Ils sont alors les « rouliers des mers » et prennent la place des Portugais dans l’espace atlantique comme en Indonésie. Le premier moulin à sucre est installé à la Martinique par la famille Trézel, des marchands de Rouen d’origine hollandaise, trois ans après que les Anglais aient fait de même à la Barbade. Les colons qui s’aventurent sur ces îles sont dans un premier temps des engagés, à qui l’on donne des terres au bout de cinq à sept ans de travail sans salaire, assimilé à de l’esclavage. Ce sont eux qui formeront ensuite la société des « petits blancs », des petits propriétaires des îles, face aux grands propriétaires qui concentrent déjà des capitaux importants nécessaires à la plantation, à la fabrication du sucre et à leur envoi en métropole. Les colonies n’ont d’ailleurs pour seul intérêt que de rapporter de l’argent à des compagnies qui exploitent ces terres. Il faut donc trouver assez rapidement des denrées qui pourront être exportées en métropole : le tabac en Virginie, les peaux de castor au Québec, le sucre dans les îles antillaises, puis le café au XVIIIe siècle. Les engagés qui viennent aux Antilles voient leur sort modifié par l’essor de la plantation sucrière organisée de manière quasi industrielle. Ces plantations réclament de plus en plus de monde et -les engagés sont peu nombreux -pour les attirer, il faudrait augmenter leur « salaire » (la surface de terres) Ce sont les Hollandais qui installent les premiers des esclaves noirs aux Antilles, suivant l’exemple des Portugais qui les avaient utilisés au Brésil. La traite atlantique prend donc son essor pour des raisons de manque de main-d’oeuvre, avec un prix d’amortissement de l’esclave très rapide - environ un an à la Barbade en 1645 - même si son coût augmente par la suite. L’esclave représente un capital toujours disponible et il ajoute du prestige à son propriétaire. Le Code noir de 1685 associe l’esclave à un bien meuble. L’essor de la traite s’explique ensuite par la hausse de la production mais aussi à cause de la grande mortalité des esclaves dans un système servile. Il faut donc approvisionner régulièrement les
  • 13. îles en esclaves. Les Antilles françaises reçoivent environ 150 000 captifs entre 1626 et 1700, dont 80 % après 1676. Les navires français en fournissent 1 000 à 1 500 sur les 5 000 amenés chaque année. Saint-Domingue compte en 1789 environ 506 000 habitants : 32 000 blancs, 24 000 libres de couleur et 450 000 esclaves, soit près de 90 % de la population totale de l’île. Les principaux ports négriers français sont Bordeaux et Nantes. Ce dernier a toutefois un rôle bien plus important dans la traite car il compte pour plus de 40 % des négriers armés depuis la France au cours du XVIIIe siècle (1420 sur 3 300). Si l’on regarde les ports bretons dans leur ensemble, la proportion dépasse les deux tiers. Nantes, suite à des crises de débouchés au milieu du XVIIe siècle, a besoin de trouver un nouveau commerce, qui se trouve être celui de la traite négrière. La concurrence est féroce entre les Britanniques, qui arment la plupart de leurs négriers depuis Liverpool, qui accaparent la moitié du trafic global, et les négriers français, qui comptent pour un quart de l’ensemble. C’est un commerce qui est également hautement spéculatif, surtout au cours des périodes de guerre : -Guerre de Succession d’Espagne -Guerre de Succession d’Autriche -Guerre de Sept Ans -Guerre d’Amérique Le capitaine de la Généreuse note d’ailleurs, lorsqu’il arrive à Cayenne : « le besoin que les habitants ont des nègresles a fait acheter plus cher et à un prix excessif, les mâles 600 livres et les femelles 550 livres. Jamais on ne les avait achetées 550 livres, les femelles ». Nantes profite également du fait que les lettres patentes de 1716 donnent le monopole de la traite à quatre ports français : Nantes, Bordeaux, La Rochelle et Rouen, mais elles consacrent surtout un état de fait avec des capitaux constitués dans les familles. Les Nantais arrivent un peu tard par rapport aux Anglais et aux Hollandais, lorsqu’ils veulent se lancer dans la traite de manière résolue, au début du XVIIIe siècle. Les Hollandais sont à El Mina et les Britanniques à Cape Coast (Ghana). Le Sénégal et Gorée sont donc surtout des escales vers des points situés à l’Est du golfe de Guinée. Ouidah totalise au début du XVIIIe siècle 82 des 83 expéditions nantaises sur la côte des Esclaves. Au total, au cours du siècle, 31 % se des expéditions ont lieu sur la côte des Esclaves et près de 50 % du delta du Niger à l’Angola, ce qui pouvait rallonger les expéditions de plus de six mois.
  • 14. La mortalité des esclaves est importante, plus de 10 % en moyenne, et jusqu’à 100 % en cas d’épidémie ou de mutinerie à bord. Mais les dangers sont pour tout le monde. O. Pétré-Grenouilleau prend l’exemple du Victorieux, parti de Nantes le 31 décembre 1718, 250 tonneaux et 99 hommes d’équipage. En arrivant en Afrique, il mouille au petit Sestre, un matelot se fait enlever et le bateau doit repartir sans lui. Plus loin, le capitaine apprend que cette colère des habitants vient du fait que les Anglais viennent chaque jour au petit Sestre sous pavillon français pour y « faire des incursions et enlever des habitants sous prétexte de traite ». A Ouidah, le 22 juin 1719, le navire est attaqué par des forbans qui ont déjà pris trois navires aux Portugais, un aux Anglais et un autre à des Rochelais. Le navire s’échappe, puis revient. L’équipage est ensuite atteint de scorbut. A Principe, le gouverneur accepte de leur fournir un équipage complémentaire, à condition que le capitaine accepte de se rendre au Brésil. Il part donc avec un navire portugais et est de nouveau attaqué par des forbans le 7 octobre 1719. Ceux-ci vendent 141 esclaves à un navire anglais, qui en rétrocède finalement 35. Le Victorieux arrive à la Martinique le 12 mars 1720, avec 52 captifs. 57 membres de l’équipage sont morts, 4 ont déserté pour passer chez les forbans. La traite profite à une bourgeoisie en pleine ascension. Entre 1690 et 1720, la valeur des dots de l’élite négociante passe de 10 000 à 30 000 livres. Autre indice : un recensement effectué par le maire Gérard Mellier en 1724 conduit à estimer à 18,5 millions de livres la fortune des 230 négociants nantais, chiffre estimé à 30 millions de livres au milieu du XVIIIe siècle, puis à 120 millions de livres en 1789 (chiffre à diviser par deux pour tenir compte de l’augmentation du nombre de négociants => doublement tout de même). Cette fortune profite aussi à des petits et moyens négociants : capitaines de navires, commerçants travaillant pour la marine, voire artisans. Nantes est tellement tournée vers le commerce que l’université migre à Rennes, villes où se situe également le Parlement. Les négociants les plus riches construisent des hôtels particuliers, notamment dans l’île de la Saulzaye, où réside un négociant sur trois. Un des hôtels les plus célèbres est le Temple du goût, construit pour Guillaume Grou, par l’architecte Pierre Rousseau. Les maisons des négociants utilisent les matériaux exotiques, rapportés lors de la morte-saison du sucre : acajou, ébène, santal rouge, aussi bien pour les meubles que pour les boiseries. La municipalité sollicite ensuite les négociants pour des emprunts, ce qui leur permet de passer pour les bienfaiteurs de la ville. Il faut dire que de 1693 à 1789, 19 maires se succèdent à Nantes et dix au moins sont liés au monde du négoce.
  • 15. B-Proposition de mise en oeuvre pédagogique (3 à 4 heures) Cours 1 Introduction (5 minutes) La société urbaine : présentation globale en relation avec la société d’ordres I-La ville, un monde à part entière : vivre à Paris à l’époque moderne (riches et pauvres à Paris) Intro : Paris aux XVIIe et XVIIIe siècles Les riches et les pauvres se distinguent sur plusieurs points Les personnes (10 minutes) Pillorget : Deux gravures à comparer, une d’Abraham Bosse (menuisier), l’autre de Lignaet (procureur) : Laisser deux minutes et faire en dialogué avec un questionnement précis Mobilités sociales : menuisier et sa femme risquent de verser dans la pauvreté et la dépendance si le moindre problème se présente, alors que le procureur, qui fait partie du personnel de justice, est sans doute en ascension sociale. De plus, il a un capital avec sa charge de procureur, ce qui lui permet une plus grande résilience. Synthèse : à donner déjà écrite, mais à se mettre en tête. L’habitat Exercice (15 minutes, correction comprise) : tableau des maisons de Paris avec les professions et le montant de la taxe. => maisons différentes et taxe différente => prendre à SG & M. Exercice en variante : A partir des différents plans établis par Le Muet et des prix de location des appartements, établir les caractéristiques de la bienséance (où peut vivre un membre de telle catégorie sociale) Illustration à contextualiser (5 minutes) Maisons rue aux Ours / Hôtel de Beauvais + anecdotes Mme de Beauvais : première femme de chambre d’Anne d’Autriche Parvient à se faire donner les pierres prévues pour les travaux du Louvre. => ne parvient pas à le garder.
  • 16. (5 minutes) Lieu d’habitat : Complément à l’oral : situer les quartiers mixtes (centre de Paris en général), les quartiers les plus riches (ouest) et les quartiers les plus populaires (Saint-Antoine) avec des spécialisations Meubles : St Antoine (artisanat en général) : quartier populaire. Libraires : Rue Saint-Jacques : encore aujourd’hui : rue Saint-Jacques et autour : quartier des libraires. Privilèges : eau à domicile pour les principaux personnages de la ville. Laisser 1 minute Synthèse : déjà écrite, la faire mettre en tête Dans la rue (à la maison) : se comporter selon son statut (cf. le rang, voir s’il y a un élargissement aux pauvres) Document en dialogué : Boileau : satire VI sur les embarras de Paris : caractère véritable avec beaucoup d’exagérations et de clichés. Document en dialogué, variante : Gravure : Le pont neuf vu de la rue Pont sans maison et pavé. Vie est dans la rue à cause des petites maisons Mixité et séparation des catégories sociales (carrosse, chaise à porteurs) : Accès à l’eau : portefaix, crieurs en général (eau de la rivière) Pompe de la Samaritaine Ordures diverses, cendres des bateaux à lessive, teintures du quartier Saint-Marceau, cadavres qui peuvent traîner. Aussi des gens qui cherchent du travail. Animaux dans la ville, que les marchands font circuler Pont Neuf : assez propre par rapport aux rues : le nettoiement est un combat quotidien du Châtelet au XVIIe siècle, avec une prise de conscience progressive de l’importance de la propreté des rues, progressivement imposée par la police de Paris et le Parlement. Tas d’ordures qui traînent depuis plus de vingt ans selon les témoignages de l’époque. Document : typique du XVIIe siècle qui montre toutes les situations en même temps, de manière globale. Synthèse (déjà écrite : mais la lire et la faire mettre en tête)
  • 17. Cours 2 II-La ville, un centre marchand 1-L’enrichissement des bourgeoisies marchandes Pas sur la forme de la ville, mais sur la structure de l’enrichissement. On peut ensuite montrer quelques palais, mais seulement à titre illustratif (cf. émission tv, 3-5 minutes minutes) Nantes au XVIIIe siècle : -Pétré-Grenouilleau -François Crouzet Bordeaux au XVIIIe siècle : tableau d’Horace Vernet, 1758 (Les ports français et le développement de l’économie de plantation et de la traite) Explications sur les origines de l’argent et la fortune des familles Traite pour Nantes Commerce en droiture pour Bordeaux Service du roi à Paris, notamment le financement de sa dette. -Déplacement économique vers l’ouest du royaume : développement du commerce atlantique en général. 2-Une implication limitée des aristocrates dans l’univers marchand ? Dérogation des nobles, malgré l’insistance de Richelieu (contrairement à l’Angleterre) : surtout le fait des grands aristocrates : Emmanuel de Croÿ, qui fonde la société d’Anzin, dans le Nord. Pour favoriser son commerce, il fait jouer des amitiés politiques pour interdire l’importation du charbon de Belgique. Les Wendel en Lorraine, qui se lancent dans la sidérurgie : a reçu des lettres de noblesse en 1727 de la part du duc de Lorraine. La monarchie encourage les aristocrates : un arrêt de 1767 protège les manufacturiers nobles de tout risque de dérogeance. Pas un succès massif : la plupart des familles confient leurs capitaux à des professionnels. Ils se trouvent donc dans la situation d’actionnaires, comme la manufacture royale de Neuville (filage), qui est dirigée par des techniciens, mais financée par des nobles. Les petites et moyennes noblesses se contentent de la rente de la terre, pourtant en déclin. => imbrication de la bourgeoisie et de la noblesse qui st très forte autour de l’argent.
  • 18. Une présence en ville, des ressources dans les campagnes Hôtel particulier, mais rentes tirées de la terre. Document : carte des nobles entrepreneurs dans la métallurgie
  • 19. Cours 3 III-La ville, un centre de connaissances et d’informations 1-Le développement de l’imprimerie et son contrôle Nombre de livres, pamphlets, journaux imprimés dans les différentes villes, en particulier à Paris. Nombre de lecteurs dans les ville, surtout les grandes villes Succès des journaux thématiques : médecine, agriculture, mode, théâtre, musique Commandes de l’Encyclopédie Document : Malesherbes et l’Encyclopédie. Une de journal / privilège de livre. 2-Le salon, un entre-soi savant Antoine Lilti Présentation globale et rapide des salons Se déroule en intérieur : espace féminin => femmes qui tiennent les salons, alors que les cafés sont pour des dialogues plus ouverts ou pour parler affaires. Beaucoup de salons : Mme de Rambouillet, ... Mme de Tencin XVIIIe siècle : parfois des bourgeoises qui tiennent ces salons : Mme Geoffrin, qui a longtemps assisté Mme de Tencin Mixité intellectuelle, mais qui regroupe surtout des gens d’une certaine aisance : forme d’oisiveté ostensible. Coûte cher à organiser également. Concurrence entre les salonnières qui ne tiennent pas salon le même jour. Tableau de Lemonnier, sinon, des variantes avec des portraits des salonnières. Tâche complexe : Analyse critique d’un document et construction d’une argumentation : donner les grandes lignes et le faire faire à la maison. (Mercier?) Tâche complexe, variante : Expliquer les évolutions des villes aux XVIIe et XVIIIe siècles du point de vue spatial, économique
  • 21. Les embarras de Paris (Nicolas Boileau) Qui frappe l'air, bon Dieu ! de ces lugubres cris ? Est-ce donc pour veiller qu'on se couche à Paris ? Et quel fâcheux démon, durant les nuits entières, Rassemble ici les chats de toutes les gouttières ? J'ai beau sauter du lit, plein de trouble et d'effroi, Je pense qu'avec eux tout l'enfer est chez moi : L'un miaule en grondant comme un tigre en furie ; L'autre roule sa voix comme un enfant qui crie. Ce n'est pas tout encor : les souris et les rats Semblent, pour m'éveiller, s'entendre avec les chats, Plus importuns pour moi, durant la nuit obscure, Que jamais, en plein jour, ne fut l'abbé de Pure. Tout conspire à la fois à troubler mon repos, Et je me plains ici du moindre de mes maux : Car à peine les coqs, commençant leur ramage, Auront des cris aigus frappé le voisinage Qu'un affreux serrurier, laborieux Vulcain, Qu'éveillera bientôt l'ardente soif du gain, Avec un fer maudit, qu'à grand bruit il apprête, De cent coups de marteau me va fendre la tête. J'entends déjà partout les charrettes courir, Les maçons travailler, les boutiques s'ouvrir : Tandis que dans les airs mille cloches émues D'un funèbre concert font retentir les nues ; Et, se mêlant au bruit de la grêle et des vents, Pour honorer les morts font mourir les vivants. Encor je bénirais la bonté souveraine, Si le ciel à ces maux avait borné ma peine ; Mais si, seul en mon lit, je peste avec raison, C'est encor pis vingt fois en quittant la maison ; En quelque endroit que j'aille, il faut fendre la presse D'un peuple d'importuns qui fourmillent sans cesse. L'un me heurte d'un ais dont je suis tout froissé ; Je vois d'un autre coup mon chapeau renversé. Là, d'un enterrement la funèbre ordonnance D'un pas lugubre et lent vers l'église s'avance ; Et plus loin des laquais l'un l'autre s'agaçants, Font aboyer les chiens et jurer les passants. Des paveurs en ce lieu me bouchent le passage ; Là, je trouve une croix de funeste présage, Et des couvreurs grimpés au toit d'une maison En font pleuvoir l'ardoise et la tuile à foison.
  • 22. Là, sur une charrette une poutre branlante Vient menaçant de loin la foule qu'elle augmente ; Six chevaux attelés à ce fardeau pesant Ont peine à l'émouvoir sur le pavé glissant. D'un carrosse en tournant il accroche une roue, Et du choc le renverse en un grand tas de boue : Quand un autre à l'instant s'efforçant de passer, Dans le même embarras se vient embarrasser. Vingt carrosses bientôt arrivant à la file Y sont en moins de rien suivis de plus de mille ; Et, pour surcroît de maux, un sort malencontreux Conduit en cet endroit un grand troupeau de boeufs ; Chacun prétend passer ; l'un mugit, l'autre jure. Des mulets en sonnant augmentent le murmure. Aussitôt cent chevaux dans la foule appelés De l'embarras qui croit ferment les défilés, Et partout les passants, enchaînant les brigades, Au milieu de la paix font voir les barricades. On n'entend que des cris poussés confusément : Dieu, pour s'y faire ouïr, tonnerait vainement. Moi donc, qui dois souvent en certain lieu me rendre, Le jour déjà baissant, et qui suis las d'attendre, Ne sachant plus tantôt à quel saint me vouer, Je me mets au hasard de me faire rouer. Je saute vingt ruisseaux, j'esquive, je me pousse ; Guénaud sur son cheval en passant m'éclabousse, Et, n'osant plus paraître en l'état où je suis, Sans songer où je vais, je me sauve où je puis. Tandis que dans un coin en grondant je m'essuie, Souvent, pour m'achever, il survient une pluie : On dirait que le ciel, qui se fond tout en eau, Veuille inonder ces lieux d'un déluge nouveau. Pour traverser la rue, au milieu de l'orage, Un ais sur deux pavés forme un étroit passage ; Le plus hardi laquais n'y marche qu'en tremblant : Il faut pourtant passer sur ce pont chancelant ; Et les nombreux torrents qui tombent des gouttières, Grossissant les ruisseaux, en ont fait des rivières. J'y passe en trébuchant ; mais malgré l'embarras, La frayeur de la nuit précipite mes pas. Car, sitôt que du soir les ombres pacifiques D'un double cadenas font fermer les boutiques ; Que, retiré chez lui, le paisible marchand Va revoir ses billets et compter son argent ;
  • 23. Que dans le Marché-Neuf tout est calme et tranquille, Les voleurs à l'instant s'emparent de la ville. Le bois le plus funeste et le moins fréquenté Est, au prix de Paris, un lieu de sûreté. Malheur donc à celui qu'une affaire imprévue Engage un peu trop tard au détour d'une rue ! Bientôt quatre bandits lui serrent les côtés : La bourse ! ... Il faut se rendre ; ou bien non, résistez, Afin que votre mort, de tragique mémoire, Des massacres fameux aille grossir l'histoire. Pour moi, fermant ma porte et cédant au sommeil, Tous les jours je me couche avecque le soleil ; Mais en ma chambre à peine ai-je éteint la lumière, Qu'il ne m'est plus permis de fermer la paupière. Des filous effrontés, d'un coup de pistolet, Ébranlent ma fenêtre et percent mon volet ; J'entends crier partout: Au meurtre ! On m'assassine ! Ou : Le feu vient de prendre à la maison voisine ! Tremblant et demi-mort, je me lève à ce bruit, Et souvent sans pourpoint je cours toute la nuit. Car le feu, dont la flamme en ondes se déploie, Fait de notre quartier une seconde Troie, Où maint Grec affamé, maint avide Argien, Au travers des charbons va piller le Troyen. Enfin sous mille crocs la maison abîmée Entraîne aussi le feu qui se perd en fumée. Je me retire donc, encor pâle d'effroi ; Mais le jour est venu quand je rentre chez moi. Je fais pour reposer un effort inutile : Ce n'est qu'à prix d'argent qu'on dort en cette ville. Il faudrait, dans l'enclos d'un vaste logement, Avoir loin de la rue un autre appartement. Paris est pour un riche un pays de Cocagne : Sans sortir de la ville, il trouve la campagne ; Il peut dans son jardin, tout peuplé d'arbres verts, Recéler le printemps au milieu des hivers ; Et, foulant le parfum de ses plantes fleuries, Aller entretenir ses douces rêveries. Mais moi, grâce au destin, qui n'ai ni feu ni lieu, Je me loge où je puis et comme il plaît à Dieu. (Satire VI)
  • 24. Bibliographie sélective I-Tensions, mutations et tensions de la société d’ordres Bluche, François, Solnon, Jean-François, La véritable hiérarchie sociale de l’ancienne France. Le tarif de la première capitation (1695), 1983. Mousnier, Roland, Les hiérarchies sociales de 1450 à nos jours, PUF, 1969 Mousnier, Roland, La Stratification sociale à Paris au XVIIe et XVIIIe siècles. L’échantillon de 1634, 1635, 1636, Pedone, 1976. Bourquin, Laurent, La Noblesse dans la France moderne (XVIe-XVIIIe siècles), Belin, 2002. Cosandey, Fanny, Le Rang, Paris, Gallimard, Bibliothèque des histoires, 2016 Drévillon, Hervé, Venturino, Diego (dirs.), Penser et vivre l’honneur à l’époque moderne, Actes du colloque organisé à Metz par le CRULH, PUR, 2011. El Hage, Fadi, Le Sabordage de la noblesse. Mythes et réalités d’une décadence, Paris, Passés Composés, 2019. Feutry, David, Plumes de fer et robes de papier. Logiques institutionnelles et pratiques politiques du Parlement de Paris, Fondation Varenne, 2013. Marraud, Mathieu, La Noblesse de Paris au XVIIIe siècle, Seuil, 2000. Marraud, Mathieu, De la Ville à l’Etat, La Bourgeoisie parisienne, XVIIe-XVIIIe siècle, Albin Michel, 2009. II-Les villes Abad, Reynald, Le Grand marché, Paris, Fayard, 2002. Chartier & al., La Ville des temps modernes de la Renaissance à la Révolution, Paris, Seuil, 1998 [1980]. Farge, Arlette, Vivre dans la rue à Paris au XVIIIe siècle, Paris, Gallimard, folio histoire, 1992 [1979] Loupès, Philippe, Poussou, Jean-Pierre (dirs.), Les Petites villes du Moyen Age à nos jours, Paris, CNRS, 1987. Nouvelle Histoire de Paris Babelon, Jean-Pierre, Paris au XVIe siècle, Paris, Hachette, 1986. Pillorget, René, Paris sous les premiers Bourbons, Paris, Hachette, 1988. Dethan, Georges, Paris au temps de Louis XIV, Paris, Hachette, 1990. Chagniot, Jean, Paris au XVIIIe siècle, Paris, Hachette, 1988. Rouleau, Bernard, Paris, Histoire d’un espace, Paris, Seuil, 1997.
  • 25. III-Les femmes d’influence dans le monde politique, littéraire, religieux Beauvalet-Boutouyrie, Scarlett, Les Femmes à l’époque moderne, Paris, Belin, 2003. Duby, Georges, Perrot, Michel, Histoire des femmes en Occident, t. III : XVIe-XVIIIe siècle, Paris, Perrin, Tempus, 2002 [1991]. Lilti, Antoine, Le Monde des salons, Paris, Fayard, 2005. Lough, John, « A propos du tableau de Lemonnier : « une soirée chez Madame Geoffrin », Recherches sur Diderot et l’Encyclopédie, Année 1992, n° 12, pp. 4-18. (cf. également Pierre-Yves Beaurepaire qui reprend cette analyse sur le site « l’Histoire par l’image). IV-La traite Pétré-Grenouilleau, L’Argent de la traite. Milieu négrier, capitalisme et développement : un modèle, Paris, Aubier, 1996. Pétré-Grenouilleau, Nantes au temps de la traite des noirs, Paris, Hachette, 1998.