Evasion fiscale - Fiducies, trusts, fondations; qui remportera la palme d'or?
1.
ÉVASION
FISCALE
INTERNATIONALE
Guillaume
ALLEGRE
Magistère
Droit,
Fiscalité,
Comptabilité
2. Prête-‐noms,
fiducies,
trusts,
sociétés
écran,
fondations.
Les
montages
existants
pour
mettre
en
œuvre
une
évasion
fiscale
internationale
ne
manquent
pas.
S’il
convient
d’admettre
qu’ils
ont
tous
pour
objectif
la
soustraction
de
sommes
à
l’Administration
fiscale
française,
ces
procédés
sont
trop
souvent
confondus
et
mélangés.
C’est
la
raison
pour
laquelle
il
conviendra
de
correctement
les
définir
avant
d’en
présenter
la
substance.
Depuis
le
G20
de
2009,
un
important
débat
s’est
concentré
sur
la
question
du
secret
bancaire
en
oubliant
celle
de
l’anonymat
garanti
par
les
trusts.
En
effet,
l’opacité
des
paradis
fiscaux
ne
se
limite
pas
à
la
question
des
comptes
bancaires
comme
l’on
pourrait
l’entendre
récemment
suite
à
l’affaire
Cahuzac.
Certains
d’entre
eux
offrent
aux
particuliers
et
aux
entreprises
de
nombreux
autres
services
qui
leur
permettent
de
dissimuler
leur
identité
à
l’Administration
fiscale
et
aux
autorités
judiciaires
de
leur
pays
d’origine.
Face
à
la
loi
du
silence
qui
règne
dans
les
paradis
fiscaux,
et
à
la
difficulté
de
retracer
des
flux
d’argent
dans
un
monde
globalisé
où
la
monnaie
circule
librement,
rapidement
et
sans
limitation
géographique,
notre
fisc
semble
bien
démuni.
Dans
la
chasse
aux
montages
offshore,
il
est
bien
évident
que
les
fonctionnaires
français
ne
luttent
pas
à
armes
égales
avec
les
multinationales.
Les
chiffres
sont
tout
de
même
assez
choquants.
L'évasion
fiscale
est
estimée
à
50
milliards
€
par
an
en
France
;
les
rectifications
entreprises
par
l'Administration
plafonnent
à
15
milliards
€.
En
guise
de
préambule,
il
faudra
s’attacher
à
énumérer
les
différentes
formes
de
fraude
fiscale
internationale
très
utilisées
à
l’heure
actuelle.
D’abord
et
évidemment,
l’utilisation
de
sociétés
écran,
dont
l'activité
n'est
pas
cohérente
avec
l'objet
ou
dont
le
siège
social
est
situé
dans
un
État
qui
n'a
pas
conclu
de
convention
permettant
l'accès
aux
informations
bancaires
avec
la
France,
ou
à
l'adresse
privée
d'un
des
bénéficiaires
de
l'opération
suspectée.
Cette
forme
constitue
l’une
des
principales
méthodes
pour
éluder
l’impôt
français.
Elle
est
très
utilisée
par
les
entreprises
de
part
son
efficacité.
Ensuite,
le
recours
à
l'interposition
de
personnes
physiques
n'intervenant
qu'en
apparence
pour
le
compte
de
sociétés
ou
de
particuliers
impliqués
dans
des
opérations
financières.
C’est
la
fameuse
pratique
dite
des
prête-‐noms.
2
3. Encore,
les
opérations
financières
internationales
sans
cause
juridique
voire
économique
apparente
et
se
limitant
le
plus
souvent
à
des
transits
de
fonds
en
provenance/à
destination
de
l'étranger,
notamment
avec
des
États
qui
n'ont
pas
conclu
de
convention
permettant
l'accès
aux
informations
bancaires.
Toute
la
difficulté
pour
l’Administration
sera
ici
d'identifier
les
bénéficiaires
effectifs
et
les
liens
entre
l'origine
et
la
destination
des
fonds,
les
entreprises
ayant
souvent
recours
à
des
structures
sociétaires
complexes
et
à
des
montages
juridiques.
Aussi,
la
méthode
classique
du
transfert
de
fonds
vers
un
pays
étranger
suivi
de
leur
rapatriement
sous
la
forme
de
prêts.
L’intérêt
paraît
ici
évident
à
savoir,
la
déductibilité
en
France,
des
intérêts
versés
en
rémunération
à
la
société
étrangère.
Montage
moins
connu
mais
qui
n’en
est
pas
pour
autant
moins
efficace,
l'organisation
de
l'insolvabilité
d’une
personne
par
la
vente
rapide
et
à
court
terme
d'actifs
à
une
ou
des
personnes
physiques
ou
morales
liées
ou
à
des
conditions
qui
traduisent
un
déséquilibre
manifeste
et
injustifié
des
termes
de
la
vente.
Bref,
les
frontières
(européennes
ou
non)
demeurent
l’un
des
supports
privilégiés
de
la
dissimulation
d'actifs.
En
effet,
la
localisation
de
ces
derniers
dans
d'autres
juridictions
limite
les
investigations
de
l'Administration
fiscale
française.
La
tâche
des
agents
du
fisc
est
complexifiée,
voire
impossible,
par
la
nécessité
de
recourir
à
l'assistance
des
Administrations
étrangères
pour
obtenir
les
renseignements
nécessaires
à
la
reconstitution
des
bases
imposables
en
France.
Or,
cette
coopération
est
très
difficile
mettre
en
œuvre
vis
à
vis
de
certains
Etats…
Deux
montages
juridiques
retiendront
désormais
plus
précisément
notre
attention.
Il
conviendra
de
les
étudier
successivement.
I
–
Le
trust
;
l’institution
fraudogène
par
nature.
Un
trust
est
un
montage
juridique
(mais
pas
forcément
fiscal)
par
lequel
un
particulier
personne
physique
comme
une
entreprise
(settlor
en
anglais)
transfère
irrévocablement
la
propriété
de
fonds
ou
de
biens
à
une
autre
personne
(le
trustee)
chargée
de
les
gérer
dans
l’intérêt
d’un
ou
plusieurs
bénéficiaires.
L’avantage
du
trust
est
qu’il
est
irrévocable,
contrairement
au
mandat
de
droit
français,
ce
qui
en
fait
un
mécanisme
recherché
en
matière
de
succession.
3
4. Il
convient
toutefois
de
ne
pas
confondre
le
trust
avec
la
fiducie,
ce
que
l’on
entend
bien
trop
souvent
en
ce
moment
d’agitation
médiatique.
Plusieurs
différences
me
semblent
remarquables
et
fondamentales.
D’une
part,
la
nature
même
de
l’opération
n’a
rien
à
voir.
La
fiducie
telle
qu’elle
existe
en
droit
français
sous
l’article
2011
du
Code
civil
est
avant
tout
un
contrat.
C’est
«
l'opération
par
laquelle
un
ou
plusieurs
constituants
transfèrent
des
biens,
des
droits
ou
des
sûretés,
ou
un
ensemble
de
biens,
de
droits
ou
de
sûretés,
présents
ou
futurs,
à
un
ou
plusieurs
fiduciaires
qui,
les
tenant
séparés
de
leur
patrimoine
propre,
agissent
dans
un
but
déterminé
au
profit
d'un
ou
plusieurs
bénéficiaires
».
Une
exception
dit
toutefois
être
relevée,
il
s’agit
de
la
fiducie
testamentaire,
elle
constitue
alors
effectivement
un
simple
acte
unilatéral.
Gardons
à
l’esprit
le
principe
selon
lequel
la
fiducie
est
toujours
constituée
sous
forme
contractuelle
autrement
dit,
le
consentement
du
fiduciant
et
du
fiduciaire
est
requis.
Le
trust
lui
peut
très
bien
être
établi
par
déclaration
unilatérale.
La
deuxième
différence
découle
de
la
première.
Le
trust
est
sauf
disposition
contraire
toujours
irrévocable.
La
fiducie
elle,
est
révocable
selon
le
droit
commun
des
contrats
donc
par
accord
des
parties
au
contrat.
Par
ailleurs,
les
droits
conférés
par
les
institutions
sont
radicalement
identiques
et
il
ne
faut
pas
les
assimiler
l’un
à
l’autre.
Le
beneficiary
bénéficie
d’un
véritable
droit
réel.
Le
bénéficiaire
quant
à
lui
ne
bénéficie
pas
d’un
tel
droit,
il
bénéficie
seulement
d’un
droit
de
créance
sur
les
biens
de
la
fiducie.
Le
beneficiary
lui
peut
demander
à
avoir
l’usage
des
biens
pendant
la
durée
même
de
l’exécution
du
trust.
Par
analogie,
il
est
bien
évident
que
les
obligations
du
trustee
sont
bien
plus
étendues
que
celles
du
fiduciaire.
Concernant
les
biens,
droits
ou
avoirs
remis
au
trustee
ou
au
fiduciaire.
Il
est
indéniable
que
les
avoirs
placés
en
trust
font
partie
d’un
patrimoine
distinct
et
sont
dissociés
des
biens
propres
du
trustee.
Il
existe
en
France
un
large
débat
sur
l’existence
d’un
patrimoine
d’affectation
ou
non
en
matière
de
fiducie,
mais
si
l’on
refuse
cette
existence,
il
convient
alors
de
remarquer
qu’en
vertu
de
la
loi,
les
biens
remis
en
fiducie
dont
devient
plein
propriétaire
le
fiduciaire
sont
un
droit
de
gage
général
pour
les
créanciers
du
fiduciaire
et
de
la
fiducie.
4
5. Autre
différence
tenant
cette
fois-‐ci
à
la
différence
du
droit
anglo-‐saxon
par
rapport
en
droit
français
en
matière
successorale.
En
effet,
en
droit
français,
il
existe
la
notion
sacrée
de
«
réserve
héréditaire
».
Il
est
évident
que
les
biens
placés
en
fiducie
ne
porteront
en
aucun
cas
atteinte
à
cette
réserve.
A
l’inverse,
les
trusts
constitués
en
Angleterre
se
moquent
de
cette
règle
peu
connue
dans
le
système
de
Common
Law.
Le
trust
n’est
en
principe
jamais
perpétuel.
Il
a
une
durée
forcément
limitée
même
si
celle-‐ci
pourra
être
relativement
longue,
soit
entre
80
et
100
ans
maximum.
La
fiducie
elle
est,
toujours
selon
la
loi
et
le
Code
civil,
une
opération
à
durée
soit
déterminée,
soit
indéterminée.
On
en
conclut
donc
qu’elle
peut
très
bien
engager
des
parties
perpétuellement.
A
contrario,
il
est
bien
évident
que
ces
deux
institutions
partagent
plus
de
points
communs
que
ce
qu’elles
n’ont
de
différences.
Ainsi,
elles
se
basent
toutes
deux
sur
la
notion
de
confiance.
Le
trustee
et
le
fiduciant
ne
doivent
que
se
préoccuper
de
gérer
correctement
les
biens
ou
droits
objets
de
l’opération.
En
aucun
cas
ils
ne
peuvent
indument
tirer
profit
de
cette
opération.
Les
deux
institutions
ne
connaissent
pas
plus
l’une
que
l’autre
la
personnalité
juridique.
La
fiducie
n’est
en
effet
pas
une
personne
morale
au
sens
du
droit
français,
il
n’y
a
donc
pas
lieu
à
immatriculation.
Toutefois,
il
est
évident
qu’elle
y
est
parfois
assimilée.
A
titre
d’exemple,
l’étude
du
droit
des
procédures
collectives
des
entreprises
qui
frappent
en
principes
les
entités
morales,
doit
également
traiter
d’un
patrimoine
fiduciaire.
Aux
termes
de
la
Convention
de
La
Haye
de
1985,
l'objet
du
trust
consiste
à
placer
des
biens
sous
le
contrôle
d'un
administrateur,
le
trustee,
dans
l'intérêt
d'un
ou
plusieurs
bénéficiaires
et
dans
un
but
déterminé.
Le
trustee
est
propriétaire
des
biens
objet
de
l’opération,
et
ce
dans
l'intérêt
d'autrui
et
non
pas
dans
le
sien
propre.
Contrairement
à
la
fiducie,
le
trust
opère
une
dissociation
de
la
propriété.
Instrument
d'une
grande
souplesse,
le
trust
peut
être
irrévocable
ou
révocable
(rare)
selon
qu'il
entraîne
ou
non
le
dessaisissement
définitif
de
la
propriété
des
biens
mis
en
trust
par
le
constituant.
Il
peut
être
institué
de
manière
simple
et
tout
à
fait
discrétionnaire.
5
6. La
création
d'un
trust
peut
viser,
comme
c'est
souvent
le
cas
dans
les
pays
anglo-‐saxons,
à
répondre
à
des
problématiques
de
gestion
du
patrimoine
aussi
diverses
que
l'épargne
des
frais
de
scolarité
universitaire
des
enfants
jusqu'à
la
transmission
des
biens
en
cas
de
succession.
Autrement
dit,
il
n’est
pas,
du
moins
à
l’origine,
une
institution
purement
instituée
dans
un
but
fiscal.
Dans
le
domaine
de
l'entreprise,
le
trust
peut
aussi
être
utilisé
pour
des
raisons
de
séquestration
des
fonds.
Ainsi,
le
PDG
de
Total
avait
récemment
déclaré
que
chez
Total,
les
trusts
existent
uniquement
pour
des
raisons
juridiques
et
non
pas
fiscales,
lors
par
exemple
de
la
remise
en
état
de
sites
pétroliers.
Les
trusts
ainsi
constitués
sont
en
fait
des
comptes
séquestres
sur
lesquels
l'argent
nécessaire
est
déposé
et
ne
peut
être
utilisé
qu'en
un
temps
et
un
lieu
donnés,
soit
à
la
fin
des
travaux
d’entreprise.
A
ce
moment-‐là,
la
société
est
en
mesure
de
récupérer
les
sommes
en
question,
pour
les
utiliser
exclusivement
à
la
remise
en
état
des
sites.
Bien
qu'ayant
signé
la
Convention
de
la
Haye,
la
France
ne
l'a
pas
ratifiée.
En
conséquence,
ce
dispositif
n'a
pas
été
transposé
en
droit
interne.
Néanmoins,
il
n'y
est
pas
totalement
étranger.
Comme
nous
l’avons
vu,
un
régime
de
transfert
de
biens
similaire
(mais
distinct
!),
a
été
introduit
en
droit
français
en
2007.
Puis,
afin
de
mettre
fin
à
une
certaine
insécurité
juridique
résultant
de
l'utilisation
des
trusts
anglo-‐saxons,
la
première
loi
de
finances
rectificative
pour
2011
s’est
sentie
obligée
d’en
poser
une
définition
accompagnée
de
celle
de
son
constituant.
Elle
a
également
prévu
l'imposition
des
trusts
aux
droits
de
mutation
à
titre
gratuit,
à
l'ISF
ainsi
qu'à
une
nouvelle
taxe
s'agissant
des
trusts
qui
n'auraient
pas
été
déclarés
au
titre
de
l'ISF.
Le
principe
d'imposition
à
l'ISF
s'applique
à
tout
trust
(révocable,
irrévocable,
simple
ou
discrétionnaire)
et
ce,
même
si
la
réalité
de
la
gestion
du
trust
ne
permet
pas
d'établir
la
propriété
du
constituant.
Compte
tenu
des
règles
de
territorialité
applicables
en
matière
d'ISF,
et
sous
réserve
des
conventions
fiscales,
sont
donc
taxés
au
titre
de
l'ISF
:
6
7. -‐ les
biens
placés
dans
un
trust
dont
le
constituant
est
résident
fiscal
français
mais
ce,
quel
que
soit
le
lieu
de
situation
de
ces
biens
!
-‐ les
biens
situés
en
France
et
placés
dans
un
trust
dont
le
constituant
n'est
pas
résident
fiscal
français.
La
seule
exception
concerne
les
trusts
irrévocables
dits
«
caritatifs
».
Il
s'agit
des
trusts
dont
les
bénéficiaires
exclusifs
relèvent
de
l'article
795
du
CGI
(donc
en
bref,
les
établissements
publics
charitables,
mutuelles
des
organismes
reconnus
d'utilité
publique
dont
les
ressources
sont
affectées
à
des
oeuvres
d'assistance,
à
la
défense
de
l'environnement)
et
dont
l'administrateur
est
soumis
à
la
loi
d'un
Etat
ou
territoire
ayant
conclu
avec
la
France
une
convention
d'assistance
administrative
en
vue
de
lutter
contre
la
fraude
et
l'évasion
fiscale
(on
retrouve
bien
ici
la
volonté
de
l’Administration
française
de
limiter
les
régimes
de
faveur
aux
seuls
Etats
avec
lesquels
elle
est
certaine
en
cas
d’opacité
sur
une
opération,
d’obtenir
des
informations
lui
permettant
si
elle
si
estime
fondée,
à
rectifier
les
auteurs).
Ces
nouvelles
règles
ont
été
associées
à
des
obligations
déclaratives
à
la
charge
de
l'administrateur
concernant
la
constitution,
la
modification,
les
termes
ou
encore
l'extinction
du
trust
et
toutes
stipulations
complémentaires.
Toutes
les
transmissions
à
titre
gratuit,
réalisées
par
le
biais
d'un
trust,
étant
désormais
soumises
aux
droits
de
mutation,
la
violation
des
nouvelles
règles
est
donc
constitutive
de
fraude
fiscale.
Force
est
de
supposer
que
cet
«
outil
»
patrimonial
anglo-‐saxon
a
donné
lieu
à
des
phénomènes
massifs
d'évasion
fiscale.
Rappelons
que
la
création
de
trusts
fait
généralement
intervenir
différents
territoires
tels
que
les
Iles
Caïmans,
Guernesey
ou
Singapour.
Cet
éloignement
est
nécessaire
pour
toute
tentative
d'évasion
puisque
le
trust
est
considéré
en
droit
français
comme
une
libéralité.
En
tant
que
donation,
il
est
présumé
rapportable
à
la
succession.
A
titre
d'illustration,
un
résident
souhaitant
dissimuler
ses
participations
dans
un
groupe
français
peut
les
faire
porter
(portage
d’actions
ou
de
parts
sociales)
par
une
société
étrangère,
elle-‐même
détenue
par
un
7
8. trust
ainsi
que
l'illustre
le
schéma
ci-‐dessous
(source
LexisNexis).
Le
montage
est
réalisé
en
deux
temps.
Tout
d'abord,
sont
mises
en
œuvre
les
modalités
d'acquisition
de
la
participation
dans
la
target,
génératrice
de
revenus
par
le
biais
d'une
société
dite
«
prédatrice
»
étrangère.
Cette
acquisition
est
effectuée
par
voie
d'endettement
dont
les
intérêts
d'emprunt
sont
évidemment
déductibles,
toutefois
et
ce
depuis
le
1er
janvier
2013,
dans
la
limite
d’un
plafond
au
delà
de
3
M
€
de
charges
financières.
Dans
un
second
temps,
les
titres
acquis
sont
cédés
en
étant
exonérés
de
toute
impositions
sur
la
plus-‐value
car
la
cession
est
accomplie
par
la
société
prédatrice
et
non
pas
par
le
bénéficiaire
effectif
de
l’opération
dans
son
ensemble…
Dans
l'exemple
ci-‐dessous,
un
résident
français
constitue
un
trust
aux
Cayman
Islands,
dont
le
conjoint
est
le
bénéficiaire.
Ce
trust
est
ici
géré
par
trois
trustees
(afin
d'opacifier
le
schéma,
étant
bien
entendu
que
la
pluralité
de
gérants
est
un
élément
de
flou
supplémentaire
pour
l’Administration
fiscale…).
Il
crée
dans
le
même
temps
ou
antérieurement
une
Holding
Newco
au
Luxembourg
(on
aurait
très
bien
pu
choisir
un
autre
Etat)
et
en
détient
99
%
des
titres.
Un
avocat
luxembourgeois
peut
par
exemple
intervenir
comme
second
associé
à
hauteur
de
1
%.
La
Holding
Newco
luxembourgeoise
procède
à
l'immatriculation
d'une
société
au
Luxembourg
dont
elle
est
l'unique
actionnaire.
Cette
nouvelle
société,
la
«
société
prédatrice
»,
acquiert
alors
une
participation
à
hauteur
de
25
%
dans
le
groupe
français,
la
target,
par
le
biais
d'un
LBO
(schéma
classique
de
rachat
par
endettement
bancaire,
pour
limiter
l’investissement
initial
en
capital).
En
conséquence,
les
revenus
du
groupe
français
sont
acheminés
vers
la
société
luxembourgeoise
par
la
voie
de
différents
dispositifs
fiscaux
tels
que
le
régime
mère
filles,
intégration
fiscale
etc.
Il
faut
ici
noter
que
le
régime
mère-‐filles
permet
avec
un
taux
de
participation
ridicule
soit
5%,
de
distribuer
des
dividendes
en
exonération
d’impôt
(mais
réintégration
d’une
quote-‐part
pour
frais
et
charges)
à
la
société
mère.
Quel
intérêt
de
verser
des
dividendes
à
la
Newco
luxembourgeoise
?
Comme
cette
dernière
a
financé
l’acquisition
de
la
target
par
endettement,
elle
a
certainement
contracté
un
emprunt
bancaire
auprès
d’un
établissement
financier
luxembourgeois
(dette
senior,
dette
mezzanine,
junks
bonks
et
8
9. autres
high
yields
à
rendement
élevé
qui
favorisent
d’autant
plus
le
leviver
fiscal
de
déductibilité
des
intérêts
versés
en
rémunération
des
fonds
prêtés).
La
remontée
des
dividendes
de
la
target
vers
la
mère
a
pour
objectif
de
rembourse
l’emprunt
ainsi
contracté.
Comme
cette
remontée
se
fait
(quasiment)
en
franchise
d’impôt,
non
seulement
la
Newco
a
acquis
une
target
pour
un
prix
dont
elle
ne
dispose
que
30%
en
cash
(levier
financier),
mais
en
plus
elle
va
pouvoir
déduire
les
intérêts
monstrueux
engendrés
par
l’opération
(levier
fiscal).
Au
total
pour
résumer
l’opération,
la
détention
de
la
participation
du
résident
français
tend
à
être
masquée
par
l'interposition
de
deux
structures
à
savoir
d’une
part
le
trust
et
d’autre
part
la
Newco,
créés
à
l'étranger.
De
surcroît,
lorsque
la
cession
des
titres
interviendra,
elle
sera
exonérée
de
toute
imposition
de
la
plus-‐value
au
Luxembourg.
Voici
le
schéma
de
l’opération
dans
son
ensemble.
9
10. Dans
l’exemple,
le
trust
est
utilisé
pour
la
prise
de
participation
dans
le
groupe
français,
mais
il
faut
savoir
qu’en
majorité
les
trusts
sont
constitués
sur
le
marché
de
l’art.
Ainsi,
les
milliers
d'œuvres
des
Wildenstein
sont
intégrés
dans
des
trusts
situés
aux
îles
Caïman,
aux
Bahamas,
à
Guernesey.
Le
caractère
illégal
ne
réside
pas
dans
la
constitution
du
trust
qui
est
bien
évidemment
licite,
mais
dans
la
tentative
de
dissimulation
de
la
composition
des
biens
placés
dans
le
trust
et
de
l'identité
réelle
du
propriétaire
du
tableau.
D'une
manière
plus
générale,
il
est
apparu,
lors
du
cycle
d'auditions,
que
le
marché
de
l'art
constitue
un
terrain
propice
à
la
réalisation
d'opérations
d'évasion
fiscale
dans
la
mesure
où
l'œuvre
d'art
constitue
un
bien
meuble,
difficilement
traçable
et
estimable
contrairement
bien
sûr
à
un
immeuble…
II
–
La
fiducie
:
le
début
d’un
enfer
pour
l’Administration
fiscale
française
?
Attendue
depuis
longtemps,
la
fiducie
est
apparue
dans
le
paysage
juridique
français
grâce
à
la
loi
du
19
février
2007.
La
fiducie
conclue
à
titre
de
garantie
(dite
désormais,
fiducie-‐sûreté)
obéit
en
outre
à
quelques
règles
spécifiques.
La
fiducie-‐sûreté
peut
constituer
un
outil
intéressant
dans
le
cadre
de
la
transmission
d'une
entreprise.
En
effet,
l'acquéreur
(le
constituant)
transfère
temporairement
la
propriété
d'un
bien
lui
appartenant
dans
le
patrimoine
d'affectation
d'une
banque
(à
la
fois
fiduciaire
et
bénéficiaire
de
la
fiducie)
à
titre
de
garantie
du
remboursement
du
crédit
qu'elle
a
consenti
pour
l'achat
de
l'entreprise
(ici
encore,
on
peut
repartir
sur
un
schéma
d’acquisition
par
LBO).
Il
existe
plusieurs
formes
de
fiducies
qui
permettent
d’échapper
en
tout
ou
en
partie
à
l’impôt
en
France,
ou
d’ailleurs
à
l’étranger…
Le
Canada
fait
figure
de
favori
en
la
matière.
De
nombreux
scandales
fiscaux
y
ont
eu
lieu
en
matière
de
fiducie.
Dans
les
années
2000
au
Canade,
plusieurs
sociétés
par
action
se
sont
converties
en
fiducies,
une
transformation
qui
leur
a
permis
d’économiser
collectivement
des
milliards
en
impôts.
Il
s’agissait
alors
10
11. de
se
constituer
sous
forme
de
fiducie
de
revenu.
Comme
son
nom
l'indique,
une
fiducie
de
revenu
est
d'abord
une
fiducie,
dans
laquelle
des
éléments
d'actif
génèrent
des
revenus
qui
sont
versés
presque
entièrement
aux
détenteurs
de
parts
de
la
fiducie.
Pour
qu'une
fiducie
de
revenu
soit
créée,
il
faut
d'abord
des
éléments
d'actif
qui
proviennent
d'une
entité
déjà
existante,
une
société
personne
morale.
À
la
suite
d'un
transfert
ou
d'une
vente,
les
actifs
passent
de
l'entreprise
à
la
fiducie.
Le
transfert
des
actifs
peut
être
effectué
par
le
biais
d'une
réorganisation
de
la
forme
légale,
l'entreprise
se
modifiant
en
fiducie.
D'un
point
de
vue
fiscal,
la
fiducie
de
revenu
présentait
au
Canada
plusieurs
avantages.
Les
fiducies
de
revenu
étaient
soumises
à
des
traitements
fiscaux
propres
à
elles.
Le
principal
avantage
pour
l'entreprise
était
celui
qui
lui
permettait
de
se
libérer
de
l'impôt
à
payer,
même
sur
ses
revenus
d'entreprise,
en
transférant
le
tout
à
ses
détenteurs
de
parts.
L'entreprise
pouvait
ensuite
choisir
d'utiliser
le
produit
de
la
vente
des
actifs
pour
diminuer
ses
dettes
ainsi
que
la
taxe
sur
le
capital.
La
fiducie
de
revenu
ne
payait
quant
à
elle
pas
d'impôt
si
la
totalité
de
ses
revenus,
y
compris
les
gains
en
capital
imposables,
était
distribuée
aux
titulaires
de
part
chaque
année.
Les
détenteurs
de
parts
étaient
ensuite
imposés
sur
les
revenus
qui
leur
étaient
distribués.
Ces
distributions
étaient
constituées
de
divers
types
de
revenus,
tels
que
les
revenus
d'intérêts,
les
dividendes
etc.
Toutefois
fin
2006
début
2007,
le
ministre
fédéral
des
finances
du
Canada
a
annoncé
que
les
fiducies
de
revenu
seraient
imposées
à
des
taux
comparables
aux
taux
qui
s'appliquent
au
revenu
réalisé
et
distribué
par
les
sociétés
canadiennes.
Seules
les
fiducies
immobilières
ont
été
épargnées.
Ces
mesures
auront
eu
pour
effet
de
réduire
la
popularité
des
fiducies
de
revenu
auprès
des
investisseurs.
Il
est
évident
que
face
aux
difficulté
que
connaît
la
fiducie
en
France,
une
telle
forme
ne
sera
probablement
jamais
insérée
en
droit
interne…
L’Administration
fiscale
a
déjà
fort
à
faire
en
chassant
les
fiducies
constituées
à
l’étranger
pour
éluder
l’IS
français.
C’est
ainsi
que
divers
11
12. mécanismes
fiscaux
de
droit
interne
visant
à
éviter
la
fraude
et
l’évasion
fiscale
internationale
ont
été
étendus
à
la
fiducie.
L’article
209-‐B
du
CGI
conduit
à
imposer
en
France
les
bénéfices
réalisés
par
les
filiales
ou
succursales
étrangères
de
sociétés
françaises
lorsqu'elles
sont
établies
dans
des
pays
à
fiscalité
privilégiée.
Lorsqu'ils
sont
réalisés
par
une
entité
légale,
ces
bénéfices
sont
réputés
constituer
des
RCM
de
la
société
française
et
sont
donc
imposables
entre
ses
mains
au
même
titre
que
ses
autres
produits.
Le
champ
d'application
est
très
général
puisqu’il
vise
outre
les
entreprises
exploitées
hors
de
France
(succursales),
la
détention
des
actions,
parts,
droits
financiers
ou
droits
de
vote
dans
une
entité
juridique
qui
peut
être
une
personne
morale,
un
organisme,
ou
même
une
fiducie.
L’Administration
n’en
est
pas
au
bout
de
sa
peine
avec
cette
institution.
12