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A la découverte de…

            Svalbard
     Le charbon, sale… mais
indispensable à la survie de l’île
Svalbard et le charbon sont
indissociables, car c'est grâce au
minerai noir que les hommes se
sont installés durablement sur
l'île, autrefois le territoire
exclusif des trappeurs et des
explorateurs. Outre une petite
mine située à 7 km de
Longyerbyen, et qui
approvisionne la ville en
électricité, la mine la plus
importante se situe à
Sveagruva, au sud de l'archipel.
Les mineurs, principaux
habitants de Sveagruya, vivent
et travaillent deux semaines sur
la mine, avant de passer deux
semaines à Longyearbyen ou sur
le continent. Ils sont affrétés
spécialement en avion tous les
quinze jours. La compagnie
norvégienne Store Norske, en
charge de l'exploitation, produit
en moyenne deux millions de
tonnes de charbon par an,
qu'elle exporte majoritairement
vers l'Allemagne.
Critiqué car responsable de rejets massifs de CO2 dans l'atmosphère, le charbon est considéré comme l'une
des énergies les plus sales de la planète. Une image qui colle mal avec la vision pure et idyllique de l'île de
Svalbard... Un projet de captation et d'enfouissement du carbone rejeté est donc à l'œuvre, financé par
l'université, le gouvernement et des compagnies pétrolières. Snore Olaussen est le responsable de ce CO2
Lab, au sein de l'UNIS.
Quelle est l'idée phare du « CO2 lab » ?

Svalbard est composée de roche sédimentaire alors que la partie continentale de la Norvège est
plutôt faite de granit, une roche très dense. Et les roches sédimentaires ont la porosité et la
perméabilité nécessaires pour conduire ce type d'expérience. L'idée est aussi qu'ici à Svalbard,
nous avons tout le cycle d'exploitation du charbon réuni en un seul endroit. On produit du
charbon dans les mines autour de Longyearbyen, à 5 ou 6 km nous avons la centrale thermique
à charbon qui alimente la ville en énergie. Et nous avons la possibilité de stocker le carbone sans
danger dans un rayon de 5 à 7 km. L'idée est donc de faire de cette partie de Svalbard une zone
100 % sans carbone.
Vous voulez continuer à utiliser le charbon, mais rendre
son exploitation « écologiquement compatible » ?

C'est la principale mission de ce projet : nous voulons mettre au
point un dispositif qui permette de traiter le problème du carbone
de la source jusqu'à son enfouissement. Bien sûr, si nous
pouvons par ce projet devenir une « société propre » ce serait
idéal. Car qu'on le veuille ou non, le charbon est l'énergie qui
progresse le plus dans le monde ces temps-ci, à cause de la
Chine, de l'Inde, de la Russie, de l'est de l'Europe etc...


                                    Est-il vraiment possible de contrôler le gaz carbonique et
                                    ses déplacements ?

                                    C'est justement la partie principale de nos recherches actuelles,
                                    de savoir à quel point cette technologie est sûre. Si on se rend
                                    compte qu'il y a des fuites, on saura pourquoi, quelle pression les
                                    roches peuvent accepter, combien de CO2 peut-on leur faire
                                    absorber... car si la pression est trop forte, les roches vont
                                    commencer à se fracturer, et cela peut entraîner une explosion
                                    souterraine et une remontée du gaz vers la surface.



C'est potentiellement dangereux?

Non, dans notre cas il n'y aura pas de danger car il n'y a pas de
population humaine à la surface, au pire ça peut atteindre des
renards, des rennes... Mais il n'y aura pas de problèmes, comme
on peut l'entendre en Europe, où les gens s'inquiètent contre les
projets de stockage souterrains parce qu'ils ont peur de fuites de
CO2 vers la surface.
Comment transposer cette technologie sur le continent, là où il y a une forte densité
de population ?

Si nous arivons à trouver combien de fluide carbonique nous pouvons injecter dans les roches
avant que l'on risque des fuites, alors on pourra exporter ces expériences à d'autres partie du
monde où l'on exploite le charbon. D'ailleurs nous échangeons des données expérimentales
avec les Etats-Unis et l'Allemagne sur le sujet.
Capter et stocker le CO2,
est-ce la vraie solution ou
devrait-on plutôt penser à
nous débarrasser d'une
énergie si polluante ?

Bien sûr le charbon est la pire
des énergies en ce qui
concerne les émissions de
CO2, il y a des études qui le
montrent ; les centrales au
charbon émettent des
centaines de milliers de tonnes
de CO2 dans l'atmosphère
chaque mois. Mais si on est
capable de créer un cycle du
charbon où l'on réinjecterait
dans le sous-sol tout le CO2
qu'on en a extrait, alors on
aurait au moins une solution
temporaire bénéfique pour
l'environnement.
Pour certains scientifiques et écologistes, les projets de
captation et d'enfouissement servent juste à donner du temps
aux pollueurs pour leur éviter de penser à de véritables
alternatives... Qu'en pensez-vous ?

Bien sûr, je connais ce type d'arguments qui disent qu'on ferait mieux
de travailler sur les énergis renouvellables, mais à l'heure actuelle il est
très difficile d'imaginer d'autres solutions que les énergies fossiles. J'ai
travaillé dans l'industrie pétrolière pendant plus de 30 ans avant de
venir ici, et je continue de penser que le pétrole est la principale énergie
valable pour au moins encore un siècle. Ce que l'on doit faire pendant
ce temps, c'est réduire notre consommation d'énergie, c'est ça le vrai
défi politique du moment.


                             Ce projet illustre la situation de Svalbard, une île qui produit du
                             charbon, et qui dans le même temps se présente comme à la pointe de
                             la recherche scientifique environnementale. N'y voyez-vous pas un
                             paradoxe?

                             Si on étudie la possibilité d'importer par bateau du pétrole ou du gaz, ce qui
                             serait l'alternative la plus crédible au charbon électrique pour faire tourner la
                             centrale, alors on risque d'émettre encore plus de CO2 à cause du transport. En
                             ce qui concerne le solaire, c'est compromis car il fait nuit six mois par an et à
                             cause du froid très dur qui risquerait de gêler les systèmes. Et la majorité de la
                             population locale est très favorable au projet, car elle sait combien l'industrie
                             du charbon est importante pour la communauté. Si on ne fait de mal à
                             l'environnement, alors on peut mener énormément d'expériences très
                             intéressantes ici. Et puis, Svalbard sert en quelque sorte de chien de garde pour
                             l'étude des variations climatiques, de la géophysique, de l'étude de
                             l'atmosphère... C'est le rôle de l'île d'être à la pointe des technologies.
Reportage original réalisé par Mathilde Goanec

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A la découverte de Svalbard - Le charbon, sale… mais indispensable 5/8

  • 1. A la découverte de… Svalbard Le charbon, sale… mais indispensable à la survie de l’île
  • 2. Svalbard et le charbon sont indissociables, car c'est grâce au minerai noir que les hommes se sont installés durablement sur l'île, autrefois le territoire exclusif des trappeurs et des explorateurs. Outre une petite mine située à 7 km de Longyerbyen, et qui approvisionne la ville en électricité, la mine la plus importante se situe à Sveagruva, au sud de l'archipel. Les mineurs, principaux habitants de Sveagruya, vivent et travaillent deux semaines sur la mine, avant de passer deux semaines à Longyearbyen ou sur le continent. Ils sont affrétés spécialement en avion tous les quinze jours. La compagnie norvégienne Store Norske, en charge de l'exploitation, produit en moyenne deux millions de tonnes de charbon par an, qu'elle exporte majoritairement vers l'Allemagne.
  • 3. Critiqué car responsable de rejets massifs de CO2 dans l'atmosphère, le charbon est considéré comme l'une des énergies les plus sales de la planète. Une image qui colle mal avec la vision pure et idyllique de l'île de Svalbard... Un projet de captation et d'enfouissement du carbone rejeté est donc à l'œuvre, financé par l'université, le gouvernement et des compagnies pétrolières. Snore Olaussen est le responsable de ce CO2 Lab, au sein de l'UNIS.
  • 4. Quelle est l'idée phare du « CO2 lab » ? Svalbard est composée de roche sédimentaire alors que la partie continentale de la Norvège est plutôt faite de granit, une roche très dense. Et les roches sédimentaires ont la porosité et la perméabilité nécessaires pour conduire ce type d'expérience. L'idée est aussi qu'ici à Svalbard, nous avons tout le cycle d'exploitation du charbon réuni en un seul endroit. On produit du charbon dans les mines autour de Longyearbyen, à 5 ou 6 km nous avons la centrale thermique à charbon qui alimente la ville en énergie. Et nous avons la possibilité de stocker le carbone sans danger dans un rayon de 5 à 7 km. L'idée est donc de faire de cette partie de Svalbard une zone 100 % sans carbone.
  • 5. Vous voulez continuer à utiliser le charbon, mais rendre son exploitation « écologiquement compatible » ? C'est la principale mission de ce projet : nous voulons mettre au point un dispositif qui permette de traiter le problème du carbone de la source jusqu'à son enfouissement. Bien sûr, si nous pouvons par ce projet devenir une « société propre » ce serait idéal. Car qu'on le veuille ou non, le charbon est l'énergie qui progresse le plus dans le monde ces temps-ci, à cause de la Chine, de l'Inde, de la Russie, de l'est de l'Europe etc... Est-il vraiment possible de contrôler le gaz carbonique et ses déplacements ? C'est justement la partie principale de nos recherches actuelles, de savoir à quel point cette technologie est sûre. Si on se rend compte qu'il y a des fuites, on saura pourquoi, quelle pression les roches peuvent accepter, combien de CO2 peut-on leur faire absorber... car si la pression est trop forte, les roches vont commencer à se fracturer, et cela peut entraîner une explosion souterraine et une remontée du gaz vers la surface. C'est potentiellement dangereux? Non, dans notre cas il n'y aura pas de danger car il n'y a pas de population humaine à la surface, au pire ça peut atteindre des renards, des rennes... Mais il n'y aura pas de problèmes, comme on peut l'entendre en Europe, où les gens s'inquiètent contre les projets de stockage souterrains parce qu'ils ont peur de fuites de CO2 vers la surface.
  • 6. Comment transposer cette technologie sur le continent, là où il y a une forte densité de population ? Si nous arivons à trouver combien de fluide carbonique nous pouvons injecter dans les roches avant que l'on risque des fuites, alors on pourra exporter ces expériences à d'autres partie du monde où l'on exploite le charbon. D'ailleurs nous échangeons des données expérimentales avec les Etats-Unis et l'Allemagne sur le sujet.
  • 7. Capter et stocker le CO2, est-ce la vraie solution ou devrait-on plutôt penser à nous débarrasser d'une énergie si polluante ? Bien sûr le charbon est la pire des énergies en ce qui concerne les émissions de CO2, il y a des études qui le montrent ; les centrales au charbon émettent des centaines de milliers de tonnes de CO2 dans l'atmosphère chaque mois. Mais si on est capable de créer un cycle du charbon où l'on réinjecterait dans le sous-sol tout le CO2 qu'on en a extrait, alors on aurait au moins une solution temporaire bénéfique pour l'environnement.
  • 8. Pour certains scientifiques et écologistes, les projets de captation et d'enfouissement servent juste à donner du temps aux pollueurs pour leur éviter de penser à de véritables alternatives... Qu'en pensez-vous ? Bien sûr, je connais ce type d'arguments qui disent qu'on ferait mieux de travailler sur les énergis renouvellables, mais à l'heure actuelle il est très difficile d'imaginer d'autres solutions que les énergies fossiles. J'ai travaillé dans l'industrie pétrolière pendant plus de 30 ans avant de venir ici, et je continue de penser que le pétrole est la principale énergie valable pour au moins encore un siècle. Ce que l'on doit faire pendant ce temps, c'est réduire notre consommation d'énergie, c'est ça le vrai défi politique du moment. Ce projet illustre la situation de Svalbard, une île qui produit du charbon, et qui dans le même temps se présente comme à la pointe de la recherche scientifique environnementale. N'y voyez-vous pas un paradoxe? Si on étudie la possibilité d'importer par bateau du pétrole ou du gaz, ce qui serait l'alternative la plus crédible au charbon électrique pour faire tourner la centrale, alors on risque d'émettre encore plus de CO2 à cause du transport. En ce qui concerne le solaire, c'est compromis car il fait nuit six mois par an et à cause du froid très dur qui risquerait de gêler les systèmes. Et la majorité de la population locale est très favorable au projet, car elle sait combien l'industrie du charbon est importante pour la communauté. Si on ne fait de mal à l'environnement, alors on peut mener énormément d'expériences très intéressantes ici. Et puis, Svalbard sert en quelque sorte de chien de garde pour l'étude des variations climatiques, de la géophysique, de l'étude de l'atmosphère... C'est le rôle de l'île d'être à la pointe des technologies.
  • 9. Reportage original réalisé par Mathilde Goanec pour www.greenetvert.fr