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COURS DE PAROLE VIVANTE (sacredote.fr)
INTRODUCTION
La parole de Dieu n’est pas enchaînée. La parole de Dieu est vivante et efficace.
«Une lampe sur mes pas, ta parole, une lumière sur ma route. Ta parole, en se
découvrant, illumine, et les simples comprennent. » (Ps 119, 105 et 130). Nous
voulons réfléchir, avec beaucoup de respect et d’amour, sur cette Parole divine. Une
réflexion profonde, destinée à soutenir l’intelligence et, principalement, à nourrir
l’esprit pour la transformation de la mentalité et du cœur du lecteur.
Dans l’histoire du salut la Parole de Dieu se déroule en trois grandes étapes : la
Parole révélée, la parole inspirée, la Parole interprétée. Ainsi la révélation,
l’inspiration et l’interprétation de la Parole constituent les concepts de base sur
lesquels s’appuie la compréhension catholique de la Sainte Écriture. Notre réflexion
prétend vous introduire dans chacun de ces trois concepts et, en même temps, dans
d’autres concepts complémentaires et comme leurs satellites. La révélation est en
étroite relation avec la transmission et la tradition ; l’inspiration inclut en son sein la
vérité biblique et la conformité canonique. L’interprétation ne peut se passer de
l’étude des méthodes appropriées et de l’actualisation de la Parole pour l’homme
d’aujourd’hui.
La méthode que l’on suit dans ce cours est narrative, fondée sur les sources de la
théologie, en particulier sur la constitution dogmatique sur la révélation divine (Dei
Verbum) du Concile Vatican II. L’exposition sera accompagnée de brèves lectures de
textes des Pères de l’Église, des théologiens et du Magistère de l’Église. A la fin des
textes de lecture il y aura un bref questionnaire pour inviter à la réflexion. Chaque
chapitre se terminera par l’indication de quelques sujets d’étude pour les
approfondir et les aborder sans difficulté. A la fin du cours est inclus un lexique qui
définit quelques-uns des termes employés ; ceux-ci sont indiqués par un astérisque
(*) lorsqu’ils apparaissent pour la première fois dans le cours ; de même, on trouvera
en annexe un index de sigles.
CHAPITRE 1
LA PAROLE DE DIEU DANS LA PAROLE HUMAINE
En ses desseins éternels et insondables, Dieu a voulu se révéler aux hommes par
l’intermédiaire de la Parole. La révélation divine n’est pas quelque chose de
momentané et fortuit. Dieu s’est révélé une fois pour toutes à une époque de
l’histoire humaine, mais sa révélation est adressée à tous les hommes de n’importe
quelle époque historique. La révélation de Dieu à Abraham a été aussi une révélation
pour le Prophète Jérémie et son temps, pour saint Paul et son temps, pour saint
Augustin et saint Bernard et leur époque, pour saint Maximilien Kolbe, et aussi pour
vous et vos contemporains.
De là découle que la Parole révélée à un certain moment et pour toujours, devait
être communiquée de génération en génération. Cette communication a d’abord été
effectuée sous forme orale, et peu à peu, ensuite elle a été mise par écrit. Ainsi la
révélation de Dieu s’est-elle transmise de siècle en siècle, oralement, de père en fils,
jusqu’à se trouver comme cristallisée dans le texte sacré, ce texte que nous
appelons, nous, aujourd’hui, les chrétiens, l’Écriture Sainte ou la Bible. De cette
façon, la Parole révélée est devenue Parole transmise grâce à laquelle la richesse
infinie de la Révélation est arrivée à tous les hommes.
I. Dieu se révèle par la parole
II. Analyse de la parole humaine
III. L’analogie de la parole
IV. Les hérauts de la parole divine
APERÇUS
Quelle est la différence fondamentale entre la Bible et les écrits sacrés des religions
non chrétiennes ? A la fin de ce chapitre vous pourrez donner une réponse à cette
question.
Quelle est l’importance de la Parole de Dieu dans la vie d’un chrétien ? Parfois nous
l’entendons sans y prêter beaucoup d’attention.
MOTS CLEFS
Révélation analogie
I. DIEU SE RÉVÈLE PAR LA PAROLE
« Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était
Dieu» (Jn 1, 1)
Dieu commence le dialogue amoureux avec les hommes en un point concret de
l’histoire humaine, et c’est ainsi que commence la révélation de la Parole. Nous
avons ici deux données importantes : la Parole de Dieu se révèle ; la Parole de Dieu
se révèle par l’intermédiaire de la parole humaine.
Dieu n’a prononcé qu’une seule Parole : FILS. Avec cette parole il nous a tout dit. Le
Fils, Parole de Dieu, a commencé son dialogue avec l’homme par l’intermédiaire de
la création, de la rencontre avec les prophètes et finalement par l’incarnation dans le
sein de la Vierge Marie.
Nous pourrions donc définir la révélation en tant que Parole de la façon suivante :
Révélation : La communication amoureuse de Dieu et de son mystère à l’homme
pour qu’il soit participant de son salut.
Cette communication s’est réalisée tout au long de l’histoire, de manière orale ou
écrite, par l’intermédiaire de médiations humaines qui atteignent leur plénitude
dans le Christ. L’homme est invité par Dieu à répondre à cette révélation avec
l’obéissance de la foi. »
II. ANALYSE DE LA PAROLE HUMAINE
1. L’expérience de la parole.
Sciemment ou non, toute parole humaine vient de l’expérience. Dans la Bible,
surtout chez les prophètes, ce passage de l’expérience à la parole est évident et
éclairant. Prenons l’exemple de Jérémie : de l’expérience vivante de Jérusalem
envahie et mise à sac jaillissent ces vers :
« J’ai regardé la terre : un chaos ;
Les cieux : leur lumière a disparu.
J’ai regardé les montagnes : elles tremblent
Toutes les collines sont secouées.
J’ai regardé : plus d’hommes ;
Tous les oiseaux du ciel ont fui,
J’ai regardé : le verger est un désert ;
Toutes les villes sont détruites
Devant Yahvé,
Devant l’ardeur de sa colère » (Jr 4, 23-26)
La Bible a été écrite à partir d’expériences vécues, d’événements immergés dans
l’expérience. La Bible est parole écrite, parole vécue du passé et constamment
vivifiée par l’expérience du présent.
2. La symphonie de la parole.
La parole humaine est polyphonique, comme un chœur aux multiples voix. Leurs
variations musicales bien harmonisées forment la symphonie du langage. Notre
intention est de décomposer la symphonie pour découvrir les divers instruments qui
la composent.
a) La parole est en premier lieu une réalité organique. Elle n’existe pas isolée. Elle
prend vie quand elle fraternise avec d’autres paroles, elle s’organise et se structure
avec elles en une unité de sens. Ce n’est pas la même chose de dire « Louis » que de
dire « Louis court» ou encore « Louis court à l’Église». Même quand une parole est
seule, pour qu’elle soit vivante, elle est unie (reliée) au moins implicitement à une
autre, avec laquelle elle acquiert un sens. La parole tend à l’existence en famille, y
compris quand elle semble être en perpétuel célibat.
b) D’où la parole reçoit-elle son caractère organique ? Sans aucun doute, parce
qu’elle est une réalité sociale. En Dieu lui-même la parole est sociale ; elle requiert
l’existence d’un « je » et d’un « tu » qui créent un dialogue. Dieu est unique, mais en
Dieu il y a trois personnes qui éternellement communiquent entre elles leurs
pensées et leur amour.
Dieu Trine, en créant l’homme, l’a créé à son image et ressemblance, et ainsi il l’a
créé social. C’est socialement que l’homme subsiste, qu’il se perfectionne et domine
la terre ; et le milieu naturel de cette vie sociale est le langage, le dialogue, la parole.
La parole a commencé à être sociale à l’instant où Adam a appelé sa femme pour la
première fois « Ève » et que celle-ci lui a répondu par un sourire.
c) De plus, la parole est créative. Unie à d’autres paroles, elle crée de nouveaux sens
et nuances, révèle des univers nouveaux du cœur humain. L’arrivée de cette parole
jusqu’à un « toi », y crée une résonance en tant que réponse. Le sourire d’Ève est
création de la parole, tout comme le « fiat » (« fais en moi selon ta volonté ») de
Marie. La parole engendre la parole et à travers elles s’établit le fil de la
communication.
La parole crée l’histoire. Dieu a commencé l’histoire avec la Création par
l’intermédiaire de la parole (Gn 1). La parole de l’homme a résonné dans le présent
avec la force d’un futur. Paroles des parents, des éducateurs, des leaders d’un
peuple ou d’une nation. Au dessus de tout, la parole de Jésus, parole de salut,
continue de résonner dans l’esprit humain. La révélation, tout comme la parole est
créative dans la liberté. Elle ne s’impose pas, elle s’expose. C’est un appel à la
recherche d’une réponse donnée par la liberté.
3. Autres caractères de la parole
Nous avons évoqué trois instruments de la symphonie de la parole : son caractère
organique, social et créatif. Prêtons attention maintenant à trois autres caractères :
la parole informe, elle interpelle et elle exprime. Ceci correspond à trois fonctions du
langage
a) L’objet de l’information est un ensemble de faits, de personnes, d’objets et
d’événements. C’est le langage objectif propre à l’historiographie, à la didactique et
aussi aux sciences exactes. Exemple : « Le 12 octobre 1492 fut découvert le
continent américain».
b) La parole exprime des sentiments, des émotions, c’est-à-dire, l’intériorité de
l’homme et sa participation aux événements de la vie. C’est le propre des mémoires
et des confessions, du lyrisme. Exemple : les vers fameux de sainte Thérèse : « je vis
sans vivre en moi-même et j’attends une vie si haute que je meurs de ne pas mourir
» (Poèmes I. Œuvres complètes).
c) Tout homme s’est déjà adressé à un autre homme pour l’interpeller, provoquer sa
réponse et l’influencer. Le fait d’interpeller est le propre de l’art oratoire et de
certaines formes littéraires comme la vocation, le commandement, etc. Exemple : «
Suivez-moi et je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Mt 4, 19).
Dans la vie, aucune de ces formes ne fleurit à l’état pur. Elles existent entrelacées et
mutuellement conditionnées. La simple information « Dieu est Amour » (Jn 4, 8)
exprime beaucoup du mystère de Dieu et, en même temps, invite inéluctablement
l’homme. Les paroles de Jésus au scribe « Va et fais de même » (Lc 10, 37) par leur
contenu impératif, nous informent sur la parabole du Samaritain et nous révèlent
quelque chose de l’âme de Jésus-Christ. Quand le Christ dit à Marthe : « Je suis la
Résurrection » (Jn 11, 25), il dévoile pour l’histoire un peu de son intimité, mais nous
informe et nous interpelle par cette définition de lui-même.
III. L’ANALOGIE DE LA PAROLE
« Dieu, dans l’Écriture, a parlé par des hommes à la manière des hommes » (Concile
Vatican II, DV 12). Le véhicule de la communication divine avec l’homme est donc
spécialement la parole, le langage humain. Les musulmans croient que le Coran a été
dicté par l’ange Gabriel à Mahomet. Les Mormons croient que leurs saints
documents ont été trouvés écrits dans une langue inconnue sur des tables d’or. Pour
un chrétien, la parole de Dieu n’est pas venue par l’intermédiaire des anges mais par
des hommes.
La parole divine ne parvient pas aux hommes en sons dépourvus de sens, mais en
phrases et propositions de révélation. Au Paradis, Yahvé adresse la parole à Adam en
termes compréhensibles : « Où es-tu ? »(Gn 3, 9). Dieu n’a pas d’autre manière
d’établir la communication avec l’homme, de se révéler et de lui révéler son dessein
de salut. La parole divine s’est incarnée en parole humaine concrète : hébreu,
araméen, grec. Par ces langues d’hommes, Dieu est entré en dialogue avec des
hommes concrets et avec l’humanité entière. Il est vrai que « la Parole de Dieu n’est
pas enchaînée », mais elle a été versée dans un moule particulier, comme en sa
faisant chair, elle a assumé une race, une famille, une nation.
Jésus Christ est l’Unique Parole du Père, dont toutes les paroles révélées sont le
reflet. La Bible est révélation à partir du Christ, en Christ et par le Christ. « Révélant
le sens de la Bible Jésus y reconnaît le reflet de la lumière qui brille en lui, il y écoute
un écho lointain de la Parole qui résonne en sa conscience humaine », écrit H. de
Lubac.
Si la parole divine est organique et structurée, cela est indubitablement dû à son
caractère public et social. Elle est destinée à une communauté non à des individus
précis (prophètes, sages, voyants, etc.) qui ne sont que des médiateurs et des
porteurs de la révélation divine. C’est la révélation de la société trinitaire à la société
humaine, faite à l’image et à la ressemblance de Dieu. Yahvé parle au peuple,
comme Jésus s’adresse à la multitude ou au groupe des douze, et les apôtres
prêchent dans les synagogues, sur les places publiques ou dans les églises
domestiques. Le cénacle de Jérusalem ou l’aréopage d’Athènes, la plaine au pied du
mont Sinaï ou les sanctuaires du Gilgal et Bethel, sont des lieux où la parole divine
arrive aux hommes réunis en assemblée, en peuple, en communauté, par
l’intermédiaire d’hommes et du langage humain.
La parole possède un souffle créateur. Elle crée le peuple d’Israël et « l’ecclésia*1+* »
chrétienne. Elle crée l’histoire. La création entière est l’œuvre de la parole divine. La
parole divine est créatrice parce qu’elle est efficace, car Dieu est fidèle à sa
promesse, à sa parole. Le psaume 28 nous décrit Yahvé comme un souverain
exerçant son autorité d’une voix puissante sur les éléments de la nature. Et la parole
de Jésus réalise les miracles les plus surprenants chez les malades qu’il a rencontrés
sur son chemin ou sur les forces naturelles, telles qu’une tempête sur la mer de
Galilée.
Voyons maintenant brièvement comment la parole divine réalise les trois fonctions
de la parole humaine. Si Dieu a choisi le langage humain pour communiquer avec les
hommes, la parole de Dieu – sa révélation – devra assumer toutes les fonctions de la
parole. Dieu pourrait-il, se réduire à n’être qu’un simple conteur de faits et de vérités
? Si Dieu est une personne et que la révélation est ouverture de son intimité et
dialogue avec l’homme, Dieu ne prétendra-t-il pas exprimer la richesse de la vie
trinitaire, faire appel aux fibres les plus délicates du cœur humain, pour l’amener à la
vérité du salut ?
Il faut lire la Sainte Écriture comme l’œuvre d’un langage complet par l’intermédiaire
duquel Dieu nous parle. Si la parole divine en reste à une fonction informative, la
Bible ne serait qu’un livre didactique, mais dans la Bible, en plus de l’histoire, il y a du
lyrisme, de la poésie, du drame. Pourra-t-on la réduire au lyrisme ou à l’histoire ?
Absolument pas. La fonction du langage est en étroite relation avec les genres
littéraires et tout le monde sait que la Bible se compose de nombreux livres aux
genres littéraires très divers par lesquels on s’adresse à l’intelligence (information), à
la volonté (interpellation) et au cœur (expression). Dans la Bible, Dieu tout entier,
dans sa plénitude, parle à tout l’homme
.
Prenons un exemple pour éclairer ces idées. Lorsqu’il parle de la naissance de Jésus,
Luc nous donne une information historique très précise : « il arriva qu’en ces jours là
parut un édit de César Auguste ordonnant que tout le monde se fasse recenser » (Lc
2, 1ss). Dans la rencontre de l’ange avec les bergers se dévoile la fonction
d’interpellation : « Ne craignez pas, car je vous annonce une grande joie… » (Lc 2,
10ss) et c’est encore plus clairement que cette fonction apparaît dans l’annonce de
l’ange à Marie : « Tu concevras, tu mettras au monde un fils…Comment cela se fera-
t-il ? … L’Esprit du Seigneur viendra sur toi…Qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1,
26-38). Le Magnificat de Marie est un exemple de la fonction expressive (Lc 2, 29-
32).
Ce qui est dit sur la parole divine est basé sur le principe d’analogie entre elle et la
parole humaine.
L’analogie dit ressemblance par un aspect, mais dissemblance (ou différence) sur
tous les autres
Ainsi donc, la parole divine s’est humiliée et s’est abaissée jusqu’au langage humain ;
Ainsi, elle l’a non seulement élevé, mais encore elle l’a sublimé et enveloppé de son
mystère. Ne nous arrêtons pas à la lettre, nous recommande saint Jean
Chrysostome, mais considérons qu’à cause de notre faiblesse, Dieu utilise le langage
humble pour réaliser notre salut d’une façon digne de Dieu. Donc, si nous voulions
prendre toutes les paroles à la lettre et non dans un sens digne de Dieu, ne
s’ensuivrait-il pas des absurdités et des contradictions ?
La parole divine passe par la parole humaine, sans s’identifier avec elle, comme la
grâce passe par les sacrements. Elle en fait sa demeure et de là, elle dialogue et
établit la rencontre du salut avec les hommes. Avec condescendance envers
l’homme et son langage, la parole divine, descendue par l’échelle de Jacob (Gn 28,
10-22) jusqu’à son interlocuteur, ne reste pas sur la terre, mais remonte par cette
même échelle jusqu’à la hauteur du mystère caché dans sa propre révélation à
l’intelligence humaine. La lumière de la parole divine ne touche l’homme que d’un
seul de ses rayons infinis, avec une lumière suffisante pour le transfigurer et le
conduire au salut, mais avec une surabondance de lumière inaccessible pour lui faire
voir que Dieu est Dieu et non pas homme, et que sa parole ne reste pas enchaînée
par le langage humain.
IV. LES HÉRAUTS DE LA PAROLE DIVINE
Dans la Constitution dogmatique Dei Verbum, il est dit ouvertement : « Dieu a parlé
par des hommes, à la manière des hommes » (DV, 12). Seule la parole humaine peut
donner corps et forme à la parole divine. La médiation est une condition absolument
nécessaire pour que la parole de Dieu arrive aux oreilles humaines et influence
efficacement leur vie, d’une efficacité salvatrice. Fixons d’abord notre attention et
notre intérêt sur la nature même de la médiation.
En acceptant que la médiation soit nécessaire dans la communication entre le divin
et l’humain, il faudra tout autant admettre qu’il appartient à la nature de la
médiation d’appauvrir la réalité médiatrice. Si dans la médiation entre les hommes,
ou entre la pensée et la parole, l’appauvrissement du message se vérifie, ceci
s’intensifie dans le cas d’une médiation entre Dieu et la parole humaine. C’est la
parole même de Dieu qui nous arrive, mais transformée en parole humaine et
soumise aux limites des capacités d’un langage humain déterminé. Le message
arrive, la parole divine se rend présente et vivante devant les hommes, mais avec
des signes d’expression de l’homme qui parle une langue déterminée et appartient à
une culture déterminée
.
Qu’est-ce qui rend possible cette médiation de la révélation divine ? La présence
active, dynamique de l’Esprit de Dieu chez les médiateurs. Parmi les médiateurs
(comme les patriarches, les juges, les rois, les prophètes, les prêtres, les apôtres
etc…) ceux qui possèdent une conscience plus vive de l’initiative divine sur leurs
personnes et sur leurs paroles sont les prophètes. Dans leurs écrits, ils ont concrétisé
bien souvent le dynamisme divin qui les pénètre et les secoue jusque dans les fibres
les plus intimes de leur personnalité. Cette même force divine agit sur les auditeurs
ou les lecteurs de telle sorte que la parole humaine, pénétrant dans les oreilles et le
cœur des hommes, souffre sous l’action de l’Esprit Saint, la mise à nu du langage
humain et arrive à l’intimité de l’âme comme « Parole de Dieu ».
Les paroles des médiateurs ont été, par conséquent, comme condensées en Jésus
Christ, le Verbe, la Parole de Dieu, l’unique médiateur entre Dieu et les hommes. Les
médiateurs qui l’ont précédé sont une « préparation » ; ceux qui l’ont suivi
constituent le « prolongement » de la seule Parole vivante et efficace par laquelle
Dieu s’est révélé aux hommes, Jésus Christ, Fils de Dieu et de Marie.
[1] * Terme défini dans le lexique final.
Chapitre 2
Transmission-tradition
Au moment historique qu’il nous est donné de vivre, la transmission - tradition qui
nous relie au passé, est dévalorisée, tout comme le passé lui-même. Au milieu des
cendres du passé, cependant, il y a une grande richesse cachée. La découvrir,
l’assumer et l’assimiler est ce qui incombe à chaque génération et à chaque époque.
Chaque génération est une création, mais pas « à partir du néant », mais bien « à
partir de la tradition », à partir de l’accueil purificateur et sélectif du passé proche ou
lointain.
I. Introduction.
II. Le fait de la transmission - tradition.
III. Fonctions de la transmission – tradition.
IV. Le milieu ambiant de la transmission – tradition.
V. Langues et matériaux utilisés pour la transmission de la Révélation.
APERÇUS
- Comment savons-nous que ce qui est écrit dans la Bible est authentique ? L’étude
de la transmission de la Sainte Écriture peut nous aider à répondre à cette question.
- Pourquoi le rejet de la tradition s’oppose-t-il à l’histoire et à la science ? Pensez à ce
qui se passerait si nous nous fiions uniquement à tout ce qui arrive et se dit dans le
moment présent.
MOTS CLEFS :
Transmission : Tradition
I. INTRODUCTION
Si l’on veut s’opposer au rejet de la tradition, il faut mettre en valeur la signification
positive. Tout d’abord, la tradition est une condition d’identité d’une personne ou
d’un groupe humain. Le passé garde nos racines biologiques et culturelles,
religieuses et morales. Le travail de chaque génération n’est pas de couper l’arbre et
de semer une nouvelle plante sur la planète terre, mais de tailler l’arbre pour qu’il
grandisse avec une vigueur nouvelle et donne de nouveaux fruits. Les Pères de
l’Église n’ont pas cessé de regarder la tradition, comme modèle éternel de la foi et
de la conduite chrétienne. Saint Cyrille de Jérusalem, entre autres, dans ses fameux
catéchismes, recommandait aux chrétiens la fidélité à la tradition : « maintenez les
traditions, que vous recevez maintenant et inscrivez-les dans votre cœur... (ici
l’évêque remettait aux chrétiens la formule du credo). On t'a remis un trésor de vie
et le Seigneur te demandera compte de ce dépôt le jour où il apparaîtra ».
Ensuite, la destination universelle de la révélation d’une part et le destin historique
de l’homme d’autre part, exigent la transmission – tradition de la révélation. Si par
impossibilité la chaîne de la transmission - tradition s’était rompue, l’humanité serait
revenue, dans ses relations avec les hommes, aux « hominidés (*) » d’il y a des
millions et des millions d’années, et dans ses relations avec Dieu, au point zéro. La
parole révélatrice de Dieu resterait ensevelie dans la froide caverne d’un passé sans
nom.
Quand nous parlons de transmission - tradition de la révélation nous nous référons à
tout le processus de ce phénomène, depuis le commencement, à travers les
nombreuses générations, jusqu’au présent. Ce qui nous intéresse, nous, c’est la
transmission - tradition depuis la naissance de ce fait jusqu’au moment où le canon
biblique (*) est arrivé à son apogée et à son accomplissement. Il est évident, en
outre, que ce qui nous intéresse n’est pas la totalité de l’étendue de la tradition
humaine, mais uniquement la tradition révélée dans tout le substrat de la Sainte
Écriture. Nous sommes intéressés par la tradition religieuse et par tout le reste en
tant que véhicule de la parole divine.
Après cette brève introduction définissons la transmission et la tradition :
Transmission : c’est l’acte par lequel le peuple de Dieu, guidé par des hommes
choisis, communique à la génération suivante la révélation divine jusqu’au moment
où ladite révélation se fige en texte sacré et canonique.
Tradition : ce sont les événements, coutumes et vérités contenues dans la révélation
et qui, transmis par voix orale ou écrite au long de nombreux siècles, sont restés
définitivement modelés dans la Sainte Écriture
.
II. LE FAIT DE LA TRANSMISSION – TRADITION
1- Constatation du fait.
Le fait de la transmission est un phénomène indéniable, inséré dans la nature
historique et sociale de l’homme. Par l’expérience humaine on transmet ce que l’on
considère précieux pour les générations futures. Dans la Bible, on transmet la Parole
et l’action de Dieu sur la nature et surtout sur l’histoire. Les écrivains sacrés ont eu
conscience de ce fait et nous en ont laissé la trace dans leurs écrits. Ils ont manifesté
cette conscience à différentes époques dans leurs livres au genre littéraire divers et
cela tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament
Dans le Deutéronome (4, 9), Moïse, se souvenant de la révélation de Dieu à l’Horeb,
adresse la parole à son peuple : « Ne vas pas oublier ces choses que tes yeux ont
vues et ne les laisse, en aucun jour de ta vie, sortir de ton cœur ; enseigne-les, au
contraire, à tes fils et aux fils de tes fils ». Le psaume 78, 3-4, où l’auteur essaie de
mettre devant les yeux de son peuple les leçons l’histoire d’Israël, parle ainsi : « nous
l’avons entendu et connu, nos pères nous ont appris, nous ne le tairons pas à nos
enfants. »
Paul, à plusieurs occasions, emploie la formule : « je vous ai transmis ce que j’ai moi-
même reçu… ». Dans toutes ses épîtres se trouvent des textes provenant de la
tradition apostolique dans laquelle il se trouve lui-même immergé et qu’il
communique à ses communautés. Tout cela parce que Paul est très conscient de ce
que « la foi naît de la prédication et la prédication de la parole du Christ. » (Rom.10,
17 )
2- Exigences de la révélation elle-même.
La transmission - tradition n’est pas seulement un fait vérifiable dans le texte sacré, il
est bien davantage une exigence de la révélation elle-même. La révélation de Dieu
commence par une bénédiction, une promesse et une alliance. Abraham reçoit de
Dieu la bénédiction et la promesse : « Je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai
ceux qui te maudiront…(bénédiction). Par toi seront bénies toutes les races de la
terre (promesse) (Genèse 12, 3). Et ensuite l’alliance : « Ce jour là Yahvé conclut une
alliance avec Abraham en disant : à ta descendance j’ai donné ce pays, depuis le
fleuve d’Égypte jusqu’au Grand fleuve, le fleuve Euphrate... » (Genèse 15,18 ).
Dieu est fidèle à son alliance et à sa promesse et le peuple d’Israël n’a cessé de les
transmettre de génération en génération. Comme Dieu est fidèle, la promesse doit
s’accomplir malgré les difficultés et au milieu des vicissitudes de l’histoire et
l’alliance n’est pas rompue par l’infidélité humaine, mais Dieu s’en sert pour lui
montrer son amour et établir une alliance parfaite et définitive dans le sang de
Jésus-Christ.
Le Christ assume en lui-même et personnalise la promesse. Il en fait une réalité et
établit l'alliance par son offrande sacrificielle sur la croix. Avec le Christ on fait un pas
de la promesse de descendance biologique à l’alliance messianique : de l’alliance de
la loi à l’alliance de la grâce.
Une nouvelle tradition et transmission, reliée à la précédente mais nouvelle et
originale s’inaugure avec le Christ Jésus. De cette façon Jésus-Christ est constitué
point d’aboutissement de la tradition d’Abraham et, en même temps, point de
départ de la nouvelle tradition chrétienne.
3- Impératif divin
La transmission - tradition est aussi un impératif divin inéluctable puisqu'il va de
l’identité de chaque israélite et de tout le peule d’Israël. L’impératif divin jaillit
comme une nécessité de sa fidélité sponsale envers Israël : qu’ils n’oublient pas
Yahvé, leur époux ; de même, qu’ils lui soient fidèles.
« Il avait commandé à nos pères de le faire connaître à leurs enfants, que la
génération qui vient le connaisse, les enfants qui viendront à naître ; qu’ils se lèvent,
qu’ils racontent à leurs enfants, qu’ils mettent en Dieu leur espoir, qu’ils n’oublient
pas les hauts faits de Dieu et ses commandements qu’ils les observent». (Psaume 78,
56,7ª ).
Les Apôtres vivent sous ce même impératif divin. Les Actes nous racontent que
Pierre, devant les membres du Sanhédrin qui leur interdisaient de parler au nom de
Jésus, répondit au nom de tous : « Jugez s’il est juste devant Dieu de vous obéir à
vous plutôt qu’à Dieu. Nous, nous ne pouvons pas cesser de dire ce que nous avons
vu et entendu » (Ac 4, 19). Si le salut ne s’obtient que grâce à l’acceptation de
l’Évangile de Jésus-Christ, la transmission de génération en génération est
absolument nécessaire et impérativement obligatoire. « Nous ne pouvons pas ne pas
le faire » comme le disait Pierre lui-même.
III - FONCTIONS DE LA TRANSMISSION - TRADITION
1 - Fonction conservatrice
L’acte de transmettre n’a de signification que s’il est fait pour conserver ce que l’on
transmet (tradition ). Comme l’on transmet la vie pour la conserver et pour que
l’humanité ne s’éteigne pas, de la même façon, on transmet les lois qui régissent la
constitution d’une nation, les coutumes familiales, les traditions religieuses, etc…afin
qu’elles survivent dans l’avenir pour les nouvelles générations.
De ce point de vue la transmission - tradition a une relation avec l’idée de culture,
cet ensemble de principes, de normes, de lois de vie, de coutumes, de valeurs, etc
qu’ont légué à l’humanité l’Égypte, la Grèce, Rome, l’Europe chrétienne, l’empire
inca ou aztèque. Elle est en relation aussi avec l’histoire, maîtresse de vie, de sorte
que l’homme apprenne à vivre dans le présent en voyant comment on a vécu dans le
passé, en l’assumant de façon critique. Ainsi donc, parmi les fonctions de la
transmission - tradition, celle qui se distingue indubitablement le plus est la fonction
conservatrice. Transmettre quelque chose (tradition) implique de façon intrinsèque,
non seulement la volonté de conserver ce que l’on transmet, mais aussi la
conservation elle-même. D’une certaine manière, transmettre c’est conserver.
Au long des siècles de la transmission biblique, celle-ci s’est d’abord réalisée à
l’intérieur de la famille, du clan ou de la tribu. Ce n’est que si la famille, le clan ou la
tribu, étaient capables de conserver leurs traditions qu’ils avaient l’assurance d’une
survie historique. Dans le cas contraire, ils étaient absorbés par d’autres clans ou
tribus, sans laisser de trace dans la succession des événements de l’humanité. Ce qui
vaut pour la famille, le clan ou la tribu, est également valable pour une nation. Si,
durant l’exil babylonien et les siècles qui ont suivi, Israël n’avait pas cherché son
identité en tant que nation dans tout le bagage dogmatique moral et culturel légué
par le passé, il aurait, sans aucun doute, succombé sous la griffe de l’empire assyrien,
babylonien, persan, grec ou romain.
Quand, au Ve siècle, le judaïsme se constitue et déjà la Torah (*) (le Pentateuque :
Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome) et une grande partie des écrits
prophétiques acquièrent leur forme définitive, les écoles rabbiniques surgissent afin
de conserver fidèlement le texte sacré et de l’actualiser pour chaque époque et
chaque génération. En plus du texte écrit et des méthodes mnémotechniques (par
exemple répétitions fréquentes à haute voix, formules concises sous forme de
sentences, emploi de la mise en parallèle, mots mnémotechniques, etc.), la fonction
conservatrice de la transmission - tradition se manifestait dans le culte où beaucoup
de textes canoniques de l’Ancien Testament et du Nouveau, ont acquis leur forme
définitive.
2 - Fonction constitutive
Intimement liée à la fonction conservatrice se trouve la fonction constitutive. Ce qui
s’est transmis peu à peu arrive à son moment de maturation, et se transforme en
texte immuable et permanent dans lequel le peuple d’Israël, ou le peuple chrétien,
écoute la parole du Dieu vivant et trouve les modèles de son identité et de son
existence juive ou chrétienne. La transmission - tradition est alors constituée, par la
force de sa valeur permanente et de son origine divine, en Écriture Sainte,
expression définitive de la volonté de Dieu.
Ce que Dieu, révélateur et principal auteur de l’Écriture, a considéré nécessaire au
salut de l’humanité, est resté comme consacré par le canon biblique sous les espèces
de la parole humaine. C’est l’auteur divin lui-même qui a révélé les Écritures, a guidé
et assisté l’Église dans le choix des livres normatifs de son identité et de sa vie qui, en
même temps que l’Eucharistie, constituent sa nature la plus intime et la plus
essentielle. Ce que Dieu a révélé progressivement au long des siècles, une fois
constitué texte sacré, canonisés par l’Église, à des moments précis de l’histoire, se
transforme en Parole vivante, impérissable et éternelle, qui lance son cri d’appel et
de salut aux quatre points cardinaux de la planète.
3 - Fonction rénovatrice
Deux mots pour terminer sur la fonction interprétative et innovatrice de la
transmission - tradition. Les études d’exégèse des deux derniers siècles ont mis en
évidence le travail interprétatif et innovateur interne de la Bible elle-même,
précisément pour que la transmission – tradition soit significative et parlante pour
les destinataires d’un texte à un moment déterminé de l’histoire, antérieur à la
fixation définitive et constitutive de l’Écriture. Le NT, dans son ensemble, interprète
et actualise à partir de la nouveauté du Christ, tout l’AT. L’exode est interprété de
façon nouvelle par le groupe sacerdotal en exil à Babylone, quand Cyrus en l’an 538
leur permit de retourner dans leur propre patrie. L’alliance du Sinaï reçoit un
nouveau souffle avec la promesse d’une nouvelle alliance inscrite non pas sur des
tables de pierre, mais plutôt dans le cœur des hommes. La Pâque juive reçoit une
lumière nouvelle et transformante de la pâque chrétienne dans le sang du Christ. La
tradition de Jésus est méditée et mieux comprise, sous l’action de son Esprit, par la
communauté apostolique après la Pentecôte.
4 - Fonction eschatologique.
La transmission – tradition tend par la force de son dynamisme intérieur même à
atteindre un objectif précis : dans l’Ancien Testament, la permanence, dans
l’histoire, de la présence salvatrice vivante et actuelle du Dieu d’Abraham, d’Isaac et
de Jacob, à travers la Révélation faite par Dieu au peuple d’Israël. Dans le Nouveau
Testament, la présence historique salvatrice du Dieu de Jésus–Christ, vivant et
glorieux, par l’intermédiaire de l’Église, dépositaire de la révélation et de la tradition
chrétiennes. Les vicissitudes politiques, institutionnelles, religieuses, etc., changeront
au long de l’histoire du peuple israélite, mais la relation vitale avec le Dieu des Pères
restera comme élément essentiel de la transmission – tradition. L’Église, à son tour,
traversera historiquement des situations et des époques très différentes, mais dans
la transmission – tradition ecclésiale le centre sera toujours occupé par le Dieu de
Jésus-Christ, l’Homme­Dieu.
A travers cet « eschaton » (*) historique, la transmission - tradition, une fois
cristallisée dans la Sainte Écriture, se projette vers l’eschaton définitif, dans l’au-delà,
quand le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et le Dieu de Jésus-Christ sera tout en
tous, et que l’homme atteindra la plénitude de la vérité dans le mystère de Dieu.
C’est la raison pour laquelle la constitution sur la révélation divine affirme : « l’Église
chemine à travers les siècles vers la plénitude de la vérité, jusqu’à ce que
s’accomplissent pleinement en elle les paroles de Dieu ». Dans l’au-delà, la Parole de
Dieu, transmise par les hommes, et qui vit dans l’Écriture et dans l’Église, arrivera à
être pleinement vérité salvatrice et appartiendra à tous les sauvés. Alors, la
transmission - tradition s’achèvera et sera remplacée par le « gaudium » de la
contemplation du mystère de Dieu.
5 - Fonctions coexistantes
De cet exposé on déduit que les fonctions de la transmission - tradition peuvent être
distinguées les unes des autres et que nous pouvons les séparer de façon analytique,
mais sans perdre de vue qu’elles coexistent, qu’elles s’appuient et se complètent
réciproquement, qu’elles sont hiérarchisées et subordonnées à la Parole définitive,
Jésus-Christ, alpha et oméga de toute l’Écriture : oublier ou omettre l’une d’entre
elles c’est mutiler et appauvrir la richesse et le contenu de la transmission - tradition.
Si la tradition juive n’avait pas conservé le souvenir de la première pâque, au pied du
Sinaï, cet événement n’aurait jamais été institué texte canonique et, ni Jésus, ni
l’Église ensuite, n’auraient interprété la passion - mort - résurrection de Jésus-Christ
comme la pâque nouvelle et définitive, le sommet du passage de Dieu dans
l’histoire. L’Apocalypse n’aurait pas non plus, décrit la Jérusalem nouvelle dans
laquelle il n’y aura plus de temple parce que l’agneau est son temple ; il n’y aura pas
besoin de la lumière du soleil, puisque l’Agneau sera sa lampe, il n’y aura pas de
malédiction, parce que le trône de Dieu et de l’Agneau est au milieu d’elle, et ses
serviteurs l’adoreront ; ils verront son visage et porteront son nom sur leur front (Ap
21, 22-23 et 22, 3-4). Sans conservation, il n’y a pas constitution et, en leur absence,
ni l’interprétation, ni l’innovation, ni l’élan eschatologique ne sont possibles.
IV - LE MILIEU AMBIANT DE LA TRANSMISSION -TRADITION
1 - Dans l’Ancien Testament.
Il s’agit de considérer quels ont été les lieux, ou les circonstances, où la révélation
divine s’est réalisée et où la transmission - tradition a été possible. Selon la nature
des livres sacrés, des péricopes ou des cycles de textes (par exemple le cycle
d’Abraham : Gn 12-25 ; ou le cycle des paraboles : Mt 13), comme ambiances plus
propices à la formation des traditions et de leur transmission, on peut distinguer :
a) Les divers sanctuaires israélites (Béthel, Silo, Sichem, Gilgal, Hébron, etc.) et, en
particulier, le culte dans le Temple de Jérusalem.
b) La cour royale, surtout aux moments de splendeur (David et Salomon) ou de
rénovation (Ezéchiel, Josias).
c) Les périodes de crise qui sont éclairées par la parole prophétique et les
fulgurations apocalyptiques (chute de Samarie, exil, persécution à l’époque des
Maccabées).
d) Dans le judaïsme tardif, l’école rabbinique et la synagogue acquièrent une
importance comme lieu de transmission.
2 - Dans le Nouveau Testament
a) En ce qui concerne le christianisme, le lieu par excellence de la transmission est le
culte chrétien. Les textes les plus proches de l’origine, (les plus anciens), du cycle de
la passion et un grand nombre des textes de la vie publique, se sont transmis et fixés
dans l’ambiance du culte dominical.
b) Par rapport au culte, comme chemin de préparation à ce dernier, se trouve la
prédication primitive ou kérygme, dans laquelle on insiste surtout sur le mystère
pascal chrétien selon les Écritures (relecture de tout l’AT à la lumière de la passion -
mort - résurrection de Jésus-Christ et vice versa ).
b) Comme complément du culte, on fait la catéchèse auprès de ceux qui sont déjà
baptisés. Par cette ambiance de catéchèse, on transmet une grande partie des
Évangiles de l’Enfance, de nombreux textes de la vie publique et quelques
particularités du cycle de la passion et des apparitions.
c) Non moins importante pour la transmission - tradition est l’ambiance
missionnaire, soit relative aux juifs (textes surtout polémiques) soit relative aux
païens (discours missionnaires, miracles...).
d) Dans le reste du NT (tout comme, dans une certaine mesure, à l’intérieur des
Évangiles) le milieu ambiant (Sitzim Leben), ce sont les communautés déjà
constituées auxquelles s’adressent le plus fréquemment les apôtres ou leurs
disciples (école apostolique) pour expliquer certains aspects doctrinaux relatifs au
mystère du Christ, pour corriger des déviations, pour écarter et défendre les
communautés des faux prophètes et docteurs, pour enseigner le comportement
chrétien dans certaines situations de la vie personnelle ou sociale, pour soutenir et
encourager dans les moments de persécutions ou de crises.
L’étude de l’ambiance de la transmission - tradition de la Bible met en évidence le
caractère fragmentaire et occasionnel d’un grand nombre d’écrits de l’AT et du NT,
sans que pour cela, il ne soit plus vrai que tout ce qui est nécessaire à notre salut est
contenu dans les textes scripturaires.
V - LANGUES ET MATÉRIAUX UTILISÉS POUR
LA TRANSMISSION DE LA RÉVÉLATION
La révélation ou parole de Dieu à l’homme, a dû « s’incarner » en parole humaine
pour être intelligible et ainsi être transmise. L’histoire de la transmission écrite de la
révélation suit fidèlement l’histoire de la mise en canon des livres sacrés ; il s’agit,
cependant, de deux procédés différents et qui ne coïncident pas nécessairement.
1 - Les langues de la Bible
Les livres canoniques de la Bible ont été écrits en hébreu, en araméen et en grec. La
majeure partie de l’AT a été écrit en hébreu. En araméen on trouve quelques
fragments vétérotestamentaire : Es 4, 8-6, 12-26 ; Dan 2, 4-7, 28. Ont été écrits en
grec : 2M, le livre de la Sagesse et tous les écrits du NT.
La Bible a été écrite en trois langues, parmi elles deux sont sémitiques (*) tandis que
l’autre est indoeuropéenne (*). Dieu est souverainement libre de choisir les langues
par lesquelles faire parvenir sa révélation à l’humanité. Pour autant, il n’est pas licite
de tomber dans la « sémitolâtrie » et de penser que le grec a trahi l’idiosyncrasie de
la langue et de l’âme sémite ; le grec est également apte à transmettre la révélation
divine. Qui opposerait de façon excessive la pensée hébraïque à la pensée grecque
au point d’identifier la révélation avec la première, tomberait dans une impasse et
ne ferait pas honneur à la libre action de Dieu, pour qui le dessein biblique du salut
est susceptible d’être traduit et exprimé en d’autres langues et d’autres cultures.
2 - Le matériau de l’Écriture
On ne compte aucun texte originel de la Bible, pas même du NT. Et même au IIIe
siècle déjà, les textes originaux néotestamentaires avaient disparu. Ceci s’explique
par le fait que le matériau qu’on utilisait couramment au Ier siècle après Jésus-Christ
et pendant les nombreux siècles précédents, était le papyrus beaucoup plus
abondant et plus économique que le parchemin, mais en même temps plus exposé
aux offenses du temps. Le papyrus dut cependant être le matériau employé pour les
autographes aux époques de l’Ancien Testament comme dans celles du Nouveau.
On avait l’habitude de donner au texte écrit sur papyrus la forme d’un rouleau de dix
mètres de long sur 25 à 30 cm de large. Les extrémités étaient renforcées avec deux
baguettes de bois qui permettaient de le dérouler plus facilement. D’ordinaire le
rouleau de papyrus est peu résistant. Sur le rouleau, on avait l’habitude d’écrire
d’une écriture continue sans séparer les mots les uns des autres.
Chapitre 3
L'inspiration
Dieu s’est révélé aux hommes pour en faire l’objet de son amitié et de son Amour
(DV, 2). Étant une révélation de salut engageant le présent et l’avenir définitif de
l’homme et de tout homme, non seulement cette révélation ne peut sombrer dans
l’oubli mais il faut la transmettre soit oralement, soit par écrit. La révélation de Dieu
stabilisée en tradition qui doit se transmettre aux générations futures, parvient à la
fixation écrite à un moment historique donné et forme ainsi la Sainte Écriture.
Qu’est-ce qui caractérise et différencie le texte sacré de n’importe quel autre texte
religieux du christianisme ou des autres religions ? Depuis toujours, le judaïsme
d’abord et le christianisme ensuite, ont vu les Écritures comme inspirées par Dieu.
Parce qu’elles sont inspirées par Dieu, elles sont canoniques, c’est à dire fondations
et normes de notre foi. Parce qu’elles sont inspirées et canoniques, elles contiennent
et sont ce que Dieu a voulu nous communiquer pour notre salut (vérité salvatrice).
Dans ce chapitre nous traiterons de l’inspiration.
I - Le phénomène de l’inspiration.
II - La conscience de l’inspiration dans la bible.
III - La réflexion de l’Église sur l’inspiration
APERÇUS
- Pourquoi disons-nous que la Bible est Parole de Dieu ? Ce qui est certain c’est que
les textes bibliques ont été écrits par des hommes.
- Pourquoi y a-t-il des gens, y compris des chrétiens, qui ne croient pas à la Bible ?
Pour un grand nombre, les livres de la Bible ne sont rien d’autre que des textes
littéraires comme bien d’autres.
MOT CLEF :
Inspiration biblique
I - LE PHÉNOMÈNE DE L’INSPIRATION
Quand on parle d’inspiration biblique, on fait référence aux textes sacrés de l’Ancien
et du Nouveau Testament, mis par écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint.
Maintenant, l’Esprit Saint n’agit plus seulement dans les livres sacrés et chez les
hagiographes (écrivains sacrés ou écrivains des livres de la Bible), mais aussi avec
d’autres personnes, ou les événements antérieurs ou postérieurs aux Livres sacrés
l’histoire du salut, tout le dessein de salut de Dieu depuis le commencement jusqu’à
la fin des temps.
Dans la Bible, en effet, l’Esprit de Dieu se revêt de métaphores variées pour montrer
sa force et sa liberté, sa présence multiple, invisible et dynamique. C’est un vent
divin qui plane sur l’abîme primitif de la création (Gn 1, 2) ; c’est une force
impétueuse qui s’empare de Samson et le pousse à des exploits héroïques (Jg 1, 25)
ou une force vivifiante qui, des quatre points cardinaux, vivifie les ossements
desséchés contemplés par le prophète (Ez 37, 9) ; c’est un souffle divin qui anime
Adam et une brise suave qui adoucit l’angoisse d’Élie (1Ro 19, 12). C’est une langue
de feu le jour de la Pentecôte (Ac 2), c’est une voix murmurant le nom « ABBA » dans
l’intimité de l’âme (Ga 4, 6 ; Rm 8, 15) ; c’est le don de charismes variés dans l’Église
(Cor 12, 4-11).
La Bible met en relief non seulement la présence active de l’Esprit, mais encore
l’efficacité de son action. Par l’œuvre du Saint-Esprit la création entière acquiert un
visage d’ordre et de beauté, de chaos elle se transforme en cosmos. Dieu a soufflé
son Esprit et le peuple d’Israël est passé de l’esclavage à la liberté (Ex 15, 10) ; l’Esprit
de Pentecôte souffle et la Parole de Dieu résonne avec sincérité, suscite la foi de la
multitude, l’Église se construit dans la communion de foi et de charité, le monde
s’ouvre à l’espérance (Ac 2). L’Esprit de Dieu pousse les prophètes à parler : depuis
Balaam, le prophète de Moab (Nb 22, 38 et 24, 2 sv) en passant par Isaïe (Is 59, 21)
jusqu’à l’auteur de la seconde lettre de Pierre (2Pi 1, 21). L’Esprit accorde aussi à
certains hommes le charisme d’écrire les livres sacrés (2Tim 3, 16).
Cette présence multiple et dynamique de l’Esprit divin, et son efficacité, se prolonge
dans l’histoire et dans la vie de l’Église. Toute l’action sanctifiante de l’Église est
œuvre de l’Esprit. Le Magistère de l’Église possède une assistance spéciale de l’Esprit
Saint pour remplir les fonctions qui lui sont propres. Les grands inspirés sont les
saints qui se sont laissés posséder par l’action mystérieuse de l’Esprit. Les Conciles, la
fondation d’institutions religieuses nouvelles ou de mouvements et d’associations de
laïcs, pour citer un exemple, sont la preuve de l’activité et du dynamisme de l’Esprit
dans l’histoire.
En conclusion, l’inspiration est un phénomène de l’histoire du salut qui en parcourt
toutes les étapes, mais qui a son sommet dans l’histoire biblique où se condense la
Parole de Dieu à l’homme dans le Christ, avec le Christ et par le Christ. Malgré tout il
reste clair que l’accent n’est pas mis sur les auteurs, mais sur l’Écriture en tant que
divinement inspirée.
En toutes ces inspirations le même Esprit est présent, mais seule l’inspiration
biblique reçoit stricto sensu, au sens propre, le nom d’inspiration. Dans tous les
autres cas, on ne peut pas parler de Dieu en tant qu’auteur ; par contre Dieu est
l’auteur des livres sacrés. Essayons par conséquent de définir ce que l’on entend par
inspiration biblique.
Inspiration biblique : c’est le résultat de l’action charismatique de Dieu (cause
principale, auteur) sur l’hagiographe (cause instrumentale, auteur) qui, usant de
toutes ses facultés et talents (mode humain) et Dieu œuvrant en lui et par lui (mode
divin), met par écrit tout et uniquement ce que Dieu veut (effet).
Dans cette définition entrent trois éléments constitutifs :
1 - Dieu comme inspirateur de l’Écriture Sainte.
2 - L’hagiographe comme inspiré par Dieu en ce qui concerne les Écritures.
3 - L’Écriture inspirée en tant que résultat de l’action inspiratrice de Dieu sur
l’hagiographe qui met ses facultés et ses talents au service de l’inspiration divine.
II - LA CONSCIENCE DE L’INSPIRATION DANS LA BIBLE
Au n° 9, la Constitution Dei Verbum enseigne que « La Sainte Écriture c’est la Parole
de Dieu en tant qu’elle est consignée par écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint ».
Dans cette phrase nous trouvons deux expressions de grand intérêt : (1) parole de
Dieu, (2) écrite sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Notre intention est d’analyser
comment se vérifie, dans la Bible, la conscience du fait que l’Écriture est Parole de
Dieu et qu’elle est écrite sous l’inspiration de l’Esprit Saint.
1 - La Bible est Parole de Dieu.
a) Dans l’Ancien Testament.
La bible juive, ou AT, se divise en trois grandes parties : La Loi, les Prophètes et les
Écrits. Le peuple d’Israël a toujours considéré la Loi comme divine, parce que Dieu la
lui a remise par l’intermédiaire de Moise, prenons deux exemples :
1) Le document du Pacte Sinaïtique (*) : Dieu prononce ses paroles (Ex 20 ss) ; Moise
communique au peuple toutes les paroles du Seigneur et tous ses commandements
(Ex 24,3) et les inscrit (24, 4) ; il lit le livre en présence du peuple et celui-ci répond :
« Tout ce que le Seigneur a ordonné, nous le ferons » (24, 7)
2) Avec le roi Josias (640 à 609 avant Jésus-Christ), la Loi va se transformer en charte
constitutionnelle du roi et de son royaume. Pendant les travaux de restauration du
Temple de Jérusalem on a découvert un livre de la Loi. Dans ce texte on lit ce
passage : « Lorsqu’il (le roi) montera sur le trône royal, il devra écrire sur un rouleau,
pour son usage, une copie de cette Loi sous la dictée des prêtres lévites. Il ne la
quittera pas, il la lira tous les jours de sa vie pour apprendre à craindre Yahvé son
Dieu en gardant toutes les paroles de cette Loi ainsi que ses règles pour les mettre
en pratique. » (Dt17, 18-19)
Cette même conscience se manifeste chez les prophètes. Ceux-ci sont les hommes
de la Parole. Ils ont l’habitude de commencer leur message par des formules comme
celles-ci : La Parole du Seigneur me parvint… ; la Parole du Seigneur qu’il a reçue… ;
Écoutez la Parole du Seigneur ; ainsi parle le Seigneur ; Oracle du Seigneur. Deux
textes sont particulièrement significatifs :
1) Le rouleau de Jérémie jeté au feu par le roi impie Joaquin. Les paroles écrites par
Jérémie sont des paroles du Seigneur ; la destruction du rouleau est interprétée par
le prophète comme un délit contre la Parole de Dieu… Le rouleau est de nouveau
écrit car la Parole de Dieu ne doit pas se perdre (Jr 36 ).
2) Le rouleau dévoré par le prophète Ézéchiel (Ez 2, 8-9) : « Fils d’homme… mange ce
rouleau et va parler à la maison d’Israël » (3, 1). Dans ces textes s’exprime la
conviction de ce que, non seulement l’oracle prophétique, mais aussi le livre - oracle
écrit -, sont Parole de Dieu.
A la fin du second siècle avant Jésus Christ, on ajoute à la Loi et aux prophètes, les
Écrits qui, en majorité, peuvent être rassemblés sous le titre de livres sapientiaux et
didactiques. La sagesse d’Israël qui a commencé à se développer avec l’avènement
de la monarchie, pendant l’exil, s’intériorise et se spiritualise, grâce à une relation
plus étroite avec la foi en Yahvé. Grâce à cette relation, la Sagesse humaine devient
Sagesse de Dieu. Sur cette base, on en vient à l’identifier avec la Torah (Si 24, 22 ; Ba
4, 1), avec la parole des prophètes elle-même (Si 24, 31 ; Sg 9, 17) et, même, elle est
assimilée à la Parole de Dieu (Pr 1, 20-23). Insensiblement, la Sagesse mise par écrit,
est arrivée à être une nouvelle forme de révélation, accueillie par Israël avec la
même autorité que la Torah ou les prophètes.
b) dans le Nouveau Testament.
Durant le judaïsme, comme résultat de l’ensemble du processus décrit jusqu’ici, naît
une vive conscience de posséder une collection de livres sacrés (1M 12, 9) ou
simplement le livre sacré (2M 8, 23 ). Jésus et l’Église primitive s’approprient cette
conscience du judaïsme possédant des livres sacrés. Avec une simple formule : « Il
est écrit », Jésus clôt m’importe quelle discussion (Mt 4, 4-10 ) ou réclame une
autorité indiscutable (Mt 21, 13). L’Écriture apporte un témoignage de sa personne
et de son œuvre, joint à celui du Père et des miracles (Jn 5, 31-40). Pour Jésus, la
Parole de Dieu (écrite) ne peut être annulée (Jn 10, 35).
Dans le Nouveau Testament Jésus est conscient d’être la révélation ultime et
définitive de Dieu. C’est en tant que tel qu’il a parlé et agi. Bien qu’il reconnaisse
l’autorité de l’Ancien Testament, il se situe au dessus de ce dernier : « Il y a ici
quelqu’un de plus grand que le temple, que Jonas et que Salomon… » (Mt 12,6.41-42
). Son autorité se situe même au-dessus de la loi mosaïque (Mt.5, 21-48 ). Quand
l’Église primitive voit en Jésus l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu
(Cor.1, 20 ) ou l’ultime - définitive Parole de Dieu aux hommes (Hb.1, 1-2 ) et même
la Parole de Dieu incarnée (Jn.1, 14 ), elle ne fait pas autre chose que de formuler ce
qui existait déjà dans la conscience de Jésus et qu’il avait lui-même manifesté
ouvertement. Avec Jésus naît une nouvelle tradition, la tradition chrétienne.
Les Apôtres, après la Pentecôte, commencent à prêcher le salut avec courage et
liberté, l’Évangile apporté par le Christ, conscients de ce que Jésus est la parole
définitive de Dieu (Ac 4, 29-31), la Parole du Seigneur Jésus (Ac 8, 25 ) tant aux juifs
qu’aux gentils (*). Luc voit dans l’accroissement de la communauté chrétienne, la
croissance de la Parole (Ac 6, 7 ; 12, 24 ; 14, 20 ). Dieu a non seulement prononcé en
Jésus la parole définitive, mais il l’a également manifestée quand le Christ est
annoncé dans la prédication apostolique. Encore mieux, Dieu continue dans la
prédication apostolique à proclamer Sa Parole, la même que celle qu’il avait
prononcée en Jésus Christ.
Paul parle et agit avec la puissance du Christ (2 Cor 13, 3) pour le salut de ceux qui
l’écoutent (Rm 10, 17) et attribue le même caractère d’autorité à sa parole et à ses
écrits (2Th 2, 15). Aussi n’est-il pas étonnant que les épîtres pauliennes soient
placées à côté d’autres textes de l’Écriture (2Pi 3, 14-16). L’auteur de l’Apocalypse,
de son coté, menace de châtiments quiconque oserait ôter ou ajouter quelque chose
aux paroles de son livre prophétique (Ap 22, 18-29).
En conclusion, pour le peuple d’Israël tout comme pour l’Église, les Saintes Écritures
non seulement contiennent la Parole de Dieu, mais elles-mêmes sont Parole de Dieu.
Et parce qu’elles sont Parole de Dieu elles bénéficient du charisme de l’inspiration.
Nous allons parler de ceci maintenant.
2 - La bible est écrite sous l’inspiration de l’Esprit Saint.
a ) En général.
La présence de l’Esprit de Dieu dans les livres sacrés en vient à être une conséquence
de l’action de l’Esprit dans l’histoire et dans la Parole. La Bible étant le moment
privilégié de la conservation et de la transmission de la révélation, l’Esprit de Dieu ne
pouvait être absent à l’instant définitif et décisif où toute l’histoire du salut,
révélatrice du dessein de Dieu, était mise par écrit, au moment d’atteindre, grâce au
livre sacré, les hommes de tous les temps pour la constitution du nouveau peuple de
Dieu.
Le rapport intime entre Esprit de Dieu et Parole de Dieu écrite s’entrevoit déjà en Is
34, 16 : « Dans le livre de Yahvé œuvrent la bouche et l’Esprit de Yahvé ». Dans
l’oraison pénitentielle de Néhémie la parole écrite de la Loi est attribuée à l’Esprit de
Dieu (Né 9, 20). Dans le Nouveau Testament, on dit qu’il est nécessaire que
s’accomplisse tout ce que l’Esprit Saint a prédit dans l’Écriture par la bouche de
David (Ac 1, 16). Jésus cite lui-même un psaume avec la formule : « David lui-même
sous la motion de l’Esprit Saint a dit … » (Mc 12, 36 )
b ) En particulier
Cependant, les textes classiques dans lesquels on parle explicitement de l’action de
l’Esprit de Dieu dans la parole écrite, c’est-à-dire dans les livres sacrés, sont au
nombre de deux : 2Pi 1, 20-21 et 2Tm 3, 16-17.
(1) 2Pi 1, 20-21 : «Avant tout, sachez-le : aucune prophétie de l’Écriture n’est objet
d’interprétation personnelle ; ce n’est pas d’une volonté humaine qu’est jamais
venue une prophétie ; c’est poussés par l’Esprit Saint que les hommes ont parlé de la
part de Dieu ».
- Dans le texte on ne distingue pas entre prophétie orale et prophétie écrite, on
passe de l’une à l’autre sans aucune différenciation.
- Des deux sortes de prophéties, on dit qu’elles ne proviennent pas de l’initiative
humaine, mais qu’elles furent prononcées ou écrites par des hommes mus par
l’Esprit Saint. Par conséquent, leur prophétie n’est apparemment qu’une parole
humaine, mais dans sa nature plus intime, elle est Parole de Dieu, en tant que
consacrée par l’Esprit Saint.
- Étant Parole de Dieu, consacrée par l’Esprit, elle n’admet pas une interprétation
privée arbitraire.
( 2 ) 2Tm 3, 16-17 : « Toute écriture est inspirée par Dieu et utile pour enseigner,
réfuter, redresser, former à la justice : ainsi l’homme de Dieu se trouve-t-il accompli,
équipé pour toute œuvre bonne ».
- L’action de l’Esprit Saint a des retombées sur « toute l’Écriture ».
- De quelle Écriture parle-t-on : de l’AT ou du NT, ou des deux ensemble ?
Directement, Paul se réfère à l’Ancien Testament : il parle en effet, de l’Écriture que
Timothée a connue par sa mère juive. Indirectement il se réfère à tout livre qui se
présente sous le nom d’Écriture (2Tm 5, 17-18).
- Une chose est certaine : au moment où on écrit la 2e épître de Pierre, il existe déjà
une collection des épîtres pauliennes, mises sur le même plan que les autres
Écritures (2Pi 3, 15-16).
III - LA RÉFLEXION DE L’ÉGLISE AU SUJET DE L’INSPIRATION
Au long de l’histoire de l’Église, les chrétiens n’ont cessé de réfléchir sur l’inspiration
et sa nature, se basant sur le fait que la Bible est la Parole de Dieu et qu’elle est
inspirée. Clément Romano désigne les prophètes comme ministres de la grâce de
Dieu, mus par l’Esprit Saint (1Clém 8, 1). Saint Jérôme ajoutera que les Écritures ont
été écrites et publiées par l’Esprit Saint. L’Église a manifesté cette même conscience
dans son magistère et sa théologie.
A ) LE CHEMIN DES ANALOGIES
Pour expliquer les mystères, dans leur sens naturel aussi bien que dans leur sens
surnaturel, les hommes ont toujours eu recours à l’analogie. Grâce à elle, les
hommes essaient de s’approcher du mystère, d’en chercher l’intelligibilité, sachant,
cependant, que l’analogie est un moyen très imparfait et limité. La théologie qui
réfléchit sur les mystères ne peut se passer du langage analogique, aussi impropre
soit-il en face de la réalité qu’il essaie de capter. On a spécialement utilisé deux types
d’analogie : les instrumentales et les littéraires.
1 - Analogie instrumentale
a) A l’époque patristique (*)
« Ces saints hommes-là, écrit Clément d’Alexandrie, n’avaient pas besoin d’artifices
et n’avaient pas à parler dans un but polémique : il leur suffisait de s’offrir avec
sincérité à l’action de l’Esprit Saint, parce que ce divin plectre, descendu du ciel, se
servant des hommes comme d’instruments de musique, cithare ou lyre, nous révèle
les réalités célestes et divines ».
Prenons l’instrument musical. Dieu est le musicien qui prend la flûte dans ses mains
et joue une musique belle et harmonieuse. L’homme est la flûte. La musique est le
résultat de l’action de Dieu et de l’homme. Tout comme la flûte est l’instrument du
musicien pour faire entendre une belle musique, l’hagiographe-prophète est
l’instrument de Dieu pour faire entendre sa parole dans le texte sacré. Il est évident
que dans l’image ce qu’on prétend mettre en relief c’est l’hagiographe comme
instrument de Dieu. L’Esprit Saint meut son instrument humain pour exécuter son
œuvre de langage. C’est lui qui souffle, fait bouger et appuie ; chaque auteur humain
met son timbre, sa note, son langage et son style. La mélodie qui en résulte provient
des deux : de l’Esprit et de l’inspiré, une et indivisible, parfaitement humaine et
mystérieusement divine.
b) A l’époque scolastique (*)
Avec la scolastique on avance de l’image de l’instrument de musique vers une
conceptualisation de celle-ci : cause instrumentale et cause principale. Saint Thomas
expose cette doctrine avec les points suivants :
(1 ) La cause principale agit par vertu propre ; l’instrumentale en vertu de la motion
reçue de la cause principale. L’Esprit Saint est la cause principale, l’homme,
l’instrumentale.
( 2 ) Dans l’instrument, on distingue une double action : la naturelle de l’instrument
et l’instrumentale, qui est la naturelle élevée et appliquée aux capacités propres de
la cause principale. L’homme, qui est instrument, a la capacité naturelle d’écrire
d’une façon logique et raisonnée. Cette capacité naturelle est élevée par l’Esprit
Saint pour qu’il écrive la révélation, ou Parole de Dieu aux hommes.
( 3 ) Le résultat de la coopération entre cause principale et cause instrumentale doit
être attribué entièrement aux deux réunis, mais selon un mode différent. La Sainte
Écriture est œuvre de Dieu, de l’Esprit Saint et de l’homme, mais de façon différente
: Dieu comme cause principale, l’homme comme cause instrumentale.
( 4 ) Les deux causes agissent simultanément pour la production du même effet.
( 5 ) La capacité de l’agent principal a un caractère permanent ; celle de l’agent
instrumental un caractère passager. L’instrument n’est instrument qu’au moment et
pour le but vers lequel tend la cause principale.
2 - Analogie littéraire
Puisque l’inspiration retombe sur un texte littéraire, peut être cette analogie serait-
elle la plus adéquate pour expliquer et approfondir la nature de l’inspiration.
a) Analogie du dicté
Saint Jérôme, par exemple, écrit : « Toute l’Épître aux Romains exige une
interprétation et elle est enveloppée de tant d’obscurités que, pour la comprendre,
nous avons besoin de la grâce de l’Esprit Saint qui a dicté ces choses par
l’intermédiaire de l’apôtre ».
Et saint Grégoire le Grand, d’une phrase sobre et catégorique, jugera « celui qui l’a
dictée, l’a écrite ».Que signifiait « dictare » ou « dictatu » dans la terminologie
patristique ? Qu’ont voulu dire les conciles et les textes du magistère en utilisant ce
terme ? Outre le sens actuel « dictare » peut être traduit par composer, enseigner,
commander ou, simplement, suggérer. Ceci posé, il est facile de penser que dans les
textes patristiques et ceux du magistère l’expression « Spiritu Santo dictante » (sous
la dictée de l’Esprit Saint), ne veut pas dire prononcer des paroles qui vont être
transcrites l’une après l’autre mécaniquement, mais il faudrait plutôt traduire : sous
l’ordre, la prescription, la suggestion de l’Esprit Saint ou, composé par l’Esprit Saint.
Dans le premier cas on souligne l’action de l’Esprit Saint sur la volonté de
l’hagiographe, dans le second l’Esprit Saint en tant qu’auteur de l’Écriture.
Comme dans le Christ il y a deux volontés et deux opérations, sans confusion ni
opposition et, comme la volonté humaine du Christ est soumise à la volonté divine,
de la même façon, dans le mystère de l’inspiration il y a une opération humaine
littéraire ou de langage, soumise et non pas opposée à l’opération de l’Esprit Saint.
Et rabaisser l’opération humaine à celle d’un simple copiste (personne qui écrit ce
qu’on lui dicte), ce n’est pas glorifier l’opération divine.
b) Dieu et l’homme auteurs de la Sainte Écriture
Le Concile Vatican II nous a habitués à parler de Dieu auteur de l’Écriture et des
hommes comme véritables auteurs des livres sacrés. Comment expliquer que le
texte sacré puisse avoir deux auteurs ? Auteur appliqué à Dieu, signifie-t-il la même
chose qu’appliqué aux hommes ?
La lutte contre l’hérésie (*) gnostique (*) avec ses diverses ramifications (marcionites
(*), manichéens (*), etc.) fut l’occasion d’utiliser cette analogie. Les pères de l’Église
eurent à défendre l’unité des deux Testaments ; il faut affirmer que tous les deux
procèdent et sont inspirés par Dieu lui-même. Il a semblé, aux Pères de l’Église, que
l’image la plus appropriée pour exprimer ces idées était celle d’un auteur : Dieu est
auteur aussi bien de l’AT que du NT.
Cette analogie se trouve aussi dans des textes conciliaires et ceux du magistère, et
même dans une définition de la foi du Concile de Florence (Dz-Sch 1334). Le Concile
Vatican II répétera les paroles de Vatican I, en DV 11 et, de son côté, affirmera en DV
16 : Dieu est l’auteur qui inspire les livres des deux Testaments, de sorte que l’Ancien
recouvrait le Nouveau et que le Nouveau révélait l’Ancien.
Peut être qu’un chemin expliquant la relation entre auteur divin et auteur humain de
l’Écriture devrait-il être cherché dans la révélation et l’inspiration. Inspiration et
révélation, écrit Benoît, ne se confondent ni ne s’opposent ; elles ne se succèdent
pas non plus. Elles agissent simultanément et harmonieusement, s’incluant l’une
l’autre, comme l’Esprit inclut la Parole. Le Dieu qui révèle est le même qui inspire,
bien qu’il s’agisse de deux actes différents : « la vérité divinement révélée que
contiennent et présentent les livres de la Sainte Écriture, y a été consignée sous
l’inspiration de l’Esprit Saint » (DV 11).
Dieu est auteur en tant qu’utilisant des hommes choisis et agissant en eux et par
eux. « Ceux-ci mirent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son
désir, et cela seulement », c’est-à-dire la révélation de lui-même et la manifestation
du mystère de sa volonté, pour que les hommes parviennent jusqu’au Père et
participent de la nature divine (DV, 11.2). Dieu est auteur pour autant que le texte
sacré est un texte de révélation divine, mise par écrit par les écrivains sacrés sous
une motion vitale de Dieu lui-même. L’homme est auteur par tout ce qu’il met par
écrit, en pleine possession de ses facultés et capacités intellectuelles et littéraires,
tout et seulement ce que Dieu veut. Tous deux sont auteurs littéraires, mais avec
une spécificité différente. Dieu, en tant que l’Écriture est un texte de révélation de
soi-même et de son dessein d’amour envers les hommes. L’hagiographe, en tant que
l’Écriture est un texte écrit par les hommes, sous l’action et l’inspiration de Dieu lui-
même.
La Constitution dogmatique DV enseigne (n°11) : « Les livres de l’Ancien Testament
comme du Nouveau, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint, sont sacrés… ils ont
Dieu comme auteur ». Dieu étant l’auteur de l’Écriture, celle-ci nécessairement ne
peut qu’être inspirée. Étant donné que le cours est une Introduction à la Sainte
Écriture, nous allons terminer par une réflexion sur l’Écriture inspirée.
Sous l’influence de la réflexion philosophique sur la théorie du langage, on a
davantage valorisé l’Écriture elle-même comme inspirée. Il faut continuer d’affirmer
que les textes et les auteurs sont indissociables ; le texte n’est pas un objet fabriqué
auquel le lecteur pourrait lier n’importe quelle signification ; le texte est une parole
adressée par l’auteur aux lecteurs traversant le temps et la distance. La théologie de
l’inspiration doit regarder les livres saints en tenant compte des coordonnées
historiques et culturelles qui ont conditionné la formation du message de Dieu en un
temps et un lieu déterminés, dans une tradition qui s’étale tout au long de
l’économie historique du salut. En bonne logique, il convient d’affirmer que Dieu est
celui qui inspire, l’homme celui qui reçoit l’inspiration et transmet la Parole de Dieu
reçue par l’inspiration, mais seul le texte sacré, au sens strict, est inspiré en tant que
résultat simultané et conjoint de l’action de Dieu et de l’action de l’homme.
Cette valorisation de l’Écriture inspirée est en plein accord avec la Patristique.
L’Écriture, selon saint Irénée, est parfaite, car elle a été dite par le Verbe de Dieu et
par son Esprit.
Le magistère de l’Église utilise aussi fréquemment l’expression « livres inspirés » ou «
Écriture Divine », depuis les premiers siècles jusqu’à nos jours. Un simple exemple : «
L’économie du salut, annoncée d’avance, racontée et expliquée par les auteurs
sacrés, apparaît donc dans les livres de l’Ancien Testament comme la vraie Parole de
Dieu. Par conséquent, ces livres divinement inspirés, conservent une valeur
impérissable » (DV, 14).
B ) DOCTRINE THÉOLOGIQUE SUR L’INSPIRATION.
1. Pour mieux comprendre l’inspiration biblique, il est nécessaire de la considérer en
relation avec la révélation de Dieu à l’humanité, ce don surnaturel, gratuit et à
l’origine de toute l’histoire du salut dans laquelle il faut situer l’Écriture, l’inspiration
et l’Église. Tout concept d’inspiration devra, par conséquent, se mesurer au
caractère gratuit et surnaturel de celle-ci. S’il en était autrement on courrait le risque
de la réduire à une expérience religieuse, purement humaine, à la mesure de
n’importe quelle autre expérience profane ; les livres sacrés deviendraient la mise
par écrit de l’expérience religieuse d’hommes extraordinaires, de génies religieux.
Par l’Écriture, cependant, on constate que les auteurs sacrés, en grande majorité
font partie des hommes normaux de leur peuple, sans qualification humaine
particulière pour l’accomplissement de leur mission prophétique et inspirée. D’un
autre côté, en la mettant en relation avec la révélation qui se transmet au cours du
temps de l’histoire du salut, nous évitons le risque de comprendre l’inspiration d’une
manière mécanique (dictée mot à mot, ce qui ferait de l’auteur sacré un simple
copiste ou secrétaire), ou sous forme d’oracle selon le mode de la culture
hellénistique (*). La chaîne de la transmission révélatrice jusqu’à la fixation en
Écriture inspirée est la négation la plus catégorique de cette façon de concevoir
l’inspiration biblique.
2. De plus, l’inspiration doit être comprise dans l’ensemble de l’action multiforme de
l’Esprit Saint dans l’histoire du salut et en harmonie avec ladite action. Un isolement
de l’inspiration biblique, comme entité en soi, étrangère à toute autre activité de
l’Esprit est insoutenable. Le propre de l’inspiration biblique sera mieux et plus
facilement compris, si nous le plaçons dans le cadre de l’activité multiforme de
l’Esprit. Traiter l’inspiration biblique sans relation à la révélation historique revient à
lui faire perdre sa généalogie et son identité de sens.
3. L’inspiration est une vérité révélée par Dieu dans l’Écriture elle-même. Il suffit de
penser à la conscience que les auteurs sacrés avaient du fait que l’Écriture est Parole
de Dieu et, en tant que telle, est inspirée par l’Esprit Saint. Le Concile de Trente (Dz-
Sch 1504), en la définissant comme dogme de foi, n’a fait que reconnaître ce qui
apparaît clairement dans l’Écriture elle-même. La pénétration dans l’intelligence du
dogme de l’inspiration se réalise à partir de la contemplation et de la réflexion du
croyant, mais surtout grâce à une expérience intime de l’inspiration elle-même au
contact de l’Écriture, sous la direction des Évêques, successeurs des apôtres dans le
charisme de la vérité.
4. L’intelligence de l’inspiration en tant que mystère divin ne peut être menée à bien
sans les approximations analogiques avec les réalités de ce monde ou avec les
mystères entre eux (mystère de l’Incarnation, de l’Eucharistie…), comme aussi par sa
relation avec la fin ultime de l’homme qui est le salut (Dz-Sch 3016). C’est une
exigence de l’entendement humain qui ne peut comprendre les choses invisibles et
au delà des sens, si ce n’est par les visibles et les sensibles. Cependant, il ne suffit pas
de savoir que la réflexion de l’Église s’est servie de l’image de la cithare, de la plume,
de la dictée ou de l’auteur pour expliquer la nature de l’inspiration. Ce qui est
intéressant surtout, c’est de capter l’étincelle de vérité que nous voyons derrière
l’image et d’en acquérir un certain concept. Il ne suffit pas, non plus, de voir
clairement le parallèle établi entre le mystère de l’inspiration et celui de l’Incarnation
ou de l’Eucharistie. Il est nécessaire de découvrir et de conceptualiser la nouvelle
lumière que nous recevons dans la compréhension du mystère. Une plus grande
intelligence du mystère nous sera donnée par la connexion organique de ces
étincelles dans l'unité.
a). Dans l’inspiration interviennent inséparablement trois facteurs : l’Esprit Saint qui
inspire, l’homme qui reçoit l’inspiration, le texte sacré où se trouve mis par écrit ce
que Dieu a inspiré. Une intelligence adéquate de l’inspiration devra toujours
comporter la présence des trois facteurs, même s’il est légitime de faire ressortir l’un
dans un cas et un autre dans un autre cas.
b). L’action spécifique de l’Esprit Saint sur le texte sacré et celle de l’auteur humain
sont passagères ; l’inspiration de la Sainte Écriture, en revanche, est permanente,
fixe et immuable pour le bien de toutes les générations futures. L’écrivain n’est pas
toujours en train d’utiliser la plume, en revanche la lettre écrite demeure. L’Esprit
Saint n’agit pas avec son action inspiratrice, comme auteur de l’Écriture, à chaque
instant, puisque l’auteur humain a écrit le texte sacré dans un laps de temps
déterminé. L’Écriture, au contraire, survit à l’auteur humain et continue d’exister
après l’activité inspiratrice de l’Esprit Saint.
c). L’inspiration est entièrement une initiative de l’Esprit Saint, mais sans la
médiation humaine, le texte inspiré est impossible. Il s’agit d’une médiation
nécessaire pour ne pas tomber dans un concept d’inspiration de type rabbinique,
coranique ou d’oracle. Dans la compréhension catholique de l’inspiration, l’homme
de Dieu, comme pont entre l’initiative de l’Esprit et le texte sacré, est un être qui agit
avec « toutes ses facultés et talents » (DV, 11). L’initiative divine agit sur le texte
sacré, seulement comme révélation de Dieu et, exclusivement, par l’intermédiaire
d’hommes inspirés.
d). L’élévation du texte au niveau du livre sacré et inspiré ne provient pas de la
médiation humaine, comme un génie religieux ou littéraire, mais de l’action de
l’Esprit sur l’auteur sacré pour qu’il écrive tout et seulement ce que Dieu veut.
L’auteur humain, grâce à ses facultés et talents, pourra faire du texte sacré un
morceau merveilleux de littérature ou bien exprimer une expérience religieuse
singulière et sublime, mais n’élèvera jamais ses écrits au niveau d’un texte sacré et
inspiré, si ce n’est par une action surnaturelle de l’Esprit Saint sur lui.
e). L’inspiration biblique est exigée par la révélation divine elle-même, par laquelle
Dieu entre en dialogue amoureux et sauveur avec le genre humain. Sans révélation,
il n’y a pas d’inspiration ; sans inspiration, nous ne saurions pas exactement ce que
Dieu a révélé. Un texte écrit ne se crée pas à partir du néant. A proprement parler,
ce n’est pas une création, mais une naissance. L’inspiration gratuite et surnaturelle
naît de la révélation, surnaturelle et gratuite également.
f). Dans l’inspiration biblique il est impossible de séparer la part de Dieu et la part de
l’homme. Tout le texte inspiré est œuvre de Dieu et de l’auteur sacré, bien que sous
des aspects différents. Le texte inspiré, en tant qu’il est et qu’il contient la révélation,
a Dieu pour auteur. En tant que texte littéraire, médiateur de l’action de l’Esprit, il
est œuvre humaine.
5. L’Église, se basant sur la révélation de l’Écriture, dans la réflexion pluriséculaire sur
l’inspiration, pour en défendre l’intégrité et la véritable nature, l’a définie
dogmatiquement et l’a précisée en tant que concept, repoussant des positions et
des interprétations erronées qui se sont succédées à travers les siècles.
Ci dessous sont indiquées les plus importantes :
a). Dieu lui-même, l’Esprit lui-même, est l’auteur de l’Ancien et du Nouveau
Testament (contre les manichéens et tous les mouvements religieux dualistes), (EB
28, 30, 57, 77, 125, 200).
b). Tous et chacun des livres de la Bible chrétienne sont inspirés. De même, les
canoniques et ceux qu’on appelle deutérocanoniques (contre les protestants). (EB
83, 85, 124, 202).
c) Contre les modernistes (*), l’Église s’est vue obligée à défendre l’inspiration totale
et intègre de l’Écriture (y compris ce que les modernistes appellent des erreurs). (EB
193, 210).
Chapitre 4
Le canon de l'écriture
La Bible est un livre inspiré parce qu’elle a Dieu comme auteur et qu’elle a été écrite
sous la motion de l’Esprit Saint. Il est clair que l’inspiration ne provient pas de
l’homme, ni même de l’Église, mais que l’inspiration est un don surnaturel de Dieu à
l’Église et, à travers Elle, à l’humanité pour qu’elle trouve dans l’Écriture inspirée son
chemin de salut. Devant l’Écriture inspirée surgit dans l’esprit humain une série de
questions. Comment l’homme sait-il qu’un livre est inspiré ? Comment connaître
quels sont les livres inspirés par Dieu ? Pourquoi ces livres, et non d’autres, sont-ils
acceptés par l’Église comme sacrés ? Le canon de l’Écriture essaie de donner une
réponse à ces questions : tous et seuls ces livres-là, ceux que l’Église reconnaît
comme norme et règle de la foi et de la vérité salvatrice, sont inspirés. L’Église ne
mène pas cette opération de façon arbitraire mais, au contraire, par l’application de
critères tant internes qu’externes, par lesquels il lui est permis de discerner et de
découvrir la règle de la foi et de la vérité dans un livre déterminé, comme dans un
miroir.
I. Introduction.
II. Formation du canon
III. Le dogme de la canonicité
IV. Les critères de la canonicité.
APERÇUS.
- Pourquoi les églises chrétiennes évangéliques n’acceptent-elles pas tous les livres
qui sont dans la Bible catholique ? L’étude du processus historique de
reconnaissance de la canonicité des écrits sacrés vous donnera la réponse.
- Tous les livres de la Sainte Écriture ont-ils la même importance ? S’il en est ainsi un
principe de l’AT devrait avoir la même valeur qu’un principe du NT.
MOTS CLEFS :
Canon Livres canoniques
I. INTRODUCTION
1) Nécessité du canon biblique
La fixation du canon biblique a constitué un besoin pour l’Église. En premier lieu, il
était nécessaire de le faire à cause de l’universalité de l’unique Église. Pour maintenir
une même règle de foi dans toutes les églises disséminées sur la terre il était
indispensable de disposer d’un même canon. Face aux hérétiques (*) qui avaient
fréquemment recours à des livres « secrets » (apocryphes) (*), il était en tout point
nécessaire de délimiter clairement les livres normatifs de la foi, en les distinguant de
n’importe quel autre, fut-il apocryphe ou non. En ce qui concerne le judaïsme avec
lequel elle entra en polémique maintes fois, l’Église dut réaliser deux opérations
différentes :
a) Établir le canon chrétien de l’Ancien Testament.
b) Fixer les Écritures chrétiennes, non en concurrence avec l’Écriture juive, mais
comme son complément, son perfectionnement et sa plénitude.
L’existence même d’Écritures chrétiennes dénote la conscience lumineuse qu’avait
l’Église primitive de ce que Jésus était le Messie attendu, préfiguré et prophétisé
dans la Bible hébraïque, de ce que Jésus était la plénitude de la révélation de Dieu.
Avec le temps, cette conscience amènera l’Église à distinguer entre Ancien
Testament et Nouveau Testament, en soulignant la continuité par le nom
(Testament), mais également l’originalité et la nouveauté de l’Écriture chrétienne
(Nouveau).
2) Terminologie.
a) Canon, canonique, canonicité.
Canon : étymologiquement, le mot canon semble provenir du terme grec canon qui
signifie « mesure ». Avec le temps, canon s’est converti en critère de la vérité d’une
affirmation ou mesure, norme ou règle de quelque chose.
Jusqu’au IIIe siècle, il n’y a pas d’usage explicite du terme appliqué à la Sainte
Écriture, même si on présuppose que le contenu de la règle de foi était éminemment
biblique. C’est au IVe siècle que le terme « canon » commence à prendre le sens de
catalogue normatif des livres inspirés. Saint Athanase, peu après 350, dit que le «
Berger d’Hermas ne fait pas partie du canon » (EB 15). La raison en est que ce terme
exprime précisément le caractère de norme fondatrice, c’est à dire le contenu
objectif des livres inspirés comme norme de la vérité chrétienne.
De canon dérive canonique, terme utilisé pour la première fois au Concile de
Laodicée de Phrygie (ca 360). Au canon 59, on établit que «dans l’assemblée on ne
doit pas réciter des psaumes privés ou des livres non canoniques, mais seulement les
livres canoniques du Nouveau et de l’Ancien Testament ». Les livres canoniques, par
conséquent, en viendront à recouvrir l’ensemble des livres qui donnent la norme de
la foi de l’Église. La canonicité, d’autre part, serait cette qualité de l’Écriture Sainte
par laquelle celle-ci se constitue comme norme, règle, canon de la foi et de la vie du
chrétien.
Livres canoniques (canon de la Bible) : ce sont la collection de livres de l’AT et du NT
recueillis par l’Église, parce que, écrits sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ils ont Dieu
comme auteur et, par conséquent, sont normatifs de la foi.
b) Proto et deutérocanoniques.
Sixte de Sienne, dans les années postérieures au Concile de Trente, a introduit une
distinction entre les livres de l’Écriture, entre les protocanoniques et les
deutérocanoniques pour distinguer les livres acceptés par les réformateurs de ceux
qu’ils n’acceptent pas. Nous pouvons dire que les livres protocanoniques
correspondent à ceux qui ont été acceptés comme canoniques depuis toujours et
sans discussion par toute l’Église, par contre, les deutérocanoniques sont ceux dont
la canonicité a fait l’objet de quelques discussions.
c) Apocryphes et pseudo-épigraphiques
Étymologiquement, le terme «apocryphe » signifie chose cachée et désignait en
principe ces livres que l’on destinait à l’usage privé des adeptes d’une secte. En ce
qui concerne les livres canoniques, on appelle apocryphes ceux qui ont été rejetés
par l’Église comme non canoniques même si, parfois, certains Pères et écrivains
ecclésiastiques ont pu les considérer comme canoniques. Ces livres sont appelés
pseudoépigraphiques par les protestants.
II. FORMATION DU CANON
Étant donné que l’AT s’est progressivement formé au cours des siècles et que le NT
correspond à une période de 70 ans, le caractère canonique des différents écrits n’a
été découvert et ne s’est imposé que peu à peu dans la vie du judaïsme et de l’Église.
Tenant compte, par ailleurs, de ce que le canon passe par des vicissitudes différentes
pour les juifs et pour les chrétiens, nous devons les analyser séparément. Par
conséquent, nous développons le sujet sur les points suivants :
1) Formation du canon dans le judaïsme.
2) Formation du canon de l’AT dans le christianisme.
3) Formation du canon du NT.
1) Formation du canon dans le judaïsme
Dans Ex 31-32, la Loi se présente comme un texte écrit normatif du peuple d’Israël.
La Torah ou Pentateuque sera, donc, le premier ensemble de livres qui sera accepté
comme canonique. Cependant, dans ce processus de la formation du canon juif, le
texte le plus significatif est constitué par le prologue du Siracide (ou Ecclésiastique),
écrit pour la traduction grecque vers l’an 130 av JC. Il parle de «la Loi, les Prophètes
et les autres (écrits) qui suivent » par l’intermédiaire desquels «nous ont été
communiqués de nombreux et grands biens » et un peu plus loin il se réfère à la Loi,
les Prophètes, et les autres livres de nos Pères. Il est clair qu’avec le mot Loi, il se
réfère au Pentateuque, tandis que lorsqu’il parle des Prophètes, il s’agit sans doute
des Prophètes antérieurs (Josué, Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois principalement,
même si d’autres livres peuvent être inclus) et des prophètes écrivains. Le groupe
des "écrits" paraît être encore ouvert. Sous le nom d’Écrits on doit mettre les
Psaumes, les Proverbes, le Cantique des Cantiques et l’Ecclésiastique ; peut-être
aussi le livre de Job.
Pendant le 1er siècle il ne semble pas exister un canon fixe de la Bible hébraïque,
même si on accepte comme livres sacrés la Loi et les Prophètes, à côté de quelques
Écrits, en particulier les Psaumes. La nécessité d’un canon normatif s’est vue
accélérée par la destruction du Temple de Jérusalem en 70 ap JC, qui a provoqué
l’urgence d’une cohésion qui maintiendrait la propre l’identité juive et des
discussions internes au sein du judaïsme, entre les pharisiens et les sectes juives
d’inspiration apocalyptique. L’acceptation, par les chrétiens, de la Bible des Septante
(*) a probablement été l’ultime motif pour que les juifs limitent le canon de l’AT aux
livres les plus anciens et seulement à ceux qui de fait circulaient alors dans leur
langue d’origine hébraïque ou araméenne.
2. Formation de l’AT chrétien.
Comme nous l’avons vu, l’Église n’a pu recevoir de la Synagogue un canon de l’AT
déjà fixement établi. Considérons donc le processus de la formation du canon
chrétien de l’Ancien Testament.
a) Les Pères de l’Église.
L’Église naissante hérite de la communauté juive d’une série de livres sacrés dont la
liste n’était pas définitivement close. L’Église se posa le problème du canon et réalisa
un grand effort d’éclaircissement et de fixation des livres sacrés de l’AT.
Les Pères Apostoliques (*) qui les citent selon la version grecque des septante,
paraissent être familiarisés avec les deutérocanoniques de l’AT, mais ils citent aussi
quelques apocryphes, ce qui permet de penser que le canon proprement dit n’est
pas encore fixé. Origène, par exemple qui vécut entre le IIe et le IIIe siècle, sait très
bien que quelques livres utilisés comme Écriture existent dans l’Église, mais qu’ils
n’appartiennent pas au canon juif.
Origène, comme beaucoup d’autres Pères, distingue deux groupes de livres : celui
des apocryphes, qu’il considère comme utiles, mais que l’on doit utiliser avec
beaucoup de précaution ; et celui des livres scripturaires qui comprennent la Bible
hébraïque et les deutérocanoniques, même si ces derniers ne sont pas lus par l’Église
et ne font pas, non plus, l’objet de commentaires. Rufin d’Aquilée les appellera livres
ecclésiastiques.
b) Le Magistère de l’Église
Avec le décret «pro Jacobitis » du Concile de Florence (1441), l’Église adopte une
position claire sur le canon qui sera ultérieurement défini, «une fois pour toutes »,
par le Concile de Trente (1546), contre les réformateurs protestants qui se basaient
sur le principe de la «solaScriptura » et avaient opté pour le canon juif. Le texte
proclame ainsi « …on juge opportun d’ajouter au présent décret le catalogue des
livres sacrés, pour que nul ne puisse hésiter sur ceux qui sont les livres reconnus
comme sacrés par le Concile lui-même » (Denz-Hun, 1501). Postérieurement Vatican
I se référa au Concile de Trente (EB 77) et la Constitution «Dei Verbum » de Vatican II
ne fait pas autre chose que de citer Vatican I (DV, 11).
3. Le canon du Nouveau Testament.
A l’époque apostolique on ne peut proprement parler de livres canoniques,
puisqu’elle correspond à la période de leur composition. On peut affirmer qu’à la fin
du 1er siècle, il existait une collection d’épîtres pauliniennes, dont l’importance nous
est inconnue. En outre, les quatre Évangiles, bien que destinés à des communautés
particulières, avaient acquis une importance singulière et étaient conservés parce
qu’ils provenaient des apôtres ou de leurs disciples, ou à cause du prestige de la
communauté à laquelle ils étaient destinés (Antioche, Rome, la Grèce, Éphèse).
Finalement, se crée peu à peu une conscience canonique à l’intérieur des écrits
néotestamentaires eux-mêmes (cf. 2Pi 3, 4-16 ; Ap 1, 1-3 ; 22, 18-19).
Dans la vie et la conscience de l’Église est apparu, peu à peu, le concept de
«Nouveau Testament ». Saint Justin témoigne de la lecture des Évangiles dans la
liturgie eucharistique à côté des écrits des prophètes. Méliton de Sardes parle des
écritures juives comme de l’AT, donnant à entendre implicitement qu’il existe déjà
un NT. Enfin, vers la fin du IIe siècle, Tertullien fut le premier à employer l’expression
du NT pour désigner les écrits chrétiens sacrés.
Lorsque la tradition orale commence à devenir incertaine, incontrôlable et
manipulable par les hérétiques, s’impose la nécessité d’écrits qui transmettent
fidèlement cette tradition. Ce phénomène se vérifia dans la seconde moitié du IIe
siècle. Les mouvements hérétiques (*) durent influer notablement sur l’accélération
du canon dans l’Église : Marcion (*) avec son rejet de l’AT et avec la réduction du NT
aux 10 épîtres pauliniennes et à l’Évangile de Luc ; le montanisme (*) avec son
extension de l’inspiration à tout chrétien qui dans l’Église s’ouvrirait à l’Esprit
toujours agissant, s’appuyant sur Jn 14, 16-26 ; 15, 26 ; 16 12-15.5.
L’apparition des premières listes fut décisive pour la constitution du canon
néotestamentaire. Outre celle de Marcion, déjà mentionnée, la plus ancienne est le
Fragment muratorien, qui représente l’emploi du NT à Rome, à la fin du IIe siècle (EB
1-7). Ensuite viennent les listes d’Origène et d’Eusèbe de Césarée. En Occident, les
listes d’Athanase, d’Augustin, des conciles d’Hippone et de Carthage certifient
l’unanimité des Églises, qui offrent déjà un canon complet. Cette liste sera confirmée
par le concile de Florence et définie par le Concile de Trente.
III. LE DOGME DE LA CANONICITÉ
« Si quelqu’un ne reçoit pas ces mêmes livres dans leur intégrité, avec toutes leurs
parties, pour sacrés et canoniques, comme on a coutume de les lire dans l’Église
catholique et tels qu’on les trouve dans l’édition de la Vulgate ; s’il méprise de
propos délibéré les traditions susdites, qu’il soit anathème » (Concile de Trente-
session IV cf EB 79).
1. Il s’agit d’une véritable définition dogmatique, car elle déclare anathème celui qui
n’accepte pas le contenu du paragraphe. La formule employée ici : « Si quelqu’un…
qu’il soit anathème » était le propre de l’époque pour exprimer la volonté de définir
un dogme de foi.
2. Dans le texte, on définit le caractère sacré et canonique des livres mais non leur
authenticité ou leur pureté d’origine ? La qualité des auteurs des livres n’est pas
définie. Un clair indice en est le changement effectué, par rapport au concile
florentin, lorsqu’on nomme les auteurs des Évangiles. On ne dit pas «Évangile de
Marc ou de Matthieu» mais «selon Marc ou selon Matthieu ».
3. L’expression «livres dans leur intégrité, avec toutes leurs parties». « Livres
intégraux » veut dire tous et chacun des livres énumérés, sans aucune exception et
sans aucune addition. « Avec toutes leurs parties » fait allusion à ces fragments
particuliers par exemple de Marc, Jean, Luc dont on doutait de l’authenticité.
4. « comme on a coutume de les lire dans l’Église catholique» ? On fait mention en
premier lieu, de l’usage pluriséculaire du canon biblique dans l’Église, comme le met
en évidence l’histoire même de la formation du canon. La lecture des livres est,
avant tout, la lecture liturgique, mais aussi la lecture théologique et la lecture
spirituelle. Au Concile de Trente on donne un caractère officiel à la Vulgate, mais ce
ne fut pas dans l’intention des Pères d’éliminer n’importe quelle autre traduction ou
le recours à l’original hébreu ou grec.
5. En définissant le caractère sacré et canonique de tous les livres contenus dans la
Bible, le concile désire affirmer, d’une certaine façon, que tous les livres jouissent de
la même valeur et de la même autorité. Si le Christ est la plénitude de la révélation,
les livres où on nous parle de la vie, de la doctrine et de la personne du Christ
occuperont la première place dans une hiérarchie d’autorité. Ensuite, viendront ceux
qui, d’une manière ou d’une autre, ont une relation directe avec le Christ (le reste
des livres du NT). Le troisième rang dans la hiérarchie est occupé par les livres de l’AT
qui enseignèrent et annoncèrent le Christ.
IV. LES CRITÈRES DE LA CANONICITÉ
La formation du canon a montré que la fixation et la reconnaissance définitives de
celui-ci de la part de l’Église, n’a pas été une tâche facile et simple. Cependant, une
chose est la formation, une autre la réalité du canon. Chaque livre sacré est
canonique dès l’instant même où il est définitivement fixé par écrit. L’ensemble de la
Bible jouit de canonicité lorsque le dernier livre qu’elle contient a été mis par écrit.
Le processus pour reconnaître la canonicité de ces livres a été lent, parfois un peu
complexe dans les facteurs qui sont intervenus, mais sûr parce qu’il a été guidé par
l’assistance de l’Esprit Saint. Le même Esprit qui a inspiré les Écritures a assisté
l’Église pour les reconnaître comme inspirées.
Entreprenons maintenant d’exposer les différents critères auxquels l’Église a eu
recours dans la formation du canon biblique, critères qui doivent être vus comme
instruments dont l’Église s’est servie, des uns parfois, des autres d’autres fois, pour
découvrir et fixer le mystère de la canonicité. Parmi eux, cependant, certains ont une
importance majeure : l’usage liturgique, l’orthodoxie (*) et l’origine mosaïque ou
apostolique. Puisque le canon est typiquement chrétien, voyons séparément les
critères appliqués par l’Église à l’AT et ensuite au NT.
1. Ancien Testament.
a) Premier critère : La Bible des septante (LXX). Il est indéniable que, lorsque le
christianisme s’est ouvert à la gentilité et à la culture hellénistique, l’Écriture juive
utilisée par les premiers chrétiens fut le texte grec des Septante (LXX). Pourtant,
dans la Bible des LXX sont inclus aussi bien les livres proto que les livres
deutérocanoniques de l’AT. L’usage officiel et public de la Bible grecque a guidé
l’Église dans le discernement du canon vétérotestamentaire.
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  • 1. COURS DE PAROLE VIVANTE (sacredote.fr) INTRODUCTION La parole de Dieu n’est pas enchaînée. La parole de Dieu est vivante et efficace. «Une lampe sur mes pas, ta parole, une lumière sur ma route. Ta parole, en se découvrant, illumine, et les simples comprennent. » (Ps 119, 105 et 130). Nous voulons réfléchir, avec beaucoup de respect et d’amour, sur cette Parole divine. Une réflexion profonde, destinée à soutenir l’intelligence et, principalement, à nourrir l’esprit pour la transformation de la mentalité et du cœur du lecteur. Dans l’histoire du salut la Parole de Dieu se déroule en trois grandes étapes : la Parole révélée, la parole inspirée, la Parole interprétée. Ainsi la révélation, l’inspiration et l’interprétation de la Parole constituent les concepts de base sur lesquels s’appuie la compréhension catholique de la Sainte Écriture. Notre réflexion prétend vous introduire dans chacun de ces trois concepts et, en même temps, dans d’autres concepts complémentaires et comme leurs satellites. La révélation est en étroite relation avec la transmission et la tradition ; l’inspiration inclut en son sein la vérité biblique et la conformité canonique. L’interprétation ne peut se passer de l’étude des méthodes appropriées et de l’actualisation de la Parole pour l’homme d’aujourd’hui. La méthode que l’on suit dans ce cours est narrative, fondée sur les sources de la théologie, en particulier sur la constitution dogmatique sur la révélation divine (Dei Verbum) du Concile Vatican II. L’exposition sera accompagnée de brèves lectures de textes des Pères de l’Église, des théologiens et du Magistère de l’Église. A la fin des textes de lecture il y aura un bref questionnaire pour inviter à la réflexion. Chaque chapitre se terminera par l’indication de quelques sujets d’étude pour les approfondir et les aborder sans difficulté. A la fin du cours est inclus un lexique qui définit quelques-uns des termes employés ; ceux-ci sont indiqués par un astérisque (*) lorsqu’ils apparaissent pour la première fois dans le cours ; de même, on trouvera en annexe un index de sigles.
  • 2. CHAPITRE 1 LA PAROLE DE DIEU DANS LA PAROLE HUMAINE En ses desseins éternels et insondables, Dieu a voulu se révéler aux hommes par l’intermédiaire de la Parole. La révélation divine n’est pas quelque chose de momentané et fortuit. Dieu s’est révélé une fois pour toutes à une époque de l’histoire humaine, mais sa révélation est adressée à tous les hommes de n’importe quelle époque historique. La révélation de Dieu à Abraham a été aussi une révélation pour le Prophète Jérémie et son temps, pour saint Paul et son temps, pour saint Augustin et saint Bernard et leur époque, pour saint Maximilien Kolbe, et aussi pour vous et vos contemporains. De là découle que la Parole révélée à un certain moment et pour toujours, devait être communiquée de génération en génération. Cette communication a d’abord été effectuée sous forme orale, et peu à peu, ensuite elle a été mise par écrit. Ainsi la révélation de Dieu s’est-elle transmise de siècle en siècle, oralement, de père en fils, jusqu’à se trouver comme cristallisée dans le texte sacré, ce texte que nous appelons, nous, aujourd’hui, les chrétiens, l’Écriture Sainte ou la Bible. De cette façon, la Parole révélée est devenue Parole transmise grâce à laquelle la richesse infinie de la Révélation est arrivée à tous les hommes. I. Dieu se révèle par la parole II. Analyse de la parole humaine III. L’analogie de la parole IV. Les hérauts de la parole divine APERÇUS Quelle est la différence fondamentale entre la Bible et les écrits sacrés des religions non chrétiennes ? A la fin de ce chapitre vous pourrez donner une réponse à cette question. Quelle est l’importance de la Parole de Dieu dans la vie d’un chrétien ? Parfois nous l’entendons sans y prêter beaucoup d’attention. MOTS CLEFS
  • 3. Révélation analogie I. DIEU SE RÉVÈLE PAR LA PAROLE « Au commencement était le Verbe et le Verbe était avec Dieu et le Verbe était Dieu» (Jn 1, 1) Dieu commence le dialogue amoureux avec les hommes en un point concret de l’histoire humaine, et c’est ainsi que commence la révélation de la Parole. Nous avons ici deux données importantes : la Parole de Dieu se révèle ; la Parole de Dieu se révèle par l’intermédiaire de la parole humaine. Dieu n’a prononcé qu’une seule Parole : FILS. Avec cette parole il nous a tout dit. Le Fils, Parole de Dieu, a commencé son dialogue avec l’homme par l’intermédiaire de la création, de la rencontre avec les prophètes et finalement par l’incarnation dans le sein de la Vierge Marie. Nous pourrions donc définir la révélation en tant que Parole de la façon suivante : Révélation : La communication amoureuse de Dieu et de son mystère à l’homme pour qu’il soit participant de son salut. Cette communication s’est réalisée tout au long de l’histoire, de manière orale ou écrite, par l’intermédiaire de médiations humaines qui atteignent leur plénitude dans le Christ. L’homme est invité par Dieu à répondre à cette révélation avec l’obéissance de la foi. » II. ANALYSE DE LA PAROLE HUMAINE 1. L’expérience de la parole. Sciemment ou non, toute parole humaine vient de l’expérience. Dans la Bible, surtout chez les prophètes, ce passage de l’expérience à la parole est évident et éclairant. Prenons l’exemple de Jérémie : de l’expérience vivante de Jérusalem envahie et mise à sac jaillissent ces vers :
  • 4. « J’ai regardé la terre : un chaos ; Les cieux : leur lumière a disparu. J’ai regardé les montagnes : elles tremblent Toutes les collines sont secouées. J’ai regardé : plus d’hommes ; Tous les oiseaux du ciel ont fui, J’ai regardé : le verger est un désert ; Toutes les villes sont détruites Devant Yahvé, Devant l’ardeur de sa colère » (Jr 4, 23-26) La Bible a été écrite à partir d’expériences vécues, d’événements immergés dans l’expérience. La Bible est parole écrite, parole vécue du passé et constamment vivifiée par l’expérience du présent. 2. La symphonie de la parole. La parole humaine est polyphonique, comme un chœur aux multiples voix. Leurs variations musicales bien harmonisées forment la symphonie du langage. Notre intention est de décomposer la symphonie pour découvrir les divers instruments qui la composent. a) La parole est en premier lieu une réalité organique. Elle n’existe pas isolée. Elle prend vie quand elle fraternise avec d’autres paroles, elle s’organise et se structure avec elles en une unité de sens. Ce n’est pas la même chose de dire « Louis » que de dire « Louis court» ou encore « Louis court à l’Église». Même quand une parole est seule, pour qu’elle soit vivante, elle est unie (reliée) au moins implicitement à une autre, avec laquelle elle acquiert un sens. La parole tend à l’existence en famille, y compris quand elle semble être en perpétuel célibat. b) D’où la parole reçoit-elle son caractère organique ? Sans aucun doute, parce qu’elle est une réalité sociale. En Dieu lui-même la parole est sociale ; elle requiert l’existence d’un « je » et d’un « tu » qui créent un dialogue. Dieu est unique, mais en Dieu il y a trois personnes qui éternellement communiquent entre elles leurs pensées et leur amour. Dieu Trine, en créant l’homme, l’a créé à son image et ressemblance, et ainsi il l’a créé social. C’est socialement que l’homme subsiste, qu’il se perfectionne et domine la terre ; et le milieu naturel de cette vie sociale est le langage, le dialogue, la parole. La parole a commencé à être sociale à l’instant où Adam a appelé sa femme pour la première fois « Ève » et que celle-ci lui a répondu par un sourire.
  • 5. c) De plus, la parole est créative. Unie à d’autres paroles, elle crée de nouveaux sens et nuances, révèle des univers nouveaux du cœur humain. L’arrivée de cette parole jusqu’à un « toi », y crée une résonance en tant que réponse. Le sourire d’Ève est création de la parole, tout comme le « fiat » (« fais en moi selon ta volonté ») de Marie. La parole engendre la parole et à travers elles s’établit le fil de la communication. La parole crée l’histoire. Dieu a commencé l’histoire avec la Création par l’intermédiaire de la parole (Gn 1). La parole de l’homme a résonné dans le présent avec la force d’un futur. Paroles des parents, des éducateurs, des leaders d’un peuple ou d’une nation. Au dessus de tout, la parole de Jésus, parole de salut, continue de résonner dans l’esprit humain. La révélation, tout comme la parole est créative dans la liberté. Elle ne s’impose pas, elle s’expose. C’est un appel à la recherche d’une réponse donnée par la liberté. 3. Autres caractères de la parole Nous avons évoqué trois instruments de la symphonie de la parole : son caractère organique, social et créatif. Prêtons attention maintenant à trois autres caractères : la parole informe, elle interpelle et elle exprime. Ceci correspond à trois fonctions du langage a) L’objet de l’information est un ensemble de faits, de personnes, d’objets et d’événements. C’est le langage objectif propre à l’historiographie, à la didactique et aussi aux sciences exactes. Exemple : « Le 12 octobre 1492 fut découvert le continent américain». b) La parole exprime des sentiments, des émotions, c’est-à-dire, l’intériorité de l’homme et sa participation aux événements de la vie. C’est le propre des mémoires et des confessions, du lyrisme. Exemple : les vers fameux de sainte Thérèse : « je vis sans vivre en moi-même et j’attends une vie si haute que je meurs de ne pas mourir » (Poèmes I. Œuvres complètes). c) Tout homme s’est déjà adressé à un autre homme pour l’interpeller, provoquer sa réponse et l’influencer. Le fait d’interpeller est le propre de l’art oratoire et de certaines formes littéraires comme la vocation, le commandement, etc. Exemple : « Suivez-moi et je vous ferai pêcheurs d’hommes » (Mt 4, 19). Dans la vie, aucune de ces formes ne fleurit à l’état pur. Elles existent entrelacées et mutuellement conditionnées. La simple information « Dieu est Amour » (Jn 4, 8) exprime beaucoup du mystère de Dieu et, en même temps, invite inéluctablement
  • 6. l’homme. Les paroles de Jésus au scribe « Va et fais de même » (Lc 10, 37) par leur contenu impératif, nous informent sur la parabole du Samaritain et nous révèlent quelque chose de l’âme de Jésus-Christ. Quand le Christ dit à Marthe : « Je suis la Résurrection » (Jn 11, 25), il dévoile pour l’histoire un peu de son intimité, mais nous informe et nous interpelle par cette définition de lui-même. III. L’ANALOGIE DE LA PAROLE « Dieu, dans l’Écriture, a parlé par des hommes à la manière des hommes » (Concile Vatican II, DV 12). Le véhicule de la communication divine avec l’homme est donc spécialement la parole, le langage humain. Les musulmans croient que le Coran a été dicté par l’ange Gabriel à Mahomet. Les Mormons croient que leurs saints documents ont été trouvés écrits dans une langue inconnue sur des tables d’or. Pour un chrétien, la parole de Dieu n’est pas venue par l’intermédiaire des anges mais par des hommes. La parole divine ne parvient pas aux hommes en sons dépourvus de sens, mais en phrases et propositions de révélation. Au Paradis, Yahvé adresse la parole à Adam en termes compréhensibles : « Où es-tu ? »(Gn 3, 9). Dieu n’a pas d’autre manière d’établir la communication avec l’homme, de se révéler et de lui révéler son dessein de salut. La parole divine s’est incarnée en parole humaine concrète : hébreu, araméen, grec. Par ces langues d’hommes, Dieu est entré en dialogue avec des hommes concrets et avec l’humanité entière. Il est vrai que « la Parole de Dieu n’est pas enchaînée », mais elle a été versée dans un moule particulier, comme en sa faisant chair, elle a assumé une race, une famille, une nation. Jésus Christ est l’Unique Parole du Père, dont toutes les paroles révélées sont le reflet. La Bible est révélation à partir du Christ, en Christ et par le Christ. « Révélant le sens de la Bible Jésus y reconnaît le reflet de la lumière qui brille en lui, il y écoute un écho lointain de la Parole qui résonne en sa conscience humaine », écrit H. de Lubac. Si la parole divine est organique et structurée, cela est indubitablement dû à son caractère public et social. Elle est destinée à une communauté non à des individus précis (prophètes, sages, voyants, etc.) qui ne sont que des médiateurs et des porteurs de la révélation divine. C’est la révélation de la société trinitaire à la société
  • 7. humaine, faite à l’image et à la ressemblance de Dieu. Yahvé parle au peuple, comme Jésus s’adresse à la multitude ou au groupe des douze, et les apôtres prêchent dans les synagogues, sur les places publiques ou dans les églises domestiques. Le cénacle de Jérusalem ou l’aréopage d’Athènes, la plaine au pied du mont Sinaï ou les sanctuaires du Gilgal et Bethel, sont des lieux où la parole divine arrive aux hommes réunis en assemblée, en peuple, en communauté, par l’intermédiaire d’hommes et du langage humain. La parole possède un souffle créateur. Elle crée le peuple d’Israël et « l’ecclésia*1+* » chrétienne. Elle crée l’histoire. La création entière est l’œuvre de la parole divine. La parole divine est créatrice parce qu’elle est efficace, car Dieu est fidèle à sa promesse, à sa parole. Le psaume 28 nous décrit Yahvé comme un souverain exerçant son autorité d’une voix puissante sur les éléments de la nature. Et la parole de Jésus réalise les miracles les plus surprenants chez les malades qu’il a rencontrés sur son chemin ou sur les forces naturelles, telles qu’une tempête sur la mer de Galilée. Voyons maintenant brièvement comment la parole divine réalise les trois fonctions de la parole humaine. Si Dieu a choisi le langage humain pour communiquer avec les hommes, la parole de Dieu – sa révélation – devra assumer toutes les fonctions de la parole. Dieu pourrait-il, se réduire à n’être qu’un simple conteur de faits et de vérités ? Si Dieu est une personne et que la révélation est ouverture de son intimité et dialogue avec l’homme, Dieu ne prétendra-t-il pas exprimer la richesse de la vie trinitaire, faire appel aux fibres les plus délicates du cœur humain, pour l’amener à la vérité du salut ? Il faut lire la Sainte Écriture comme l’œuvre d’un langage complet par l’intermédiaire duquel Dieu nous parle. Si la parole divine en reste à une fonction informative, la Bible ne serait qu’un livre didactique, mais dans la Bible, en plus de l’histoire, il y a du lyrisme, de la poésie, du drame. Pourra-t-on la réduire au lyrisme ou à l’histoire ? Absolument pas. La fonction du langage est en étroite relation avec les genres littéraires et tout le monde sait que la Bible se compose de nombreux livres aux genres littéraires très divers par lesquels on s’adresse à l’intelligence (information), à la volonté (interpellation) et au cœur (expression). Dans la Bible, Dieu tout entier, dans sa plénitude, parle à tout l’homme . Prenons un exemple pour éclairer ces idées. Lorsqu’il parle de la naissance de Jésus, Luc nous donne une information historique très précise : « il arriva qu’en ces jours là parut un édit de César Auguste ordonnant que tout le monde se fasse recenser » (Lc 2, 1ss). Dans la rencontre de l’ange avec les bergers se dévoile la fonction d’interpellation : « Ne craignez pas, car je vous annonce une grande joie… » (Lc 2,
  • 8. 10ss) et c’est encore plus clairement que cette fonction apparaît dans l’annonce de l’ange à Marie : « Tu concevras, tu mettras au monde un fils…Comment cela se fera- t-il ? … L’Esprit du Seigneur viendra sur toi…Qu’il me soit fait selon ta parole » (Lc 1, 26-38). Le Magnificat de Marie est un exemple de la fonction expressive (Lc 2, 29- 32). Ce qui est dit sur la parole divine est basé sur le principe d’analogie entre elle et la parole humaine. L’analogie dit ressemblance par un aspect, mais dissemblance (ou différence) sur tous les autres Ainsi donc, la parole divine s’est humiliée et s’est abaissée jusqu’au langage humain ; Ainsi, elle l’a non seulement élevé, mais encore elle l’a sublimé et enveloppé de son mystère. Ne nous arrêtons pas à la lettre, nous recommande saint Jean Chrysostome, mais considérons qu’à cause de notre faiblesse, Dieu utilise le langage humble pour réaliser notre salut d’une façon digne de Dieu. Donc, si nous voulions prendre toutes les paroles à la lettre et non dans un sens digne de Dieu, ne s’ensuivrait-il pas des absurdités et des contradictions ? La parole divine passe par la parole humaine, sans s’identifier avec elle, comme la grâce passe par les sacrements. Elle en fait sa demeure et de là, elle dialogue et établit la rencontre du salut avec les hommes. Avec condescendance envers l’homme et son langage, la parole divine, descendue par l’échelle de Jacob (Gn 28, 10-22) jusqu’à son interlocuteur, ne reste pas sur la terre, mais remonte par cette même échelle jusqu’à la hauteur du mystère caché dans sa propre révélation à l’intelligence humaine. La lumière de la parole divine ne touche l’homme que d’un seul de ses rayons infinis, avec une lumière suffisante pour le transfigurer et le conduire au salut, mais avec une surabondance de lumière inaccessible pour lui faire voir que Dieu est Dieu et non pas homme, et que sa parole ne reste pas enchaînée par le langage humain. IV. LES HÉRAUTS DE LA PAROLE DIVINE
  • 9. Dans la Constitution dogmatique Dei Verbum, il est dit ouvertement : « Dieu a parlé par des hommes, à la manière des hommes » (DV, 12). Seule la parole humaine peut donner corps et forme à la parole divine. La médiation est une condition absolument nécessaire pour que la parole de Dieu arrive aux oreilles humaines et influence efficacement leur vie, d’une efficacité salvatrice. Fixons d’abord notre attention et notre intérêt sur la nature même de la médiation. En acceptant que la médiation soit nécessaire dans la communication entre le divin et l’humain, il faudra tout autant admettre qu’il appartient à la nature de la médiation d’appauvrir la réalité médiatrice. Si dans la médiation entre les hommes, ou entre la pensée et la parole, l’appauvrissement du message se vérifie, ceci s’intensifie dans le cas d’une médiation entre Dieu et la parole humaine. C’est la parole même de Dieu qui nous arrive, mais transformée en parole humaine et soumise aux limites des capacités d’un langage humain déterminé. Le message arrive, la parole divine se rend présente et vivante devant les hommes, mais avec des signes d’expression de l’homme qui parle une langue déterminée et appartient à une culture déterminée . Qu’est-ce qui rend possible cette médiation de la révélation divine ? La présence active, dynamique de l’Esprit de Dieu chez les médiateurs. Parmi les médiateurs (comme les patriarches, les juges, les rois, les prophètes, les prêtres, les apôtres etc…) ceux qui possèdent une conscience plus vive de l’initiative divine sur leurs personnes et sur leurs paroles sont les prophètes. Dans leurs écrits, ils ont concrétisé bien souvent le dynamisme divin qui les pénètre et les secoue jusque dans les fibres les plus intimes de leur personnalité. Cette même force divine agit sur les auditeurs ou les lecteurs de telle sorte que la parole humaine, pénétrant dans les oreilles et le cœur des hommes, souffre sous l’action de l’Esprit Saint, la mise à nu du langage humain et arrive à l’intimité de l’âme comme « Parole de Dieu ». Les paroles des médiateurs ont été, par conséquent, comme condensées en Jésus Christ, le Verbe, la Parole de Dieu, l’unique médiateur entre Dieu et les hommes. Les médiateurs qui l’ont précédé sont une « préparation » ; ceux qui l’ont suivi constituent le « prolongement » de la seule Parole vivante et efficace par laquelle Dieu s’est révélé aux hommes, Jésus Christ, Fils de Dieu et de Marie. [1] * Terme défini dans le lexique final.
  • 10. Chapitre 2 Transmission-tradition Au moment historique qu’il nous est donné de vivre, la transmission - tradition qui nous relie au passé, est dévalorisée, tout comme le passé lui-même. Au milieu des cendres du passé, cependant, il y a une grande richesse cachée. La découvrir, l’assumer et l’assimiler est ce qui incombe à chaque génération et à chaque époque. Chaque génération est une création, mais pas « à partir du néant », mais bien « à partir de la tradition », à partir de l’accueil purificateur et sélectif du passé proche ou lointain. I. Introduction. II. Le fait de la transmission - tradition. III. Fonctions de la transmission – tradition. IV. Le milieu ambiant de la transmission – tradition. V. Langues et matériaux utilisés pour la transmission de la Révélation. APERÇUS - Comment savons-nous que ce qui est écrit dans la Bible est authentique ? L’étude de la transmission de la Sainte Écriture peut nous aider à répondre à cette question. - Pourquoi le rejet de la tradition s’oppose-t-il à l’histoire et à la science ? Pensez à ce qui se passerait si nous nous fiions uniquement à tout ce qui arrive et se dit dans le moment présent. MOTS CLEFS : Transmission : Tradition
  • 11. I. INTRODUCTION Si l’on veut s’opposer au rejet de la tradition, il faut mettre en valeur la signification positive. Tout d’abord, la tradition est une condition d’identité d’une personne ou d’un groupe humain. Le passé garde nos racines biologiques et culturelles, religieuses et morales. Le travail de chaque génération n’est pas de couper l’arbre et de semer une nouvelle plante sur la planète terre, mais de tailler l’arbre pour qu’il grandisse avec une vigueur nouvelle et donne de nouveaux fruits. Les Pères de l’Église n’ont pas cessé de regarder la tradition, comme modèle éternel de la foi et de la conduite chrétienne. Saint Cyrille de Jérusalem, entre autres, dans ses fameux catéchismes, recommandait aux chrétiens la fidélité à la tradition : « maintenez les traditions, que vous recevez maintenant et inscrivez-les dans votre cœur... (ici l’évêque remettait aux chrétiens la formule du credo). On t'a remis un trésor de vie et le Seigneur te demandera compte de ce dépôt le jour où il apparaîtra ». Ensuite, la destination universelle de la révélation d’une part et le destin historique de l’homme d’autre part, exigent la transmission – tradition de la révélation. Si par impossibilité la chaîne de la transmission - tradition s’était rompue, l’humanité serait revenue, dans ses relations avec les hommes, aux « hominidés (*) » d’il y a des millions et des millions d’années, et dans ses relations avec Dieu, au point zéro. La parole révélatrice de Dieu resterait ensevelie dans la froide caverne d’un passé sans nom. Quand nous parlons de transmission - tradition de la révélation nous nous référons à tout le processus de ce phénomène, depuis le commencement, à travers les nombreuses générations, jusqu’au présent. Ce qui nous intéresse, nous, c’est la transmission - tradition depuis la naissance de ce fait jusqu’au moment où le canon biblique (*) est arrivé à son apogée et à son accomplissement. Il est évident, en outre, que ce qui nous intéresse n’est pas la totalité de l’étendue de la tradition humaine, mais uniquement la tradition révélée dans tout le substrat de la Sainte Écriture. Nous sommes intéressés par la tradition religieuse et par tout le reste en tant que véhicule de la parole divine. Après cette brève introduction définissons la transmission et la tradition :
  • 12. Transmission : c’est l’acte par lequel le peuple de Dieu, guidé par des hommes choisis, communique à la génération suivante la révélation divine jusqu’au moment où ladite révélation se fige en texte sacré et canonique. Tradition : ce sont les événements, coutumes et vérités contenues dans la révélation et qui, transmis par voix orale ou écrite au long de nombreux siècles, sont restés définitivement modelés dans la Sainte Écriture . II. LE FAIT DE LA TRANSMISSION – TRADITION 1- Constatation du fait. Le fait de la transmission est un phénomène indéniable, inséré dans la nature historique et sociale de l’homme. Par l’expérience humaine on transmet ce que l’on considère précieux pour les générations futures. Dans la Bible, on transmet la Parole et l’action de Dieu sur la nature et surtout sur l’histoire. Les écrivains sacrés ont eu conscience de ce fait et nous en ont laissé la trace dans leurs écrits. Ils ont manifesté cette conscience à différentes époques dans leurs livres au genre littéraire divers et cela tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament Dans le Deutéronome (4, 9), Moïse, se souvenant de la révélation de Dieu à l’Horeb, adresse la parole à son peuple : « Ne vas pas oublier ces choses que tes yeux ont vues et ne les laisse, en aucun jour de ta vie, sortir de ton cœur ; enseigne-les, au contraire, à tes fils et aux fils de tes fils ». Le psaume 78, 3-4, où l’auteur essaie de mettre devant les yeux de son peuple les leçons l’histoire d’Israël, parle ainsi : « nous l’avons entendu et connu, nos pères nous ont appris, nous ne le tairons pas à nos enfants. » Paul, à plusieurs occasions, emploie la formule : « je vous ai transmis ce que j’ai moi- même reçu… ». Dans toutes ses épîtres se trouvent des textes provenant de la tradition apostolique dans laquelle il se trouve lui-même immergé et qu’il communique à ses communautés. Tout cela parce que Paul est très conscient de ce que « la foi naît de la prédication et la prédication de la parole du Christ. » (Rom.10, 17 )
  • 13. 2- Exigences de la révélation elle-même. La transmission - tradition n’est pas seulement un fait vérifiable dans le texte sacré, il est bien davantage une exigence de la révélation elle-même. La révélation de Dieu commence par une bénédiction, une promesse et une alliance. Abraham reçoit de Dieu la bénédiction et la promesse : « Je bénirai ceux qui te béniront et je maudirai ceux qui te maudiront…(bénédiction). Par toi seront bénies toutes les races de la terre (promesse) (Genèse 12, 3). Et ensuite l’alliance : « Ce jour là Yahvé conclut une alliance avec Abraham en disant : à ta descendance j’ai donné ce pays, depuis le fleuve d’Égypte jusqu’au Grand fleuve, le fleuve Euphrate... » (Genèse 15,18 ). Dieu est fidèle à son alliance et à sa promesse et le peuple d’Israël n’a cessé de les transmettre de génération en génération. Comme Dieu est fidèle, la promesse doit s’accomplir malgré les difficultés et au milieu des vicissitudes de l’histoire et l’alliance n’est pas rompue par l’infidélité humaine, mais Dieu s’en sert pour lui montrer son amour et établir une alliance parfaite et définitive dans le sang de Jésus-Christ. Le Christ assume en lui-même et personnalise la promesse. Il en fait une réalité et établit l'alliance par son offrande sacrificielle sur la croix. Avec le Christ on fait un pas de la promesse de descendance biologique à l’alliance messianique : de l’alliance de la loi à l’alliance de la grâce. Une nouvelle tradition et transmission, reliée à la précédente mais nouvelle et originale s’inaugure avec le Christ Jésus. De cette façon Jésus-Christ est constitué point d’aboutissement de la tradition d’Abraham et, en même temps, point de départ de la nouvelle tradition chrétienne. 3- Impératif divin La transmission - tradition est aussi un impératif divin inéluctable puisqu'il va de l’identité de chaque israélite et de tout le peule d’Israël. L’impératif divin jaillit comme une nécessité de sa fidélité sponsale envers Israël : qu’ils n’oublient pas Yahvé, leur époux ; de même, qu’ils lui soient fidèles. « Il avait commandé à nos pères de le faire connaître à leurs enfants, que la génération qui vient le connaisse, les enfants qui viendront à naître ; qu’ils se lèvent, qu’ils racontent à leurs enfants, qu’ils mettent en Dieu leur espoir, qu’ils n’oublient pas les hauts faits de Dieu et ses commandements qu’ils les observent». (Psaume 78, 56,7ª ).
  • 14. Les Apôtres vivent sous ce même impératif divin. Les Actes nous racontent que Pierre, devant les membres du Sanhédrin qui leur interdisaient de parler au nom de Jésus, répondit au nom de tous : « Jugez s’il est juste devant Dieu de vous obéir à vous plutôt qu’à Dieu. Nous, nous ne pouvons pas cesser de dire ce que nous avons vu et entendu » (Ac 4, 19). Si le salut ne s’obtient que grâce à l’acceptation de l’Évangile de Jésus-Christ, la transmission de génération en génération est absolument nécessaire et impérativement obligatoire. « Nous ne pouvons pas ne pas le faire » comme le disait Pierre lui-même. III - FONCTIONS DE LA TRANSMISSION - TRADITION 1 - Fonction conservatrice L’acte de transmettre n’a de signification que s’il est fait pour conserver ce que l’on transmet (tradition ). Comme l’on transmet la vie pour la conserver et pour que l’humanité ne s’éteigne pas, de la même façon, on transmet les lois qui régissent la constitution d’une nation, les coutumes familiales, les traditions religieuses, etc…afin qu’elles survivent dans l’avenir pour les nouvelles générations. De ce point de vue la transmission - tradition a une relation avec l’idée de culture, cet ensemble de principes, de normes, de lois de vie, de coutumes, de valeurs, etc qu’ont légué à l’humanité l’Égypte, la Grèce, Rome, l’Europe chrétienne, l’empire inca ou aztèque. Elle est en relation aussi avec l’histoire, maîtresse de vie, de sorte que l’homme apprenne à vivre dans le présent en voyant comment on a vécu dans le passé, en l’assumant de façon critique. Ainsi donc, parmi les fonctions de la transmission - tradition, celle qui se distingue indubitablement le plus est la fonction conservatrice. Transmettre quelque chose (tradition) implique de façon intrinsèque, non seulement la volonté de conserver ce que l’on transmet, mais aussi la conservation elle-même. D’une certaine manière, transmettre c’est conserver. Au long des siècles de la transmission biblique, celle-ci s’est d’abord réalisée à l’intérieur de la famille, du clan ou de la tribu. Ce n’est que si la famille, le clan ou la tribu, étaient capables de conserver leurs traditions qu’ils avaient l’assurance d’une
  • 15. survie historique. Dans le cas contraire, ils étaient absorbés par d’autres clans ou tribus, sans laisser de trace dans la succession des événements de l’humanité. Ce qui vaut pour la famille, le clan ou la tribu, est également valable pour une nation. Si, durant l’exil babylonien et les siècles qui ont suivi, Israël n’avait pas cherché son identité en tant que nation dans tout le bagage dogmatique moral et culturel légué par le passé, il aurait, sans aucun doute, succombé sous la griffe de l’empire assyrien, babylonien, persan, grec ou romain. Quand, au Ve siècle, le judaïsme se constitue et déjà la Torah (*) (le Pentateuque : Genèse, Exode, Lévitique, Nombres, Deutéronome) et une grande partie des écrits prophétiques acquièrent leur forme définitive, les écoles rabbiniques surgissent afin de conserver fidèlement le texte sacré et de l’actualiser pour chaque époque et chaque génération. En plus du texte écrit et des méthodes mnémotechniques (par exemple répétitions fréquentes à haute voix, formules concises sous forme de sentences, emploi de la mise en parallèle, mots mnémotechniques, etc.), la fonction conservatrice de la transmission - tradition se manifestait dans le culte où beaucoup de textes canoniques de l’Ancien Testament et du Nouveau, ont acquis leur forme définitive. 2 - Fonction constitutive Intimement liée à la fonction conservatrice se trouve la fonction constitutive. Ce qui s’est transmis peu à peu arrive à son moment de maturation, et se transforme en texte immuable et permanent dans lequel le peuple d’Israël, ou le peuple chrétien, écoute la parole du Dieu vivant et trouve les modèles de son identité et de son existence juive ou chrétienne. La transmission - tradition est alors constituée, par la force de sa valeur permanente et de son origine divine, en Écriture Sainte, expression définitive de la volonté de Dieu. Ce que Dieu, révélateur et principal auteur de l’Écriture, a considéré nécessaire au salut de l’humanité, est resté comme consacré par le canon biblique sous les espèces de la parole humaine. C’est l’auteur divin lui-même qui a révélé les Écritures, a guidé et assisté l’Église dans le choix des livres normatifs de son identité et de sa vie qui, en même temps que l’Eucharistie, constituent sa nature la plus intime et la plus essentielle. Ce que Dieu a révélé progressivement au long des siècles, une fois constitué texte sacré, canonisés par l’Église, à des moments précis de l’histoire, se transforme en Parole vivante, impérissable et éternelle, qui lance son cri d’appel et de salut aux quatre points cardinaux de la planète. 3 - Fonction rénovatrice
  • 16. Deux mots pour terminer sur la fonction interprétative et innovatrice de la transmission - tradition. Les études d’exégèse des deux derniers siècles ont mis en évidence le travail interprétatif et innovateur interne de la Bible elle-même, précisément pour que la transmission – tradition soit significative et parlante pour les destinataires d’un texte à un moment déterminé de l’histoire, antérieur à la fixation définitive et constitutive de l’Écriture. Le NT, dans son ensemble, interprète et actualise à partir de la nouveauté du Christ, tout l’AT. L’exode est interprété de façon nouvelle par le groupe sacerdotal en exil à Babylone, quand Cyrus en l’an 538 leur permit de retourner dans leur propre patrie. L’alliance du Sinaï reçoit un nouveau souffle avec la promesse d’une nouvelle alliance inscrite non pas sur des tables de pierre, mais plutôt dans le cœur des hommes. La Pâque juive reçoit une lumière nouvelle et transformante de la pâque chrétienne dans le sang du Christ. La tradition de Jésus est méditée et mieux comprise, sous l’action de son Esprit, par la communauté apostolique après la Pentecôte. 4 - Fonction eschatologique. La transmission – tradition tend par la force de son dynamisme intérieur même à atteindre un objectif précis : dans l’Ancien Testament, la permanence, dans l’histoire, de la présence salvatrice vivante et actuelle du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, à travers la Révélation faite par Dieu au peuple d’Israël. Dans le Nouveau Testament, la présence historique salvatrice du Dieu de Jésus–Christ, vivant et glorieux, par l’intermédiaire de l’Église, dépositaire de la révélation et de la tradition chrétiennes. Les vicissitudes politiques, institutionnelles, religieuses, etc., changeront au long de l’histoire du peuple israélite, mais la relation vitale avec le Dieu des Pères restera comme élément essentiel de la transmission – tradition. L’Église, à son tour, traversera historiquement des situations et des époques très différentes, mais dans la transmission – tradition ecclésiale le centre sera toujours occupé par le Dieu de Jésus-Christ, l’Homme­Dieu. A travers cet « eschaton » (*) historique, la transmission - tradition, une fois cristallisée dans la Sainte Écriture, se projette vers l’eschaton définitif, dans l’au-delà, quand le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob et le Dieu de Jésus-Christ sera tout en tous, et que l’homme atteindra la plénitude de la vérité dans le mystère de Dieu. C’est la raison pour laquelle la constitution sur la révélation divine affirme : « l’Église chemine à travers les siècles vers la plénitude de la vérité, jusqu’à ce que s’accomplissent pleinement en elle les paroles de Dieu ». Dans l’au-delà, la Parole de Dieu, transmise par les hommes, et qui vit dans l’Écriture et dans l’Église, arrivera à être pleinement vérité salvatrice et appartiendra à tous les sauvés. Alors, la transmission - tradition s’achèvera et sera remplacée par le « gaudium » de la contemplation du mystère de Dieu.
  • 17. 5 - Fonctions coexistantes De cet exposé on déduit que les fonctions de la transmission - tradition peuvent être distinguées les unes des autres et que nous pouvons les séparer de façon analytique, mais sans perdre de vue qu’elles coexistent, qu’elles s’appuient et se complètent réciproquement, qu’elles sont hiérarchisées et subordonnées à la Parole définitive, Jésus-Christ, alpha et oméga de toute l’Écriture : oublier ou omettre l’une d’entre elles c’est mutiler et appauvrir la richesse et le contenu de la transmission - tradition. Si la tradition juive n’avait pas conservé le souvenir de la première pâque, au pied du Sinaï, cet événement n’aurait jamais été institué texte canonique et, ni Jésus, ni l’Église ensuite, n’auraient interprété la passion - mort - résurrection de Jésus-Christ comme la pâque nouvelle et définitive, le sommet du passage de Dieu dans l’histoire. L’Apocalypse n’aurait pas non plus, décrit la Jérusalem nouvelle dans laquelle il n’y aura plus de temple parce que l’agneau est son temple ; il n’y aura pas besoin de la lumière du soleil, puisque l’Agneau sera sa lampe, il n’y aura pas de malédiction, parce que le trône de Dieu et de l’Agneau est au milieu d’elle, et ses serviteurs l’adoreront ; ils verront son visage et porteront son nom sur leur front (Ap 21, 22-23 et 22, 3-4). Sans conservation, il n’y a pas constitution et, en leur absence, ni l’interprétation, ni l’innovation, ni l’élan eschatologique ne sont possibles. IV - LE MILIEU AMBIANT DE LA TRANSMISSION -TRADITION 1 - Dans l’Ancien Testament. Il s’agit de considérer quels ont été les lieux, ou les circonstances, où la révélation divine s’est réalisée et où la transmission - tradition a été possible. Selon la nature des livres sacrés, des péricopes ou des cycles de textes (par exemple le cycle d’Abraham : Gn 12-25 ; ou le cycle des paraboles : Mt 13), comme ambiances plus propices à la formation des traditions et de leur transmission, on peut distinguer : a) Les divers sanctuaires israélites (Béthel, Silo, Sichem, Gilgal, Hébron, etc.) et, en particulier, le culte dans le Temple de Jérusalem. b) La cour royale, surtout aux moments de splendeur (David et Salomon) ou de rénovation (Ezéchiel, Josias).
  • 18. c) Les périodes de crise qui sont éclairées par la parole prophétique et les fulgurations apocalyptiques (chute de Samarie, exil, persécution à l’époque des Maccabées). d) Dans le judaïsme tardif, l’école rabbinique et la synagogue acquièrent une importance comme lieu de transmission. 2 - Dans le Nouveau Testament a) En ce qui concerne le christianisme, le lieu par excellence de la transmission est le culte chrétien. Les textes les plus proches de l’origine, (les plus anciens), du cycle de la passion et un grand nombre des textes de la vie publique, se sont transmis et fixés dans l’ambiance du culte dominical. b) Par rapport au culte, comme chemin de préparation à ce dernier, se trouve la prédication primitive ou kérygme, dans laquelle on insiste surtout sur le mystère pascal chrétien selon les Écritures (relecture de tout l’AT à la lumière de la passion - mort - résurrection de Jésus-Christ et vice versa ). b) Comme complément du culte, on fait la catéchèse auprès de ceux qui sont déjà baptisés. Par cette ambiance de catéchèse, on transmet une grande partie des Évangiles de l’Enfance, de nombreux textes de la vie publique et quelques particularités du cycle de la passion et des apparitions. c) Non moins importante pour la transmission - tradition est l’ambiance missionnaire, soit relative aux juifs (textes surtout polémiques) soit relative aux païens (discours missionnaires, miracles...). d) Dans le reste du NT (tout comme, dans une certaine mesure, à l’intérieur des Évangiles) le milieu ambiant (Sitzim Leben), ce sont les communautés déjà constituées auxquelles s’adressent le plus fréquemment les apôtres ou leurs disciples (école apostolique) pour expliquer certains aspects doctrinaux relatifs au mystère du Christ, pour corriger des déviations, pour écarter et défendre les communautés des faux prophètes et docteurs, pour enseigner le comportement chrétien dans certaines situations de la vie personnelle ou sociale, pour soutenir et encourager dans les moments de persécutions ou de crises. L’étude de l’ambiance de la transmission - tradition de la Bible met en évidence le caractère fragmentaire et occasionnel d’un grand nombre d’écrits de l’AT et du NT,
  • 19. sans que pour cela, il ne soit plus vrai que tout ce qui est nécessaire à notre salut est contenu dans les textes scripturaires. V - LANGUES ET MATÉRIAUX UTILISÉS POUR LA TRANSMISSION DE LA RÉVÉLATION La révélation ou parole de Dieu à l’homme, a dû « s’incarner » en parole humaine pour être intelligible et ainsi être transmise. L’histoire de la transmission écrite de la révélation suit fidèlement l’histoire de la mise en canon des livres sacrés ; il s’agit, cependant, de deux procédés différents et qui ne coïncident pas nécessairement. 1 - Les langues de la Bible Les livres canoniques de la Bible ont été écrits en hébreu, en araméen et en grec. La majeure partie de l’AT a été écrit en hébreu. En araméen on trouve quelques fragments vétérotestamentaire : Es 4, 8-6, 12-26 ; Dan 2, 4-7, 28. Ont été écrits en grec : 2M, le livre de la Sagesse et tous les écrits du NT. La Bible a été écrite en trois langues, parmi elles deux sont sémitiques (*) tandis que l’autre est indoeuropéenne (*). Dieu est souverainement libre de choisir les langues par lesquelles faire parvenir sa révélation à l’humanité. Pour autant, il n’est pas licite de tomber dans la « sémitolâtrie » et de penser que le grec a trahi l’idiosyncrasie de la langue et de l’âme sémite ; le grec est également apte à transmettre la révélation divine. Qui opposerait de façon excessive la pensée hébraïque à la pensée grecque au point d’identifier la révélation avec la première, tomberait dans une impasse et ne ferait pas honneur à la libre action de Dieu, pour qui le dessein biblique du salut est susceptible d’être traduit et exprimé en d’autres langues et d’autres cultures. 2 - Le matériau de l’Écriture On ne compte aucun texte originel de la Bible, pas même du NT. Et même au IIIe siècle déjà, les textes originaux néotestamentaires avaient disparu. Ceci s’explique par le fait que le matériau qu’on utilisait couramment au Ier siècle après Jésus-Christ et pendant les nombreux siècles précédents, était le papyrus beaucoup plus
  • 20. abondant et plus économique que le parchemin, mais en même temps plus exposé aux offenses du temps. Le papyrus dut cependant être le matériau employé pour les autographes aux époques de l’Ancien Testament comme dans celles du Nouveau. On avait l’habitude de donner au texte écrit sur papyrus la forme d’un rouleau de dix mètres de long sur 25 à 30 cm de large. Les extrémités étaient renforcées avec deux baguettes de bois qui permettaient de le dérouler plus facilement. D’ordinaire le rouleau de papyrus est peu résistant. Sur le rouleau, on avait l’habitude d’écrire d’une écriture continue sans séparer les mots les uns des autres. Chapitre 3 L'inspiration Dieu s’est révélé aux hommes pour en faire l’objet de son amitié et de son Amour (DV, 2). Étant une révélation de salut engageant le présent et l’avenir définitif de l’homme et de tout homme, non seulement cette révélation ne peut sombrer dans l’oubli mais il faut la transmettre soit oralement, soit par écrit. La révélation de Dieu stabilisée en tradition qui doit se transmettre aux générations futures, parvient à la fixation écrite à un moment historique donné et forme ainsi la Sainte Écriture. Qu’est-ce qui caractérise et différencie le texte sacré de n’importe quel autre texte religieux du christianisme ou des autres religions ? Depuis toujours, le judaïsme d’abord et le christianisme ensuite, ont vu les Écritures comme inspirées par Dieu. Parce qu’elles sont inspirées par Dieu, elles sont canoniques, c’est à dire fondations et normes de notre foi. Parce qu’elles sont inspirées et canoniques, elles contiennent et sont ce que Dieu a voulu nous communiquer pour notre salut (vérité salvatrice). Dans ce chapitre nous traiterons de l’inspiration. I - Le phénomène de l’inspiration. II - La conscience de l’inspiration dans la bible. III - La réflexion de l’Église sur l’inspiration APERÇUS - Pourquoi disons-nous que la Bible est Parole de Dieu ? Ce qui est certain c’est que les textes bibliques ont été écrits par des hommes.
  • 21. - Pourquoi y a-t-il des gens, y compris des chrétiens, qui ne croient pas à la Bible ? Pour un grand nombre, les livres de la Bible ne sont rien d’autre que des textes littéraires comme bien d’autres. MOT CLEF : Inspiration biblique I - LE PHÉNOMÈNE DE L’INSPIRATION Quand on parle d’inspiration biblique, on fait référence aux textes sacrés de l’Ancien et du Nouveau Testament, mis par écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Maintenant, l’Esprit Saint n’agit plus seulement dans les livres sacrés et chez les hagiographes (écrivains sacrés ou écrivains des livres de la Bible), mais aussi avec d’autres personnes, ou les événements antérieurs ou postérieurs aux Livres sacrés l’histoire du salut, tout le dessein de salut de Dieu depuis le commencement jusqu’à la fin des temps. Dans la Bible, en effet, l’Esprit de Dieu se revêt de métaphores variées pour montrer sa force et sa liberté, sa présence multiple, invisible et dynamique. C’est un vent divin qui plane sur l’abîme primitif de la création (Gn 1, 2) ; c’est une force impétueuse qui s’empare de Samson et le pousse à des exploits héroïques (Jg 1, 25) ou une force vivifiante qui, des quatre points cardinaux, vivifie les ossements desséchés contemplés par le prophète (Ez 37, 9) ; c’est un souffle divin qui anime Adam et une brise suave qui adoucit l’angoisse d’Élie (1Ro 19, 12). C’est une langue de feu le jour de la Pentecôte (Ac 2), c’est une voix murmurant le nom « ABBA » dans l’intimité de l’âme (Ga 4, 6 ; Rm 8, 15) ; c’est le don de charismes variés dans l’Église (Cor 12, 4-11). La Bible met en relief non seulement la présence active de l’Esprit, mais encore l’efficacité de son action. Par l’œuvre du Saint-Esprit la création entière acquiert un visage d’ordre et de beauté, de chaos elle se transforme en cosmos. Dieu a soufflé son Esprit et le peuple d’Israël est passé de l’esclavage à la liberté (Ex 15, 10) ; l’Esprit de Pentecôte souffle et la Parole de Dieu résonne avec sincérité, suscite la foi de la multitude, l’Église se construit dans la communion de foi et de charité, le monde s’ouvre à l’espérance (Ac 2). L’Esprit de Dieu pousse les prophètes à parler : depuis
  • 22. Balaam, le prophète de Moab (Nb 22, 38 et 24, 2 sv) en passant par Isaïe (Is 59, 21) jusqu’à l’auteur de la seconde lettre de Pierre (2Pi 1, 21). L’Esprit accorde aussi à certains hommes le charisme d’écrire les livres sacrés (2Tim 3, 16). Cette présence multiple et dynamique de l’Esprit divin, et son efficacité, se prolonge dans l’histoire et dans la vie de l’Église. Toute l’action sanctifiante de l’Église est œuvre de l’Esprit. Le Magistère de l’Église possède une assistance spéciale de l’Esprit Saint pour remplir les fonctions qui lui sont propres. Les grands inspirés sont les saints qui se sont laissés posséder par l’action mystérieuse de l’Esprit. Les Conciles, la fondation d’institutions religieuses nouvelles ou de mouvements et d’associations de laïcs, pour citer un exemple, sont la preuve de l’activité et du dynamisme de l’Esprit dans l’histoire. En conclusion, l’inspiration est un phénomène de l’histoire du salut qui en parcourt toutes les étapes, mais qui a son sommet dans l’histoire biblique où se condense la Parole de Dieu à l’homme dans le Christ, avec le Christ et par le Christ. Malgré tout il reste clair que l’accent n’est pas mis sur les auteurs, mais sur l’Écriture en tant que divinement inspirée. En toutes ces inspirations le même Esprit est présent, mais seule l’inspiration biblique reçoit stricto sensu, au sens propre, le nom d’inspiration. Dans tous les autres cas, on ne peut pas parler de Dieu en tant qu’auteur ; par contre Dieu est l’auteur des livres sacrés. Essayons par conséquent de définir ce que l’on entend par inspiration biblique. Inspiration biblique : c’est le résultat de l’action charismatique de Dieu (cause principale, auteur) sur l’hagiographe (cause instrumentale, auteur) qui, usant de toutes ses facultés et talents (mode humain) et Dieu œuvrant en lui et par lui (mode divin), met par écrit tout et uniquement ce que Dieu veut (effet). Dans cette définition entrent trois éléments constitutifs : 1 - Dieu comme inspirateur de l’Écriture Sainte. 2 - L’hagiographe comme inspiré par Dieu en ce qui concerne les Écritures. 3 - L’Écriture inspirée en tant que résultat de l’action inspiratrice de Dieu sur l’hagiographe qui met ses facultés et ses talents au service de l’inspiration divine.
  • 23. II - LA CONSCIENCE DE L’INSPIRATION DANS LA BIBLE Au n° 9, la Constitution Dei Verbum enseigne que « La Sainte Écriture c’est la Parole de Dieu en tant qu’elle est consignée par écrit sous l’inspiration de l’Esprit Saint ». Dans cette phrase nous trouvons deux expressions de grand intérêt : (1) parole de Dieu, (2) écrite sous l’inspiration de l’Esprit Saint. Notre intention est d’analyser comment se vérifie, dans la Bible, la conscience du fait que l’Écriture est Parole de Dieu et qu’elle est écrite sous l’inspiration de l’Esprit Saint. 1 - La Bible est Parole de Dieu. a) Dans l’Ancien Testament. La bible juive, ou AT, se divise en trois grandes parties : La Loi, les Prophètes et les Écrits. Le peuple d’Israël a toujours considéré la Loi comme divine, parce que Dieu la lui a remise par l’intermédiaire de Moise, prenons deux exemples : 1) Le document du Pacte Sinaïtique (*) : Dieu prononce ses paroles (Ex 20 ss) ; Moise communique au peuple toutes les paroles du Seigneur et tous ses commandements (Ex 24,3) et les inscrit (24, 4) ; il lit le livre en présence du peuple et celui-ci répond : « Tout ce que le Seigneur a ordonné, nous le ferons » (24, 7) 2) Avec le roi Josias (640 à 609 avant Jésus-Christ), la Loi va se transformer en charte constitutionnelle du roi et de son royaume. Pendant les travaux de restauration du Temple de Jérusalem on a découvert un livre de la Loi. Dans ce texte on lit ce passage : « Lorsqu’il (le roi) montera sur le trône royal, il devra écrire sur un rouleau, pour son usage, une copie de cette Loi sous la dictée des prêtres lévites. Il ne la quittera pas, il la lira tous les jours de sa vie pour apprendre à craindre Yahvé son Dieu en gardant toutes les paroles de cette Loi ainsi que ses règles pour les mettre en pratique. » (Dt17, 18-19) Cette même conscience se manifeste chez les prophètes. Ceux-ci sont les hommes de la Parole. Ils ont l’habitude de commencer leur message par des formules comme celles-ci : La Parole du Seigneur me parvint… ; la Parole du Seigneur qu’il a reçue… ; Écoutez la Parole du Seigneur ; ainsi parle le Seigneur ; Oracle du Seigneur. Deux textes sont particulièrement significatifs :
  • 24. 1) Le rouleau de Jérémie jeté au feu par le roi impie Joaquin. Les paroles écrites par Jérémie sont des paroles du Seigneur ; la destruction du rouleau est interprétée par le prophète comme un délit contre la Parole de Dieu… Le rouleau est de nouveau écrit car la Parole de Dieu ne doit pas se perdre (Jr 36 ). 2) Le rouleau dévoré par le prophète Ézéchiel (Ez 2, 8-9) : « Fils d’homme… mange ce rouleau et va parler à la maison d’Israël » (3, 1). Dans ces textes s’exprime la conviction de ce que, non seulement l’oracle prophétique, mais aussi le livre - oracle écrit -, sont Parole de Dieu. A la fin du second siècle avant Jésus Christ, on ajoute à la Loi et aux prophètes, les Écrits qui, en majorité, peuvent être rassemblés sous le titre de livres sapientiaux et didactiques. La sagesse d’Israël qui a commencé à se développer avec l’avènement de la monarchie, pendant l’exil, s’intériorise et se spiritualise, grâce à une relation plus étroite avec la foi en Yahvé. Grâce à cette relation, la Sagesse humaine devient Sagesse de Dieu. Sur cette base, on en vient à l’identifier avec la Torah (Si 24, 22 ; Ba 4, 1), avec la parole des prophètes elle-même (Si 24, 31 ; Sg 9, 17) et, même, elle est assimilée à la Parole de Dieu (Pr 1, 20-23). Insensiblement, la Sagesse mise par écrit, est arrivée à être une nouvelle forme de révélation, accueillie par Israël avec la même autorité que la Torah ou les prophètes. b) dans le Nouveau Testament. Durant le judaïsme, comme résultat de l’ensemble du processus décrit jusqu’ici, naît une vive conscience de posséder une collection de livres sacrés (1M 12, 9) ou simplement le livre sacré (2M 8, 23 ). Jésus et l’Église primitive s’approprient cette conscience du judaïsme possédant des livres sacrés. Avec une simple formule : « Il est écrit », Jésus clôt m’importe quelle discussion (Mt 4, 4-10 ) ou réclame une autorité indiscutable (Mt 21, 13). L’Écriture apporte un témoignage de sa personne et de son œuvre, joint à celui du Père et des miracles (Jn 5, 31-40). Pour Jésus, la Parole de Dieu (écrite) ne peut être annulée (Jn 10, 35). Dans le Nouveau Testament Jésus est conscient d’être la révélation ultime et définitive de Dieu. C’est en tant que tel qu’il a parlé et agi. Bien qu’il reconnaisse l’autorité de l’Ancien Testament, il se situe au dessus de ce dernier : « Il y a ici quelqu’un de plus grand que le temple, que Jonas et que Salomon… » (Mt 12,6.41-42 ). Son autorité se situe même au-dessus de la loi mosaïque (Mt.5, 21-48 ). Quand l’Église primitive voit en Jésus l’accomplissement de toutes les promesses de Dieu (Cor.1, 20 ) ou l’ultime - définitive Parole de Dieu aux hommes (Hb.1, 1-2 ) et même la Parole de Dieu incarnée (Jn.1, 14 ), elle ne fait pas autre chose que de formuler ce
  • 25. qui existait déjà dans la conscience de Jésus et qu’il avait lui-même manifesté ouvertement. Avec Jésus naît une nouvelle tradition, la tradition chrétienne. Les Apôtres, après la Pentecôte, commencent à prêcher le salut avec courage et liberté, l’Évangile apporté par le Christ, conscients de ce que Jésus est la parole définitive de Dieu (Ac 4, 29-31), la Parole du Seigneur Jésus (Ac 8, 25 ) tant aux juifs qu’aux gentils (*). Luc voit dans l’accroissement de la communauté chrétienne, la croissance de la Parole (Ac 6, 7 ; 12, 24 ; 14, 20 ). Dieu a non seulement prononcé en Jésus la parole définitive, mais il l’a également manifestée quand le Christ est annoncé dans la prédication apostolique. Encore mieux, Dieu continue dans la prédication apostolique à proclamer Sa Parole, la même que celle qu’il avait prononcée en Jésus Christ. Paul parle et agit avec la puissance du Christ (2 Cor 13, 3) pour le salut de ceux qui l’écoutent (Rm 10, 17) et attribue le même caractère d’autorité à sa parole et à ses écrits (2Th 2, 15). Aussi n’est-il pas étonnant que les épîtres pauliennes soient placées à côté d’autres textes de l’Écriture (2Pi 3, 14-16). L’auteur de l’Apocalypse, de son coté, menace de châtiments quiconque oserait ôter ou ajouter quelque chose aux paroles de son livre prophétique (Ap 22, 18-29). En conclusion, pour le peuple d’Israël tout comme pour l’Église, les Saintes Écritures non seulement contiennent la Parole de Dieu, mais elles-mêmes sont Parole de Dieu. Et parce qu’elles sont Parole de Dieu elles bénéficient du charisme de l’inspiration. Nous allons parler de ceci maintenant. 2 - La bible est écrite sous l’inspiration de l’Esprit Saint. a ) En général. La présence de l’Esprit de Dieu dans les livres sacrés en vient à être une conséquence de l’action de l’Esprit dans l’histoire et dans la Parole. La Bible étant le moment privilégié de la conservation et de la transmission de la révélation, l’Esprit de Dieu ne pouvait être absent à l’instant définitif et décisif où toute l’histoire du salut, révélatrice du dessein de Dieu, était mise par écrit, au moment d’atteindre, grâce au livre sacré, les hommes de tous les temps pour la constitution du nouveau peuple de Dieu. Le rapport intime entre Esprit de Dieu et Parole de Dieu écrite s’entrevoit déjà en Is 34, 16 : « Dans le livre de Yahvé œuvrent la bouche et l’Esprit de Yahvé ». Dans l’oraison pénitentielle de Néhémie la parole écrite de la Loi est attribuée à l’Esprit de Dieu (Né 9, 20). Dans le Nouveau Testament, on dit qu’il est nécessaire que
  • 26. s’accomplisse tout ce que l’Esprit Saint a prédit dans l’Écriture par la bouche de David (Ac 1, 16). Jésus cite lui-même un psaume avec la formule : « David lui-même sous la motion de l’Esprit Saint a dit … » (Mc 12, 36 ) b ) En particulier Cependant, les textes classiques dans lesquels on parle explicitement de l’action de l’Esprit de Dieu dans la parole écrite, c’est-à-dire dans les livres sacrés, sont au nombre de deux : 2Pi 1, 20-21 et 2Tm 3, 16-17. (1) 2Pi 1, 20-21 : «Avant tout, sachez-le : aucune prophétie de l’Écriture n’est objet d’interprétation personnelle ; ce n’est pas d’une volonté humaine qu’est jamais venue une prophétie ; c’est poussés par l’Esprit Saint que les hommes ont parlé de la part de Dieu ». - Dans le texte on ne distingue pas entre prophétie orale et prophétie écrite, on passe de l’une à l’autre sans aucune différenciation. - Des deux sortes de prophéties, on dit qu’elles ne proviennent pas de l’initiative humaine, mais qu’elles furent prononcées ou écrites par des hommes mus par l’Esprit Saint. Par conséquent, leur prophétie n’est apparemment qu’une parole humaine, mais dans sa nature plus intime, elle est Parole de Dieu, en tant que consacrée par l’Esprit Saint. - Étant Parole de Dieu, consacrée par l’Esprit, elle n’admet pas une interprétation privée arbitraire. ( 2 ) 2Tm 3, 16-17 : « Toute écriture est inspirée par Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice : ainsi l’homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute œuvre bonne ». - L’action de l’Esprit Saint a des retombées sur « toute l’Écriture ». - De quelle Écriture parle-t-on : de l’AT ou du NT, ou des deux ensemble ? Directement, Paul se réfère à l’Ancien Testament : il parle en effet, de l’Écriture que Timothée a connue par sa mère juive. Indirectement il se réfère à tout livre qui se présente sous le nom d’Écriture (2Tm 5, 17-18). - Une chose est certaine : au moment où on écrit la 2e épître de Pierre, il existe déjà une collection des épîtres pauliennes, mises sur le même plan que les autres Écritures (2Pi 3, 15-16).
  • 27. III - LA RÉFLEXION DE L’ÉGLISE AU SUJET DE L’INSPIRATION Au long de l’histoire de l’Église, les chrétiens n’ont cessé de réfléchir sur l’inspiration et sa nature, se basant sur le fait que la Bible est la Parole de Dieu et qu’elle est inspirée. Clément Romano désigne les prophètes comme ministres de la grâce de Dieu, mus par l’Esprit Saint (1Clém 8, 1). Saint Jérôme ajoutera que les Écritures ont été écrites et publiées par l’Esprit Saint. L’Église a manifesté cette même conscience dans son magistère et sa théologie. A ) LE CHEMIN DES ANALOGIES Pour expliquer les mystères, dans leur sens naturel aussi bien que dans leur sens surnaturel, les hommes ont toujours eu recours à l’analogie. Grâce à elle, les hommes essaient de s’approcher du mystère, d’en chercher l’intelligibilité, sachant, cependant, que l’analogie est un moyen très imparfait et limité. La théologie qui réfléchit sur les mystères ne peut se passer du langage analogique, aussi impropre soit-il en face de la réalité qu’il essaie de capter. On a spécialement utilisé deux types d’analogie : les instrumentales et les littéraires. 1 - Analogie instrumentale a) A l’époque patristique (*) « Ces saints hommes-là, écrit Clément d’Alexandrie, n’avaient pas besoin d’artifices et n’avaient pas à parler dans un but polémique : il leur suffisait de s’offrir avec sincérité à l’action de l’Esprit Saint, parce que ce divin plectre, descendu du ciel, se servant des hommes comme d’instruments de musique, cithare ou lyre, nous révèle les réalités célestes et divines ». Prenons l’instrument musical. Dieu est le musicien qui prend la flûte dans ses mains et joue une musique belle et harmonieuse. L’homme est la flûte. La musique est le résultat de l’action de Dieu et de l’homme. Tout comme la flûte est l’instrument du musicien pour faire entendre une belle musique, l’hagiographe-prophète est l’instrument de Dieu pour faire entendre sa parole dans le texte sacré. Il est évident que dans l’image ce qu’on prétend mettre en relief c’est l’hagiographe comme instrument de Dieu. L’Esprit Saint meut son instrument humain pour exécuter son œuvre de langage. C’est lui qui souffle, fait bouger et appuie ; chaque auteur humain met son timbre, sa note, son langage et son style. La mélodie qui en résulte provient
  • 28. des deux : de l’Esprit et de l’inspiré, une et indivisible, parfaitement humaine et mystérieusement divine. b) A l’époque scolastique (*) Avec la scolastique on avance de l’image de l’instrument de musique vers une conceptualisation de celle-ci : cause instrumentale et cause principale. Saint Thomas expose cette doctrine avec les points suivants : (1 ) La cause principale agit par vertu propre ; l’instrumentale en vertu de la motion reçue de la cause principale. L’Esprit Saint est la cause principale, l’homme, l’instrumentale. ( 2 ) Dans l’instrument, on distingue une double action : la naturelle de l’instrument et l’instrumentale, qui est la naturelle élevée et appliquée aux capacités propres de la cause principale. L’homme, qui est instrument, a la capacité naturelle d’écrire d’une façon logique et raisonnée. Cette capacité naturelle est élevée par l’Esprit Saint pour qu’il écrive la révélation, ou Parole de Dieu aux hommes. ( 3 ) Le résultat de la coopération entre cause principale et cause instrumentale doit être attribué entièrement aux deux réunis, mais selon un mode différent. La Sainte Écriture est œuvre de Dieu, de l’Esprit Saint et de l’homme, mais de façon différente : Dieu comme cause principale, l’homme comme cause instrumentale. ( 4 ) Les deux causes agissent simultanément pour la production du même effet. ( 5 ) La capacité de l’agent principal a un caractère permanent ; celle de l’agent instrumental un caractère passager. L’instrument n’est instrument qu’au moment et pour le but vers lequel tend la cause principale. 2 - Analogie littéraire Puisque l’inspiration retombe sur un texte littéraire, peut être cette analogie serait- elle la plus adéquate pour expliquer et approfondir la nature de l’inspiration. a) Analogie du dicté Saint Jérôme, par exemple, écrit : « Toute l’Épître aux Romains exige une interprétation et elle est enveloppée de tant d’obscurités que, pour la comprendre, nous avons besoin de la grâce de l’Esprit Saint qui a dicté ces choses par l’intermédiaire de l’apôtre ».
  • 29. Et saint Grégoire le Grand, d’une phrase sobre et catégorique, jugera « celui qui l’a dictée, l’a écrite ».Que signifiait « dictare » ou « dictatu » dans la terminologie patristique ? Qu’ont voulu dire les conciles et les textes du magistère en utilisant ce terme ? Outre le sens actuel « dictare » peut être traduit par composer, enseigner, commander ou, simplement, suggérer. Ceci posé, il est facile de penser que dans les textes patristiques et ceux du magistère l’expression « Spiritu Santo dictante » (sous la dictée de l’Esprit Saint), ne veut pas dire prononcer des paroles qui vont être transcrites l’une après l’autre mécaniquement, mais il faudrait plutôt traduire : sous l’ordre, la prescription, la suggestion de l’Esprit Saint ou, composé par l’Esprit Saint. Dans le premier cas on souligne l’action de l’Esprit Saint sur la volonté de l’hagiographe, dans le second l’Esprit Saint en tant qu’auteur de l’Écriture. Comme dans le Christ il y a deux volontés et deux opérations, sans confusion ni opposition et, comme la volonté humaine du Christ est soumise à la volonté divine, de la même façon, dans le mystère de l’inspiration il y a une opération humaine littéraire ou de langage, soumise et non pas opposée à l’opération de l’Esprit Saint. Et rabaisser l’opération humaine à celle d’un simple copiste (personne qui écrit ce qu’on lui dicte), ce n’est pas glorifier l’opération divine. b) Dieu et l’homme auteurs de la Sainte Écriture Le Concile Vatican II nous a habitués à parler de Dieu auteur de l’Écriture et des hommes comme véritables auteurs des livres sacrés. Comment expliquer que le texte sacré puisse avoir deux auteurs ? Auteur appliqué à Dieu, signifie-t-il la même chose qu’appliqué aux hommes ? La lutte contre l’hérésie (*) gnostique (*) avec ses diverses ramifications (marcionites (*), manichéens (*), etc.) fut l’occasion d’utiliser cette analogie. Les pères de l’Église eurent à défendre l’unité des deux Testaments ; il faut affirmer que tous les deux procèdent et sont inspirés par Dieu lui-même. Il a semblé, aux Pères de l’Église, que l’image la plus appropriée pour exprimer ces idées était celle d’un auteur : Dieu est auteur aussi bien de l’AT que du NT. Cette analogie se trouve aussi dans des textes conciliaires et ceux du magistère, et même dans une définition de la foi du Concile de Florence (Dz-Sch 1334). Le Concile Vatican II répétera les paroles de Vatican I, en DV 11 et, de son côté, affirmera en DV 16 : Dieu est l’auteur qui inspire les livres des deux Testaments, de sorte que l’Ancien recouvrait le Nouveau et que le Nouveau révélait l’Ancien. Peut être qu’un chemin expliquant la relation entre auteur divin et auteur humain de l’Écriture devrait-il être cherché dans la révélation et l’inspiration. Inspiration et
  • 30. révélation, écrit Benoît, ne se confondent ni ne s’opposent ; elles ne se succèdent pas non plus. Elles agissent simultanément et harmonieusement, s’incluant l’une l’autre, comme l’Esprit inclut la Parole. Le Dieu qui révèle est le même qui inspire, bien qu’il s’agisse de deux actes différents : « la vérité divinement révélée que contiennent et présentent les livres de la Sainte Écriture, y a été consignée sous l’inspiration de l’Esprit Saint » (DV 11). Dieu est auteur en tant qu’utilisant des hommes choisis et agissant en eux et par eux. « Ceux-ci mirent par écrit, en vrais auteurs, tout ce qui était conforme à son désir, et cela seulement », c’est-à-dire la révélation de lui-même et la manifestation du mystère de sa volonté, pour que les hommes parviennent jusqu’au Père et participent de la nature divine (DV, 11.2). Dieu est auteur pour autant que le texte sacré est un texte de révélation divine, mise par écrit par les écrivains sacrés sous une motion vitale de Dieu lui-même. L’homme est auteur par tout ce qu’il met par écrit, en pleine possession de ses facultés et capacités intellectuelles et littéraires, tout et seulement ce que Dieu veut. Tous deux sont auteurs littéraires, mais avec une spécificité différente. Dieu, en tant que l’Écriture est un texte de révélation de soi-même et de son dessein d’amour envers les hommes. L’hagiographe, en tant que l’Écriture est un texte écrit par les hommes, sous l’action et l’inspiration de Dieu lui- même. La Constitution dogmatique DV enseigne (n°11) : « Les livres de l’Ancien Testament comme du Nouveau, rédigés sous l’inspiration de l’Esprit Saint, sont sacrés… ils ont Dieu comme auteur ». Dieu étant l’auteur de l’Écriture, celle-ci nécessairement ne peut qu’être inspirée. Étant donné que le cours est une Introduction à la Sainte Écriture, nous allons terminer par une réflexion sur l’Écriture inspirée. Sous l’influence de la réflexion philosophique sur la théorie du langage, on a davantage valorisé l’Écriture elle-même comme inspirée. Il faut continuer d’affirmer que les textes et les auteurs sont indissociables ; le texte n’est pas un objet fabriqué auquel le lecteur pourrait lier n’importe quelle signification ; le texte est une parole adressée par l’auteur aux lecteurs traversant le temps et la distance. La théologie de l’inspiration doit regarder les livres saints en tenant compte des coordonnées historiques et culturelles qui ont conditionné la formation du message de Dieu en un temps et un lieu déterminés, dans une tradition qui s’étale tout au long de l’économie historique du salut. En bonne logique, il convient d’affirmer que Dieu est celui qui inspire, l’homme celui qui reçoit l’inspiration et transmet la Parole de Dieu reçue par l’inspiration, mais seul le texte sacré, au sens strict, est inspiré en tant que résultat simultané et conjoint de l’action de Dieu et de l’action de l’homme.
  • 31. Cette valorisation de l’Écriture inspirée est en plein accord avec la Patristique. L’Écriture, selon saint Irénée, est parfaite, car elle a été dite par le Verbe de Dieu et par son Esprit. Le magistère de l’Église utilise aussi fréquemment l’expression « livres inspirés » ou « Écriture Divine », depuis les premiers siècles jusqu’à nos jours. Un simple exemple : « L’économie du salut, annoncée d’avance, racontée et expliquée par les auteurs sacrés, apparaît donc dans les livres de l’Ancien Testament comme la vraie Parole de Dieu. Par conséquent, ces livres divinement inspirés, conservent une valeur impérissable » (DV, 14). B ) DOCTRINE THÉOLOGIQUE SUR L’INSPIRATION. 1. Pour mieux comprendre l’inspiration biblique, il est nécessaire de la considérer en relation avec la révélation de Dieu à l’humanité, ce don surnaturel, gratuit et à l’origine de toute l’histoire du salut dans laquelle il faut situer l’Écriture, l’inspiration et l’Église. Tout concept d’inspiration devra, par conséquent, se mesurer au caractère gratuit et surnaturel de celle-ci. S’il en était autrement on courrait le risque de la réduire à une expérience religieuse, purement humaine, à la mesure de n’importe quelle autre expérience profane ; les livres sacrés deviendraient la mise par écrit de l’expérience religieuse d’hommes extraordinaires, de génies religieux. Par l’Écriture, cependant, on constate que les auteurs sacrés, en grande majorité font partie des hommes normaux de leur peuple, sans qualification humaine particulière pour l’accomplissement de leur mission prophétique et inspirée. D’un autre côté, en la mettant en relation avec la révélation qui se transmet au cours du temps de l’histoire du salut, nous évitons le risque de comprendre l’inspiration d’une manière mécanique (dictée mot à mot, ce qui ferait de l’auteur sacré un simple copiste ou secrétaire), ou sous forme d’oracle selon le mode de la culture hellénistique (*). La chaîne de la transmission révélatrice jusqu’à la fixation en Écriture inspirée est la négation la plus catégorique de cette façon de concevoir l’inspiration biblique. 2. De plus, l’inspiration doit être comprise dans l’ensemble de l’action multiforme de l’Esprit Saint dans l’histoire du salut et en harmonie avec ladite action. Un isolement de l’inspiration biblique, comme entité en soi, étrangère à toute autre activité de l’Esprit est insoutenable. Le propre de l’inspiration biblique sera mieux et plus facilement compris, si nous le plaçons dans le cadre de l’activité multiforme de l’Esprit. Traiter l’inspiration biblique sans relation à la révélation historique revient à lui faire perdre sa généalogie et son identité de sens.
  • 32. 3. L’inspiration est une vérité révélée par Dieu dans l’Écriture elle-même. Il suffit de penser à la conscience que les auteurs sacrés avaient du fait que l’Écriture est Parole de Dieu et, en tant que telle, est inspirée par l’Esprit Saint. Le Concile de Trente (Dz- Sch 1504), en la définissant comme dogme de foi, n’a fait que reconnaître ce qui apparaît clairement dans l’Écriture elle-même. La pénétration dans l’intelligence du dogme de l’inspiration se réalise à partir de la contemplation et de la réflexion du croyant, mais surtout grâce à une expérience intime de l’inspiration elle-même au contact de l’Écriture, sous la direction des Évêques, successeurs des apôtres dans le charisme de la vérité. 4. L’intelligence de l’inspiration en tant que mystère divin ne peut être menée à bien sans les approximations analogiques avec les réalités de ce monde ou avec les mystères entre eux (mystère de l’Incarnation, de l’Eucharistie…), comme aussi par sa relation avec la fin ultime de l’homme qui est le salut (Dz-Sch 3016). C’est une exigence de l’entendement humain qui ne peut comprendre les choses invisibles et au delà des sens, si ce n’est par les visibles et les sensibles. Cependant, il ne suffit pas de savoir que la réflexion de l’Église s’est servie de l’image de la cithare, de la plume, de la dictée ou de l’auteur pour expliquer la nature de l’inspiration. Ce qui est intéressant surtout, c’est de capter l’étincelle de vérité que nous voyons derrière l’image et d’en acquérir un certain concept. Il ne suffit pas, non plus, de voir clairement le parallèle établi entre le mystère de l’inspiration et celui de l’Incarnation ou de l’Eucharistie. Il est nécessaire de découvrir et de conceptualiser la nouvelle lumière que nous recevons dans la compréhension du mystère. Une plus grande intelligence du mystère nous sera donnée par la connexion organique de ces étincelles dans l'unité. a). Dans l’inspiration interviennent inséparablement trois facteurs : l’Esprit Saint qui inspire, l’homme qui reçoit l’inspiration, le texte sacré où se trouve mis par écrit ce que Dieu a inspiré. Une intelligence adéquate de l’inspiration devra toujours comporter la présence des trois facteurs, même s’il est légitime de faire ressortir l’un dans un cas et un autre dans un autre cas. b). L’action spécifique de l’Esprit Saint sur le texte sacré et celle de l’auteur humain sont passagères ; l’inspiration de la Sainte Écriture, en revanche, est permanente, fixe et immuable pour le bien de toutes les générations futures. L’écrivain n’est pas toujours en train d’utiliser la plume, en revanche la lettre écrite demeure. L’Esprit Saint n’agit pas avec son action inspiratrice, comme auteur de l’Écriture, à chaque instant, puisque l’auteur humain a écrit le texte sacré dans un laps de temps déterminé. L’Écriture, au contraire, survit à l’auteur humain et continue d’exister après l’activité inspiratrice de l’Esprit Saint.
  • 33. c). L’inspiration est entièrement une initiative de l’Esprit Saint, mais sans la médiation humaine, le texte inspiré est impossible. Il s’agit d’une médiation nécessaire pour ne pas tomber dans un concept d’inspiration de type rabbinique, coranique ou d’oracle. Dans la compréhension catholique de l’inspiration, l’homme de Dieu, comme pont entre l’initiative de l’Esprit et le texte sacré, est un être qui agit avec « toutes ses facultés et talents » (DV, 11). L’initiative divine agit sur le texte sacré, seulement comme révélation de Dieu et, exclusivement, par l’intermédiaire d’hommes inspirés. d). L’élévation du texte au niveau du livre sacré et inspiré ne provient pas de la médiation humaine, comme un génie religieux ou littéraire, mais de l’action de l’Esprit sur l’auteur sacré pour qu’il écrive tout et seulement ce que Dieu veut. L’auteur humain, grâce à ses facultés et talents, pourra faire du texte sacré un morceau merveilleux de littérature ou bien exprimer une expérience religieuse singulière et sublime, mais n’élèvera jamais ses écrits au niveau d’un texte sacré et inspiré, si ce n’est par une action surnaturelle de l’Esprit Saint sur lui. e). L’inspiration biblique est exigée par la révélation divine elle-même, par laquelle Dieu entre en dialogue amoureux et sauveur avec le genre humain. Sans révélation, il n’y a pas d’inspiration ; sans inspiration, nous ne saurions pas exactement ce que Dieu a révélé. Un texte écrit ne se crée pas à partir du néant. A proprement parler, ce n’est pas une création, mais une naissance. L’inspiration gratuite et surnaturelle naît de la révélation, surnaturelle et gratuite également. f). Dans l’inspiration biblique il est impossible de séparer la part de Dieu et la part de l’homme. Tout le texte inspiré est œuvre de Dieu et de l’auteur sacré, bien que sous des aspects différents. Le texte inspiré, en tant qu’il est et qu’il contient la révélation, a Dieu pour auteur. En tant que texte littéraire, médiateur de l’action de l’Esprit, il est œuvre humaine. 5. L’Église, se basant sur la révélation de l’Écriture, dans la réflexion pluriséculaire sur l’inspiration, pour en défendre l’intégrité et la véritable nature, l’a définie dogmatiquement et l’a précisée en tant que concept, repoussant des positions et des interprétations erronées qui se sont succédées à travers les siècles. Ci dessous sont indiquées les plus importantes : a). Dieu lui-même, l’Esprit lui-même, est l’auteur de l’Ancien et du Nouveau Testament (contre les manichéens et tous les mouvements religieux dualistes), (EB 28, 30, 57, 77, 125, 200).
  • 34. b). Tous et chacun des livres de la Bible chrétienne sont inspirés. De même, les canoniques et ceux qu’on appelle deutérocanoniques (contre les protestants). (EB 83, 85, 124, 202). c) Contre les modernistes (*), l’Église s’est vue obligée à défendre l’inspiration totale et intègre de l’Écriture (y compris ce que les modernistes appellent des erreurs). (EB 193, 210). Chapitre 4 Le canon de l'écriture La Bible est un livre inspiré parce qu’elle a Dieu comme auteur et qu’elle a été écrite sous la motion de l’Esprit Saint. Il est clair que l’inspiration ne provient pas de l’homme, ni même de l’Église, mais que l’inspiration est un don surnaturel de Dieu à l’Église et, à travers Elle, à l’humanité pour qu’elle trouve dans l’Écriture inspirée son chemin de salut. Devant l’Écriture inspirée surgit dans l’esprit humain une série de questions. Comment l’homme sait-il qu’un livre est inspiré ? Comment connaître quels sont les livres inspirés par Dieu ? Pourquoi ces livres, et non d’autres, sont-ils acceptés par l’Église comme sacrés ? Le canon de l’Écriture essaie de donner une réponse à ces questions : tous et seuls ces livres-là, ceux que l’Église reconnaît comme norme et règle de la foi et de la vérité salvatrice, sont inspirés. L’Église ne mène pas cette opération de façon arbitraire mais, au contraire, par l’application de critères tant internes qu’externes, par lesquels il lui est permis de discerner et de découvrir la règle de la foi et de la vérité dans un livre déterminé, comme dans un miroir. I. Introduction. II. Formation du canon III. Le dogme de la canonicité IV. Les critères de la canonicité. APERÇUS. - Pourquoi les églises chrétiennes évangéliques n’acceptent-elles pas tous les livres qui sont dans la Bible catholique ? L’étude du processus historique de reconnaissance de la canonicité des écrits sacrés vous donnera la réponse.
  • 35. - Tous les livres de la Sainte Écriture ont-ils la même importance ? S’il en est ainsi un principe de l’AT devrait avoir la même valeur qu’un principe du NT. MOTS CLEFS : Canon Livres canoniques I. INTRODUCTION 1) Nécessité du canon biblique La fixation du canon biblique a constitué un besoin pour l’Église. En premier lieu, il était nécessaire de le faire à cause de l’universalité de l’unique Église. Pour maintenir une même règle de foi dans toutes les églises disséminées sur la terre il était indispensable de disposer d’un même canon. Face aux hérétiques (*) qui avaient fréquemment recours à des livres « secrets » (apocryphes) (*), il était en tout point nécessaire de délimiter clairement les livres normatifs de la foi, en les distinguant de n’importe quel autre, fut-il apocryphe ou non. En ce qui concerne le judaïsme avec lequel elle entra en polémique maintes fois, l’Église dut réaliser deux opérations différentes : a) Établir le canon chrétien de l’Ancien Testament. b) Fixer les Écritures chrétiennes, non en concurrence avec l’Écriture juive, mais comme son complément, son perfectionnement et sa plénitude. L’existence même d’Écritures chrétiennes dénote la conscience lumineuse qu’avait l’Église primitive de ce que Jésus était le Messie attendu, préfiguré et prophétisé dans la Bible hébraïque, de ce que Jésus était la plénitude de la révélation de Dieu. Avec le temps, cette conscience amènera l’Église à distinguer entre Ancien Testament et Nouveau Testament, en soulignant la continuité par le nom (Testament), mais également l’originalité et la nouveauté de l’Écriture chrétienne (Nouveau). 2) Terminologie. a) Canon, canonique, canonicité.
  • 36. Canon : étymologiquement, le mot canon semble provenir du terme grec canon qui signifie « mesure ». Avec le temps, canon s’est converti en critère de la vérité d’une affirmation ou mesure, norme ou règle de quelque chose. Jusqu’au IIIe siècle, il n’y a pas d’usage explicite du terme appliqué à la Sainte Écriture, même si on présuppose que le contenu de la règle de foi était éminemment biblique. C’est au IVe siècle que le terme « canon » commence à prendre le sens de catalogue normatif des livres inspirés. Saint Athanase, peu après 350, dit que le « Berger d’Hermas ne fait pas partie du canon » (EB 15). La raison en est que ce terme exprime précisément le caractère de norme fondatrice, c’est à dire le contenu objectif des livres inspirés comme norme de la vérité chrétienne. De canon dérive canonique, terme utilisé pour la première fois au Concile de Laodicée de Phrygie (ca 360). Au canon 59, on établit que «dans l’assemblée on ne doit pas réciter des psaumes privés ou des livres non canoniques, mais seulement les livres canoniques du Nouveau et de l’Ancien Testament ». Les livres canoniques, par conséquent, en viendront à recouvrir l’ensemble des livres qui donnent la norme de la foi de l’Église. La canonicité, d’autre part, serait cette qualité de l’Écriture Sainte par laquelle celle-ci se constitue comme norme, règle, canon de la foi et de la vie du chrétien. Livres canoniques (canon de la Bible) : ce sont la collection de livres de l’AT et du NT recueillis par l’Église, parce que, écrits sous l’inspiration de l’Esprit Saint, ils ont Dieu comme auteur et, par conséquent, sont normatifs de la foi. b) Proto et deutérocanoniques. Sixte de Sienne, dans les années postérieures au Concile de Trente, a introduit une distinction entre les livres de l’Écriture, entre les protocanoniques et les deutérocanoniques pour distinguer les livres acceptés par les réformateurs de ceux qu’ils n’acceptent pas. Nous pouvons dire que les livres protocanoniques correspondent à ceux qui ont été acceptés comme canoniques depuis toujours et sans discussion par toute l’Église, par contre, les deutérocanoniques sont ceux dont la canonicité a fait l’objet de quelques discussions.
  • 37. c) Apocryphes et pseudo-épigraphiques Étymologiquement, le terme «apocryphe » signifie chose cachée et désignait en principe ces livres que l’on destinait à l’usage privé des adeptes d’une secte. En ce qui concerne les livres canoniques, on appelle apocryphes ceux qui ont été rejetés par l’Église comme non canoniques même si, parfois, certains Pères et écrivains ecclésiastiques ont pu les considérer comme canoniques. Ces livres sont appelés pseudoépigraphiques par les protestants. II. FORMATION DU CANON Étant donné que l’AT s’est progressivement formé au cours des siècles et que le NT correspond à une période de 70 ans, le caractère canonique des différents écrits n’a été découvert et ne s’est imposé que peu à peu dans la vie du judaïsme et de l’Église. Tenant compte, par ailleurs, de ce que le canon passe par des vicissitudes différentes pour les juifs et pour les chrétiens, nous devons les analyser séparément. Par conséquent, nous développons le sujet sur les points suivants : 1) Formation du canon dans le judaïsme. 2) Formation du canon de l’AT dans le christianisme. 3) Formation du canon du NT. 1) Formation du canon dans le judaïsme Dans Ex 31-32, la Loi se présente comme un texte écrit normatif du peuple d’Israël. La Torah ou Pentateuque sera, donc, le premier ensemble de livres qui sera accepté comme canonique. Cependant, dans ce processus de la formation du canon juif, le texte le plus significatif est constitué par le prologue du Siracide (ou Ecclésiastique), écrit pour la traduction grecque vers l’an 130 av JC. Il parle de «la Loi, les Prophètes et les autres (écrits) qui suivent » par l’intermédiaire desquels «nous ont été communiqués de nombreux et grands biens » et un peu plus loin il se réfère à la Loi, les Prophètes, et les autres livres de nos Pères. Il est clair qu’avec le mot Loi, il se réfère au Pentateuque, tandis que lorsqu’il parle des Prophètes, il s’agit sans doute des Prophètes antérieurs (Josué, Juges, 1 et 2 Samuel, 1 et 2 Rois principalement,
  • 38. même si d’autres livres peuvent être inclus) et des prophètes écrivains. Le groupe des "écrits" paraît être encore ouvert. Sous le nom d’Écrits on doit mettre les Psaumes, les Proverbes, le Cantique des Cantiques et l’Ecclésiastique ; peut-être aussi le livre de Job. Pendant le 1er siècle il ne semble pas exister un canon fixe de la Bible hébraïque, même si on accepte comme livres sacrés la Loi et les Prophètes, à côté de quelques Écrits, en particulier les Psaumes. La nécessité d’un canon normatif s’est vue accélérée par la destruction du Temple de Jérusalem en 70 ap JC, qui a provoqué l’urgence d’une cohésion qui maintiendrait la propre l’identité juive et des discussions internes au sein du judaïsme, entre les pharisiens et les sectes juives d’inspiration apocalyptique. L’acceptation, par les chrétiens, de la Bible des Septante (*) a probablement été l’ultime motif pour que les juifs limitent le canon de l’AT aux livres les plus anciens et seulement à ceux qui de fait circulaient alors dans leur langue d’origine hébraïque ou araméenne. 2. Formation de l’AT chrétien. Comme nous l’avons vu, l’Église n’a pu recevoir de la Synagogue un canon de l’AT déjà fixement établi. Considérons donc le processus de la formation du canon chrétien de l’Ancien Testament. a) Les Pères de l’Église. L’Église naissante hérite de la communauté juive d’une série de livres sacrés dont la liste n’était pas définitivement close. L’Église se posa le problème du canon et réalisa un grand effort d’éclaircissement et de fixation des livres sacrés de l’AT. Les Pères Apostoliques (*) qui les citent selon la version grecque des septante, paraissent être familiarisés avec les deutérocanoniques de l’AT, mais ils citent aussi quelques apocryphes, ce qui permet de penser que le canon proprement dit n’est pas encore fixé. Origène, par exemple qui vécut entre le IIe et le IIIe siècle, sait très bien que quelques livres utilisés comme Écriture existent dans l’Église, mais qu’ils n’appartiennent pas au canon juif. Origène, comme beaucoup d’autres Pères, distingue deux groupes de livres : celui des apocryphes, qu’il considère comme utiles, mais que l’on doit utiliser avec beaucoup de précaution ; et celui des livres scripturaires qui comprennent la Bible hébraïque et les deutérocanoniques, même si ces derniers ne sont pas lus par l’Église et ne font pas, non plus, l’objet de commentaires. Rufin d’Aquilée les appellera livres ecclésiastiques. b) Le Magistère de l’Église
  • 39. Avec le décret «pro Jacobitis » du Concile de Florence (1441), l’Église adopte une position claire sur le canon qui sera ultérieurement défini, «une fois pour toutes », par le Concile de Trente (1546), contre les réformateurs protestants qui se basaient sur le principe de la «solaScriptura » et avaient opté pour le canon juif. Le texte proclame ainsi « …on juge opportun d’ajouter au présent décret le catalogue des livres sacrés, pour que nul ne puisse hésiter sur ceux qui sont les livres reconnus comme sacrés par le Concile lui-même » (Denz-Hun, 1501). Postérieurement Vatican I se référa au Concile de Trente (EB 77) et la Constitution «Dei Verbum » de Vatican II ne fait pas autre chose que de citer Vatican I (DV, 11). 3. Le canon du Nouveau Testament. A l’époque apostolique on ne peut proprement parler de livres canoniques, puisqu’elle correspond à la période de leur composition. On peut affirmer qu’à la fin du 1er siècle, il existait une collection d’épîtres pauliniennes, dont l’importance nous est inconnue. En outre, les quatre Évangiles, bien que destinés à des communautés particulières, avaient acquis une importance singulière et étaient conservés parce qu’ils provenaient des apôtres ou de leurs disciples, ou à cause du prestige de la communauté à laquelle ils étaient destinés (Antioche, Rome, la Grèce, Éphèse). Finalement, se crée peu à peu une conscience canonique à l’intérieur des écrits néotestamentaires eux-mêmes (cf. 2Pi 3, 4-16 ; Ap 1, 1-3 ; 22, 18-19). Dans la vie et la conscience de l’Église est apparu, peu à peu, le concept de «Nouveau Testament ». Saint Justin témoigne de la lecture des Évangiles dans la liturgie eucharistique à côté des écrits des prophètes. Méliton de Sardes parle des écritures juives comme de l’AT, donnant à entendre implicitement qu’il existe déjà un NT. Enfin, vers la fin du IIe siècle, Tertullien fut le premier à employer l’expression du NT pour désigner les écrits chrétiens sacrés. Lorsque la tradition orale commence à devenir incertaine, incontrôlable et manipulable par les hérétiques, s’impose la nécessité d’écrits qui transmettent fidèlement cette tradition. Ce phénomène se vérifia dans la seconde moitié du IIe siècle. Les mouvements hérétiques (*) durent influer notablement sur l’accélération du canon dans l’Église : Marcion (*) avec son rejet de l’AT et avec la réduction du NT aux 10 épîtres pauliniennes et à l’Évangile de Luc ; le montanisme (*) avec son extension de l’inspiration à tout chrétien qui dans l’Église s’ouvrirait à l’Esprit toujours agissant, s’appuyant sur Jn 14, 16-26 ; 15, 26 ; 16 12-15.5. L’apparition des premières listes fut décisive pour la constitution du canon néotestamentaire. Outre celle de Marcion, déjà mentionnée, la plus ancienne est le Fragment muratorien, qui représente l’emploi du NT à Rome, à la fin du IIe siècle (EB
  • 40. 1-7). Ensuite viennent les listes d’Origène et d’Eusèbe de Césarée. En Occident, les listes d’Athanase, d’Augustin, des conciles d’Hippone et de Carthage certifient l’unanimité des Églises, qui offrent déjà un canon complet. Cette liste sera confirmée par le concile de Florence et définie par le Concile de Trente. III. LE DOGME DE LA CANONICITÉ « Si quelqu’un ne reçoit pas ces mêmes livres dans leur intégrité, avec toutes leurs parties, pour sacrés et canoniques, comme on a coutume de les lire dans l’Église catholique et tels qu’on les trouve dans l’édition de la Vulgate ; s’il méprise de propos délibéré les traditions susdites, qu’il soit anathème » (Concile de Trente- session IV cf EB 79). 1. Il s’agit d’une véritable définition dogmatique, car elle déclare anathème celui qui n’accepte pas le contenu du paragraphe. La formule employée ici : « Si quelqu’un… qu’il soit anathème » était le propre de l’époque pour exprimer la volonté de définir un dogme de foi. 2. Dans le texte, on définit le caractère sacré et canonique des livres mais non leur authenticité ou leur pureté d’origine ? La qualité des auteurs des livres n’est pas définie. Un clair indice en est le changement effectué, par rapport au concile florentin, lorsqu’on nomme les auteurs des Évangiles. On ne dit pas «Évangile de Marc ou de Matthieu» mais «selon Marc ou selon Matthieu ». 3. L’expression «livres dans leur intégrité, avec toutes leurs parties». « Livres intégraux » veut dire tous et chacun des livres énumérés, sans aucune exception et sans aucune addition. « Avec toutes leurs parties » fait allusion à ces fragments particuliers par exemple de Marc, Jean, Luc dont on doutait de l’authenticité. 4. « comme on a coutume de les lire dans l’Église catholique» ? On fait mention en premier lieu, de l’usage pluriséculaire du canon biblique dans l’Église, comme le met en évidence l’histoire même de la formation du canon. La lecture des livres est, avant tout, la lecture liturgique, mais aussi la lecture théologique et la lecture spirituelle. Au Concile de Trente on donne un caractère officiel à la Vulgate, mais ce ne fut pas dans l’intention des Pères d’éliminer n’importe quelle autre traduction ou le recours à l’original hébreu ou grec.
  • 41. 5. En définissant le caractère sacré et canonique de tous les livres contenus dans la Bible, le concile désire affirmer, d’une certaine façon, que tous les livres jouissent de la même valeur et de la même autorité. Si le Christ est la plénitude de la révélation, les livres où on nous parle de la vie, de la doctrine et de la personne du Christ occuperont la première place dans une hiérarchie d’autorité. Ensuite, viendront ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont une relation directe avec le Christ (le reste des livres du NT). Le troisième rang dans la hiérarchie est occupé par les livres de l’AT qui enseignèrent et annoncèrent le Christ. IV. LES CRITÈRES DE LA CANONICITÉ La formation du canon a montré que la fixation et la reconnaissance définitives de celui-ci de la part de l’Église, n’a pas été une tâche facile et simple. Cependant, une chose est la formation, une autre la réalité du canon. Chaque livre sacré est canonique dès l’instant même où il est définitivement fixé par écrit. L’ensemble de la Bible jouit de canonicité lorsque le dernier livre qu’elle contient a été mis par écrit. Le processus pour reconnaître la canonicité de ces livres a été lent, parfois un peu complexe dans les facteurs qui sont intervenus, mais sûr parce qu’il a été guidé par l’assistance de l’Esprit Saint. Le même Esprit qui a inspiré les Écritures a assisté l’Église pour les reconnaître comme inspirées. Entreprenons maintenant d’exposer les différents critères auxquels l’Église a eu recours dans la formation du canon biblique, critères qui doivent être vus comme instruments dont l’Église s’est servie, des uns parfois, des autres d’autres fois, pour découvrir et fixer le mystère de la canonicité. Parmi eux, cependant, certains ont une importance majeure : l’usage liturgique, l’orthodoxie (*) et l’origine mosaïque ou apostolique. Puisque le canon est typiquement chrétien, voyons séparément les critères appliqués par l’Église à l’AT et ensuite au NT. 1. Ancien Testament. a) Premier critère : La Bible des septante (LXX). Il est indéniable que, lorsque le christianisme s’est ouvert à la gentilité et à la culture hellénistique, l’Écriture juive utilisée par les premiers chrétiens fut le texte grec des Septante (LXX). Pourtant, dans la Bible des LXX sont inclus aussi bien les livres proto que les livres deutérocanoniques de l’AT. L’usage officiel et public de la Bible grecque a guidé l’Église dans le discernement du canon vétérotestamentaire.