2. 1. Le travail préliminaire au brouillon (1)
• Pour bien expliquer un texte, encore faut-il le comprendre. Or, pour
le comprendre, à l’évidence, il faut commencer par le lire.
Quelques conseils pratiques, à la fois simples et évidents :
- Il faut lire et relire le texte plusieurs fois : une seule lecture ne
suffit pas !
- N’hésitez pas à vous approprier le texte : par exemple, vous
pouvez souligner, surligner, entourer, encadrer, ou encore écrire
dans les marges.
- Repérez les connecteurs logiques (« en effet », « mais », « or »,
« donc », « par conséquent », etc.).
3. 1. Le travail préliminaire au brouillon (2)
• Pour orienter votre travail, vous pouvez utiliser ces trois questions
comme fils directeurs :
1) Quoi ? Il faut trouver le thème et la thèse.
2) Pourquoi ? Il faut dégager le (ou les) problème (s).
3) Comment ? Il faut dégager la structure logique ou
argumentative du texte (i.e. : les étapes de l’argumentation).
Développons chaque point.
4. 1. Le travail préliminaire au brouillon (3)
1) Quoi ?
Cette question se subdivise en deux :
a) De quoi « parle » le texte ? Quel est le « sujet » abordé ou traité
? Dès la première lecture, il est facile de repérer le thème du
texte. Le thème correspond à une (ou à des) notion(s) du
programme.
b) Il faut aller plus loin et déterminer la thèse défendue par
l’auteur. La thèse, c’est ce que « dit » l’auteur à propos du
thème, c’est le point de vue qu’il défend.
5. 1. Le travail préliminaire au brouillon (4)
NB : la thèse (du grec thesis : l’action de poser), c’est l’idée « centrale » que l’auteur
développe et autour de laquelle toutes les autres idées du texte, en quelque sorte,
« gravitent ».
Trois remarques supplémentaires :
- La thèse est formulée soit explicitement, soit implicitement. La plupart du
temps, elle est explicite et elle apparaît soit au début du texte, soit à la fin.
- La thèse, contrairement au thème qui peut se réduire à un simple mot (par
exemple, le « bonheur », la « liberté », etc.), est une phrase (ou proposition)
complexe qui relie plusieurs éléments.
- Normalement, un auteur n’écrit pas des banalités. La thèse qu’il défend est
originale et paradoxale.
6. « Tant qu'on désire on peut se passer d'être heureux ; on s'attend à le devenir : si le bonheur ne
vient point, l'espoir se prolonge, et le charme de l'illusion dure autant que la passion qui le
cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l'inquiétude qu'il donne est une sorte de jouissance
qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! Il perd
pour ainsi dire tout ce qu'il possède. On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère
et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux. En effet, l'homme avide et borné, fait pour tout
vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu'il
désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en
quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa
passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l'objet même ; rien n'embellit plus cet objet aux
yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu'on voit ; l'imagination ne pare plus rien de ce
qu'on possède, l'illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce
monde le seul digne d'être habité. »
Rousseau, La Nouvelle Héloïse.
Notions : bonheur,
désir et imagination
(thème)
Thèse : le bonheur
réside, non pas dans
la satisfaction du
désir, mais dans le
simple fait de désirer.
En général, on considère que le bonheur réside dans la satisfaction du désir (doxa). C’est, par exemple, la thèse défendue par
Calliclès dans le Gorgias de Platon : pour être heureux, il faut non seulement avoir des désirs, mais aussi pouvoir les satisfaire.
Or, dans ce texte, Rousseau défend une thèse différente. Selon lui, il suffit de désirer pour être heureux. Mieux : pour être
heureux, il ne faut pas satisfaire ses désirs. Paradoxalement, nous sommes davantage heureux lorsque nos désirs ne sont pas
satisfaits. Pourquoi ? Comment comprendre ce paradoxe ?
En fait, si le désir nous rend heureux, c’est parce qu’il stimule notre imagination : désirer, ce n’est pas seulement être en
manque, comme l’observait Socrate ; c’est aussi imaginer. Or, d’après le texte, nous sommes davantage heureux dans « le
pays des chimères », c’est-à-dire dans l’imagination, que dans le monde réel. Tout le raisonnement de Rousseau repose sur
cette dernière prémisse. Mais cette prémisse est-elle vraie ? Rien n’est moins sûr. Elle est, bien sûr, discutable.
7. 1. Le travail préliminaire au brouillon (5)
2) Pourquoi ?
Pour bien comprendre la thèse de l’auteur, il est utile de la comparer à
l’opinion commune (doxa). Son caractère original et paradoxal
apparaîtra d’autant plus clairement.
Mais il est aussi nécessaire de rapporter la thèse au problème que
l’auteur cherche à résoudre.
En général, un auteur prend la peine d’écrire un texte, non pas parce
qu’il s’ennuie, mais parce qu’il cherche à résoudre un problème. C’est
ce problème qui le pousse à écrire, et qui constitue donc, en quelque
sorte, « la raison d’être » du texte.
8. 1. Le travail préliminaire au brouillon (6)
Le problème, c’est tout simplement la question philosophique à
laquelle l’auteur cherche à apporter une réponse.
Il va de soi que, pour bien comprendre la réponse de l’auteur, il faut, au
préalable, connaître la question initiale (le problème), qui est à l’origine
du texte. C’est cette question qui donne son sens au texte.
Or, comme cette question n’apparaît pas explicitement dans le texte –
la plupart du temps, l’auteur ne prend pas la peine de la formuler –,
c’est à vous de la reconstruire. Il suffit de se demander : étant donné ce
texte, quelle est la question à laquelle l’auteur a voulu répondre ?
9. 1. Le travail préliminaire au brouillon (7)
Remarque : le travail de problématisation ne doit pas s’arrêter là. S’il
est utile de remonter à la question initiale, en amont du texte, à
laquelle l’auteur a cherché à répondre, il est judicieux aussi
d’interroger la réponse même de l’auteur.
Celle-ci, loin d’apporter une solution définitive au problème, soulève
sans doute de nombreuses questions, qui sont, en quelque sorte, en
aval du texte. N’hésitez donc pas à émettre des objections contre la
thèse de l’auteur, pour faire apparaître ces questions.
Le texte en cherchant à répondre à une question soulève aussi, à son
tour, des questions !
10. Le problème
(la question
philosophique
initiale)
« Tant qu'on désire on peut se passer d'être
heureux ; on s'attend à le devenir : si le bonheur ne
vient point, l'espoir se prolonge, et le charme de
l'illusion dure autant que la passion qui le cause.
Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l'inquiétude
qu'il donne est une sorte de jouissance qui supplée
à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui
n'a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce
qu'il possède. On jouit moins de ce qu'on obtient
que de ce qu'on espère et l'on n'est heureux
qu'avant d'être heureux. En effet, l'homme avide et
borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu
du ciel une force consolante qui rapproche de lui
tout ce qu'il désire, qui le soumet à son imagination,
qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en
quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire
propriété plus douce, le modifie au gré de sa
passion. Mais tout ce prestige disparaît devant
l'objet même ; rien n'embellit plus cet objet aux
yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu'on
voit ; l'imagination ne pare plus rien de ce qu'on
possède, l'illusion cesse où commence la jouissance.
Le pays des chimères est en ce monde le seul digne
d'être habité ».
Rousseau, La Nouvelle Héloïse.
Les problèmes soulevés
par le texte
EN AMONT
EN AVAL
Le désir est-il un obstacle au
bonheur ?
Peut-on être heureux en
désirant ?
Peut-on vivre sans satisfaire
ses désirs ?
Peut-on être heureux en vivant
toujours dans l’imagination?
La réalité est-elle toujours
décevante ?
11. 1. Le travail préliminaire au brouillon (8)
3) Comment ?
Il faut se pencher désormais sur le texte lui-même et son organisation
interne. Comment l’auteur fait-il pour défendre sa thèse ? Quelles sont
les étapes de son argumentation ? Quelle est la structure logique ou
argumentative du texte ? En d’autres termes, comment les idées
s’enchaînent-elles ?
En vous appuyant sur les connecteurs logiques, vous devez repérer
deux ou trois moments dans le texte.
NB : le « plan » du texte sera le plan de votre devoir. Vous ferez autant
de parties dans le devoir qu’il y a de parties dans le texte.
12. « Tant qu'on désire on peut se passer d'être heureux ; on s'attend à le devenir : si le bonheur ne
vient point, l'espoir se prolonge, et le charme de l'illusion dure autant que la passion qui le
cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l'inquiétude qu'il donne est une sorte de jouissance
qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui n'a plus rien à désirer ! Il perd
pour ainsi dire tout ce qu'il possède. On jouit moins de ce qu'on obtient que de ce qu'on espère
et l'on n'est heureux qu'avant d'être heureux. En effet, l'homme avide et borné, fait pour tout
vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu'il
désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en
quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa
passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l'objet même ; rien n'embellit plus cet objet aux
yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu'on voit ; l'imagination ne pare plus rien de ce
qu'on possède, l'illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce
monde le seul digne d'être habité. »
Rousseau, La Nouvelle Héloïse.
Partie 1 : Le
bonheur de
désirer
(thèse)
Partie 2 :
Le pouvoir de
l’imagination
(argument 1)
Partie 3 :
Le retour à la
réalité
(argument 2)
Le texte peut être divisé en trois moments. Dans un premier temps, l’auteur énonce sa thèse : le bonheur réside, non
pas dans la satisfaction du désir, mais dans le désir lui-même. Il suffit de désirer pour être heureux. Dans un deuxième
temps, l’auteur apporte un argument en faveur de sa thèse : si on peut être heureux en désirant, c’est parce qu’à défaut
de posséder l’objet désiré, on peut l’imaginer. Paradoxalement, alors que nous n’en avons rien, l’imagination nous
comble. Dans un troisième temps, l’auteur montre que la satisfaction du désir, loin d’apporter le bonheur, est source de
déception.
13. 2. Le travail de rédaction (1)
a) L’introduction
Si vous avez bien fait le travail préliminaire au brouillon, vous avez tous
les éléments pour rédiger l’introduction.
En effet, celle-ci doit présenter la thèse, dégager les problèmes et
exposer la structure logique ou argumentative du texte.
Je vous conseille vivement de consacrer un paragraphe à chacun de ces
éléments. Ainsi, une introduction contient, en règle générale, trois
paragraphes (veillez à bien faire les alinéas).
14. 2. Le travail de rédaction (2)
Paragraphe 1 : vous avez deux possibilités.
- Soit vous présentez directement le texte : vous pouvez indiquer le thème ; mais le plus
important, bien sûr, c’est d’énoncer la thèse défendue par l’auteur. Si vous le souhaitez, vous
pouvez citer le texte (en mettant bien les guillemets, pour éviter de tomber dans la
paraphrase). Mais vous ne pouvez pas vous contenter d’une citation. Il faut expliquer. Il faut
essayer, autant que possible, d’énoncer avec clarté et précision la thèse, en la reformulant à
plusieurs reprises si nécessaire.
- Soit vous utilisez une amorce : avant d’aborder le texte à proprement parler, vous pouvez
définir un mot, développer un exemple, citer un autre auteur, etc. Attention toutefois si vous
choisissez cette voie : 1) l’amorce doit être pertinente : évitez, par exemple, les citations qui
sont simplement « décoratives » et sans lien évident avec le propos qui suivra ; 2) l’amorce
doit être assez courte : son rôle est, bien sûr, d’introduire le texte à expliquer ; si elle est trop
longue, le risque est de tomber dans le hors-sujet.
15. 2. Le travail de rédaction (3)
Paragraphe 2 : c’est le paragraphe dédié à la problématisation.
Paragraphe 3 : c’est le paragraphe qui clôt l’introduction et qui permet
d’annoncer le « plan » du devoir. Il présente, de manière sommaire, le
texte dans ses grandes lignes, et indique les deux ou trois « moments »
qui seront repris dans le développement.
NB : les paragraphes 1 et 2 peuvent être intervertis. Vous pouvez, dans un premier
temps, présenter, de manière générale, le problème philosophique du texte (ce qui
joue aussi le rôle d’amorce), puis énoncer et examiner, dans un second temps
seulement, la thèse défendue par l’auteur. L’ordre importe peu.
16. 2. Le travail de rédaction (4)
b) Le développement
Consigne principale : l’explication doit être linéaire. Il faut suivre le texte, pas à pas,
du début à la fin, en examinant chaque phrase.
Il y a deux écueils principaux à éviter :
- La paraphrase : il ne faut pas seulement répéter le texte ou le reformuler. Il faut
l’expliquer, c’est-à-dire, étymologiquement, il faut essayer de « déplier » les idées qu’il
contient.
- L’oubli du texte : il ne faut pas faire du texte un simple « prétexte » pour disserter
librement à partir du problème qu’il pose.
Il faut savoir se tenir à la bonne distance par rapport au texte : ni trop près (paraphrase),
ni trop loin (dissertation hors-sujet).
17. 2. Le travail de rédaction (5)
Quelques conseils pour éviter la paraphrase :
1) Pour expliquer le texte, il n’y a pas de secret : il faut lire et relire le texte. La
qualité de votre explication dépend, à l’évidence, de la qualité de votre lecture.
Il ne faut pas « survoler » le texte : il faut l’examiner de près et dans le détail.
2) Vos analyses doivent s’appuyer sur des citations exactes du texte à expliquer.
3) Je vous encourage à citer le texte en veillant aux guillemets. N’oubliez pas les
guillemets ! Ces derniers sont très importants : ils permettent de distinguer, et
donc de séparer, ce qui vient de l’auteur et ce qui vient de vous.
18. 2. Le travail de rédaction (6)
4) Point important : est valorisé l’élève qui se confronte au texte, qui fait des
efforts pour le comprendre. Mieux vaut se confronter à une difficulté, quitte à
reconnaître son échec ou son incompréhension, plutôt que de l’ignorer et faire
comme si de rien n’était.
5) Pour enrichir votre explication, bien sûr, vous pouvez utiliser vos connaissances,
citer d’autres auteurs, prendre des exemples, formuler des objections, etc.
Tous les coups sont permis.
6) Expliquer un texte, c’est, au fond, dialoguer avec lui : il doit y avoir une sorte de
va-et-vient permanent entre le texte et vous. Vous citez le texte, vous
l’expliquez, vous citez de nouveau le texte et ainsi de suite.
19. 2. Le travail de rédaction (7)
Conclusion : d’une manière générale, expliquer un texte, c’est dégager
son sens et ses enjeux, c’est montrer qu’il est riche et intéressant.
Le présupposé de l’exercice, c’est donc que le texte est riche et
intéressant.
Vous devez lire le texte avec générosité, en pariant que c’est bien le cas.
Si vous ne trouvez pas le texte intéressant, forcez-vous : vous l’avez
peut-être mal lu.