Aix-Marseille peine à trouver sa marque - Marseco (octobre 2014)
1. BUSINESS CASE
Aix-Marseille peine à
trouver sa marque
MARKETING
Tandis qu’un nombre
croissant de villes ou de
régions déposent leur
marque, la métropole souffre
d’un retard considérable en
matière de marketing
territorial. Multiplicité des
acteurs, identité délicate à
définir, querelles de
territoires, les facteurs
d’explications ne manquent
pas. Le constat d’un retard
en la matière rassemble
l’ensemble des acteurs,
publics et économiques.
L’absence d’une marque
n’est que la conséquence
d’un long processus collectif
manquant.
Clémentine Vaysse
A
msterdam, Lyon, Helsinki… Invités dans le cadre d’un colloque
sur le marketing territorial, les spécialistes des grandes
métropoles européennes étaient réunis il y a peu à Aix. Ironie
de l’histoire, pas une seule ligne sur Aix-Marseille au
programme de la seconde édition du Place marketing Forum organisée
par la chaire Attractivité et nouveau marketing territorial de Sciencespo
Aix. Et pas plus de représentants des collectivités.
Ce n’est plus un secret pour personne : le travail sur son image reste une
des grandes failles du territoire. Dans un rapport de décembre 2013
sur la métropole Aix-Marseille, l’OCDE déplorait “des actions de
marketing territorial dispersées”, amenant un “déficit de notoriété de la
métropole”. Elle imputait également à cette lacune le faible nombre de
projets retenus dans le cadre des programmes d’investissements
nationaux. Pourtant, Marseille s’est bien essayée à quelques actions de
promotion, mais les rares tentatives ont pour la plupart été maladroites.
“Ce n’est plus l’institution qui compte mais le message”
En avril 2010, la direction du tourisme et des congrès de Marseille
avait par exemple lancé “Marseille on the move”, soldé par une
campagne d’affichage à Londres et Paris au printemps suivant. En
février 2011, la Ville a sorti son slogan “Ma ville accélère”. En parallèle,
dès son arrivée à la tête de la chambre de commerce en 2004, Jacques
Pfister mettait son mandat sous le signe du travail sur l’image et de la
promotion du territoire. Dans ce cadre, la CCI lançait Top 20 puis
s’engageait dans la candidature à l’option du titre de capitale
européenne de la culture. Il y a quelques semaines, l’organisme
consulaire lançait une campagne de communication à un million d’euros
pour mettre en valeur l’économie du territoire. Télévision, radio,
magazines : tous les supports ont été irrigués par un message imaginé
par l’agence de communication parisienne BDDP&Fils.
“C’est la première fois que l’on a l’impression que cela n’a pas été fait sur
un coin de table”, se réjouit Fabien Pecot doctorant en marketing à Aix-
Marseille Universités. “Il faut admettre que le grand public est plutôt
marséco • 5 • lundi 27 octobre 2014
2. BUSINESS CASE
Aix-Marseille peine à trouver sa marque
habitué à voir ça de la part de Lyon ou Toulouse”,
reconnaissait lors de la présentation de l’initiative le
conseiller de Jacques Pfister, Laurent Carenzo. Pour la
campagne, marquant en quelque sorte la fin du mandat
Pfister qui ne peut plus se représenter, la CCI avait mis le
paquet, allant jusqu’à amener des patrons marseillais
déjeuner à Paris avec les journalistes nationaux. Si
Provence Promotion a participé à l’initiative, les autres
acteurs publics du territoire n’ont pas été associés.
“Le propre du marketing territorial est de
rassembler tous les acteurs. Ce n’est plus
l’institution qui compte mais le message”
tempère Franck Confino, fondateur de l’agence Adverbia
qui accompagne aussi bien des municipalités que
d’autres collectivités dans leur communication. Ce qui
est loin d’être le cas dans l’initiative de la CCI, même si sa
viralité dépasse le simple cadre consulaire.
Complexité institutionnelle
Dans un article* consacré au marketing territorial à
Marseille, le politiste Nicolas Maisetti souligne à juste
titre que la “complexité institutionnelle est l'un des
facteurs de l'externalisation initiale de la labellisation
marketing de la ville au profit d'acteurs informels
échappant aux intérêts d'une collectivité locale". En
l'occurrence, faute de rassemblement, c’est la CCI qui
joue ce rôle mais l’initiative reste encore une fois isolée.
On retiendra toutefois qu’il s’agit de la première initiative
où Aix et Marseille s’unissent sous la même bannière.
Pour l’heure, les différentes entités ayant la promotion
du territoire dans leurs compétences communiquent
simultanément : Provence Promotion, Pays d’Aix
Développpement, Ville de Marseille, Ville d’Aix-en-
Provence, Marseille Provence Métrole, Communauté du
Pays d’Aix, CCI, UPE13…Très loin d’un discours unifié et
coordonné comme Lyon a pu le développer par exemple.
Créée en 2007, la marque Only Lyon fédère treize
partenaires institutionnels** et est rattachée à l’agence
de promotion Aderly. Elle dispose de sa propre
gouvernance et d’un comité de pilotage avec l’ensemble
des partenaires. “Cela ne s’est pas fait par magie,
commente Fabien Pécot, le cas lyonnais est
l’aboutissement d’un processus long et structuré”.
Une marque pour 2015 ?
Si le dépôt d’une marque ne constitue pas en soi
l’intégralité d’un plan de marketing territorial, il
contribue fortement à sa réussite comme le montre le
cas lyonnais. “Nous travaillons actuellement sur une
marque pour tout le territoire”, assure Didier Parakian,
adjoint à l’économie à la Ville de Marseille.
“Nous ne pouvions pas la créer avant car
elle aurait été éclipsée par Marseille
Provence 2013. En 2015, cette marque
verra le jour avec l’ensemble des
collectivités.”
L’idée faisait d’ailleurs partie des promesses de
campagne de Jean-Claude Gaudin. Reste à savoir
comment la gouvernance s’articulera et surtout si
chacun sera capable de se comporter en bonne
intelligence. Dans le cadre d’Aix-Marseille, outre la
question des institutions, qui devrait à terme être réglé
en partie avec la mise en place de la métropole, se pose
la question du nom. En 2012, la Région avait vu son
initiative de dépôt d’une marque Provence pour les
produits agricoles retomber comme un soufflet. Depuis,
si la création d’une marque revient régulièrement au
détour des discours des politiques, rien ne concret n’a vu
le jour.
Et pour cause, avant de monter une marque quelle
qu’elle soit, il faudra s’accorder sur son contenu. La
définition de l’identité sera décisive pour le succès de
l’initiative. “Il faut que l’ADN soit co-construit, précise
Franck Confino, il ne faut pas qu’il sorte de la tête des
professionnels. On a vu des cas comme en Alsace où la
population rejetait complètement la marque”. Surtout,
difficile d’imaginer que la démarche puisse être
constructive si elle n’est pas suivie et portée par un
organisme propre avec un budget indépendant. Il serait
logique que cette compétence revienne à la future
métropole une fois qu'elle sera effective. Une fois la
marque créée, le logo et la baseline définis, il faudra
animer ce nouvel outil de cadrage la communication. Si
l’entente financière peut s’avérer compliquée au début,
sur le long terme, la mutualisation des coûts permet
d’être dans une situation gagnant-gagnant. Dans le cas
lyonnais, Only Lyon bénéficie d’un budget global de 2,3
M€, assumé pour moitié par le Grand Lyon, le reste étant
financé par la chambre de commerce et le conseil
général. L’organisme dégage également 190 K€ de CA de
la vente de ses produits dérivés (tshirts, tasses, porte-
clés...). En 2014, Only Lyon a aussi signé son onzième
partenariat privé avec une grande entreprise de son
territoire, chacune apportant 30 000 euros par an. Voilà
pour la recette lyonnaise qui reste à transposer à la
sauce provençale. CMA CGM, Airbus Helicopters,
Calissons du Roy René, Voyage Privé… Aix-Marseille ne
manque pas de potentiels partenaires privés pour y
parvenir.
*« City-branding et fragmentation métropolitaine :
l’impossible recherche d’une marque territoriale dans le
cas du territoire marseillais », Communication et
Langages, 175, 2013, pp. 95-118.
** Grand Lyon, Ville de Lyon, Conseil général, CCI,
CGPME, MEDEF, Chambre des métiers, Universités,
Aéroports, Office du Tourisme, Cité des Congrès,
Euroexpo
marséco • 6 • lundi 27 octobre 2014