1. N°265 - du 24 au 30 mai 2011
Le Centre :
C’est quoi ?
C’est qui ?
2. Le Centre :
C’est quoi ?
C’est qui ?
Pour que l’échéance de
2012 puisse changer la
donne, encore faut-il
qu’elle ne soit pas d’abord
la naissance d’une social-
démocratie à la française.
La vie politique française
va mal. La représentation
politique est en crise.
Quoi de plus naturel
quand l’une et l’autre
fonctionnent toujours sur
des clivages qui ne sont
plus ceux de la société.
Le temps de l’opposition
droite/gauche est passé.
A l’issue de plusieurs co-
habitations, il a pris fin au
début du nouveau millé-
naire.
La société vit désor-
mais de nouveaux cli-
vages
La difficulté résulte du
fait que ce nouveau cliva-
ge ne recouvre pas les
frontières de l’ancienne
organisation de nos forces
politiques.
La vie politique ne recou-
vre plus les grands repè-
res de la réalité sociologi-
que. Le vote du 29 mai
2005 à l’occasion du réfé-
rendum sur le traité euro-
péen a été le 1er
scrutin à
consacrer aussi manifes-
tement l’émergence de
cette évolution.
Parce qu’elle ne corres-
pond pas aux repères an-
ciens, cette évolution fait
imploser les composantes
politiques traditionnelles
au sein desquelles coha-
bitent désormais des te-
nants de lectures trop
éclatées de l’avenir.
De ce décalage entre la
France politique et la
France sociologique naît
la paralysie de notre pays
face à la modernité.
Les scrutins sont cons-
truits sur une «parole d’é-
lection» qui ne peut pas
être le socle d’actions car
elle n’a pas d’ancrage so-
ciologique majoritaire.
Chaque coalition politique
continue sur la lancée de
son histoire, avance avec
les à-coups d’intérêts à
court terme de son lea-
der. Mais, en aucun cas,
elle n’a eu le courage de
regarder en face cette
nouvelle réalité.
La prochaine élection pré-
sidentielle marquera un
nouveau rendez-vous
avec cet enjeu.
Dans son entretien au
Nouvel Observateur le 18
août 2005, Michel Rocard
a eu, une fois de plus,
l’honnêteté d’exprimer
des réalités lourdes de
sens.
Ainsi déclarait-t-il avant
le Congrès du Parti Socia-
liste :
« Il faut jeter à la pou-
belle ce patois marxiste
qui fait écran à la réalité.
Nous ne disons pas qui
nous sommes : des so-
ciaux démocrates euro-
péens. Nous sommes du
coup incapables de cons-
truire une perspective.
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3. Le Centre : C’est quoi ? C’est qui ? (2/2)
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L’affaire DSK : le tour-
nant de la présiden-
tielle 2012
L’affaire DSK s’annonce
comme le tournant de la
présidentielle 2012. Non
seulement parce qu’elle éli-
mine le favori des sonda-
ges. Mais surtout parce
qu’elle change la donne
dans le profil même des
candidats à la mode. La
«normalité» va occuper une
place nouvelle ainsi que la
capacité à incarner des va-
leurs morales partagées.
4. Quand je lis les tenants
du non à la Constitution
européenne, je me rends
compte à quel point des
gens comme moi sont un
boulet pour eux.
Ils croient au retour de la
politique nationale.
Je pense exactement le
contraire.
Au fond, nous devenons
de jour en jour insuppor-
tables les uns aux autres.
Nous nous paralysons
mutuellement.
Nous devons nous libé-
rer.
Comment peut-on être
intelligent, participer à
des cercles universitaires
et créer Attac, ce monu-
ment de bêtise économi-
que et politique ? Cela me
sidère et me navre. »
Voilà une déclaration qui
a le mérite d’être claire.
Michel Rocard a eu l’hon-
nêteté de dire tout haut
ce que chacun pense tout
bas. Il rappelait surtout
que le conservatisme
pour gagner une élection
conduit parfois à des al-
liances tellement artifi-
cielles qu’il rend impossi-
ble ensuite une gestion
efficace.
Une élection doit d’abord
être le rendez-vous entre
un projet clair reposant
sur une vision partagée
de l’avenir et l’expression
d’une majorité électorale.
Ce ne doit pas être un
«mille feuilles» de cou-
ches électorales visant
uniquement à s’ajouter
les unes aux autres pour
franchir la barre fatidique
des 50%.
C’était probablement l’en-
jeu de fond d’une candi-
dature de Dominique
Strauss Kahn qui se re-
vendique ouvertement
social-démocrate.
Mais un social-démocrate
qui, pour garder une
chance de gagner l’inves-
titure du PS, n’écarte pas
une alliance avec Laurent
Fabius, tenant du non à la
Constitution Européenne
et représentant embléma-
tique du courant dont Mi-
chel Rocard entendait se
«libérer»...
Une contradiction qui
montre que le courant so-
cial-démocrate en France
n’est pas encore prêt à
tirer toutes les consé-
quences politiques de son
affirmation.
Il reste encore un ancra-
ge discret dont les pre-
miers représentants n’o-
sent pas s’affranchir des
contraintes traditionnelles
des fonds de commerces
électoraux.
Les différences de doctri-
nes les rendent insuppor-
tables mais les habitudes
électorales les transfor-
ment en alliés solidaires
jusqu’à quand et pour al-
ler où ?
Le Centre : C’est quoi ? C’est qui ? (2/2)
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5. Le jour où la vie politique
Française apportera une
réponse claire à cette
question majeure, elle se-
ra entrée dans une nou-
velle époque.
La candidature de DSK
fermait considérablement
les espaces du Centre.
Maintenant que cette
perspective est éloignée
pour 2012, un espace
pour le Centre se rouvre.
Ce sera le cas dans l’hy-
pothèse d’une candidatu-
re de Martine Aubry pour
le PS. Car son profil pla-
cera, pour de multiples
raisons, le PS dans une
logique traditionnelle de
gauche à la différence de
la démarche de François
Hollande.
Le résultat de la primaire
du PS va donc considéra-
blement impacter l’espace
éventuel du Centre en
2012 qui peut alors deve-
nir le défenseur de va-
leurs social-démocrates a
fortiori quand la droite
s’ancre dans une logique
nationale plus forte que
d’ordinaire.
François Bayrou com-
me candidat des «vrais
gens»
Avec la crise économique,
le libéralisme a baissé, le
socialisme n’a pas remon-
té mais le centrisme
n’existe toujours pas.
Dans cette ambiance,
François Bayrou compte
plusieurs handicaps per-
sonnels majeurs mais
aussi des atouts incontes-
tables.
Au titre des handicaps,
Bayrou est d’abord une
histoire personnelle à
l’ancrage manifestement
de droite.
Au titre des atouts, c’est
le pari d’une présidentiel-
le dominée par la mode
des «vrais gens».
Il n’est pas nécessaire de
développer le premier
facteur. Avec le mandat
de 5 ans, la présidentielle
rythme, organise et struc-
ture la totalité de la vie
politique Française.
Dans sa manie du zap-
ping, la société élimine
plus rapidement et sur-
tout plus radicalement
pour aller à l’opposé du
sortant si la société veut
tourner la page.
L’affaire DSK devrait ac-
célérer la naissance d’un
profil de rupture avec la
mode des candidats de la
«brillance». Le goût du
sobre devrait revenir à la
mode.
Dans cette rupture, Fran-
çois Bayrou fait le pari de
la mode des «vrais gens».
Tout son positionnement
a reposé sur ce choix
symbolisé déjà par le
tracteur lors de la prési-
dentielle 2007.
L’affaire DSK boule-
verse la donne
Une fois passé le choc
émotionnel naturel, l’af-
faire DSK change radica-
lement la donne.
Elle va imposer une cam-
pagne très intrusive de la
part des médias qui doi-
vent se refaire une crédi-
bilité.
Les médias classiques ont
été perçus comme les
«partageurs des mauvais
secrets». Ils vont investi-
guer comme jamais pour
montrer qu’ils n’appar-
tiennent pas à la «caste
politique» mais qu’ils font
corps avec leurs lecteurs.
Cette affaire va fragiliser
le PS qui a été très mala-
droit dans la gestion de la
communication de crise.
Il s’est trop éloigné de ses
fondamentaux pour dé-
fendre coûte que coûte
l’innocence de DSK.
Mais surtout, l’argent va
ajouter à la crise initiale
qui fut d’abord celle du
sexe. La défense de DSK
dans la logique de la pro-
cédure américaine ne
peut vivre que par la dé-
pense avec des sommes
considérables : avocats +
détectives.
C’est probablement le vo-
let du réel divorce entre
DSK et l’opinion française.
Le Centre : C’est quoi ? C’est qui ? (2/2)
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6. Les «vrais gens» c’est la
proximité, la morale, la
liberté voire même de-
main la spiritualité.
Pour François Bayrou,
cette modernité culturelle
n’est donc pas la matéria-
lité, l’argent roi et encore
moins le «bling bling» en
temps de crise.
2012 sera sa dernière
course présidentielle.
2002 avait été son faire
part de naissance.
2007 a été son accession
à la majorité c'est-à-dire
à l’indépendance.
Que sera 2012 ?
Il est bien entendu trop
tôt pour le dire.
Ce qui est certain, c’est
que l’échéance 2012 sera
très impactée par les
conditions de sortie de
l’affaire DSK. Une lassitu-
de pour les «vedettes»
devrait alors se manifes-
ter et le profil de Bayrou
pourrait être l’anti-thèse
quasi-idéale.
A certains égards, il incar-
ne en effet un populisme
bon enfant dans une am-
biance où les élites de-
viendraient des épouvan-
tails donnant à l’opinion la
volonté de dire non.
Une évolution qui fra-
gilise Jean Louis Borloo
Jean Louis Borloo est l’un
des profils les plus origi-
naux parmi les actuels
leaders politiques.
Pour ce parisien né en
1951, tout semble facile
même le plus atypique.
Tout est atypique dans sa
carrière, dans sa person-
nalité, dans sa façon de
faire de la politique.
Dans sa carrière où avo-
cat au Barreau de Paris, il
choisit avant la mode le
marché financier, les res-
tructurations, les fusions
et acquisitions.
Dans sa carrière politique
où son implantation à Va-
lenciennes passe par la
Présidence du club local
de football. Une mairie de
Le Centre : C’est quoi ? C’est qui ? (2/2)
6
7. Valenciennes conquise au
second tour en 1989 mais
dés le 1er tour en 1995
avec pas moins de 63 %
des voix (score identique
en 2001).
Dans sa personnalité, tout
tranche avec les profils
classiques. JL Borloo ap-
paraît souvent chemise
mal boutonnée, veste fa-
tiguée, coiffure digne du
réveil…
Son discours est direct
sans les précautions habi-
tuelles.
Il a un actif incontestable
dont :
- la rénovation urbaine,
- le développement des
services à la personne,
- l’amélioration du dispo-
sitif de lutte contre le
chômage.
On oublie parfois qu’au
début des années 90 il fut
l’un des fondateurs de
«Génération écologie »
avec Brice Lalonde, Noël
Mamère et Haroun Ta-
zieff. Son « Grenelle de
l’Environnement » a indis-
cutablement marqué l’o-
pinion publique.
La majorité sortante
compte peu de personna-
lités emblématiques pour
l’opinion publique et en-
core moins en matière de
justice sociale.
Tout place donc ce res-
ponsable du Parti Radical
au centre d’un dispositif
performant pour la prési-
dentielle de 2012.
Mais l’intéressé pousse
l’atypisme jusqu’à ne pas
répondre à des position-
nements classiques.
Il paraît manifestement
fantasque.
Ceux qui le connaissent
s’inquiètent de ses
«absences», périodes
pendant lesquelles il a
rompu avec toute logique
de travail voire même de
simple contact.
Le Centre : C’est quoi ? C’est qui ? (2/2)
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8. Mais son origine d’avocat
d’affaires peut le pénali-
ser très sévèrement dans
l’ambiance actuelle.
Si bien que l’affaire DSK
apparaît comme le trem-
plin du Centre et proba-
blement de François
Bayrou.
En moins de 8 jours, la
présidentielle 2012 vient
de changer de dimension
et la nouvelle donne pro-
fite quasi-idéalement à
François Bayrou.
Dans ces conditions, com-
ment discipliner l’indisci-
plinable pour le fondre
dans une organisation
présidentielle performan-
te le vouant non plus à un
poste de franc tireur mais
de véritable leader ?
Ils ont été nombreux à
exprimer ainsi que par
exemple son accession à
Matignon serait difficile-
ment conciliable avec son
tempérament car il est
trop voltigeur pour impri-
mer une discipline collec-
tive organisée en perma-
nence.
Là réside toute l’énigme
de JL Borloo et toutes les
difficultés pour «mettre
en scène» une personna-
lité aussi atypique.
La droite ne dispose que
de peu d’«influenceurs
d’opinion». C’est même la
catégorie où elle est la
plus faible.
Elle peut recourir à un vi-
vier de bons gestionnaires
mais c’est une autre affai-
re pour compter sur des
leaders d’opinion.
C’est pourtant là que se
jouera la présidentielle
surtout avec un profil
aussi marqué que celui de
Nicolas Sarkozy.
Editeur :
Newday
www.exprimeo.fr
Le Centre : C’est quoi ? C’est qui ? (2/2)
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9. Une nouvelle UMP en 2012 ?
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Chaque présidentielle légiti-
me une évolution des for-
mations politiques.
En 2012, quels seront les
enjeux majeurs pour l’UMP
sous la direction de Jean
François Copé ?
La poussée du FN n’augure-
t-elle pas de législatives
particulièrement difficiles
même si la présidentielle
est gagnée par cette forma-
tion ?
Parution le : 31 mai 2011.