1. Déclaration d'Alexandra Blachère,
présidente de l'association des Porteuses de Prothèses PIP,
devant le tribunal correctionnel de Marseille le 26 avril 2013.
« Par ou commencer ? Il y aurait tellement à dire...
Nous entendons beaucoup de choses ici depuis quelques jours, mais vous oubliez la chose
qui pour moi est la plus importante : ce que vivent les victimes. Les témoignages que
j'écoute, de ces femmes blessées, meurtries dans leur chair, me rappellent pourquoi nous
sommes là aujourd'hui.
J'ai écouté l'un des avocats des prévenus dire que nous ne voulions pas entendre ou
admettre la vérité. Mais de quelle vérité parle-t-on ici ? De celle des tests pratiqués sur des
lapins ou des souris ? Ou de la vérité que vivent les victimes chaque jour, à chaque
moment ? Vous affirmez, du côté des prévenus, que le gel PIP n'est pas dangereux pour la
santé ? Et pourtant, chaque témoignage que je reçois m'affirme le contraire.
J'ai entendu, j'ai vu de mes propres yeux, les ravages de ce gel, et ce que j'affirme
aujourd'hui devant vous, c'est que VOTRE vérité ne correspond pas à NOTRE réalité.
La question que je me pose, au-delà de vos arguments misérables, c'est « comment, peut-on
mettre en péril la santé de milliers de personnes pour de l'argent » ? Parce que quand M.
Mas dit « ce sont des personnes fragiles, elles font ça pour le fric », il ne faut pas oublier
qu'ici, les seules personnes à avoir fait quelque chose pour du fric, comme vous le dites si
bien, ce sont vous, M. Mas et vos acolytes.
Parce que nous ne sommes pas dupes, si personne n'a jamais rien dit chez PIP, si personne
n'a alerté, c'est bien pour préserver vos emplois et vos salaires confortables ? Est-ce là le prix
que vous donnez à notre santé à toutes ? 4000 euros net par mois pour M. Gossart par
exemple, est-ce le prix, Monsieur, de votre tranquillité d'esprit ?
Revenons sur le banc des prévenus, où, à mon sens, il manque beaucoup de monde.
Pourquoi cinq prévenus quand on sait que tous les employés étaient au courant ? J'ai bien
compris par contre que ceux qui sont présents aux côtés de M. Mas ont choisi de se cacher
misérablement derrière ce dernier. Tous s'accorde à dire qu'il étai t tyrannique, qu'ils ne
pouvaient pas s'opposer à lui... Mais de qui se moque-t-on, je vous le demande ? Plus de
cent employés face à un seul homme, qui se décrit lui-même comme « fragile » ? - Vous
l'avez compris, c'était sarcastique.
Tous ici, vous avez une responsabilité dans cette affaire. Tous ici, vous saviez et n'avez rien
fait, vous avez adhéré à la politique de PIP pendant des années, vous vous êtes tu. Et
aujourd'hui vous aimeriez, pour certains qui ne manquent pas de culot, être déclarés « non
pénalement responsables » ? Rassurez-moi, c'est une blague ?
2. Rassurez-vous je n'attends pas de réponse. Pas plus que je n'attends d'excuses ou de
remords, qui de toute façon, ne changeraient rien à ce que vivent les victimes, VOS
victimes !
Au-delà des employés de PIP, et pour reprendre les termes d'une dame qui a témoigné hier,
il est sensé y avoir, dans notre société, des verrous, qui nous protègent, et qui effectivement
n'ont pas fonctionné, qui ont mis en avant les lacunes d'un système qui de toute évidence
doit être révisé, pour ne plus avoir, à l'avenir, d'affaire comme celle-ci, pour garantir, un
minimum de sécurité.
En quoi pouvons-nous aujourd'hui avoir confiance ? Les autorités sanitaires? Les organismes
certificateurs qui délivrent des normes CE qui pour nous n'ont plus aucun sens ? Je ne crois
pas. En la justice peut-être ? L'avenir nous le dira.
Quoi qu'il en soit, PIP aura marqué à vie des milliers de personnes qui, pour avoir fait
confiance en notre système de santé, se retrouvent aujourd'hui à devoir apporter, avec
dignité, les souffrances morales et les souffrances physiques qu'elles n'ont pas mérité. Et
dîtes-vous bien M. Mas, qu'elles sont loin d'être fragiles, car pour endurer tout ça et
présentes ici face à leurs bourreaux, elles sont plus fortes que vous ne le serez jamais.
Dignes, elles le sont contrairement à vous, prévenus : entre l'une qui pleure à la barre mais
qui se marre ensuite, l'autre qui arrive avec une mine déconfite et prend une assurance
limite arrogante au fil des jours, allant jusqu'à manquer de respect à la cour. Quand je parle
de respect, je pense que je n'ai pas choisi le bon terme, car soyons clair, du respect, vous
n'en avez ici pour personne. Pas plus à l'égard de vos victimes qu'à vous-même, à l'image de
M. Mas qui reçoit des appels téléphoniques alors qu'il est à la barre, à l'image de Mme Font
qui à beaucoup de questions répond simplement : « Heu... Je ne sais pas ». A l'image de M.
Gossart qui se présente avec un air suffisant, à l'image de tous les prévenus qui, par leur
réponses, n'assument en rien ce qu'ils ont fait.
J'ai par moment l'impression d'assister à une pièce de théâtre, dramatiquement comique.
Mais le plus dramatique, au-delà de ce que vivent vos victimes, c'est que même si vous êtes
condamnés, et j'espère que vous le serez, vos sanctions ne seront jamais à la hauteur du mal
que vous avez fait.
Je conclurai, M. Mas, en vous précisant que, si comme vous l'avez dit, « la dangerosité du gel
PIP n'existe que dans le cerveau de certains journalistes », son innocuité, elle, n'existe que
dans le vôtre. »