2. Groupe Compas Les nouvelles technologies à l’école de demain, une réflexion pluridisciplinaire Les sciences cognitives et les TIC Les bouleversements provoqués par l’ordinateur, internet, la réalité virtuelle et les supports numériques en tout genre ne sont que trop visibles, au point d’endormir notre vigilance théorique. Ce que nous connaissons actuellement est déjà loin d’être bien compris, et voir ce qui est possible ou désirable, comme ce qui est impossible ou indésirable, appelle un effort d’imagination appuyé sur une compréhension réelle des processus impliqués. S’il serait absurde d’ignorer ou de minimiser les dimensions politiques, économiques, sociologiques de ces changements actuels et futurs, il serait tout aussi regrettable de ne pas les étudier sous un angle conceptuel et empirique. Les sciences cognitives interviennent précisément ici, de manière plus particulière, pour décrire et expliquer comment les « prothèses » que constituent les TIC s’articulent à nos capacités cognitives naturelles. L’approche de Compas: COMPAS entend contribuer au dialogue avec la communauté enseignante. Le groupe n’a pas pour vocation de faire de l’école un lieu où introduire l’ordinateur à tout prix. Son but consiste à réfléchir sur le bon usage à faire des nouvelles technologies. Qui est Compas? Compas est d’abord un laboratoire d’idées, un « think tank » où s’entrecroisent les points de vue et les hypothèses de ses membres, tous très différents par leurs formations et leurs intérêts, et où toute une série de spécialistes français et étrangers, à la pointe de leur domaine, viennent présenter leur idées. Les membres de Compas voyagent et interrogent des théoriciens et des professionnels qui travaillent sur les mêmes questions. Cette activité se condense sous la forme de textes, ateliers, entretiens à l’intention plus particulièrement du milieu enseignant et de tous ceux qui réfléchissent à l’école et plus largement à l’éducation dans la société de demain. Les technologies pour l’éducation (ordinateur, outils de collaboration à distance, réalité virtuelle) sont devenues une technologie essentielle: penser l’éducation de demain sans en tenir compte serait absurde. Elles ne sont évidemment pas la solution miracle... Mais sont beaucoup plus révolutionnaires qu’on ne le dit souvent. Le groupe Compas n'adopte pas une "doctrine ferme" mais cherche à repérer dans les usages technologiques actuels "un mouvement de fond qui n'est pas de l'ordre de la petite réforme des pratiques". Les technologies de l'information invitent à "faire évoluer la structure de la classe, les modalités de contrôle des connaissances, les systèmes d'évaluation..." pour "penser la jonction entre l'école et l'extérieur". Compas se veut orienté vers la concrétisation des approches théoriques. Parmi les nouvelles technologies pour l’apprentissage, par exemple, une place spéciale est réservée à la réalité virtuelle. La réalité virtuelle naît en effet comme instrument d’entraînement à travers la simulation de conditions réelles. Ensuite, les technologies pour réalité virtuelle sont devenues plus portables, moins chères, et leur usage potentiel s’est étendu à d’autres formes de simulation, et aussi d’apprentissage, comme les apprentissages à l’école. Comme pour les autres technologies appliquées à l’apprentissage, il est utile de se poser des questions de base : qu’est-ce que c’est la réalité virtuelle? qu’est-ce qu’elle ajoute à des systèmes traditionnels d’apprentissage? A quel type d’apprentissages s’adapte-t-elle le mieux ? Avec quels effets pratiques et moins pratiques? Quel rôle pour les enseignants? Qu'est Compas? Compas est d’abord un laboratoire d’idées, un « think tank » où s’entrecroisent les points de vue et les hypothèses de ses membres, tous très différents par leurs formations et leurs intérêts, et où toute une série de spécialistes français et étrangers, à la pointe de leur domaine, viennent présenter leur idées. Les membres de Compas voyagent et interrogent des théoriciens et des professionnels qui travaillent sur les mêmes questions. Cette activité se condense sous la forme de textes, ateliers, entretiens à l’intention plus particulièrement du milieu enseignant et de tous ceux qui réfléchissent à l’école et plus largement à l’éducation dans la société de demain. Les activités Compas Pour connaitre les activités de Compas et participer à ses échanges consultez le Blog de Compas http://www.groupe-compas.org/ Les partenaires de Compas Le projet Compas s'appuie sur un partenariat souple et évolutif. • Le Département d’études cognitives [DEC], créé, en 2001 à l'École normale supérieure, constitue le "camp de base" scientifique du projet. Il lui fournit son enracinement dans la recherche fondamentale interdisciplinaire en sciences cognitives et lui donne sa spécificité. • L'Institut de l'École normale supérieure, une association loi de 1901, fournit le cadre juridique et la gouvernance du projet. • Le p ôle de compétitivité Cap Digital met en rapport les chercheurs de Compas avec des laboratoires et des entreprises spécialisées dans différents outils numériques destinés ou adaptables à l'enseignement • Microsoft a lancé en 2003 un grand projet international intitulé ‘Partners in Learning’ (PIL). Le volet français de PIL, Partenariats Education, a choisi de soutenir le groupe Compas, dont le format et l'ambition théorique sont originaux. • Des coopérations sont à l'étude avec différentes entités impliquées dans différents types de formation. • Des liens existent avec des groupes similaires à l’étranger (actuellement la Grande Bretagne, les États-Unis et la Hongrie, mais ces contacts et partenariats sont appelés à s’étendre), et la mise sur pied d'un réseau est à l'étude, avec l'organisation d'un Exploratory Workshop de l'European Science Foundation. L’équipe Compas est composée de chercheurs dont l'activité principale est ailleurs : Edith Ackermann , Visiting Professor à MIT (School of Architecture), consultante indépendante dans différentes institutions de recherche et d'enseignement, publiques et privées. Daniel Andler , doctorats de mathématiques de Berkeley et de Paris 7, professeur de philosophie des sciences et théorie de la connaissance, Université Paris IV-Sorbonne, ancien directeur du Département d’études cognitives de l’Ecole normale supérieure. Elisabeth Caillet , ancienne directrice du département éducation et développement artistiques à la Délégation au développement et aux formations (ministère de la Culture), Responsable de l’action culturelle et des expositions du Musée de l’Homme. Roberto Casati, directeur de recherche au CNRS (ontologie, philosophie des sciences cognitives), Institut Jean Nicod EHESS-ENS-CNRS. Anne Christophe , chercheur CNRS (acquisition du langage), Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique (LSCP), EHESS-ENS-CNRS. Richard-Emmanuel Eastes , professeur agrégé de chimie à l’Ecole normale supérieure (Ulm), président de l’association « Les Atomes Crochus », chercheur au Laboratoire de Didactique et Epistémologie des Sciences (Genève). Bastien Guerry, doctorant en philosophie . En marge de son parcours universitaire, il se passionne pour l'informatique et s'implique dans le mouvement du logiciel libre. Il porte un intérêt particulier pour les questions d'adaptation de l'environnement numérique à la pédagogie. Marc Kirsch , maître de conférences (philosophie des sciences) au Collège de France. Elena Pasquinelli , PhD en philosophie des sciences cognitives, membre du CRAL – EHESS, a collaboré avec laboratoires de robotique et interaction homme-machine Gabriel Ruget , mathématicien, professeur à l’ENS de Cachan et directeur d’études associé à l’EHESS, ancien directeur de l'École normale supérieure (Ulm). François Taddei , directeur de recherche à l' Inserm & Faculté de Médecine Necker, responsable du Master en sciences de la vie, ENS Ulm, Prix EURYI/EUROHORCS 2005. Thierry de Vulpillières , directeur des Partenariats éducation chez Microsoft France. David Wilgenbus, astrophysicien , est responsable des activités Internet de "La main à la p âte".
3. Groupe Compas Passage aux nouvelles technologies: leçons tirées de technologies plus anciennes Partons d’un exemple relativement simple : les calculatrices. Leur introduction dans les classes a donné lieu à des difficultés. La situation est caractérisée par les faits suivants : Il faut certes apprendre par cœur la table de multiplication. Il suffit d’en apprendre la moitié (en incluant la diagonale). En recourant à la calculatrice pour des multiplications à plusieurs chiffres, on sollicite moins la mémoire de l’élève, qu’on libère pour d’autres tâches. L’usage « intensif » et ludique de la calculatrice peut faire apparaître certaines propriétés des nombres ; par exemple, des multiplications du type 11*11=121, 111*11=1221 font apparaître des formes régulières, qui peuvent éveiller la curiosité de l’élève. On peut bien évidemment continuer à imposer les longues multiplications à n chiffres. Mais cela participe d’une volonté de préserver un certain canon du savoir, plutôt que d’une nécessité pédagogique intangible. Vous pouvez consulter cet article et répondre avec un commentaire sur Le Blog de Compas http://www.groupe-compas.org/ Les NT jouent donc un rôle de désenchantement épistémologique : elles révèlent des possibilités qui sont cachées dans nos pratiques, et ce faisant elles montrent que nos pratiques peuvent nous sembler monolithiques alors qu’elles ne le sont pas. En même temps, ce désenchantement se heurte au rôle social et identitaire que jouent les pratiques et les compétences acquises à l’école, sous la forme qu’elles revêtent aujourd’hui. Ainsi se refusera-t-on à renoncer à l’apprentissage de l’écriture manuscrite (dont la maîtrise par la majorité de la population est un accident historique récent), même devant la disponibilité banalisée de moyens d’enregistrement et de transcription de la parole (claviers, saisie vocale). Même si les NT montrent clairement que le monolithe de l’alphabétisation se laisse décomposer aisément en apprentissage de la lecture (incontournable) et apprentissage de l’écriture manuscrite (potentiellement superflu dans une optimisation de l’apprentissage), le rôle identitaire de l’écriture manuscrite lui assigne une place centrale dans le parcours pédagogique. La question est évidemment complexe : l’affaiblissement du rôle de l’écriture est loin d’être une évidence partagée; mais sans doute peut-on dès à présent reconnaître qu’une pratique virtuose de l’écriture manuscrite a cessé de jouer le rôle pivot qui était le sien dans la bonne éducation, un peu à la manière dont un certain « beau parler » a depuis longtemps disparu de la carte des compétences fondamentales. Ces phénomènes s’expliquent par le fait qu’un canon en effet, c’est-à-dire un système de classification et d’organisation des savoirs qui permet à une culture de s’identifier et de transmettre une mémoire collective, a une fonction sociale bien plus large que celle de la simple transmission des connaissances. Un canon définit le seuil d’identité au-dessous duquel une culture cesse de se reconnaître en tant que telle, et il est par conséquent maintenu non en tant que artefact culturel de transmission du savoir d’une génération à une autre, mais comme « archive sacré » d’une société qui constitue la réponse à la question « qui sommes-nous ? ». Mais dans une société ouverte sur le plan de l’information, dans laquelle le savoir circule et se réorganise en permanence aux confins de l’identité, les divers canons entrent souvent en dissonance et montrent leurs limites en tant qu’instruments de transmission culturelle. Cet exemple montre deux choses. En premier lieu, cet exemple montre que les nouvelles technologies (NT) agissent comme un prisme qui décompose les différents éléments de ce qui est appris en bloc quand l’apprentissage obéit à la nécessité d’obéir aux canons du savoir. Ce qui nous semble unitaire est alors divisé en unités distinctes : dans notre exemple, on distingue les éléments de base de l’opération de multiplication de l’élément itératif, qui n’introduit pas de complexité spécifique. En deuxième lieu, l’exemple montrer que les NT peuvent ajouter des composantes qui n’étaient tout simplement pas visibles dans l’apprentissage . Ici : les jeux qui montrent des propriétés des nombres. Cet article est le résultat de la réflexion du groupe Compas suite à l’Atelier: “Réalité, Crédibilité, Autorité”, ENS – DEC, 19-20 Février 2008