1. Lire en Vendée
Échos Musées n°25
Revue de la Société des Écrivains de Vendée
et des amis de l’Historial de la Vendée
novembre 2012 - mars 2013
2. Le 8 août 2012, Joseph Assemblée générale
Rouillé nous a quittés
Au delà de l’écrivain de talent qui nous En prélude au Printemps du Livre de Montaigu,
a laissé vingt-cinq livres, il faut lui être re- l’assemblée générale de la Société des Ecrivains de
devable de ce qu’il a réalisé pour la Vendée Vendée s’est déroulée le jeudi 29 mars à Mouilleron-
littéraire. Fondateur, avec Jean Huguet, de le-Captif. Sur les terres du vice-président Jacques
la Société des Écrivains de Vendée, il en fut Bernard qui a organisé cette rencontre. Une quaran-
le premier président. Après quelques an- taine d’adhérents y ont participé.
nées où elle sera rattachée à la Bretagne, la
jeune société prendra rapidement son indé-
pendance et s’imposera comme un élément Philippe Darniche, sénateur-maire de Mouille-
essentiel de la culture vendéenne. La forte ron-le-Captif a accueilli le groupe à la Mairie et pré-
personnalité du président Rouillé aura été senté sa commune, avant d’offrir l’apéritif de bienve-
pour beaucoup dans cette réussite qui s’est nue. Les participants ont ensuite gagné le restaurant
manifestée de multiples façons : en plus des «Le Sensis» pour un sympathique déjeuner. Le pré-
conférences et des séances de signatures, sident Jean de Raigniac a rappelé les activités de la
un bulletin qui deviendra, par la suite, une Société – elle compte désormais plus d’une centaine
véritable revue et la création d’un prix litté- d’adhérents – et présenté le bilan financier. Malgré
raires seront significatifs. le désengagement des collectivités publiques, mais
grâce à la progression des adhésions, les finances
sont saines et permettent de poursuivre sereinement
Je faisais partie de la Société depuis une le travail engagé. La revue «Lire en Vendée» connaît
dizaine d’années, lorsqu’il m’a demandé un succès croissant, souligné par les libraires qui ont
de prendre sa suite. J’ai été très sensible à remarqué l’intérêt grandissant des lecteurs, très de-
l’honneur qui m’était fait et la passation a mandeurs de l’actualité littéraire vendéenne.
été effective en 2000, après la remise des
prix. Aujourd’hui, l’équipe a été renouve- Gilles Bély
lée et son travail se poursuit avec bonheur :
le nombre des adhérents augmente et la Pierre Ménanteau,
revue s’épaissit ; avec le soutien du Conseil
général et celui du Crédit Mutuel, les prix
Nous avions préparé un dossier sur Pierre Mé-
ont pris une nouvelle importance. Ainsi
nanteau, nous le remplaçons en dernière minute par
l’œuvre de Joseph Rouillé est toujours vi-
nos hommages à Joseph Rouillé et Gilbert Prouteau.
vante et prend sa place parmi les éléments
qui nous donnent confiance dans l’avenir Nous retrouverons Pierre Ménanteau dans notre
de la Vendée. prochain numéro, à paraître en mars 2013.
Michel Dillange
2 Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013
3. LES ÉCRIVAINS
DE VENDÉE
LES AMIS
DE L’HISTORIAL
DE LA VENDÉE
Nous essayons nous aussi de prendre
le large en suivant l’exemple de ces marins
d’exception qui partent aujourd’hui dans
une course sans merci. Nos vaisseaux pren-
nent aussi la houle, essuient des paquets de
mer et fendent l’eau pour donner le cap à
tous les amoureux de l’aventure.
Une autre flottille reste à quai pour
préparer le retour des héros. Un autre nu-
méro les attendra et nous voguerons alors
vers Montaigu chercher un mouillage ac-
cueillant pour le printemps.
Les écrivains et les Amis de l’Historial
de la Vendée aiment aussi se jeter à l’eau,
l’aventure est toujours d’actualité.
Sinon, un livre ou un musée dans
Sommaire
chaque port et tout va bien. Merci à René-
Charles Keromnnès qui a gréé notre esquif
en créant la couverture du premier livre
d’Éric Gautier...
Jean de Raigniac
4 Les Salons et Prix littéraires
Lire en Vendée 10 La bande dessinée
Échos Musées n°25 16
23
Hommage à Joseph Rouillé
Hommage à Gilbert Prouteau
Revue de la Société des Écrivains de Vendée
et des amis de l’Historial de la Vendée
35 Milcendeau à l’Historial
39 Les sorties des amis...
45 Activités et expositions du Musée
49 Nos sélections
80 Le coin du Centre Vendéen
de Recherches Historiques
82 Les Écrivains de la mer
novembre 2012 - mars 2013
Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013 3
4. Saint-Gervais
Yves Viollier et le président Claude Mercier en conversation secrète
Saint-Gervais : le Prix du Héron Gilles PERRAUDEAU est né à Bois-de-Cené en
1947. Professeur de lettres, il a pratiqué le collectage
cendré à Gilles Perraudeau de la tradition orale, a participé au Groupe de
recherche et d’expression du marais de Bois-de-
Cené, Le Bouquet d’Ajoncs, et a écrit de nombreux
Après Régine Pelloquin l’année dernière, c’est ouvrages, notamment Les Bourrines du marais nord-
Gilles Perraudeau qui a cette année décroché le prix vendéen, Des gars et des filles de l’Ouest,Quand la mer
du Héron Cendré. Prix que lui vaut son ouvrage reviendra, Lexicologie des travaux agricoles, Bois-de-
« Mémoire en images sur le marais nord vendéen », Cené, Challans et le Pays maraîchin.
aux Éditions Allan Sutton. « Il suffit de glisser les
mot marais ou maraîchin dans le titre pour gagner À la lumière de nos artistes peintres Charles
ce prix », s’est amusé le vainqueur, domicilié à Bois- Milcendeau, Auguste Lepère, Jean Launois, Henry
de-Céné, en recevant son prix. Simon et Gaston Dolbeau qui ont mis en ombre
et lumière, ce plat pays du marais écrasé par un ciel
Mais il est vrai que Saint-Gervais et son salon lourd,
du livre à la salle des Primevères, c’est d’abord Avec les témoignages photographiques si
une ambiance particulière, celle des Maraîchins ! réalistes, si tendres, si poétiques de Jean Challet, que
Convivialité (déjeuner, avec vin à volonté pour ta plume a accompagnés de mots précis sentant bon
tous les auteurs et le samedi et le dimanche), rires, le maraîchin,
facéties, malices, camaraderie constituent les atouts À la suite de René Bazin qui ressuscita cette «Terre
de cette manifestation, la 18e du nom cette année, qui mourait» faute de maraîchins, à la suite de Marc
avec une soixantaine d’écrivains qui se sont retrouvés Elder, à la suite de Marcel Baudouin qui fit connaître
les 28 et 29 avril dernier, entre deux tours d’élection les coutumes de ce «Maraîchinage» si spécifique à
présidentielle. notre nord-ouest vendéen, Gilles Perraudeau a décrit
avec une précision scrupuleuse, presque amoureuse,
Les incontournables étaient là, notamment les survivances de cette nature, de cet habitat, de
la Société d’histoire du nord-ouest vendéen et ce mobilier, de ces hommes et femmes du marais,
son président Michel Gruet, tout comme la et il a expliqué avec un reste de nostalgie dans sa
Noirmoutrine Anne-Marie Kadem, relieuse… Et si plume, les changements irrémédiables de ce pays de
le journaliste Philippe Ecalle, prix 2011 des écrivains terre et d’eau, de cette société en douce modernité,
de Vendée, ne pouvait être présent que le samedi, de cette culture maraîchine se dégageant lentement
Yves Viollier est venu le dimanche... du folklore, de ce peuple maraîchin dont les visages
L’association organisatrice, Patrimoine et rudes restent anxieux entre l’invasion touristique
tradition du canton de Beauvoir, avec son président bétonnière et les vagues de la mer toujours aux
Claude Mercier et son vice président Théo Rousseau, aguets.
attendait le gros du public le dimanche après-midi. Gilles Perraudeau connaît son marais, il le décrit,
D’autant que le temps n’était pas à aller à la plage. il l’accompagne, il le respecte, il l’aime.
Mais la météo était si exécrable que ce public ne s’est Tel un grand héron cendré, il s’est posé en son
pas déplacé autant qu’espéré. N’empêche, le rendez- milieu, près d’un étier, à la Marchoise, et debout
vous est déjà pris pour l’année prochaine. dans le vent d’ouest, il le regarde avec tendresse.
Philippe Gilbert Claude Mercier
4 Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013
5. Prix Charette
éditions du CVRH, le livre de Christiane Astoul
répond pleinement aux critères du Prix Charette.
Celui-ci veut saluer «le panache, l’esprit de liberté et
d’indépendance, l’intelligence» que l’on reconnaît à
Charette.
Louis Chaigne avait assurément cette liberté
d’esprit, cette intelligence vive, cette indépendance
que l’on retrouve dans tous ses livres. C’était un
humaniste. Christiane Astoul a souligné «un huma-
nisme de Vendée» pour marquer l’attachement de
Louis Chaigne à sa province, tout ce qu’il lui doit,
tout ce qu’il lui a rendu. «Passeur de lumière, il était
porteur d’une espérance», écrit Yves Viollier qui se
souvient de sa première rencontre avec l’écrivain,
dans sa maison de Venansault.
Un humanisme vendéen
La présentation pénétrante de Christiane Astoul
décrit Louis Chaigne comme un homme de son
temps. N’aurait-il pas d’ailleurs voulu être journa-
liste? Il fut écrivain, essayiste, critique littéraire, di-
recteur de collections chez de grands éditeurs. Il fut
aussi le directeur de la Revue du Bas-Poitou dont il
orienta l’esprit vers le présent et l’avenir, sans rien
renier du passé.
Dans la lignée de Paul Claudel, Gabriel Marcel,
Marc Sangnier, il sera, entre 1930 et 1950, l’un des
Christiane Astoul, grands témoins d’un christianisme qui devait selon
lui «être un rayonnement, non un rétrécissement».
Prix Charette 2012 A l’heure des repliements identaires, son message est
pour son hommage aujourd’hui d’une précieuse actualité.
à Louis Chaigne Après avoir retracé l’itinéraire de Louis Chaigne,
Christiane Astoul a choisi de présenter une petite
anthologie chronologique de ses oeuvres. La Vendée
d’abord, puis ses témoignages de reconnaissance
Le Salon du livre vendéen de Grasla se dérou- à ses maîtres et à ceux qui ont guidé son itinéraire
lera désormais tous les deux ans. Rendez-vous les littéraire et spirituel. Des poèmes et des textes plus
13 et 14 juillet 2013 sous les ombrages de la fo- personnels complètent l’ouvrage. Louis Chaigne y
rêt mythique qui a inspiré le dernier roman d’Yves évoque encore et toujours l’âme vendéenne: «On
Viollier, Même les pierres ont résisté. Le Prix Cha- est plus assuré de prendre contact avec cette âme
rette continuera, lui, d’être attribué chaque année. loin des routes nationales... là où les choses voient,
Il consacre cette fois le livre de Christiane Astoul, là où les choses parlent, où les choses et les hommes
«Louis Chaigne, un humanisme de Vendée». Un sont étroitement associés, dans un présent résolu-
hommage à un grand écrivain, trop méconnu, fi- ment tourné vers l’avenir».
gure éminente du catholicisme social, incarnation
de l’âme vendéenne. Le Prix Charette a été remis à Christiane Astoul,
le 12 juillet, à l’Hôtel du Département, par Bruno
La sélection du Prix Charette était de très grande Retailleau, président du Conseil général, et Yves
qualité et il a fallu deux tours de scrutin pour dé- Viollier, président du jury, en présence de la famille
partager les cinq ouvrages en présence. Publié aux de Louis Chaigne.
Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013 5
6. Quatre livres à recommander
Les quatre autres livres en lice pour le Prix Cha-
rette ont tous obtenu au moins une voix au premier
La conspiration
tour. Gage de l’intérêt qu’ils ont suscité auprès des du général Malet
membres du jury et de l’indépendance d’esprit de Thierry Lentz
celui-ci. «Lire en Vendée» vous en dit l’essentiel et Perrin
vous les recommande. Ils ne vous décevront pas.
Grand spécialiste du Premier
Empire, Thierry Lentz décortique
Le gendarme de Napoléon la tentative de Coup d’Etat du gé-
qui arrêta le Pape néral Malet qui, annonçant la mort
Dominique Rézeau de Napoléon devant Moscou, vou-
SPE Barhélémy lut prendre le pouvoir et obliger le Sénat à désigner
un gouvernement provisoire. C’était le 23 octobre
Aumônier de la Gendarmerie, 1812. La tentative échoua et Malet fut fusillé. Elle
chancelier de l’Evêché de Luçon, n’en contribua pas moins a ébranler le pouvoir déjà
Dominique Rézeau avait toutes les chancelant de l’Empereur qui dut abdiquer deux ans
raisons de s’intéresser au singulier plus tard. Extrêmement documenté, dans une belle
destin du général Radet, l’homme écriture classique, ce livre retrace la carière tumul-
qui, sur ordre de Napoléon Ier, arrêta en juillet 1809, tueuse de ce conspirateur-né. Il intéressera surtout
le pape Pie VII. L’auteur lui laisse la parole tout les amoureux de l’Histoire.
au long de cette biographie à peine romancée. En
contre-point, les lettres de son épouse humanisent
le parcours militaire heurté du général baron, au gré
des changements de régimes. C’est ainsi que, capi-
Don Juan de Tolède,
taine de la garde nationale à Varennes, il tenta de Mousquetaire du Roi
porter secours à Louis XVI et à sa famille, en fuite Benoît Abtey
vers l’étranger. Plus tard, il joua un rôle important Flammarion
dans l’organisation de la Gendarmerie. Une page
d’histoire méconnue, très agréable à lire. On suivra avec intérêt le ma-
rathon littéraire que le Vendéen
Benoît Abtey débute avec ce roman
de cape et d’épée de 700 pages qui
Le bar des menteurs sera suivi de deux autres ouvrages
Ingrid Naour
dans une série intitulée Les secrets de D’Artagnan.
Cherche-Midi
D’Artagnan n’est pourtant pas le héros du livre. Il
narre plutôt les aventures d’un autre mousquetaire,
Beaucoup de verve et d’intel-
le mystérieux Don Juan de Tolède qui tire toutes
ligence dans ce court roman qui
les ficelles des intrigues et des cabales d’une époque
a pour cadre l’île de Noirmou-
très tourmentée, la Fronde. On peut déjà saluer
tier. Tout spécialement, le Bar des
l’ambition du projet et le travail de documentation
Menteurs où se rejoignent reli-
qu’il exige. L’écriture est jaillissante et foisonnante,
gieusement d’éternels assoiffés, grandes gueules aux
un peu trop sans doute, mais c’est aussi la loi de ce
grands coeurs. Ingrid Naour les regarde, les écoute,
roman historique. Un peu moins de pages, un peu
partage leurs souvenirs et leurs histoires sans cesse
plus de rigueur, c’est ce qu’on est légitimement en
recommencées. On s’attache à ces personnages tru-
droit d’espérer du prochain volume. Benoît Abtey a
culents qui s’appellent Remets-moi ça, la Bernique
tout le talent voulu pour ça.
ou Pêcheur de lune. On a aimé le style vif et coloré
du récit, un peu moins la répétition des situations.
Gilles Bély
6 Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013
7. Prix Ouest à Montaigu
gnito à Paris... À partir de là, Jean-François Parrot
trousse une histoire à rebondissements, foisonnante
comme il se doit d’assassinats, d’intrigues compli-
quées et de rebondissements inattendus. Le souci du
détail et des descriptions – jusqu’aux recettes de cui-
sine de l’époque – n’enlève rien, bien au contraire,
au suspense savamment entretenu...
Yves Viollier a souligné la qualité de ce roman,
mené de main de maître, comme la vivacité du
style et des situations. Diplomate – il a occupé neuf
postes à l’étranger – spécialiste du XVIIIème siècle,
Jean-François Parrot veut avant tout, à travers les
enquêtes du héros qu’il a créé, restituer notre his-
toire, à la veille du « tremblement de peuple » que
fut la Révolution française. Il exalte aussi « une
langue admirable, qui ne nous appartient plus et
qui doit s’ouvrir au monde. » Cette langue qui porte
les valeurs de la France, celles des paysans, des chas-
seurs, des soldats et des marins.
Gageons que nous retrouverons dans les pro-
chaines aventures de Nicolas Le Floch, toute la sa-
veur et le brio de « L’enquête russe »...
G. B.
Autour du magnifique Théâtre de Thalie, le
« nouveau » Printemps du Livre de Montaigu a bien Ils étaient dans la sélection...
pris ses marques. De bon augure pour le 25ème anni-
versaire de ce Salon qui aura lieu l’an prochain, du
19 au 21 avril. Présidée par Mireille Calmel, cette
24ème édition a été marquée par la remise du Prix Le Dos crawlé
Ouest à Jean-François Parrot pour son roman «L’en- Eric Fottorino
quête russe». Gallimard, 208 p., 16, 90 €
On ne tue pas les gens
Michel Ragon n’avait pu être présent pour re- Alain Defossé
mettre le Prix Ouest au lauréat 2012. C’est donc Flammarion, 140 p., 15 €
Yves Viollier qui s’en est acquitté, en transmettant
au public son message d’amitié. Le jury avait distin- Les Auto-tamponneuses
gué très nettement le roman de Jean-François Par- Stéphane Hoffmann
rot, «L’enquête russe». Le lauréat était déjà en lice Albin Michel, 233 p., 17 €
l’année précédente pour une autre enquête de son
héros, Nicolas Le Floch, «L’honneur de Sartine».
Les téléspectateurs connaissent bien cette série
à succès qui les emmène au cœur de Paris, sous les
règnes de Louis XV et Louis XVI. Cette fois, nous
sommes en 1782, alors que la royauté souhaite ren-
forcer ses liens avec l’empire russe. L’héritier du
trône, le tsarévitch Paul, séjourne justement inco-
Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013 7
8. Septembre 2012, entrée littéraire d’automne
réussie à Saint Gilles Croix de Vie autour de Jean- Quatrième édition de la journée des écrivains de la
Pierre Majzer. Bravo à Catherine Girard-Augry pour mer à Jard Sur Mer le 1er mai.
sa conférence sur la littérature française ! La pluie du matin n’avait pas arrêté le pélerin, ni
l’écrivain, encore moins le lecteur, le froid non plus.
Conférence sur Bravo aux organisateurs stoïques devant une tente
les femmes le 3 qui s’envolait sur la plage et saluons le soleil de re-
mars à la Salle tour comme toujours en début d’après-midi.
Clemenceau de
Saint Vincent sur
Jard, organisée
par Annie Gallet,
Musée des Arts et
Traditions Popu-
laires.
La date judicieu-
sement choisie est
celle de la semaine
de la fête des Grand-mères et de la journée de la
femme. Un public chaleureux et enthousiaste
assistait à la causerie d’Eveline Thomer, et pas que
des femmes, beaucoup d’hommes aussi ! Deuxième salon du livre ancien, le seul en Vendée.
Mélange des genres, la cuisine et les voyages avec
Lionel Guilbaud, cuisinier vendéen, auteur de livres
Émouvante re- de recettes, le skippeur VDH, Jean Luc Van Den
mise des prix Heede qui nous a parlé cuisine à bord d’un bateau,
du concours J. Chauvet, G. Séjourné et E. Thomer.
de nouvelles Les amateurs matinaux ont pu voir un post-incu-
de Treize Sep- nable (année 1506) qui s’est vendu dans la première
tiers organisé demi-heure du salon... Un bon prix... Ambiance
par Laurent feutrée, presque religieuse, très conviviale.
Sourisseau et Coupure du ruban par Jean Yves Burnaud maire
soutenu par le du Chateau d’Olonne le 14 avril en compagnie de
maire Isabelle Gérard Faugeron, Ghislain Caput, responsable des
Rivière et un jury de 25 membres le 1er avril avec festivités et les membres de l’association LivrEbook.
Eveline Thomer, past-présidente, Christophe Prat
président 2012.
Enfants émerveillés, anciens aux yeux brillants Christophe Prat nous annonce la naissance de
d’émotion et de larmes contenues. Les écoles par- ELLA éditions, dont il est le gérant et qui publiera
ticipent à ce concours en travail de classe mais aussi essentiellement des ouvrages en Eure-et-Loir : Je
les maisons de retraites et même la ville jumelée de continuerai à faire publier mes propres ouvrages chez
Cabana de Bergantinos de la Province de Galice Grrr….art éditions afin de ne pas mélanger les métiers
en Espagne. Un grand concours mené avec brio en du livre.
toute simplicité. Belles initiative !
8 Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013
9. Les sorties d’Éveline, Lydie et les autres
Présidé cette année par Pierre Bordage, le salon des
Arts et des Lettres de L’Épine à Noirmoutier, les
3 et 4 août 2012. 70 écrivains, peintres, sculpteurs,
photographes dans une ambiance orchestrée par la
présidente Jacqueline Bouyer, Frédéric Bonnin et
tous les membres de l’association, aussi efficaces
qu’accueillants. Rare mélange des arts.
Les Plumes Vendéennes, tous les mois de juin, par
Corinne Bouhier de la Maison de la presse aux
Sables d’Olonne. Rencontres et dédicaces. Une
libraire met la Vendée et ses auteurs à l’honneur !
27 octobre à Barbâtre, 60 écrivains, 5 peintres, 5
photographes, 5 éditeurs et 2 sculpteurs tenaient
salon. Les nombreux élus, dont Yannick Moreau
Député-Maire d'Olonne s/ Mer, Nicole Guérin,
Conseillère Régionale (Challans) NoëL Faucher
Président de la Communauté de Communes de
Noirmoutier, Gérard Guillet, Maire de Barbâtre,
Mme Léculée Maire de la Guérinière et la marraine
Eveline Thomer, rendaient hommage à Michel
Fourage pour ses actions culturelles.
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10. AU NOM DU FILS T2
Scénario : Serge Perrotin
Dessin et couleurs : Clément Belin
Editions : Futuropolis
Janvier 2012, sortie du deuxième tome de « Au nom Pour Michel cette aventure le met face à sa vie, il
du fils », fin du récit. Nous retrouvons Michel Garan- se remet en question, découvre petit à petit qui était
deau, métallo de St Nazaire, parti à la recherche de son fils, ses espoirs, sa philosophie… Michel se rend
son fils Etienne kidnappé par l’ELP, concurrent des compte qu’il est lui-même peut-être passé à côté de
FARC en Colombie. la vraie vie. Le bilan est dur, il aurait dû se secouer,
Comme en écho à ce récit, le 28 avril les FARC être plus actif, mais il s’est encroûté, a mal vieilli,
font parler d’elles en kidnappant le français Roméo que des mauvais choix ! En cherchant Etienne, il se
Langlois, qu’ils libèrent en mai, après 33 jours de trouve aussi à travers une véritable crise existentielle,
captivité... La fiction rejoint la réalité ! il nous touche par son entêtement, parfois sa naïveté
et par son amour indéfectible pour son fils. On le
croyait d’un bloc, solide, volontaire, mais sa fragilité
Michel continue à remonter la piste de son fils apparaît au fur et à mesure des difficultés.
en suivant le gringo trail, ce chemin que suivent les
occidentaux et qui va du Mexique aux pays andains
en passant par tous les grands sites archéologiques. Le dessin de Clément Belin semi-réaliste, plutôt
Au fil des rencontres de routards qui ont connu son du style reportage ou carnet de voyage, rend bien
fils, il se laisse porter vers des lieux mythiques. Petit l’ambiance et l’atmosphère de ces pays, des ren-
à petit, il arrive enfin à Ciudad Perdida, en pleine contres étranges, de la dureté de la vie, de la jungle,
jungle, là où son fils a disparu. Il rencontre les ko- la sensation d’étouffement. Quand on ferme le deu-
gis, ces tribus qui vivent en osmose avec la terre, puis xième et dernier tome de ce récit on ne peut imagi-
l’armée régulière, et tout se bloque. Michel s’installe ner un autre style de dessin qui serait plus classique,
dans l’attente et l’espoir. plus standard.
René Nicolas
10 Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013
11. La bande dessinée
LES GARNIMOS T3
Scénario & dessin : Dav
Couleurs : Kness Cinq ans après la parution du tome 2, Dav re-
Editions : Soleil vient en grand forme avec ce nouvel épisode de sa «
jungle en folie ». Le trait est toujours aussi expressif
et les gags s’enchaînent sans temps mort. L’ancien
étudiant montacutain est bien le digne héritier de
Sam, Blandine, Bob et toute la fine équipe des Goscinny, le papa d’Astérix. Comme lui, il réussit à
Garnimos décident de partir skier à la montagne. dérouler son récit sur plusieurs niveaux de lecture. Il
Mais l’expédition est perturbée lorsqu’ils découvrent arrive ainsi à captiver les plus jeunes tout en faisant
que la neige a disparu et que la vie des habitants de sourire les parents. Une véritable gageure.
la montagne est menacée.
Serge Perrotin
L’APPEL
DES ORIGINES T2
Scénario : Joël Callède
Dessin : Gaël Séjourné
Couleurs : Jean Verney
Editions : Vents d’Ouest
Anna, la jeune métisse New New-
yorkaise, est partie à la recherche de
son père. Un père fils d’une riche fa-
mille blanche des états du sud qu’elle
n’a jamais connu et qui a disparu au
Kenya. La petite serveuse de Harlem
est maintenant comédienne. Pour fi-
nancer l’expédition, un producteur
de cinéma a investi dans le tournage
d’un film autour d’Anna et de son
histoire. Car ce n’est pas la seule re-
cherche du père qui guide la jeune
femme et ses compagnons d’aven-
ture, c’est aussi la recherche des traces
des premiers hommes de l’humanité.
Ce deuxième tome fleure bon l’aventure afri-
caine. Nostalgie… On pense aux « Mines du roi
Le Kenya, Mombassa, Nairobi... Salomon » et à « Out of Africa ». Le dessin et la cou-
Toujours le même rejet des métisses leur sont des castelolonnais, Gaël Séjourné et Jean
par les blancs et les noirs, tout comme Verney. Ce tandem nous offre de superbes images.
aux USA. Mais Anna croise aussi des Les villes, les paysages, les animaux et les couleurs
personnes généreuses telles que Ka- sont magnifiques. Nous attendons avec impatience
ren Blixen et Denys Finch-Hatton la suite et fin de ce triptyq
qui ont connu son père. Puis, c’est le
départ à travers la brousse… RN
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12. ANGOR T4 LES ARCANES DE MIDI-
Scénario : Jean-Charles Gaudin MINUIT T9
Dessin & couleurs : Dimitri Armand Scénario : Jean-Charles Gaudin
Editions : Soleil Dessin : Cyril Trichet
Evrane, Lorky et Talinn, trois adolescents de la Couleurs : Yoann Guillo
ville d’Angor, ont mis la main sur un mystérieux Editions : Soleil
médaillon qui leur permet de se transférer instanta- Trois attentats terroristes simultanés sè-
nément dans leur corps d’adulte. Un pouvoir extra- ment la mort et la désolation dans York Town.
ordinaire lorsque, comme notre trio, on rêve impa- Le Bureau Royal de Jim et Jenna est sommé
tiemment d’aventures et d’exploits guerriers. de retrouver au plus vite les commanditaires
de ces actes barbares.
Dans ce tome 4, les auteurs délaissent un peu les
Le scénariste Jean-Charles Gaudin creuse
péripéties propres à tout récit d’Héroïc Fantasy pour
un peu plus la veine « réaliste » amorcée au
se recentrer sur les personnages et leurs doutes. Le mé-
tome précédent. Les forces et les enjeux qui
daillon se révèle un puissant accélérateur d’émotions
régissent son monde imaginaire ne sont pas
qui entraîne les protagonistes dans un maelström de
aussi manichéens qu’un survol rapide de la
sentiments exacerbé par les allers et retours incessants
série pourrait le laisser croire. La gestion du
entre adolescence et âge adulte. Jean-Charles Gaudin
pouvoir, les tensions qu’elle implique – et ses
scrute ainsi au plus prêt les tensions, les rancœurs, les
dérives - ne sont pas sans rappeler celles, bien
tourments des cœurs et des corps et apporte ainsi une
réelles, qui agitent notre propre monde.
profondeur bienvenue à son récit.
Le dessin du yonnais Cyril Trichet est
Le nantais Dimitri Armand confirme, avec cet
toujours d’une grande constance ; sa mise en
album, les promesses graphiques aperçues dans
scène et son trait d’une lisibilité remarquable.
les tomes précédents. Son imagination n’est pas en
Après neuf albums, le duo vendéen vieillit
reste ; livre après livre, il se hisse ainsi au niveau des
bien et prouve avec cette « Affaire mentaliste »
meilleurs bâtisseurs de mondes imaginaires.
qu’il en a encore sous le pied…
Serge Perrotin SP
12 Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013
13. La bande dessinée
LE CHEVALIER MECANIQUE T1 OGRES T2
Scénario : Cédric Mainil Scénario : Audrey Alwet & Iggy
Dessin : Mor Dessin : Ludwig Alizon
Couleurs : Silvio Speca Couleurs : Cyril Vincent
Editions : Sandawe Editions : Soleil
En 1661, lorsque le jeune Louis XIV accède au trône de Il fut un temps où les Ogres régnaient
France, il est loin de se douter que, dans les coulisses, une san- en maître sur les humains. Jusqu’au jour
glante conspiration menace son pouvoir. Son salut viendra où Magrite, l’un d’eux, commis l’impar-
peut-être du jeune Ulysse, condamné par le roi mais sauvé par donnable et provoqua leur fin. Maxillien,
le génie de son père qui en fera le premier être mi-homme, le dernier des Ogres, accompagné d’une
mi-automate. humaine aux ascendants mystérieux, es-
saie de comprendre la faute ancestrale de
Cédric Mainil signe là son premier scénario de bande dessi- Magrite pour, peut-être, inverser le cours
née. Un scénario où il reprend avec bonheur tous les ingrédients de l’Histoire.
des récits populaires de capes et d’épées qui ont fait les beaux
jours de la bande dessinée historique des années quatre-vingt. Les scénaristes Alwet et Iggy continuent
Mais le Chevalier mécanique n’est pas qu’un récit ancré dans de dérouler une histoire originale, avec
le passé. L’auteur yonnais a en effet astucieusement saupoudré humour, sans temps morts, en prenant le
son histoire d’ingrédients fantastiques. Ulysse, lointain cousin contre-pied jubilatoire de certains poncifs
des Superman et autres Iron Man, pourrait bien être le premier de la Fantasy. Ce second tome de la trilo-
des supers héros français. Pour donner vie à son petit théâtre gie confirme également tout le bien que
Mainil a fait appel à MOR, un dessinateur qui s’est illustré dans l’on pensait du dessin de Ludwig Alizon :
de nombreux récits historiques régionaux. Son dessin acadé- une mise en scène cinématographique, un
mique, quoique un peu daté, est totalement au service de l’his- trait séduisant et des personnages incar-
toire. La palette flamboyante de l’italien Silvio Speca apporte nés. Le cycle Ogres possède tous les ingré-
punch et esthétisme à ce récit haut en couleur. dients d’une bonne série populaire.
SP SP
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14. CLARA
Scénario : Christophe Lemoine
Dessin & couleurs : Cécile
Editions : Le Lombard
Clara, sept ans, est une petite fille formidable Le travail de la dessinatrice Cé-
pleine de joie et de malice. Ses jours s’égrènent cile est au diapason. Son style ren-
joyeusement entre une Maman adorée, avec laquelle force formidablement le propos du
elle partage des moments complices, et un Papa scénariste. Elle a opté pour un trait
qui travaille tard mais est le plus gentil des Papa. au crayon (non encrée) qui apporte
Jusqu’au jour où Maman ne vient pas chercher Cla- une douceur et une délicatesse à un
ra à la sortie de l’école… sujet qui pourrait faire fuir le plus
optimiste des jeunes lecteurs. Si la
Avec cette histoire en un seul volume, Chris- palette automnale renforce le pro-
tophe Lemoine et Cécile abordent les thèmes de pos de l’album, le point fort reste,
la mort et du deuil. Leur travail est un exercice de sans conteste, le personnage cen-
haute voltige, un exemple parfait de traitement sen- tral de Clara. Sa bouille expressive,
sible d’un sujet oh combien délicat à expliquer aux ses grands yeux bleus et sa tignasse
enfants. Le résultat est d’une grande sobriété gra- emmêlée éclipsent tous les autres
phique et scénaristique. Jamais les auteurs ne se lais- personnages. On est conquis par
sent aller à la surenchère, à la complaisance ou à la son dynamisme, sa bouille atta-
facilité larmoyante (même si le lecteur, au détour de chante et dès la première page nous
certaines pages ne peut – étonné qu’une bande des- savons qu’elle pourra surmonter
sinée puisse avoir un tel effet - retenir les siennes). toutes les épreuves.
Le scénariste aborde un sujet difficile en s’appuyant
sur la puissance de l’imaginaire des enfants. L’utili- Christophe Lemoine et Cécile,
sation de la poupée transmise par la Maman et des touchés par la grâce, ont réalisé là
épreuves métaphoriques qui en découlent est, à ce un petit chef d’œuvre qui, parions-
sujet, remarquable. le, traversera les ans.
SP
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15. La bande dessinée
LA GUERRE DES BOUTONS LES DEMONS D’ARMOISE T1
Dessin : Cécile Scénario : Gaudin et Clerjeaud
Scénario : Lemoine Dessin : Collignon
Couleurs : Kaori Couleurs : Stambeco
Éditer : Vents d’Ouest Editeur : Soleil
À la fin du XIXe siècle, deux bandes d’enfants de Le 30 Mai 1431, Jeanne d’Arc est brûlée vive à
deux villages rivaux (Langeverne et Velrans) se livrent Rouen. Du moins, selon nos livres d’Histoire. Cinq ans
une guerre sans merci. Le butin de la lutte est constitué plus tard, deux de ses plus fidèles compagnons d’arme
des boutons pris aux vaincus. font route vers Tiffauges. Jehan de Metz et Bertrand Po-
longy sont envoyés par le roi afin d’enquêter sur les ter-
ribles agissements de Gilles de Retz, le seigneur des lieux
Le chef d’œuvre de Louis Pergaud est tombé dans et autre compagnon de l’infortunée Jeanne. Une Jeanne
le domaine public depuis peu. Les adaptations du ro- qui hante les souvenirs de ses compagnons et semble être
man publié en 1912 se multiplient. Après le cinéma, la la clé d’un formidable mystère…
bande dessinée n’est pas en reste. L’adaptation proposée
par les éditions Vents d’Ouest est la cinquième depuis Avec ce récit historique teinté de fantastique, les
Septembre 2011. Mais force nous est de constater que vendéens Gaudin et Clerjeaud (qui cosigne ici son pre-
cette dernière livraison est peut-être la meilleure. Cécile mier album) n’hésitent pas à tordre le cou à la grande
trouve en effet dans ce texte un terrain de jeu idéal pour Histoire afin de lui faire un bel enfant. Ils apportent ain-
mettre en scène une galerie d’enfants tous plus vivants si une touche originale au destin tragique de la pucelle
les uns que les autres. Depuis sa série Cédille (trois tomes d’Orléans. A noter la qualité d’écriture des dialogues qui
aux éditions Le Lombard) les lecteurs savent qu’elle n’a agissent comme la plus efficace des machines à remonter
pas son pareil pour rendre d’un trait mignon et expressif le temps.
les joies et drames du monde de l’enfance. Le scénario de La réussite de cette astucieuse relecture du mythe
Lemoine, son complice d’Arthur et les Minimoys (trois de Jeanne d’Arc est également due à l’excellent travail
tomes aux éditions Glénat), n’est pas en reste. Il met du dessinateur Stéphane Collignon. Celui-ci insuffle
en scène un récit rythmé qui retranscrit avec bonheur le précision et esthétisme à des planches où souffle le vent
des grandes tragédies. A noter les très belles ambiances
charme et la gouaille du roman homonyme. A noter la
du coloriste Stambéco qui alterne intérieurs sombres,
très belle palette de la coloriste Kaori qui s’accorde par- oppressants, et extérieurs aux couleurs flamboyantes,
faitement avec le graphisme de la dessinatrice olonnaise. irréelles.
SP SP
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16.
17. Joseph Rouillé
Joseph Rouillé nous a quittés
« Mauvais été 2012 pour
les figures littéraires du dé-
partement », écrit Philippe
Gilbert dans le journal
Ouest-France du 12 août.
Après Gilbert Prouteau, Joseph Rouil-
lé, 92 ans, nous a quittés la semaine der-
nière.» Décédé le 8 août, ses obsèques ont
eu lieu le samedi 11 août à Saint-Gilles-
Croix-de-Vie. Né à Legé, horloger-bijou-
tier à Saint-Gilles, il s’est fait connaître
par une œuvre littéraire abondante et de
qualité à une époque où la Vendée produisait beaucoup moins d’ouvrages
qu’elle ne le fait aujourd’hui. Ses sujets ont été exclusivement historiques et
maraîchins. Ses œuvres les plus connues sont « La mieux aimée de Charette »
« Gilles de Rays, l’homme de la démesure » et son dernier ouvrage « Le sau-
vage blanc » ou l’authentique histoire de Narcisse Pelletier, ce marin ven-
déen qui fut recueilli
par une tribu canni-
bale d’Australie pen-
dant 15 ans.
Mais la Société
des Écrivains de Ven-
dée doit beaucoup à
Joseph Rouillé. C’est
lui qui, avec Jean
Huguet, l’a créée en
1977. Il en a été le
président de 1977
à 2002. La réunion
constitutive de l’as-
sociation a eu lieu
au printemps 1977 à
la bibliothèque mu-
nicipale flambant
neuve de La Roche-
sur-Yon, en présence
de son conservateur,
M. Devantoy. Une
dizaine d’écrivains
vendéens étaient
présents. Parmi eux,
Valentin Roussière,
Valentin Saint-Vic,
Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013 17
18.
19. Joseph Rouillé
Alain Pérocheau… Jean Huguet était à l’origine de Challans… Les échanges avec les lecteurs étaient
la réunion. Et l’association a d’abord pris le nom hauts en couleur. Les voix de Joseph, de Jean, de
de « Comité vendéen des Ecrivains de l’Ouest ». Valentin, d’Octave, de Nathalie, interpellaient les
Mais Joseph Rouillé a tout de suite compris l’intérêt promeneurs. La signature était suivie d’un apéritif et
d’une telle initiative. Jean Huguet lui en a laissé la parfois d’un déjeuner où le boire et le manger relan-
présidence, sans doute parce qu’il venait de créer sa çaient des feux des mêmes éternels et passionnants
maison d’édition « Le Cercle d’or » et qu’il ne vou- débats.
lait pas mélanger les intérêts. Joseph Rouillé a été avant tout un homme de
En 1982, le « Comité vendéen » a fait scission communication remarquable. Il fut journaliste de
et l’association a pris le nom de « Société des Écri- radio à Radio Rennes Bretagne (1945-1950) et a
vains de Vendée ». Joseph Rouillé l’a pilotée de main animé ensuite l’émission culturelle « Vent de ga-
de maître avec une autorité qui supportait mal la lerne » sur la radio Rock Sound à Saint-Gilles. Il
contradiction. a donné à l’association une reconnaissance dépar-
tementale en institutionnalisant la remise du Prix à
l’Hôtel du département. Il a fait appel aux auteurs
En 1985, il a créé le premier de l’association pour la publication d’un recueil de
nouvelles « Mille et un visages de la Vendée » en
« Prix des Écrivains de Vendée » 1981, et un second « Hauts lieux de Vendée » en
87 pour célébrer le dixième anniversaire de la So-
qui a été remis à Henri Martin pour son livre ciété. Chaque été, pendant ses vacances à Menton,
« L’Extraordinaire passage du Gois ». À partir de là, il il organisait avec succès des conférences où il faisait
a fait imprimer une feuille qui donnait des nouvelles connaître l’histoire et la culture vendéennes.
de la Société et des publications de ses membres. Il Il a passé le relais à Michel Dillange en 2000. Il
l’a intitulée « Lire en Vendée ». Le journal des écri- est resté très présent, en particulier aux réunions du
vains de Vendée était inventé. Prix, jusqu’en 2007. Il s’est éloigné ensuite. Il a été
Avec Jean Huguet, ils ont organisé alors pen- un fougueux et talentueux promoteur de la culture
dant l’été de grands débats historiques aux Sables vendéenne.
d’Olonne, à Saint-Gille, Saint-Jean-de-Monts. La Yves Viollier
discussion était précédée d’une projection de film
(par exemple « La mieux aimée » adapté du livre de
J. Rouillé). La salle était pleine. Le débat était sou-
vent houleux. Les orateurs allaient vite à s’enflam-
mer, pour le plaisir parfois, par goût de la provoca-
tion aussi, et leurs lectures de l’histoire n’était pas
toujours la même. Ces soirées de joutes oratoires
restent dans les mémoires.
La Société a aussi mis en place, à ce moment-
là, des tournées de signatures dans les librairies de
Vendée. Une dizaine d’écrivains se retrouvaient chez
Jim Dandurand, à Fontenay, la Librairie Centrale
Salé aux Sables, la Maison de la Presse Despret à
Le jeune Rouillé sur le tournage
des Vieux de la Vieille
L’écrivain Joseph Rouillé a gardé des souvenirs
précis du tournage des Vieux de la Vieille, dont il as-
sura une chronique pour « Presse-Océan » qui s’ap-
pelait encore « la Résistance de l’Ouest ». Et dont
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20.
21. Joseph Rouillé
un texte fut publié dans Histoires et
nouvelles de Vendée, en 1997, aux
éditions Vents et Marais, recueil
collectif de la Société des écrivains
de Vendée.
Rouillé y narre ce tournage, en
1960, à Apremont et La Chaize-le-
Vicomte. Tournage qui fit grand
bruit car il réunissait un trio de choc. Trois stars :
Jean Gabin, Pierre Fresnay et Noël-Noël. Trois stars
vieillies pour une farce paysanne un tantinet anar.
Un trio infernal de Papys qui font de la résistance,
dans une pochade mise en scène par Gilles Grangier,
dialoguée par Audiard. Un très bon film, soit dit au
passage, qui a fort bien résisté au temps.
Durant ce tournage qu’il suivit pendant plu-
sieurs semaines, le jeune Joseph Rouillé s’était lié
d’amitié avec Noël-Noël. Il promena l’acteur chan-
sonnier en plusieurs lieux de Vendée, visitant le châ-
teau de Beaumarchais à la Chaize-Giraud et le logis
de Fonteclose à la Garnache.
Anecdote à Challans, où l’acteur fait le plein de
sa voiture, la pompiste le reconnaît. Noël-Noël ne
se fit pas prier pour signer un autographe. En re-
prenant le volant, il confia au jeune Joseph : « moi,
vous savez, j’aime bien être reconnu. Gabin déteste
ça mais l’on se doit à son public ». s’explique pas ! » ; « Je veux être incinéré parce
que je ne veux pas qu’on vienne m’emmerder sur
Plus tard, on présente à la star une jeune fille ma tombe ».
vendéenne qui aimerait bien faire du cinéma. Noël-
Noël, avec maintes précautions et en prenant son Gabin ne signait évidemment pas d’auto-
temps, la décourage de faire un tel métier. Et de graphes. Sur le tournage des Vieux de la vieille,
confier en partant au correspondant de la Résistance : il fit cependant une exception pour trois jeunes
« Si Gabin avait été à ma place, il serait parti sans filles d’Apremont qui avaient suivi presque
dire un mot ». continuellement le tournage. Une délicate at-
tention « pour elles et pour elles seules ». Joseph
Rouillé le concédait volontiers : « ce bourru avait
un cœur gros comme ça ! Un peu de cette race
Gabin, ce Vendéen taiseux ! paysanne de Vendéen taiseux ! »
Philippe Gilbert
Grâce à Noël-Noël, Joseph Rouillé parviendra
cependant à rencontrer le patriarche, « poids lourd »
du cinéma français, déjà un de ses « monuments » et
se retrouver régulièrement chez le restaurateur-hôte-
lier d’Apremont Pierre Chaillot, à table entre Gabin
et Pierre Fresnay, aristocrate comme dans ses films ;
et en face : Gilles Grangier et Noël-Noël, ce dernier
volubile pour cinq.
Rouillé avoue dans ses souvenirs qu’il n’apprécie
guère la nature ours mal lèché de Jean Gabin, mais il
a cependant le temps d’apprécier de près le caractère
du plus grand acteur français, phrases ponctuées de
son célèbre balancement de tête : « J’ai pas mauvais
caractère, j’ai du caractère, c’est tout ! » ; « Ça me
fatigue d’être aimable » ; « Au cinéma, la présence ne
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22. Édouard Grimaux René Bazin
Un grand savant Vendéen La Terre de Bazin
(1835-1900) ne meurt jamais
Pharmacien La terre qui meurt est le
chimiste de province, roman « vendéen » de l’An-
Édouard Grimaux, va gevin René Bazin (1853-
accéder aux plus hautes 1832), académicien. Sorti
fonctions profession- en 1899, il remporta un
nelles et honorifiques gros succès de tirage (200
dans la Capitale. Né à 000 exemplaires) dès sa sor-
Rochefort, il devient tie et fut le livre de chevet
vendéen par adoption de nombre de Vendéens,
en épousant Léontine joué également dans de nombreux théâtres de pa-
Boutet de famille pro- roisse, notamment entre les deux guerres.
testante herminoise, et Fin septembre, une réédition a été présentée
achète une pharmacie par la Maison Siloë du côté de Sallertaine, là où
en face de l’ancienne Mairie de Ste Hermine. Pré- se déroule l’intrigue de cette tragédie, qui abordait
senté par Grimaux à Louise, sœur de Léontine, Jé- un sujet qui était déjà d’actualité à la fin du XIXe
rôme Bujeaud, son ami, devient son beau-frère. Une siècle : l’émigration paysanne. Une table ronde avait
grande complicité d’idées les unira toute leur vie. même été organisée à cette occasion dans l’église ro-
Grimaux étudie la chimie dans son officine mane de cette bourgade maraîchine (que l’Acadé-
avant de partir pour Paris. Il enchaîne travaux de micien sauva de la destruction en la faisant classer
laboratoire, publications et conférences, militant monument historique). Table ronde orchestrée par
avec passion pour répandre dans son enseignement l’association des Amis de Bazin (président : général
et ses recherches les nouvelles théories chimiques. Richou) et animée par l’ancien journaliste à Ouest-
Il obtient un poste à la faculté de médecine, puis France Jacques Boislève.
à la Sorbonne, devient professeur à l’Institut Agro- Ce dernier, au cours du débat, s’inscrivit en
nomique, puis à l’École polytechnique, avant d’être faux sur le malentendu Bazin classé réactionnaire : «
élu à l’Académie des sciences. Ami de Clemenceau, Ce témoin de son temps et un militant de la cause
dont il sera brièvement l’adjoint à la mairie de Mont- chrétienne, engagé dans le christianisme social, qui
martre, républicain patriote ardent, n’obéissant qu’à pouvait avoir des propos durs contre les patrons ».
sa conscience, il entraîne d’autres savants autour Le témoignage de Armel-René Bazin de Jouy, l’ar-
de Zola en faveur du Capitaine Dreyfus, cet acte rière petit-fils de l’auteur ne manqua pas de brio.
de civisme lui vaudra une radiation immédiate et « C’est un journaliste qui utilise les techniques d’écri-
douloureusement ressentie de ses fonctions d’ensei- vain naturaliste en allant repérer sur place ». Ce qu’il
gnant et de chercheur à l’Ecole polytechnique. Il fait fit à Sallertaine. Tandis que la directrice du service
construire le château de l’Auneau près de Chanton- des Archives d’Angers n’hésita pas à affirmer qu’on
nay mais n’aura pas le temps d’en jouir, ses cendres a « statufié l’académicien, pétrifié même ! Il faudrait
seront transférées dans la sépulture de sa femme au éclairer sa personnalité ». Le fonds d’archives est là,
cimetière protestant de Sainte-Hermine. mais ce travail reste à faire.
Josette Fournier, auteur de plusieurs ouvrages, En attendant, cette réédition, à la couverture de
est professeur retraitée des universités (chimie or- couleur rouge, est intéressante à plus d’un titre, avec
ganique), co-fondatrice et ancienne présidente un préambule signé Jacques Boislève et une préface
du Groupe d’Histoire de la Chimie de la Société de Bruno Retailleau, président du conseil général de
chimique de France. Cet ouvrage s’est construit au- la Vendée.
tour d’une conférence qu’elle a donnée le 10 mars
2011 dans le Temple de Sainte-Hermine.
Philippe Gilbert
Josette Fournier
Texte annoté et illustré par Claude Bujeaud
Histoire et Patrimoine du Canton de Sainte-Hermine La terre qui meurt,
Éditions Siloë. 18 €
52 p. 12 €
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23. Gilbert Prouteau
Hommage
à Gilbert
PROUTEAU
Il a commencé par l’athlé-
tisme avec le triple saut qui l’em-
mènera aux Jeux Olympiques de
1948. Mais sa médaille il l’ob-
tient non pour ses qualités ath-
létiques mais en récompense des
pages jugées les meilleures que
le sport ait inspirées. C’était au
temps où l’épreuve littéraire était
une discipline olympique aux
Jeux de Londres !
Cette coïncidence de lieux
résonne aujourd’hui comme un
Prouteau avec Aragon dans son bureau, Aragon dont il connaissait par cœur l’œuvre. dernier clin d’œil facétieux de sa
C’est d’abord pour cette raison qu’ils devinrent amis.
part.
Ce titre olympique a été pour
Gilbert la confirmation de sa vo-
cation littéraire qu’il a déployée
Nesmy, le 6 août 2012 dans toutes ses dimensions, avec
cet appétit gargantuesque de la
vie que nous lui connaissions. Il
D’autres que moi auraient été plus légitimes pour prononcer cet touche avec bonheur et talent à
hommage à Gilbert Prouteau. Il m’a été demandé d’être, en quelque toutes les formes d’écriture : la
sorte, l’interprète de nombreux amis, de ses voisins, ceux qui l’entou- poésie bien sûr mais encore le ro-
rent aujourd’hui et ceux qui sont unis par la pensée ou la prière. man, la biographie, l’essai. Gil-
Je voudrais dire à ses proches, ses enfants, ses petits enfants que bert écrivait comme on respire :
nous portons un peu de leur peine. Oui, il était important de lui rendre avec la même aisance, la même
ce témoignage de reconnaissance, d’affection et de chagrin. évidence, la même nécessité aus-
Mais en même temps quelle tâche difficile tant Gilbert était à lui si.
seul un univers complexe. Le mot de son maître en poésie Victor Hugo, Pour le cinéma il invente le
lui va si bien : « Un poète est un monde enfermé dans un homme ». genre que l’on appellera bien plus
tard le docu fiction à partir d’un
mélange d’images d’archives et
Gilbert était un homme accompli au sens de fiction.
Une cinquan-
de la Grèce Antique : taine d’ouvrages
naîtront sous sa
athlète du corps et de l’esprit, serviteur de la cité des hommes et des plume et non des
lettres. A la fois homme d’esprit, de cœur et de caractère. Ce caractère moindres : « Le
qu’il avait si fort, rarement au point de l’avoir mauvais, jamais au point sexe des anges »
de briser les élans de son grand cœur. Si Athènes a inventé l’Homme manqua le Gon-
complet, à la fois citoyen et philosophe ; athlète et esthète, Gilbert a court de peu ; et
réalisé en lui-même cette exigeante et improbable synthèse. ses recueils de poésie lui valurent
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24. La Vendée ! Nous sommes à Nesmy et l’enfant
du pays est de retour pour toujours dans sa terre
originelle. Je me souviens de ce jour humide de dé-
cembre dans cette même église, où Gilbert accom-
pagnait Hélène à sa dernière demeure. Nesmy, son
village natal qui lui avait offert, cher Gérard Rivoisy,
le nom d’une rue de son vivant, à lui et à son ami
Henri Laborit nés du même creuset fondateur.
Gilbert aimait passionnément la Vendée, toute la
Vendée qu’il a chantée comme personne. Lui-même
se définissait comme « Vendéen du fond des âges et
des villages ». On ne comprend rien de lui sans saisir
cet attachement vital pour « cette terre aussi étroite
dans l’espace et aussi peuplée dans le temps ».
En 1953, c’est l’appel de la Vendée plus fort que
le chant des sirènes de la célébrité qui lui fait quitter
Paris, que pourtant Dieu a choisi ! Mais dans la vie,
il faut vivre avant de réussir comme le lui avait sug-
géré Roger Martin du Gard. Et c’est à Treize-Vents
sur un coteau sauvage connu seulement des genettes
et des grives musiciennes qu’il trouve sa Thébaïde
inspirée. En contrebas la Sèvre rythmera les saisons
et les jours « en chevauchant des meulières ».
«Unique au monde», telle fut la devise offerte au patriarche par
ses petits-enfants en 2003, pour ses 50 ans de mariage avec sa
muse Hélène.
« La maison d’Amour où je veux
dès 1968 de figurer entre Prévert et Queneau, dans mourir, j’y suis né à 30 ans passés »
le dictionnaire de la poésie contemporaine.
Je dois avouer une préférence pour ses poèmes, écrira-t-il.
tout simplement et pour reprendre Couprin « parce
qu’ils me touchent ». À leur contact, ils s’emparent
de vous involontairement, inoubliablement. C’est Mais pour Gilbert, la Vendée ce ne sont pas seu-
je crois, la marque des œuvres majeures. La poésie lement des paysages envoûtants, ce sont des voisi-
lui était si indispensable qu’il en a fait l’accomplis- nages, des personnages qui lui ont donné chair. Il
sement de son parcours littéraire, avec ce dernier s’en inspirera beaucoup. Et il n’aura de cesse d’ap-
recueil paru il y a tout juste quelques mois sous le procher l’âme de cette province métaphysique à tra-
titre d’un oxymore, « La nuit des jours » qui annonce vers les grandes figures de l’Histoire qui lui étaient
le crépuscule. familières, entre autres : Clemenceau et Hugo mais
Son œuvre valut à Gilbert des prix et des titres aussi Rabelais, Richelieu, Gilles de Rais, Grignon
comme celui de Commandeur des Arts et des Lettres de Montfort et bien sûr les Vendéens de 1793 aux-
mais je suis sûr qu’il aurait été déçu que l’on ne men- quels il dédiera un livre en reconnaissant « qu’il était
tionne pas celui qu’il revendiquait de Chevalier du impossible de comprendre l’épopée vendéenne sans
Mérite Agricole ! Ne se définissait-il pas comme un remonter à ses racines spirituelles ».
éleveur de vers luisants ? L’une de ses grandes fiertés Gilbert n’était pas un historien même si sa mé-
n’était-elle pas d’avoir réussi à faire fructifier en pleine moire était prodigieuse. Ce qui le fascinait dans la
terre du bocage des orangers et des citronniers ? Car Vendée c’est qu’elle est un pays de héros et de lé-
Gilbert était aussi l’ami des arbres. Il aurait pu em- gendes. Avec son maître Victor Hugo il savait qu’il
prunter à Cicéron sa devise du bonheur : « Un jardin faut l’Histoire pour le détail et la légende pour
et des livres », s’il ne manquait pas quelque chose l’ensemble. Et avec son ami Cocteau il partageait
d’essentiel pour lui. Cet essentiel au sens étymolo- la conviction : « que la légende c’est du faux qui
gique du mot, c’est la Vendée et l’amitié. s’incarne et l’histoire du vrai qui se déforme »
24 Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013
25. Gilbert Prouteau
La Vendée, disait Jean Yole, Avenir, souvenirs, nuances si légères,
Au feu de ce qui brûle, brûle ce qui sera.
c’est Charette et Clemenceau.
Bruno RETAILLEAU
Il faudrait y ajouter Prouteau.
Président du Conseil Général de la Vendée
D’autant que Gilbert possédait le caractère de
l’un et de l’autre : rebelle et libre. Deux visages d’une
Vendée qui n’en fait qu’un devant l’histoire.
Ce double sillage a été le sien, dans le refus de
la tiédeur et du prêt-à-penser. « Le roman d’un
rebelle », l’un des romains autobiographiques les
plus réussis, donnait la tonalité d’une vie où la polé-
mique et les manières de mousquetaire ont souvent
été un style. Ce côté potache lui venait peut-être par
contraste de son père et de sa mère, hussards de la
République qu’il admirait pourtant.
Mais la grande affaire de sa vie aura été l’amitié
qu’il a cultivée soigneusement, fidèlement comme
un Art de vivre, comme un « luxe des relations hu-
maines » cher à Max Jacob qu’il a peut-être croisé
aux côtés de Picasso ou de Cocteau.
Gilbert avait de nombreux amis, célèbres ou
non. Il avait pour chacun la même attention. Il pen-
sait que « rien ne surpasse d’être un ami pour un
ami » selon le mot si juste de Schiller. C’est bien sûr
l’amitié qui nous autorise à dire : « je suis parce que Rebelle est bien le terme qui convient pour qualifier Prouteau.
tu es ». Proust avait l’habitude de dire que la litté- Rebelle dans le sens réfractaire.
rature est une amitié. Dans le cas de Gilbert c’est si
vrai. Pour écrire il faut aimer. Les lettres d’amour et
d’amitié - mais où est la frontière entre les deux - ont
souvent été les fulgurances du génie : Montaigne à
La Boétie, Goethe à Schiller, Aragon à Elsa, Gilbert
à Hélène.
T’en souviens-tu ce soir lointain d’Auteuil Hélène
Ces couleurs du futur au seuil de tes vingt ans
Une idylle imitée du sanglot des fontaines
Qui jaillit d’un murmure et s’écoule en chantant.
La Mort n’a pas de prise sur l’amour. L’Amour
ne passera pas.
Et j’entends encore les voix mêlées de Gilbert
et d’Hélène réciter en parfaite harmonie ces vers
d’Aragon qu’ils aimaient tant : Ce livre parut en 1998 aux Editions Hérault. Sur la couverture,
la maison des Hautes-Roches où l’écrivain vécut près de 50 ans.
Lire en Vendée - novembre 2012 - mars 2013 25
26. Repères jours avant sa sortie officielle dans un incendie vo-
lontaire des laboratoires UGC. On retrouvera mi-
Gilbert Prouteau raculeusement une copie 17 ans plus tard, lors du
déménagement de la Cinémathèque de Montréal.
(1917, Nesmy-2012, Cholet) Maudit, ce film est aussi un miracle.
1972. Prouteau se lance dans le polar et Tout est
en 15 dates dans la fin est un succès littéraire. Mais l’adaptation
pour la télévision par Jean Delannoy, avec Michel
Duchaussoy, est beaucoup moins réussie.
1974. Victor Hugo, homme de l’ouest est réalisé en
1942. Rythmes du stade est son premier livre, un coproduction Antenne 2-BBC. Le metteur en scène
recueil de poésies. Le jeune Prouteau vit à l’époque Gilbert Prouteau garde son style particulier (dans le
en France libre, à Antibes, où il a suivi le déména- montage ; et dans la poésie des dialogues ou, plus
gement de l’École nationale d’Athlètes dont il fait souvent, de la voix off). Le téléfilm ne rencontre pas
partie. Et après avoir fini la guerre comme deuxième un gros succès. Il est diffusé le jour de la mort du
classe, dans les Alpes. président Pompidou.
1948. Rage ! Prouteau, international d’athlétisme, se 1985. La nuit d l’île d’Aix, paru chez Albin-Michel,
claque peu avant les Jeux Olympiques de Londres. Il est un roman historique sur les derniers jours de Na-
s’y déplace comme journaliste. Mais inscrit aux Jeux poléon sur le sol français. Une belle réussite. Mais
Littéraires (la dernière édition), il se voit attribuer jamais adaptée en images, malgré Michel Charrel,
la médaille de bronze, grâce à une traduction de la l’assistant metteur en scène de Prouteau. Celui-ci
préface de Rythmes du stade, qui était signée Roger avait obtenu l’accord de Raymond Pellegrin pour le
Vercel ! rôle, mais ne trouva jamais les fonds pour le pro-
1953. Son premier long-métrage, La vie passionnée duire. Gilbert Prouteau : « l’histoire du cinéma est
de Clemenceau, est bouté du Festival de Cannes (il aussi faite d’une foultitude de projets qui n’ont pas
fait dire les mots « Boche » et « Teuton » à Clemen- abouti ».
ceau). Mais il remporte le Grand prix d’Edimbourg. 1989. Dans L’ombre d’un juif, le Vendéen natif de
La même année, son roman Saison blanche est tra- Nesmy retrouve tous les ressorts et tout le jus origi-
duit en japonais, où il fait un tabac. nel de sa verve au réalisme poétique, proche de celle
1955. Je m’appellerai Guillaume Apollinaire est un du Sexe des Anges. Mais le livre marche mal. « Je me
métrage de 25 minutes, avec la voix en off de Mou- suis cru fini ! »
loudji et des moyens modestes pour ce qui reste la 1992. Le Vendéen rebondit avec Gilles de Rais où
plus belle biographie filmée du « maître de la poésie la gueule du loup (le Rocher). Son réquisitoire en
de la première moitié du XXe siècle ». Aragon étant, faveur de « Barbe-Bleue » sent le souffre. Les médias
toujours selon Prouteau, « maître de la seconde moi- nationaux s’en emparent. Prouteau parvient même
tié du XXe siècle ». L’année précédente, il a réalisé à obtenir la réhabilitation du Maréchal devant une
Cent ans de sport, avec pour assistant-metteur en Cour internationale. Aux limites du canular !
scène un certain Georges Lautner. 1996. Poète avant tout, Prouteau n’aura cependant
1961. Le Sexe des anges, édité chez Grasset, favori écrit que 10 recueils dans sa foisonnante verve
du Goncourt, est recalé à l’arrivée. « Dommage, ça alexandrine, dont Les fleurs de l’âge (Presses du Vil-
m’aurait bien arrangé. Mais je n’ai pas toujours réus- lage), qu’il considérait comme son meilleur livre !
si ma carrière », regrettait parfois l’intéressé. Ce livre 2002. Je passe aux aveux est un livre interview, mené
est probablement son meilleur. Son plus gros succès par l’éditeur d’Orbestier Xavier Armange. Un té-
littéraire aussi. moignage des plus dynamiques, parfois déroutant, à
1965. Le Machin (Table Ronde) est précurseur des l’image du personnage. Jamais inintéressant.
romans de politique-fiction. Mais c’est un bide.
Prouteau : « on a toujours tort d’avoir raison trop 2012. Au début de l’année, Gilbert Prouteau a sorti
tôt ». La nuit des jours, chez son amie Régine Albert. Et
1969. Dieu a choisi Paris, après 4 ans de tournage et le prochain, Les mots de passe, il en avait remis les
de montage, sort enfin. Avec Belmondo en tête d’af- ultimes corrections à sa fille Isabelle peu avant de
fiche. À l’avant-première, Malraux encense l’œuvre. mourir. Publication espérée pour le prochain Prin-
Mais la malédiction veille. Le film brûle quelques temps du livre de Montaigu.
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27. Gilbert Prouteau
Surdoué et sportif médaillé
Suite à des complications pulmonaires, Gilbert
Prouteau est parti le 2 août dernier. Durant les Jeux
Olympiques de Londres, Jeux auquel il participa
en 1948, à Londres justement ! Et d’où cet athlète
international (6e Européen du triple-saut en 1947)
ramena une médaille de bronze, dans la discipline
artistique de la littérature, qui existait encore alors.
Un clin d’œil bien à l’image de ce personnage fa-
cétieux, qui racontait cette histoire dans le film
L’esprit olympique, d’Alexa Schulz, diffusé sur Arte…
La plume et le Le jour de sa mort ! Et rediffusé le matin de son en-
maillot, c’est Gilbert terrement ! Gilbert a toujours su soigner ses sorties,
Prouteau, prix de il n’a pas manqué sa dernière.
littérature sportive dès
son premier recueil.
Parti, Prouteau, rejoindre les anges, ceux qui
auraient pu lui donner le Goncourt en 1961 (Le sexe
des anges, son meilleur roman…) Les faire rire aussi,
L’écrivain-cinéaste et poète certainement. Car la rigolade, la farce et l’amitié
sont des trésors qu’il a cultivé toute sa longue vie.
Gilbert Prouteau s’est éteint à Également la provocation. Car elle faisait partie de
la rigolade. Et du génie de ce Vendéen né en 1917,
l’âge de 95 ans, le 2 août dernier. à Nesmy. Un fils d’instituteurs, un Vendéen du fond
Sa carrière fut hors-norme. des âges.
Prouteau l’inclassable, est probablement passé à
« Vieillir est indécent ! Et les souvenirs sont côté d’une carrière plus fulgurante. Mais ce surdoué,
tyranniques, comme un bonheur perdu », confiait à la scolarité désastreuse à La Roche-sur-Yon et Fon-
Gilbert Prouteau à sa fille Isabelle et sa belle-sœur tenay-le-Comte, qui se définissait volontiers comme
Aline, voilà encore quelques semaines, en lâchant « un demi-raté à peu près passionné par tout », fut
le livre qu’il tenait, Beaux nuages le soir, de Michel un touche-à-tout. Hanté par la volonté de se renou-
Peyramaure. Bien ce livre, demandèrent sa fille et sa veler. Sport, poésie, littérature, cinéma… Oui, tout
belle-sœur ? « Vivant, alerte, présent, passionnant. Il le passionnait et le Septième Art lui permit de réa-
faudra le dire à ce jeune homme », le Briviste Peyra- liser ce qui est peut-être le chef-d’œuvre qui fera sa
maure, qui fête ses 90 printemps cette année. postérité : le long-métrage Dieu a choisi Paris, avec
Jean-Paul Belmondo, s’il vous plaît ! Film à l’incom-
Gilbert Prouteau, dans son grand âge, avait gardé parable poésie, mélangeant images de fiction et d’ar-
beaucoup de lucidité, beaucoup de malice aussi, elle chives, procédé dont il fut novateur dès 1953, avec
pétillait dans l’œil. Tandis que sa fille Isabelle, qui La vie passionnée de Clemenceau.
était la seule à décoder son écriture en hiéroglyphes,
lui tapait ses manuscrits. Car il continuait à écrire.
« Que veux-tu que je fasse d’autre ? Il faut bien que
je m’occupe en attendant qu’on me rappelle ! »
50 livres, 15 films, provocateur,
Il avait encore sorti un recueil de poèmes au mondain, Vendéen
début de l’année (La nuit des jours, Écho-Optique
Éditions). Ce bateleur du verbe et des phrases sem- Prouteau est parti, et maintenant qu’il nous reste
blait y entretenir la flamme vacillante des mots, son œuvre, il ne s’avère pas facile de la déballer, de la
« mots d’ordre et de passe, d’espoir et d’amour, di- détailler. Au compteur : 50 livres, 15 films. Dans les
lués par le temps dans l’espace », comme il l’écrit en 50 livres, de la poésie, des nouvelles, des romans, des
alexandrins. La verve rythmée, les mots ranimés. romans historiques, des essais… Au cinéma, trois
Il avait aussi eu le réflexe, trois jours avant son longs métrages, ainsi que des moyens et des courts,
« rappel », de donner à sa fille les dernières correc- dont plusieurs biographies, Victor Hugo, Saint-Ex,
tions de son prochain livre, Les mots de passe. Les Apollinaire (Je m’appellerais Guillaume Apollinaire,
mots, toujours… avec la voix de Mouloudji en off)…
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