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XXIIe
Congrès National de Généalogie Marseille 2013
211
Le tremblement de terre
de Rognes – Lambesc, le 9 Juin 1909
par Anne de Montgrand - Vallon
Il y a 104 ans, le 11 juin 1909, la terre
a tremblé en Provence. Pas un de ces
tremblements de terre minuscules qui se
contentent de faire trembler les bibelots. Non,
un vrai, un terrible, un terrifiant tremblement
de terre. Rognes, Lambesc, Salon, Vernègues,
au total une trentaine de communes ont été
fortement touchées, immeubles détruits ou
rendus dangereux et inhabitables, changements
du régime des sources, et surtout de nombreux
morts et blessés. Le séisme
fut ressenti sur une large
zone qui s’étendait des
Pyrénées aux Alpes. Il
a été catalogué comme
d’intensité 6,2 sur l’échelle
de Richter. Relativement
peu profond (entre 5 et 10
km), il provoqua dans une
zone assez délimitée de la
Provence des dommages
très importants. Que
s’était –il passé ? Nous
possédons un grand
nombre de témoignages
et de photographies qui
permettent de reconstituer
le drame.
Depuis quelques
années, des mouvements
du sol, des grondements
souterrains inquiétaient les
habitants de la région.
En novembre 1906, une violente
secousse, ressentie de Mirabeau à Saint-Paul-
lez-Durance, sème la panique chez les habitants.
Un an plus tard, en novembre 1907, les habitants
d’Eyguières s’inquiètent d’inexplicables
détonations souterraines.
En janvier 1907 à 20 h, Mirabeau,
Beaumont-de-Pertuis, Saint-Paul-lez-Durance
et le Puy-Sainte-Réparade sentent une secousse,
qui heureusement n’a pas de conséquence.
Le 25 mars 1909, nouvelle secousse au
Puy-Sainte-Réparade. Trois jours plus tard, des
grondements résonnent dans le sous-sol, enfin
deux jours avant le séisme, toujours au Puy-
Sainte-Réparade et à Saint-Cannat des bruits
très forts « comme des charrois de barriques »
disent certains, sortent de
sous la terre.
Le 11 juin 1909
En Provence, en
particulier dans la
région de Lambesc - Salon,
lamétéodecedébutdumois
de juin était exceptionnelle,
avec des orages précoces
accompagnés d’un temps
lourd, étouffant. La journée
avait été brûlante, sans un
souffle de vent. Depuis
quelques jours, le sol était
animé de petites secousses,
on entendait de lointains
grondements souterrains.
Toute la journée du 11 juin,
les animaux avaient eu des
comportements inhabituels,
les oiseaux volaient bas
en poussant des cris, les
animaux terrestres fuyaient leurs terriers et
leurs niches, ceux qui étaient enfermés ou
attachés tournaient en rond et cherchaient à
fuir, les chevaux piaffaient à l’écurie, les chiens
hurlaient à la mort.
Le soir vint. À 21h 15, les hommes
rentraient des champs, les jeunes enfants
212 XXIIe
Congrès National de Généalogie Marseille 2013
étaient déjà au lit, des familles finissaient de
souper, beaucoup d’habitants se promenaient
sur la route comme c’est la coutume les soirs
d’été. C’est alors qu’un grondement sourd sort
des profondeurs de la terre. Il se prolonge,
il augmente, il assourdit et dans un fracas
épouvantable, le sol tremble et s’affaisse. Les
meublent se déplacent tout seuls en grinçant,
la vaisselle tombe à terre et se casse, les murs
s’écroulent dans des nuages de poussière. Dans
la campagne, les arbres sont secoués comme
quand des enfants veulent en faire tomber les
fruits. Les blés s’agitent ; les épis, en se heurtant
font un bruit qui n'est ni celui du vent, ni celui
de la faux. Le bruit qui sort du sol est aussi fort
que celui d’un bombardement. Les parents
affolés arrachent les enfants en pleurs de leurs
lits et se précipitent à l’extérieur pour se trouver
sur un sol mouvant ; on entend de toutes parts
des hurlements de peur et de douleur. Dans
les villages, tous ceux qui l’ont pu, ont gagné la
rue, à travers les amoncellements de gravats et
les meubles cassés. On se déplace dans le noir,
car les secousses ont cassé les fils électriques,
détruit les lampadaires et les habitants ont éteint
les feux de peur des incendies. Dehors, les gens
tremblent et pleurent, on entend des cris, des
gémissements. Les familles se cherchent dans le
noir.Tousfuientverslacampagneenvironnante,
loin des murs branlants qui peuvent les ensevelir
à chaque instant.
«Noussortîmesentoutehâte»,racontaplus
tardunhabitantdeRognes,«poursuivispar
le bruit sinistre des murs qui s’effondraient.
Nous courions vers la campagne, loin du
village qui comme un immense château
de cartes s’affaissait graduellement. Nous
courrions épouvantés, craignant à tout
instant de voir la terre s’ouvrir devant
nous et d’être engloutis. De temps en temps
accouraient des hommes en chemise, un
falot à la main, qui demandaient : Vous
n’avez pas vu ma femme ? N’avez-vous pas
vu mes enfants ? »
Puis, peu à peu les habitants reprennent
leurs esprits. On commence à sortir les blessés
qui appellent à l’aide, enfouis sous les ruines.
Des gens de bonne volonté les transportent dans
les bâtiments qui tiennent encore à peu près.
On sort les bêtes des écuries, on commence
à monter des campements de fortune, dans
lesquels des bâches attachées aux troncs des
arbres et des jonchées de foin, permettent de
coucher les enfants. Entre les campements, on
allume des feux, autant pour se rassurer que
pour se réchauffer car un violent mistral s’est
levé et toute la nuit, les sinistrés grelottent.
Très vite dans cette région densément
peuplée, proche d’Aix-en-Provence et de
Marseille, les secours s’organisent. Dès le
lendemain, le préfet, l’armée, les secouristes,
la Croix Rouge sont sur place ainsi que les
journalistes.
Le journaliste qui a été envoyé par le
grand journal régional : « Le Petit Marseillais »
raconte à ses lecteurs ses premières impressions
« à chaud » sous un titre accrocheur :
« Tremblement de terre en Provence...
60 morts - 5 villages détruits »
« Si le tremblement de terre d'hier soir
n'a eu pour effet à Marseille que d'affoler
la population et notamment la colonie
italienne qui, en dépit d'une pluie serrée,
a campé sur les places, les avenues et
dans les rues les plus larges, il n'en est
malheureusement pas ainsi dans le
département où le chiffre des victimes
est déjà évalué à une soixantaine.
C'est une véritable catastrophe qui a
atteint Lambesc, Rognes, Saint-Cannat,
Pélissanne, La Roque-d'Antheron et
d’autres communes plus éloignées et sur
le sort desquelles les renseignements
sont encore imprécis à l'heure où je
vous adresse ce premier télégramme.
On compte, à Saint-Cannat, à l'heure
actuelle, dix morts, parmi lesquels le
correspondant du Petit Marseillais ; à
Lambesc, quinze ; vingt à Rognes, deux
à Pélissanne et partout les blessés sont
très nombreux. A Rognes, on apprend à
chaque instant que dans les campagnes
environnantes, des personnes ont été
ensevelies sous les décombres de leurs
habitations. Le village de Rognes est
presque complètement détruit. De tous
les villages on demande des secours, et
notamment du pain, car les boulangeries
ne peuvent plus travailler ».
XXIIe
Congrès National de Généalogie Marseille 2013
213
Nousallonsvoircommentlacatastrophe
s’est produite, village par village.
À 21 h 19, les habitants du village de
Lambescentendentune«formidabledétonation
» et sont violemment secoués. Une nouvelle
secousse renverse les cloisons, les meubles.
Les habitants sortent en hâte dans les rues et y
rencontrent des personnes affolées qui viennent
chercher du secours pour retirer des membres
de leurs familles ensevelis sous les décombres
de leurs maisons. On fait évacuer la population
sur le plateau de Berthoire, le mistral se lève et
la température baisse fortement, les survivants
allument des feux pour se réchauffer. Au jour,
les habitants constatent que leur village est en
ruines. Des maisons sont effondrées dans les
rues ; d’autres, qui semblent à peu près intactes,
sont dévastées intérieurement. Les rues sont
encombrées par les débris des murs qui s’y sont
abattus. Le quartier du Castellas est entièrement
ruiné. L’église est très ébranlée, la flèche du
clocher a été abattue. Comme le clocher
menaçait de tomber sur les survivants, le génie
dut l’abattre pour des raisons de sécurité.
« De Saint-Cannat il ne reste presque
plus rien, raconte un journaliste. La
plupart des maisons se sont effondrées, de
nombreux habitants sont ensevelis sous
les ruines de leurs maisons. La mairie est
en partie détruite, l’escalier principal s’est
effondré, l’église est tout aussi abîmée,
son clocher abattu, les murs des chapelles
latérales détruits, la toiture pleine de
trous. Toute la nuit la population a erré
en chemises dans les rues en pleurant et en
criant. Les sauvetages qui s’organisaient
se faisaient dans la nuit la plus complète
».
Au Puy-Sainte-Réparade, les dégâts
matériels sont considérables, surtout dans la
campagne, on compte deux morts et plusieurs
blessés. Les obsèques civiles des deux victimes,
ont donné lieu à une imposante manifestation.
Tous les libres penseurs de la région, l’églantine
rouge à la boutonnière, avaient tenu à
accompagner jusqu’à leur dernière demeure
les deux malheureuses femmes. Plus de vingt
maisons sont détruites. L'eau est devenue
boueuse dans les puits. Deux cent quatorze
familles sont sans abri.
C’est à Vernègues que les dégâts sont les
plus impressionnants. Quand on arrive au pied
du village, on peut dire : « Là était Vernègues
». Le vieux château était bâti sur un immense
rocher. Le rocher et le château se sont effondrés
sur les maisons qu’ils surplombaient. De l’église,
il ne reste que le chœur, si lézardé qu’il a fallu
l’abattre pour des raisons de sécurité. Presque
toutes les maisons sont détruites.
À Alleins, l’intérieur du château de La
Barben est dévasté et une tour s’est effondrée.
À Vauvenargues, l'église menace
de s'écrouler. Quelques maisons sont
entièrement détruites, la plupart des autres sont
profondément crevassées.
À Pélissanne, le séisme commença à 21
h 18 par un grondement sourd semblable à celui
que produiraient des centaines de tambours.
Puis deux secousses brutales se succèdent, et
la lumière s’éteint. Les habitants sortent en
hâte mais dans les rues, les corniches tombent.
Certains disent : « C’est la poudrerie de Saint
Chamas qui vient d’exploser, ou alors c’est le
volcan de Beaulieu ». Le jour vient, un quartier
214 XXIIe
Congrès National de Généalogie Marseille 2013
entier est en ruines, plus de vingt maisons sont
détruites, d’autres sont lézardées, les toitures
sont tombées, le clocher est découronné. On
compte quatre victimes. Comme le clocher
menace de s’écrouler à tout moment, les soldats
du génie doivent le faire sauter à l’explosif,
comme à Lambesc, par mesure de sécurité.
À La Roque-d’Anthéron, la mairie, le
moulin à huile, le quartier du Rocassier, sont
en partie détruits. L’intérieur du château est
dévasté. Cent dix familles sont sans abri.
ÀVenelles,lehautduvillageestrasédans
sa plus grande partie. L'église est complètement
détruite et le clocher a été abattu.
ÀRognes,lesravagessontconsidérables,
car le village est adossée au rocher du Foussa
que les secousses sismiques ont ébranlé
violemment, ainsi que les vieilles maisons
qui s’y trouvaient. Une partie du rocher s’est
détachée de la montagne. Dans toute la partie
haute du village, c’est-à-dire presque tout
Rognes, la totalité des maisons sont écroulées. Il
n’en reste aucune d’intacte. Si la partie haute de
Rognes n’est plus qu’un tas de ruines, la partie
basse a été relativement préservée, mais les
habitants hésitent à revenir dans leurs maisons,
car ils ont peur que de nouvelles secousses les
fassent tomber sur eux. L’hospice, où l’on a mis
les blessés, est dangereusement lézardé, l’école
est en partie détruite comme la chapelle des
pénitents. Dans les campagnes environnantes,
la chapelle Saint-Marc s’est écroulée. La bergerie
de La Javie est tombée sur le troupeau, cent
cinquante moutons sont morts. Deux cent
cinquante maisons sur les trois cent cinquante
du village sont touchées, les deux tiers des
constructions sont détruites.
À Salon, le château « de la Reine
Jeanne » s’est en partie
effondré.Lescréneaux
sont tombés sur les
maisons en contre-
bas. Il faut abattre
avec des explosifs 20
m des remparts du
château qui menacent
de s’effondrer sur les
maisons qui sont à
leur pied, ainsi que
la grosse tour du
pigeonnier qui menace dangereusement ruine.
La ville aussi a subi des dégâts considérables. Le
clocher de l’église Saint-Laurent a été fissuré du
haut en bas, il faudra le démonter entièrement
et le reconstruire. Une grande fissure part de
la rue du Quatre Septembre, traverse plusieurs
immeubles qui se sont ouverts par le milieu,
et se termine 200 m plus loin sous les écoles
communales qui ont dû être évacuées.
Éguilles, Mouriés, Mallemort, Peyrolles,
Jouques,Pertuis,Puyricard,touteslescommunes
du secteur ont été plus ou moins dévastées. La
partie la plus affectée est la Trévaresse, limitée
au nord par la Durance et au sud par le cours de
la Touloubre. C'est là que les effets destructeurs
du séisme ont atteint leur maximum. Dans
certains villages, comme à Vernègues, aucune
maison n'a résisté. Partout la panique a affolé
les habitants qui redoutaient le retour de ces
terribles secousses.
Dès l’aube, le maire de Lambesc,
Pierre MARTIN, télégraphie au préfet : « Un
tremblement de terre a tout démolie le pays.
Envoyez secours ».
Très peu de temps après la catastrophe,
des études sismologiques ont été menées pour
estimer l’intensité du séisme et les causes qui l’ont
provoqué. (Travaux du commandant SPIESS)
Les dégâts observés ont permis d’estimer
XXIIe
Congrès National de Généalogie Marseille 2013
215
l'intensité du séisme de 9 à 10 sur l'échelle MSK,
anciennement échelle de Mercalli (échelles
graduées de 1 à 12). Ce séisme fut suffisamment
important pour être enregistré par une
trentaine de stations sismologiques en France
et en Europe. Cela a permis de montrer qu'il
s'agissait d'un séisme superficiel. Le foyer était
à moins de 10 km de profondeur. Sa magnitude
moyenne, exprimée sur l’échelle de Richter, a
été estimée à 6,2. Pour comparer, rappelons
que le séisme de L'Aquila du 6 avril 2009 dans
les Abruzzes, qui fit deux cent quarante six
morts, avait une magnitude voisine de 6,3.
Mais l'analyse détaillée des dommages permet
d'estimer l'intensité du séisme à l’épicentre, qui
était situé entre Lambesc et Saint-Cannat, à une
magnitude de 8 ou 9.
L'abondance des témoignages recueillis
et des études sur place ont permis d'établir des
cartes iso-sismiques, c'est-à-dire des cartes sur
lesquelles sont représentées les zones touchées
avec la même intensité.
Partout la secousse a été accompagnée
de grondements sourds semblables à de forts
roulements de tonnerre. Ces bruits ont été
entendus fort loin, dans les Alpes-Maritimes,
l’Ardèche, l’Aveyron, l’Hérault, le Var…….
De plus, la secousse principale a parfois été
accompagnée de phénomènes lumineux. Des
témoins à Aix-en-Provence, Grans, Rognes,
Cucuron affirment avoir vu des lueurs qui
montaient du sol pour éclairer le ciel comme
des aurores boréales.
Le bilan était terrible ; le lendemain du
tremblement de terre, la Provence comptait 46
morts et plus de 2000 bâtiments détruits.
La zone touchée s’étendait d’ouest en est,
de Mouriès à Saint-Paul-lez-Durance, et
du nord au sud, de Cadenet au nord d’Aix-en-
Provence. La secousse fut faiblement ressentie
de Sète à Cannes et à Nice. À Marseille, Toulon,
Draguignan, Montpellier, les vitres tremblèrent
et des objets se déplacèrent.
Dans une zone plus centrale qui
englobait Apt et Brignoles, la secousse a fait
tinter les sonnettes et a déplacé les meubles.
Enfin dans les zones les plus proches de
l’épicentre, entre Lambesc, Aix-en-Provence,
Eyguières, Rognes, il y a eu destruction des
édifices, crevasses dans le sol, éboulement des
montagnes. Les sauveteurs ont constaté que les
victimes ont très souvent été des femmes et des
enfants, les hommes n’étaient pas encore rentrés
des champs ou s’occupaient des bêtes, ce qui les
a sauvés.
Dans les semaines suivantes, des
répliques, parfois violentes, surviennent, jetant
l'effroi parmi la population. Le 10 juillet, à
Meyrargues, du 12 au 16 juillet à Puyricard,
Arles, Lambesc, Marseille et Toulon.
La population de la région, sous le choc,
craignant la violence des répliques, passait ses
nuits à la belle étoile, sur des matelas étalés sur
les places ou dans les jardins publics, de peur
de voir s’effondrer les maisons. Ainsi, à Aix-en-
Provence, un témoin raconte que « la place des
Prêcheurs était pleine de gens qui dormaient sur
des matelas ».
Le 21 juin, beaucoup pensaient encore
que l’épicentre de la secousse était aux environs
du volcan de Beaulieu. Ce volcan est une
cheminée basaltique, qui ne se situe pas à
proximité du château, mais un peu au sud de
Beaulieu, sous la Trévaresse. Ensuite, on l’a
attribué à une faille Pélissanne-Rognes (qui
serait en réalité une faille Pélissanne-Lambesc).
La zone la plus touchée est limitée au
nord par la Durance, au sud par la mer, à l’est
par la limite du département du Var, sur une
ligne Saint-Paul-lez-Durance - La Ciotat. Cette
zone est constituée par la Trévaresse, les collines
de la Fare et de Lambesc qui forment la chaîne
des Côtes, et les contreforts occidentaux de la
Sainte-Victoire.
Dans les jours qui ont suivi le séisme,
des géologues ont été envoyés sur le terrain pour
inventorier les dommages dans la campagne, en
partant du Puy-Sainte-Réparade :
sur les basaltes, à 2 km au sud-est de
Beaulieu, la secousse a été très violente.
Ce n’est que l’absence d’agglomération
auxalentoursquialimitélesdégâts.Tout
y est disloqué par une violente secousse
latérale, murs et toitures effondrés,
meubles déplacés. Les sources ont taries.
216 XXIIe
Congrès National de Généalogie Marseille 2013
fermes alentours, bâtis au flanc de
la coulée basaltique, ont beaucoup
souffert. Autour de la crête basaltique,
les lieux de La Coste, La Milhaude,
Brest, le château de Tournefort sont très
touchés. Le château de Beaulieu a peu
ressenti la secousse, seul un hangar en
mauvais état s’est écroulé, les sources
ont doublé leur débit.
Sainte-Réparade à Aix-en-Provence et
sur la route de Rognes, de très nombreux
ponts sont endommagés, les véhicules
ne les empruntent qu’avec beaucoup de
précautions.ÀCostefrède,lebordnordde
la route estentaillé par de grandes fissures.
Après la secousse principale, on a
enregistré de nombreuses répliques, souvent
destructrices, accompagnées de détonations
et de grondements souterrains. Elles se sont
arrêtées à l’est d’une ligne La Roque-d’Anthéron,
Lambesc, La Fare. Cadenet et Lauris sont
épargnés tandis
que Pertuis et La
Tour d’Aigues ont
été touchés.
Au centre
du massif de la
chaîne des Côtes,
la chapelle Sainte-
Anne-de-Goiron
est en partie
écroulée. Le reste
du massif est
presque désert.
L’aide d’urgence
Dèslelendemainmatin,danscetterégiontrès
peuplée, les secours se sont organisés. Une
multitude de télégrammes officiels arrivaient à
la préfecture et à la sous-préfecture d’Aix, autant
pour informer les autorités que pour demander
du secours, de plus en plus précis au fil des
heures. Le préfet des Bouches-du-Rhône décida
de se rendre dans les communes sinistrées pour
présider à l'organisation des secours.
On envoie des troupes, du matériel
de campement. Deux mille kilos de pain sont
répartis immédiatement, suivant les besoins.
Les tentes et civières suivent en urgence, en
même temps que des effectifs d'infanterie et des
secouristes. Un bataillon du 7e génie d’Avignon
ainsiquelespompiersdeMarseillearriventpour
activer les travaux de déblaiement. Les soldats
aident à déblayer les rues que les décombres
amoncelés rendent impraticables. Ils dégagent
les maisons, montent des tentes et font sauter
les ruines les plus menaçantes.
Les sapeurs d’Avignon étaient chargés de
faire tomber les parties d’édifices qui risquaient
de s’écrouler et d’entraîner de nouvelles blessures :
façades, cheminées, corniches, clochers.
Les secours privés s’organisent dès
l’annonce du sinistre. Des comités charitables
d’aide aux sinistrés sont créés à l’initiative de
la presse, d’œuvres caritatives, de particuliers.
Le journal « Le Petit Marseillais » lance une
souscription qui récolte en quelques semaines
plus de 200.000 francs or, destinés à construire
des logements provisoires pour quarante cinq
familles.
A u t o u r
de nombreux
villages dont les
maisons ont été
abandonnées, on
monte à la hâte
des campements
improvisés pour
les habitants,
avec des tentes
et bâches. La
Compagnie P.L.M.
a autorisé de
nombreux sinistrés à chercher un abri dans des
wagons de marchandises. À la gare de Saint-
Cannat, sur une voie de garage, plusieurs wagons
servent d’abri à des familles dont les membres
couchent sur la paille. Ils font leur popote sur le
quai.
Après le désastre, il fallait reconstruire.
La reprise fut rapide, les habitants se remirent à
l’œuvre, il fallait rentrer les moissons, soigner les
bêtes, et les articles de journaux louent le courage
et l’esprit d’entreprise des habitants sinistrés.
« Le découragement qui a suivi la
XXIIe
Congrès National de Généalogie Marseille 2013
217
catastrophenefutpasdelonguedurée.Un
moment surprise par le choc redoutable,
la ville de Salon s’est ressaisie; le travail
a repris dans les maisons branlantes,
l'activité commerciale a persisté à
travers les rues détruites. Les paysans ont
bientôt quitté les campements improvisés
pour regagner les champs, les ouvriers
retournent vers leurs ateliers à moitié
détruits; aux étrangers charitables qui
accourent à Saint-Cannat et à Rognes le
lendemain de la catastrophe, les habitants
demandent avec plus d'insistance que
du pain, des outils pour continuer leurs
travaux interrompus ».
Le 15 juin 1909, la mission officielle
d’évaluation des dégâts aux habitations et aux
édifices publics les évalue à 15 millions et demi
de francs or de 1909. Dès leur publication ces
chiffres ont suscité de nombreuses protestations,
carilsemblequelesdommagesaientétéexagérés
dans les communes les moins touchées et
minimisés par globalisation dans les communes
les plus détruites. En réalité l’évaluation des
dégâts, estimés en fonction du coût des travaux
de reconstruction, serait plus proche de 30
à 45 millions
de francs or. La
reconstruction
va être effectuée
en grande partie
par des soldats-
maçons et par
des ouvriers
étrangers. L’état a
aidé les sinistrés
par des prêts du
Crédit Foncier à
3,85 % sur 45 ans,
partiellement pris
en charge par l’état.
On enregistra
aussi de nombreux dons, aussi bien d’hommes
politiques que de donneurs anonymes, et au
fur et à mesure des travaux de reconstruction,
la vente des baraquements provisoires vint
compléter l’aide aux sinistrés.
Les causes du séisme
La Méditerranée est située sur une ligne de
fracture de l’écorce terrestre, qui sépare la
plaque africaine au sud et la plaque eurasiatique
au nord. La sismicité et le volcanisme sont dus
à des mouvements tectoniques actuels, c’est-
à-dire mouvements dus au déplacement des
plaques. Le sud-est de la France est traversé par
plusieurs failles actives principales, d’orientation
nord-sud et par un réseau de nombreuses failles
secondaires.
Le Val de Durance est une des régions de
France les plus exposées à l’aléa sismique ; il a été
particulièrement étudié depuis la mise en place
du projet ITER à Cadarache. Dans le couloir
sismique de la moyenne Durance, les épicentres
des anciens séismes sont régulièrement alignés :
séismes de Manosque en 1509, 1708 ; séismes de
Beaumont et de Volx en 1812, 1835, 1852, 1858,
1897, 1913, 1938, etc., et ce ne sont que les plus
importants.
Pourquoi tous ces séismes dans la France
du Sud- Est ?
Les responsables immédiats sont la
faille de la moyenne Durance et la faille de la
Trévaresse. La région du Sud-Est de la France
subit, en raison
du mouvement
des plaques
c o nt i n e nt a l e s ,
une déformation
avec un
raccourcissement
Nord-Sud et une
élongation Est-
Ouest. La faille
de la moyenne
Durance est une
faille active, elle
est visible à la clue
de Mirabeau. Au
quaternaire, la rive
sud de la Durance
s’est surélevée par rapport à sa rive nord, ce qui
a entraîné un changement de cours du fleuve.
Autrefois, la Durance se jetait directement dans
la mer en passant par le seuil de Lamanon. Ce
seuil s’étant exhaussé, la Durance a changé de
cours, elle est devenue un affluent du Rhône.
Le changement de cours de la Durance
peut être attribué à l’activité de la faille de la
218 XXIIe
Congrès National de Généalogie Marseille 2013
Trévaresse,peuétudiéejusqu’àcettecatastrophe.
La faille de la moyenne Durance, quant à elle,
s’est manifestée de manière récurrente depuis
des millénaires de façon violente, elle est assez
bien connue.
Si le tremblement de terre de 1509 n’a
pratiquement pas laissé de traces écrites, au
point que certains contestent son existence,
les séismes de 1708 et 1710 dans la région de
Manosque sont bien documentés. Il en existe au
moins 11 récits.
Le bilan
Après la catastrophe, le vieux village de
Vernègues a été abandonné. Il a été
reconstruit plus bas, avec une partie des
matériaux des anciennes maisons. Seul le temple
romain a vu passer le séisme sans dommage.
À Salon, le quartier sous le château, qui a
énormément souffert, a été peu à peu démoli.
On y a aménagé une grande place, et aujourd’hui
des immeubles modernes s’y élèvent.
À Venelles comme à Vernègues, le quartier
haut a été abandonné. À Saint-Cannat, l’église
détruite pendant le séisme, a été reconstruite à
l’identique.
À Lambesc, les deux quartiers les plus
éprouvés ont été rasés et remplacés par des
places publiques.
À Rognes, le quartier haut du village, le
quartierSaint-Marti,aétéàpeuprèsabandonné.
Dès le lendemain du séisme, on a commencé à
construire un nouveau quartier à l’est du village,
sur les anciens potagers.
Dans tous les villages, on peut voir de
nombreuses traces de consolidations sur les
bâtiments : clés, ancres et tirants en façades.
En 1997, le bureau de recherches
géologiques minières a évalué les dégâts
que pourrait causer un nouveau séisme de
même ampleur dans cette région. Si le séisme
avait eu lieu en 1982, en tenant compte
du développement de l’urbanisation et de
l’augmentation de la population, il y aurait
pu y avoir entre 400 à 970 morts, de 1 850 à
5 650 blessés, 450 bâtiments détruits, 21 850
endommagés sur 25 420 bâtiments.
XXIIe
Congrès National de Généalogie Marseille 2013
219
En conclusion, nous pouvons estimer que
la Provence est sans doute une zone de
sismicitémoyenne,trèsvariablesuivantleslieux.
L’histoire des tremblements de terre régionaux
indique déjà les secteurs les plus sensibles.
Aujourd’hui, chaque commune possède un
diagnostic de sismicité, et quand le risque
apparaît comme non négligeable, les bâtiments
sont soumis à des règles de construction anti-
sismiques. Mais évidemment, le risque zéro
n’existe pas !!! ………….
Bibliographie
N. - Bulletin de la Société de géographie et
d’études coloniales de Marseille, tome 33, 1909,
pp 181 et suite « Compte rendu de l’exploration
sur le terrain » faite dans les jours qui ont suivi
le séisme.
SPIESS N- Note sur le tremblement de terre de
Provencedu11juin1909,parM.lecommandant
Spiess, membre de la Société Géologique de
France).
LAMBERT J. - Travaux de Jérôme Lambert,
ingénieur au BRGM.
Lambesc.
N. - Le petit Journal, dimanche 27 juin 1909.
N., 1994 - Rapports de l’Office parlementaire
d’évaluation des choix scientifiques et
technologiques, Paris, 1er juin 1994.
REPELIN J. et LAURENT L.- Le tremblement
de terre de Provence, 11 juin 1909.
220 XXIIe
Congrès National de Généalogie Marseille 2013

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  • 1. XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013 211 Le tremblement de terre de Rognes – Lambesc, le 9 Juin 1909 par Anne de Montgrand - Vallon Il y a 104 ans, le 11 juin 1909, la terre a tremblé en Provence. Pas un de ces tremblements de terre minuscules qui se contentent de faire trembler les bibelots. Non, un vrai, un terrible, un terrifiant tremblement de terre. Rognes, Lambesc, Salon, Vernègues, au total une trentaine de communes ont été fortement touchées, immeubles détruits ou rendus dangereux et inhabitables, changements du régime des sources, et surtout de nombreux morts et blessés. Le séisme fut ressenti sur une large zone qui s’étendait des Pyrénées aux Alpes. Il a été catalogué comme d’intensité 6,2 sur l’échelle de Richter. Relativement peu profond (entre 5 et 10 km), il provoqua dans une zone assez délimitée de la Provence des dommages très importants. Que s’était –il passé ? Nous possédons un grand nombre de témoignages et de photographies qui permettent de reconstituer le drame. Depuis quelques années, des mouvements du sol, des grondements souterrains inquiétaient les habitants de la région. En novembre 1906, une violente secousse, ressentie de Mirabeau à Saint-Paul- lez-Durance, sème la panique chez les habitants. Un an plus tard, en novembre 1907, les habitants d’Eyguières s’inquiètent d’inexplicables détonations souterraines. En janvier 1907 à 20 h, Mirabeau, Beaumont-de-Pertuis, Saint-Paul-lez-Durance et le Puy-Sainte-Réparade sentent une secousse, qui heureusement n’a pas de conséquence. Le 25 mars 1909, nouvelle secousse au Puy-Sainte-Réparade. Trois jours plus tard, des grondements résonnent dans le sous-sol, enfin deux jours avant le séisme, toujours au Puy- Sainte-Réparade et à Saint-Cannat des bruits très forts « comme des charrois de barriques » disent certains, sortent de sous la terre. Le 11 juin 1909 En Provence, en particulier dans la région de Lambesc - Salon, lamétéodecedébutdumois de juin était exceptionnelle, avec des orages précoces accompagnés d’un temps lourd, étouffant. La journée avait été brûlante, sans un souffle de vent. Depuis quelques jours, le sol était animé de petites secousses, on entendait de lointains grondements souterrains. Toute la journée du 11 juin, les animaux avaient eu des comportements inhabituels, les oiseaux volaient bas en poussant des cris, les animaux terrestres fuyaient leurs terriers et leurs niches, ceux qui étaient enfermés ou attachés tournaient en rond et cherchaient à fuir, les chevaux piaffaient à l’écurie, les chiens hurlaient à la mort. Le soir vint. À 21h 15, les hommes rentraient des champs, les jeunes enfants
  • 2. 212 XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013 étaient déjà au lit, des familles finissaient de souper, beaucoup d’habitants se promenaient sur la route comme c’est la coutume les soirs d’été. C’est alors qu’un grondement sourd sort des profondeurs de la terre. Il se prolonge, il augmente, il assourdit et dans un fracas épouvantable, le sol tremble et s’affaisse. Les meublent se déplacent tout seuls en grinçant, la vaisselle tombe à terre et se casse, les murs s’écroulent dans des nuages de poussière. Dans la campagne, les arbres sont secoués comme quand des enfants veulent en faire tomber les fruits. Les blés s’agitent ; les épis, en se heurtant font un bruit qui n'est ni celui du vent, ni celui de la faux. Le bruit qui sort du sol est aussi fort que celui d’un bombardement. Les parents affolés arrachent les enfants en pleurs de leurs lits et se précipitent à l’extérieur pour se trouver sur un sol mouvant ; on entend de toutes parts des hurlements de peur et de douleur. Dans les villages, tous ceux qui l’ont pu, ont gagné la rue, à travers les amoncellements de gravats et les meubles cassés. On se déplace dans le noir, car les secousses ont cassé les fils électriques, détruit les lampadaires et les habitants ont éteint les feux de peur des incendies. Dehors, les gens tremblent et pleurent, on entend des cris, des gémissements. Les familles se cherchent dans le noir.Tousfuientverslacampagneenvironnante, loin des murs branlants qui peuvent les ensevelir à chaque instant. «Noussortîmesentoutehâte»,racontaplus tardunhabitantdeRognes,«poursuivispar le bruit sinistre des murs qui s’effondraient. Nous courions vers la campagne, loin du village qui comme un immense château de cartes s’affaissait graduellement. Nous courrions épouvantés, craignant à tout instant de voir la terre s’ouvrir devant nous et d’être engloutis. De temps en temps accouraient des hommes en chemise, un falot à la main, qui demandaient : Vous n’avez pas vu ma femme ? N’avez-vous pas vu mes enfants ? » Puis, peu à peu les habitants reprennent leurs esprits. On commence à sortir les blessés qui appellent à l’aide, enfouis sous les ruines. Des gens de bonne volonté les transportent dans les bâtiments qui tiennent encore à peu près. On sort les bêtes des écuries, on commence à monter des campements de fortune, dans lesquels des bâches attachées aux troncs des arbres et des jonchées de foin, permettent de coucher les enfants. Entre les campements, on allume des feux, autant pour se rassurer que pour se réchauffer car un violent mistral s’est levé et toute la nuit, les sinistrés grelottent. Très vite dans cette région densément peuplée, proche d’Aix-en-Provence et de Marseille, les secours s’organisent. Dès le lendemain, le préfet, l’armée, les secouristes, la Croix Rouge sont sur place ainsi que les journalistes. Le journaliste qui a été envoyé par le grand journal régional : « Le Petit Marseillais » raconte à ses lecteurs ses premières impressions « à chaud » sous un titre accrocheur : « Tremblement de terre en Provence... 60 morts - 5 villages détruits » « Si le tremblement de terre d'hier soir n'a eu pour effet à Marseille que d'affoler la population et notamment la colonie italienne qui, en dépit d'une pluie serrée, a campé sur les places, les avenues et dans les rues les plus larges, il n'en est malheureusement pas ainsi dans le département où le chiffre des victimes est déjà évalué à une soixantaine. C'est une véritable catastrophe qui a atteint Lambesc, Rognes, Saint-Cannat, Pélissanne, La Roque-d'Antheron et d’autres communes plus éloignées et sur le sort desquelles les renseignements sont encore imprécis à l'heure où je vous adresse ce premier télégramme. On compte, à Saint-Cannat, à l'heure actuelle, dix morts, parmi lesquels le correspondant du Petit Marseillais ; à Lambesc, quinze ; vingt à Rognes, deux à Pélissanne et partout les blessés sont très nombreux. A Rognes, on apprend à chaque instant que dans les campagnes environnantes, des personnes ont été ensevelies sous les décombres de leurs habitations. Le village de Rognes est presque complètement détruit. De tous les villages on demande des secours, et notamment du pain, car les boulangeries ne peuvent plus travailler ».
  • 3. XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013 213 Nousallonsvoircommentlacatastrophe s’est produite, village par village. À 21 h 19, les habitants du village de Lambescentendentune«formidabledétonation » et sont violemment secoués. Une nouvelle secousse renverse les cloisons, les meubles. Les habitants sortent en hâte dans les rues et y rencontrent des personnes affolées qui viennent chercher du secours pour retirer des membres de leurs familles ensevelis sous les décombres de leurs maisons. On fait évacuer la population sur le plateau de Berthoire, le mistral se lève et la température baisse fortement, les survivants allument des feux pour se réchauffer. Au jour, les habitants constatent que leur village est en ruines. Des maisons sont effondrées dans les rues ; d’autres, qui semblent à peu près intactes, sont dévastées intérieurement. Les rues sont encombrées par les débris des murs qui s’y sont abattus. Le quartier du Castellas est entièrement ruiné. L’église est très ébranlée, la flèche du clocher a été abattue. Comme le clocher menaçait de tomber sur les survivants, le génie dut l’abattre pour des raisons de sécurité. « De Saint-Cannat il ne reste presque plus rien, raconte un journaliste. La plupart des maisons se sont effondrées, de nombreux habitants sont ensevelis sous les ruines de leurs maisons. La mairie est en partie détruite, l’escalier principal s’est effondré, l’église est tout aussi abîmée, son clocher abattu, les murs des chapelles latérales détruits, la toiture pleine de trous. Toute la nuit la population a erré en chemises dans les rues en pleurant et en criant. Les sauvetages qui s’organisaient se faisaient dans la nuit la plus complète ». Au Puy-Sainte-Réparade, les dégâts matériels sont considérables, surtout dans la campagne, on compte deux morts et plusieurs blessés. Les obsèques civiles des deux victimes, ont donné lieu à une imposante manifestation. Tous les libres penseurs de la région, l’églantine rouge à la boutonnière, avaient tenu à accompagner jusqu’à leur dernière demeure les deux malheureuses femmes. Plus de vingt maisons sont détruites. L'eau est devenue boueuse dans les puits. Deux cent quatorze familles sont sans abri. C’est à Vernègues que les dégâts sont les plus impressionnants. Quand on arrive au pied du village, on peut dire : « Là était Vernègues ». Le vieux château était bâti sur un immense rocher. Le rocher et le château se sont effondrés sur les maisons qu’ils surplombaient. De l’église, il ne reste que le chœur, si lézardé qu’il a fallu l’abattre pour des raisons de sécurité. Presque toutes les maisons sont détruites. À Alleins, l’intérieur du château de La Barben est dévasté et une tour s’est effondrée. À Vauvenargues, l'église menace de s'écrouler. Quelques maisons sont entièrement détruites, la plupart des autres sont profondément crevassées. À Pélissanne, le séisme commença à 21 h 18 par un grondement sourd semblable à celui que produiraient des centaines de tambours. Puis deux secousses brutales se succèdent, et la lumière s’éteint. Les habitants sortent en hâte mais dans les rues, les corniches tombent. Certains disent : « C’est la poudrerie de Saint Chamas qui vient d’exploser, ou alors c’est le volcan de Beaulieu ». Le jour vient, un quartier
  • 4. 214 XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013 entier est en ruines, plus de vingt maisons sont détruites, d’autres sont lézardées, les toitures sont tombées, le clocher est découronné. On compte quatre victimes. Comme le clocher menace de s’écrouler à tout moment, les soldats du génie doivent le faire sauter à l’explosif, comme à Lambesc, par mesure de sécurité. À La Roque-d’Anthéron, la mairie, le moulin à huile, le quartier du Rocassier, sont en partie détruits. L’intérieur du château est dévasté. Cent dix familles sont sans abri. ÀVenelles,lehautduvillageestrasédans sa plus grande partie. L'église est complètement détruite et le clocher a été abattu. ÀRognes,lesravagessontconsidérables, car le village est adossée au rocher du Foussa que les secousses sismiques ont ébranlé violemment, ainsi que les vieilles maisons qui s’y trouvaient. Une partie du rocher s’est détachée de la montagne. Dans toute la partie haute du village, c’est-à-dire presque tout Rognes, la totalité des maisons sont écroulées. Il n’en reste aucune d’intacte. Si la partie haute de Rognes n’est plus qu’un tas de ruines, la partie basse a été relativement préservée, mais les habitants hésitent à revenir dans leurs maisons, car ils ont peur que de nouvelles secousses les fassent tomber sur eux. L’hospice, où l’on a mis les blessés, est dangereusement lézardé, l’école est en partie détruite comme la chapelle des pénitents. Dans les campagnes environnantes, la chapelle Saint-Marc s’est écroulée. La bergerie de La Javie est tombée sur le troupeau, cent cinquante moutons sont morts. Deux cent cinquante maisons sur les trois cent cinquante du village sont touchées, les deux tiers des constructions sont détruites. À Salon, le château « de la Reine Jeanne » s’est en partie effondré.Lescréneaux sont tombés sur les maisons en contre- bas. Il faut abattre avec des explosifs 20 m des remparts du château qui menacent de s’effondrer sur les maisons qui sont à leur pied, ainsi que la grosse tour du pigeonnier qui menace dangereusement ruine. La ville aussi a subi des dégâts considérables. Le clocher de l’église Saint-Laurent a été fissuré du haut en bas, il faudra le démonter entièrement et le reconstruire. Une grande fissure part de la rue du Quatre Septembre, traverse plusieurs immeubles qui se sont ouverts par le milieu, et se termine 200 m plus loin sous les écoles communales qui ont dû être évacuées. Éguilles, Mouriés, Mallemort, Peyrolles, Jouques,Pertuis,Puyricard,touteslescommunes du secteur ont été plus ou moins dévastées. La partie la plus affectée est la Trévaresse, limitée au nord par la Durance et au sud par le cours de la Touloubre. C'est là que les effets destructeurs du séisme ont atteint leur maximum. Dans certains villages, comme à Vernègues, aucune maison n'a résisté. Partout la panique a affolé les habitants qui redoutaient le retour de ces terribles secousses. Dès l’aube, le maire de Lambesc, Pierre MARTIN, télégraphie au préfet : « Un tremblement de terre a tout démolie le pays. Envoyez secours ». Très peu de temps après la catastrophe, des études sismologiques ont été menées pour estimer l’intensité du séisme et les causes qui l’ont provoqué. (Travaux du commandant SPIESS) Les dégâts observés ont permis d’estimer
  • 5. XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013 215 l'intensité du séisme de 9 à 10 sur l'échelle MSK, anciennement échelle de Mercalli (échelles graduées de 1 à 12). Ce séisme fut suffisamment important pour être enregistré par une trentaine de stations sismologiques en France et en Europe. Cela a permis de montrer qu'il s'agissait d'un séisme superficiel. Le foyer était à moins de 10 km de profondeur. Sa magnitude moyenne, exprimée sur l’échelle de Richter, a été estimée à 6,2. Pour comparer, rappelons que le séisme de L'Aquila du 6 avril 2009 dans les Abruzzes, qui fit deux cent quarante six morts, avait une magnitude voisine de 6,3. Mais l'analyse détaillée des dommages permet d'estimer l'intensité du séisme à l’épicentre, qui était situé entre Lambesc et Saint-Cannat, à une magnitude de 8 ou 9. L'abondance des témoignages recueillis et des études sur place ont permis d'établir des cartes iso-sismiques, c'est-à-dire des cartes sur lesquelles sont représentées les zones touchées avec la même intensité. Partout la secousse a été accompagnée de grondements sourds semblables à de forts roulements de tonnerre. Ces bruits ont été entendus fort loin, dans les Alpes-Maritimes, l’Ardèche, l’Aveyron, l’Hérault, le Var……. De plus, la secousse principale a parfois été accompagnée de phénomènes lumineux. Des témoins à Aix-en-Provence, Grans, Rognes, Cucuron affirment avoir vu des lueurs qui montaient du sol pour éclairer le ciel comme des aurores boréales. Le bilan était terrible ; le lendemain du tremblement de terre, la Provence comptait 46 morts et plus de 2000 bâtiments détruits. La zone touchée s’étendait d’ouest en est, de Mouriès à Saint-Paul-lez-Durance, et du nord au sud, de Cadenet au nord d’Aix-en- Provence. La secousse fut faiblement ressentie de Sète à Cannes et à Nice. À Marseille, Toulon, Draguignan, Montpellier, les vitres tremblèrent et des objets se déplacèrent. Dans une zone plus centrale qui englobait Apt et Brignoles, la secousse a fait tinter les sonnettes et a déplacé les meubles. Enfin dans les zones les plus proches de l’épicentre, entre Lambesc, Aix-en-Provence, Eyguières, Rognes, il y a eu destruction des édifices, crevasses dans le sol, éboulement des montagnes. Les sauveteurs ont constaté que les victimes ont très souvent été des femmes et des enfants, les hommes n’étaient pas encore rentrés des champs ou s’occupaient des bêtes, ce qui les a sauvés. Dans les semaines suivantes, des répliques, parfois violentes, surviennent, jetant l'effroi parmi la population. Le 10 juillet, à Meyrargues, du 12 au 16 juillet à Puyricard, Arles, Lambesc, Marseille et Toulon. La population de la région, sous le choc, craignant la violence des répliques, passait ses nuits à la belle étoile, sur des matelas étalés sur les places ou dans les jardins publics, de peur de voir s’effondrer les maisons. Ainsi, à Aix-en- Provence, un témoin raconte que « la place des Prêcheurs était pleine de gens qui dormaient sur des matelas ». Le 21 juin, beaucoup pensaient encore que l’épicentre de la secousse était aux environs du volcan de Beaulieu. Ce volcan est une cheminée basaltique, qui ne se situe pas à proximité du château, mais un peu au sud de Beaulieu, sous la Trévaresse. Ensuite, on l’a attribué à une faille Pélissanne-Rognes (qui serait en réalité une faille Pélissanne-Lambesc). La zone la plus touchée est limitée au nord par la Durance, au sud par la mer, à l’est par la limite du département du Var, sur une ligne Saint-Paul-lez-Durance - La Ciotat. Cette zone est constituée par la Trévaresse, les collines de la Fare et de Lambesc qui forment la chaîne des Côtes, et les contreforts occidentaux de la Sainte-Victoire. Dans les jours qui ont suivi le séisme, des géologues ont été envoyés sur le terrain pour inventorier les dommages dans la campagne, en partant du Puy-Sainte-Réparade : sur les basaltes, à 2 km au sud-est de Beaulieu, la secousse a été très violente. Ce n’est que l’absence d’agglomération auxalentoursquialimitélesdégâts.Tout y est disloqué par une violente secousse latérale, murs et toitures effondrés, meubles déplacés. Les sources ont taries.
  • 6. 216 XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013 fermes alentours, bâtis au flanc de la coulée basaltique, ont beaucoup souffert. Autour de la crête basaltique, les lieux de La Coste, La Milhaude, Brest, le château de Tournefort sont très touchés. Le château de Beaulieu a peu ressenti la secousse, seul un hangar en mauvais état s’est écroulé, les sources ont doublé leur débit. Sainte-Réparade à Aix-en-Provence et sur la route de Rognes, de très nombreux ponts sont endommagés, les véhicules ne les empruntent qu’avec beaucoup de précautions.ÀCostefrède,lebordnordde la route estentaillé par de grandes fissures. Après la secousse principale, on a enregistré de nombreuses répliques, souvent destructrices, accompagnées de détonations et de grondements souterrains. Elles se sont arrêtées à l’est d’une ligne La Roque-d’Anthéron, Lambesc, La Fare. Cadenet et Lauris sont épargnés tandis que Pertuis et La Tour d’Aigues ont été touchés. Au centre du massif de la chaîne des Côtes, la chapelle Sainte- Anne-de-Goiron est en partie écroulée. Le reste du massif est presque désert. L’aide d’urgence Dèslelendemainmatin,danscetterégiontrès peuplée, les secours se sont organisés. Une multitude de télégrammes officiels arrivaient à la préfecture et à la sous-préfecture d’Aix, autant pour informer les autorités que pour demander du secours, de plus en plus précis au fil des heures. Le préfet des Bouches-du-Rhône décida de se rendre dans les communes sinistrées pour présider à l'organisation des secours. On envoie des troupes, du matériel de campement. Deux mille kilos de pain sont répartis immédiatement, suivant les besoins. Les tentes et civières suivent en urgence, en même temps que des effectifs d'infanterie et des secouristes. Un bataillon du 7e génie d’Avignon ainsiquelespompiersdeMarseillearriventpour activer les travaux de déblaiement. Les soldats aident à déblayer les rues que les décombres amoncelés rendent impraticables. Ils dégagent les maisons, montent des tentes et font sauter les ruines les plus menaçantes. Les sapeurs d’Avignon étaient chargés de faire tomber les parties d’édifices qui risquaient de s’écrouler et d’entraîner de nouvelles blessures : façades, cheminées, corniches, clochers. Les secours privés s’organisent dès l’annonce du sinistre. Des comités charitables d’aide aux sinistrés sont créés à l’initiative de la presse, d’œuvres caritatives, de particuliers. Le journal « Le Petit Marseillais » lance une souscription qui récolte en quelques semaines plus de 200.000 francs or, destinés à construire des logements provisoires pour quarante cinq familles. A u t o u r de nombreux villages dont les maisons ont été abandonnées, on monte à la hâte des campements improvisés pour les habitants, avec des tentes et bâches. La Compagnie P.L.M. a autorisé de nombreux sinistrés à chercher un abri dans des wagons de marchandises. À la gare de Saint- Cannat, sur une voie de garage, plusieurs wagons servent d’abri à des familles dont les membres couchent sur la paille. Ils font leur popote sur le quai. Après le désastre, il fallait reconstruire. La reprise fut rapide, les habitants se remirent à l’œuvre, il fallait rentrer les moissons, soigner les bêtes, et les articles de journaux louent le courage et l’esprit d’entreprise des habitants sinistrés. « Le découragement qui a suivi la
  • 7. XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013 217 catastrophenefutpasdelonguedurée.Un moment surprise par le choc redoutable, la ville de Salon s’est ressaisie; le travail a repris dans les maisons branlantes, l'activité commerciale a persisté à travers les rues détruites. Les paysans ont bientôt quitté les campements improvisés pour regagner les champs, les ouvriers retournent vers leurs ateliers à moitié détruits; aux étrangers charitables qui accourent à Saint-Cannat et à Rognes le lendemain de la catastrophe, les habitants demandent avec plus d'insistance que du pain, des outils pour continuer leurs travaux interrompus ». Le 15 juin 1909, la mission officielle d’évaluation des dégâts aux habitations et aux édifices publics les évalue à 15 millions et demi de francs or de 1909. Dès leur publication ces chiffres ont suscité de nombreuses protestations, carilsemblequelesdommagesaientétéexagérés dans les communes les moins touchées et minimisés par globalisation dans les communes les plus détruites. En réalité l’évaluation des dégâts, estimés en fonction du coût des travaux de reconstruction, serait plus proche de 30 à 45 millions de francs or. La reconstruction va être effectuée en grande partie par des soldats- maçons et par des ouvriers étrangers. L’état a aidé les sinistrés par des prêts du Crédit Foncier à 3,85 % sur 45 ans, partiellement pris en charge par l’état. On enregistra aussi de nombreux dons, aussi bien d’hommes politiques que de donneurs anonymes, et au fur et à mesure des travaux de reconstruction, la vente des baraquements provisoires vint compléter l’aide aux sinistrés. Les causes du séisme La Méditerranée est située sur une ligne de fracture de l’écorce terrestre, qui sépare la plaque africaine au sud et la plaque eurasiatique au nord. La sismicité et le volcanisme sont dus à des mouvements tectoniques actuels, c’est- à-dire mouvements dus au déplacement des plaques. Le sud-est de la France est traversé par plusieurs failles actives principales, d’orientation nord-sud et par un réseau de nombreuses failles secondaires. Le Val de Durance est une des régions de France les plus exposées à l’aléa sismique ; il a été particulièrement étudié depuis la mise en place du projet ITER à Cadarache. Dans le couloir sismique de la moyenne Durance, les épicentres des anciens séismes sont régulièrement alignés : séismes de Manosque en 1509, 1708 ; séismes de Beaumont et de Volx en 1812, 1835, 1852, 1858, 1897, 1913, 1938, etc., et ce ne sont que les plus importants. Pourquoi tous ces séismes dans la France du Sud- Est ? Les responsables immédiats sont la faille de la moyenne Durance et la faille de la Trévaresse. La région du Sud-Est de la France subit, en raison du mouvement des plaques c o nt i n e nt a l e s , une déformation avec un raccourcissement Nord-Sud et une élongation Est- Ouest. La faille de la moyenne Durance est une faille active, elle est visible à la clue de Mirabeau. Au quaternaire, la rive sud de la Durance s’est surélevée par rapport à sa rive nord, ce qui a entraîné un changement de cours du fleuve. Autrefois, la Durance se jetait directement dans la mer en passant par le seuil de Lamanon. Ce seuil s’étant exhaussé, la Durance a changé de cours, elle est devenue un affluent du Rhône. Le changement de cours de la Durance peut être attribué à l’activité de la faille de la
  • 8. 218 XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013 Trévaresse,peuétudiéejusqu’àcettecatastrophe. La faille de la moyenne Durance, quant à elle, s’est manifestée de manière récurrente depuis des millénaires de façon violente, elle est assez bien connue. Si le tremblement de terre de 1509 n’a pratiquement pas laissé de traces écrites, au point que certains contestent son existence, les séismes de 1708 et 1710 dans la région de Manosque sont bien documentés. Il en existe au moins 11 récits. Le bilan Après la catastrophe, le vieux village de Vernègues a été abandonné. Il a été reconstruit plus bas, avec une partie des matériaux des anciennes maisons. Seul le temple romain a vu passer le séisme sans dommage. À Salon, le quartier sous le château, qui a énormément souffert, a été peu à peu démoli. On y a aménagé une grande place, et aujourd’hui des immeubles modernes s’y élèvent. À Venelles comme à Vernègues, le quartier haut a été abandonné. À Saint-Cannat, l’église détruite pendant le séisme, a été reconstruite à l’identique. À Lambesc, les deux quartiers les plus éprouvés ont été rasés et remplacés par des places publiques. À Rognes, le quartier haut du village, le quartierSaint-Marti,aétéàpeuprèsabandonné. Dès le lendemain du séisme, on a commencé à construire un nouveau quartier à l’est du village, sur les anciens potagers. Dans tous les villages, on peut voir de nombreuses traces de consolidations sur les bâtiments : clés, ancres et tirants en façades. En 1997, le bureau de recherches géologiques minières a évalué les dégâts que pourrait causer un nouveau séisme de même ampleur dans cette région. Si le séisme avait eu lieu en 1982, en tenant compte du développement de l’urbanisation et de l’augmentation de la population, il y aurait pu y avoir entre 400 à 970 morts, de 1 850 à 5 650 blessés, 450 bâtiments détruits, 21 850 endommagés sur 25 420 bâtiments.
  • 9. XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013 219 En conclusion, nous pouvons estimer que la Provence est sans doute une zone de sismicitémoyenne,trèsvariablesuivantleslieux. L’histoire des tremblements de terre régionaux indique déjà les secteurs les plus sensibles. Aujourd’hui, chaque commune possède un diagnostic de sismicité, et quand le risque apparaît comme non négligeable, les bâtiments sont soumis à des règles de construction anti- sismiques. Mais évidemment, le risque zéro n’existe pas !!! …………. Bibliographie N. - Bulletin de la Société de géographie et d’études coloniales de Marseille, tome 33, 1909, pp 181 et suite « Compte rendu de l’exploration sur le terrain » faite dans les jours qui ont suivi le séisme. SPIESS N- Note sur le tremblement de terre de Provencedu11juin1909,parM.lecommandant Spiess, membre de la Société Géologique de France). LAMBERT J. - Travaux de Jérôme Lambert, ingénieur au BRGM. Lambesc. N. - Le petit Journal, dimanche 27 juin 1909. N., 1994 - Rapports de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, Paris, 1er juin 1994. REPELIN J. et LAURENT L.- Le tremblement de terre de Provence, 11 juin 1909.
  • 10. 220 XXIIe Congrès National de Généalogie Marseille 2013