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Alexis CARREL [1873-1944]
Chirurgien et biologiste français
(1944)
“Un médecin parle
de la prière.”
Un document produit en version numérique
par Laurent Potvin, bénévole, frère mariste.
Courriel: laurent_potvin@uqac.ca . Page web.
Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales"
Une bibliothèque numérique fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay,
professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi
Site web: http://classiques.uqac.ca/
Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque
Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi
Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 2
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Jean-Marie Tremblay, sociologue
Fondateur et Président-directeur général,
LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 3
Cette édition électronique a été réalisée par Laurent Potvin, Courriel:
laurent_potvin@uqac.ca, à partir de :
Alexis Carrel
“Un médecin parle de la prière”.
Présentation de Laurent Potvin. Paris : Plon, 1944.
Source : http://456-bible.123-bible.com/livres1/carel_priere.htm
[Autorisation formelle accordée par le Frère Laurent Potvin le 24
décembre 2011 de diffuser sa présentation de ce texte d’Alexis Car-
rel dans Les Classiques des sciences sociales.]
Courriel : laurent_potvin@uqac.ca
Polices de caractères utilisée : Comic Sans, 12 points.
Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Micro-
soft Word 2008 pour Macintosh.
Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5’’ x 11’’.
Édition numérique réalisée le 24 décembre 2011 à Chicoutimi,
Ville de Saguenay, Québec.
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 4
Alexis Carrel
“Un médecin parle de la prière.”
Paris : Plon, Éditeur, 1944.
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 5
Table des matières
Présentation, Laurent Potvin, 24 décembre 2011.
Un médecin parle de la prière, 1944.
Introduction
Qu’est-ce que la prière?
Comment faut-il prier?
Quelles sont les diverses formes de la prière?
Où et quand prier?
Quels sont les effets de la prière?
Comment la prière agit-elle sur nous?
Quels sont les résultats de la prière?
Quelles sont la place et la puissance de la prière?
Pour nous résumer et conclure…
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 6
Alexis Carrel
1873-1944
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 7
Présentation
Par Laurent Potvin, frère mariste,
24 décembre 2011.
Retour à la table des matières
Alexis Carrel est un médecin et chirurgien français. Né le
28 juin 1873 à Ste-Foy, près de Lyon, il décède à Paris le 5
novembre 1944. Il a travaillé quelque temps à Lourdes com-
me expert au Bureau Médical qui contrôlait sur place les
guérisons des malades qui se disaient guéris dans ce lieu de
pèlerinage marial.
En consultant le Net, voici les données les plus utiles qui
permettent de présenter sommairement ce médecin.
Établi aux États-Unis, il travaille à l’Institut Rockefeller
de New-York sur la suture des vaisseaux sanguins et la
greffe des tissus et des organes, créant ainsi la chirurgie
vasculaire tout en étudiant également la survie des cellules
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 8
de tissus et des organes en dehors du corps. Ces travaux de
pointe et très importants dans le domaine de la médecine lui
valent, en 1912, le Prix Nobel de Médecine, une sorte de
consécration de l’importance des découvertes menées à bien
par ce récipiendaire. En 1915, il met au point la fameuse eau
Dakin qui, empêchant l’infection des blessures, sauve la vie
de plus d’un million de soldats durant la Première Guerre
Mondiale.
Alexis Carrel est également un pionnier de la transplanta-
tion d’organes et crée, avec Charles Lindbergh, la circulation
extracorporelle ouvrant la voie à la chirurgie thoracique et
à celle de l’aorte. N’oublions pas qu’en 1910, il avait déjà ré-
alisé le premier pontage cardiaque.
Il a publié deux ouvrages remarquables : L’homme, cet
inconnu (1935), un livre de portée universelle, et Réflexions
sur la conduite de la vie. En portant sur Google le titre de
ce dernier ouvrage, vous pourrez établir un lien qui vous
permettra de prendre connaissance de larges extraits choi-
sis propres à vous donner l’occasion d’apprécier le style et
la pensée de cet auteur qui, toute sa vie, plaida pour
l’eugénisme dans le respect des valeurs chrétiennes et pour
une politique nataliste.
En décembre 1940, il publiait, en anglais et dans le célè-
bre magazine américain Reader’s Digest, un article remarqué
sur le pouvoir de la prière. Au début de janvier 1944, il se
décida d’écrire un nouvel essai plus élaboré sur la prière, ce-
lui que je vous présente dans les pages suivantes. C’était là
son dernier ouvrage littéraire.
Les tirages à part de cet article dépassèrent rapidement
les 125 000 exemplaires ! Ce résultat démontre sans
contredit la valeur d’un tel exposé émanant d’un médecin de
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 9
cette qualité humaine et intellectuelle. Cet article fut ulté-
rieurement publié à la fin du texte des nouvelles rééditions
de son magistral ouvrage : L’homme, cet inconnu.
Laurent Potvin
24 décembre 2011.
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 10
Alexis Carrel
“Un médecin parle
de la prière”.
Paris : Plon Éditeur, 1944.
INTRODUCTION
Retour à la table des matières
À nous, hommes d’Occident, la raison semble très supé-
rieure à l’intuition. Nous préférons de beaucoup l’intelligence
aux sentiments. La science rayonne tandis que la religion
s’éteint. Nous suivons Descartes, et délaissons Pascal.
Aussi cherchons-nous d’abord à développer en nous
l’intelligence. Quant aux activités non intellectuelles de
l’esprit, telles que le sens moral, le sens du beau et surtout
le sens du sacré, elles sont négligées de façon presque com-
plète. L’atrophie de ces activités fondamentales fait de
l’homme moderne un être spirituellement aveugle. Une telle
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 11
infirmité ne lui permet pas d’être un bon élément constitutif
de la société. C’est à la mauvaise qualité de l’individu qu’il
faut attribuer l’effondrement de notre civilisation. En fait,
le spirituel se montre aussi indispensable à la réussite de la
vie que l’intellectuel et le matériel. Il est donc urgent de
ressusciter en nous-mêmes les activités mentales qui, beau-
coup plus que l’intelligence, donnent sa force à la personnali-
té. La plus ignorée d’entre elles est le sens du sacré, ou
sens religieux.
Le sens du sacré s’exprime surtout par la prière. La priè-
re, comme le sens du sacré, est, de toute évidence, un phé-
nomène spirituel. Or, le monde spirituel se trouve hors de
l’atteinte de nos techniques. Comment donc acquérir une
connaissance positive de la prière? Le domaine de la science
comprend heureusement la totalité de l’observable. Et il
peut, par l’intermédiaire du physiologique, s’étendre jus-
qu’aux manifestations du spirituel. C’est donc par
l’observation systématique de l’homme qui prie que nous ap-
prendrons en quoi consistent le phénomène de la prière, la
technique de sa production et ses effets.
Qu’est-ce que la prière?
La prière paraît être essentiellement une tension de l’esprit
vers le substratum immatériel du monde. En général, elle
consiste en une plainte, un cri d’angoisse, une demande de
secours. Parfois elle devient une contemplation sereine du
principe immanent et transcendant de toutes choses. On
peut la définir également comme une élévation de l’âme vers
Dieu. Comme un acte d’amour et d’adoration envers celui
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 12
d’où vient la merveille qu’est la vie. En fait, la prière repré-
sente l’effort invisible, créateur de tout ce qui existe, su-
prême sagesse, force et beauté, père et sauveur de chacun
de nous. Loin de consister en une simple récitation de for-
mules, la vraie prière représente un état mystique où la
conscience s’absorbe en Dieu. Cet état n’est pas de nature
intellectuelle. Aussi reste-t-il inaccessible autant
qu’incompréhensible aux philosophes et aux savants. De
même que le sens du beau et l’amour, il ne demande aucune
connaissance livresque. Les simples sentent Dieu aussi natu-
rellement que la chaleur du soleil ou le parfum d’une fleur.
Mais ce Dieu si abordable à celui qui sait aimer se cache à
celui qui ne sait que comprendre. La pensée et la parole font
défaut quand il s’agit de le décrire. C’est pourquoi la prière
trouve sa plus haute expression dans un essor de l’amour à
travers la nuit obscure de l’intelligence.
Comment faut-il prier?
Nous avons appris la technique de la prière des mystiques
chrétiens depuis saint Paul jusqu’à saint Benoît et à la foule
des apôtres anonymes qui, pendant vingt siècles, ont initié
les peuples d’Occident à la vie religieuse. Le dieu de Platon
était inaccessible dans sa grandeur. Celui d’Épictète se
confondait avec l’âme des choses. Jahvé inspirait plutôt la
terreur, et non l’amour. Le christianisme, au contraire, a
amené Dieu à portée de l’homme. Il lui a donné un visage. Il
en a fait notre père, notre frère, notre sauveur. Pour at-
teindre Dieu, il n’est plus besoin d’un cérémonial complexe,
de sacrifices sanglants. La prière est devenue facile, et sa
technique simple.
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 13
Pour prier, il faut seulement faire l’effort de se tendre
vers Dieu. Cet effort doit être affectif et non intellectuel.
Une méditation sur la grandeur de Dieu, par exemple, n’est
pas une prière, à moins d’être en même temps une expres-
sion d’amour et de foi. C’est ainsi que l’oraison suivant la mé-
thode de saint Jean-Baptiste de La Salle, part d’une consi-
dération intellectuelle pour devenir immédiatement affecti-
ve. Qu’elle soit courte ou longue, qu’elle soit vocale ou seu-
lement mentale, la prière est semblable à la conversation
d’un enfant avec son père. «On se présente comme on est»
disait un jour une petite Sœur de Charité qui depuis trente
ans brûle sa vie au service des pauvres. En somme, on prie,
de même qu’on aime, avec tout son être.
Quelles sont les diverses formes de la prière?
Quant à la forme de la prière, elle varie depuis la courte
aspiration vers Dieu jusqu’à la contemplation, depuis les sim-
ples mots prononcés par la paysanne devant le calvaire à la
croisée des chemins jusqu’à la magnificence du chant grégo-
rien sous les voûtes de la cathédrale. La solennité, la gran-
deur et la beauté ne sont pas nécessaires à l’efficacité de la
prière. Bien peu d’hommes ont su prier comme saint Jean de
la Croix, ou saint Bernard de Clairvaux. Mais il n’est pas be-
soin d’être éloquent pour être exaucé. Quand on juge de la
valeur de la prière par ses résultats, nos plus humbles mots
de supplication et de louange semblent aussi acceptables au
Maître de tous les êtres que les plus belles invocations. Des
formules récitées machinalement sont en quelque sorte une
prière. De même, la flamme d’un cierge. Il suffit pour cela
que ces formules inertes et cette flamme matérielle symbo-
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 14
lisent l’élan vers Dieu d’un être humain. On prie aussi par
l’action ; saint Louis de Gonzague disait que
l’accomplissement du devoir est équivalent à la prière. La
meilleure manière de communier avec Dieu est sans nul dou-
te d’accomplir intégralement sa volonté. «Notre Père, que
votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre
comme au ciel…» Et faire la volonté de Dieu consiste évi-
demment à obéir aux lois de la vie, telles qu’elles sont inscri-
tes dans nos tissus, notre sang et notre esprit.
Les prières qui s’élèvent comme une grande nuée de la
surface de la terre diffèrent les unes des autres autant que
diffère la personnalité de ceux qui prient. Mais elles consis-
tent en des variations sur deux thèmes : la détresse et
l’amour. Il est entièrement légitime d’implorer le secours de
Dieu pour obtenir ce dont nous avons besoin. Cependant, il
serait absurde de demander la gratification d’un caprice, ou
ce que notre effort doit nous procurer. La demande impor-
tune, obstinée, agressive réussit. Un aveugle assis sur le
bord du chemin hurlait ses supplications de plus en plus fort,
malgré les gens qui voulaient le faire taire. «Ta foi t’a gué-
ri» dit Jésus qui passait. Dans sa forme la plus élevée, la
prière cesse d’être une pétition. L’homme expose au Maître
de toutes choses qu’il l’aime, qu’il le remercie de ses dons,
qu’il est prêt à accomplir sa volonté quelle qu’elle soit. La
prière devient contemplation. Un vieux paysan était assis
seul dans le dernier banc de l’église vide. « Qu’attendez-
vous ? » lui demanda-t-on. « Je le regarde», répondit-il,
«et il me regarde. » La valeur d’une technique se mesure par
ses résultats. Toute technique de la prière est bonne quand
elle met homme au contact avec Dieu.
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 15
Où et quand prier?
On peut prier partout. Dans la rue, en automobile, en wagon,
au bureau, à l’école, à l’usine. Mais on prie mieux dans les
champs, les montagnes et les bois, ou dans la solitude de sa
chambre. Il y a aussi les prières liturgiques qui se font à
l’église. Mais, quel que soit le lieu de la prière, Dieu ne parle
à l’homme que si ce dernier établit le calme en lui-même. Le
calme intérieur dépend à la fois de notre état organique et
mental et du milieu dans lequel nous sommes plongés. La
paix, du corps et de l’esprit est difficile à obtenir dans la
confusion, le fracas et la dispersion de la cité moderne. Il y
a besoin aujourd’hui de lieux de prières, de préférence des
églises, où les habitants des villes puissent trouver, ne fût-
ce que pour un court moment, les conditions physiques et
psychologiques indispensables à leur tranquillité intérieure.
Il ne serait ni difficile ni coûteux de créer ainsi des îlots de
paix accueillants et beaux au milieu du tumulte de la cité.
Dans le silence de ces refuges, les hommes pourraient, en
élevant leur pensée vers Dieu, reposer leurs muscles et leurs
organes, détendre leur esprit, clarifier leur jugement, et
recevoir la force de supporter la dure vie dont les accable
notre civilisation.
C’est en devenant une habitude que la prière agit sur le
caractère. Il faut donc prier fréquemment. « Pense à Dieu
plus souvent que tu respires » disait Épictète. Il est absur-
de de prier le matin et de se conduire le reste de la journée
comme un barbare. De très courtes pensées ou invocations
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 16
mentales peuvent maintenir l’homme en présence de Dieu.
Toute la conduite est alors inspirée par la prière. Ainsi
comprise, la prière devient une manière de vivre.
Quels sont les effets de la prière?
La prière est toujours suivie d’un résultat si elle est faite
dans des conditions convenables. « Aucun homme n’a jamais
prié sans apprendre quelque chose » écrivit Ralph Emerson.
Néanmoins, la prière est considérée par les hommes moder-
nes comme une habitude désuète, une vaine superstition, un
reste de barbarie. En vérité, nous ignorons presque complè-
tement ses effets.
Quelles sont les causes de notre ignorance? D’abord, la
rareté de la prière. Le sens du sacré est en voie de dispari-
tion chez les civilisés. Il est probable que le nombre de
Français qui prient habituellement ne dépasse pas 4 ou 5%
de la population. Ensuite, la prière est souvent stérile. Car
la plupart de ceux qui prient sont des égoïstes, des men-
teurs, des orgueilleux, des pharisiens incapables de foi et
d’amour. Enfin ses effets, quand ils se produisent, très sou-
vent nous échappent. La réponse à nos demandes et à notre
amour est donnée habituellement de façon lente, insensible,
presque inaudible. La petite voix qui murmure cette réponse
au fond de nous est facilement étouffée par les bruits du
monde. Les résultats matériels de la prière eux aussi sont
obscurs. Ils se confondent généralement avec d’autres phé-
nomènes. Peu de gens, même parmi les prêtres, ont donc eu
l’occasion de les observer de façon précise. Et les médecins,
par manque d’intérêt, laissent souvent passer sans les étu-
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 17
dier les cas qui se trouvent à leur portée. En outre, les ob-
servateurs sont souvent déroutés par le fait que la réponse
est loin d’être toujours celle attendue. Par exemple, tel qui
demande d’être guéri d’une maladie organique reste malade,
mais subit une profonde et inexplicable transformation mo-
rale. Néanmoins, l’habitude de la prière, quoique exception-
nelle dans l’ensemble de la population, est relativement fré-
quente dans les groupes restés fidèles à la religion ances-
trale. C’est dans ces groupes qu’il est possible encore de nos
jours d’étudier son influence. Parmi ses innombrables ef-
fets, le médecin a surtout l’occasion d’observer ceux que l’on
appelle psychophysiologiques et curatifs.
Comment la prière agit-elle sur nous ?
La prière agit sur l’esprit et sur le corps d’une manière qui
semble dépendre de sa qualité, de son intensité et de sa
fréquence. Il est facile de connaître quelle est la fréquence
de la prière et, dans une certaine mesure, son intensité. Sa
qualité demeure inconnue, car nous n’avons pas le moyen de
mesurer la foi et la capacité d’amour d’autrui. Cependant, la
manière dont vit celui qui prie peut nous éclairer sur la quali-
té des invocations qu’il envoie à Dieu. Même quand la prière
est de faible valeur et consiste surtout en la récitation ma-
chinale de formules, elle exerce un effet sur le comporte-
ment. Elle fortifie à la fois le sens du sacré et le sens mo-
ral. Les milieux où l’on prie se caractérisent par une certai-
ne persistance du sentiment du devoir et de la responsabili-
té, par moins de jalousie et de méchanceté, par quelque bon-
té à l’égard des autres. Il paraît démontré que, à l’égalité
de développement intellectuel, le caractère et la valeur mo-
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 18
rale sont plus élevés chez les individus qui prient, même de
façon médiocre, que chez ceux qui ne prient pas.
Quand la prière est habituelle et vraiment fervente, son
influence devient très claire. Elle est un peu comparable à
celle d’une glande à sécrétion interne, telles que la glande
thyroïde ou la glande surrénale, par exemple. Elle consiste
en une sorte de transformation mentale et organique. Cette
transformation s’opère de façon progressive. On dirait que
dans la profondeur de la conscience une flamme s’allume.
L’homme se voit tel qu’il est. Il découvre son égoïsme, sa
cupidité, ses erreurs de jugement, son orgueil. Il se plie à
l’accomplissement du devoir moral. Il tente d’acquérir
l’humilité intellectuelle. Ainsi s’ouvre devant lui le royaume
de la Grâce…Peu à peu il se produit un apaisement intérieur,
une harmonie des activités nerveuses et morales, une plus
grande endurance à l’égard de la pauvreté, de la calomnie,
des soucis, la capacité de supporter sans faiblir la perte des
siens, la douleur, la maladie, la mort. Aussi le médecin qui
voit un malade se mettre à prier peut-il se réjouir. Le calme
engendré par la prière est une aide puissante à la thérapeu-
tique.
Cependant, la prière ne doit pas être assimilée à la mor-
phine. Car elle détermine, en même le temps que le calme,
une intégration des activités mentales, une sorte de florai-
son de la personnalité. Parfois l’héroïsme. Elle marque ses
fidèles d’un sceau particulier. La pureté du regard, la tran-
quillité du maintien, la joie sereine de l’expression, la virilité
de la conduite, et, quand il est nécessaire, la simple accepta-
tion de la mort du soldat ou du martyr, traduisent la présen-
ce du trésor caché au fond des organes et de l’esprit. Sous
cette influence, même les ignorants, les retardés, les fai-
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 19
bles, les mal doués utilisent mieux leurs forces intellectuel-
les et morales. La prière, semble-t-il, soulève les hommes
au-dessus de la stature mentale qui leur appartient de par
leur hérédité et leur éducation. Ce contact avec Dieu les
imprègne de paix. Et la paix rayonne d’eux. Malheureuse-
ment, il n’y a à présent dans le monde qu’un nombre infime
d’individus qui sachent prier de façon effective.
Quels sont les résultats de la prière?
Ce sont les effets curatifs de la prière qui, à toutes les
époques, ont principalement attiré l’attention des hommes.
Aujourd’hui encore, dans les milieux où l’on prie, on parle as-
sez fréquemment de guérisons obtenues grâce à des suppli-
cations adressées à Dieu ou à ses saints. Mais quand il s’agit
de maladies susceptibles de guérir spontanément ou à l’aide
des médications ordinaires, il est difficile de savoir quel a
été l’agent véritable de la guérison. Ce n’est que dans les
cas où toute thérapeutique est inapplicable, ou a échoué, que
les résultats de la prière peuvent être sûrement constatés.
Le Bureau Médical de Lourdes a rendu un grand service à la
science en démontrant la réalité de ces guérisons. La prière
a parfois un effet pour ainsi dire explosif. Des malades ont
été guéris presque instantanément d’affections telles que
lupus de la face, cancers, infections du rein, ulcères, tuber-
culose pulmonaire, osseuse ou péritonéale. Le phénomène se
produit presque toujours de la même manière. Une grande
douleur. Puis le sentiment d’être guéri. En quelques se-
condes, au plus quelques heures, les symptômes disparais-
sent, et les lésions anatomiques se réparent. Le miracle est
caractérisé par une accélération extrême des processus
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 20
normaux de guérison. Jamais une telle accélération n’a été
observée jusqu’à présent au cours de leurs expériences par
les chirurgiens et les physiologistes.
Pour que ces phénomènes se produisent, il n’est pas besoin
que le malade prie. Des petits enfants encore incapables de
parler et des incroyants ont été guéris à Lourdes. Mais,
près d’eux, quelqu’un priait. La prière faite pour un autre est
toujours plus féconde que celle faite pour soi-même. C’est
de l’intensité et de la qualité de la prière que paraît dépen-
dre son effet. À Lourdes, les miracles sont beaucoup moins
fréquents qu’ils l’étaient il y a quarante ou cinquante ans.
Car les malades n’y trouvent plus l’atmosphère de profond
recueillement qui y régnait jadis. Les pèlerins sont devenus
des touristes et leurs prières moins efficaces.
Tels sont les résultats de la prière dont j’ai une connais-
sance certaine. À côté d’eux, il y en a une multitude
d’autres. L’histoire des saints, même modernes, relate
beaucoup de faits merveilleux. Il n’est pas douteux que la
plupart des miracles attribués, par exemple, au curé d'Ars,
sont véridiques. Cet ensemble de phénomènes nous introduit
dans un monde nouveau, dont l’exploration n’est pas commen-
cée et sera fertile en surprises. Ce que nous savons déjà de
façon sûre, c’est que la prière produit des effets tangibles.
Si étrange que la chose puisse paraître, nous devons
considérer comme vrai que « quiconque demande reçoit, et
qu’on ouvre à celui qui frappe. »
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 21
Quelles sont la place et la puissance de la prière ?
En somme, tout se passe comme si Dieu écoutait l’homme
et lui répondait. Les effets de la prière ne sont pas une illu-
sion. Il ne faut pas réduire le sens du sacré à l’angoisse
éprouvée par l’homme devant les dangers qui l’entourent et
le mystère de l’univers. Ni faire simplement de la prière une
potion calmante, un remède contre notre peur de la souf-
france, de la maladie et de la mort. Quelle est donc la signi-
fication du sens du sacré ? Et quelle place la nature elle-
même assigne-t-elle à la prière dans notre vie? En fait, cet-
te place est très importante. À presque toutes les époques,
les hommes d’Occident ont prié.
La Cité antique était principalement une institution reli-
gieuse. Les Romains élevaient partout des temples. Nos an-
cêtres du Moyen Âge couvrirent de cathédrales et de cha-
pelles gothiques le sol de la Chrétienté. De nos jours enco-
re, au-dessus de chaque village s’élève un clocher. C’est par
des églises, comme par des universités et des usines, que les
pèlerins venus d’Europe instaurèrent dans le monde nouveau
la civilisation d’Occident. Au cours de notre histoire, prier a
été un besoin aussi élémentaire que celui de conquérir, de
travailler, de construire, ou d’aimer. En vérité, le sens du sa-
cré paraît être une impulsion venue du plus profond de notre
nature, une activité fondamentale. Ses variations dans un
groupe humain sont presque toujours liées à celles d’autres
activités basiques, le sens moral et le caractère, et parfois
le sens du beau. C’est à cette partie si importante de nous-
mêmes que nous avons permis de s’atrophier et souvent de
disparaître.
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 22
Il faut se souvenir que l’homme ne peut pas sans danger
se conduire au gré de sa fantaisie. Pour réussir, la vie doit
être menée suivant des règles invariables qui dépendent de
sa structure même. Nous courons un risque grave, quand
nous laissons mourir en nous quelque activité fondamentale,
qu’elle soit d’ordre physiologique, intellectuel ou spirituel.
Par exemple, le manque de développement des muscles, du
squelette, et des activités non rationnelles de l’esprit chez
certains intellectuels est aussi désastreux que l’atrophie de
l’intelligence et du sens moral chez certains athlètes. Il y a
d’innombrables exemples de familles prolifiques et fortes
qui ne produisirent que des dégénérés ou s’éteignirent, après
la disparition des croyances ancestrales et du culte de
l’honneur. Nous avons appris, par une dure expérience, que
la perte du sens moral et du sens du sacré dans la majorité
des éléments actifs d’une nation amène la déchéance de cet-
te nation et son asservissement à l’étranger. La chute de la
Grèce antique fut précédée d’un phénomène analogue. De
toute évidence, la suppression d’activités mentales voulues
par la nature est incompatible avec la réussite de la vie.
En pratique, les activités morales et religieuses sont liées
les unes aux autres. Le sens moral s’évanouit peu de temps
après le sens du sacré. L’homme n’a pas réussi à construire,
comme le voulait Socrate, un système de morale indépendant
de toute doctrine religieuse. Les sociétés où disparaît le
besoin de prier ne sont généralement pas éloignées de la dé-
générescence. C’est pourquoi tous les civilisés – incroyants
aussi bien que croyants – doivent s’intéresser à ce grave
problème du développement de chaque activité basique dont
l’être humain est capable.
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 23
Pour quelle raison le sens du sacré joue-t-il un rôle aussi
important dans la réussite de la vie ? Par quel mécanisme la
prière agit-elle sur nous ? Ici, nous quittons le domaine de
l’observation pour celui de l’hypothèse. Mais l’hypothèse,
même hasardeuse, est nécessaire au progrès de la connais-
sance. Il faut nous rappeler d’abord que l’homme est un tout
indivisible composé d’un tissu, de liquides organiques et de
conscience. Il n’est donc pas compris entièrement dans les
quatre dimensions de l’espace et du temps. Car la conscien-
ce, si elle réside dans nos organes, se prolonge en même
temps hors du continuum physique. D’autre part, le corps vi-
vant qui nous paraît indépendant de son milieu matériel,
c’est-à-dire de l’univers physique, en est, en réalité, insépa-
rable. Car il est intimement lié à ce milieu par son besoin in-
cessant d’oxygène de l’air et des aliments que lui fournit la
terre. Ne nous est-il pas permis de croire que nous sommes
plongés dans un milieu spirituel dont nous ne pouvons pas
davantage nous passer que de l’univers matériel, c’est-à-dire
de la terre et de l’air? Et ce milieu ne serait autre que
l’être immanent dans tous les êtres et les transcendant
tous, que nous appelons Dieu. La prière pourrait donc être
considérée comme l’agent des relations naturelles entre la
conscience et son milieu propre. Comme une activité biologi-
que dépendant de notre structure. En d’autres termes,
comme une fonction normale de notre corps et de notre es-
prit.
Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 24
Pour nous résumer et conclure…
En résumé, le sens du sacré revêt, par rapport aux autres
activités de l’esprit, une importance singulière. Car il nous
met en communication avec l’immensité mystérieuse du mon-
de spirituel. C’est par la prière que l’homme va à Dieu et que
Dieu entre en lui. Prier apparaît comme indispensable à no-
tre développement optimum. Nous ne devons pas prendre la
prière pour un acte auquel seuls se livrent les faibles
d’esprit, les mendiants, ou les lâches. « Il est honteux de
prier » écrivait Nietzsche. En fait, il n’est pas plus honteux
de prier que de boire ou de respirer. L’homme a besoin de
Dieu comme il a besoin d’eau et d’oxygène.
Joint à l’intuition, au sens moral, au sens du beau et à la
lumière de l’intelligence, le sens du sacré donne à la person-
nalité son plein épanouissement. Il n’est pas douteux que la
réussite de la vie demande le développement intégral de
chacune de nos activités physiologiques, intellectuelles, af-
fectives et spirituelles. L’esprit est à la fois raison et sen-
timent. Il nous faut donc aimer la beauté de la science et
aussi la beauté de Dieu. Nous devons écouter Pascal avec
autant de ferveur que nous écoutons Descartes.
F I N

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  • 1. Alexis CARREL [1873-1944] Chirurgien et biologiste français (1944) “Un médecin parle de la prière.” Un document produit en version numérique par Laurent Potvin, bénévole, frère mariste. Courriel: laurent_potvin@uqac.ca . Page web. Dans le cadre de: "Les classiques des sciences sociales" Une bibliothèque numérique fondée et dirigée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://classiques.uqac.ca/ Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.ca/
  • 2. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 2 Politique d'utilisation de la bibliothèque des Classiques Toute reproduction et rediffusion de nos fichiers est interdite, même avec la mention de leur provenance, sans l’autorisation for- melle, écrite, du fondateur des Classiques des sciences sociales, Jean-Marie Tremblay, sociologue. Les fichiers des Classiques des sciences sociales ne peuvent sans autorisation formelle: - être hébergés (en fichier ou page web, en totalité ou en partie) sur un serveur autre que celui des Classiques. - servir de base de travail à un autre fichier modifié ensuite par tout autre moyen (couleur, police, mise en page, extraits, support, etc...), Les fichiers (.html, .doc, .pdf, .rtf, .jpg, .gif) disponibles sur le site Les Classiques des sciences sociales sont la propriété des Classi- ques des sciences sociales, un organisme à but non lucratif com- posé exclusivement de bénévoles. Ils sont disponibles pour une utilisation intellectuelle et personnel- le et, en aucun cas, commerciale. Toute utilisation à des fins com- merciales des fichiers sur ce site est strictement interdite et toute re- diffusion est également strictement interdite. L'accès à notre travail est libre et gratuit à tous les utilisa- teurs. C'est notre mission. Jean-Marie Tremblay, sociologue Fondateur et Président-directeur général, LES CLASSIQUES DES SCIENCES SOCIALES.
  • 3. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 3 Cette édition électronique a été réalisée par Laurent Potvin, Courriel: laurent_potvin@uqac.ca, à partir de : Alexis Carrel “Un médecin parle de la prière”. Présentation de Laurent Potvin. Paris : Plon, 1944. Source : http://456-bible.123-bible.com/livres1/carel_priere.htm [Autorisation formelle accordée par le Frère Laurent Potvin le 24 décembre 2011 de diffuser sa présentation de ce texte d’Alexis Car- rel dans Les Classiques des sciences sociales.] Courriel : laurent_potvin@uqac.ca Polices de caractères utilisée : Comic Sans, 12 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Micro- soft Word 2008 pour Macintosh. Mise en page sur papier format : LETTRE US, 8.5’’ x 11’’. Édition numérique réalisée le 24 décembre 2011 à Chicoutimi, Ville de Saguenay, Québec.
  • 4. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 4 Alexis Carrel “Un médecin parle de la prière.” Paris : Plon, Éditeur, 1944.
  • 5. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 5 Table des matières Présentation, Laurent Potvin, 24 décembre 2011. Un médecin parle de la prière, 1944. Introduction Qu’est-ce que la prière? Comment faut-il prier? Quelles sont les diverses formes de la prière? Où et quand prier? Quels sont les effets de la prière? Comment la prière agit-elle sur nous? Quels sont les résultats de la prière? Quelles sont la place et la puissance de la prière? Pour nous résumer et conclure…
  • 6. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 6 Alexis Carrel 1873-1944
  • 7. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 7 Présentation Par Laurent Potvin, frère mariste, 24 décembre 2011. Retour à la table des matières Alexis Carrel est un médecin et chirurgien français. Né le 28 juin 1873 à Ste-Foy, près de Lyon, il décède à Paris le 5 novembre 1944. Il a travaillé quelque temps à Lourdes com- me expert au Bureau Médical qui contrôlait sur place les guérisons des malades qui se disaient guéris dans ce lieu de pèlerinage marial. En consultant le Net, voici les données les plus utiles qui permettent de présenter sommairement ce médecin. Établi aux États-Unis, il travaille à l’Institut Rockefeller de New-York sur la suture des vaisseaux sanguins et la greffe des tissus et des organes, créant ainsi la chirurgie vasculaire tout en étudiant également la survie des cellules
  • 8. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 8 de tissus et des organes en dehors du corps. Ces travaux de pointe et très importants dans le domaine de la médecine lui valent, en 1912, le Prix Nobel de Médecine, une sorte de consécration de l’importance des découvertes menées à bien par ce récipiendaire. En 1915, il met au point la fameuse eau Dakin qui, empêchant l’infection des blessures, sauve la vie de plus d’un million de soldats durant la Première Guerre Mondiale. Alexis Carrel est également un pionnier de la transplanta- tion d’organes et crée, avec Charles Lindbergh, la circulation extracorporelle ouvrant la voie à la chirurgie thoracique et à celle de l’aorte. N’oublions pas qu’en 1910, il avait déjà ré- alisé le premier pontage cardiaque. Il a publié deux ouvrages remarquables : L’homme, cet inconnu (1935), un livre de portée universelle, et Réflexions sur la conduite de la vie. En portant sur Google le titre de ce dernier ouvrage, vous pourrez établir un lien qui vous permettra de prendre connaissance de larges extraits choi- sis propres à vous donner l’occasion d’apprécier le style et la pensée de cet auteur qui, toute sa vie, plaida pour l’eugénisme dans le respect des valeurs chrétiennes et pour une politique nataliste. En décembre 1940, il publiait, en anglais et dans le célè- bre magazine américain Reader’s Digest, un article remarqué sur le pouvoir de la prière. Au début de janvier 1944, il se décida d’écrire un nouvel essai plus élaboré sur la prière, ce- lui que je vous présente dans les pages suivantes. C’était là son dernier ouvrage littéraire. Les tirages à part de cet article dépassèrent rapidement les 125 000 exemplaires ! Ce résultat démontre sans contredit la valeur d’un tel exposé émanant d’un médecin de
  • 9. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 9 cette qualité humaine et intellectuelle. Cet article fut ulté- rieurement publié à la fin du texte des nouvelles rééditions de son magistral ouvrage : L’homme, cet inconnu. Laurent Potvin 24 décembre 2011.
  • 10. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 10 Alexis Carrel “Un médecin parle de la prière”. Paris : Plon Éditeur, 1944. INTRODUCTION Retour à la table des matières À nous, hommes d’Occident, la raison semble très supé- rieure à l’intuition. Nous préférons de beaucoup l’intelligence aux sentiments. La science rayonne tandis que la religion s’éteint. Nous suivons Descartes, et délaissons Pascal. Aussi cherchons-nous d’abord à développer en nous l’intelligence. Quant aux activités non intellectuelles de l’esprit, telles que le sens moral, le sens du beau et surtout le sens du sacré, elles sont négligées de façon presque com- plète. L’atrophie de ces activités fondamentales fait de l’homme moderne un être spirituellement aveugle. Une telle
  • 11. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 11 infirmité ne lui permet pas d’être un bon élément constitutif de la société. C’est à la mauvaise qualité de l’individu qu’il faut attribuer l’effondrement de notre civilisation. En fait, le spirituel se montre aussi indispensable à la réussite de la vie que l’intellectuel et le matériel. Il est donc urgent de ressusciter en nous-mêmes les activités mentales qui, beau- coup plus que l’intelligence, donnent sa force à la personnali- té. La plus ignorée d’entre elles est le sens du sacré, ou sens religieux. Le sens du sacré s’exprime surtout par la prière. La priè- re, comme le sens du sacré, est, de toute évidence, un phé- nomène spirituel. Or, le monde spirituel se trouve hors de l’atteinte de nos techniques. Comment donc acquérir une connaissance positive de la prière? Le domaine de la science comprend heureusement la totalité de l’observable. Et il peut, par l’intermédiaire du physiologique, s’étendre jus- qu’aux manifestations du spirituel. C’est donc par l’observation systématique de l’homme qui prie que nous ap- prendrons en quoi consistent le phénomène de la prière, la technique de sa production et ses effets. Qu’est-ce que la prière? La prière paraît être essentiellement une tension de l’esprit vers le substratum immatériel du monde. En général, elle consiste en une plainte, un cri d’angoisse, une demande de secours. Parfois elle devient une contemplation sereine du principe immanent et transcendant de toutes choses. On peut la définir également comme une élévation de l’âme vers Dieu. Comme un acte d’amour et d’adoration envers celui
  • 12. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 12 d’où vient la merveille qu’est la vie. En fait, la prière repré- sente l’effort invisible, créateur de tout ce qui existe, su- prême sagesse, force et beauté, père et sauveur de chacun de nous. Loin de consister en une simple récitation de for- mules, la vraie prière représente un état mystique où la conscience s’absorbe en Dieu. Cet état n’est pas de nature intellectuelle. Aussi reste-t-il inaccessible autant qu’incompréhensible aux philosophes et aux savants. De même que le sens du beau et l’amour, il ne demande aucune connaissance livresque. Les simples sentent Dieu aussi natu- rellement que la chaleur du soleil ou le parfum d’une fleur. Mais ce Dieu si abordable à celui qui sait aimer se cache à celui qui ne sait que comprendre. La pensée et la parole font défaut quand il s’agit de le décrire. C’est pourquoi la prière trouve sa plus haute expression dans un essor de l’amour à travers la nuit obscure de l’intelligence. Comment faut-il prier? Nous avons appris la technique de la prière des mystiques chrétiens depuis saint Paul jusqu’à saint Benoît et à la foule des apôtres anonymes qui, pendant vingt siècles, ont initié les peuples d’Occident à la vie religieuse. Le dieu de Platon était inaccessible dans sa grandeur. Celui d’Épictète se confondait avec l’âme des choses. Jahvé inspirait plutôt la terreur, et non l’amour. Le christianisme, au contraire, a amené Dieu à portée de l’homme. Il lui a donné un visage. Il en a fait notre père, notre frère, notre sauveur. Pour at- teindre Dieu, il n’est plus besoin d’un cérémonial complexe, de sacrifices sanglants. La prière est devenue facile, et sa technique simple.
  • 13. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 13 Pour prier, il faut seulement faire l’effort de se tendre vers Dieu. Cet effort doit être affectif et non intellectuel. Une méditation sur la grandeur de Dieu, par exemple, n’est pas une prière, à moins d’être en même temps une expres- sion d’amour et de foi. C’est ainsi que l’oraison suivant la mé- thode de saint Jean-Baptiste de La Salle, part d’une consi- dération intellectuelle pour devenir immédiatement affecti- ve. Qu’elle soit courte ou longue, qu’elle soit vocale ou seu- lement mentale, la prière est semblable à la conversation d’un enfant avec son père. «On se présente comme on est» disait un jour une petite Sœur de Charité qui depuis trente ans brûle sa vie au service des pauvres. En somme, on prie, de même qu’on aime, avec tout son être. Quelles sont les diverses formes de la prière? Quant à la forme de la prière, elle varie depuis la courte aspiration vers Dieu jusqu’à la contemplation, depuis les sim- ples mots prononcés par la paysanne devant le calvaire à la croisée des chemins jusqu’à la magnificence du chant grégo- rien sous les voûtes de la cathédrale. La solennité, la gran- deur et la beauté ne sont pas nécessaires à l’efficacité de la prière. Bien peu d’hommes ont su prier comme saint Jean de la Croix, ou saint Bernard de Clairvaux. Mais il n’est pas be- soin d’être éloquent pour être exaucé. Quand on juge de la valeur de la prière par ses résultats, nos plus humbles mots de supplication et de louange semblent aussi acceptables au Maître de tous les êtres que les plus belles invocations. Des formules récitées machinalement sont en quelque sorte une prière. De même, la flamme d’un cierge. Il suffit pour cela que ces formules inertes et cette flamme matérielle symbo-
  • 14. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 14 lisent l’élan vers Dieu d’un être humain. On prie aussi par l’action ; saint Louis de Gonzague disait que l’accomplissement du devoir est équivalent à la prière. La meilleure manière de communier avec Dieu est sans nul dou- te d’accomplir intégralement sa volonté. «Notre Père, que votre règne arrive, que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel…» Et faire la volonté de Dieu consiste évi- demment à obéir aux lois de la vie, telles qu’elles sont inscri- tes dans nos tissus, notre sang et notre esprit. Les prières qui s’élèvent comme une grande nuée de la surface de la terre diffèrent les unes des autres autant que diffère la personnalité de ceux qui prient. Mais elles consis- tent en des variations sur deux thèmes : la détresse et l’amour. Il est entièrement légitime d’implorer le secours de Dieu pour obtenir ce dont nous avons besoin. Cependant, il serait absurde de demander la gratification d’un caprice, ou ce que notre effort doit nous procurer. La demande impor- tune, obstinée, agressive réussit. Un aveugle assis sur le bord du chemin hurlait ses supplications de plus en plus fort, malgré les gens qui voulaient le faire taire. «Ta foi t’a gué- ri» dit Jésus qui passait. Dans sa forme la plus élevée, la prière cesse d’être une pétition. L’homme expose au Maître de toutes choses qu’il l’aime, qu’il le remercie de ses dons, qu’il est prêt à accomplir sa volonté quelle qu’elle soit. La prière devient contemplation. Un vieux paysan était assis seul dans le dernier banc de l’église vide. « Qu’attendez- vous ? » lui demanda-t-on. « Je le regarde», répondit-il, «et il me regarde. » La valeur d’une technique se mesure par ses résultats. Toute technique de la prière est bonne quand elle met homme au contact avec Dieu.
  • 15. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 15 Où et quand prier? On peut prier partout. Dans la rue, en automobile, en wagon, au bureau, à l’école, à l’usine. Mais on prie mieux dans les champs, les montagnes et les bois, ou dans la solitude de sa chambre. Il y a aussi les prières liturgiques qui se font à l’église. Mais, quel que soit le lieu de la prière, Dieu ne parle à l’homme que si ce dernier établit le calme en lui-même. Le calme intérieur dépend à la fois de notre état organique et mental et du milieu dans lequel nous sommes plongés. La paix, du corps et de l’esprit est difficile à obtenir dans la confusion, le fracas et la dispersion de la cité moderne. Il y a besoin aujourd’hui de lieux de prières, de préférence des églises, où les habitants des villes puissent trouver, ne fût- ce que pour un court moment, les conditions physiques et psychologiques indispensables à leur tranquillité intérieure. Il ne serait ni difficile ni coûteux de créer ainsi des îlots de paix accueillants et beaux au milieu du tumulte de la cité. Dans le silence de ces refuges, les hommes pourraient, en élevant leur pensée vers Dieu, reposer leurs muscles et leurs organes, détendre leur esprit, clarifier leur jugement, et recevoir la force de supporter la dure vie dont les accable notre civilisation. C’est en devenant une habitude que la prière agit sur le caractère. Il faut donc prier fréquemment. « Pense à Dieu plus souvent que tu respires » disait Épictète. Il est absur- de de prier le matin et de se conduire le reste de la journée comme un barbare. De très courtes pensées ou invocations
  • 16. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 16 mentales peuvent maintenir l’homme en présence de Dieu. Toute la conduite est alors inspirée par la prière. Ainsi comprise, la prière devient une manière de vivre. Quels sont les effets de la prière? La prière est toujours suivie d’un résultat si elle est faite dans des conditions convenables. « Aucun homme n’a jamais prié sans apprendre quelque chose » écrivit Ralph Emerson. Néanmoins, la prière est considérée par les hommes moder- nes comme une habitude désuète, une vaine superstition, un reste de barbarie. En vérité, nous ignorons presque complè- tement ses effets. Quelles sont les causes de notre ignorance? D’abord, la rareté de la prière. Le sens du sacré est en voie de dispari- tion chez les civilisés. Il est probable que le nombre de Français qui prient habituellement ne dépasse pas 4 ou 5% de la population. Ensuite, la prière est souvent stérile. Car la plupart de ceux qui prient sont des égoïstes, des men- teurs, des orgueilleux, des pharisiens incapables de foi et d’amour. Enfin ses effets, quand ils se produisent, très sou- vent nous échappent. La réponse à nos demandes et à notre amour est donnée habituellement de façon lente, insensible, presque inaudible. La petite voix qui murmure cette réponse au fond de nous est facilement étouffée par les bruits du monde. Les résultats matériels de la prière eux aussi sont obscurs. Ils se confondent généralement avec d’autres phé- nomènes. Peu de gens, même parmi les prêtres, ont donc eu l’occasion de les observer de façon précise. Et les médecins, par manque d’intérêt, laissent souvent passer sans les étu-
  • 17. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 17 dier les cas qui se trouvent à leur portée. En outre, les ob- servateurs sont souvent déroutés par le fait que la réponse est loin d’être toujours celle attendue. Par exemple, tel qui demande d’être guéri d’une maladie organique reste malade, mais subit une profonde et inexplicable transformation mo- rale. Néanmoins, l’habitude de la prière, quoique exception- nelle dans l’ensemble de la population, est relativement fré- quente dans les groupes restés fidèles à la religion ances- trale. C’est dans ces groupes qu’il est possible encore de nos jours d’étudier son influence. Parmi ses innombrables ef- fets, le médecin a surtout l’occasion d’observer ceux que l’on appelle psychophysiologiques et curatifs. Comment la prière agit-elle sur nous ? La prière agit sur l’esprit et sur le corps d’une manière qui semble dépendre de sa qualité, de son intensité et de sa fréquence. Il est facile de connaître quelle est la fréquence de la prière et, dans une certaine mesure, son intensité. Sa qualité demeure inconnue, car nous n’avons pas le moyen de mesurer la foi et la capacité d’amour d’autrui. Cependant, la manière dont vit celui qui prie peut nous éclairer sur la quali- té des invocations qu’il envoie à Dieu. Même quand la prière est de faible valeur et consiste surtout en la récitation ma- chinale de formules, elle exerce un effet sur le comporte- ment. Elle fortifie à la fois le sens du sacré et le sens mo- ral. Les milieux où l’on prie se caractérisent par une certai- ne persistance du sentiment du devoir et de la responsabili- té, par moins de jalousie et de méchanceté, par quelque bon- té à l’égard des autres. Il paraît démontré que, à l’égalité de développement intellectuel, le caractère et la valeur mo-
  • 18. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 18 rale sont plus élevés chez les individus qui prient, même de façon médiocre, que chez ceux qui ne prient pas. Quand la prière est habituelle et vraiment fervente, son influence devient très claire. Elle est un peu comparable à celle d’une glande à sécrétion interne, telles que la glande thyroïde ou la glande surrénale, par exemple. Elle consiste en une sorte de transformation mentale et organique. Cette transformation s’opère de façon progressive. On dirait que dans la profondeur de la conscience une flamme s’allume. L’homme se voit tel qu’il est. Il découvre son égoïsme, sa cupidité, ses erreurs de jugement, son orgueil. Il se plie à l’accomplissement du devoir moral. Il tente d’acquérir l’humilité intellectuelle. Ainsi s’ouvre devant lui le royaume de la Grâce…Peu à peu il se produit un apaisement intérieur, une harmonie des activités nerveuses et morales, une plus grande endurance à l’égard de la pauvreté, de la calomnie, des soucis, la capacité de supporter sans faiblir la perte des siens, la douleur, la maladie, la mort. Aussi le médecin qui voit un malade se mettre à prier peut-il se réjouir. Le calme engendré par la prière est une aide puissante à la thérapeu- tique. Cependant, la prière ne doit pas être assimilée à la mor- phine. Car elle détermine, en même le temps que le calme, une intégration des activités mentales, une sorte de florai- son de la personnalité. Parfois l’héroïsme. Elle marque ses fidèles d’un sceau particulier. La pureté du regard, la tran- quillité du maintien, la joie sereine de l’expression, la virilité de la conduite, et, quand il est nécessaire, la simple accepta- tion de la mort du soldat ou du martyr, traduisent la présen- ce du trésor caché au fond des organes et de l’esprit. Sous cette influence, même les ignorants, les retardés, les fai-
  • 19. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 19 bles, les mal doués utilisent mieux leurs forces intellectuel- les et morales. La prière, semble-t-il, soulève les hommes au-dessus de la stature mentale qui leur appartient de par leur hérédité et leur éducation. Ce contact avec Dieu les imprègne de paix. Et la paix rayonne d’eux. Malheureuse- ment, il n’y a à présent dans le monde qu’un nombre infime d’individus qui sachent prier de façon effective. Quels sont les résultats de la prière? Ce sont les effets curatifs de la prière qui, à toutes les époques, ont principalement attiré l’attention des hommes. Aujourd’hui encore, dans les milieux où l’on prie, on parle as- sez fréquemment de guérisons obtenues grâce à des suppli- cations adressées à Dieu ou à ses saints. Mais quand il s’agit de maladies susceptibles de guérir spontanément ou à l’aide des médications ordinaires, il est difficile de savoir quel a été l’agent véritable de la guérison. Ce n’est que dans les cas où toute thérapeutique est inapplicable, ou a échoué, que les résultats de la prière peuvent être sûrement constatés. Le Bureau Médical de Lourdes a rendu un grand service à la science en démontrant la réalité de ces guérisons. La prière a parfois un effet pour ainsi dire explosif. Des malades ont été guéris presque instantanément d’affections telles que lupus de la face, cancers, infections du rein, ulcères, tuber- culose pulmonaire, osseuse ou péritonéale. Le phénomène se produit presque toujours de la même manière. Une grande douleur. Puis le sentiment d’être guéri. En quelques se- condes, au plus quelques heures, les symptômes disparais- sent, et les lésions anatomiques se réparent. Le miracle est caractérisé par une accélération extrême des processus
  • 20. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 20 normaux de guérison. Jamais une telle accélération n’a été observée jusqu’à présent au cours de leurs expériences par les chirurgiens et les physiologistes. Pour que ces phénomènes se produisent, il n’est pas besoin que le malade prie. Des petits enfants encore incapables de parler et des incroyants ont été guéris à Lourdes. Mais, près d’eux, quelqu’un priait. La prière faite pour un autre est toujours plus féconde que celle faite pour soi-même. C’est de l’intensité et de la qualité de la prière que paraît dépen- dre son effet. À Lourdes, les miracles sont beaucoup moins fréquents qu’ils l’étaient il y a quarante ou cinquante ans. Car les malades n’y trouvent plus l’atmosphère de profond recueillement qui y régnait jadis. Les pèlerins sont devenus des touristes et leurs prières moins efficaces. Tels sont les résultats de la prière dont j’ai une connais- sance certaine. À côté d’eux, il y en a une multitude d’autres. L’histoire des saints, même modernes, relate beaucoup de faits merveilleux. Il n’est pas douteux que la plupart des miracles attribués, par exemple, au curé d'Ars, sont véridiques. Cet ensemble de phénomènes nous introduit dans un monde nouveau, dont l’exploration n’est pas commen- cée et sera fertile en surprises. Ce que nous savons déjà de façon sûre, c’est que la prière produit des effets tangibles. Si étrange que la chose puisse paraître, nous devons considérer comme vrai que « quiconque demande reçoit, et qu’on ouvre à celui qui frappe. »
  • 21. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 21 Quelles sont la place et la puissance de la prière ? En somme, tout se passe comme si Dieu écoutait l’homme et lui répondait. Les effets de la prière ne sont pas une illu- sion. Il ne faut pas réduire le sens du sacré à l’angoisse éprouvée par l’homme devant les dangers qui l’entourent et le mystère de l’univers. Ni faire simplement de la prière une potion calmante, un remède contre notre peur de la souf- france, de la maladie et de la mort. Quelle est donc la signi- fication du sens du sacré ? Et quelle place la nature elle- même assigne-t-elle à la prière dans notre vie? En fait, cet- te place est très importante. À presque toutes les époques, les hommes d’Occident ont prié. La Cité antique était principalement une institution reli- gieuse. Les Romains élevaient partout des temples. Nos an- cêtres du Moyen Âge couvrirent de cathédrales et de cha- pelles gothiques le sol de la Chrétienté. De nos jours enco- re, au-dessus de chaque village s’élève un clocher. C’est par des églises, comme par des universités et des usines, que les pèlerins venus d’Europe instaurèrent dans le monde nouveau la civilisation d’Occident. Au cours de notre histoire, prier a été un besoin aussi élémentaire que celui de conquérir, de travailler, de construire, ou d’aimer. En vérité, le sens du sa- cré paraît être une impulsion venue du plus profond de notre nature, une activité fondamentale. Ses variations dans un groupe humain sont presque toujours liées à celles d’autres activités basiques, le sens moral et le caractère, et parfois le sens du beau. C’est à cette partie si importante de nous- mêmes que nous avons permis de s’atrophier et souvent de disparaître.
  • 22. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 22 Il faut se souvenir que l’homme ne peut pas sans danger se conduire au gré de sa fantaisie. Pour réussir, la vie doit être menée suivant des règles invariables qui dépendent de sa structure même. Nous courons un risque grave, quand nous laissons mourir en nous quelque activité fondamentale, qu’elle soit d’ordre physiologique, intellectuel ou spirituel. Par exemple, le manque de développement des muscles, du squelette, et des activités non rationnelles de l’esprit chez certains intellectuels est aussi désastreux que l’atrophie de l’intelligence et du sens moral chez certains athlètes. Il y a d’innombrables exemples de familles prolifiques et fortes qui ne produisirent que des dégénérés ou s’éteignirent, après la disparition des croyances ancestrales et du culte de l’honneur. Nous avons appris, par une dure expérience, que la perte du sens moral et du sens du sacré dans la majorité des éléments actifs d’une nation amène la déchéance de cet- te nation et son asservissement à l’étranger. La chute de la Grèce antique fut précédée d’un phénomène analogue. De toute évidence, la suppression d’activités mentales voulues par la nature est incompatible avec la réussite de la vie. En pratique, les activités morales et religieuses sont liées les unes aux autres. Le sens moral s’évanouit peu de temps après le sens du sacré. L’homme n’a pas réussi à construire, comme le voulait Socrate, un système de morale indépendant de toute doctrine religieuse. Les sociétés où disparaît le besoin de prier ne sont généralement pas éloignées de la dé- générescence. C’est pourquoi tous les civilisés – incroyants aussi bien que croyants – doivent s’intéresser à ce grave problème du développement de chaque activité basique dont l’être humain est capable.
  • 23. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 23 Pour quelle raison le sens du sacré joue-t-il un rôle aussi important dans la réussite de la vie ? Par quel mécanisme la prière agit-elle sur nous ? Ici, nous quittons le domaine de l’observation pour celui de l’hypothèse. Mais l’hypothèse, même hasardeuse, est nécessaire au progrès de la connais- sance. Il faut nous rappeler d’abord que l’homme est un tout indivisible composé d’un tissu, de liquides organiques et de conscience. Il n’est donc pas compris entièrement dans les quatre dimensions de l’espace et du temps. Car la conscien- ce, si elle réside dans nos organes, se prolonge en même temps hors du continuum physique. D’autre part, le corps vi- vant qui nous paraît indépendant de son milieu matériel, c’est-à-dire de l’univers physique, en est, en réalité, insépa- rable. Car il est intimement lié à ce milieu par son besoin in- cessant d’oxygène de l’air et des aliments que lui fournit la terre. Ne nous est-il pas permis de croire que nous sommes plongés dans un milieu spirituel dont nous ne pouvons pas davantage nous passer que de l’univers matériel, c’est-à-dire de la terre et de l’air? Et ce milieu ne serait autre que l’être immanent dans tous les êtres et les transcendant tous, que nous appelons Dieu. La prière pourrait donc être considérée comme l’agent des relations naturelles entre la conscience et son milieu propre. Comme une activité biologi- que dépendant de notre structure. En d’autres termes, comme une fonction normale de notre corps et de notre es- prit.
  • 24. Alexis Carrel, Un médecin parle de la prière. (1944) 24 Pour nous résumer et conclure… En résumé, le sens du sacré revêt, par rapport aux autres activités de l’esprit, une importance singulière. Car il nous met en communication avec l’immensité mystérieuse du mon- de spirituel. C’est par la prière que l’homme va à Dieu et que Dieu entre en lui. Prier apparaît comme indispensable à no- tre développement optimum. Nous ne devons pas prendre la prière pour un acte auquel seuls se livrent les faibles d’esprit, les mendiants, ou les lâches. « Il est honteux de prier » écrivait Nietzsche. En fait, il n’est pas plus honteux de prier que de boire ou de respirer. L’homme a besoin de Dieu comme il a besoin d’eau et d’oxygène. Joint à l’intuition, au sens moral, au sens du beau et à la lumière de l’intelligence, le sens du sacré donne à la person- nalité son plein épanouissement. Il n’est pas douteux que la réussite de la vie demande le développement intégral de chacune de nos activités physiologiques, intellectuelles, af- fectives et spirituelles. L’esprit est à la fois raison et sen- timent. Il nous faut donc aimer la beauté de la science et aussi la beauté de Dieu. Nous devons écouter Pascal avec autant de ferveur que nous écoutons Descartes. F I N