2. I N° 921 I 16 avril 2015 I MONACOHEBDO.MC I @Monaco_Hebdo26
T
rois ans après son entrée dans le
Code du travail français, environ
10 % des salariés y auraient re-
cours en France. Bien loin des taux
enregistrés dans certains pays an-
glo-saxons et scandinaves situés
entre 20 et 35 %. Pourtant, selon
une enquête rendue publique le
26 mars dernier (1)
, 59 % des salariés français disent
souhaiter pouvoir faire du télétravail dans leur entre-
prise, au moins plusieurs jours par semaine ou seule-
ment de temps en temps. Chez les cadres, la proportion
grimpe à 71 %. Autres points positifs : mieux concilier
vie privée et vie professionnelle pour 48 % des sondés
et ne plus perdre de temps dans les transports pour
46 %. Mais aussi la possibilité de faire des économies
sur les transports ou les frais de nourriture (36 %). Côté
obstacle, la majorité des sondés évoque le manque de
confiance des employeurs.
« PENDULAIRES »
La Principauté est bien consciente de cette problé-
matique. L’introduction du télétravail a fait l’objet du
vœu n° 2007-684 du 7 novembre 2007 du Conseil Eco-
nomique et Social (CES). « Aucune suite n’a été donnée
à ce souhait », rappelait Bernard Pasquier, conseiller
national d’opposition Union Monégasque (UM), dans
une proposition co-écrite avec Patricia Musso dans Le
livre blanc Monaco 2029. Pourtant, les mentalités mo-
négasques évoluent sur ce sujet. Et les choses avancent
lentement, mais sûrement. « Si le télétravail se rencontre
à ce jour de manière ponctuelle au sein de certaines entre-
prisesmonégasques,concernantdescatégoriesspécifiques
de salariés, il est vraisemblable qu’avec l’évolution techno-
logique,letélétravailtendraàsedévelopperetàconcerner
un nombre plus grand de salariés » rapporte en préam-
bule le projet de loi sur le télétravail (voir notre enca-
dré ci-après). Dans l’interview qu’il a accordée à Monaco
Hebdo (voir par ailleurs), Stéphane Valeri, conseiller de
gouvernement aux affaires sociales, espère sa mise en
place effective début 2016. Au Conseil national, Thierry
Poyet, le président Horizon Monaco (HM) de la com-
mission des intérêts sociaux et affaires diverses (Ci-
sad), indique que l’étude du projet de loi va débuter
très prochainement : « La commission ne manquera pas
de solliciter des experts et des sachants. Elle étudiera aussi
les bonnes pratiques chez nos voisins ou plus loin, afin de
se faire une opinion sur toutes ces questions. » Lorsqu’on
évoque les avantages liés au télétravail, Thierry Poyet
parle de conditions de travail adaptatives pour les sa-
lariés « réduisant les impacts des déplacements pour les
pendulaires. » Pour l’employeur, le président de la Cisad
pense que ce nouveau dispositif permettra d’« étendre le
bassin de recrutement des salariés en France, en limitant
les effets de l’éloignement géographique. Au fond, il s’agit
d’optimiserlesespacesdebureauxpardelamutualisation
entre salariés. »
SOCIÉTÉ
Le gouvernement princier espère
lancer le télétravail dès le début de
l’année 2016. A Monaco, les différents
acteurs politiques et sociaux ne sont
pas tous d’accord sur le sujet. Tour
d’horizon. PAR ANNE-SOPHIE FONTANET
« ARRIVE-T-ON À LA FIN D’UN
MODÈLE ? EST-CE QUE LA
CONTRAINTE GÉOGRAPHIQUE
NE CONTRARIERA PAS
L’ATTRACTIVITÉ PHYSIQUE ? »
3. @Monaco_Hebdo I MONACOHEBDO.MC I 16 avril 2015 I N° 921 I 27
VERTUEUX
Pour l’UM, Bernard Pasquier soutient cette affirma-
tion, en allant même plus loin : « Arrive-t-on à la fin d’un
modèle ? Est-ce que la contrainte géographique ne contra-
riera pas l’attractivité physique ? » Cet élu plaide pour le
télétravail en Principauté depuis de nombreuses années
et voit dans ce mode d’organisation du travail une étape
importante. Comme le conseiller aux affaires sociales,
StéphaneValéri,Pasquierestimequecelaconstituel’une
des réponses à l’exiguïté du territoire : « On commence à
sortir des 2 km2
de la Principauté. Par cette méthode, on
arrive ainsi à étendre l’espace juridique. » Le télétravail
comme cercle vertueux pour l’économie monégasque ?
« Surtout, on permet de développer l’emploi, principale-
ment pour les services à valeur ajoutée. Ce nouvel axe de
développementbénéficieàtoutl’écosystèmemonégasque »,
assure Thierry Poyet. « Ce n’est pas une solution miracle,
mais une solution à long terme pour le développement de
l’emploi en Principauté. Il faut le voir comme une option,
pas comme quelque chose d’obligatoire. C’est une manière
de rendre un peu plus flexible la manière de travailler »,
« [AVEC LE TÉLÉTRAVAIL]
L’EMPLOYEUR A BESOIN DE
MOINS D’ESPACE.
SACHANT QUE L’UN DES
COÛTS PRINCIPAUX RESTE
LES LOCAUX. IL FAUT PENSER
DIFFÉREMMENT »
4. I N° 921 I 16 avril 2015 I MONACOHEBDO.MC I @Monaco_Hebdo28
TÉLÉTRAVAIL :
CE QUE DIT
LE PROJET DE LOI
Le projet de loi n° 926 du 1er
juillet
2014 évoque « un choix en faveur de
la protection de l’environnement, avec
notamment la réduction des déplacements
et, en conséquence, de la circulation
automobile, ainsi qu’en faveur des salariés
et employeurs. » Sur 18 pages, le législateur
monégasque a notifié 14 articles pour
encadrer un mode d’organisation qui devrait
« contribuer au développement du bassin
d’emploi monégasque. » Objectif : réaliser
l’équilibre essentiel entre la souplesse
nécessaire pour répondre aux besoins
économiques et la sécurité garantissant la
protection de I’emploi, des rémunérations
et des droits sociaux. « Il apparaît en effet
primordial que le télétravail s’organise dans
un cadre juridique adapté et sécurisé. »
Parmi les avantages développés, il est
question de « desserrer les contraintes
géographiques susceptibles de freiner le
développement de son activité économique,
tout au moins dans certains secteurs. »
L’article premier indique que le télétravail
ne pourra occuper, « sur une période
hebdomadaire de travail, plus des deux tiers
du temps de travail du salarié. »
Côté salariés, le projet de loi souligne « la
possibilité de reconversion des personnes
à mobilité réduite, un gain de temps et
d’argent, une réduction de la fatigue liée
aux déplacements et un équilibre entre
vie professionnelle et vie familiale. » Ce
texte évoque enfin les points positifs pour
les employeurs : « Une augmentation de
la productivité et une réduction des frais
généraux, des besoins et donc des coûts
des surfaces professionnelles. »
argumente Bernard Pasquier. Cet élu d’opposition y voit
également l’opportunité pour les employeurs de payer
moinsdemètrescarrésàMonaco : « L’employeurabesoin
de moins d’espace, sachant que l’un des coûts principaux
reste les locaux. Il faut penser différemment. C’est aussi
la condition pour que les caisses sociales restent en équi-
libre. Pour cela, il est essentiel de faire croître la masse so-
ciale d’au moins 2 % par an. Surtout qu’il y a, en plus, une
grosse demande. » Pour l’experte internationale Nicole
Turbé-Suetens (lire son interview par ailleurs), l’utilisa-
tion du télétravail impose un constat sans appel : « Ceux
qui ne voudront pas l’utiliser seront moins attractifs pour
les jeunes générations. »
« EXTRA-TERRITORIALITÉ »
Cet enthousiasme n’est pas forcément partagé par
l’ensemble des acteurs. Thierry Poyet tempère : « Pour
le salarié, il faut s’assurer aussi du respect de la vie privée.
Pour l’employeur, cela nécessite une organisation du tra-
vail particulière. » Autre point de vigilance pour cet élu
HM, le temps de travail : « Comment éviter les dérives,
que ce soit des patrons comme des employés ? Se posent
tout naturellement quelques questions sur l’extra-terri-
torialité des lois monégasques en France. » Le groupe Re-
naissance, par la voix de son président Etienne Ruzic,
reconnaît dans le télétravail « une innovation majeure
qui bouscule les modèles organisationnels et managé-
riaux. » Tout en estimant qu’il y a aussi pas mal d’in-
convénients : « Ceci peut favoriser le développement de
nouvelles formes d’autorité et un management plus par-
ticipatif. Tout comme mettre à mal le concept de temps de
travail et la frontière entre vie professionnelle et vie pri-
vée. » Un positionnement qui se rapproche de celui de
l’Union des Syndicats de Monaco (USM), qui dénonce
un cadeau empoisonné (voir encadré). « Le télétravail
n’est donc pas un nouvel eldorado » assure Etienne Ru-
zic. De son côté, sollicitée par Monaco Hebdo, la Fédé-
ration des Entreprises Monégasques (Fedem) a indiqué
ne pas souhaiter s’exprimer sur le sujet pour le moment.
DÉBORDEMENT ?
Pour appuyer son point de vue, l’USM rappelle les
travaux du psychiatre Patrick Lègeron, auteur du livre
Le stress au travail (2)
: « On peut imaginer les dégâts que
cela peut causer sur un salarié se trouvant seul chez lui,
amené à déborder sur le temps consacré habituellement
à sa famille, pour parvenir aux objectifs fixés par son em-
ployeur. » Renaissance évoque aussi ce risque de débor-
dement. « La relation de confiance se construit dans le
cadre du télétravail sur les résultats du travail réalisé et
non sur l’attitude au travail. Les études récentes tendent à
souligner ses risques psychosociaux, l’amélioration de la
qualité de vie du télétravailleur étant contrebalancée par
l’augmentation du temps et de la charge de travail », ex-
plique Etienne Ruzic. L’accord gagnant-gagnant mis en
avant par Stéphane Valeri ne convainc pas vraiment Re-
naissance : « Les effets positifs de ce mode d’organisation,
« CEUX QUI NE VOUDRONT
PAS UTILISER [LE
TÉLÉTRAVAIL] SERONT MOINS
ATTRACTIFS POUR LES
JEUNES GÉNÉRATIONS »
5. @Monaco_Hebdo I MONACOHEBDO.MC I 16 avril 2015 I N° 921 I 29
POUR L’USM,
C’EST NON
«Le télétravail, c’est comme un cheval
de Troie. Ça peut apparaître comme
un cadeau, mais il est empoisonné. »
Christophe Glasser, secrétaire général
adjoint de l’Union des Syndicats de Monaco
(USM), n’adhère pas du tout à l’instauration
du télétravail pour les salariés employés
en Principauté, mais résidant en France.
« L’employeur s’insère dans la vie privée. Ce
qui est tout l’inverse de ce que dit le contrat
de travail. Halte aux illusions dangereuses ! »
martèle ce syndicaliste. En plus d’isoler le
salarié, Christophe Glasser reproche au
télétravail de renforcer un management
par l’objectif. Le désengorgement des
transports pour se rendre en Principauté
matin et soir ? « C’est comme jeter un
verre d’eau sur un feu ! » Autre argument
avancé : « On déguise la délocalisation des
entreprises de Monaco vers la France. »
L’USM a fait parvenir il y a plus d’un an
des questions précises à l’ambassade de
France à Monaco. Tout en cherchant aussi
à faire part de ses réflexions au conseiller
pour les affaires sociales, Stéphane Valeri.
« Idéologiquement, on est contre, car ça ne
répond pas aux réels besoins des salariés »,
explique Glasser. Avant d’enfoncer le clou :
« On ne comprend déjà pas le manque
de législation sur le contrat de travail. Et à
côté de ça, on va créer un mode de travail
différent ? Celui qui construit une échelle ne
commence pas par le troisième barreau, me
semble-t-il… »
tant pour les entreprises (optimisation des coûts immo-
biliers), que pour la collectivité (diminution des déplace-
ments), ne seront effectifs qu’à partir d’un certain seuil,
de l’ordre de 20 % à 30 % de la population active. Quant
au manque de m2
pour les entreprises, il faudra bien que
l’Etat se donne les moyens d’inciter la construction d’im-
meubles de bureaux de grande hauteur. »
Pourlemoment,Monacoavancepasàpas.Leconseil-
ler de gouvernement Stéphane Valeri, estime que « le
développement du télétravail constitue l’un des facteurs
pouvant permettre à la Principauté d’affermir son rôle de
pôlelocaldedéveloppementéconomique,àsonplusgrand
bénéfice, mais aussi à celui des territoires français et ita-
lien voisins. » Reste à savoir quand les premiers télétra-
vailleurs pourront réellement exercer entre Monaco et
la France sans difficultés.
fontanet@monacohebdo.mc
@asfontanet
(1) Sondage réalisé pour le syndicat professionnel Syntec numérique
par l’institut Odoxa par Internet les 19 et 20 mars 2015 auprès d’un
échantillon représentatif de 1 008 personnes âgées de 18 ans et plus,
selon la méthode des quotas.
(2) Le stress au travail, de Patrick Légeron (Editions Odile Jacob, collection
de poche), 2003, 200 pages, 8,90 euros.
« ON PEUT IMAGINER LES
DÉGÂTS QUE CELA PEUT
CAUSER SUR UN SALARIÉ
SE TROUVANT SEUL CHEZ
LUI, AMENÉ À DÉBORDER
SUR LE TEMPS CONSACRÉ
HABITUELLEMENT À SA
FAMILLE, POUR PARVENIR
AUX OBJECTIFS FIXÉS PAR
SON EMPLOYEUR »
7. @Monaco_Hebdo I MONACOHEBDO.MC I 16 avril 2015 I N° 921 I 31
Le conseiller aux affaires sociales, Stéphane Valeri, défend le projet de télétravail entre
la France et Monaco. Une bonne réponse, selon lui, pour assurer le développement
économique futur de Monaco. PROPOS RECUEILLIS PAR ANNE-SOPHIE FONTANET
OÙ EN EST LE DOSSIER DU TÉLÉTRAVAIL ENTRE LA
FRANCE ET MONACO ?
Le Conseil des ministres français a examiné le 18 février
dernier le projet de loi portant approbation de l’avenant
n° 6 à la convention franco-monégasque de sécurité so-
ciale, relatif à l’accord sur le télétravail avec la Principauté.
Ce texte a été déposé à la fin du mois de février, sur le bu-
reau du Parlement français, pour y être discuté et voté. En
parallèle, un projet de loi sur le télétravail a été déposé par
le gouvernement monégasque sur le bureau du Conseil
national le 2 octobre 2014. Il devrait faire l’objet d’un exa-
men prochain par la Commission des Intérêts Sociaux et
des Affaires Diverses (Cisad). Ces deux votes constitue-
ront les ultimes étapes à franchir avant l’application de
l’accord sur le télétravail à Monaco.
QUELS SONT LES OBJECTIFS DU GOUVERNEMENT ?
Le gouvernement princier fonde de grands espoirs sur
cette nouvelle législation. Il a toujours été très favorable à
la mise en place du télétravail, qui est une des réponses
appropriées à l’exiguïté du territoire. Le télétravail permet-
tra aussi de moderniser le travail dans les entreprises, tout
en satisfaisant l’aspiration des salariés à mieux concilier
vies professionnelle et personnelle.
AVEC QUELLES CONSÉQUENCES POUR L’ÉCONOMIE
MONÉGASQUE ?
Le développement du télétravail à Monaco entraînera
la création de plusieurs milliers d’emplois dans les pro-
chaines années, sans mettre plus de travailleurs tous
les jours sur les routes. Ce qui n’est pas négligeable en
termes de protection de l’environnement et d’allégement
du trafic automobile.
« UN ACCORD
GAGNANT-GAGNANT
POUR LES
EMPLOYEURS
ET LES SALARIÉS »
« LE DÉVELOPPEMENT DU
TÉLÉTRAVAIL À MONACO
ENTRAINERA LA CRÉATION DE
PLUSIEURS MILLIERS D’EMPLOIS
DANS LES PROCHAINES ANNÉES »
8. I N° 921 I 16 avril 2015 I MONACOHEBDO.MC I @Monaco_Hebdo32
SOCIÉTÉ
C’EST VERTUEUX POUR L’ÉCONOMIE MONÉGASQUE ?
Le développement du télétravail constitue la meilleure ré-
ponse pour assurer le développement économique futur
de Monaco, en surmontant l’exiguïté du territoire, puisqu’il
permettra le développement du chiffre d’affaires des en-
treprises sans que celles-ci aient besoin de surfaces sup-
plémentaires. Tout cela génèrera de nouvelles recettes
pour l’Etat et pour les organismes sociaux. C’est aussi une
réponse appropriée au coût de l’immobilier, qui pourrait
freiner le développement économique.
LE TÉLÉTRAVAIL POURRAIT DOPER L’EMPLOI ?
La moyenne européenne de salariés télétravailleurs os-
cille entre 15 et 20 %. Ce qui représenterait entre 7 000
et 10 000 emplois à Monaco, à moyen terme. Car il fau-
dra plusieurs années pour que cette nouvelle forme de
travail monte en puissance. De plus, ce chiffre ne porte
pas uniquement sur des créations d’emplois, puisque des
salariés actuels pourront choisir, avec leur employeur, ce
nouveau mode d’organisation. Il s’agira alors de transfor-
mations de postes. Aujourd’hui, il est donc impossible de
répondre avec précision à cette question, dans la mesure
où il s’agit d’un nouveau dispositif, jamais expérimenté.
COMMENT CES AVANCÉES SONT PERÇUES PAR LE
MONDE DE L’ENTREPRISE ?
Le département des Affaires Sociales et de la Santé re-
çoit régulièrement de nombreuses questions, tant d’entre-
prises que de salariés, qui se montrent très intéressés et
demandeurs de ce dispositif. De nombreux entrepreneurs
nous ont fait savoir qu’ils utiliseraient le télétravail dès qu’ils
en auront la possibilité.
ET DONC ?
Il y aura par conséquent un mouvement naturel de cer-
taines entreprises et de leurs salariés vers cette nouvelle
forme d’organisation du travail. Lorsque la loi entrera en vi-
gueur, il s’agira donc de les informer, notamment par cour-
rier. Et de les guider dans leurs démarches.
IL Y A AUSSI DES RÉTICENCES OU DES
INCOMPRÉHENSIONS ?
Dans la mesure où le télétravail ne pourra être mis en
œuvre que par l’accord des volontés de l’employeur et du
salarié, il sera l’aboutissement d’un consensus satisfai-
sant les deux parties, qui y auront donc trouvé un intérêt
partagé.
TOUS LES SECTEURS D’ACTIVITÉS SONT
CONCERNÉS ?
On peut légitimement penser que tous les secteurs d’ac-
tivité pourraient être concernés. Par exemple, même l’hô-
tellerie et les entreprises du secteur industriel peuvent
recourir au télétravail, pour le secrétariat, les services
communication ou commercial, ou encore certaines
tâches administratives. Mais, bien évidemment, les nou-
velles technologies, l’informatique, le secteur de la com-
munication et plus largement les entreprises de services,
sont les domaines les plus concernés.
LES PRINCIPAUX AVANTAGES POUR L’EMPLOYEUR
ET LE SALARIÉ ?
La mise en œuvre du télétravail constitue un accord ga-
gnant-gagnant pour les employeurs et les salariés : les
employeurs pourront développer leur activité, en limitant
leurs besoins en surface de bureaux, et donc, leurs frais
locatifs. Les salariés pourront gagner en qualité de vie : ré-
duction du temps de transport et donc de la fatigue liée
aux déplacements, frais de transport réduits… Ce qui leur
permettra de consacrer plus de temps à leur famille et à
leurs loisirs.
VOUS ENVISAGEZ UN ACCORD SUR LE TÉLÉTRAVAIL
AVEC L’ITALIE ?
Le même type d’accord pourrait être négocié avec l’Ita-
lie. Toutefois, 90 % des salariés qui résident en dehors
de la Principauté, habitent en France. Donc la mise en
œuvre d’un tel dispositif avec l’Italie aura un impact moins
significatif.
MONACO AURAIT PU SE PASSER DU TÉLÉTRAVAIL ?
Le développement du télétravail constitue l’un des fac-
teurs pouvant permettre à la Principauté d’affermir son
rôle de pôle local de développement économique, à son
plus grand bénéfice, mais aussi à celui des territoires fran-
çais et italien voisins.
C’EST UNE SOLUTION MIRACLE ?
Le télétravail ne constitue pas la seule réponse et le gou-
vernement agit et agira pour maintenir des conditions
favorables au développement économique de la Princi-
pauté, perpétuer son dynamisme et préserver notre mo-
dèle économique et social.
LE TÉLÉTRAVAIL SERA OFFICIELLEMENT LANCÉ
QUAND ?
La balle est désormais dans le camp des élus des deux
pays. On peut raisonnablement espérer que le télétravail
puisse être appliqué dès le début de l’année prochaine.
fontanet@monacohebdo.mc
@asfontanet
« ON PEUT RAISONNABLEMENT
ESPÉRER QUE LE TÉLÉTRAVAIL
PUISSE ÊTRE APPLIQUÉ DÈS LE
DÉBUT DE L’ANNÉE PROCHAINE »
11. @Monaco_Hebdo I MONACOHEBDO.MC I 16 avril 2015 I N° 921 I 35
SUR QUOI REPOSE LA RÉUSSITE DU TÉLÉTRAVAIL ?
Il faut avoir un vrai sponsor du projet à haut niveau, une
personne reconnue. De préférence une personne admirée
et respectée pour son charisme et sa vision. Il faut aussi
respecter un rythme acceptable pour le changement. Im-
pliquer le plus tôt possible les partenaires sociaux et com-
muniquer largement et honnêtement sur le sujet. Mais cela
devrait être le cas pour tous les projets qui affectent l’en-
semble de l’organisation et de ces acteurs. Le projet d’or-
ganisation ne doit pas être précipité. Le télétravail dans
l’entreprise doit se développer calmement et sereinement.
QUELS SONT LES PRINCIPAUX ENJEUX LIÉS AU DÉ-
VELOPPEMENT DU TÉLÉTRAVAIL ?
Parmi les enjeux, qui sont autant en faveur des salariés
que des employeurs, on peut citer l’amélioration de l’équi-
libre vie professionnelle/vie personnelle et l’amélioration de
la qualité de vie au travail. Ces points sont souvent moteur
pour déclencher une réflexion et un projet.
D’AUTRES ENJEUX ?
On peut parler aussi d’une diminution du stress et de la
fatigue, une meilleure concentration ou une diminution de
l’absentéisme. Lorsqu’elle est mesurée, on assiste à une
diminution de l’empreinte carbone et des économies pour
le télétravailleur en matière de transport, de nourriture ou
d’habillement.
D’AUTRES EXEMPLES ?
L’attractivité de l’employeur pour les nouvelles générations.
On a un renouvellement de la population active, c’est le
moment d’en profiter. Les jeunes veulent vivre et organiser
leur temps libre. Ils ont compris qu’ils ne pouvaient plus
« EN FRANCE, LA LÉGISLATION
A ÉTÉ UN ÉLÉMENT DE
DÉBLOCAGE, CAR ON VOYAIT BIEN
QUE LES GENS N’EN POUVAIENT
PLUS DES TRANSPORTS »
12. I N° 921 I 16 avril 2015 I MONACOHEBDO.MC I @Monaco_Hebdo36
SOCIÉTÉ
attendre les mêmes choses de l’entreprise. Et surtout, ils
ne souhaitent plus dédier leur vie à l’entreprise. Il faut donc
en tenir compte. En ce sens, le télétravail peut contribuer à
l’amélioration de la « marque employeur. »
QUELS SONT LES SECTEURS CONCERNÉS PAR LE
TÉLÉTRAVAIL ?
Toutes les activités qui peuvent être dématérialisées et
qui ne demandent pas une relation directe avec des per-
sonnes ou avec une machine.
LES EMPLOYEURS OU LES
SALARIÉS TRAÎNENT PAR-
FOIS LES PIEDS ?
En général, il n’y a pas d’ob-
jection de la part des sala-
riés, puisque le télétravail ne
peut se faire légalement que
sur la base du volontariat. Par
contre, côté employeur, c’est
en réalité généralement une
crainte devant l’inconnu. Et
puis, il y a aussi le fait de devoir
remettre en cause des pra-
tiques managériales.
IL Y A D’AUTRES FREINS AU
TÉLÉTRAVAIL ?
Il y a aussi la maladie géné-
tique française du « présen-
téisme » et le manque de
confiance qui règne dans les organisations. L’excuse est
alors souvent le soi-disant manque d’autonomie du sala-
rié. Alors que dans la plupart des cas cela ne lui a jamais
été reproché auparavant. Et surtout, rien n’a été fait pour
améliorer son niveau d’autonomie.
LE TÉLÉTRAVAIL DOIT ÊTRE LIMITÉ DANS LE TEMPS ?
D’une manière générale, personne ne recommande le télé-
travail à 100 %. Sauf dans des situations tout à fait précises
et exceptionnelles. Il est nécessaire de garder la cohésion
culturelle d’un collectif de travail, avec un panachage de
possibilités d’organisation. La réalité montre qu’en France
la majorité des télétravailleurs sont actuellement en télétra-
vail sur 1 ou 2 jours par semaine. Par contre, la répartition
n’est pas nécessairement sur la semaine.
C’EST-À-DIRE ?
Cela dépend des contraintes du métier et de l’organisation
pour définir le rythme qui sera considéré comme « régu-
lier » au sens de la loi. Un salarié m’a dit une fois : « Même
un jour de télétravail, c’est bénéfique. » Ce n’est pas une
vue de l’esprit. C’est la réalité.
CE PHÉNOMÈNE VA EXPLOSER ?
Ça ne va pas exploser, mais on ne va plus se poser la ques-
tion à l’avenir. Ceux qui ne voudront pas utiliser le télétravail
seront moins attractifs pour les jeunes générations.
LA LÉGISLATION DOIT S’IMPOSER AUX
ENTREPRISES ?
Pas plus qu’elle ne le fait actuellement. La législation
donne un cadre et quelques règles fondamentales.
Comme il s’agit d’un projet d’organisation du travail, c’est
un sujet de négociation sociale, plus que de loi. En France,
la législation a été un élément de déblocage, car on voyait
bien que les gens n’en pouvaient plus des transports.
QU’EST-CE QUE LE « COWORKING » ?
Le principe de base d’un tiers-lieu est d’être un lieu des-
tiné à accueillir des personnes qui travaillent en offrant un
cadre et des services professionnels, tout en étant loca-
lisé à proximité des domiciles des personnes qui devraient
autrement effectuer de longs et pénibles trajets domicile/
travail. Le « coworking » a été crée à l’initiative de citoyens
qui étaient indépendants pour briser la solitude et avoir un
environnement pour échanger. A ce jour, ce sont plus les
indépendants qui utilisent le système.
LE TÉLÉTRAVAIL EST LA SOLUTION MIRACLE POUR
LES SALARIÉS QUI VIENNENT CHAQUE JOUR DE
FRANCE OU D’ITALIE POUR TRAVAILLER À MONACO ?
Je ne sais pas s’il y a des solutions miracles. Par contre,
il y a des solutions qui peuvent améliorer le quotidien des
salariés qui doivent se déplacer vers les locaux de leur
employeur et qui perdent beaucoup de temps de vie car
les routes sont encombrées et dangereuses. Ce qui est
le cas de beaucoup de Français qui travaillent à Monaco,
étant donné la géographie locale, le réseau routier et les li-
mites des transports en commun.
POUR LA PRINCIPAUTÉ, IMPOSSIBLE D’ÉCHAPPER
AU TÉLÉTRAVAIL ?
Comme pour tout le monde, surtout lorsque l’accès au lieu
de travail n’est pas commode. Il y a beaucoup d’espaces
de « coworking » qui se montent dans l’arrière-pays en Pro-
vence-Alpes-Côte d’Azur (Paca). Ce n’est pas pour rien !
MONACO A PRIS DU RETARD SUR CETTE QUESTION ?
Je n’ai jamais entendu parler de Monaco comme d’un
grand pionnier du télétravail. Par contre, la prise de
conscience de la réalité de la vie de travail des transfronta-
liers montre une volonté d’apporter des solutions pratiques
et adaptées à la société actuelle lorsque c’est possible.
LE TÉLÉTRAVAIL POURRAIT ENGENDRER UN CERCLE
VERTUEUX POUR L’ÉCONOMIE MONÉGASQUE ?
J’ai du mal à répondre car je ne connais pas suffisamment
bien l’économie monégasque. Mais, à partir du moment
où les salariés seront moins stressés, plus productifs et
moins absents… il y a les ingrédients d’un cercle vertueux
à animer.
fontanet@monacohebdo.mc
@asfontanet
« A PARTIR DU
MOMENT OÙ
LES SALARIÉS
SERONT MOINS
STRESSÉS, PLUS
PRODUCTIFS
ET MOINS
ABSENTS…
IL Y A LES
INGRÉDIENTS
D’UN CERCLE
VERTUEUX À
ANIMER »