Retour d'expérience doctorale sur la question de l'épistémologie en sciences de l'information et de la communication (SIC).
Présenté en 2014 et 2016 auprès de jeunes chercheurs dans le cadre de l'association REPLIC.
4. La question de l’épistémologie
« De tradition et de vocation, l'épistémologie est le lieu où se débat
de la manière la plus particulière et précisée le problème
philosophique de la vérité ; le lieu où ce problème est projeté,
circonscrit, déterminé, effectué. C'est le support où toute théorie
de la connaissance, quelle qu'elle soit, est obligée d'aller prendre
ses valeurs. » (Michel Serres, 1969)
=> Quel cadre théorique constitue le « socle » de notre recherche ?
Dans quelle(s) discipline(s) ?
=> Pourquoi ces choix ?
=> Quel positionnement cela implique-t-il (choisir, c’est renoncer)
par rapport à l’objet étudié ?
=> Ce positionnement est-il clair ? Précis ?
5. « Chercheur-doctorant » ?
• Nous sommes en apprentissage
• Nous avons droit à l’erreur…
• … mais il est bon de l’anticiper
• Sur les questions d’épistémologie :
• Faire des recherches (livres, articles = Escarpit, Meunier &
Peraya…)
• Bien se renseigner sur les SIC et les disciplines éventuellement
mobilisées dans le travail de thèse,
• Demander aux collègues (de tout niveau),
• Se demander comment un extérieur percevra votre approche,
• Etc.
6. Les SIC
• Les questions d’épistémologie sont complexes pour tout le
monde
• Idem pour la définition des SIC
• Inter-disciplinaires ?
• Pluri-disciplinaires ?
• Trans-disciplinaires ?
• Prendre conscience de ce qu’est une discipline (cadre
théorique, outils méthodologiques, approche scientifique…)
écouter différents chercheurs de différentes disciplines sur
un même sujet pour comprendre…!
7. Les erreurs possibles
• Ne pas expliquer clairement en quoi l’objet de la thèse est
info-communicationnel :
• Cadre théorique en SIC ou à relier aux SIC, en replaçant son objet
• Questions info-communicationnelles explicites et propres aux SIC,
plus que des questions qui peuvent relever des Sc. de l’Education
ou de la psychologie…
• … via un vocabulaire explicite.
• Ne pas aborder les questions de pluri/transdisciplinarité,
même de manière succincte, en justifiant votre choix.
Avoir une posture claire et argumenter son choix.
8. Comment se rattraper ?
• Si la thèse est déjà quasiment écrite, soit :
• Il est encore temps de modifier certaines parties
• La date butoir est très proche : ajouter une partie (possible en
introduction, en partie théorique ou méthodologique…)
expliquant son positionnement = cela montrera au moins que
vous vous êtes posés la question
• Si la thèse est déjà déposée :
• Préparer la soutenance : la question du positionnement
épistémologique semble fréquente en SIC
• Au mieux, les rapports orienteront sur cette question (il vaut
mieux être fortement critiqué avant que pendant la soutenance !)
• S’ils ne le font pas : se préparer au cas où !
10. La question de l’épistémologie
« De tradition et de vocation, l'épistémologie est le lieu où se
débat de la manière la plus particulière et précisée le problème
philosophique de la vérité ; le lieu où ce problème est projeté,
circonscrit, déterminé, effectué. C'est le support où toute théorie
de la connaissance, quelle qu'elle soit, est obligée d'aller prendre
ses valeurs. » (Michel Serres, 1969)
=> Comment questionner le terrain ? (ex. des individus)
=> Position de l’observateur (réalité relative)
=> Posture du doute permanent (et si je me trompais ?)
=> On produit de la connaissance => subjectivité
11. De la nécessitéde questionnersa posture
• Car le (jeune) chercheur modifie parfois ce qu’il étudie
… sans même s’en rendre compte
• Influences selon la manière même dont est étudié l’objet
• Approche d’un problème par un « angle » choisi ou contraint
• Car d’autres ont fait des erreurs avant nous
• Par tradition dans les SIC : qui sommes-nous, comment travaillons-
nous, quelle est notre légitimité ?
• Par plaisir intellectuel !
Terrain
Chercheur
en mouvement ?
?
Approche écologique ?
Echantillon ?
Posture ?
12. Premiers pas…
• J’étais jeune et insouciant
• Positivisme et déterminisme = passé de « matheux », appréhension
de l’être humain maladroite par un excès d’objectivisme
• Difficultés de cette approche : étudier un système complexe sous la
forme de déterminismes ne convient pas => non généralisation, trop
d’éléments à prendre en compte…
• Méconnaissance du concept d’épistémologie
• Critique et acceptation : l’être humain est complexe, il est inscrit dans
un écosystème, qu’il influence et qui l’influence. On observe de
grandes tendances, pas des vérités généralisables.
• Constructivisme = de par sa recherche, le chercheur influence l’objet
(ex : entretiens, questionnaires => « on était content qu’on
s’intéresse à nous ») - cf. expérience Hawthorne, E. Mayo, 1924-32).
13. Méthodes d’investigation
• Outils méthodologiques (~ sociologie, psychologie) :
• Questionnaires :
=> Aperçu superficiel sous forme de statistiques
=> Permet d’éprouver des hypothèses avec outils mathématiques
• Entretiens :
=> Précisions et confirmations des observations statistiques. On cherche à
mieux comprendre.
=> L’humain est un système complexe… et chaotique ! Vivant dans un
monde complexe… et chaotique !
=> On ne peut pas tout savoir : il faudrait connaître les individus rencontrés
=> On considère qu’ils ne mentent pas
14. Méthodes d’investigation
• Questionnaires :
• Marge d’erreur (surtout en SHS)
• Qui sont les répondants et… les non répondants ? => profils
• /! Echantillonnage = peut-on généraliser ?
=> Penser à ces éléments pour concevoir le questionnaire et
être le plus précis possible
• Entretiens :
• Que cherche-t-on à recueillir ? Emotions, gestuelle, regards,
hésitations ? Représentations ? Eléments factuels (ex : actions
réalisées) ?
• Entretiens d’explicitation, semi-directifs, directifs…?
• Concevoir une grille d’entretien a priori si le cadre théorique le
permet
15. Posture épistémologique : entretiens
• Posture compréhensive :
• « comprendre, c’est perdre un peu de soi pour gagner un peu de
l’autre, accueillir l’inconnu pour se dégager du connu » (Paillé &
Mucchielli, 2008)
• Recueillir « le vécu et le ressenti d’un autre homme […] à partir d’un
effort d’empathie, des significations dont tous les faits humains et
sociaux étudiés sont porteurs » (ibid.)
• Attention : empathie n’est pas sympathie ; avoir du recul, ne pas faire
de sentimentalisme, tout en restant humain !
Froid
Insensible
Non empathique
Affecté
Sentimental
Romantique
Chercheur
16. Posture épistémologique : entretiens
• Influences ?
• Toujours approfondir (« pourquoi », « en quoi », « comment »…)
pour obtenir du factuel, aider à se rappeler
• « Des gens très gentils ça s’est bien passé […] on renvoie une copie
on demande des choses ça s’est très bien passé, très courtois, très
encourageants, très chouettes » (Inès)
=> Très gentils ? Ça s’est très bien passé ? Encourageants ?
Chouettes ?
• L’idée est de limiter l’interprétation car :
• Elle dépend du chercheur qui analyse
• Elle est source d’erreurs
• Elle augmente la subjectivité du résultat
=> Plus on est précis dans les informations demandées, plus on limite
la subjectivité (rappel : postulat de base = l’apprenant ne ment pas)
17. Postureépistémologique: questionnaires
• Influences ?
• Thématiques du questionnaire = créent une ambiance
• Formulation des questions :
Ex : « Avez-vous eu des conflits avec les enseignants ? »
=> /! sous-entendu
=> « Comment sont vos relations avec les enseignants ? »
neutre
• Le chercheur interprète avec ses yeux => le cadre théorique doit
aider à prendre de la distance
• On observe des tendances, rarement des vérités générales (pas
de déterminisme)
• /! aux statistiques : des erreurs/approximations possibles,
involontairement, selon la manière de traiter ou présenter les
résultats => culture de base nécessaire
19. Quelques questions…
• Vous sentez-vous légitime dans la recherche ?
• Si non : vous n’êtes pas seuls !
• L’épistémologie et la posture du chercheur sont toujours
floues pour vous ?
• Si oui : vous n’êtes pas seuls !
• Osez faire des erreurs ! Osez dire que vous ne savez pas ! Osez
demander du soutien ! Osez être insuffisants !
• Mais ne vous complaisez jamais dans l’insuffisance… ;-)
20. Comment se préparer ?
• Le directeur de thèse est là pour aider sur ces questions
difficiles
• Poser des questions à docteurs ayant récemment soutenus :
qu’est-ce qui a posé problème ? Et si c’était à refaire, que
changerais-tu ? Etc.
• Un regard extérieur sur son travail est important :
• Demander à d’autres chercheurs
• Présenter sa thèse dans des colloques, séminaires, etc.
• Et si possible, face à des chercheurs de sa discipline ou d’autres
disciplines : ici aussi, mieux vaut être critiqué avant la soutenance !
24. Conseils bibliographiques
• Berbaum, J. (s. d.). Etude systémique des actions de formation.
• Bizeul, D. (2006). Les ressorts psychologiques sont-ils des faits ? In La
méthodologie qualitative : postures de recherche et variables de terrain.
Armand Colin.
• Durand, D. (1979). La systémique, Que Sais-Je. PUF.
• Le Moigne, J.-L. (2010). Les épistémologies constructivistes. Paris: [diffusion]
Cairn.info.
• Lesourne, J. (1976). Les systèmes du destin. Dalloz.
• Morin, E. (1990a). Introduction à la pensée complexe. [Paris]: Seuil.
• Morin, E. (1990b). Science avec conscience. Paris: Fayard : Le Seuil.
• Morin, E. (1977). La Méthode. Tome I. Paris: Seuil.
• Serres, M. (1984). Hermès Tome 1: La Communication. Éditions de Minuit.
• St-Arnaud, Y. (1979). La psychologie: modèle systémique. Presses de
l’Université de Montréal.
• Watzlawick, P. (1980). Le langage du changement : éléments de
communication thérapeutique. Paris: Editions du Seuil.