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Jean Calvin et l’Ancien Testament
Christian Adjémian
Faculté de théologie réformée FAREL
Le travail de Jean Calvin sur l’Ancient Testament est énorme.
Je n’aurai pas le temps d’étudier le travail de Calvin dans tout l’Ancien Testament. Je vais surtout
vous présenter ce que Calvin écrit sur le Pentateuche, la Torah de Moïse, et particulièrement sur la
Genèse.
Pour Jean Calvin la chose la plus importante dans son approche de l’Ancien Testament c’est l’humilité:
Dans sa préface pour son Commentaire sur la Genèse il écrit:
J’ai voulu user de cette préface non seulement pour m’excuser mais pour avertir les
lecteurs, s’ils veulent bien profiter avec moi à méditer les uvres de Dieu, qu’ils y
apportent un esprit sobre, docile, débonnaire et humble (Calvin, J. 1978, 17).
Débonnaire veut dire « doux, bienfaisant » dans la langue de Calvin, selon le Dictionnaire de
l’Académie française de 1694. La personne qui connaît Dieu est la seule qui pourra lire l’Ancien
Testament avec compréhension. Donc, et l’expositeur et le lecteur doivent avoir certaines caractéristiques
2. pour comprendre l’Ancien Testament. Calvin note que cette personne:
Bien plus, cette personne n’évite pas seulement de mal faire par crainte d’une punition,
elle honore Dieu avec humilité comme maître et supérieur parce qu’elle l’aime et le
révère comme un père; bien qu’elle ne craigne pas l’enfer, elle a horreur de l’offenser.
Telle est la vraie et pure religion: une foi conjointe à une vive crainte de Dieu,
crainte pleine de révérence spontanée, accompagnée d’une service volontaire et conforme
à la Loi de Dieu (Calvin, J. 2009, I.2.2, 8) .
Moïse «est organe du Saint-Esprit pour publier les choses qu’il était besoin à tous de connaître.»
(Calvin, J. 1978, 18). Möise a commencé son livre par la création du monde, afin de nous mettre Dieu
devant les yeux comme visible par la vue de ses créatures (Calvin, J. 1978, 17). Calvin se méfie des
hommes:
…
Mais parce qu’il n’y a rien d’aussi facile chez les hommes que de corrompre la vérité de
Dieu, au point qu’elle s’abâtardisse quasi d’elle-même par succession de temps, afin
qu’on retînt une histoire pure, le Seigneur a voulu qu’elle fût mise par écrit (Calvin, J.
1978, 18).
Dans l’Institution chrétienne, au tout début, il écrit comment l’homme face à Dieu est «la cause de
la crainte et du tremblement qui ont accablé les saints toutes les fois qu’ils ont senti la présence de Dieu.»
(Calvin, J. 2009, I.1.3, 5) Il cite aussi les paroles d’Abraham quand il «s’approche pour contempler la
majesté de Dieu», Genèse 18:27, Abraham reprit, et dit: Voici, j'ai osé parler au Seigneur, moi qui ne
suis que poudre et cendre.
La tâche de l’expositeur
Parker note (Parker 1986, 81)que Calvin dans sa dédicace pour le Commentaire sur l’Épître aux
3. 3
Romains , décrit la tâche de l’expositeur:
«…la principale vertu d’un expositeur consiste en une brièveté facile et qui ne comporte
point d’obscurité. Et de fait, comme quasi tout son office est compris en ce seul point, à
savoir de bien déclarer et découvrir l’intention de l’auteur qu’il a entrepris d’exposer,
dans la mesure où il mène les lecteurs hors de celle-ci, dans cette mesure il s’éloigne de
son but ou du moins extravague (sort) quelque peu hors de ses limites.» (Calvin, J.
1978, p.7)
Richard Gamble a fait une analyse de la méthodologie de Calvin (Gamble 1985, 16):
Rhétorique frivole and brevitas et facilitas stand in stark contrast to each other.
Rhétorique frivole is condemned by Calvin as being contrary to Paul’s admonitions.
Brevitas et facilitas, although in part a Renaissance ideal, rightly summarizes the
rhetorical method of the Bible as Calvin understood it. It is then on the basis of
attempting to conform his own methodology to that of the Bible that Calvin follows the
method of brevitas et facilitas.
David Puckett a aussi fait une analyse de la méthodologie de Calvin pour l’interprétation de
l’Ancien Testament (Puckett 1995). Calvin dans la préface de son Commentaire sur la Genèse explique à
quoi servents les Écritures:
Nous ne connaissons Dieu, qui est invisible, que par ses uvres. … C’est la raison pour
laquelle le Seigneur, pour nous convier à sa connaissance, nous propose devant les yeux
l’ouvrage des cieux et de la terre, et se manifeste en eux. Car aussi sa puissance éternelle
et sa divinité, comme dit S.Paul (Rom 1:20), y reluisent (Calvin, J. 1978, p. 18).
4. Selon Calvin la Bible nous est donnée pour que nous arrivions à connaître Dieu.
[Dieu] il a ajouté un nouveau remède (comme il en était besoin), du moins il a étayé la
rudesse de notre entendement par une autre aide. Car il nous a baillé (donné) l’Écriture
pour guide et maîtresse, et par elle non seulement il démontre mais contraint presque à
voir ce qui passerait par-devant nos yeux sans nous laisser aucune intelligence, tout
comme is on baillait (donnait) des lunettes ou des miroirs à ceux qui ont la vue débile. A
cela travaille Moïse, comme il a été dit. Car si l’enseignement du ciel et de la terre, qui
sont muets, suffisait, la doctrine de Moïse serait superflue. Ce héraut est donc ajouté pour
nous réveiller et nous rendre plus attentifs, afin que nous sachions que nous sommes en
ce théâtre pour y contempler la gloire de Dieu, non seulement comme témoins mais aussi
afin que nous jouissions de toutes les richesses qui y sont déployées, comme le Seigneur
les a destinées et assujetties à notre usage (Calvin, J. 1978, 20).
Le ministère de Moïse est bien important selon Calvin:
Davantage, parce que la Parole éternelle de Dieu est la vive et expresse image de Celui-
ci, il nous y ramène. D’où s’ensuit ce que dit l’Apôtre, qu’on ne peut entendre que par la
foi que les cieux ont été ordonnés par la Parole de Dieu (Héb 11:3). Car la foi vient
proprement de ce qu’étant enseignés par le ministère de Moïse, nous ne vaguons point en
des spéculations vaines et frivoles mais contemplons le seul et vrai Dieu en sa vraie et
naïve image (Calvin, J. 1978, 20).
L’argument principal de la Genèse, selon Calvin est ceci. Nous verrons qu’il va développer «les
principaux articles» dans son Commentaire.
Car voici l’argument du livre. Après que le monde a été créé, l’homme y a été mis
5. 5
comme en un théâtre, afin que regardant en haut et en bas les merveilleux ouvrages de
Dieu, il adorât en révérence leur auteur. Secondement, toutes choses sont destinées à
l’usage de l’homme, afin qu’étant plus obligé à Dieu il s’adonnât et dédiât entièrement à
son service. Troisièmement, il a reçu intelligence et raison, afin qu’étant séparé des bêtes
brutes il pensât à une meilleure vie, ou plutôt tendît droit à Dieu, dont il portait l’image
gravée en lui. Après s’ensuit la chute, par laquelle Adam s’est aliéné de Dieu, d’où il est
advenu qu’il a été privé de toute droiture. Ainsi Moïse constitue l’homme vide de tout
bien, aveugle d’entendement, pervers de ce ur, corrompu de toutes parts, coupable de
mort éternelle, mais il ajoute aussitôt l’histoire de sa restauration, en laquelle Christ
apparaît et reluit avec la grâce de sa rédemption. De là il poursuit, par un ordre
continuel, la singulière providence de Dieu à gouverner et entretenir son Eglise, et puis il
nous recommande le vrai service de Dieu, déclare en quoi consiste le salut des hommes et
nous exhorte par les exemples des Pères à porter constamment la croix. Quiconque donc
veut bien profiter en ce livre, qu’il rapporte sa pensée à ces principaux articles (Calvin, J.
1978, 21).
Voici l’argument du livre selon Calvin « avec ses principaux articles. » 1) l’homme est dans le
monde comme dans un théâtre de la gloire de Dieu. 2) Dieu nous a tout donné pour notre usage. 3) Nous
portons l’image de Dieu et avons reçu intelligence et raison. 4) La chute va aliéner Adam de Dieu, Adam
n’a maintenant pas de droiture. 5) Moïse nous explique comment l’homme est déchu: aveugle, pervers de
c’ ur, entièrement corrompu, coupable de mort éternelle. 6) Moïse explique ensuite l’histoire de la
restauration de l’homme. 7) Dieu va gouverner son Église, et va préparer l’histoire d’Israël pour recevoir
le Messie et la rédemption. Nous allons surtout étudier les 6eet 7e principes.
Principalement, qu’il [Moïse] observe que depuis qu’Adam par sa mortelle chute s’est
perdu avec toute sa postérité, le fondement de notre salut, l’origine de l’Eglise, est
qu’étant retirés du profond des ténèbres par la pure grâce de Dieu, nous avons obtenu une
6. vie nouvelle, que les Pères ont joui de cette vie par la foi, puisque Dieu la leur a offerte
par la Parole, que cette Parole a été fondée en Christ et que tous les fidèles qui ont depuis
vécu ont été soutenus par la même promesse de salut par laquelle Adam fut redressé dès
le commencement. Ainsi la succession perpétuelle de l’Eglise est coulée de cette
fontaine, que les saints Pères, les uns après les autres, ont embrassé par la foi la promesse
qui leur était offerte et ont été assemblées en la famille de Dieu pour avoir une vie
commune en Christ (Calvin, J. 1978, 22).
On voit comment l’histoire de l’Église d’Israël est central pour Calvin. Il me semble que Calvin
s’est inspiré du 24e chapitre de Luc pour faire son analyse de l’Ancien Testament. C’est là où Jésus,
ressuscité, apparaît aux onze disciples et leur explique: Luc 24:44-48 Puis il leur dit: C'est là ce que je
vous disais lorsque j'étais encore avec vous, qu 'il fallait que s'accomplît tout ce qui est écrit de moi dans
la loi de Moïse, dans les prophètes, et dans les psaumes. 45 Alors il leur ouvrit l'esprit, afin qu'ils
comprissent les Écritures. 46 Et il leur dit: Ainsi il est écrit que le Christ souffrirait, et qu'il ressusciterait
des morts le troisième jour, 47 et que la repentance et le pardon des péchés seraient prêchés en son nom à
toutes les nations, à commencer par Jérusalem. 48 Vous êtes témoins de ces choses. Calvin dans ses
commentaires, explique ce qui est écrit dans la loi de Moïse, dans les prophètes et dans les psaumes à
propos de Christ. Nous allons surtout suivre l’histoire de l’Église selon Calvin dans la Genèse.
L’histoire de l’Église pour Calvin commence avec la vocation d’Abram
«C’est merveille que cet homme misérable et perdu soit préféré à tant de saints serviteurs de Dieu,
en sorte que l’alliance de vie réside en lui, que l’Église soit suscitée de lui et qu’il soit ordonné père de
tous les fidèles. Mais Dieu l’a fait exprès, afin de magnifier d’autant plus sa grâce en sa personne. En cela
nous connaissons comment la seule miséricorde de Dieu suscite de rien ce qui n’est point, pour
commencer à être quelque chose. » (Calvin, J. 1978, 192). Calvin voit la vocation d’Abram comme un
acte gratuit de Dieu. Ce avec quoi l’apôtre Paul commence le quatrième chapitre des son Épître aux
7. 7
Romains 4:1-2 Que dirons-nous donc qu'Abraham, notre père, a obtenu selon la chair ? 2 Si Abraham a
été justifié par les oeuvres, il a sujet de se glorifier, mais non devant Dieu. Calvin ajoute ceci, au sujet de
la vocation d’Abram:
« Cette vocation d’Abram est un exemple bien excellent de la miséricorde gratuite de
Dieu. Abram avait-il prévenu Dieu par quelque mérite de ses uvres? Etait-il venu vers
lui? Avait-il acquis sa faveur? Au contraire, il l’avait grièvement offensé. Il nous faut
toujours rappeler ce que j’ai amené du sermon de Josué (Josué 24), qu’il était plongé en
la fange d’idolâtrie. Maintenant Dieu lui tend la main de son bon gré pour le ramener de
son erreur. » (Calvin, J. 1978, 192)
Gen 12:1 L'Éternel dit à Abram: Va-t-en de ton pays, de ta patrie, et de la maison de ton père,
dans le pays que je te montrerai.
« Voici un autre examen pour éprouver la foi d’Abram. Car pourquoi Dieu ne lui désigne-
t-il immédiatement la terre, sinon pour tenir son serviteur en suspens et mieux
expérimenter comment il est adonné à sa Parole? … C’est bien aussi la vraie épreuve de
notre obéissance, quand nous ne sommes point sages en nous-mêmes mais nous
remettons entièrement au Seigneur.» (Calvin, J. 1978, 192)
L’histoire de l’Église chez Calvin est étroitement liée à la Parole de Dieu. Quand l’Église est
infidèle à la Parole de Dieu, ce n’est plus l’Église. Au deuxième verset, Dieu ajoute: Gen 12:2 Je ferai de
toi une grande nation, et je te bénirai; je rendrai ton nom grand, et tu seras une source de bénédiction.
Calvin écrit ceci:
Jusqu’à présent, Moïse a dit ce qui était commandé à Abram. Maintenant, il conjoint la
promesse avec le commandment, et non sans cause: car, comme nous sommes paresseux
8. à obéir, le Seigneur commanderait en vain s’il n’ajoutait la confiance de sa grâce et de sa
bénédiction pour nous donner courage. J’ai déjà touché cela en l’histoire de Noé, mais je
le redis pas maintenant sans cause; car ce passage mérite bien qu’on en dise quelque
chose et la répétition d’une docttrine de si grande importance ne doit point sembler
superflue, car il est certain que la foi ne peut consister [être, exister] si elle n’est fondée
dans les promesses de Dieu, et c’est la foi seule qui engendre l’obéissance. Aussi, afin
que les cp urs soient formés à suivre Dieu, il ne suffit point qu’il commande simplement,
s’il n’ajoute en même temps sa bénédiction (Calvin, J. 1978, 194).
Bien sûr, Abram devra par la foi, saisir les promesses de Dieu. Calvin commente ici ce qui se
passe chez Abram. Parker écrit: « Character-study plays a large part in Calvin’s expositions of narrative.
What the characters were like within themselves, why they acted this way or that way, what their aims
and hopes were, how experience affected them, how the inter-action of characters produced such a
result.» (Parker 1986, 104).
«… aussi, voyant que sa femme était stérile, il saisit néanmoins par l’espérance, en la
parole de Dieu, une grande nation qui lui est promise. Ésaïe aussi (És 51:2) exalte
magnifiquement cette grâce: Isaïe 51:2 Portez les regards sur Abraham votre père, Et sur
Sara qui vous a enfantés; Car lui seul je l'ai appelé, Je l'ai béni et multiplié. …que Dieu
a fait croître en une si grande nation son serviteur Abraham, qu’il a trouvé seul. Le mot
goï c’est-à-dire nation est en détestation aux Juifs, et toutefois il est pris par honneur en
ce passage comme en beacoup d’autres. Cela aussi importe que non seulement il doive
avoir un bien grand lignage de sa postérité, mais un peuple à part et séparé des autres qui
ait son nom spécial et particulier.» (Calvin, J. 1978, 194)
Calvin continue avec une analyse du troisième verset: Gen 12:3 Je bénirai ceux qui te béniront,
et je maudirai ceux qui te maudiront; et toutes les familles de la terre seront bénies en toi. Il écrit que ce
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texte ne veut pas dire que le nom d’Abram sera pris comme un proverbe quand on bénit ses enfants ou
amis…:
«…car je pense qu’est promis, en ce chapitre, ce qu’il répétera plus clairement au vingt-
deuxième (22:18); ce à quoi me mène aussi l’autorité de S. Paul (Gal 3:17), qui dit que la
Promesse, quatre cent trente ans avant la Loi, a été faite à la postérité d’Abraham, c’est-à-
dire Christ.… A mon jugement, Dieu prononce donc que toutes les nations seront bénies
en son serviteur Abraham, parce que Christ était enclos en ses reins » (Calvin, J.
1978, 195).
Il continue son commentaire sur l’Église, en allant au Deutéronome et chez Ésaïe.
« Quand il est dit au Deutéronome (Deut 10:8), en Esaïe (Es 65:16) et en d’autres
passages semblables, qu’Israël se bénira au Dieu vivant, c’est chose bien évidente que
Dieu est dit la fontaine de tous les biens, afin qu’Israël ne demande ailleurs aucun bien.
Vu donc que la locution est ambiguë, il faut nécessairement qu’ils m’accordent qu’on doit
choisir l’un ou l’autre sens, selon qu’il convient mieux au fait et à la cause. Or S. Paul a
pris cette maxime, qui est reçue de tous les fidèles et doit être tenue pour confessée, que
tout le genre humain est sujet à la malédiction et qu’en conséquence le saint peuple est
béni par la seule grâce de Dieu. De là il conclut que l’alliance du salut, que Dieu a faite
avec Abram, n’est point ferme ni stable sinon en Christ. J’expose donc ce passage en
cette manière, que Dieu promet la bénédiction à son serviteur Abram, laquelle après
découle et s’étand sur tous les peuples. Mais pas ce qu’il faudra expliquer cette matière
plus au long en un autre endroit, je ne fais à présent que la toucher en bref. » (Calvin, J.
1978, 195–196).
Au chapitre 17, Dieu vient parler avec Abram pour lui répéter l’alliance. Gen 17:1 Lorsque
10. Abram fut âgé de quatre-vingt-dix -neuf ans, l'Éternel apparut à Abram, et lui dit: Je suis le Dieu tout-
puissant. Marche devant ma face, et sois intègre. 2 J'établirai mon alliance entre moi et toi, et je te
multiplierai à l'infini. 3 Abram tomba sur sa face; et Dieu lui parla, en disant… Dans l’Institution, Calvin
écrit:
«…l’alliance conclue avec les patriarches présente un contenu et une vérité si semblables
à ceux de la nôtre que l’on peut dire que c’est la même; elle en diffère dans sa
dispensation…» Il ajoute: «Premièrement, le Seigneur n’a pas proposé aux Juifs un
bonjeur ou une richesse terrestre comme un but à atteindre; il les a adoptés avec
l’espérance de la vie et il leur a révélé et attesté cette addoption par des visions ainsi que
par la Loi et le Prophètes. Deuxièmement, l’alliance qui les a liés à Dieu n’a pas été
fondée sur leurs mérites, mais sur la seule miséricorde du Seigneur. Troisièmement, les
Juifs ont eu et connu Christ comme Médiateur, qui les a liés à Dieu et les a faits
bénéficiaires de ses promesses.» (Calvin, J. 2009, II.x.2, 367)
Ici, le commentaire de Calvin sur la Genèse, retourne à la grâce de Dieu, et l’adoption d’Abram:
«Dieu, en offrant sa grâce à Abram, requiert de lui une affection pure de vivre justement
et saintement; Abram se prosternant déclare qu’il reçoit avec obéissance l’une et l’autre.
Ayons donc souvenance que par une même liaison de foi il faut conjoindre l’adoption
gratuite, en laquelle gît notre salut, avec la nouveauté de vie. Bien qu’Abram ne dise
mot, en se taisant il parle plus clairement que s’il criait à haute voix qu’il rend une pleine
et entière obéissance à la Parole de Dieu (Calvin, J. 1978, 258).
Dieu dit à Abram: Gen 17:4 Tu deviendras père d'une multitude de nations. Calvin commente
sur l’Église:
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« Mais Moïse a regardé plus loin: c’est que les païens devaient être insérés par la foi en la
race d’Abram, encore qu’ils ne fussent point engendrés de lui selon la chair, ce dont S.
Paul nous est un fidèle interprète et témoin, car il n’assemble pas les Arabes, Iduméens et
autres, pour faire d’Abram le père commun de plusieurs nations, mais il étend le nom de
père au monde entier, afin que les nations qui étaient autrement étrangères et bien
éloignées l’une de l’autre viennent de toutes parts pour être unis et conjointes en une
seule famille, celle d’Abram (Gal 3:7 reconnaissez donc que ce sont ceux qui ont la foi
qui sont fils d'Abraham.)» (Calvin, J. 1978, 259).
Toujours sur l’Église et la grâce de Dieu, Calvin ajoute:
« Abram n’a donc pas été appelé père de plusieurs nations parce que sa postérité dut être
répartie en diverses nations, mais plutôt parce qu’une grande variété de nations devait
être rassemblée en lui. Aussi le changement de nom lui est-il ajouté comme un signe: car
il commence à être appelé Abraham afin de l’avertir, par ce nom, qu’il ne sera point père
d’une seule famille mais qu’outre l’ordre commun de nature, il aurait une race qui
procéderait de cette multitude infinie. C’est pourquoi le Seigneur répète tant de fois cette
promesse, car la répétition avertit qu’il n’est point ici question de quelque chose de
vulgaire ou de commun.» (Calvin, J. 1978, p. 259)
Plus loin Calvin note ceci sur le texte du chapitre 22, dans le contexte du sacrifice d’Isaac. Gen
22:17 et ta postérité possédera la porte de ses ennemis. 18 Toutes les nations de la terre seront bénies en
ta postérité, parce que tu as obéi à ma voix.:
« Il signifie que la race d’Abraham sera victorieuse contre ses ennemis… Il nous faut
avoir mémoire de ce que j’ai auparavant traité de S. Paul touchant l’unité de la postérité.
Car nous recueillons de cela que la victoire n’est pas promise à tous les enfants
12. d’Abraham mais à Christ et à ses membres en tant qu’ils sont conjoints ensemble sous un
même Chef.… Toutefois l’unité dépend du chef; c’est pourquoi, toutes les fois que les
Prophètes veulent confirmer cette promesse de Dieu, ils prennent ce principe que sous
David ils seront unis en un même corps et que sans lui ils sont divisés (Calvin, J.
1978, 344).
Avant l’alliance avec Abraham, Calvin décrit comment était la terre:
« Au commencement, avant que cette alliance fût faite, la condition du monde entier était
une et égale. Mais dès qu’il a été dit: «Je serai ton Dieu et celui de ta descendance après
toi», l’Église a été séparée des autres nations, ni plus ni moins que la lumière est sortie
des ténèbres au commencement de la création du monde. Alors le peuple d’Israël a été
reçu comme le troupeau de Dieu en sa propre bergerie. Les autres nations ont erré comme
des bêtes sauvages par les bois et les montagnes ou par les déserts.» (Calvin, J.
1978, 260)
Dieu ajoute dans la rencontre avec Abraham au chapitre 17 de la Genèse: Gen 17:8 Je te
donnerai, et à tes descendants après toi, le pays que tu habites comme étranger, tout le pays de Canaan,
en possession perpétuelle, et je serai leur Dieu. Calvin commente:
«Ce seul mot nous enseigne clairement que cette alliance a été spirituelle non seulement
au regard de la vie présente, mais afin qu’Abraham conçût par elle un espoir du salut
éternel, et qu’étant élevé jusqu’au ciel il appréhendât une ferme et parfaite béatitude. Car
ceux que Dieu adopte pour être son peuple, il les institue aussi héritiers de la vie céleste,
en les faisant participants de sa justice et de tous les biens. Notons donc que c’est le
principal article de l’alliance, que celui qui est le Dieu des vivants et non pas des morts
sera le Dieu des enfants d’Abraham. Il s’ensuit, comme d’une addition ou d’un surcroît,
13. 13
qu’il leur donnera la terre. Je confesse bien que sous ce nom de la terre de Canaan une
chose plus excellente a été figurée. » (Calvin, J. 1978, 261)
Calvin, avec la circoncision, a développé ce que ce sont les sacrements. Il écrit:
«Premièrement, quand Moïse appelle la circoncision alliance de Dieu, nous recueillons de
là que la promesse de la grâce a été enclose en celle-ci. Car si c’eût été une marque ou un
signe de profession extérieure envers les hommes, le nom d’alliance ne conviendrait
nullement, puisqu’elle ne peut être autrement ratifiée que quand la foi lui répond. Et cela
est aussi commun à tous les sacrements d’avoir la Parole annexée, par laquelle Dieu
témoigne qu’il nous est propice et nous convie à l’espérance du salut. Qui plus est, le
sacrement n’est autre chose que la Parole visible ou la gravure et effigie de la grâce de
Dieu, pour donner un meilleur lustre à la Parole.» (Calvin, J. 1978, 262)
«Nous savons maintenant comment l’alliance se garde bien: c’est que la Parole précède et
qu’en la suivant nous embrassions le signe, comme un gage et un témoignage de la grâce
que nous avons reçue, car ainsi que Dieu nous assure plus étroitement la foi qu’il nous a
donnée par le signe qu’il nous a baillé (donné) comme écrit de sa main, aussi il requiert et
stipule de nous un consentement de foi et d’obéissance.» (Calvin, J. 1978, 262–263)
Calvin va ensuite faire le lien entre la circoncision et le baptême.
« Quiconque fait semblant de se contenter de la promesse nue et méprise le baptême,
celui-là foule aux pieds le sang du Christ pour autant qu’il est en lui; ou, pour le moins, il
ne permet point qu’il coule sur ses enfants pour les laver. Ainsi, un tel mépris est
accompagné d’une juste peine: c’est d’être privé de la grâce, parce qu’il a violé l’alliance
de Dieu, en établissant un divorce entre la Parole et le signe, ou plutôt en déchirant
14. l’alliance de Dieu.» (Calvin, J. 1978, 266)
Mais Calvin nie qu’il y ait une nécessité entre le signe et la promesse de grâce. «Y aurait-il rien de
plus absurde, si le signe anéantissait la vertu (puissance) de la chose pour la confirmation de laquelle on
dit que le baptême est nécessaire au salut, de telle sorte qu’elle ne lie point la grâce et la vertu de l’Esprit
de Dieu aux signes extérieurs et n’accuse finalement Dieu de mensonge et de tromperie.» (Calvin, J.
1978, 266).
Les épreuves d’Abraham.
Jésus dit à ses disciples, en Luc 22:28… Luc 22:28-30 Vous, vous êtes ceux qui avez persévéré
avec moi dans mes épreuves;29 c'est pourquoi je dispose du royaume en votre faveur, comme mon Père en
a disposé en ma faveur,30 afin que vous mangiez et buviez à ma table dans mon royaume, et que vous
soyez assis sur des trônes, pour juger les douze tribus d'Israël. Et l’Église aura ses propres épreuves, car:
Mat 10:24-25 Le disciple n'est pas plus que le maître, ni le serviteur plus que son seigneur. 25 Il suffit au
disciple d 'être traité comme son maître, et au serviteur comme son seigneur. Cette leçon nous est
enseignée par le père des croyants, Abraham. Calvin commente:
«Il n’avait eu aucun repos ni lieu arrêté jusqu’à l’âge de quatre-vingts ans, mais avait
toujours toujours vécu comme en exil continuel, tourmenté par beaucoup d’injures et
d’outrages et avait été mis en misère, souci et tremblement continuels, ayant bien à faire à
passer sa vie. La famine le jeta hors de cette terre en laquelle il s’en était allé par le
commandement de Dieu et il fut contraint de se retirer en Egypte. Sa femme lui avait été
ravie d’entre ses bras par deux fois. Il avait été séparé de son neveu. Il l’avait délivré des
mains des ennemis, au grand danger de sa vie, quand il fut pris en guerre. Il avait vécu
dans la stérilité avec sa femme, alors que son espérance dépendait de son lignage.
Finalement, après avoir obtenu un fils, il fut contraint de le déshériter et de le chasser loin
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de sa maison. Il ne restait qu’Isaac qui était son unique et singulière consolation. Il avait
paix en sa maison. Maintenant, Dieu foudroie soudainement du ciel contre lui, en lui
annonçant la mort de son fils. Le sens est donc que la foi d’Abraham a été beaucoup plus
rigoureusement éprouvée par cette tentation, comme par le dernier acte, qu’elle n’avait
été auparavant.» (Calvin, J. 1978, 336–337).
«Quelques tentations qui nous soient mises en avant, nous savons que la victoire est en nos mains
tant que enous serons munis d’une ferme foi: autrement nous ne pourrions jamais résister. » (Calvin, J.
1978, 337). Abram avait cette ferme foi, et les promesses de Dieu qui lui sont répétées. La dernière
épreuve d’Abraham et la plus sérieuse est advenue quand Dieu lui a dit d’immoler son fils Isaac. Le
commentaire de Calvin:
«Il est commandé à Abraham d’immoler son fils. Si Dieu eût seulement dit qu’il mourrait,
ce message lui eût plus que cruellement blessé le ci ur, car toute la grâce qu’Abraham a
pu espérer de Dieu était enclose en cette seule promesse: «En Isaac te sera suscitée une
postérité.» D’où il recueillait nécessairement que le salut et de lui et de tout le genre
humain périssait si Isaac ne demeurait sauf. Car il était enseigné par cette parole, à savoir
que Dieu n’est point propice aux hommes sans médiateur. Bien que cette sentence de S.
Paul ne fût point encore écrite, que toutes les promesses de Dieu sont en Christ oui et
amen (2Cor 1:20), toutefois elle était gravée dans le cm
1978, 338)
Pour Calvin, Abraham voyait déjà que les promesses de Dieu seraient accomplies par le Messie,
le Fils. Calvin tire de cet événement une leçon bien importante pour l’Église:
« Mais il faut noter comment il se dégage de ce ni ud qui était insoluble: c’est qu’il se
retire au refuge de la providence de Dieu: Dieu se pourvoira. Cet exemple nous est
16. proposé afin que nous l’imitions. Toutes les fois que le Seigneur commande quelque
chose, il survient beaucoup d’encombres qui nous affaiblissent; les moyens nous
défaillent; nous sommes destitués de conseil; il semble que tous les passages soient clos.
En de telles angoisses il n’y a qu’un seul remède, c’est que nous ne perdions point
courage. Si nous laissons l’événement à Dieu, il nous fera le chemin où il n’y en a point.
Car ainsi que nous faisons injure à Dieu en n’espérant pas de lui autre chose que ce que
nous pouvons comprendre, aussi nous lui faisons un bien grand honneur quand nous nous
reposons sur sa providence lorsque nous voyons tout en confusion.» (Calvin, J.
1978, 341)
On sait que Calvin dans l’Institution de la religion chrétienne a toute une section sur le
renoncement de soi-même, Livre III chapitre VIII. L’entête de ce chapitre est «Le principe fondamental de
la vie chrétienne le renoncement à soi-même.» (Calvin, J. 2009, 623). Abraham a démontré le
renoncement à soi-même par le sacrifice d’Isaac. Voici le commentaire de Calvin:
« Tout comme Abraham montre qu’il craint Dieu en n’épargnant point son propre fils,
aussi, quant à tous les fidèles, il est requis d’eux un témoignage commun de la même
crainte en ce qu’ils doivent renoncer à eux-mêmes. Et parce que Dieu nous enjoint une
continuelle bataille, il faut bien que chacun de nous se donne garde de demander congé
avant le temps.» (Calvin, J. 1978, 343).
Gen 22:15-18 L'ange de l'Éternel appela une seconde fois Abraham des cieux, 16 et dit: Je le jure
par moi-même, parole de l'Éternel ! parce que tu as fait cela, et que tu n'as pas refusé ton fils, ton unique,
17
je te bénirai et je multiplierai ta postérité, comme les étoiles du ciel et comme le sable qui est sur le
bord de la mer; et ta postérité possédera la porte de ses ennemis. 18 Toutes les nations de la terre seront
bénies en ta postérité, parce que tu as obéi à ma voix. On voit ici le rappel des promesses de l’alliance.
17. 17
«Ce que Dieu avait promis à Abraham avant qu’Isaac fût né, il le confirme et le ratifie
encore à présent, après qu’il est ressuscité et s’est levé de dessus l’autel, comme s’il fût
sorti hors du sépulcre pour avoir un triomphe plus accompli. L’ange parle en la personne
de Dieu, comme nous avons dit auparavant qu’ils sont vêtus de sa majesté afin que leur
ambassade ait une autorité plus grande. Mais il semble que ces deux choses ne
s’accordent pas bien, que ce qui avait auparavant été gratuitement promis soit maintenant
réputé comme une récompense. Nous savons que la grâce et le loyer (la récompense) ne
s’accordent pas bien ensemble. Or, comme la bénédiction qui est promise en la postérité
contient l’espérance du salut, il s’ensuit que la vie éternelle est rétribuée par les é uvres.»
(Calvin, J. 1978, 343)
Ici Calvin refute la doctrine Catholique Romaine du mérite des uvres.
«Et de fait, avant qu’Isaac fût né, cette promesse était ratifiée et n’a maintenant qu’une
confirmation. Si Abraham a mérité une telle récompense par sa vertu, la grâce de Dieu
qui l’a prévenu n’a eu nul effet! Afin que la vérité de Dieu, qui est fondée en sa bonté
gratuite, soit ferme et arrêtée, il faut donc tenir que ce qu’il donne gratuitement est appelé
le loyer (la récompense) des é uvres; non pas pour obscurcir la louange de sa bonté ou la
diminuer en quelque partie, mais seulement pour donner courage aux siens de s’adonner à
bien vivre, quand ils comprennent que le devoir qu’ils rendent lui est tellement agréable
qu’il les daigne bien rémunérer, sans toutefois payer cela comme une chose due mais en
donnant le titre de récompense à ses bienfaits, et en cela il n’y a nulle opposition. »
Nous quittons Abraham maintenant pour aller chez son petit-fils Jacob, qui est la continuation de
l’Église.
Jacob et le songe à Bethel.
18. Jacob est obligé de fuir son frère Ésaü. Il s’en va à travers le désert de Béer-Shéba et se couche
sur la terre. Et quand Jacob «est réduit à une extrême nécessité, le Seigneur lui tend aussitôt la main et le
soulage merveilleusement de ses fâcheries par un oracle excellent. » (Calvin, J. 1978, 418). Jacob a eu
une vision d’une échelle qui touchait la terre et le ciel. Au-desssus de l’échelle Dieu s’est manifesté et lui
a parlé. Ici, Calvin développe la doctrine du Médiateur, Jésus-Christ. Voir l’Institution de la religion
chrétienne, II.VI pour son chapitre sur le Médiateur (Calvin, J. 2009, 281). Voir aussi mon article dans
L’Actualité de Jean Calvin (Collectif 2009, 155–176). Alors l’échelle, selon Calvin, c’est Jésus-Christ et
les anges montent et descendent sur lui.
«Il est le seul Médiateur qui touche depuis le ciel jusqu’à la terre. C’est lui-même par qui
la plénitude de tous les biens célestes découle ici-bas sur nous et par qui nous aussi, de
notre côté, montons à Dieu. Et comme lui-même est aussi le chef des anges, il fait qu’ils
servent ses membres qui sont sur la terre» (Calvin, J. 1978, 419).
Calvin explique la vision, en commentant:
«Cette explication n’a donc rien de contraint si nous disons que l’échelle est l’effigie du
Christ. Car la similitude de l’échelle convient bien au Médiateur par lequel le ministère
des anges, la justice et la vie, et toutes les grâces du Saint-Esprit descendent comme par
des degrés jusqu’à nous. Et nous aussi, qui non seulement étions fichés en terre mais dans
l’abîme de la malédiction, et plongés dans les enfers, nous montons jusqu’à Dieu. Or, le
Dieu des armées est assis sur l’échelle, car en Christ habite toute la plénitude de la
divinité, et de là advient qu’il touche jusqu’au ciel. Car bien que toute puissance soit
donnée par le Père à sa nature humaine, toutefois il ne serait pas le vrai appui de notre foi
s’il n’était Dieu manifesté en chair.» (Calvin, J. 1978, 419).
Dieu rapelle à Jacob les promesses de l’alliance. Il lui rapelle qui il est: Gen 28:13-15 Et voici,
19. 19
l'Éternel se tenait au-dessus d'elle; et il dit: Je suis l'Éternel, le Dieu d'Abraham, ton père, et le Dieu
d'Isaac. La terre sur laquelle tu es couché, je la donnerai à toi et à ta postérité. 14 Ta postérité sera
comme la poussière de la terre; tu t'étendras à l'occident et à l'orient, au septentrion et au midi; et toutes
les familles de la terre seront bénies en toi et en ta postérité. 15 Voici, je suis avec toi, je te garderai
partout où tu iras, et je te ramènerai dans ce pays; car je ne t'abandonnerai point, que je n'aie exécuté ce
que je te dis. Le commentaire de Calvin:
«Notons que la postérité de Jacob a été ici opposée aux autres fils d’Abraham qui
descendaient de lui pêle-mêle selon la chair, et étaient retranchés de la nation sainte. Mais
depuis que les enfants de Jacob sont entrés dans la terre de Cannan, la succession leur a
été perpétuelle jusqu’à Christ par la venue duquel le monde a été renouvelé.» (Calvin, J.
1978, 420)
«Ainsi maintenant Dieu déclare que toutes les nations se béniront en Jacob et en sa
postérité parce que nulle félicité ne se trouvera nulle part sinon qu’elle parte de cette
fontaine. Au reste, il n’y a point d’inconvénient que ce qui est propre à Christ soit ici
transféré à Jacob dans les reins duquel Christ était encore. » (Calvin, J. 1978, 421).
Voici une des distinctions que Calvin ressort de l’Ancien Testament comparé au Nouveau.
«Car il a fallu que les Pères aient au commencement cheminé en une petite lumière,
comme de l’aube du jour. Le Seigneur s’est petit à petit manifesté à eux jusqu’à ce que
Christ, le Soleil de justice, se soit levé, où la clarté parfaite nous apparaît. C’est la raison
pour laquelle il s’est plus clairement manifesté à Moïse, auquel toutefois il n’a été permis
de le voir que par derrière (Ex 33:23). Mais parce qu’il était comme à mi-chemin des
patriarches et des Apôtres, il est dit qu’il a vu Dieu face à face (Ex 33:12) en
comparaison des pères auxquels il avait été caché. Or vu que Dieu s’est de plus près
approché de nous, c’est un saint désir de Jacob de connaître Dieu plus pleinement,
20. toutefois il lui est refusé parce qu’il s’avance outre les limites de son époque. Car le
Seigneur, coupant court à sa convoitise, lui commande de se reposer sur sa bénédiction
(Calvin, J. 1978, 475).
Quand Jacob est revenu dans la terre promise avec ses femmes et ses enfants. Il craignait Ésaü,
son frère. Dieu l’a rencontré à un lieu que Jacob appellerait Peniel (face de Dieu). Gen 32:30 Jacob
appela ce lieu du nom de Peniel: car, dit-il, j'ai vu Dieu face à face, et mon âme a été sauvée.
«La reconnaissance de notre père Jacob est ici derechef louée de ce qu’il a eu si grand
soin que la mémoire de la grâce de Dieu ne pérît jamais. Il laisse donc un mémorial pour
ses successeurs, par lequel ils connaissent que Dieu est apparu là, car aussi ce n’est point
une vision particulière mais appartenant à toute l’Église. Jacob ne dit point seulement
qu’il a vu la face de Dieu mais il rend aussi grâces de ce que son âme est délivrée de la
mort.» (Calvin, J. 1978, 476)
C’est ici que le nom de Jacob est changé à Israël. Il a aussi été sauvé d’Ésaü, et quand Israël est
arrivé à Sichem, au Pays de Canaan, Gen 33:20 Et là, il éleva un autel, qu'il appela El-Élohé-Israël.
«Car, puisque l’autel était un mémorial et un gage de toutes les visions et promesses de
Dieu, il l’orne de ce titre afin que toutes les fois qu’il regardera l’autel, il se souvienne de
Dieu. L’inscription de Moïse a ce même sens: Le Seigneur est mon aide (Ex 17:15);
pareillement celle dont Ézéchiel intitule la nouvelle Jésrusalem: Le Seigneur est là.
(Ézéch 48:35) (Calvin, J. 1978, 483).
Jacob, quand il est prêt à mourir en Égypte a parlé comme prophète pour ses fils. Calvin
commente le texte: Gen 49:10 Le sceptre ne s'éloignera point de Juda, Ni le bâton souverain d'entre ses
pieds, Jusqu'à ce que vienne le Schilo, Et que les peuples lui obéissent.
21. 21
Quant à la rophésie de Moïse en Genèse 49:10, Le sceptre ne s'éloignera point de Juda,
Ni le bâton souverain d'entre ses pieds, Jusqu'à ce que vienne le Schilo, Et que les
peuples lui obéissent. Calvin discute le sens du mot Schilo et adopte pour le sens du mot
son fils. (Ce qui n’a pas de sens en hébreu, car Schil ne veut pas dire fils.)
Il ajoute
«Mais derechef les Juifs discordent d’avec le sens du patriarche, et mal, en repportant ceci
à David. Car, comme je l’ai déjà dit, ce n’est pas l’origine du royaume qui est promise en
David mais une perfection accomplie dans le Messie.» (Calvin, J. 1978, 635)
Un peu plus loin Calvin met cette prophésie en accord avec Eze 21:31 (Héb) Ezekiel 21:26 Ainsi
parle le Seigneur, l'Éternel: La tiare sera ôtée, le diadème sera enlevé. Les choses vont changer. Ce qui
est abaissé sera élevé, et ce qui est élevé sera abaissé.
«Quand Ézéchiel prédit la ruine du royaume, il démontre assez comment le sceptre devait
être tenu par le Seigneur avant qu’il vînt dans les mains du Christ.» (Calvin, J.
1978, 636).
Un peu plus loin, Calvin écrit que les prophètes ont communément prédit la chute du royaume.
«La couronne donc n’a pas été renversée en un jour seulment, ni en un chef, mais par un
long espace de temps et en diverses sortes, jusqu’à ce que Dieu l’appropriât à son Christ,
le roi légitime (Calvin, J. 1978, p. 637).
22. Les autres livres de Moïse.
Calvin continue son commentaire du Pentateuche, la Torah. Mais quand il se tourne vers le reste
des livres de Moïse, l’Exode, le Lévitique, les Nombres, et le Deutéronome, il prend une toute autre
approche qu’il a suivi pour la Genèse. Il essaie d’abord de suivre un ordre chronologique. Cet ordre n’est
pas toujours suivi dans les autres livres de Moïse. Et Calvin réorganise les livres de Moïse en groupant les
textes doctrinaux sous les rubriques des Dix Commandements. Dans l’Institution, il explique la place de
la Loi:
La Loi expose une longue liste de bénédictions ett de malédictions pour le temps présent
(Lévitique 26.4-45; Deutéronome 28). Les punitions que Dieu énonce montrent combien
il est d’une grande pureté, puisqu’il ne peut souffrir l’iniquité. Quant aux promesses, elles
manifestent combien Dieu aime la justice, puisqu’il ne veut pas la laisser sans
rémunération; elles expriment aussi son immense bienveillance. Nous-mêmes et toute ce
que nous possédons, nous le devons à sa majesté, c’est donc à bon droit que tout ce qu’il
requiert de nous, nous le lui devons. Or, le règlement d’une telle dette déborde toute
comptabilité. C’est pourquoi Dieu se démet de son droit, lorsqu’il nous propose une
récompense pour notre obéissance qui n’est ni volontaire, ni due (Calvin, J.
2009, II.viii.4, 309).
Voici comment la sainteté de l’Église d’Israël doit être définie: par la Loi de Moïse. Calvin dans
l’Institution a un chapitre bien développé sur la Loi. Sous la rubrique «Le but de la Loi» il écrit:
Il n’est pas difficile, maintenant, de comprendre quel est le but de la Loi: une justice
parfaite pour que la vie de l’homme soit rendue conforme à la pureté de Dieu comme à
un archétype. Notre Seigneur a si bien dépeint sa nature dans la Loi que si quelqu’un
accomplissait ce qu’elle commande, il reproduirait dans sa vie l’image de Dieu.…
L’expression de cette sainteté se trouve dans deux articles: «Tu aimeras, l’Éternel, ton
23. 23
Dieu, de toute ton cR ur, de toute ton âme et de toute ta force» et «Tu aimeras ton
prochian comme toi-même» (6.5; 11.13; Lévitique 19:18; Matthieu 22:37-39). Le
premier recommande que notre âme soit entièrement remplie de l’amour de Dieu; de là
découlera l’amour du prochain. » (Calvin, J. 2009, II.viii.50, 351).
Mais dans son commentaire sur la Torah, les autres livres de Moïse, il commence avec l’histoire
de l’Exode (Ex 1-20). Quand les Israëlites sont devant la montagne au Sinaï où les Dix Commandements
sont donnés, Calvin commence à organiser toute la matière sous les commandements. C’est à ce point,
qu’il commence à mettre les commentaires d’Exode à côté de ceux de Deutéronome et de Lévitique et
Nombres. Souvent les études des évangiles nous sont présentées sous forme d’une harmonie synoptique.
Calvin a fait la même chose pour la Loi de Moïse. Ce qui consiste en un projet énorme, mais qui a un réel
success. Pour une introduction plus accessible à ce que Calvin pense de la Loi, il vaut mieux lire dans
l’Institution, au livre II, chapitre VIII, où Calvin enseigne «La Loi morale: les Dix Commandements»
(Calvin, J. 2009, 306–357). Calvin commence ce long chapitre avec le titre «Raisons pour lesquelles Dieu
nous a donné sa loi écrite.»
« Il me semble à propos d’intercaler, ici, un bref exposé des Dix Commandements, ce qui
éclairera ce que j’ai déjà dit, à savoir que le service que Dieu a établis est toujours valide.
Le second point, dont il a également été fait mention, se trovera confirmé: les Juifs n’ont
pas seulement été instruits de la vraie façon de servir Dieu, mais aussi, se voyant
incapables d’observer ce qui leur était commandé, ils ont été effrayés. Sachant à quel juge
ils avaient affaire, ils ont été ainsi comme obligés de s’en remettre au Médiateur. »
(Calvin, J. 2009, II.viii.1, 306).
Calvin continue à développer la doctrine de l’Église dans ses commentaires sur les quatre
derniers livres de Moïse. Par exemple, dans ce texte Exo 23:20 Voici, j'envoie un ange devant toi, pour te
protéger en chemin, et pour te faire arriver au lieu que j'ai préparé où Dieu donne des instructions à
24. Moïse et un encouragement, Calvin commente (ma traduction de l’anglais):
Mais, il n’y a pas besoin d’un longue discussion, car l’ange de leur liberation a déjà était
mentionné plusieurs fois. Ce point devrait maintenant être établie, qu’il n’y a pas ici
référence faite à un homme mortel. Et ce que nous avons dit doit être retenu, que
l’allusion n’est pas vers un ange commun, mais le Chef de tous les anges, qui est aussi le
Chef de l’Église. L’autorité de Paul doit nous suffir, quand il admoneste les Corinthies de
ne pas tenter Christ comme leurs pères l’ont fait dans le désert (1Cor 10:9). Nous devons
comprendre ceci par ce que Moïse en dit juste après: Exo 23:21 car mon nom est en lui
(Calvin, J. n.d., Exo 23:20).
Un peu plus loin dans son commentaire sur le Deutéronome 5:25 Et maintenant pourquoi
mourrions -nous? car ce grand feu nous dévorera; si nous continuons à entendre la voix de l'Éternel,
notre Dieu, nous mourrons. Calvin écrit que l’homme ne peut pas tolérer la grandeur et la gloire de Dieu,
s’il déscendait du ciel. « Cette histoire est une preuve que Dieu gouverne son Église par la parole prêchée,
car c’est ce qui est le mieux pour nous. » [ma traduction] (Calvin, J. n.d., Deut 5:25).
En conclusion.
Jean Calvin fait ressortir de l’Ancien Testament comment la Parole, le Christ, et l’Église sont les
trois doctrines principales enseignées. Son exégèse est basée sur la langue originale du texte, l’hébreu, on
le voit souvent discuter ce qu’un mot veut dire. Mais il place toujours le mot dans son contexte, faisant
une analyse linguistique, et historique, pour arriver à une explication du texte et une application pour
l’Église.
«Maintenant, on peut voir combien Paul a raison lorsqu’il dit que les Juifs ont été placé sous la
Loi (Galates 3:24) comme sous la surveillance d’un précepteur jusqu’à la venue de la descendance pour
qui la promesse a été faite. Comme Jésus-Christ ne leur était pas encore montré personnellement, les Juifs
25. 25
ont été, à cette époque-là, comme des enfants, leur ignorance et leur faiblesse ne pouvant supporter une
pleine connaissance des choses célestes » (Calvin, J. 2009, II.vii.2, 290).
Je vais terminer ma communcation en citant le texte de l’apôtre auquel Calvin fait référence:
Gal 3:24-29 Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous
fussions justifiés par la foi. 25 La foi étant venue, nous ne sommes plus sous ce pédagogue. 26 Car vous êtes
tous fils de Dieu par la foi en Jésus -Christ; 27 vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu
Christ. 28 Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme; car
tous vous êtes un en Jésus -Christ. 29 Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d'Abraham,
héritiers selon la promesse.
Nous voici, l’Église qui a reçu le Christ et la révélation du Nouveau Testament. Les Juifs étaient
dans les ombres, et nous sommes en plein soleil sous notre Roi et Saveur Jésus-Christ.
Bibliographie
Calvin, Jean. Commentaire: épître aux Romains. Aix-en-Provence et Fontenay-Sous-Bois: Kerygma
et Farel, 1978.
Calvin, Jean. Commentaire: le livre de la Genèse. Aix-en-Provence et Fontenay-Sous-Bois:
Kerygma et Farel, 1978.
------. Commentaries On the four last books of Moses
26. arranged in the form of A harmony. Translated by Rev. Charles William Bingham. www.ccel.org,
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Calvin, Jean. Institution de la religion chrétienne. Marie de Védrines et Paul Wells. Aix-en-Provence
et Charols, France: Kerygme et Excelsis, 2009.
Collectif. L’Actualité de Jean Calvin. Lausanne: L’Age d’Homme, 2009.
Gamble, Richard C. “Brevitas et Facilitas: Toward an Understanding of Calvin’s Hermeneutic.”
Westminster Theological Journal 47, no. 1 (Spring 1985): 1–17.
Parker, T.H.L. Calvin’s Old Testament Commentaries. Edinburgh: T. & T. Clark, 1986.
Puckett, David L. John Calvin’s Exegesis of the Old Testament. Columbia Series in Reformed
Theology. Louisville, Ky.: Westminster John Knox Press, 1995.