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    Les crises :




                                                                                                                                                              Analyses
    révélateurs de chaos
    ou incubateurs d'avenirs ?

P     lus personne ne peut prétendre être épargné par une crise
      majeure. Qu’il s’agisse de grands groupes a priori invulnérables,
d’États réputés pour la sophistication de leurs systèmes de sécurité, ou
                                                                                              xavier.guilhou@xag-conseil.com

                                                                           Xavier Guilhou est Président de XAG Conseil,
                                                                                                                                   Xavier Guilhou


de grands systèmes vitaux pour nos sociétés, tous ont subi ces dernières   cabinet spécialisé en prévention des risques et
années des crises sans précédents avec un crescendo de coûts qui ne        pilotage des crises. Il est également Président




                                                                                                                                                              L’interview !
peut laisser indifférent : Sony, suite à la cyber-attaque menée sur ses    du Comité de liaison Défense du Medef,
services en ligne depuis le début de l’année 2011, va devoir assumer       Conseiller du Commerce Extérieur de la
plusieurs centaines de millions de dollars de pertes ; l’impact du nuage   France, Auditeur de l'Institut des Hautes Études
de cendres du volcan islandais Eyjafjöll en avril et mai 2010 aurait coûté de la Défense Nationale et Expert de
                                                                           l'Association pour le Progrès du Management.
cinq milliards de dollars à l’économie mondiale, dont deux aux
                                                                           Auteur de nombreux ouvrages et articles
compagnies aériennes ; Tepco, l’opérateur nucléaire nippon, a annoncé      d’analyse et de réflexion, il dispose d’un site
le 11 mai 2011 pour neuf milliards de dollars de pertes (sans compter      web très riche : http://www.xavierguilhou.com
l’indemnisation des 85 000 personnes évacuées de Fukushima et les
conséquences à long terme de l’explosion des réacteurs de la
centrale). Nous pourrions ainsi continuer à énumérer des exemples jusqu’au record détenu pour l’instant par BP,
après l’explosion le 20 avril 2010 de la plateforme Deepwater dans le Golfe du Mexique. Sans parler des banques,
avec la couverture à venir des risques souverains que les États ne veulent ou ne peuvent plus assumer… 1




                                                                                                                                                              En pratique
                                                                                   véritable pandémie mondiale, qu’elle soit sanitaire ou
DE QUOI SE FAIRE PEUR...                                                           cybernétique ? Nous pourrions continuer à nous faire
                                                                                   peur en listant ainsi toutes les occurrences de risques
Ce constat ne touche pas uniquement les grands                                     possibles jusqu’à la désagrégation fatale d’un
opérateurs d’infrastructures critiques ou de réseaux                               astéroïde sur notre planète 2…
vitaux qui peuvent perdre chaque fois une à plusieurs
années de marge nette. Il en est de même au niveau
des États. Le moindre désastre naturel se chiffre                                  HEUREUSEMENT, LA VIE CONTINUE
instantanément en centaines de milliards de dollars
avec des niveaux de destruction massive qui sont                                   Pour autant, les opérateurs en question ne disparais-
équivalents aux effets d’une guerre, nécessitant                                   sent pas, les sociétés impactées ne se désagrègent
pour les collectivités touchées entre 10 et 20 ans de                              pas, et le système financier et bancaire, pourtant à
reconstruction. Que dire des grands risques                                        l’origine d’une crise considérable, arrive à survivre à
systémiques pour lesquels les chiffres seraient, selon                             ses turpitudes. Il semblerait que nos logiques de vie
les évaluations, de l’ordre du PIB d’un grand pays :                               soit tout simplement bien assurées et réassurées.
                                                                                                                                                              Zoom sur...


1 000 milliards de dollars pour les subprimes (équiva-                             Nous pouvons aussi imaginer, comme il faut bien que
lent du PIB espagnol), 15 000 milliards de dollars                                 quelqu’un paye à un moment donné la facture, que le
pour les seuls produits toxiques bancaires (équivalent                             client, l’usager, le citoyen soient finalement, et sans
du déficit américain ou du PIB de toute l’Europe…).                                trop le savoir ou en être conscients, les principaux
Que pourrions-nous projeter des conséquences d’une                                 contributeurs, et de fait les véritables amortisseurs de

(1) Cet article est extrait d’un texte initialement publié sous le titre « Crises et catastrophes : que faire ? » sur le site Diploweb.com, le 25 septembre
2011 (http://www.diploweb.com/Crises-et-catastrophes-que-faire.html). Diploweb.com, la revue géopolitique online. Diplomates, universitaires et
stratèges publient des analyses inédites sur ce site exclusivement consacré aux questions géopolitiques. Ce site est dirigé par Pierre Verluise, Docteur
en Géographie politique de l’Université Paris-Sorbonne, auteur de plusieurs ouvrages. Vous trouverez sur ce site expert, pluraliste et transparent de
nombreuses études de référence sur l’Union européenne, la Russie et la Communauté des États Indépendants... sans oublier l’Amérique du Nord et du
Sud, l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient. Le Diploweb.com met en ligne de nombreuses cartes.
(2) Le scénario Armageddon n’est pas qu’Hollywoodien : il préoccupe de nombreux laboratoires concernés par les aléas de la troisième dimension,
notamment la NASA, au travers du programme « Spaceguard Survey ». Voir sur le sujet, le site : http://neo.jpl.nasa.gov
22                                                                                                                             Accomex n° 100-101-


la couverture de ces nouvelles formes de risques                                  Fukushima, de Katrina ou de Port au Prince. Ce qui est
collectifs 3 via une mutualisation administrée et                                 presque étonnant, c’est que nous n’en n’ayons pas
masquée.                                                                          plus souvent quand on superpose la seule cartogra-
                                                                                  phie des risques sismiques et climatiques sur celle de
Une chose est certaine : non seulement les entre-                                 l’implantation humaine. Risques vis-à-vis desquels
prises, les villes, les pays touchés ont tenu le coup,                            l’homme est, il faudra bien l’admettre un jour avec un
mais ils se sont quasiment tous redressés en recti-                               peu plus d’humilité, totalement impuissant. Il peut à la
fiant leur niveau de vulnérabilité avec une force de                              rigueur les prévenir mais difficilement les maitriser.
réactivité étonnante. Pour les plus fragiles, ils ont été
au mieux rachetés ou placés sous contrôle 4, ce qui
aurait été de toute façon le cas sans un coup du sort.                            UNE SATURATION MÉDIATIQUE SOUVENT MORTIFÈRE
Finalement, l’ensemble de nos organisations résistent
plutôt bien et mieux que ce que les apôtres des                                   Aujourd’hui, nos opinions sont de plus en plus inter-
théories du chaos en matière de gestion de crise                                  pellées par la multiplicité des cas de désastres
peuvent nous prédire quotidiennement.                                             naturels ou de dysfonctionnements collectifs et par
                                                                                  leur gravité sous-jacente. Dans les faits il y a moins de
                                                                                  morts par guerres ou désastres qu’au 20ème siècle,
PARODOXES                                                                         mais le mode de représentation véhiculé par la puis-
                                                                                  sance instantanée des médias donne l’impression de
Il est évident qu’une humanité qui va vers 9 milliards                            l’inverse : le tsunami de mars 2011 sur Sendai
d’individus à l’horizon 2050 5 et qui mute à très                                 (30 000 victimes et disparus), détruisant 15 % du PIB
grande vitesse au niveau mondial avec des taux                                    japonais, n’aurait jamais eu le même impact sans
d’urbanisation qui passent de 40 % à 60 % (ce qui                                 Fukushima et l’explosion de ses réacteurs nucléaires
suppose d’énormes ruptures de paradigmes)                                         à 200 kilomètres de la plus grande mégalopole du
s’expose à des prises de risque qui n’ont rien à voir                             monde qu’est Tokyo. Celui qui a frappé les côtes de
avec le vécu des siècles précédents. Pour nos experts,                            l’Asie du Sud-Est le 25 décembre 2004 (230 000 vic-
souvent très pessimistes dans leurs modes de repré-                               times) serait aussi passé inaperçu s’il n’y avait pas eu
sentation des risques, il est toujours tentant de voir                            une partie de la jet-set occidentale en séjour sur les
dans le passé des avantages dont le confort de nos                                plages de Phuket en Thaïlande. Quant au volcan islan-
sociétés fait oublier la rusticité et la rugosité du quoti-                       dais, tout le monde l’aurait ignoré comme bien d’autres
dien. Pour autant, le monde tourne avec d’autres                                  éruptions dans le monde s’il n’avait pas cloué au sol
contingences pour 5 milliards d’individus et nous                                 huit millions d’hommes d’affaires et de touristes occi-
sommes en présence de nouvelles réalités qu’il faut                               dentaux…
bien admettre et prendre en compte avec des masses
critiques d’un autre ordre.
                                                                                  IL FAUT TRAVAILLER SUR DES SCÉNARIOS
Nous sommes confrontés au paradoxe d’une histoire                                 DE RUPTURES MAJEURES
qui est marquée par un progrès technique puis tech-
nologique sans précédent et qui a permis à une partie                             Aujourd’hui, il est temps de dépasser les analyses
de l’humanité de réduire les occurrences de risques                               classiques de nos matrices de risques 7 et de
individuels en augmentant les risques collectifs 6.                               travailler des scénarios de ruptures majeures en y
Cette évolution est la résultante inévitable de l’inter-                          intégrant des effets de surprise toujours inconceva-
dépendance de nos modèles de société très                                         bles mais pas forcément impensables.
urbanisée et surtout de l’exceptionnelle croissance
démographique qui a marqué les deux derniers siè-                                 Bien au-delà les désastres naturels que nous ne
cles. Par ailleurs, 70 % de la population mondiale                                pouvons que subir, ou les crashs industriels qui sont
vient chercher sur les littoraux, les deltas et leurs hin-                        désormais au cœur de nos villes, il y a plein de
terlands nourriture, travail et prospérité. Or la majeure                         nouveaux sujets à intégrer dans nos raisonnements :
partie de ces rivages sources de vie sont exposés à                               les « révoltes arabes » et les dettes souveraines qui
des risques majeurs : séismes, typhons, cyclones, tsu-                            s’installent autour de la Méditerranée, ce qui se
namis, moussons… et ne peuvent que produire                                       joue autour de la péninsule arabique entre perses et
régulièrement des évènements de la gravité de                                     sunnites, l’inconnue pakistanaise, le brouillard


(3) Avec un risque de spoliation masqué qui ne peut être minimisé (cf. édito de Xavier Guilhou de janvier 2011 sur « Que sera 2011 ? L’année de la
trahison des clercs ! », http://www.xavierguilhou.com/Client...
(4) Cf. les banques aux États-Unis ou les PIIGS actuellement avec le rachat de leurs dettes par les Chinois.
(5) Dumont Gérard-François (2010), « Prospective : un monde de 9 milliards d’humains ? », Population et Avenir n° 699, septembre-octobre, p. 3.
(6) Ce que l’on appelle « le progrès » n’a profité sur le 20ème siècle qu’à un milliard d’individus sur les six que compte aujourd’hui la terre. N’oublions
pas que 4 milliards vivent sans eau potable et que 1,4 milliard (soit l’équivalent de la population chinoise) sont dans l’extrême pauvreté.
(7) Voir articles de Xavier Guilhou pour les revues Accomex en 2003 et CCE international en 2002 et 2006, http://www.xavierguilhou.com/Client...
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Recommandations à l’attention des exportateurs




                                                                                                                                                Analyses
1) Être et rester en permanence lucide

Avant de s’engager sur un marché ou de développer des opérations à l’international, il faut dresser une cartographie des risques
qui soit la plus réaliste possible. Pour cela il faut accepter d’aller au-delà des analyses classiques et pratiquer la technique des scé-
narios au regard de vos cœurs de métier. Il faut soumettre les expertises souvent trop conventionnelles, moutonnières et trop
macroéconomiques aux hypothèses les plus impitoyables, notamment celles issues de la connaissance du terrain, des cultures, des réa-
lités locales. En face de chaque hypothèse vous évaluez vos capacités de tenue des contextes, la résistance de vos organisations,
votre solidité financière et, surtout, l’aptitude de vos hommes à faire face. L’embellie trop rapide d’un pays peut s’avérer être aussi
dangereuse à maitriser que sa faillite… Ce qu’il ne faut pas faire : des stress test comme pour les banques en évitant le scénario
de défaut… que tout le monde pressent et qui finalement arrive… Souvent une bonne intuition et le bon sens valent mieux que dix
analyses qui font dans le déni de réalité et le consensus mou.


2) Avoir plusieurs réseaux de renseignement terrain

La question du traitement des signaux faibles dans des environnements qui deviennent très instables et déstabilisés est cruciale. Plus




                                                                                                                                                L’interview !
que jamais, il faut asseoir ses stratégies de développement à l’international sur la constitution non pas d’un, mais de plusieurs dispo-
sitifs de recueil d’informations. Il faut qu’ils soient au plus près du terrain. Il faut aussi qu’ils soient cloisonnés afin de pouvoir avoir
des approches différentes et de pouvoir vérifier en permanence la valeur des renseignements avec des techniques de recoupement
des données qui ne s’improvisent pas. Beaucoup confonde « Face book » et le renseignement. Ce sont deux univers différents en
termes de management de l’information : le premier est une affaire de société, le second est une affaire de professionnels… Plus la
crise s’affirme, plus le terrain commande ! Dans ce contexte, avoir une bonne acquisition et un bon traitement des signaux faibles au plus
près des environnements et des jeux d'acteurs devient une priorité pour la survivance de vos affaires.


3) Ne jamais sous-estimer l’inconcevable et les effets de surprise

Les révoltes arabes, le référendum grec, les spéculations sur la fin de l'euro démontrent combien il faut se préparer à gérer la sur-
prise. Plus on arrive avec des certitudes dans un pays, plus on a de chances d’en repartir le premier en ayant tout perdu. Prendre
un peu de temps pour étudier des cas comme l’implosion de l’Argentine, la faillite du système bancaire islandais, la façon dont le
Maroc gère sa transition politique et économique, et bien d’autres encore est dans ce domaine extrêmement instructif. Il ne faut pas
hésiter à aller sur le champ de l’inconcevable, c’est la seule façon de s’endurcir et de se préparer à gérer des surprises.




                                                                                                                                                En pratique
4) Avoir une équipe pluridisciplinaire qui travaille à vos côtés en anticipation

Pour cela il existe une méthode qui a fait ses preuves depuis très longtemps surtout face à des environnements turbulents. Il suffit que
cette équipe, si possible pluridisciplinaire, multiculturelle et surtout très intuitive, soit en mesure de répondre très rapidement à trois
questions : De quoi s’agit-il ? (il est préférable de ne pas se tromper de guerre…) ; Où en est-on dans le jeu d’acteurs ? (trop souvent
tout le monde a une vision du jeu d’hier, pas de celui qui émerge…) ; Où sont les pièges ? (si vous vous mettez du côté de la crise, qu’est
ce qu’elle ferait pour vous mettre en mode échec…). En fonction du cadrage obtenu avec ce type de questionnement, faites travailler
l'équipe sur les 2 ou 3 initiatives audacieuses que vous pourriez mettre en œuvre pour conserver ou développer votre leadership sur
le terrain.


5) Privilégier la réactivité et la flexibilité pour vos opérations

Les ruptures de modèles que nous avons désormais à assumer génèrent de tels niveaux de panique auprès des opinions, de stress
pour les opérateurs et d’agitation médiatique qu’il faut être capable d’en encaisser la brutalité. Conserver son sang-froid et être en
                                                                                                                                                Zoom sur...


mesure avec ses équipes, son organisation, ses réseaux sur le terrain d’adapter et de redéployer à très grande vitesse des postures,
des solutions, voire de saisir des opportunités sera de plus en plus déterminant. Il faut privilégier désormais en termes de mana-
gement la souplesse et le sens de la manœuvre à toute forme de bureaucratisation.


                                                                     ***


Le risque c’est la vie, et la vie n’est finalement qu’un combat permanent ! Dans cette perspective, les crises ne sont que des révéla-
teurs de nos déficiences. Elles peuvent être aussi de redoutables facilitateurs pour ceux qui savent en décrypter la quintessence.
Derrière chaque crise il y a toujours une voie à explorer et des opportunités à travailler !
24                                                                                                                  Accomex n° 100-101-


spéculatif de l’économie chinoise, le stress de l’après                            leur économie suite aux conséquences des subprimes
Fukushima sur la transition énergétique, ce qui                                    est très intéressant en termes de capacité « d’empo-
émerge sur les réseaux numériques, dans l’espace,                                  werment » de la société civile et de renaissance
ou autour de la maîtrise de l’eau au niveau mondial,                               collective.
les questions de bioéthique sont autant d’interro-
gations qu’il faut accepter de mettre aujourd’hui à
l’agenda.                                                                          GOUVERNANCE

Toutes ces évolutions ou mutations de nos environne-                               Ne serait-il pas urgent de réfléchir à la gouvernance
ments vont impacter durablement et massivement à                                   des nouveaux risques collectifs ? Face aux dégâts des
un moment ou un autre nos systèmes et logiques de                                  dérégulations en tous genres, ne serait-il pas oppor-
vie avec des conséquences géostratégiques que                                      tun de réinventer de bonnes règles et de remettre un
personne n’imagine. Faut-il attendre l’addition de mil-                            peu de bon sens à la place de modes de management
liers de sinistres, se chiffrant en centaines de                                   fondés sur la cupidité, le mensonge et parfois la maf-
milliards de dollars supplémentaires pour devenir un                               fiosité par défaut de véritable pensée et courage
peu plus intelligents ? Ne serait-il pas temps d’essayer                           politique sur ces questions ? Comment recadrer ces
d’anticiper les franchissements de seuils qui se pré-                              fonctions de régulation et d’animation du collectif et
sentent à nous et d’arrêter de faire dans le déni de                               jusqu’où faut-il aller sans compromettre les fonde-
réalité permanent ou dans un relativisme suicidaire ?                              ments des libertés individuelles ?

Cela pose un certain nombre de questions qui méri-
tent une sérieuse mobilisation, à tous les niveaux.                                RÉ-ENCHANTER LE « VIVRE-ENSEMBLE »

                                                                                   Comment ré-enchanter le « vivre ensemble » et sortir
RÉSISTANCE                                                                         de ces logiques de défiance et de ruptures profondes
                                                                                   que nous enregistrons partout entre des élites
Comment réfléchir une meilleure résistance de nos                                  décalées et des populations désemparées ? On note
organisations critiques (infrastructures, transports,                              aujourd’hui une confusion et une surenchère des
etc.) et vitales (opérateurs énergie, télécommunica-                               bureaucraties avec, en parallèle, une multiplication de
tion, santé, banque, etc.) en terme de chocs majeurs ?                             collectifs plus ou moins anarchiques qui se dévelop-
Quelles sont nos capacités de réingénierie à très                                  pent pour exprimer leur « indignation ». Ces dérives ne
grande vitesse face à des évènements brutaux qui                                   portent-elles pas en germe les fondements de crises
sortent des cadres établis ? Comment mieux organi-                                 majeures de décomposition sociétale pour nos
ser nos logiques transverses en termes de réponses                                 sociétés, de fractalisation de nos territoires ?
publiques, civiles, économiques, médiatiques ?                                     Comment resituer et relégitimer le politique dans
                                                                                   cette dynamique perverse de pertes de valeurs qui
                                                                                   déstructurent notamment nos sociétés occidentales ?
RÉSILIENCE

Quel est le véritable niveau de résilience de nos socié-                           QUELS MÉDIAS ?
tés ? Nos populations fortement urbanisées et
socialisées ont quasiment tout délégué à des modes                                 Quel rôle les médias doivent-ils avoir face à ces fran-
de gestion assistée et d’une très grande complexité.                               chissements de seuils considérables en termes de
L’État providentiel, qui en est l’illustration la plus                             prises de risques collectifs ? Aujourd’hui, ils surfent
caricaturale en Occident, doit les protéger des « coups                            sur la sur-réaction aux évènements et la fabrication de
du sort » et leur garantir un « risque zéro » 8, voire leur                        peurs et d’angoisse. Sur quel niveau de maturité faut-
garantir une forme d’immortalité. Il en résulte                                    il vraiment situer les débats d’opinion afin de ne plus
aujourd’hui une aversion au risque qui est devenue                                 infantiliser les populations, les informer et les aider
pathologique, dangereuse et coûteuse.                                              ainsi à être plus responsables et plus matures sur ces
                                                                                   questions de la maîtrise des risques ?
Comment pouvons-nous permettre à nos sociétés,
finalement très vulnérables, de mieux assumer les                                  Il est évident qu’une telle perspective pédagogique et
« coups du sort », de mieux faire leur deuil face à des                            vertueuse ne peut qu’être ennuyeuse et peu propice à
rendez-vous similaires à celui que les japonais assu-                              de la fabrication d’audience, surtout dans un monde
ment actuellement avec le tsunami et Fukushima ?                                   qui est devenu de plus en futile et en même temps
Comment nos sociétés peuvent-elles repenser et                                     impitoyablement concurrentiel. Mais ne faudrait-il pas
reconstruire leur modèle de vie ? L’exemple des                                    inviter finalement un peu plus les médias à davantage
américains face aux désastres de Katrina et même de                                de sens collectif ?

(8) Guilhou Xavier, Lagadec Patrick (2002), La fin du risque zéro, Collection Eyrolles, Les Échos Édition.
25


                                                             La solution se situe comme souvent entre les deux, et
UNE NOUVELLE PHILOSOPHIE DU RISQUE                           la plupart du temps au plus près des populations,
                                                             dans le respect des identités et cultures. Le cynisme
Il est clair qu’au-delà du coût direct à assumer, et dont    macro et l’agitation « tribale » ne donnent aucun




                                                                                                                        Analyses
l’unité de mesure est désormais en milliards de dol-         résultat. Les dérivées de l’actuelle crise financière et
lars, voire en centaines ou milliers selon les niveaux       bancaire sont une bonne illustration des limites de
concernés, au-delà du coût humain qui se chiffre plus        ces approches trop intellectuelles ou impulsives en
souvent en milliers de victimes (suite à un désastre         termes de pilotage des crises. Le « tout est sous
naturel) ou en millions de chômeurs (quand les               contrôle » de nos grands argentiers ou le « dégage »
impacts ne sont qu’économiques), il y a une vraie            des émeutiers des rues du Caire ou d’Athènes
question à traiter sur le fond : celle de cette nouvelle     ne débouchent sur rien d’efficient à terme pour les
philosophie du risque qu’il convient de faire émerger        populations.
au regard des franchissements de seuils en cours.
                                                             Les meilleures postures sont celles qui ont réussi à
Pour des sociétés qui sont en train de passer en             maitriser les évènements et à reconstruire les sys-
quelques décennies du technologique au biologique,           tèmes détruits avec un sens mesuré de l’empathie et
de l’environnemental au systémique, du sociétal au           de la responsabilité à tous les niveaux en « restaurant
géostratégique avec des ruptures considérables et            la confiance » vis-à-vis des populations. Cette expres-




                                                                                                                        L’interview !
inédites sur le champ des valeurs, de l’éthique et de        sion magique concentre à elle seule tout ce qu’une
fait de la gouvernance, il est devenu impératif et vital     nouvelle philosophie du risque devrait finalement
de repenser et recadrer les niveaux d’acceptation            incarner.
individuelle et collective de la vulnérabilité et,
surtout, de la mortalité de nos systèmes de vie.
                                                             UN RETOUR DU SENS COLLECTIF

RESTAURER LA CONFIANCE                                       La construction des réponses sur ce désastre japo-
                                                             nais, qui est désormais le plus lourd que nous
Ce qui se joue en effet actuellement autour des crises       connaissions en termes de sinistres (hors guerres
financières, de la transition énergétique, des rapports      mondiales), est à ce titre plein d’enseignements. Tout
de force entre leaders d’hier et émergents de demain,        se joue et va se jouer de plus en plus sur un retour du
de l’accès aux ressources stratégiques remet en              sens collectif reposant sur la confiance. Sacré défi
cause toute l’architecture de nos systèmes de vie et         pour nos politiques qui sont condamnés dans l’immé-
pose cette question de la mortalité de nos sociétés et       diat à satisfaire cet hédonisme grégaire et précaire




                                                                                                                        En pratique
de notre capacité à réinventer de nouveaux modèles.          qui anime nos sociétés et à fabriquer de fait de la
Les crises majeures nous provoquent sur ces ques-            défiance.
tions de fond. Il est urgent de revoir l’ingénierie de nos
modes d’action, de nos logiques de pilotage de ces           Les crises majeures, en neutralisant instantanément
rendez-vous en réinventant de nouvelles réponses et          nos meilleures planifications et procédures, nous met-
stratégies. Aujourd’hui, elles sont souvent réduites à       tent désormais devant des pages blanches avec des
des initiatives « tribales » à partir d’agitations de col-   scripts déstabilisants. Elles supposent beaucoup
lectifs sympathiques qui croient que les réseaux             d’humilité, un autre regard sur les choses de la vie,
sociaux sont la panacée. Ils ne sont malheureuse-            une autre perception de nos environnements, d’au-
ment qu’une réponse le plus souvent marginale,               tres logiques de pilotage et, surtout, une grande foi en
virtuelle, anarchique et dépourvue pour le moment de         l’homme.
finalité. Les réponses sont aussi trop macro avec des
G8, G20 qui ne voient le monde qu’au travers de
prismes déformants ultralibéraux et apatrides.
                                                                                                                        Zoom sur...

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  • 1. 21 Les crises : Analyses révélateurs de chaos ou incubateurs d'avenirs ? P lus personne ne peut prétendre être épargné par une crise majeure. Qu’il s’agisse de grands groupes a priori invulnérables, d’États réputés pour la sophistication de leurs systèmes de sécurité, ou xavier.guilhou@xag-conseil.com Xavier Guilhou est Président de XAG Conseil, Xavier Guilhou de grands systèmes vitaux pour nos sociétés, tous ont subi ces dernières cabinet spécialisé en prévention des risques et années des crises sans précédents avec un crescendo de coûts qui ne pilotage des crises. Il est également Président L’interview ! peut laisser indifférent : Sony, suite à la cyber-attaque menée sur ses du Comité de liaison Défense du Medef, services en ligne depuis le début de l’année 2011, va devoir assumer Conseiller du Commerce Extérieur de la plusieurs centaines de millions de dollars de pertes ; l’impact du nuage France, Auditeur de l'Institut des Hautes Études de cendres du volcan islandais Eyjafjöll en avril et mai 2010 aurait coûté de la Défense Nationale et Expert de l'Association pour le Progrès du Management. cinq milliards de dollars à l’économie mondiale, dont deux aux Auteur de nombreux ouvrages et articles compagnies aériennes ; Tepco, l’opérateur nucléaire nippon, a annoncé d’analyse et de réflexion, il dispose d’un site le 11 mai 2011 pour neuf milliards de dollars de pertes (sans compter web très riche : http://www.xavierguilhou.com l’indemnisation des 85 000 personnes évacuées de Fukushima et les conséquences à long terme de l’explosion des réacteurs de la centrale). Nous pourrions ainsi continuer à énumérer des exemples jusqu’au record détenu pour l’instant par BP, après l’explosion le 20 avril 2010 de la plateforme Deepwater dans le Golfe du Mexique. Sans parler des banques, avec la couverture à venir des risques souverains que les États ne veulent ou ne peuvent plus assumer… 1 En pratique véritable pandémie mondiale, qu’elle soit sanitaire ou DE QUOI SE FAIRE PEUR... cybernétique ? Nous pourrions continuer à nous faire peur en listant ainsi toutes les occurrences de risques Ce constat ne touche pas uniquement les grands possibles jusqu’à la désagrégation fatale d’un opérateurs d’infrastructures critiques ou de réseaux astéroïde sur notre planète 2… vitaux qui peuvent perdre chaque fois une à plusieurs années de marge nette. Il en est de même au niveau des États. Le moindre désastre naturel se chiffre HEUREUSEMENT, LA VIE CONTINUE instantanément en centaines de milliards de dollars avec des niveaux de destruction massive qui sont Pour autant, les opérateurs en question ne disparais- équivalents aux effets d’une guerre, nécessitant sent pas, les sociétés impactées ne se désagrègent pour les collectivités touchées entre 10 et 20 ans de pas, et le système financier et bancaire, pourtant à reconstruction. Que dire des grands risques l’origine d’une crise considérable, arrive à survivre à systémiques pour lesquels les chiffres seraient, selon ses turpitudes. Il semblerait que nos logiques de vie les évaluations, de l’ordre du PIB d’un grand pays : soit tout simplement bien assurées et réassurées. Zoom sur... 1 000 milliards de dollars pour les subprimes (équiva- Nous pouvons aussi imaginer, comme il faut bien que lent du PIB espagnol), 15 000 milliards de dollars quelqu’un paye à un moment donné la facture, que le pour les seuls produits toxiques bancaires (équivalent client, l’usager, le citoyen soient finalement, et sans du déficit américain ou du PIB de toute l’Europe…). trop le savoir ou en être conscients, les principaux Que pourrions-nous projeter des conséquences d’une contributeurs, et de fait les véritables amortisseurs de (1) Cet article est extrait d’un texte initialement publié sous le titre « Crises et catastrophes : que faire ? » sur le site Diploweb.com, le 25 septembre 2011 (http://www.diploweb.com/Crises-et-catastrophes-que-faire.html). Diploweb.com, la revue géopolitique online. Diplomates, universitaires et stratèges publient des analyses inédites sur ce site exclusivement consacré aux questions géopolitiques. Ce site est dirigé par Pierre Verluise, Docteur en Géographie politique de l’Université Paris-Sorbonne, auteur de plusieurs ouvrages. Vous trouverez sur ce site expert, pluraliste et transparent de nombreuses études de référence sur l’Union européenne, la Russie et la Communauté des États Indépendants... sans oublier l’Amérique du Nord et du Sud, l’Asie, l’Afrique et le Moyen-Orient. Le Diploweb.com met en ligne de nombreuses cartes. (2) Le scénario Armageddon n’est pas qu’Hollywoodien : il préoccupe de nombreux laboratoires concernés par les aléas de la troisième dimension, notamment la NASA, au travers du programme « Spaceguard Survey ». Voir sur le sujet, le site : http://neo.jpl.nasa.gov
  • 2. 22 Accomex n° 100-101- la couverture de ces nouvelles formes de risques Fukushima, de Katrina ou de Port au Prince. Ce qui est collectifs 3 via une mutualisation administrée et presque étonnant, c’est que nous n’en n’ayons pas masquée. plus souvent quand on superpose la seule cartogra- phie des risques sismiques et climatiques sur celle de Une chose est certaine : non seulement les entre- l’implantation humaine. Risques vis-à-vis desquels prises, les villes, les pays touchés ont tenu le coup, l’homme est, il faudra bien l’admettre un jour avec un mais ils se sont quasiment tous redressés en recti- peu plus d’humilité, totalement impuissant. Il peut à la fiant leur niveau de vulnérabilité avec une force de rigueur les prévenir mais difficilement les maitriser. réactivité étonnante. Pour les plus fragiles, ils ont été au mieux rachetés ou placés sous contrôle 4, ce qui aurait été de toute façon le cas sans un coup du sort. UNE SATURATION MÉDIATIQUE SOUVENT MORTIFÈRE Finalement, l’ensemble de nos organisations résistent plutôt bien et mieux que ce que les apôtres des Aujourd’hui, nos opinions sont de plus en plus inter- théories du chaos en matière de gestion de crise pellées par la multiplicité des cas de désastres peuvent nous prédire quotidiennement. naturels ou de dysfonctionnements collectifs et par leur gravité sous-jacente. Dans les faits il y a moins de morts par guerres ou désastres qu’au 20ème siècle, PARODOXES mais le mode de représentation véhiculé par la puis- sance instantanée des médias donne l’impression de Il est évident qu’une humanité qui va vers 9 milliards l’inverse : le tsunami de mars 2011 sur Sendai d’individus à l’horizon 2050 5 et qui mute à très (30 000 victimes et disparus), détruisant 15 % du PIB grande vitesse au niveau mondial avec des taux japonais, n’aurait jamais eu le même impact sans d’urbanisation qui passent de 40 % à 60 % (ce qui Fukushima et l’explosion de ses réacteurs nucléaires suppose d’énormes ruptures de paradigmes) à 200 kilomètres de la plus grande mégalopole du s’expose à des prises de risque qui n’ont rien à voir monde qu’est Tokyo. Celui qui a frappé les côtes de avec le vécu des siècles précédents. Pour nos experts, l’Asie du Sud-Est le 25 décembre 2004 (230 000 vic- souvent très pessimistes dans leurs modes de repré- times) serait aussi passé inaperçu s’il n’y avait pas eu sentation des risques, il est toujours tentant de voir une partie de la jet-set occidentale en séjour sur les dans le passé des avantages dont le confort de nos plages de Phuket en Thaïlande. Quant au volcan islan- sociétés fait oublier la rusticité et la rugosité du quoti- dais, tout le monde l’aurait ignoré comme bien d’autres dien. Pour autant, le monde tourne avec d’autres éruptions dans le monde s’il n’avait pas cloué au sol contingences pour 5 milliards d’individus et nous huit millions d’hommes d’affaires et de touristes occi- sommes en présence de nouvelles réalités qu’il faut dentaux… bien admettre et prendre en compte avec des masses critiques d’un autre ordre. IL FAUT TRAVAILLER SUR DES SCÉNARIOS Nous sommes confrontés au paradoxe d’une histoire DE RUPTURES MAJEURES qui est marquée par un progrès technique puis tech- nologique sans précédent et qui a permis à une partie Aujourd’hui, il est temps de dépasser les analyses de l’humanité de réduire les occurrences de risques classiques de nos matrices de risques 7 et de individuels en augmentant les risques collectifs 6. travailler des scénarios de ruptures majeures en y Cette évolution est la résultante inévitable de l’inter- intégrant des effets de surprise toujours inconceva- dépendance de nos modèles de société très bles mais pas forcément impensables. urbanisée et surtout de l’exceptionnelle croissance démographique qui a marqué les deux derniers siè- Bien au-delà les désastres naturels que nous ne cles. Par ailleurs, 70 % de la population mondiale pouvons que subir, ou les crashs industriels qui sont vient chercher sur les littoraux, les deltas et leurs hin- désormais au cœur de nos villes, il y a plein de terlands nourriture, travail et prospérité. Or la majeure nouveaux sujets à intégrer dans nos raisonnements : partie de ces rivages sources de vie sont exposés à les « révoltes arabes » et les dettes souveraines qui des risques majeurs : séismes, typhons, cyclones, tsu- s’installent autour de la Méditerranée, ce qui se namis, moussons… et ne peuvent que produire joue autour de la péninsule arabique entre perses et régulièrement des évènements de la gravité de sunnites, l’inconnue pakistanaise, le brouillard (3) Avec un risque de spoliation masqué qui ne peut être minimisé (cf. édito de Xavier Guilhou de janvier 2011 sur « Que sera 2011 ? L’année de la trahison des clercs ! », http://www.xavierguilhou.com/Client... (4) Cf. les banques aux États-Unis ou les PIIGS actuellement avec le rachat de leurs dettes par les Chinois. (5) Dumont Gérard-François (2010), « Prospective : un monde de 9 milliards d’humains ? », Population et Avenir n° 699, septembre-octobre, p. 3. (6) Ce que l’on appelle « le progrès » n’a profité sur le 20ème siècle qu’à un milliard d’individus sur les six que compte aujourd’hui la terre. N’oublions pas que 4 milliards vivent sans eau potable et que 1,4 milliard (soit l’équivalent de la population chinoise) sont dans l’extrême pauvreté. (7) Voir articles de Xavier Guilhou pour les revues Accomex en 2003 et CCE international en 2002 et 2006, http://www.xavierguilhou.com/Client...
  • 3. 23 Recommandations à l’attention des exportateurs Analyses 1) Être et rester en permanence lucide Avant de s’engager sur un marché ou de développer des opérations à l’international, il faut dresser une cartographie des risques qui soit la plus réaliste possible. Pour cela il faut accepter d’aller au-delà des analyses classiques et pratiquer la technique des scé- narios au regard de vos cœurs de métier. Il faut soumettre les expertises souvent trop conventionnelles, moutonnières et trop macroéconomiques aux hypothèses les plus impitoyables, notamment celles issues de la connaissance du terrain, des cultures, des réa- lités locales. En face de chaque hypothèse vous évaluez vos capacités de tenue des contextes, la résistance de vos organisations, votre solidité financière et, surtout, l’aptitude de vos hommes à faire face. L’embellie trop rapide d’un pays peut s’avérer être aussi dangereuse à maitriser que sa faillite… Ce qu’il ne faut pas faire : des stress test comme pour les banques en évitant le scénario de défaut… que tout le monde pressent et qui finalement arrive… Souvent une bonne intuition et le bon sens valent mieux que dix analyses qui font dans le déni de réalité et le consensus mou. 2) Avoir plusieurs réseaux de renseignement terrain La question du traitement des signaux faibles dans des environnements qui deviennent très instables et déstabilisés est cruciale. Plus L’interview ! que jamais, il faut asseoir ses stratégies de développement à l’international sur la constitution non pas d’un, mais de plusieurs dispo- sitifs de recueil d’informations. Il faut qu’ils soient au plus près du terrain. Il faut aussi qu’ils soient cloisonnés afin de pouvoir avoir des approches différentes et de pouvoir vérifier en permanence la valeur des renseignements avec des techniques de recoupement des données qui ne s’improvisent pas. Beaucoup confonde « Face book » et le renseignement. Ce sont deux univers différents en termes de management de l’information : le premier est une affaire de société, le second est une affaire de professionnels… Plus la crise s’affirme, plus le terrain commande ! Dans ce contexte, avoir une bonne acquisition et un bon traitement des signaux faibles au plus près des environnements et des jeux d'acteurs devient une priorité pour la survivance de vos affaires. 3) Ne jamais sous-estimer l’inconcevable et les effets de surprise Les révoltes arabes, le référendum grec, les spéculations sur la fin de l'euro démontrent combien il faut se préparer à gérer la sur- prise. Plus on arrive avec des certitudes dans un pays, plus on a de chances d’en repartir le premier en ayant tout perdu. Prendre un peu de temps pour étudier des cas comme l’implosion de l’Argentine, la faillite du système bancaire islandais, la façon dont le Maroc gère sa transition politique et économique, et bien d’autres encore est dans ce domaine extrêmement instructif. Il ne faut pas hésiter à aller sur le champ de l’inconcevable, c’est la seule façon de s’endurcir et de se préparer à gérer des surprises. En pratique 4) Avoir une équipe pluridisciplinaire qui travaille à vos côtés en anticipation Pour cela il existe une méthode qui a fait ses preuves depuis très longtemps surtout face à des environnements turbulents. Il suffit que cette équipe, si possible pluridisciplinaire, multiculturelle et surtout très intuitive, soit en mesure de répondre très rapidement à trois questions : De quoi s’agit-il ? (il est préférable de ne pas se tromper de guerre…) ; Où en est-on dans le jeu d’acteurs ? (trop souvent tout le monde a une vision du jeu d’hier, pas de celui qui émerge…) ; Où sont les pièges ? (si vous vous mettez du côté de la crise, qu’est ce qu’elle ferait pour vous mettre en mode échec…). En fonction du cadrage obtenu avec ce type de questionnement, faites travailler l'équipe sur les 2 ou 3 initiatives audacieuses que vous pourriez mettre en œuvre pour conserver ou développer votre leadership sur le terrain. 5) Privilégier la réactivité et la flexibilité pour vos opérations Les ruptures de modèles que nous avons désormais à assumer génèrent de tels niveaux de panique auprès des opinions, de stress pour les opérateurs et d’agitation médiatique qu’il faut être capable d’en encaisser la brutalité. Conserver son sang-froid et être en Zoom sur... mesure avec ses équipes, son organisation, ses réseaux sur le terrain d’adapter et de redéployer à très grande vitesse des postures, des solutions, voire de saisir des opportunités sera de plus en plus déterminant. Il faut privilégier désormais en termes de mana- gement la souplesse et le sens de la manœuvre à toute forme de bureaucratisation. *** Le risque c’est la vie, et la vie n’est finalement qu’un combat permanent ! Dans cette perspective, les crises ne sont que des révéla- teurs de nos déficiences. Elles peuvent être aussi de redoutables facilitateurs pour ceux qui savent en décrypter la quintessence. Derrière chaque crise il y a toujours une voie à explorer et des opportunités à travailler !
  • 4. 24 Accomex n° 100-101- spéculatif de l’économie chinoise, le stress de l’après leur économie suite aux conséquences des subprimes Fukushima sur la transition énergétique, ce qui est très intéressant en termes de capacité « d’empo- émerge sur les réseaux numériques, dans l’espace, werment » de la société civile et de renaissance ou autour de la maîtrise de l’eau au niveau mondial, collective. les questions de bioéthique sont autant d’interro- gations qu’il faut accepter de mettre aujourd’hui à l’agenda. GOUVERNANCE Toutes ces évolutions ou mutations de nos environne- Ne serait-il pas urgent de réfléchir à la gouvernance ments vont impacter durablement et massivement à des nouveaux risques collectifs ? Face aux dégâts des un moment ou un autre nos systèmes et logiques de dérégulations en tous genres, ne serait-il pas oppor- vie avec des conséquences géostratégiques que tun de réinventer de bonnes règles et de remettre un personne n’imagine. Faut-il attendre l’addition de mil- peu de bon sens à la place de modes de management liers de sinistres, se chiffrant en centaines de fondés sur la cupidité, le mensonge et parfois la maf- milliards de dollars supplémentaires pour devenir un fiosité par défaut de véritable pensée et courage peu plus intelligents ? Ne serait-il pas temps d’essayer politique sur ces questions ? Comment recadrer ces d’anticiper les franchissements de seuils qui se pré- fonctions de régulation et d’animation du collectif et sentent à nous et d’arrêter de faire dans le déni de jusqu’où faut-il aller sans compromettre les fonde- réalité permanent ou dans un relativisme suicidaire ? ments des libertés individuelles ? Cela pose un certain nombre de questions qui méri- tent une sérieuse mobilisation, à tous les niveaux. RÉ-ENCHANTER LE « VIVRE-ENSEMBLE » Comment ré-enchanter le « vivre ensemble » et sortir RÉSISTANCE de ces logiques de défiance et de ruptures profondes que nous enregistrons partout entre des élites Comment réfléchir une meilleure résistance de nos décalées et des populations désemparées ? On note organisations critiques (infrastructures, transports, aujourd’hui une confusion et une surenchère des etc.) et vitales (opérateurs énergie, télécommunica- bureaucraties avec, en parallèle, une multiplication de tion, santé, banque, etc.) en terme de chocs majeurs ? collectifs plus ou moins anarchiques qui se dévelop- Quelles sont nos capacités de réingénierie à très pent pour exprimer leur « indignation ». Ces dérives ne grande vitesse face à des évènements brutaux qui portent-elles pas en germe les fondements de crises sortent des cadres établis ? Comment mieux organi- majeures de décomposition sociétale pour nos ser nos logiques transverses en termes de réponses sociétés, de fractalisation de nos territoires ? publiques, civiles, économiques, médiatiques ? Comment resituer et relégitimer le politique dans cette dynamique perverse de pertes de valeurs qui déstructurent notamment nos sociétés occidentales ? RÉSILIENCE Quel est le véritable niveau de résilience de nos socié- QUELS MÉDIAS ? tés ? Nos populations fortement urbanisées et socialisées ont quasiment tout délégué à des modes Quel rôle les médias doivent-ils avoir face à ces fran- de gestion assistée et d’une très grande complexité. chissements de seuils considérables en termes de L’État providentiel, qui en est l’illustration la plus prises de risques collectifs ? Aujourd’hui, ils surfent caricaturale en Occident, doit les protéger des « coups sur la sur-réaction aux évènements et la fabrication de du sort » et leur garantir un « risque zéro » 8, voire leur peurs et d’angoisse. Sur quel niveau de maturité faut- garantir une forme d’immortalité. Il en résulte il vraiment situer les débats d’opinion afin de ne plus aujourd’hui une aversion au risque qui est devenue infantiliser les populations, les informer et les aider pathologique, dangereuse et coûteuse. ainsi à être plus responsables et plus matures sur ces questions de la maîtrise des risques ? Comment pouvons-nous permettre à nos sociétés, finalement très vulnérables, de mieux assumer les Il est évident qu’une telle perspective pédagogique et « coups du sort », de mieux faire leur deuil face à des vertueuse ne peut qu’être ennuyeuse et peu propice à rendez-vous similaires à celui que les japonais assu- de la fabrication d’audience, surtout dans un monde ment actuellement avec le tsunami et Fukushima ? qui est devenu de plus en futile et en même temps Comment nos sociétés peuvent-elles repenser et impitoyablement concurrentiel. Mais ne faudrait-il pas reconstruire leur modèle de vie ? L’exemple des inviter finalement un peu plus les médias à davantage américains face aux désastres de Katrina et même de de sens collectif ? (8) Guilhou Xavier, Lagadec Patrick (2002), La fin du risque zéro, Collection Eyrolles, Les Échos Édition.
  • 5. 25 La solution se situe comme souvent entre les deux, et UNE NOUVELLE PHILOSOPHIE DU RISQUE la plupart du temps au plus près des populations, dans le respect des identités et cultures. Le cynisme Il est clair qu’au-delà du coût direct à assumer, et dont macro et l’agitation « tribale » ne donnent aucun Analyses l’unité de mesure est désormais en milliards de dol- résultat. Les dérivées de l’actuelle crise financière et lars, voire en centaines ou milliers selon les niveaux bancaire sont une bonne illustration des limites de concernés, au-delà du coût humain qui se chiffre plus ces approches trop intellectuelles ou impulsives en souvent en milliers de victimes (suite à un désastre termes de pilotage des crises. Le « tout est sous naturel) ou en millions de chômeurs (quand les contrôle » de nos grands argentiers ou le « dégage » impacts ne sont qu’économiques), il y a une vraie des émeutiers des rues du Caire ou d’Athènes question à traiter sur le fond : celle de cette nouvelle ne débouchent sur rien d’efficient à terme pour les philosophie du risque qu’il convient de faire émerger populations. au regard des franchissements de seuils en cours. Les meilleures postures sont celles qui ont réussi à Pour des sociétés qui sont en train de passer en maitriser les évènements et à reconstruire les sys- quelques décennies du technologique au biologique, tèmes détruits avec un sens mesuré de l’empathie et de l’environnemental au systémique, du sociétal au de la responsabilité à tous les niveaux en « restaurant géostratégique avec des ruptures considérables et la confiance » vis-à-vis des populations. Cette expres- L’interview ! inédites sur le champ des valeurs, de l’éthique et de sion magique concentre à elle seule tout ce qu’une fait de la gouvernance, il est devenu impératif et vital nouvelle philosophie du risque devrait finalement de repenser et recadrer les niveaux d’acceptation incarner. individuelle et collective de la vulnérabilité et, surtout, de la mortalité de nos systèmes de vie. UN RETOUR DU SENS COLLECTIF RESTAURER LA CONFIANCE La construction des réponses sur ce désastre japo- nais, qui est désormais le plus lourd que nous Ce qui se joue en effet actuellement autour des crises connaissions en termes de sinistres (hors guerres financières, de la transition énergétique, des rapports mondiales), est à ce titre plein d’enseignements. Tout de force entre leaders d’hier et émergents de demain, se joue et va se jouer de plus en plus sur un retour du de l’accès aux ressources stratégiques remet en sens collectif reposant sur la confiance. Sacré défi cause toute l’architecture de nos systèmes de vie et pour nos politiques qui sont condamnés dans l’immé- pose cette question de la mortalité de nos sociétés et diat à satisfaire cet hédonisme grégaire et précaire En pratique de notre capacité à réinventer de nouveaux modèles. qui anime nos sociétés et à fabriquer de fait de la Les crises majeures nous provoquent sur ces ques- défiance. tions de fond. Il est urgent de revoir l’ingénierie de nos modes d’action, de nos logiques de pilotage de ces Les crises majeures, en neutralisant instantanément rendez-vous en réinventant de nouvelles réponses et nos meilleures planifications et procédures, nous met- stratégies. Aujourd’hui, elles sont souvent réduites à tent désormais devant des pages blanches avec des des initiatives « tribales » à partir d’agitations de col- scripts déstabilisants. Elles supposent beaucoup lectifs sympathiques qui croient que les réseaux d’humilité, un autre regard sur les choses de la vie, sociaux sont la panacée. Ils ne sont malheureuse- une autre perception de nos environnements, d’au- ment qu’une réponse le plus souvent marginale, tres logiques de pilotage et, surtout, une grande foi en virtuelle, anarchique et dépourvue pour le moment de l’homme. finalité. Les réponses sont aussi trop macro avec des G8, G20 qui ne voient le monde qu’au travers de prismes déformants ultralibéraux et apatrides. Zoom sur...