1.
Hypertension artérielle
Sa prise en charge dépasse le problème
de la seule pression artérielle
Guillaume Bobrie*
A
u cours de ces dernières années, les connaissances chez les hypertendus tout venant, jusqu’à 130/80 mmHg
sur l’hypertension artérielle et son traitement ont chez les diabétiques et les insuffisants rénaux.
considérablement évolué. La récente méta-analyse Plusieurs études épidémiologiques ont montré que la
des données individuelles d’un million d’adultes ayant définition du niveau tensionnel basal, la définition du
participé à 61 études prospectives a établi précisément la pronostic cardiovasculaire, la définition du contrôle tension-
valeur pronostique de la pression nel sous traitement étaient mieux
artérielle : pour chaque augmenta- assurées par la mesure ambulatoire
tion de la pression systolique de de pression artérielle ou par l’au-
10 mmHg ou de la pression dias- tomesure tensionnelle à domicile
tolique de 5 mmHg, le risque de laissant penser que ces tech-
mortalité cérébrovasculaire aug- niques devaient être généralisées,
mente de 40 % et le risque de mor- même si les recommandations ne
talité par maladies coronaires de les ont pas encore intégrées.
30 %. Cette augmentation du Surtout, la prise en charge de
risque est linéaire sans évidence de l’hypertension artérielle a dépassé
seuil inférieur, au moins jusqu’à le seul problème de la pression
115/75 mmHg. artérielle en s’orientant vers la pré-
Depuis 1980, les essais démon- vention des accidents cardiovascu-
trant les bénéfices du traitement laires par la correction de l’ensem-
de l’hypertension artérielle ayant ble des facteurs de risque et non
inclus des patients sur des seuils de la seule hypertension artérielle.
diastoliques de plus en plus bas, les L’exacte définition du pronostic
seuils de définition de l’hypertension artérielle par la mesu- cardiovasculaire et les décisions de traitement, qu’il s’agisse
re conventionnelle (sphygmomanomètre à mercure en du traitement antihypertenseur, du traitement hypolipé-
consultation) ont progressivement baissé passant de miant ou des anti-agrégeants plaquettaires ne reposent
160/100 mmHg à 140/90 mmHg, quel que soit l’âge. plus sur le seul niveau tensionnel mais sur le niveau de
Parallèlement, pour les mêmes raisons, les cibles tension- risque cardiovasculaire absolu. Les sujets ayant déjà eu
nelles à atteindre ont également évolué, 140/90 mmHg un accident cardiovasculaire (prévention secondaire) ou
* Unité d’hypertension artérielle, Hôpital européen Georges Pompidou, 75908 Paris Cedex 15. Mél : guillaume.bobrie@hop.egp.ap-hop-paris.fr
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2. un diabète ou une atteinte rénale ont un risque cardio- encore du domaine de la recherche, leur description
vasculaire important et il n’y a plus aucun doute quant au dans cette revue doit nous aider à réfléchir au concept et
bénéfice du traitement maximal associant un traitement à l’utilisation du risque cardiovasculaire absolu, à son
antihypertenseur, un traitement hypolipémiant et un trai- optimisation, à ses limites…
tement anti-agrégeant plaquettaire. L’étude HOPE a mon- L’autre nouveauté assez récente réside dans la
tré que l’adjonction, au traitement de base, d’un inhibi- démonstration tant attendue de l’équivalence des diffé-
teur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine chez de rents traitements antihypertenseurs prescrits en première
tels sujets apportait un réel bénéfice de prévention car- intention. Même s’il nous a passionnés, le combat des
diovasculaire, même chez les sujets ayant une pression modernes contre les anciens est dépassé… Il faut dépas-
artérielle normale. L’étude HPS a montré que l’utilisation ser le stade du raisonnement du choix du premier traite-
d’un traitement hypolipémiant chez de tels sujets appor- ment antihypertenseur. Il faut garder en tête qu’une bi-
tait également un bénéfice de prévention même chez les voire une trithérapie est nécessaire chez 50 à 70 % des
sujets ayant un taux de LDL-cholestérol normal. Dans ces hypertendus. Il reste donc à définir quelles sont les
circonstances, l’interrogatoire ou quelques examens sim- meilleures stratégies d’associations thérapeutiques anti-
ples suffisent à déterminer la notion de risque important hypertensives. Il reste aussi à démontrer quels sont les
et il faut savoir prescrire, presque indépendamment des bénéfices des associations des traitements antihyperten-
niveaux des différents facteurs de risque, l’ensemble des seurs et hypolipémiants.
traitements indispensables à la prévention globale. Après toutes ces descriptions techniques modernes et
Plus grand est le risque cardiovasculaire, plus grand souvent séduisantes nous aidant à mieux prévenir les
est le bénéfice des traitements. À l’opposé, les patients maladies cardiovasculaires, n’oublions surtout pas
ayant un seul facteur de risque, a fortiori pour une élé- quelques sujets non abordés dans cette revue : la néces-
vation faible à modérée, ne tireront pas grand bénéfice sité de trouver comment enfin améliorer l’observance,
du traitement de l’élévation du facteur de risque. comment enfin aider les tabagiques à interrompre leur
L’évaluation plus fine du risque cardiovasculaire est donc intoxication, les gros à maigrir, les laissés-pour-compte à
indispensable chez les sujets n’ayant pas à l’évidence un accéder au système de soins… s
risque cardiovasculaire absolu élevé du fait de l’absence
d’antécédents cardiovasculaires ou de diabète. Pour déter-
miner le risque, on utilisait jusqu’à présent dans les recom-
mandations : l’âge, le sexe, le niveau tensionnel, l’exis-
tence ou non d’une dyslipidémie, d’un tabagisme, d’une
obésité, d’antécédents familiaux précoces, d’une hyper-
trophie ventriculaire gauche électrique, d’une atteinte
rénale (micro-albuminurie, insuffisance rénale). Des
tableaux simples d’évaluation du risque absolu sont pro-
posés dans les recommandations nationales ou interna-
tionales. Ces dernières années, on a amélioré la défini-
tion du risque cardiovasculaire en utilisant deux types
d’outils : d’une part des méthodes de calcul de risque
décrites dans l’article de Th. Hannedouche, et d’autre
part des techniques complémentaires, décrites dans les
autres articles ou encadrés, de meilleure définition de
l’atteinte des organes-cibles profitant des progrès tech-
nologiques (définition de l’hypertrophie ventriculaire par
l’échographie cardiaque, recherche de plaques athéroma-
teuses et de modifications de l’épaisseur intima-média
par l’écho-doppler, vitesse de l’onde de pouls). Il ne s’agit
absolument pas de préconiser la multiplication des exa-
mens complémentaires chez les hypertendus, mais de
mieux définir le risque cardiovasculaire de façon à orienter
nos efforts de prise en charge et d’optimisation du trai-
tement vers les sujets qui en ont réellement besoin. En
d’autres termes, ne pas traiter ceux qui ne tireront pas
bénéfice du traitement, et à l’inverse intensifier les trai-
tements de prévention cardiovasculaire chez ceux dont
le risque est élevé. Si certaines de ces techniques sont
600 L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4
3.
Prise en charge initiale
de l’hypertension artérielle
Huit millions de Français ont une hypertension artérielle,
le plus souvent légère à modérée. C’est l’évaluation du risque
cardiovasculaire absolu, et non plus le seul niveau tensionnel,
qui détermine la décision de débuter ou non un traitement
médicamenteux dont l’objectif est d’atteindre une pression artérielle
inférieure à 140/90 mmHg (mais inférieure à 130/80
chez le diabétique et l’insuffisant rénal).
Daniel HERPIN*
Classification « manométrique »
O
n admet actuellement qu’un patient adulte est
hypertendu quand sa pression artérielle systolique de l’hypertension artérielle
(PAS) ou sa pression artérielle diastolique (PAD) Systolique Diastolique
ont atteint ou dépassé à plusieurs reprises les chiffres mm Hg mm Hg
respectifs de 140 et 90 mmHg. Optimale < 120 et < 80
On considère d’autre part que la pression artérielle Normale 120 à 129 et 80 à 84
n’est vraiment normale qu’en dessous de 130/85 mmHg Normale haute 130 à 139 et (ou) 85 à 89
voire 120/80 mmHg (tableau 1). 1, 2 Grade 1 = 140 à 159 et (ou) 90 à 99
L’hypertension artérielle (HTA) est le plus souvent décou- HTA légère
verte fortuitement lors d’un examen systématique ; plus rare- Grade 2 = 160 à 179 et (ou) 100 à 109
ment devant des manifestations fonctionnelles diverses ou à HTA modérée
l’occasion d’un accident cardio- ou cérébrovasculaire grave, Grade 3 = Ȅ 180 et (ou) Ȅ 110
comme cela peut encore se voir : accident vasculaire cérébral, HTA sévère
œdème aigu du poumon, dissection aortique… HTA systolique Ȅ 140 et < 90
isolée
DIAGNOSTIQUER L’HYPERTENSION
ARTÉRIELLE Tableau 1 Quand la PAS et la PAD occupent des lignes
différentes, on retient le grade le plus élevé. D’après réf n°1.
Outre la mesure classique de la pression artérielle
(v. encadré page 604), d’autres méthodes de mesure ten- moins toutes les 30 minutes (ou mieux tous les quarts
sionnelle ont été développées . d’heure) pendant 24 heures dans son environnement
La mesure ambulatoire de la pression artérielle (MAPA) 3 habituel, grâce à un moniteur validé, avec là encore, un
consiste à mesurer la pression artérielle du patient au brassard adapté. Pour une meilleure interprétation des
* Service de cardiologie, CHU hôpital Jean Bernard-La Milétrie, 86021 Poitiers Cedex ; Mél : herpin@chu-poitiers.fr
L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4 603
4. HYPERTENSION ARTÉRIELLE ESSENTIELLE P R I S E E N C H A R G E I N I T I A L E
La MAPA est recommandée : 1 quand la pression arté-
Mesure de la pression artérielle rielle est particulièrement variable d’une consultation à
l’autre ; quand le retentissement viscéral reste très modéré
a moyenne de plusieurs mesures obtenues sur une période en présence de chiffres tensionnels élevés en consultation
L prolongée (au moins 1 mois, s’il n’y a pas de contexte d’ur-
gence) correspond au niveau tensionnel de référence du
patient.
(recherche d’une « HTA blouse blanche ») ; quand l’HTA
résiste à un traitement bien conduit.
L’automesure tensionnelle à domicile 4 consiste à deman-
Les conditions de mesure de la pression artérielle doivent der au patient de mesurer lui-même sa pression artérielle
être particulièrement rigoureuses : avec un appareil validé. Une éducation doit lui être don-
• avec un manomètre étalonné ; née au préalable. On recommande de réaliser 3 mesures
• en vérifiant que le ménisque, l’aiguille ou l’écran indiquent 0 matin et soir pendant 5 à 7 jours, dont on calcule la
quand le brassard est dégonflé ; moyenne, et d’imprimer les résultats. Les mesures multi-
• après 5 minutes de repos au moins dans une pièce normale- ples et intempestives doivent être déconseillées.
ment chauffée ; Avec cette méthode de mesure, la limite supérieure de
• à distance d’un effort, de la prise de café et de tabac ; la normale (moyenne des mesures) est fixée à 135/85
• vessie vide ; mmHg. 1, 2, 4
• en position couchée ou assise (la noter) ; les jambes non Cette méthode est moins lourde et moins coûteuse que
croisées ; la précédente, elle est la préférée des patients, mais ne
• placer le brassard dans le plan du cœur ; donne pas d’information sur la pression artérielle d’acti-
• le bras doit être soutenu et dénudé ; vité ni sur la pression artérielle nocturne.
• placer la tête du stéthoscope sur l’artère humérale, non sous Le diagnostic d’HTA étant ainsi établi, on s’attache à
le brassard ; préciser : son ancienneté, son allure évolutive, perma-
• la taille du brassard doit être adaptée à la taille du bras ; la nente ou fluctuante (« labile »), stable ou d’évolution
longueur de la vessie gonflable doit dépasser les 2 tiers de la rapide ; et surtout, son retentissement viscéral.
circonférence du bras et sa hauteur couvrir les 2 tiers de la
longueur du bras ; on utilise donc un brassard « obèse » ou ÉVALUER LA GRAVITÉ
« enfant » si la circonférence du bras est respectivement au- DE L’HYPERTENSION ARTÉRIELLE
delà ou en deçà des limites indiquées sur le brassard ;
• la 1re mesure de la pression artérielle est seulement palpa- Apprécier le retentissement viscéral
toire et sert au repérage de la pression systolique ;
• la 2e mesure est auscultatoire ; la déflation doit être lente Retentissement neurologique
(2 mmHg par seconde ou par battement) ; l’apparition des On doit rechercher à l’examen ou dans les antécédents,
bruits (phase I de Korotkof) correspond à la systolique ; la des arguments cliniques en faveur d’un accident isché-
disparition des bruits (phase V) correspond à la diastolique ; mique cérébral durable ou transitoire, d’une hémorragie
quand les bruits sont perçus jusqu’à 0, la diastolique est cérébrale ou méningée, plus exceptionnellement d’une
appréciée au moment de l’atténuation des bruits (phase IV) ; encéphalopathie hypertensive ; une imagerie par tomoden-
• les résultats sont exprimés par la moyenne de 2 mesures sitométrie cérébrale ou une imagerie par résonance magné-
effectuées à 1 à 2 minutes d’intervalle ; tique est demandée quand le contexte clinique le justifie.
• la mesure doit être faite aux 2 bras lors de la 1re visite ;
• une mesure en position debout doit être également effec-
Retentissement ophtalmologique
tuée (recherche d’hypotension artérielle orthostatique). Le fond d’œil n’est aujourd’hui recommandé que pour
les HTA sévères. On décrit 4 stades à la rétinopathie
hypertensive.
chiffres recueillis, on demande au patient de tenir un jour- – Stade I : artères rigides et brillantes.
nal de ses activités. – Stade II : signe du croisement.
Avec cette méthode de mesure, la limite supérieure de – Stade III : hémorragies et/ou exsudats.
la normale est fixée à 125/80 mmHg pour la moyenne des – Stade IV : œdème papillaire.
24 heures. 1 La pression nocturne doit être inférieure d’au Les stades III et IV définissent l’HTA maligne.
moins 10 % à la pression diurne : les limites supérieures
proposées par le Joint National Committee 7th (JNC 7) sont : Retentissement cardiaque
120/75 et 135/85 respectivement. 2 Un patient dont la Des signes d’insuffisance et (ou) d’hypertrophie ventricu-
chute de pression artérielle nocturne est inférieure à 10 % laire sont recherchés :
est appelé non-dipper : à niveau tensionnel égal, son pro- – cliniquement, dyspnée d’effort ou de décubitus, anté-
nostic cardiovasculaire est moins bon que celui d’un cédent d’œdème pulmonaire, crépitants aux bases pulmo-
hypertendu dipper. 3 naires, bruit de galop, souffle d’insuffisance mitrale ;
604 L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4
5. – sur l’électrocardiogramme (ECG) afin de détecter la femme ; 1 ce dosage permet surtout d’estimer la clairance
une hypertrophie auriculaire gauche (durée de l’onde P > de la créatinine, selon la formule de Cockcroft-Gault (R =
110ms ; onde P diphasique en V1) et une hypertrophie 1,23 chez l’homme et 1,04 chez la femme) :
ventriculaire gauche (index de Sokolow [SV1 + RV5 ou clairance créatinine (mL/min) = (140-âge) x poids x R
RV6] > 38 mm 1 ; index de Lewis [(RD1 + SD3) – (SD1 + ;
créatinine (µmol/L)
RD3)] > 17 mm ; index de Cornell [RVL + SV3]) > 24
mm chez l’homme, > 20 mm chez la femme) ; on parle d’insuffisance rénale débutante en dessous de
– sur le cliché thoracique, par la mesure de l’index car- 90 mL/min, d’ insuffisance rénale modérée en dessous de
diothoracique (pathologique si supérieur à 0,50) ; 60 mL/min, d’insuffisance rénale sévère en dessous de
– par l’échodoppler cardiaque, susceptible de montrer 30 mL/min et d’ insuffisance rénale terminale en dessous de
très précocement : une hypertrophie concentrique du ven- 10 mL/min ;
tricule gauche (hypertrophie ventriculaire gauche si l’index – de rechercher une protéinurie et une hématurie sur
de masse du ventricule gauche est supérieur à 125 g/m2 bandelette, avec dosage pondéral de la protéinurie si la
chez l’homme et à 110 g/m2 chez la femme ; concentrique si bandelette est positive (significative d’une atteinte rénale
le rapport paroi/rayon est supérieur à 0,45) ; une dilatation si supérieure à 300 mg/j) ;
de l’oreillette gauche ; des anomalies de la relaxation et de – et quand la bandelette est négative, de rechercher
la fonction systolique du ventricule gauche. une micro-albuminurie, surtout chez le diabétique (signi-
On recherche également des arguments en faveur d’une ficative à partir de 30 mg/24 h ou 20 mg/L).
insuffisance coronaire : douleur constrictive d’effort ou de Certains auteurs recommandent le dosage systéma-
repos, blockpnée d’effort, anomalie de la repolarisation tique de l’uricémie, sachant qu’une élévation au-dessus de
sur le tracé ECG de base, voire séquelles de nécrose myo- 70 mg/L (416 µmol/L) en l’absence de traitement est assez
cardique, antécédents de revascularisation myocardique. bien corrélée à la présence d’une néphro-angiosclérose.
Dans certains cas, une épreuve d’effort ou une scintigra-
phie myocardique d’effort, voire une coronarographie Évaluer le risque cardiovasculaire absolu
doivent être réalisées. Enfin, les facteurs de risque associés à l’HTA doivent
être soigneusement répertoriés :
Retentissement vasculaire
– âge et sexe ; l’âge est un facteur de risque supplé-
Il s’apprécie par : mentaire, chez l’homme à partir de 55 ans, chez la femme
– la recherche d’une claudication intermittente des à partir de 65 ans ;
membres inférieurs ou d’un angor intestinal ; – tabagisme (à chiffrer en paquets-années) ;
– la recherche d’antécédents vasculaires périphériques – hyperlipidémie ; cholestérol total supérieur à 2,5 g/L
(pontage aorto-fémoral, dissection aortique…) ; (6,5 mmol/L), ou LDL supérieur 1,55 g/L (4,0 mmol/L),
– la palpation systématique de tous les pouls artériels ; ou HDL inférieur à 0,4 g/L (1,0 mmol/L) chez l’homme,
– la palpation prudente de l’abdomen à la recherche inférieur à 0,48 g/L (1,2 mmol/L) chez la femme ;
d’un anévrisme aortique ; – surpoids, apprécié non plus par le rapport poids/
– l’auscultation des carotides, vertébrales, sous-claviè- taille2 supérieur à 25 mais par le périmètre abdominal
res, fémorales ;
– l’échodoppler des artères à destinée cérébrale, des
membres inférieurs et de l’aorte qui permet de dépister
des lésions infracliniques, plaques athéromateuses et aug-
CE QUI EST NOUVEAU
mentation de l’épaisseur intima-média ; L On considère que la pression artérielle n’est vraiment normale
– la mesure de la compliance des gros vaisseaux qui peut qu’en dessous de 130/85 mmHg. Toutefois, le risque
être évaluée par la simple mesure de la pression différen- cardiovasculaire lié à la pression artérielle est linéaire, sans
tielle (ou pression pulsée, considérée comme pathologique seuil identifiable.
au dessus de 60 mmHg), ou par la mesure de la vitesse de L Les méthodes de mesure alternatives comme la MAPA et
l’onde de pouls, qui nécessite un appareillage spécifique l’automesure tensionnelle s’avèrent très contributives dans de
(v. encadré P. Boutouyrie, page 618). nombreuses circonstances.
L Le fond d’œil est désormais considéré comme inutile tant que
Retentissement rénal l’HTA reste légère ou modérée.
Son évaluation impose : L Le syndrome d’apnée obstructive du sommeil est
– le dosage de la créatinine plasmatique ; elle est consi- fréquemment associé à l’HTA.
dérée comme : légèrement augmentée à partir de 13 mg/L L L’objectif tensionnel à atteindre chez les sujets à haut
(115 µmol/L) chez l’homme et de 12 mg/L (107 µmol/L) risque (diabétiques, insuffisants rénaux) est une pression
chez la femme ; pathologique à partir de 15 mg/L (133 artérielle inférieure à 130/80 mmHg.
µmol/L) chez l’homme et de 14 mg/L (124 µmol/L) chez
L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4 605
6. HYPERTENSION ARTÉRIELLE ESSENTIELLE P R I S E E N C H A R G E I N I T I A L E
Éléments à prendre en compte pour l’évaluation du risque cardiovasculaire absolu
FACTEURS DE RISQUES CARDIOVASCULAIRES RETENTISSEMENT VISCÉRAL PATHOLOGIE CLINIQUE ASSOCIÉE
❚ Niveaux de la pression artérielle ❚ Hypertrophie ventriculaire gauche ❚ Cérébrovasculaire :
systolique et de la pression artérielle (ECG, écho, radiographie) – AVC ischémique
diastolique (grades 1 à 3) – hémorragie cérébrale
❚ Atteinte rénale légère
❚ Sexe masculin > 55 ans – augmentation légère de la créatinine – accident ischémique transitoire
– micro-albuminurie ❚ Cardiaque :
❚ Sexe féminin > 65 ans
❚ Plaques athéromateuses carotidiennes, – infarctus du myocarde
❚ Tabac – angor
iliaques, fémorales, aortiques (radiogra-
❚ Dyslipémie phie, échographie) ou épaisseur intima- – revascularisation coronaire
média > 0,9 mm – insuffisance cardiaque
❚ Obésité abdominale
❚ Atteinte rénale patente :
❚ Antécédents cardiovasculaires familiaux – néphropathie diabétique
précoces – augmentation significative de la
❚ Diabète ++++ créatinine
– protéinurie > 300 mg/j
❚ Éventuellement augmentation de la CRP
❚ Maladie vasculaire périphérique
❚ Rétinopathie III - IV
Tableau 2 PAS : pression artérielle systolique ; PAD : pression artérielle diastolique ; AVC : accident vasculaire cérébral ; CRP :
protéine C- réactive.
(pathologique à partir de 102 cm chez l’homme, 88 cm Quel bilan sytématique ?
chez la femme) ; L’interrogatoire recherche la présence de facteurs exogè-
– antécédents familiaux d’accident cardiaque et (ou) nes ou endogènes favorisant la survenue ou l’aggravation
cérébrovasculaire précoce (avant 55 ans chez un homme d’une HTA : contraception orale, consommation de réglisse
et 65 ans chez une femme) ; et produits apparentés, consommation excessive d’alcool,
– plus récemment, l’intérêt de doser la protéine C-réac- alimentation riche en sel (ingesta à évaluer par la natriurèse
tive a été souligné (significative si supérieure à 10 mg/L) des 24 h [1 g de NaCl = 17 mmol de sodium]) ou au
– surtout quand l’HTA s’intègre dans le cadre d’un syn- contraire pauvre en potassium et magnésium, surpoids,
drome métabolique ; syndrome dépressif, sédentarité, antécédents familiaux
– et surtout présence d’un diabète, défini par une gly- d’HTA, certains médicaments (anorexigènes, antidépres-
cémie à jeun supérieure à 1,26 g/L (7 mmol/L) à 2 repri- seurs tricycliques, inhibiteurs de la mono-amine-oxydase
ses, ou une glycémie post-prandiale supérieure à 1,98 g/L [IMAO], corticoïdes, anti-inflammatoires non stéroïdiens,
(11,0 mmol/L). β2-mimétiques, ciclosporine, érythropoïétine, certains
L’inventaire précis de ces éléments joints à ceux éva- collyres et décongestionnants nasaux [phénylpropanola-
luant le retentissement viscéral entre dans l’évaluation du mine]), prise de toxiques (cocaïne, amphétamines…).
risque cardiovasculaire absolu (tableau 2). 1 Il précise d’éventuels antécédents uronéphrologiques :
Le risque cardiovasculaire absolu du patient hyper- douleurs lombaires (à irradiation descendante, de coliques néphré-
tendu peut alors être apprécié à l’aide du tableau 3. 1 C’est tiques, ou ascendante, permictionnelles évoquant un reflux),
lui qui guidera la prise en charge thérapeutique. pollakiurie, dysurie, brûlures mictionnelles, infections urinaires
récidivantes ou non, bactériologiquement authentifiées, notion
L’ENQUÊTE ÉTIOLOGIQUE ancienne d’une protéinurie ou d’une hématurie, antécédents
tuberculeux ou streptococcique, notion d’un traitement par des
Il faut distinguer 2 étapes dans l’enquête étiologique : la médicaments néphrotoxiques, antécédents de traumatisme lom-
première, systématique, est avant tout clinique et ne com- baire, d’intervention lombo-abdominale,antécédents goutteux.
porte que quelques éléments paracliniques essentiels ; la On recherche enfin des manifestations fonctionnelles de
seconde, plus lourde, n’est mise en œuvre que si la première la série médullosurrénale : HTA paroxystique, céphalées,
a révélé un élément d’orientation vers une cause possible. sueurs, palpitations…
606 L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4
7. L’examen clinique du patient comprend : à l’inspection,
la recherche d’une cicatrice opératoire, d’éléments Bilan paraclinique minimal
morphologiques et (ou) cutanés évocateurs d’une patho-
L
logie endocrine ; la palpation des pouls fémoraux, des e bilan paraclinique minimal à réaliser lors du bilan initial
espaces intercostaux, la recherche d’un gros rein uni- ou d’un hypertendu se compose des examens suivants (selon
bilatéral, éventuellement douloureux à la percussion ; la les recommandations de l’ESH 2003) : 1
percussion du pelvis à la recherche d’un globe vésical ; • à titre systématique (les examens en couleur sont ceux qu’a
l’auscultation du cœur à la recherche d’un souffle diasto- également retenus l’Anaés 2 en 1997 et 2000) :
lique d’insuffisance aortique ou d’un souffle systolique – glycémie à jeun ;
irradiant dans le dos, évocateur d’une coarctation, et celle – cholestérol total, HDL-cholestérol et triglycérides à jeun ;
des aires de projection des artères rénales à la recherche – créatinine plasmatique ;
d’un souffle systolo-diastolique évocateur d’une sténose – kaliémie sans garrot ;
artérielle rénale ; les touchers pelviens à la recherche d’un – uricémie ;
adénome prostatique, d’un fibrome utérin ou de toute – hémoglobine, hématocrite ;
autre formation tumorale du petit bassin. – bandelette urinaire ;
– ECG ;
Bilan biologique minimal • éventuellement :
Les prélèvements doivent se faire sans garrot, en régime - protéine C-réactive ;
normosodé à distance de toute prise médicamenteuse sus- – échodoppler cardiaque et vasculaire périphérique ;
ceptible de modifier l’équilibre hydro-électrolytique. – recherche de micro-albuminurie (systématique chez le
Le bilan biologique à visée étiologique se limite à un diabétique) ;
dosage sérique de la créatinine et du potassium et une recher- – dosage pondéral de protéinurie (si la bandelette urinaire
che sur bandelette réactive de protéinurie et d’hématurie. est positive) ;
En pratique, ce bilan biologique à visée étiologique est – fond d’œil en cas d’HTA sévère.
bien sûr réalisé conjointement avec le bilan destiné à éva- 1. Guidelines Committee: 2003 ESH-ESC guidelines for the management of
luer le retentissement viscéral et celui prévu pour recenser essential hypertension. J Hypertens 2003 ; 21 : 1011-53.
les facteurs de risque. L’ensemble de ces examens est 2. Anaés. Prise en charge des patients adultes atteints d’hypertension arté-
contenu dans l’encadré ci-contre. rielle essentielle (avril 2000) . www.anaes.fr
Le plus souvent (dans plus de 95 % des cas), au terme
de cette première approche, le praticien ne retrouve En pratique, une cause (tableau 4) n’est retrouvée que
aucun signe d’orientation étiologique d’ordre clinique ou dans 5 % des cas.
biologique ; il est alors inutile de prévoir de plus amples Le ou les signes d’orientation peuvent être les suivants :
investigations à visée étiologique. – abolition des pouls fémoraux qui doit faire évoquer
une coarctation aortique ;
Une cause est rarement trouvée – anomalies du bilan rénal et (ou) antécédents uroné-
Parfois le bilan initial révèle une anomalie qui, à elle phrologiques qui font évoquer, selon le contexte, une HTA
seule, amène à poursuivre les investigations. rénovasculaire ou une néphropathie parenchymateuse ;
Mesure du risque cardiovasculaire absolu
PRESSION ARTÉRIELLE
Autres FdR PAS 120 - 129 PAS 130 - 139 PAS 140 - 159 PAS 160 - 179 PAS > 180
ou PAD 80 - 84 ou PAD 85 - 89 ou PAD 90 - 99 ou PAD 100-109 ou PAD > 110
Pas d’autres FdR non majoré non majoré faible modéré élevé
1 à 2 FdR faible faible modéré modéré très élevé
Ȅ 3 FdR
ou atteintes organes modéré élevé élevé élevé très élevé
cibles ou diabète
Pathologie
clinique associée élevé très élevé très élevé très élevé très élevé
Signification du risque ajouté à 10 ans : faible < 15 % ; modéré : 15 - 20 % ; élevé : 20 - 30 % - très élevé Ȅ 30 %
Tableau 3 FdR : facteur de risque.
L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4 607
8. HYPERTENSION ARTÉRIELLE ESSENTIELLE P R I S E E N C H A R G E I N I T I A L E
– hypokaliémie par fuite urinaire qui peut être en rap- auxquelles il faut ajouter la déplétion sodée et le traite-
port avec : 1. un hyperaldostéronisme secondaire (rénine ment diurétique) ; 2. un hyperaldostéronisme primaire
et aldostérone élevées), qui reconnaît quatre grandes cau- (rénine basse et hypostimulable, aldostérone élevée, rap-
ses génératrices d’HTA (l’HTA rénovasculaire, les néphro- port aldostérone/rénine supérieur à 23), qui se présente
pathies parenchymateuses, les tumeurs de l’appareil juxta- sous deux formes différentes, l’adénome de Conn [cura-
glomérulaire, l’HTA essentielle d’évolution accélérée, ble chirurgicalement] et l’hyperplasie bilatérale des surré-
nales, qui relève d’un traitement par antialdostérones ;
– d’autres éléments peuvent orienter vers des étiolo-
gies plus rares : phéochromocytome, syndrome de Cus-
Le syndrome d’apnée obstructive hing, pathologies thyroïdiennes et parathyroïdiennes…
du sommeil : une cause possible – enfin, le syndrome d’apnée obstructive du sommeil
est considéré depuis peu comme une « étiologie » possible
d’hypertension artérielle de l’HTA, et comme un facteur de résistance au traitement
e syndrome d’apnées-hypopnées du sommeil (SAHS) se médicamenteux (v. ci-contre).
L définit habituellement par un index d’apnées-hypopnées
(IAH) supérieur ou égal à 10 par heure. 1
Ce syndrome comporte deux pathologies différentes :
DÉCISION THÉRAPEUTIQUE :
3 ÉVENTUALITÉS
• le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), lié
à la fermeture inspiratoire, passive, du pharynx, responsa- La prise en charge thérapeutique se fait en fonction du
ble de désaturations nocturnes itératives et de micro- niveau tensionnel et du niveau de risque cardiovasculaire
éveils à l’origine d’une déstructuration du sommeil ; absolu.
• et le syndrome d’apnées centrales du sommeil, déterminé Le schéma proposé par l’European School of Haemato-
par l’arrêt des commandes inspiratoires centrales, sans logy, ESH 2003, est le suivant. 1
collapsus pharyngé associé. La pression artérielle est « normale haute »
Le syndrome d’apnées-hypopnées du sommeil est à distin- (PAS à 130-139 ou PAD à 85-89)
guer du syndrome de résistance des voies aériennes supé-
rieures, caractérisé par la présence de micro-éveils en l’ab- Un traitement non pharmacologique doit être systéma-
sence d’apnées et de désaturations lors de l’enregistrement tiquement proposé.
polysomnographique. Pour diminuer la pression artérielle : réduire le surpoids
Des données épidémiologiques récentes ont montré que 30 par un régime approprié ; diminuer la ration sodée à 5 à
à 50 % des patients affectés d’un syndrome d’apnées obs- 6 g de NaCl/j ; limiter les apports en alcool à 20 à 30 g/j
tructives du sommeil étaient hypertendus, mais aussi que chez l’homme, 10 à 20 g/j chez la femme.
près de 30 % des hypertendus présenteraient un syndrome Pour corriger les autres facteurs de risque cardiovasculaire :
d’apnées obstructives du sommeil jusque-là ignoré. Le risque faire cesser ou réduire l’intoxication tabagique ; inciter à
d’accident vasculaire cérébral et le risque coronaire sont reprendre une activité physique aérobique d’au moins 30 à
également augmentés chez les patients apnéiques, avec 45 minutes, 3 à 4 fois/semaine ; augmenter la consommation
cependant une relation causale moins bien établie qu’entre de fruits et légumes, réduire les apports en graisses saturées.
syndrome d’apnées obstructives du sommeil et HTA. Un traitement pharmacologique ne doit être prescrit
Il convient donc de savoir demander un enregistrement que si le risque cardiovasculaire est élevé ou très élevé
polygraphique nocturne chez tout patient hypertendu diffi- (à cause de facteurs de risque associés ou d’une atteinte
cile à équilibrer, et ce d’autant plus qu’il a des signes d’orien- des organes-cibles). Si le risque est modéré, on s’en tient à
tation, tels qu’un surpoids, des ronflements nocturnes et une surveillance régulière des chiffres tensionnels. S’il est
une somnolence diurne. faible, aucune intervention spécifique n’est recommandée.
La pression positive continue, CPAP des Anglo-Saxons L’HTA est légère à modérée
(continuous positive airway pressure), est le traitement de (PAS à 140-179 ou PAD à 90-109)
référence du syndrome d’apnées obstructives du sommeil.
Ce traitement permet souvent de faciliter le retour des chif- Comme précédemment, le traitement non pharmaco-
fres tensionnels vers la normale. Il n’y a cependant pas de logique est systématiquement proposé.
preuve que l’appareillage permet de diminuer la morbi-mor- En cas de risque élevé ou très élevé, un traitement pharma-
talité cardiovasculaire des hypertendus atteints de syn- cologique est rapidement mis en route.
drome d’apnées obstructives du sommeil. En cas de risque modéré, la pression artérielle et les autres
facteurs de risque sont surveillés et ce n’est que si la PAS
1. Nieto FJ, Young TB, Lind BK et al. Association of sleep-disordered reste supérieure à 140 ou la PAD à 90 au 3e mois de sur-
breathing, sleep apnea, and hypertension in a large community-based
study. JAMA 2000 ; 283 : 1829-36. veillance, qu’un traitement pharmacologique est prescrit ;
dans le cas contraire, on poursuit la surveillance.
608 L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4
9. Principales causes de l’HTA (diurétiques, β-bloquants, inhibiteurs de l’enzyme de
conversion de l’angiotensine [IEC], inhibiteurs calciques,
❚ Syndrome d’apnée du sommeil
antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II, et à un
❚ Toxicité médicamenteuse (anti-inflammatoires non stéroïdiens, cocaïne, moindre degré α-bloquants) peut être prescrite, toujours
amphétamines, sympathomimétiques, contraceptifs oraux, ciclosporine, en monothérapie. Le recours à une classe particulière peut
tacrolimus, érythropoïétine, acide glycyrrhizinique…) être guidé par les caractéristiques du patient et du produit.
❚ Affections rénales chroniques L’intérêt d’une prescription complémentaire d’aspirine à
❚ Hyperaldostéronisme primaire petite dose (75 mg/j) a été démontré par l’étude HOT (réduc-
tion supplémentaire du risque cérébral et coronaire) ; ce béné-
❚ HTA rénovasculaire
fice est plus particulièrement marqué chez les hypertendus à
❚ Syndrome de Cushing haut risque cardiovasculaire ou dont la créatinine est supé-
❚ Phéochromocytome rieure à 115 µmol. Mais cette prescription ne peut s’envisager
❚ Coarctation de l’aorte que si la pression artérielle est parfaitement contrôlée.
L’objectif à atteindre est une pression artérielle infé-
❚ Affections de la thyroïde ou de la parathyroïde
rieure à 140 et 90 mmHg.
Tableau 4 D’après réf. 2.
Mais les essais d’intervention ayant montré qu’un
bénéfice supplémentaire en termes de morbi-mortalité
était obtenu, notamment chez les patients à risque élevé,
En cas de risque faible, la période d’observation sans trai- quand la pression artérielle était davantage réduite, l’ESH
tement pharmacologique peut éventuellement se poursui- (de même que le JNC 7) propose un objectif tensionnel
vre 12 mois. inférieur ou égal à 130 et 80 mmHg chez les patients à
haut risque cardiovasculaire, notamment les diabétiques.
L’HTA est sévère
Ce n’est qu’en cas d’échec au bout de 2 à 3 mois de la
(PAS Ȅ 180 ou PAD Ȅ 110 mmHg) monothérapie choisie, que se discute un aménagement
Le traitement pharmacologique est mis en route immé- thérapeutique : augmentation de la dose, changement de
diatement, associé aux mesures non pharmacologiques et à classe ou adjonction d’un médicament synergique.
la prise en charge énergique des facteurs de risque associés. Les bithérapies les plus fréquemment proposées sont les suivantes :
– β-bloquants + diurétiques thiazidiques ;
LES PRINCIPES DU TRAITEMENT – IEC + diurétiques thiazidiques ;
MÉDICAMENTEUX – antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II +
diurétiques thiazidiques ;
Quand la décision de traiter est prise, l’une quelconque – β-bloquants + inhibiteurs calciques (sauf vérapamil
des 6 classes pharmacologiques disponibles sur le marché ou diltiazem) ;
Paramètres et périodicité de la surveillance du patient hypertendu (Anaés 2000)
PARAMÈTRES PÉRIODICITÉ DE LA SURVEILLANCE PÉRIODICITÉ DE LA SURVEILLANCE
DANS LE CAS D’UNE HTA DANS LES SITUATIONS PARTICULIÈRES
CONTRÔLÉE NON COMPLIQUÉE
❚ Pression artérielle 3 à 6 mois Plus souvent si l’objectif tensionnel n’est pas atteint
❚ Interrogatoire et examen cardiovasculaire 12 mois Plus souvent en cas de symptôme cardiovasculaire
❚ Bandelettes urinaires (protéinurie) 12 mois
❚ Créatininémie 1 à 2 ans Avant et peu après l’instauration d’un traitement diurétique ou inhibiteur
du système rénine-angiotensine (avec une mesure de kaliémie)
❚ Glycémie 3 ans, si initialement normale Plus souvent en cas d’intolérance au glucose, de diabète,
de modification du poids ou du mode de vie
❚ Cholestérolémie totale et HDL, 3 ans, si initialement normaux Plus souvent si les lipides sont initialement anormaux,
triglycéridémie en cas de traitement hypolipidémiant, de modification du poids
ou du mode de vie
❚ Électrocardiogramme En cas de présence de signe d’appel à l’interrogatoire ou à l’examen
Tableau 5
L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4 609
10. ENSION ARTÉRIELLE ESSENTIELLE P R I S E E N C H A R G E I N I T I A L E
Quand demander l’avis du spécialiste ?
L
a prise en charge de l’HTA est, dans la • HTA maligne (œdème papillaire au fond • anomalies du bilan rénal (élévation de la
très grande majorité des cas, du d’œil, ou céphalées avec soif intense, créatinine, protéinurie, hématurie…) :
domaine du médecin généraliste. amaigrissement récent) : hospitalisation une consultation doit être demandée
Dans certains cas néanmoins, il est sou- en néphrologie, cardiologie ou médecine auprès du néphrologue, précédée éven-
haitable voire indispensable de confier le interne selon le contexte local. tuellement d’une échographie rénale ;
patient à un spécialiste, ou même de l’hospi- La simple poussée tensionnelle sans • mise en évidence d’un signe d’orienta-
taliser. retentissement viscéral ni signes de gravité tion vers une possible cause rénale ou
L’hospitalisation en urgence doit se faire (hypertensive urgency) peut être gérée en surrénale, hypokaliémie notamment : un
dans les circonstances suivantes, cor- ambulatoire. bilan étiologique adapté au signe d’ap-
respondant à des urgences vraies (hyper- En dehors de l’urgence vraie, l’avis du spé- pel doit alors être organisé dans une
tensive emergency des auteurs anglo- cialiste est sollicité dans les cas suivants : structure spécialisée ;
saxons) : • anomalies cardiovasculaires à l’interro- • suspicion d’un « effet blouse blanche » :
• œdème aigu du poumon, syndrome gatoire (dyspnée, douleur thoracique, une MAPA ou éventuellement une auto-
coronaire aigu ou suspicion de dissec- palpitations, malaises, claudication mesure tensionnelle doit être program-
tion aortique : hospitalisation en unité intermittente) ou à l’examen clinique mée, examens pouvant bien sûr être
de soins cardiologiques intensifs ; (souffle cardiaque ou vasculaire, râles de réalisés par le généraliste s’il a le maté-
• accident vasculaire cérébral ou accident stase pulmonaire…) ou à l’ECG (si le riel à sa disposition ;
aigu transitoire, syndrome méningé : médecin généraliste ne fait pas d’ECG • persistance de chiffres tensionnels éle-
hospitalisation en neurologie ; lui-même, une consultation auprès du vés malgré le traitement, au bout de 6
• éclampsie : hospitalisation en gynéco- cardiologue doit être demandée de prin- mois.
obstétrique ; cipe lors du bilan initial) ;
Même après 80 ans il y a un bénéfice à traiter l’HTA
L’
hypertension artérielle du sujet âgé Le bénéfice du traitement antihyperten- culaires graves (– 22 %) et de la survenue
est extrêmement fréquente (40 % seur chez le sujet hypertendu âgé est d’une insuffisance cardiaque (– 39 %). Il n’y a,
des sujets de plus de 65 ans sont aujourd’hui parfaitement établi, notamment en revanche, pas de bénéfice démontré en
hypertendus). en termes de protection cérébrale. La termes de mortalité globale, voire même une
Elle se caractérise par les point suivants : démonstration en a été apportée par de tendance à la surmortalité si on ne considère
• elle prédomine sur la PAS, car elle est multiples essais randomisés, conduits sur que les essais en double aveugle.
presque toujours en rapport avec une de larges populations : MRC trial, EWPHE, Au total, il faut aujourd’hui considérer
altération de la compliance des gros SHEP, STOP, SYST-EUR, HOT, STOP2, etc. qu’il n’y a pas d’âge au-dessus duquel un
vaisseaux (qui elle-même génère un Mais dans toutes ces études, l’âge des patient hypertendu n’aurait plus aucun
abaissement de la diastolique, d’où une patients inclus dépassait très rarement le bénéfice significatif à attendre d’un traite-
augmentation de la différentielle, ou seuil des 80 ans. ment antihypertenseur.
pression pulsée – marqueur de risque Certaines publications ont évoqué chez le En termes de chiffres tensionnels, l’objec-
indépendant) ; sujet âgé la possibilité d’une relation inverse tif à atteindre doit rester « raisonnable » :
• elle s’accompagne d’une variabilité ten- entre le niveau de pression artérielle et la l’Anaés 2 a proposé de ramener la PAS aux
sionnelle à court et moyen terme extrê- mortalité cardiovasculaire ou globale. Mais alentours de 150 mmHg.
mement marquée ; récemment, François Gueyffier et al., 1 en Une bithérapie est nécessaire dans plus
• la chute tensionnelle post-prandiale est groupant les données de 4 essais conduits en de 70 % des cas.
plus nettement accentuée que chez l’a- double aveugle (SHEP, SHEP-pilot, STOP et
dulte jeune ; SYST-EUR) et de 2 essais ouverts (Coope et 1. Gueyffier F, Bulpitt C, Boissel JP et al.
Antihypertensive drugs in very old people: a
• elle est souvent associée à une hypoten- CASTEL), ont pu montrer que le traitement subgroup meta-analysis of randomised controlled
sion orthostatique ; antihypertenseur permettait de réduire de trials. INDANA Group. Lancet 1999 ; 353 : 793-6.
• elle survient sur un terrain à risque, 34 % le risque d’ accident vasculaire cérébral 2. ANAES. Prise en charge des patients adultes
malade polymédicamenté et souvent après 80 ans ; le bénéfice est également atteints d’hypertension artérielle essentielle (avril
poly-artériel ; significatif vis-à-vis des accidents cardiovas- 2000) . www.anaes.fr
610 L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4
11. SUMMARY Initial management of arterial
P O U R L A P R AT I Q U E hypertension
Systemic arterial hypertension is currently defined by a systolic BP
or a diastolic BP higher than 140/90 mmHg. There are about 8
L L’HTA est définie par une pression artérielle systolique ou million hypertensives in France. The diagnosis of arterial
diastolique égale ou supérieure à 140 et 90 mmHg, hypertension can be made in some cases using ambulatory BP
respectivement. recording or home self BP measurement. The associated risk
L La méthode de mesure de référence est la mesure clinique au factors have to be identified, as well as target organs damage
(heart, brain, kidney, great vessels). Arterial hypertension is most
cabinet du médecin. Des méthodes complémentaires de
often mild or moderate. A specific etiology is found in less than 5%
mesure de pression artérielle (automesure à domicile et of the patients. The goal of therapy is usually a clinic BP lower than
mesure ambulatoire) sont souvent nécessaires. 140/90 mmHg (130/80 in patients with diabetes or renal failure).
L L’HTA n’est qu’un des éléments d’évaluation du risque cardio- Monotherapy results in a well-controlled BP in 50% of the cases,
only. Then, hypertensive patients should be often given 2 or 3
vasculaire absolu: les facteurs de risque associés doivent être
drugs.
évalués dès la première consultation, de même que le
retentissement sur les organes-cibles de l’HTA : cœur, Rev Prat 2004 ; 54 : 603-11
cerveau, rein, gros vaisseaux.
L Les décisions de mise en route du traitement médicamenteux RESUMÉ La prise en charge initiale
et ses objectifs ne reposent plus sur le seul niveau tensionnel de l’hypertension artérielle
L’hypertension artérielle (HTA), définie par une pression artérielle
mais sur le niveau de risque cardiovasculaire absolu. systolique ou diastolique égale ou supérieure à 140 et 90 mmHg
L Le bilan complémentaire initial de l’hypertendu comporte au respectivement, concerne environ 8 millions de Français. Son
minimum : glycémie à jeun, cholestérol total, HDL-cholestérol diagnostic peut être facilité dans certains cas par le recours à la
et triglycérides à jeun, créatinine plasmatique, kaliémie sans mesure ambulatoire de la pression artérielle et à l’automesure. Les
facteurs de risque associés doivent être évalués dès la première
garrot, uricémie, hémoglobine, hématocrite, bandelette
consultation, de même que le retentissement sur les organes-cibles
urinaire, ECG. de l’HTA : cœur, cerveau, rein, gros vaisseaux. L’HTA est le plus
L L’HTA est le plus souvent légère à modérée. Elle est souvent légère à modérée. Une étiologie n’est retrouvée que dans
essentielle dans 95 % des cas. moins de 5 % des cas. L’objectif tensionnel à atteindre est en règle
L L’objectif tensionnel à atteindre est en règle générale une générale une pression artérielle inférieure à 140/90 mmHg (mais
130/80 chez les diabétiques et les insuffisants rénaux). La
pression artérielle inférieure à 140/90 mmHg. monothérapie ne permet d’atteindre l’objectif que dans 50 % des
L La monothérapie ne permet d’atteindre l’objectif que dans cas. Le recours à une bi- ou trithérapie est donc souvent
50 % des cas. Il faut savoir associer les classes nécessaire.
thérapeutiques entre elles.
– IEC + inhibiteurs calciques ;
– β-bloquants + α-bloquants ;
– éventuellement inhibiteurs calciques + diurétiques
thiazidiques.
La trithérapie ne s’envisage qu’en cas d’échec d’une bithéra-
pie à pleine dose prescrite pendant encore 1 à 3 mois.
Les modalités de la surveillance, telles qu’elles sont RÉFÉRENCES
recommandées par l’Anaés, 5 sont résumées dans le
tableau 5. 1. Guidelines Committee : 2003 ESH- 5. ANAES. Prise en charge des patients
ESC guidelines for the adultes atteints d’hypertension
management of essential artérielle essentielle (avril 2000).
CONCLUSION hypertension. J Hypertens 2003 ; www.anaes.fr
21 : 1011-53.
Les preuves de l’efficacité du traitement antihyperten- 2. Chobanian AV, Bakris GL, Black
seur en termes de morbidité et de mortalité cardiovascu- HR et al. The 7th report of the JNC
on prevention, detection,
laires sont aujourd’hui solidement établies, dans toutes evaluation, and treatment of high
les formes d’HTA et sur tous les terrains, y compris les blood pressure. JAMA 2003 ; 289 :
patients de plus de 80 ans. 2560-72.
Encore faut-il pour cela se donner les moyens d’attein- 3. Recommendations of British
dre les objectifs tensionnels proposés, ce qui veut dire : Hypertension Society. Use and
interpretation of ambulatory BP
1. choisir préférentiellement des médicaments susceptibles monitoring. BMJ 2000 ; 320 : 1128-34.
d’être réellement pris, donc bien tolérés et faciles à manier ;
4. Proceedings from the 1st
2. savoir associer, plusieurs médicaments d’action complé- International Consensus
mentaire dès que la monothérapie s’avère insuffisante. B Conference on Self-Blood Pressure
Measurement. Blood Pressure
L’auteur ne déclare aucun conflit d’intérêt. Monitoring 2000 ; 5 : 91-149.
L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4 611
12. HYPERTENSION ARTÉRIELLE ESSENTIELLE M E S U R E R L A P R E S S I O N A R T É R I E L L E
Faut-il encore mesurer la pression artérielle en milieu médical ?
a variabilité de la pression artérielle, multi- domicile mais aussi à la standardisation de superposables : 1. les techniques complé-
L factorielle, sous la dépendance de nombreux
stimulus neurosensoriels ou exogènes, a été
quantifiée précisément depuis près de 40 ans. 1, 2
leur méthodologie, on a montré que le
niveau tensionnel basal était mieux défini
par ces méthodes complémentaires de
mentaires de mesure de la pression arté-
rielle définissent mieux le pronostic cardio-
vasculaire sous traitement que ne le fait la
Entre deux mesures de deux pressions arté- mesure de la pression artérielle que par la mesure conventionnelle en milieu médical ;
rielles à deux consultations différentes, la méthode conventionnelle en milieu médical. 2. ces études confirment, si besoin était, le bon
pression artérielle peut varier « naturellement » On a aussi montré que l’atteinte des organes- pronostic de « l’hypertension de consultation »
de 35 mmHg pour la systolique et 17 mmHg cibles était mieux corrélée au niveau ten- ou «hypertension blouse blanche»; le pronostic
pour la diastolique ! Cette constatation a d’im- sionnel défini par ces méthodes qu’à celui de ces hypertendus traités ayant des chiffres
portantes conséquences dans la définition du mesuré en consultation médicale. Malgré tensionnels élevés au cabinet médical alors
niveau tensionnel basal d’un individu. Les ces preuves, les recommandations interna- que leur pression artérielle est normale en
auteurs de ces premiers travaux ont montré tionales ou nationales n’ont pas encore dehors du cabinet médical (en ambulatoire ou
qu’en multipliant le nombre de mesures ou inclus la systématisation de ces méthodes à domicile) est comparable à celui des patients
mieux le nombre de consultations, on dimi- complémentaires de mesure de la pression dont la pression artérielle apparaît contrôléepar
nuait la variabilité, et ainsi on précisait mieux artérielle dans la prise en charge initiale ou les 2 méthodes ; 3. ces 2 études ont découvert
le niveau tensionnel basal. Mais la variabilité le suivi des hypertendus. Le motif principal également que près de 10 % des hypertendus
tensionnelle a aussi des conséquences dans de l’absence de généralisation de ces traités ont une « hypertension masquée »,
l’appréciation de l’efficacité d’un antihyper- méthodes était que nous ne disposions pas c’est-à-dire une pression artérielle appa-
tenseur. En effet, la réduction tensionnelle d’études épidémiologiques suffisantes et remment contrôlée par le traitement lors de
diastolique attendue de la mise en route d’un notamment pas d’études de pronostic car- la mesure faite au cabinet médical, mais une
traitement antihypertenseur, habituellement diovasculaire sous traitement. En effet, jus- hypertension artérielle non contrôlée en
de 5 à 10 mmHg au grand maximum, est très qu’à présent, tous les essais d’intervention mesure ambulatoire ou à domicile ; ces
inférieure à la variabilité individuelle de la pres- démontrant le bénéfice du traitement de hypertendus non contrôlés par leur traite-
sion artérielle diastolique (8,9 à 11,5 mmHg) l’hypertension artérielle ont utilisé la ment dans leur vie courante ont un mauvais
et à la reproductibilité de la méthode (17 à méthode conventionnelle de mesure de pronostic cardiovasculaire, superposable à
23 mmHg). pression artérielle (sphygmomanomètre à celui des patients dont la pression artérielle
mercure en milieu médical). n’apparaissait pas contrôlée tant en milieu
IL FAUT MULTIPLIER LES MESURES
Les résultats de deux études importantes médical que par la méthode complémentaire.
TENSIONNELLES POUR APPRÉCIER
L’EFFICACITÉ DU TRAITEMENT devraient modifier les prochaines recom- Ces 2 études confirment, sur le pronostic cardio-
mandations. Il s’agit d’études épidémiolo- vasculaire, les données préalables montrant
Les précautions de définition du niveau giques de suivi de cohortes étudiant le pro- que ces patients avec « hypertension masquée »
tensionnel basal ont été bien comprises nostic cardiovasculaire d’hypertendus avaient une atteinte des organes-cibles plus
depuis de nombreuses années et clairement traités. Après avoir comptabilisé les acci- importante que ceux ayant une hypertension
précisées dans les recommandations natio- dents cardiovasculaires advenus au cours contrôlée.
nales ou internationales de prise en charge du suivi, les auteurs ont établi la relation
L’AUTOMESURE TENSIONNELLE
de l’hypertension artérielle lors du diagnostic entre le niveau tensionnel défini à l’inclusion
DOIT SE GÉNÉRALISER
qui conseillent de multiplier les mesures à et le risque de survenue de ces accidents.
plusieurs consultations réparties sur 3 à 6 mois. À l’inclusion, le niveau tensionnel basal sous L’ensemble des données accumulées depuis
En revanche, on a oublié de tirer les consé- traitement a été mesuré par méthode 30 ans montre que la mesure tensionnelle
quences de la variabilité dans l’appréciation conventionnelle en milieu médical dans les conventionnelle en milieu médical a de sérieuses
de l’efficacité des traitements anti-hyperten- deux études, par mesure ambulatoire pour limites. Dans 20 à 30 % des cas, elle diagnostique
seurs. Trop souvent, nous nous contentons l’une3 et par automesure à domicile pour à tort une hypertension artérielle (« hyperten-
d’un trop faible nombre de mesures de pression l’autre. 4 Les médecins traitants des patients sion blouse blanche») et chez les patients traités,
artérielle pour affirmer que le traitement n’ont pas reçu de consignes de prise en nous laisse croire que les traitements ne sont pas
prescrit à la consultation précédente est ou charge autres que de suivre les recomman- efficaces. À l’inverse, dans 10 à 20 % des cas, elle
n’est pas efficace ! dations habituelles en termes de traitement nous laisse croire que les patients sont normotendus
Au cours de ces 15 dernières années, et de cibles tensionnelles à atteindre. Il n’y a («hypertension masquée») ou sont contrôlés par
grâce essentiellement à la multiplication pas eu de consignes particulières concer- le traitement antihypertenseur. Il est temps de rem-
aisée des mesures tensionnelles par la nant les classes d’antihypertenseurs. Les placer la mesure conventionnelle en milieu médi-
mesure ambulatoire ou l’automesure à résultats de ces 2 études prospectives sont cal par des méthodes complémentaires. Celles-ci
612 L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4
13. doivent être généralisées. Nous disposons d’ap- ont réellement besoin, il n’est pas certain que cela 6. Little P, Barnett J, Barnsley L, Marjoram J,
pareils d’automesure validés (www.anaes.fr) que soit un surcoût! Fitzgerald-Barron A, Mant D. Comparison of
acceptability of and preferences for different
les patients savent utiliser 5 et préfèrent à toute Guillaume Bobrie
methods of measuring blood pressure in primary
Unité d’hypertension artérielleHôpital européen
autre méthode. 6 Il nous appartient de mettre en Georges Pompidou
care. BMJ 2002 ; 325 : 258-9.
place les méthodes garantissant la qualité de cette 75908 Paris Cedex 15. 7. Staessen JA, Fagard RH, Lijnen PJ, Thijs L, Van
Mél : guillaume.bobrie@hop.egp.ap-hop-paris.fr Hoof R, Amery AK. Mean and range of the ambula-
généralisation (www.automesure.com).Il faut aussi
tory pressure in normotensive subjects from a
être précis dans les seuils définissant l’hyperten- meta-analysis of 23 studies. Am J Cardiol 1991 ; 67 :
sion artérielle et son contrôle. Les niveaux ten- 1. Armitage P, Rose GA. The variability of measurements 723-7.
sionnels ne sont pas équivalents. Au 140/90 of casual blood pressure. I. A laboratory study. Clin Sci 8. Thijs L, Staessen JA, Celis H et al. The international
1966 ; 30 : 325-35. database of self-recorded blood pressures in normo-
mmHg de la méthode conven- tionnelle en milieu 2. Armitage P, Fox W, Rose GA, Tinker CM. The variability tensive and untreated hypertensive subjects. Blood
médical, correspond 135/85 mmHg pour la of measurements of casual blood pressure. II. Survey Press Monit 1999 ; 4 : 77-86.
moyenne diurne de la mesure ambulatoire 7 et experience. Clin Sci 1966 ; 30 : 337-44.
9. Staessen JA, Byttebier G, Buntinx F, Celis H,
pour la moyenne de l’automesure. 8 Lorsque les 3. Clement DL, De Buyzere ML, De Bacquer Da et al . O’Brien ET, Fagard R. Antihypertensive treatment
Office versus Ambulatory Pressure Study based on conventional or ambulatory blood pres-
cibles tensionnelles à atteindre sous traitement Investigators. Prognostic value of ambulatory sure measurement. A randomized controlled trial.
sont à tort considérées comme équivalentes, la blood-pressure recordings in patients with treated Ambulatory blood pressure monitoring and treat-
mesure ambulatoire 9 et l’automesure 10 n’appor- hypertension. N Engl J Med 2003 ; 348 : 2407-15. ment of hypertension investigators. JAMA 1997 ;
4. Bobrie G, Chatellier G, Genes N et al . 278 : 1065-72.
tent rien ; il est même possible qu’elles soient Cardiovascular prognosis of “Masked
délétères, aboutissant à un allègement intem- 10. Staessen JA, Den Hond E, Celis H et al . Treatment
Hypertension” detected by blood pressure self- of Hypertension Based on Home or Office Blood
pestif du traitement et à un contrôle tensionnel measurement in elderly treated hypertensive Pressure (THOP) Trial Investigators.
patients. JAMA 2004 ; 291 : 1342-9. Antihypertensive treatment based on blood pres-
moins bon ! La généralisation de ces méthodes a
5. Vaisse B, Genes N, Vaur L et al. The feasibility of at- sure measurement at home or in the physician’s
bien évidemment un coût. En dirigeant les soins home self-monitoring blood pressure in elderly hyper- office: a randomized controlled trial. JAMA 2004 ;
et l’adaptation des traitements vers ceux qui en tensive patients. Arch Mal Cœur 2000 ; 93 : 963-7. 291 : 955-64.
MORCEAU CHOISI
Riva–Rocci, 1896 : l’invention du brassard
Le sphygmomanomètre de Potain (voir la couverture de ce numéro) est le premier instrument vraiment maniable au lit
du patient pour mesurer la valeur de la pression artérielle systolique. Mais la mesure est encore imprécise. Riva–Rocci
imagine alors d’adjoindre en 1896 un brassard gonflable à l’appareil : c’est la naissance de notre tensiomètre actuel.
La Presse médicale préconisant encore en 1899, l’utilisation de l’appareil de Potain, Riva-Rocci lui écrit en novembre
1899 pour signaler son invention.
à améliorer l’instrument du professeur Potain, j’ai été amené à imaginer
une nouvelle disposition instrumentale […] (NDLR : L’invention du
« Dans le n° 33 de la Presse médicale, M. Millian insiste sur l’importance brassard au bras qui permet d’interrompre le flux sanguin huméral ) qui
très grande que peut avoir en clinique la mensuration de la pression me paraît simple, facile à appliquer et qui fournit des données exactes,
artérielle, et il donne même quelques symptômes cliniques indirects toujours constantes, quel que soit l’observateur. J’ai présenté, dès 1896,
fournis par l’inspection et la palpation du cœur et du pouls ; mais avec mon nouveau sphygmomanomètre au Congrès italien de médecine
raison l’auteur fait aussi remarquer le peu qu’il faut attendre de ses interne, et mes fabricants m’ont dit l’avoir fourni aussi à l’étranger,
moyens et de ses causes d’erreur. M. Millian recommande donc avec surtout en Allemagne, en Angleterre et en Amérique. Voyant d’après
raison le sphygmomanomètre de Potain, comme l’instrument le plus apte l’article de M. Millian qu’on ne l’avait pas remarqué en France, j’en donne
à mesurer cliniquement la pression artérielle. Ce sphygmomanomètre est une description sommaire, et j’espère que mes honorables confrères
le frère jumeau de celui de Basch. J’ai moi-même commencé mes études français auxquels on doit presque toute l’étude de la tension artérielle
avec cet appareil, qui est très ingénieux. Mais, comme les observateurs après l’avoir essayé, voudront bien me donner leur avis. »
l’ont souvent remarqué, il est soumis trop souvent à des causes d’erreurs
et ses données ont une valeur absolument individuelle […]. En cherchant
L A R E V U E D U P R AT I C I E N / 2 0 0 4 : 5 4 613
14.
Pourquoi et comment
mesurer le risque
cardiovasculaire ?
Le calcul du risque cardiovasculaire global d’un individu, à l’aide
de tables facilement accessibles, permet d’évaluer le bénéfice
d’une intervention thérapeutique en prenant en compte l’ensemble
des facteurs de risque. Les résultats de l’étude HPS montrent ainsi
un bénéfice à prescrire une statine, chez des patients à très haut
risque cardiovasculaire, quelles que soient les valeurs plasmatiques
du cholestérol ou du LDL-cholestérol.
Thierry Krummel, Thomas Dervaux, Laura Parvès-Braun, Thierry Hannedouche*
L
e mot « risque » est dérivé du latin resecare, « ce qui égal à 1, il n’y a pas de relation entre ce facteur de risque et
coupe », et de là « écueil », rocher escarpé, puis risque la maladie. Un risque relatif compris entre 0 et 1 signifie
encouru par une marchandise en mer. Ce mot dési- que le facteur est protecteur, ce qui peut être par exemple
gne actuellement un danger, un inconvénient plus ou le cas d’une intervention médicale. Un risque relatif supé-
moins prévisible. rieur à 1 signifie que le risque de maladie est augmenté
En médecine cardiovasculaire, on distingue habituelle- par le facteur de risque.
ment le risque absolu et le risque relatif. Le risque absolu Une intervention thérapeutique peut modifier le risque
(RA) est la probabilité (habituellement exprimée en initial, à la fois relatif et absolu. C’est la réduction du
pourcentage) d’avoir un accident sur une période de risque absolu (RRA) qui est importante en clinique, et
temps donné. Il s’agit d’un concept statistique de groupe non pas seulement la réduction du risque relatif (RRR)
et donc difficile à extrapoler à un individu donné. souvent utilisée pour présenter les résultats des essais cli-
Le risque relatif (RR) est un chiffre sans dimension qui niques. Une intervention avec une réduction importante
représente le facteur multiplicateur en langage épidémio- du risque relatif n’apporte que peu de bénéfice clinique si
logique. Ainsi, un facteur de risque peut augmenter ou le risque absolu initial est faible.
diminuer le risque de maladie. Lorsque le risque relatif est Le bénéfice d’une intervention peut être exprimé sous
* Service de néphrologie, hôpitaux universitaires de Strasbourg, hôpital civil, 67091 Strasbourg Cedex.
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