1. La volonté et l’influence
« La vie est, à mes yeux, instinct de croissance, de durée, d'accumulation de force, de
puissance : là où la volonté de puissance fait défaut, il y a déclin. » Nietzsche
Le meilleur moyen de comprendre ce qu’est l’influence est de la vivre soi-même
et de l’observer. C’est comme si quelqu’un prenait le contrôle des désirs d’autrui
et les assimilés à ses propres désirs. L’influencé se calibre alors sur la norme de
valeurs du « manipulateur ». Cette manipulation est le plus souvent inconsciente.
Prenez un groupe de personne, et observez les interactions entre les membres
de ce groupe, vous verrez rapidement apparaître un leader, des suiveurs et peut-
être dans de rares cas, un électron-libre. Le leader est celui qui possède une forte
volonté de puissance, de forts désirs, il est sûr d’eux et ne fait aucune concession,
alors que les suiveurs, ont des désirs non réellement définis, presque sans forme.
Pour reprendre les termes de Carl Gustav Jung, on pourrait dire que les désirs
des suiveurs sont encore trop inconscient, que le conscient et l’inconscient ne
sont pas encore assez décantés. Alors leur individualité a du mal à se définir, ils
ont besoin dans ce cas, de trouver une substitution à leur manque. Ce manque
sera alors comblé par la volonté du leader. L’électron-libre sera celui qui aura
acquis suffisamment d’individualité, de liberté d’être , pour demeurer distant,
observateur du groupe auquel il appartient. Il ne sera ni leader, ni réellement
suiveur. Il deviendra en quelque sorte cette troisième force, qui fait face entre le
pôle actif et le pôle passif. On pourrait l’appeler la force neutralisante, c’est lui
qui fera interface entre les énergies polarisées. De plus, il pourra de part sa
double polarisation actif/passif, donneur/receveur, se mettre dans les
différentes positions. On retrouve ceci aussi dans le livre du Zohar, c’est
l’Alliance nécessaire entre le masculin et le féminin dans une même personne. Il
ne faut pas chercher son opposé/partenaire à l’extérieur mais d’abord l’incarner
intérieurement. Ensuite la projection externe pourra avoir lieu. Ce n’est que
lorsque l’individu se sent complet qu’il peut réellement devenir individuel, et
donc devenir le véritable maître de sa vie. Tant qui lui manquera une partie, il
cherchera au devant du monde à la trouver, et créera à l’extérieur des situations
lui permettant de combler ce manque, qu’il possède déjà en lui. Ainsi une
personne de nature timide, effacée, au premier abord, aura tendance à chercher
2. en l’autre la partie active, entreprenante, extraverti. On observe d’ailleurs de
nombreux couples naturellement équilibrés en terme de polarité actif/passif ;
extraverti/introverti. Cependant même s’il est bien entendu nécessaire de
trouver sa complémentarité dans le monde extérieur, il est nécessaire de faire de
même intérieurement afin de réajuster sa propre nature et ses propres limites.
Le but étant de nuancer ses qualités intrinsèques en trouvant leur opposé en soi.
Le psychisme est un système complet en Soi, équilibré et harmonieux. Ce que l’on
trouve dans le conscient, se retrouve en son contraire dans l’inconscient. Ainsi
pour reprendre le cas de cette personne timide, effacée , son inconscient
nourrira de l’agressivité (refoulée), des rêves de puissance et de force. Ainsi cette
personne possède déjà en elle-même la totalité de ses qualités, il faut cependant
travailler sur ses émotions, programmations biologiques et instinctives acquis
durant l’enfance, afin de les retrouver et de comprendre la liberté inhérente à
l’existence humaine.
Dans cette compréhension et acceptation de la liberté d’être, l’homme pourra
alors être à même de ne plus subir les influences passivement. La liberté n’est
pas l’absence d’influence mais la possibilité de choisir sous quelle influence on se
place. En étant conscient des influences qui nous gouvernent nous devenons
actif, et nous ne subissons plus l’inconscient de l’autre (dans la mesure de nos
capacités). Car finalement l’influence, peut se matérialiser comme une
manipulation d’inconscient à inconscient. Prenez quelqu’un qui a le besoin de
dominer, d’être valorisé par son entourage pour se sentir exister, et mettez le
avec une personne qui, d’instinct, se met en retrait, de peur de paraître
inintelligente, inintéressante. Vous verrez alors une parfaite complémentarité
d’inconscient s’établir, le besoin des deux sera parfaitement confondu l’un dans
l’autre. Le « dominé » sera complétement identifié à celui qui prend le rôle de la
force active, ce qui fait qu’il s’identifiera, par conséquent, à son rôle d’élément
passif. On pourrait croire que cette situation naturellement établie peut être
laisser à son compte et que deux individus de cette trempe jouiront de la vie à
leur convenance, et se complairont dans cette confortable situation de
complémentarité. Mais il est sans rappeler, que la nature humaine tend vers une
évolution constante, si elle s’en prive, en se confortant dans des programmations
biologiques et psychiques naturelles, et ne se fait donc pas violence vers une
quête d’évolution, elle sentira en elle un profond manque, des frustrations, un
besoin de changement.
Ainsi une personne naturellement timide pourra renfermer une grande dose de
colère ou de frustration. Celle-ci se résorbera dans une mauvaise utilisation de
l’énergie sexuelle (possible névrose) ou encore dans des états d’agitation non
congruents avec la situation. Elle sentira en elle, le besoin de s’imposer, de
montrer sa présence et ses qualités, mais, privé naturellement (du fait d’un
système de défense acquis durant l’enfance mais plus d’actualité aujourd’hui) de
cette capacité de se mettre au premier plan et de faire valoir ses idées, elle se
renfermera encore plus sur elle-même, et continuera à alimenter sa frustration
inconsciente, intérieure. Le but sera alors de se connecter avec cette frustration,
avec cette colère afin d’en récupérer le saint-graal, c’est à dire la volonté de
puissance. En se « connectant » avec sa colère interne, la personne apprend à la
dompter, à sentir le mouvement propre à cette émotion engrammée. Peu à peu,
en l’intériorisant, cette énergie violente à première vue, se dissipera pour ne
3. laisser qu’un point intense, concentré qui est la partie positive, utile de cette
émotion. Et alors grâce à cette colère/frustration, transformée en volonté de
puissance, la personne pourra apprendre à ne plus rougir devant des prises de
décisions majeures.
Un autre point important de l’effet de l’influence dans nos vies est important
d’être détaillé. Être influencé c’est aussi être balloté au grès des désirs d’autrui et
ainsi n’être que l’outil de la volonté de puissance d’autrui. C’est se mettre au
service , sans être pleinement conscient de son dévouement. Bien entendu, à une
plus grande échelle, nous sommes tous sous l’influence d’évènements extérieurs
(météo qui agit sur notre humeur, conditions économiques et politiques, famille)
et intérieurs (émotions, humeurs.. ) ; cependant en étant influencés par ces
dernières, nous nous mettons sous l’influence d’un ordre plus grand qui pourrait
être appeler Nature et non sous l’égide (positive ou négative) d’un autre. Nous
serons toujours sous la loi de forces supérieurs dont nous ne comprenons pas le
sens. Le discernement est donc important dans cette phase. Le discernement
c’est choisir sous quelle influence je peux me situer. Chez les mystiques
chrétiens, musulmans, juifs, zen, la source d’influence était le maître spirituel
dont le but était de se libérer de toutes influences terrestres, matérielles afin de
se situer directement sous l’influence supérieur, Les disciples se plaçaient alors
sous l’influence divine, par l’intermédiaire de leur maître. On pourrait comparer
ceci avec l’influence qu’exerçait le Roi de France sur la population. Le Roi était
l’incarnation de Dieu sur Terre et la population en se plaçant sous son influence
se mettait alors sous la protection divine.
Il dépend donc à chacun de choisir sous quelle influence il souhaite mener sa vie.
Il est possible aussi, de sentir en soi un but défini, et de s’y soumettre. On sera
alors moins enclin à être le pantin d’autrui, on deviendra plus stable dans ses
choix et la force qui en résultera agira sur autrui et sur nous-même. En se
définissant un but qui nous anime de l’intérieur et en prenant la responsabilité
de s’y tenir et de le mener à terme, on s’engage sous une loi d’influence
totalement différente de ce qu’on aurait pu faire avant. Tous nos choix, nos
rencontres tendent alors vers ce but et nous devenons l’outil de son oeuvre. C’est
comme si l’acte créateur, ou la création elle-même se manifestait à travers notre
personne. Bien sûr, ce but sera lui aussi sous l’influence de la Nature et de ses
manifestations parfois violentes et destructrices mais il aura plus de chance à
s’accomplir grâce à la force intérieure et à la loi d’influence sous laquelle on s’est
manifestement placée.
Dit comme cela, on pourrait penser qu’il est simple alors de redéfinir sa vie et de
la mener vers une plus grande maîtrise créative. Même s’il est simple de redéfinir
consciemment ses buts et de se penser à prime abord, assez fort et enthousiaste
pour les accomplir, il ne faudra jamais oublier que ses propres programmations
biologiques lutteront dans un premier temps ardemment contre le changement.
En changeant d’influence, on enclenche aussi une modification des
programmations instinctuelles. Mais celles- ci ne se laisseront pas transformer
d’elles-mêmes. La transformation nécessite patience, force de l’esprit et du cœur,
et sacrifice. On pourrait reprendre ces termes pour décrire les qualités d’un
Michel-Ange réalisant le plafond de la chapelle Sixtine.
La transformation intérieure est donc à l’image de la création externe, elle est
l’œuvre d’un processus alchimique de transmutation du plomb en or. Le plomb
symbolise nos conditionnements biologiques mais aussi ceux que l’on a dû
4. construire enfant face aux dangers du monde adulte. L’or symbolise cette
transformation consciente vers laquelle on souhaite tendre, ce nouvel Homme
primordial que l’individu crée de lui-même et par lui-même.