Le "family business" à l'épreuve de la transmission: des solutions pour alléger les droits de mutation des entreprises familiales.
L'EDHEC Family Business Center et VTM cités.
Conseils pour l'utilisation du nom patronymique dans les entreprises eponymes
Les echos citation vtm 11 12 2013
1. Tous droits réservés - Les Echos 11/12/2013 P.SPECIAL ENTREPRISES FAMILIA
LES
FISCALITÉ / Les dirigeants recourent aux pactes Dutreil et aux
/
démembrements de société pour alléger des droits de mutation ou
donation, qui peuvent représenter jusqu’à 45 % de la valeur des titres.
Des solutionspouralléger
les droits de mutation
des entreprisesfamiliales
L
a fiscalité est souvent évoquée parmi les premières
difficultés de la transmission des entreprises familiales en
France. Transmettre le capital de
son entreprise à ses enfants, c’est
verser au passage une part
importante de son patrimoine à
l’Etat. « Aujourd’hui, dans la tranche supérieure, les droits de mutation – dus au décès du propriétaire
– ou de donation – lorsque la transmission se fait avant le décès du
propriétaire – atteignent 45 % »,
indique Jean-Philippe Delsol,
avocat fiscaliste chez Delsol Avocats. Beaucoup plus que dans la
plupart des pays européens (voir
graphique ci-contre). Le risque ?
« Que les héritiers, légataires ou
donataires, soient contraints de
vendre l’entreprise pour pouvoir
s’acquitter de ces droits », explique Louis-Pascal Brabant, avocat
fiscaliste chez Landwell & Associés, cabinet d’avocats du réseau
PwC. Autant dire que les chefs
d’entreprise tentent, au maximum, d’anticiper pour réduire le
coût de la transmission, en recourant à quelques outils devenus
classiques.
Le pacte Dutreil
Baptisé du nom du ministre qui l’a mis en place en
2005, ce pacte permet de bénéficier d’un abattement de 75 % sur
l’assiette des droits de succession
ou de donation… et donc de
réduire considérablement
l’impôt à payer. Mais il est compliqué à manier. « Pour en bénéfic i e r, i l f a u t p r e n d r e d e s
engagements de conservation des
titres : toutes les parties en présence – donateurs et donataires –
doivent s’engager sur deux ans de
façon collective, puis les donataires sur quatre ans de façon individuelle. Mais c’est un cadre très
rigide, alors que les entreprises ne
sont pas des choses inertes : le
rythme de leur vie est tel qu’il faut
parfois faire évoluer le capital,
faire entrer des partenaires, ou
mettre en place un holding, etc.
avant la fin des délais imposés par
le pacte Dutreil. Et cela peut remettre en cause le bénéfice de ce dernier, estime Jean-Philippe Delsol.
C’est finalement une fausse bonne
idée à la française, car c’est une
solution qui complique la vie des
entrepreneurs et des actionnaires,
tout en renchérissant le coût des
opérations de restructuration. On
en arrive parfois à mettre en place
des montages totalement artificiels pour contourner la rigidité
du système. » Le tout dans une
course à l’échalote avec une
administration fiscale qui tend à
se montrer de moins en moins
conciliante depuis environ deux
ans, « allant jusqu’à adopter des
positions contraires à l’esprit
même de la loi, qui vise la préservation d’un noyau dur de capital »,
déplore Valérie Tandeau de Marsac, avocate spécialisée dans le
conseil aux entreprises familiales, fondatrice du cabinet VTM
Conseil FamilyBusinessLaw, et
professeure associée à l’Edhec
Family Business Center.
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Le démembrement
des titres
Pour réduire davantage le
coût de la transmission ?
Nombre de chefs d’entreprise
choisissent de transmettre à
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leurs héritiers la seule « nuepropriété » des titres de la société.
Ils en conservent donc « l’usufruit » jusqu’à leur décès, dans ce
qu’on appelle un « démembrement » de propriété. L’opération
est intéressante car la valeur de la
nue-propriété est inversement
corrélée à l’âge du donateur : plus
la transmission se fait tôt, moins
elle coûtera cher. « Si on réalise
une donation entre 50 et 60 ans,
l’usufruit vaut 50 % de la valeur.
L’assiette des droits de donation –
basée sur la valeur de la nuepropriété – est donc réduite de
moitié », indique Louis-Pascal
Brabant. En outre, le chef d’entreprise conser ve les avantages
financiers liés à la détention de
ses titres : le dividende. En revanche, son droit de vote (en tant
qu’usufruitier) doit être statutairement limité aux décisions
concernant l’affectation des
bénéfices.
L’abattement
de droit commun
C’est ouvert à tous, et même
aux chefs d’entreprise !
« Chaque parent peut transmettre
100.000 euros en franchise de droit
d e m u t a t i o n , à ch a c u n d e s e s
enfants, tous les quinze ans », rapp e l l e L o u i s - Pa s c a l B r a b a n t .
Autant dire que les entreprises
familiales, elles aussi, en profitent. Mais c’est un nouvel argument en faveur d’une anticipation
maximale des transmissions.
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La combinaison
des trois outils
En cumulant les avantages
du pacte Dutreil, ceux du
démembrement de propriété et la
donation en franchise, il est possible de réduire considérablement le taux d’imposition supporté lors de la transmission.
Prenons l’exemple d’une entreprise évaluée 10 millions d’euros
que le propriétaire, âgé de cinquante-cinq ans, souhaite transmettre à ses trois enfants.
Grâce au démembrement de
propriété ? L’assiette taxable
passe de 10 à 5 millions d’euros.
Grâce à la signature d’un pacte
Dutreil ? Elle peut être réduite de
75 % et tomb e à 1,25 million
d ’e u r o s . « C e l a r e p r é s e n t e
416.000 euros par enfant, moins
100.000 euros de franchise relevant de l’abattement de droit commun (et à la condition qu’aucune
autre donation n’ait été réalisée au
cours des quinze dernières
années). Chaque enfant ne sera
finalement taxé que sur
316.000 euros, et, compte tenu des
tranches d’imposition, la famille
n ’ a u ra f i n a l e m e n t p a y é q u e
186.000 euros d’impôt sur cette
transmission. Soit un taux effectif
de 1,86 %, tout à fait supportable,
contrairement aux 45 % du taux
marginal, si l’opération n’a pas été
préparée. Pour des valeurs d’actifs
plus importantes, toutefois,
l’ordre de grandeur sera bien
supérieur », évalue Louis-Pascal
Brabant.
Certains acteurs redoutent
toutefois que – comme beaucoup
d’autres outils fiscaux – le pacte
Dutreil ne soit un jour prochain
remis en cause… « Ce régime est en
principe sanctuarisé dans le cadre
du pacte de compétitivité », rassure Valérie de Marsac.
— Cécile Desjardins
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