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8 capitalfinance | 12 avril 2010 | N° 969
avisd’expert
ValérieTandeau
deMarsac,
Avocat Associée,
JeantetAssociés
Droit Fonds d’investissement intervenant en
minoritaire: les bons réflexes à acquérir
Depuis la crise
financière,
la nature des
opérations de
private equity
s’est sensible-
ment modifiée,
avec le dévelop-
pement des LBO
minoritaires et
des OBO (Owner
Buy-Out). Cette
position est nouvelle pour les
fonds de private equity habi-
tués, au cours de la dernière
décennie, à des prises de par-
ticipations majoritaires. Cette
nouvelle donne doit impéra-
tivement s’accompagner d’un
changement de paradigme :
de nouveaux réflexes juri-
diques doivent être acquis.
Le développement récent des opé-
rations de LBO minoritaires ou
d’OBO s’explique sans doute par
les difficultés accrues pour lever de
la dette, mais aussi par l’attrait des
banques pour ce type de montage.
Elles considèrent souvent que la pré-
sence, même minoritaire, d’un inves-
tisseur professionnel est un facteur
de sécurité financière, et le maintien
de l’équipe dirigeante, un gage de
stabilité. Mais la reproduction, au
sein de participations minoritaires,
des modes de fonctionnement dont
les fonds avaient pris l’habitude,
risquerait de les exposer, ainsi que
leurs dirigeants, à la mise en jeu de
leur responsabilité. Quelles sont les
précautions à prendre pour éviter
ce risque ? Des sujets, qui ne soule-
vaient en eux-mêmes pas de difficul-
tés particulières, doivent désormais
être envisagés et traités avec soin
dans la documentation contrac-
tuelle. La question de la sortie doit
être anticipée, mais comment ? Des
contraintes fiscales apparaissent
aussi, mais sont-elles aussi contrai-
gnantes qu’elles le paraissent au
premier abord? La position de mino-
ritaire ne recèle-t-elle pas aussi des
opportunités ?
Anticiper le risque d’immixtion
Par le passé, les investisseurs finan-
ciers ont été habitués à être impli-
qués dans la gestion de la société
cible, ce qui était légitime lorsqu’ils
intervenaient comme actionnaire
majoritaire. Le statut d’actionnaire
minoritaire n’autorisant qu’un
contrôle limité, il pourrait être ten-
tant d’organiser, au moyen de dispo-
sitions contractuelles qui pourraient
figurer dans un pacte, un système
de gouvernance qui reproduirait
peu ou prou le mode de fonctionne-
ment auquel le passé les a habitués.
L’écueil juridique auquel se heurte
un tel dispositif est l’immixtion des
investisseurs dans la gestion de la
société, qui est susceptible d’engager
leur responsabilité sur le fondement
de la gestion de fait. Les notions clés
pour trouver le bon équilibre sont
celles de surveillance et de contrôle,
au sens juridique précis que ces
termes ont en droit des sociétés, par
opposition à la notion d’adminis-
tration. Il est recommandé au fonds
minoritaire de privilégier une posi-
tion de membre du conseil de sur-
veillance, qui permet à l’investisseur
de bénéficier d’une bonne informa-
tion sans encourir, en principe, les
risques inhérents à la fonction d’ad-
ministrateur, ou, en cas de structure
moniste, de préférer la position de
censeur à celle d’administrateur.
Aux termes de la loi, le conseil de
surveillance est chargé d’ « exercer
le contrôle permanent de la gestion
de la société par le directoire », sans
pour autant empiéter sur la gestion
proprement dite de la société, qui
relève du directoire. Pour respecter
l’équilibre posé par le législateur,
les clauses destinées à organiser les
pouvoirs de l’investisseur minoritaire
doivent réserver son accord préa-
lable aux décisions qui sont à pro-
prement parler « extra » ordinaires. Il
peut être utile de se référer à la docu-
mentation bancaire, qui constitue
une référence externe objective, per-
tinente pour la société, et de définir
les cas d’autorisation préalable par
référence aux covenants bancaires.
Rédiger une charte
L’autre biais par lequel la responsa-
bilité de l’investisseur pourrait être
engagée est celui des conventions
de prestations de services et autres
management fees, qui lient fréquem-
ment les entreprises du portefeuille
à la société de gestion du fonds. Ici,
la difficulté est de trouver le bon
ajustement entre deux contraintes
en partie contradictoires : il faut évi-
ter l’immixtion du fonds dans la ges-
tion, mais aussi fournir un véritable
service, dont la valeur ajoutée doit
justifier les honoraires facturés. Les
échanges de mails, procès-verbaux
ou autres documents permettant
d’attester de la nature réelle des
relations existant entre la société
de gestion et les participations du
portefeuille seront évidemment cri-
tiques pour apprécier la nature réelle
de ces prestations. Rappelons que
la gestion de fait peut résulter de la
présence à des réunions, des dispo-
sitions statutaires ou d’un pacte,
d’une limitation excessive des pou-
voirs des dirigeants, de la signature
de documents impliquant des tiers,
de déclarations ou prises de position
au sein des organes de direction, de
la communication envers les sala-
riés, ou d’envoi de mails externes à
l’entreprise, et même d’échanges de
mails internes… Il est recommandé
de rédiger une charte précisant le
rôle des représentants de la société
de gestion dans l’accompagnement
des participations minoritaires, y
compris dans la gestion des projets
de build-up, dans lesquels ils sont
souvent tentés de trop s’investir.
Dans tous les cas, il faudra veiller
à ce que les règles de gouvernance
posées par la documentation juri-
capitalfinance | 12 avril 2010 | N° 969 9
avisd’expert
Les fonds doivent s’habituer à envisa-
ger leurs prises de participations mino-
ritaires sous un nouvel angle.
dique se traduisent fidèlement dans
la réalité opérationnelle de la vie de
la société.
Anticiper le processus de sortie
Une autre difficulté inhérente aux
prises de participations minori-
taires est l’anticipation des moda-
lités de sortie de l’investissement.
En tant que minoritaire, le fonds
n’aura pas le pouvoir d’organi-
ser librement sa sortie. Il est donc
indispensable qu’un certain nombre
de « garde-fous » aient été mis en
place en amont. La documentation
juridique négociée au moment de
la prise de participation (statuts,
pactes…) devra a minima traiter de
trois points fondamentaux: contrôle
des opérations sur le capital de la
société cible, organisation du pro-
cessus de sortie et encadrement des
cessions. Les mécanismes permet-
tant de limiter les opérations sur le
capital sont bien connus (clauses
d’agrément, droit de préemption,
droit de préférence, droit de sortie
conjointe…) et fréquemment utilisés
dans les pactes d’actionnaires. Inu-
tile de les développer ici. Une autre
possibilité, plus contraignante, est
la clause d’inaliénabilité, qui offre
l’avantage de garantir la stabilité du
capital dans la durée. Statutaire, elle
n’est explicitement autorisée par la
loi que dans les SAS et, dans ce cas,
sa durée ne peut être supérieure à dix
ans. La doctrine estime qu’elle peut
être également insérée dans les sta-
tuts des autres formes de sociétés,
sous réserve qu’elle soit temporaire
(mais pas nécessairement limitée à
dix ans) et justifiée par un intérêt
légitime, qui peut être la nécessité
d’assurer la stabilité de l’actionna-
riat. A défaut de pouvoir exercer un
contrôle parfait sur la géographie du
capital, le fonds minoritaire pourra
au moins organiser précisément les
modalités du processus de sortie. Il
peut, en particulier, imposer qu’au-
delà d’une certaine date, les action-
naires devront conjointement confier
un mandat de vente à une banque
d’affaires pour trouver un acqué-
reur, ou encore préciser la formule
d’évaluation qui sera utilisée pour
déterminer le prix. Autre possibi-
lité : négocier un droit de veto sur
le prix ou l’application d’un méca-
nisme dilutif sur les participations
du majoritaire si, au moment de
la sortie, le TRI escompté n’est pas
atteint. Enfin, il est prudent d’anti-
ciper contractuellement les hypo-
thèses de sortie de l’investisseur par
voie de cession et, notamment, l’hy-
pothèse où l’investisseur minoritaire
trouverait un candidat à l’acquisi-
tion d’une participation supérieure
à celle qu’il détient. Il sera alors utile
d’avoir prévu une clause de buy or
sell, sachant que la fixation du prix
et des modalités de déclenchement
des obligations respectives des par-
ties est toujours un exercice délicat.
Le fiscal renvoie au juridique
Les opérations minoritaires se heur-
tent souvent à une difficulté fiscale
connue sous le nom d’« amen-
dement Charasse », qui limite la
déduction des intérêts des emprunts
du groupe lorsqu’un actionnaire
cède sa participation au capital
d’une entreprise à une société qu’il
contrôle (ici, le holding de reprise).
L’effet de levier fiscal est alors pro-
portionnellement affecté. Cette dif-
ficulté, qui peut apparaître comme
une contrainte forte, doit cependant
être nuancée par l’appréciation ju-
ridique de la notion de contrôle.
En effet, la réintégration n’est pas
exigée si le « contrôle » n’est pas
caractérisé. Dès lors, une certaine
marge de liberté est autorisée, dans
la mesure où le contrôle doit être
apprécié, au cas par cas, par une
analyse juridique approfondie et
in concreto des accords contrac-
tuels et du montage juridique dans
son ensemble. En outre, lorsque le
management est fortement associé
à l’opération, il peut s’avérer très
fructueux d’examiner attentivement
la possibilité d’utiliser le crédit d’im-
pôt associé aux opérations de rachat
d’entreprises par les salariés (RES),
qui peut, sous certaines conditions,
constituer une solution alternative
intéressante, en particulier lorsque
l’avantage résultant de l’intégration
fiscale est limité par l’amendement
Charasse (cf. encadré).
Ces mécanismes pris individuelle-
ment ne sont pas nouveaux, mais
ils sont tous incontournables pour
éviter tensions et risques juridiques
tout au long de la vie de l’investis-
sement. Un changement doit donc
s’opérer dans la culture juridique
des fonds, qui doivent s’habituer à
envisager leurs prises de participa-
tions minoritaires sous un nouvel
angle.
Le « RES nouveau » : une opportunité ?
La perte d’opportunité fiscale
liée à l’amendement Charasse
peut, sous certaines conditions,
être partiellement compensée par le
recours au mécanisme du RES, qui a
été réintroduit en droit français par
une loi du 30 décembre 2006. Ce
« RES nouveau » est favorisé par la
création d’un crédit d’impôt, béné-
ficiant au holding de reprise, qui est
calculé sur la base de l’impôt sur les
sociétés dû par la société objet de la
reprise multiplié par le pourcentage
du capital du holding de reprise
détenu par les salariés. L’examen
détaillé de cette opportunité peut
se révéler utile dans les opérations
qui associent le management dans
un cercle suffisamment large pour
que le crédit d’impôt soit impor-
tant. Mais… encore faut-il que la
cible soit dans une santé financière
suffisante pour payer de l’impôt sur
les sociétés !

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Fonds d'investissements intervenant en minoritaire : les bons réflexes à acquérir

  • 1. 8 capitalfinance | 12 avril 2010 | N° 969 avisd’expert ValérieTandeau deMarsac, Avocat Associée, JeantetAssociés Droit Fonds d’investissement intervenant en minoritaire: les bons réflexes à acquérir Depuis la crise financière, la nature des opérations de private equity s’est sensible- ment modifiée, avec le dévelop- pement des LBO minoritaires et des OBO (Owner Buy-Out). Cette position est nouvelle pour les fonds de private equity habi- tués, au cours de la dernière décennie, à des prises de par- ticipations majoritaires. Cette nouvelle donne doit impéra- tivement s’accompagner d’un changement de paradigme : de nouveaux réflexes juri- diques doivent être acquis. Le développement récent des opé- rations de LBO minoritaires ou d’OBO s’explique sans doute par les difficultés accrues pour lever de la dette, mais aussi par l’attrait des banques pour ce type de montage. Elles considèrent souvent que la pré- sence, même minoritaire, d’un inves- tisseur professionnel est un facteur de sécurité financière, et le maintien de l’équipe dirigeante, un gage de stabilité. Mais la reproduction, au sein de participations minoritaires, des modes de fonctionnement dont les fonds avaient pris l’habitude, risquerait de les exposer, ainsi que leurs dirigeants, à la mise en jeu de leur responsabilité. Quelles sont les précautions à prendre pour éviter ce risque ? Des sujets, qui ne soule- vaient en eux-mêmes pas de difficul- tés particulières, doivent désormais être envisagés et traités avec soin dans la documentation contrac- tuelle. La question de la sortie doit être anticipée, mais comment ? Des contraintes fiscales apparaissent aussi, mais sont-elles aussi contrai- gnantes qu’elles le paraissent au premier abord? La position de mino- ritaire ne recèle-t-elle pas aussi des opportunités ? Anticiper le risque d’immixtion Par le passé, les investisseurs finan- ciers ont été habitués à être impli- qués dans la gestion de la société cible, ce qui était légitime lorsqu’ils intervenaient comme actionnaire majoritaire. Le statut d’actionnaire minoritaire n’autorisant qu’un contrôle limité, il pourrait être ten- tant d’organiser, au moyen de dispo- sitions contractuelles qui pourraient figurer dans un pacte, un système de gouvernance qui reproduirait peu ou prou le mode de fonctionne- ment auquel le passé les a habitués. L’écueil juridique auquel se heurte un tel dispositif est l’immixtion des investisseurs dans la gestion de la société, qui est susceptible d’engager leur responsabilité sur le fondement de la gestion de fait. Les notions clés pour trouver le bon équilibre sont celles de surveillance et de contrôle, au sens juridique précis que ces termes ont en droit des sociétés, par opposition à la notion d’adminis- tration. Il est recommandé au fonds minoritaire de privilégier une posi- tion de membre du conseil de sur- veillance, qui permet à l’investisseur de bénéficier d’une bonne informa- tion sans encourir, en principe, les risques inhérents à la fonction d’ad- ministrateur, ou, en cas de structure moniste, de préférer la position de censeur à celle d’administrateur. Aux termes de la loi, le conseil de surveillance est chargé d’ « exercer le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire », sans pour autant empiéter sur la gestion proprement dite de la société, qui relève du directoire. Pour respecter l’équilibre posé par le législateur, les clauses destinées à organiser les pouvoirs de l’investisseur minoritaire doivent réserver son accord préa- lable aux décisions qui sont à pro- prement parler « extra » ordinaires. Il peut être utile de se référer à la docu- mentation bancaire, qui constitue une référence externe objective, per- tinente pour la société, et de définir les cas d’autorisation préalable par référence aux covenants bancaires. Rédiger une charte L’autre biais par lequel la responsa- bilité de l’investisseur pourrait être engagée est celui des conventions de prestations de services et autres management fees, qui lient fréquem- ment les entreprises du portefeuille à la société de gestion du fonds. Ici, la difficulté est de trouver le bon ajustement entre deux contraintes en partie contradictoires : il faut évi- ter l’immixtion du fonds dans la ges- tion, mais aussi fournir un véritable service, dont la valeur ajoutée doit justifier les honoraires facturés. Les échanges de mails, procès-verbaux ou autres documents permettant d’attester de la nature réelle des relations existant entre la société de gestion et les participations du portefeuille seront évidemment cri- tiques pour apprécier la nature réelle de ces prestations. Rappelons que la gestion de fait peut résulter de la présence à des réunions, des dispo- sitions statutaires ou d’un pacte, d’une limitation excessive des pou- voirs des dirigeants, de la signature de documents impliquant des tiers, de déclarations ou prises de position au sein des organes de direction, de la communication envers les sala- riés, ou d’envoi de mails externes à l’entreprise, et même d’échanges de mails internes… Il est recommandé de rédiger une charte précisant le rôle des représentants de la société de gestion dans l’accompagnement des participations minoritaires, y compris dans la gestion des projets de build-up, dans lesquels ils sont souvent tentés de trop s’investir. Dans tous les cas, il faudra veiller à ce que les règles de gouvernance posées par la documentation juri-
  • 2. capitalfinance | 12 avril 2010 | N° 969 9 avisd’expert Les fonds doivent s’habituer à envisa- ger leurs prises de participations mino- ritaires sous un nouvel angle. dique se traduisent fidèlement dans la réalité opérationnelle de la vie de la société. Anticiper le processus de sortie Une autre difficulté inhérente aux prises de participations minori- taires est l’anticipation des moda- lités de sortie de l’investissement. En tant que minoritaire, le fonds n’aura pas le pouvoir d’organi- ser librement sa sortie. Il est donc indispensable qu’un certain nombre de « garde-fous » aient été mis en place en amont. La documentation juridique négociée au moment de la prise de participation (statuts, pactes…) devra a minima traiter de trois points fondamentaux: contrôle des opérations sur le capital de la société cible, organisation du pro- cessus de sortie et encadrement des cessions. Les mécanismes permet- tant de limiter les opérations sur le capital sont bien connus (clauses d’agrément, droit de préemption, droit de préférence, droit de sortie conjointe…) et fréquemment utilisés dans les pactes d’actionnaires. Inu- tile de les développer ici. Une autre possibilité, plus contraignante, est la clause d’inaliénabilité, qui offre l’avantage de garantir la stabilité du capital dans la durée. Statutaire, elle n’est explicitement autorisée par la loi que dans les SAS et, dans ce cas, sa durée ne peut être supérieure à dix ans. La doctrine estime qu’elle peut être également insérée dans les sta- tuts des autres formes de sociétés, sous réserve qu’elle soit temporaire (mais pas nécessairement limitée à dix ans) et justifiée par un intérêt légitime, qui peut être la nécessité d’assurer la stabilité de l’actionna- riat. A défaut de pouvoir exercer un contrôle parfait sur la géographie du capital, le fonds minoritaire pourra au moins organiser précisément les modalités du processus de sortie. Il peut, en particulier, imposer qu’au- delà d’une certaine date, les action- naires devront conjointement confier un mandat de vente à une banque d’affaires pour trouver un acqué- reur, ou encore préciser la formule d’évaluation qui sera utilisée pour déterminer le prix. Autre possibi- lité : négocier un droit de veto sur le prix ou l’application d’un méca- nisme dilutif sur les participations du majoritaire si, au moment de la sortie, le TRI escompté n’est pas atteint. Enfin, il est prudent d’anti- ciper contractuellement les hypo- thèses de sortie de l’investisseur par voie de cession et, notamment, l’hy- pothèse où l’investisseur minoritaire trouverait un candidat à l’acquisi- tion d’une participation supérieure à celle qu’il détient. Il sera alors utile d’avoir prévu une clause de buy or sell, sachant que la fixation du prix et des modalités de déclenchement des obligations respectives des par- ties est toujours un exercice délicat. Le fiscal renvoie au juridique Les opérations minoritaires se heur- tent souvent à une difficulté fiscale connue sous le nom d’« amen- dement Charasse », qui limite la déduction des intérêts des emprunts du groupe lorsqu’un actionnaire cède sa participation au capital d’une entreprise à une société qu’il contrôle (ici, le holding de reprise). L’effet de levier fiscal est alors pro- portionnellement affecté. Cette dif- ficulté, qui peut apparaître comme une contrainte forte, doit cependant être nuancée par l’appréciation ju- ridique de la notion de contrôle. En effet, la réintégration n’est pas exigée si le « contrôle » n’est pas caractérisé. Dès lors, une certaine marge de liberté est autorisée, dans la mesure où le contrôle doit être apprécié, au cas par cas, par une analyse juridique approfondie et in concreto des accords contrac- tuels et du montage juridique dans son ensemble. En outre, lorsque le management est fortement associé à l’opération, il peut s’avérer très fructueux d’examiner attentivement la possibilité d’utiliser le crédit d’im- pôt associé aux opérations de rachat d’entreprises par les salariés (RES), qui peut, sous certaines conditions, constituer une solution alternative intéressante, en particulier lorsque l’avantage résultant de l’intégration fiscale est limité par l’amendement Charasse (cf. encadré). Ces mécanismes pris individuelle- ment ne sont pas nouveaux, mais ils sont tous incontournables pour éviter tensions et risques juridiques tout au long de la vie de l’investis- sement. Un changement doit donc s’opérer dans la culture juridique des fonds, qui doivent s’habituer à envisager leurs prises de participa- tions minoritaires sous un nouvel angle. Le « RES nouveau » : une opportunité ? La perte d’opportunité fiscale liée à l’amendement Charasse peut, sous certaines conditions, être partiellement compensée par le recours au mécanisme du RES, qui a été réintroduit en droit français par une loi du 30 décembre 2006. Ce « RES nouveau » est favorisé par la création d’un crédit d’impôt, béné- ficiant au holding de reprise, qui est calculé sur la base de l’impôt sur les sociétés dû par la société objet de la reprise multiplié par le pourcentage du capital du holding de reprise détenu par les salariés. L’examen détaillé de cette opportunité peut se révéler utile dans les opérations qui associent le management dans un cercle suffisamment large pour que le crédit d’impôt soit impor- tant. Mais… encore faut-il que la cible soit dans une santé financière suffisante pour payer de l’impôt sur les sociétés !