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Une leçon sur les fractions
Suzanne Lachaise
Compte rendu d’une leçon donnée par Maurice Laurent à deux enfants lors du stage de
mathématique du 2 au 5 mai 1991 à Besançon (avec le secours de Christian Duquesne pour
me souvenir de la fin de la séance) - corrigé et complété par Maurice Laurent.
Les enfants
Une fille Havoli, actuellement en CE 2, et un garçon, Arona, en CM 2. Leur maman participe
au stage, elle nous a présenté Arona comme un enfant ayant beaucoup de difficultés à
comprendre les fractions (il comprendrait tout juste ce qui se passe quand on coupe une
pomme en deux ou quand on partage un gâteau).
Havoli est vive, rapide, sûre d’elle, elle a le regard malicieux, beaucoup de charme et elle sait
s’en servir ! Arona est plus calme, moins sûr de lui, et, autant qu’on puisse en juger,
convaincu de la "supériorité" de sa sœur, mais cela ne semble pas trop l’affecter...
Cette séance a eu lieu le deuxième jour du stage. Nous-mêmes avons déjà beaucoup travaillé
sur l’imagerie mentale. L’importance de l’action et des perceptions à l’âge de ces enfants a été
évoquée. Des termes comme : hiérarchies temporelles, action réelle et action virtuelle,
perception, évocation, un autre nom pour, changer de point de vue, élaborer des structures
mentales appropriées, l’algèbre avant l’arithmétique, mathématiser, et quelques autres, ont été
mis en circulation. Maurice Laurent y reviendra tout au long de ce stage, créant des situations
mathématiques adéquates pour les élèves que nous sommes.
La leçon
Les deux enfants sont assis face à face, Maurice en bout de table, une pile de feuilles blanches
(21 x 29,7) devant lui. Puisque ce sont de jeunes enfants, Havoli et Arona sont invités à
s’engager dans des actions réelles : prendre, plier, déplier, montrer, toucher, etc...
Maurice donne une feuille de papier à chacun d’eux et leur demande de la plier en 2. Nous
avons pu constater que l’expression "plier en 2" signifiait pour eux en 2 parties superposables
et aussi qu’ils avaient, par rapport à cette action, le comportement standard de plier leur
feuille largeur contre largeur.
Plier en 2, c’est facile, ils comprennent la consigne directement, ils savent le faire sans avoir
l’air de réfléchir - mais s’y engagent avec attention, Arona plus minutieusement que Havoli -
cela fait partie de ce qu’ils apportent avec eux. Sur cette base, on peut construire. On passe
donc à "plier en 4" une autre feuille. Même facilité, fondée sur l’expérience, que plier en 4,
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c’est plier en 2 et encore une fois en 2.
Les feuilles ayant été pliées, on demande de les déplier et même de les "repasser" pour
qu’elles soient bien à plat !
Puisqu’ils savent le faire, ils peuvent observer les résultats et en parler, mais quand ils
comptent les parties mises en évidence par le dépliage, ils les touchent en même temps, d’un
doigt ou de toute la main à plat : l’expression verbale est d’abord indissociable de l’action.
Ensuite, plier en 3 les met en face d’un inconnu. Havoli réfléchit d’abord puis se lance avec
succès tandis qu’Arona essaie de partir de ce qu’il sait faire : plier en 2, puis encore en 2. Le
résultat le surprend, son deuxième essai est aussi infructueux que le premier bien qu’il ait
modifié sa technique : ayant vu le résultat du travail d’Havoli, il replie seulement une petite
partie de la feuille sur l’autre, et faisant des plis successifs, il arrive encore à 4 parties.
Visiblement la consigne n’engendre pas en lui une image mentale structurée ...
Note de Maurice Laurent : On ne peut pas dire qu’il ne se représente pas une feuille dépliée
qui présenterait 3 parties isométriques (superposables). Par contre, ce qui est certain, c’est que
son image mentale n’est pas structurée par le dynamisme adéquat. En effet pour savoir plier
en 3, il faut être conscient du fait que si l’on replie 1/3 sur le reste de la feuille, ce 1/3
recouvrant un deuxième 1/3, reste apparent le dernier 1/3.
La stratégie requiert donc que l’on voie la rotation du 1/3 venant sur 1/3, et que l’on prenne
conscience alors que les deux rectangles restant visibles sont de mêmes dimensions. Et
lorsqu’on est capable de le faire sans hésiter, c’est qu’on sait le faire mentalement. Alors, et
alors seulement, plier en 3 n’est plus qu’un travail de feedback qui démontre que le travail
mental est achevé sur ce point.
Et pendant qu’Arona tâtonne, essaie, concentré sur son activité, Maurice lui "fiche la paix" et
s’intéresse au travail d’Havoli qui bénéficie de cette intervention - tendant à la rendre plus
présente et plus minutieuse -et qui... ne pèse pas sur son frère : regards supérieurs et
commentaires dévaluateurs court-circuités sans intervention répressive : c’est de l’éducation à
deux niveaux : Havoli apprend à être plus présente et à laisser sa place à son frère et à son
droit à l’erreur tandis qu’ Arona apprend à avoir sa place légitime, le droit à l’erreur, et le
droit au temps qui lui est nécessaire. Juste après cela, quand Maurice va donner temps et
attention à Arona, Havoli sera attentive à l’activité éducative dont Arona est l’acteur et va
participer "presque" sans interférer.
Jusqu’ici, le professeur a donné des consignes qui ont entraîné des actions correctes. Cette
fois un élève est en difficulté parce que la consigne ne le renvoie pas à une expérience
maîtrisée. Cet élève est donc en situation d’apprentissage et, par conséquent, le professeur a
un vrai problème d’enseignement : comment créer une situation de travail qui permette
d’engendrer l’élaboration d’une structure mentale adéquate dont le sous-produit sera une
stratégie d’action correcte - ou d’en transformer une préexistante en structure mathématique ?
Quant à nous, nous aurons l’opportunité de voir comment le professeur subordonne son
enseignement à l’apprentissage de cet élève.
Maurice prend une nouvelle feuille et part de ce que tentait de faire Arona : plier dans le sens
de la largeur en laissant dépasser du papier pour la suite du pliage. Maurice tient la feuille
(largeur vers lui) et amorce le mouvement de pliage en faisant glisser le "bord" proche de lui
en direction de la largeur opposée, la feuille "roule" sous ses mains, le mouvement est assez
lent pour pouvoir engendrer l’idée de ce qui va se passer (c’est-à-dire prévoir, anticiper), en
même temps que l’on observe ce qui se passe simultanément dessus et dessous (la partie de la
feuille qui glisse et celle qui reste immobile sur la table).
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La pression des mains sur le papier et le mouvement engendré sont tels que :
▪ le pli n’est jamais marqué - le pli roule -
▪ le mouvement est continu,
▪ le mouvement est lent, de sorte que l’on peut à chaque instant percevoir le rapport existant
entre la partie rabattue et la partie non recouverte, et que la partie rabattue est
superposée à la partie recouverte.
Mais c’est à Arona que reste le pouvoir de décision, puisque Maurice lui demande de dire
quand il devra arrêter le mouvement avant que le pli soit marqué.
Remarques
▪ Le tâtonnement infructueux de l’élève a été arrêté car il l’empêchait, dans ce cas précis, de
"se laisser éduquer par le problème".
▪ Le maître n’a pas travaillé à la place de l’élève, il l’a libéré de ce qui l’entravait en lui
servant d’adjoint, proposant une situation qui allait lui permettre de résoudre le
problème. Mais la décision restait à Arona car lui seul pouvait témoigner du fait que le
travail mental avait été effectué.
Pour prendre une telle décision, encore faut-il avoir un ou des critères de jugement. Arona a
l’occasion d’observer le mouvement de la feuille sur elle-même et de voir grandir la partie qui
avance tandis que la partie inférieure visible diminue, ou selon le sens du mouvement, de voir
diminuer la partie qui recule tandis que celle qui se dévoile augmente. (Tiens, nous avons vu
cela le lendemain avec les réglettes au sujet des sommes constantes mais la situation ici est un
degré plus complexe ...). Quelques allers et retours lents, des arrêts à propos desquels Arona
peut faire des commentaires, des estimations et même des mesures avec deux doigts écartés.
La décision se prend quand la partie mobile - de même que celle qu’elle recouvre - est de
même dimension que la partie qui n’est pas recouverte (Mais on ne dit pas cela, "ce morceau
est pareil que celui-là" suffit ici et maintenant).
Et nous avons droit, en prime, à une leçon subsidiaire, instrumentale, sur la discipline exigée
par cette façon de mesurer (ne pas changer l’écartement des doigts) : Arona "mesure" entre
pouce et index la largeur du rectangle que l’on obtiendrait en pliant à tel endroit, Maurice lui
demande de lever sa main sans bouger les doigts puis de la redescendre sur le même segment.
Arona peut constater qu’il a bougé ! Quelques essais pour assurer le contrôle de l’écartement
constant et nous avons un outil correct. Cet outil va lui servir à comparer deux longueurs à
l’aide d’une même troisième, préparant pour l’avenir l’évaluation visuelle (l’action réelle et
consciente crée l’équipement mental pour l’action virtuelle future - dans une minute ou dans
un an...).
Au cours de ce processus d’évaluation, les enfants sont amenés à considérer le pliage
d’Havoli et celui en cours d’Arona. Une fois le premier pli réalisé, le bord libre du papier
rabattu sur la feuille sert de marque pour le prochain pli. Des questions de Maurice sur "où
sera tel point quand on aura fini de plier ?" permettent aux observateurs de voir que les
enfants imaginent correctement le mouvement, qu’ils ont la notion de points invariants dans
cette transformation (ceux de l’axe de pliage) et qu’ils savent où sera l’image d’un point
quelconque après pliage. Une piste de travail s’ouvre qui ne sera pas explorée à cause de la
discipline interne à l’exercice en cours et parce qu’il faut opérer des choix, puisqu’on ne peut
faire deux choses à la fois.
Chacun a maintenant une feuille pliée en 2, une en 4 et une en 3. Ils peuvent de nouveau pour
chacune, dire à la demande combien elle a de parties, comment se nomme chacune d’elles (les
enfants connaissaient les mots demi, quart et tiers), montrer une des 3, une autre des 3, encore
une autre, mais aussi 2 des 3, ou 2 des 4 sur la feuille correspondante, ou 3 des 4. Ils peuvent
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répondre à des questions comme : "Combien de fois est-ce que je peux vous demander d’en
montrer une des 4 et puis une autre des 4 pour que vous les ayez toutes montrées ?" Et aussi
se référer à une feuille non pliée et, par l’expérimentation et les formulations, exprimer que
"c’est pareil" de dire 2 demi-feuilles, ou une feuille entière, ou 3 tiers ou 4 quarts de feuille -
Prise de conscience de "un autre nom pour" (je ne change pas d’objet mais de façon de le
regarder) et préparation à la prise de conscience de la notion d’indifférence toujours présente
en mathématique.
Nous sommes bien en train de travailler sur les fondements de la mathématique, à propos d’un
exercice spécifique, les enfants se créant des structures mentales dont l’avenir dépasse de
beaucoup la situation présente, le maître les mettant au contact du mathématicien en eux en
n’utilisant que ce qu’ils avaient apporté avec eux : leur expérience, leurs capacités
perceptives, leur corps pour l’action, leur bon sens, leur capacité d’abstraire (accentuer
certains aspects en en ignorant d’autres), leur jugement, leurs capacités d’expression, leur
faculté de créer des images dynamiques et d’agir sur elles, leur aptitude à contrôler leur tonus
musculaire mais aussi à suspendre leur jugement etc... (cf. la liste des attributs du Moi, que
vous avez sûrement en mémoire...)
Maintenant Maurice prend un spécimen de chaque sorte, y compris une feuille non pliée, sous
laquelle il empile rapidement dans l’ordre les feuilles pliées en 2, 3, 4..., sous le regard des
enfants. Tout est là, mais on ne voit plus rien. D’où les questions sur le non visible : "Qu’est-
ce qu’il y a sous cette feuille ? Juste en dessous ? Et en dessous ? Quelle est la dernière ?..."
On peut vérifier mais on ne le fait pas. Nous sommes dans le virtuel : les images mentales,
fortement structurées par l’action personnelle et la réflexion - élaborées pas à pas en
respectant les hiérarchies temporelles des prises de conscience qui les ont engendrées -sont
stables, imprimées pour toujours dans leur esprit ; l’évocation est aisée, on se promène aussi
allègrement dans les 1/2, les 1/3 et les 1/4 virtuels que tout à l’heure lorsqu’on lisait les
"vrais".
Alors, vient une question nouvelle : "Comment serait la feuille suivante ?" Réponse
immédiate des deux enfants : pliée en 5 ! Maurice plie rapidement une nouvelle feuille en 5 :
"Celle-là, c’est moi qui la plie."
(Pas de distraction par une activité qui demanderait toute la présence des enfants : savoir plier
en 5 peut s’étudier à un autre moment, c’est un problème différent, tandis qu’avoir une feuille
pliée ainsi sert de pont entre les feuilles réellement pliées par eux et les feuilles suivantes
pliées en imagination : si je savais le faire, la suivante serait pliée en... 1 de plus...)
(Havoli semble trouver que Maurice est allé bien vite pour ce pliage et le suspecte d’avoir
triché et de l’avoir pliée en 6, elle ne sera tranquille qu’après avoir compté les segments du
bord de la feuille !)
"Comment s’appelle chaque partie ?"Un cinquième." "Combien de cinquièmes dans la
feuille ?" "Cinq !" "Comment s’appelle toute la feuille ?" "Cinq cinquièmes."
Questions sur les feuilles suivantes, complètement virtuelles, et questions sur le nom de la
feuille pliée en 9, en 15, en 43, en 100, en a, en... (autres lettres de l’alphabet), qui obligent les
enfants à prendre conscience de la manière dont on construit ces mots lorsque le
fonctionnement automatique a des ratés : plié en n, déclenche "enne enièmes", d’où un travail
de précision sur le contenu des mots comme "cinquième", et des expressions comme "cinq
cinquièmes" : il y a cinq + ième dans cinquième. Cela prend le temps nécessaire, et des
expressions comme "ixe ixièmes" déclenchent : "C’est du français ça ?". Premier contact avec
l’algèbre et l’indifférence à la valeur numérique. L’important, c’est de dire 2 fois le même
mot comme dans : "a aièmes".
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On peaufine l’expression : "1 feuille c’est la même chose que 2 demi-feuilles qui est la même
chose que 3 tiers de feuille..."
Point sur les maîtrises en cours. Les enfants savent :
▪ plier des feuilles en 2, 3, 4, 6, 8... morceaux. (Des pliages effectifs spéciaux - en 5, en 7...-
ne peuvent encore être réalisés.)
▪ imaginer des feuilles pliées en n’importe quel nombre de parties superposables.
▪ nommer les parties et aussi les feuilles en fonction de la manière dont elles sont pliées :
fractions équivalentes à l’unité.
▪ engendrer les images mentales correspondantes et agir sur elles.
▪ s’exprimer à propos du contenu de leurs images mentales : ¼ et ¼ et ¼ = ¾.
Le maître s’est assuré que les fondations existent et a fourni les matériaux pour que ses élèves
construisent eux-mêmes l’édifice solidement sur la base des fonctionnements humains actifs à
cet âge : l’action, les perceptions, l’expression verbale décrivant ces actions, ces perceptions
et les états affectifs engendrés. Tout au long du travail, il s’est assuré que les ponts d’un
domaine à l’autre existaient, qu’ils étaient solides et que l’on pouvait toujours retourner - par
l’action virtuelle ou réelle - à l’endroit où la situation était complètement maîtrisée.
Il est temps d’aborder la phase suivante : la notation symbolique.
Maurice va donc au tableau et propose d’écrire ce que l’on sait dire :
1 feuille = (c’est la même chose que) 2 (deux) / 2 (deuxièmes de feuille) = (qui est la même
chose que) 3/3 (de feuille)..........
Maurice fera preuve d’une grande exigence quant à la formulation exacte, complète, des
relations symbolisées par les signes mathématiques et prendra le temps nécessaire pour que
cette discipline s’installe (Cf. les indications entre parenthèses à côté de ces signes).
Nous avons bientôt au tableau, élaboré par les formulations des enfants avec une discipline
rigoureuse :
1 feuille = 2/2 = 3/3 = 4/4 = 5/5 = / = 7/7 = 8/8 = ... = 15/15 = ... =
43/43 = ... = 111/111 = ... = a/a
Commentaires
Après 5/5, Maurice place seulement la barre de fraction, "Celui-là, on ne l’écrit pas, on n’a
pas le temps !" et place un = après quoi il attend une formulation, qui jaillit sans problème :
7/7. Après 8/8 = il met 3 petits points puis = les enfants proposent 12/12, à quoi Maurice
répond : "Celle-là, elle est pliée en 15" 15/15 est donc énoncé mais je sens une incertitude
dans les voix quant à la valeur des ... A l’étape suivante, après 3 nouveaux petits points,
Maurice annonce une feuille pliée en 43 ! L’écart est assez grand pour que les enfants soient
assurés qu’il ne s’agit pas d’une erreur de perception du professeur mais bien d’une volonté
délibérée d’indiquer par ces 3 petits points un saut quelconque.
Leurs voix sont de nouveaux assurées pour lancer 43/43 et dans toute leur attitude, tendus
vers le tableau, à demi levés, je sens leur attention stimulée, leur excitation à l’idée des
mystères qui arrivent sûrement, en même temps que la certitude de pouvoir relever les
prochains défis. Au moment de a/a, nous sommes au contact de leur indifférence à la valeur
numérique, c’est "quelque chose, quelque chosième". Voici encore l’algèbre qui nous fait
percevoir tous les possibles dans une seule expression. C’est à cette puissance formidable de
l’algèbre que les enfants sont confrontés en si peu de temps et avec beaucoup de joie de leur
part.
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Suite du travail
Alors Maurice fait la proposition suivante :" Quelqu’un a une feuille et une autre pliée en 5,
dont il ne regarde que 3 morceaux. Que va-t-on écrire pour ça ?" Il écrit : 1 feuille et (le "et"
est souligné 2 fois et dit de manière appuyée par Maurice), Havoli complète : 3/5 de feuille.
Maurice : ou bien ?
Les deux enfants, spontanément : 1 + 3/5
Maurice : Et maintenant, quelqu’un a une feuille pliée en 11 dont il ne regarde que 7
morceaux, ET une feuille entière.
Et il écrit au tableau : 7/11 + 1 = __ + __ = __
Ce qui entraîne la réponse directe des enfants : 18/11, sans qu’ils aient dit l’expression
intermédiaire (__+__).
Commentaires
Il est évident qu’ils se la sont dite mentalement pendant que Maurice écrivait les barres de
fraction sans commentaire, et à la même vitesse : On peut dire que cette écriture partielle où la
structure est présente mais pas les nombres, permet aux deux élèves :
a. d’engendrer la formulation mentale correcte (ce dont on a la preuve quand ils disent la
proposition finale),
b. de travailler sur la formule, c’est-à-dire sur le substrat algébrique, d’une manière qui
prépare et conduit à l’indifférence aux valeurs numériques, pendant qu’on a encore
besoin de ces valeurs pour construire son savoir,
c. de se démontrer qu’ils sont aussi sûrs de la réalité et de la vérité de leurs propositions
mentales qu’ils l’étaient plus tôt de leurs formulations et qu’ils l’avaient été plus tôt
encore de leurs perceptions et de leurs actions, parce qu’ils savent pouvoir faire le
chemin à l’envers si le besoin s’en fait sentir c’est-à-dire s’ils ont un doute à n’importe
quel niveau.
Suite
Maurice : "J’ai une feuille et j’en cache les _" (noté au tableau sous la forme : 1-3/4). Les
enfants disent "1/4 "tout de suite.
Maurice : "J’ai 2 feuilles entières et 1 pliée en 5 dont je regarde 3 parties..."
Les enfants trouvent facilement 10/5 mais sont confus quant à la suite. Aussi, Maurice
reprend le travail en amont avec toujours la même rigueur verbale que je n’expliciterai ici que
pour la première proposition : 4 feuilles entières ET 2/3 de feuille, c’est la même chose que
12/3 de feuilles et 2/3 de feuille (les enfants parlent pendant que Maurice écrit et parle) qui
sont la même chose que ? 14/3 (les enfants le disent seuls) :
4 + 2/3 = 12/3 + 2/3 = 14/3
id. avec :
10 + 2/3 = ... = 32/3 100 + 2/3 = ... = 302/3 1000 + 1/3 = ... = 3001/3 1000 + 5/3 = ... = 5001/3
Ils peuvent alors résoudre le problème antérieur : 2 feuilles entières et une pliée en 5 dont je
regarde seulement 3 parties :
2 + 3/5 = 10/5 + 3/5 = 13/5