2. Rama, jeune romancière, assiste au procès de Laurence Coly à la cour d’assises de Saint-Omer. Cette
dernière est accusée d’avoir tué sa fille de quinze mois en l’abandonnant à la marée montante sur une
plage du nord de la France. Mais au cours du procès, la parole de l’accusée, l’écoute des témoignages
font vaciller les certitudes de Rama et interrogent notre jugement.
4. Réalisatrice: Alice Diop
0 Née en 1979, Alice Diop grandit dans
une famille d’origine sénégalaise dans
la cité des 3000, à Aulnay-sous-Bois.
Attirée par l’art et la culture, elle est
une lectrice avide et une excellente
élève durant son enfance et son
adolescence. Elle s’oriente vers des
études d’histoire puis de sociologie
visuelle à l’université Panthéon
Sorbonne.
0 2005 marque ses débuts de réalisatrice
avec le court-métrage La Tour du
monde. Elle enchaîne avec d’autres
courts et moyens métrages
documentaires, dont certains (La Mort
de Danton et Vers la tendresse) sont
sélectionnés et primés en festivals.
0 En 2016, elle se lance dans le format
long, toujours dans le documentaire,
avec La Permanence.
5. 0 Dans la veine de ses courts, elle
s’intéresse aux visages et aux voix de la
banlieue et tente de replacer au centre
les corps (en particulier le corps noir)
souvent rejetés à la marge. Cinq ans
plus tard, Nous remporte le Prix du
Meilleur Documentaire de la Berlinale
ainsi que le Prix du Meilleur Film de la
Section Encounters du festival.
0 En 2022 sort son premier long-métrage
de fiction, Saint Omer, qui reconstitue à
travers les yeux d’une romancière noire
le procès d’une mère infanticide
inspirée de Fabienne Kabou, qui
abandonna en 2013 son bébé sur une
plage du nord de la France.
0 Cette incursion dans la fiction se révèle
être un coup de maître : le film
remporte le Lion d’argent (Grand Prix
du jury) et le prix du premier film à la
Mostra de Venise, avant d’être choisi
pour représenter la France aux Oscars
en 2023. La réalisatrice obtient
également le prestigieux Jean Vigo, qui
distingue l’indépendance d’esprit, la
qualité et l'originalité des cinéastes.
7. Kayije Kagame
0 Née en 1987, Kayije Kagame est diplômée
en 2013 de l’École Nationale Supérieure
des Arts et Techniques du Théâtre de Lyon
au Département Jeu (72ème promotion).
Elle est ensuite repérée par le metteur en
scène et plasticien Bob Wilson et devient
résidente au Watermill International
Summer Program Residency à Long Island,
New York, en 2014 et 2015.
0 Auteure de performances, de pièces
sonores, de films ou encore d’installations,
elle collabore avec des artistes venus de
tous horizons, comme Baboo Liao, Ivan
Cheng, Karim Bel Kacem, et Maud Blandel.
0 En 2022, elle co-réalise avec Hugo Radi le
diptyque scénique et cinématographique
Intérieur vie / intérieur nuit. La même
année, elle tient son premier rôle au
cinéma dans Saint Omer d’Alice Diop, celui
d’une jeune romancière qui assiste au
procès d’une femme accusée d’infanticide.
8. Guslagie Malanda
0 Passionnée d’art contemporain,
Guslagie Malanda est diplômée
d’Histoire de l’art et exerce pendant
plusieurs années en tant que
commissaire d’exposition
indépendante.
0 Au détour d’un vernissage, elle entend
parler d’un casting et s’y rend suite à un
pari.
0 Elle décroche le premier rôle de Mon
amie Victoria de Jean Paul Civeyrac,
sorti en 2014.
0 Lassée des propositions de rôles qu’on
lui fait par la suite (des personnages de
migrante ou de prostituée), elle ne
revient sur les écrans qu’en 2022 dans
Saint Omer d’Alice Diop. Elle y campe le
double fictionnel de Fabienne Kabou,
cette jeune mère condamnée en 2017
pour infanticide, après avoir abandonné
son bébé sur une plage du nord de la
France.
9. Valérie Dréville
0 Valérie Dréville est une comédienne française,
née en 1962 à Boulogne-Billancourt.
0 Égérie du théâtre public, elle se forme au
Théâtre national de Chaillot et au
Conservatoire national supérieur d'art
dramatique de Paris.
0 Sa carrière au théâtre est marquée par sa
rencontre avec Antoine Vitez, son professeur
à Chaillot, qui la dirigera dans Électre, Le
Soulier de satin, La Célestine, La Vie de Galilée
(Comédie-Française). Elle entre à la Comédie–
Française en 1988 qu'elle quittera en 1993 .
Elle y joue notamment Iphigénie de Racine
sous la direction de Yannis Kokkos.
0 Au cinéma, elle a notamment tenu des rôles
importants dans La Sentinelle, réalisé par
Arnaud Desplechin, et La Maladie de Sachs,
réalisé par Michel Deville.
0 Depuis quelques années, elle se rend
régulièrement en Russie pour travailler avec
Anatoli Vassiliev et sa troupe.
0 Valérie Dréville est artiste associée du festival
d'Avignon ainsi qu’au Théâtre national de
Strasbourg.
0 En mai 2018, Valérie Dréville est signataire
d’une pétition en collaboration avec des
personnalités issues du monde de la culture
pour boycotter la saison culturelle croisée
France-Israël, qui selon l'objet de la pétition
sert de « vitrine » à l'État d'Israël au
détriment du peuple palestinien
10. L'affaire Fabienne Kabou
Derrière Saint Omer se cache l'histoire vraie de Fabienne Kabou, une mère condamnée
en 2017 pour infanticide. Le 20 novembre 2013, le corps de sa fille Adélaïde, 15 mois,
est retrouvé par un pêcheur sur la plage de Berck-sur-Mer dans le Pas-de-Calais.
Sa mère, qui ne l’avait jamais déclarée à l’état civil, l'avait abandonnée la veille sur cette
plage à marée montante.
Si les autorités envisagèrent d'abord qu'il s'agissait d'une migrante dont l’embarcation
avait chaviré, leurs soupçons se tournèrent vers Fabienne Kabou qui reconnaîtra en
garde à vue avoir mis fin aux jours de sa fille parce que "c'était plus simple comme ça".
Son procès s’est ouvert en 2016 devant la cour d’assises de Saint-Omer. Alors qu'elle
encourait la réclusion criminelle à perpétuité, elle est condamnée en première instance à
vingt ans de réclusion criminelle. Jugée en appel à Douai en 2017 devant la cour du
Nord, elle est finalement condamnée à quinze ans de réclusion criminelle. Une peine
assortie d'un suivi socio-judiciaire de huit ans avec injonction de soins.
11. Le tournage du film « Saint-Omer » a débuté dans les rues de la
ville
Le tournage du film d’Alice Diop a pour cadre principal la ville de
Saint-Omer.
14. Critique
0 « Elle est une brillante professeure
d’université. Elle montre un film ancien
où des femmes se font raser la tête, à
cause de leur engagement aux côtés des
nazis, pendant qu’elle lit Duras.
0 Alice Diop ouvre son très beau Saint
Omer sur un mystère : celui de ces
femmes qui ont trahi la France, peut-être
malgré elles, et qu’on affiche comme des
images de propagande pour taire les
trahisons invisibles du quotidien, les
mensonges au cœur des familles.
0 Puis survient le procès de cette jeune
mère, africaine, qui tue son enfant en le
noyant dans la mer. Elle figure ce qu’il y a
de pire dans un crime : l’infanticide,
particulièrement s’il émane d’une mère.
Et pourtant, il y a, derrière le visage fier
de Laurence, la criminelle, la dignité
d’une femme détruite. »
15. 0 « Saint Omer est un choc
cinématographique. Même les défauts de la
lumière qui passent de l’éclat à des vibratos
plus sombres participent à l’aboutissement
d’une œuvre sublime. L’écriture est
majestueuse.
0 Les comédiens récitent les dialogues au
millimètre près. Pas un écart de langage
n’est toléré. Tout se joue dans l’enclos de ces
phrases où Rama, l’écrivaine et
universitaire, va à la rencontre de la
criminelle, Laurence, qui pourrait être son
double invisible.
0 En réalité, Alice Diop ne met pas en scène un
procès dont la presse s’est nourrie avec
délectation. Elle place face-à-face trois
personnages dévorés par la complexité, le
déterminisme culturel et familial, et la
difficulté à être. Saint Omer évoque à bas
bruit la discrimination, le mépris, sans
jamais tomber dans la pamphlet ou les cris.
0 La réalisatrice s’appuie sur un évènement
médiatique pour témoigner des
malentendus terribles qui pèsent sur la
communauté africaine en France. La
bourgeoisie assène des vérités toutes faites
sur la culture de cet autre étranger. Et à
chaque mot prononcé, chaque regard donné,
ce sont des êtres humains qu’on rabaisse à
la condition la plus basse tout en se
revendiquant d’une forme d’humanisme
absolu ».
16. 0 « Alice Diop décrit la relation d’une femme écrivaine à sa mère, à travers le récit
que la jeune criminelle fait de son propre rapport à la maternité, à l’amour et à sa
famille.
0 On pressent peut-être à tort que la réalisatrice se met totalement à nu dans ce
récit de douleur et de colère. Elle parle de la honte d’être issu de l’immigration et
de n’être résumé qu’à cet état migratoire.
0 Elle parle de la possession qui, avant d’être culturelle, est psychiatrique, mais que
le roman français cantonne à de vagues croyances de sorcellerie.
0 La cinéaste installe la gêne, le doute, jusqu’à la plaidoirie finale de l’avocate qui
décime le substrat de certitude qu’on pourrait se faire de cette mère criminelle ».
17. 0 « Saint Omer est un immense film. C’est une œuvre dense,
mystérieuse, mais surtout très nécessaire. Elle nous
apprend à nous méfier de nous-mêmes, de nos vérités, du
filtre culturel qui ne cesse de traverser nos regards, dès
lors qu’on tente d’apercevoir l’autre. On ressort de ces
deux heures totalement bouleversé. Comme si, soudain,
on nous avait aidé à penser ».
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