1. La PNM aborde de manière critique les problèmes politiques et culturels, nationaux et internationaux. Elle se refuse à toute diabolisation et combat résolument toute les manifestations d'antisémitisme et de
racisme, ouvertes ou sournoises. La PNM se prononce pour une paix juste au Moyen–Orient sur la base du droit de l'Etat d'Israël à la sécurité et sur la reconnaissance du droit à un Etat du peuple palestinien.
N° 282 – Janvier 2011 –
29e
MENSUEL EDITE PAR L'U.J.R.E.
Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide
année
"Espace Mémoire du 14"
vous sollicite
Proche-orient
5
Stéphane Hessel -
- Un optimiste actif !
Qu'ontils en commun ?
D.Vidal 3
La gangrène qui
pourrit Israël
M.Warschawski 3
Droits de l'Homme
À propos de
Indignezvous de
Hongrie Médias...
S.Hessel 3
P.Kamenka 3
Les Français au premier rang mondial du
pessimisme ? pas tous ! Stéphane Hessel ne
renonce jamais. Il nous invite à nous enga
ger et à agir pour faire progresser le monde.
Aux enfants de Gaza, il dit : « Dans la tête,
c'est l'intelligence, dans le cœur c'est le
courage et demain c'est la liberté ».
Cycle "Être juif au XXIe siècle ?"
Un petit juif,
caché après la guerre
Juif, oui ou non ?
Le billet d'humeur
Mémoire
L'ami Frits
Histoire
En alerte brune
Culture
Exposition Hitler à Berlin
Le N° 5,50 €
Janvier
15/01/1919 Assassinat de Rosa Luxembourg et de
Karl Liebnecht
27/01/1945 Libération par l'Armée rouge du camp
d'extermination d'Auschwitz
G.G.Lemaire 4
H.Malberg 45
J.Franck 5
(voir en page 5)
H.Levart 6
Toute l'équipe de la PNM
souhaite à chacun
une heureuse année 2011
et à tous
la paix dans le monde !
F.M. 6
Un p'tit tour au musée
P.K. 7
La chronique Cinéma de
L.Laufer 7
Sur les traces du Yiddishland J.Lewkowicz 7
Littérature
Victor Hugo écrit, combat,
évolue (IIe partie)
F. Mathieu 8
Roland Wlos
L
La peur n'évite pas le danger
es événements, déclarations et décisions
des dernières semaines en disent long sur
la volonté de Sarkozy et ses soutiens d’ériger
des trompel’œil pour éluder leur responsabi
lité à l’égard de la crise, dans la perspective des
élections présidentielles qui se profilent en
2012.
Cela leur est d’autant plus nécessaire que les
grandes luttes pour la retraite à 60 ans, contre
l’allongement de la durée de travail et les
mesures d’austérité qui frappent durement les
classes populaires et les couches moyennes ont
accru le mécontentement. Aucune sphère de la
vie nationale n’est épargnée par la régression :
les services publics, l’éducation, la santé, en
passant par la culture… Dans ce contexte, tout
est fait par le pouvoir pour canaliser la volonté
de changement et détourner la désespérance
sociale des causes réelles de la situation, en
brandissant la fatalité, la crise mondiale, la
dette… Dans cet esprit, il en va de même pour
le débat sur l’identité nationale, les discours
sécuritaires, la chasse aux Roms et la
stigmatisation des émigrés, désignés comme
boucs émissaires.
Cela a pour conséquence de banaliser et légiti
mer les thèses de l’extrême droite portées par la
chef de file du F.N., Marine Le Pen, qui bénéfi
cie d’une promotion médiatique éhontée. Bien
qu’elle soit présentée en tant que relève de la
droite extrême, comme politiquement correcte et
attentive aux préoccupations sociales de l’électo
rat populaire, force est de constater que ses dis
cours lissés et son image relookée sont des
leurres. En réalité, comme on vient de le voir
dans sa récente sortie sur les musulmans de
France, elle est la digne héritière de son père et
de ses discours haineux. Elle en conserve les
provocations les plus nauséabondes – chassez le
naturel, il revient au galop en comparant les
prières de rue des musulmans à l’Occupation des
armées nazies durant la Seconde guerre mon
diale. Audelà du manque de lieux de culte, ces
propos jettent l’opprobre sur nombre de nos
concitoyens de confession musulmane et les
livrent à la vindicte populaire, en faisant d’eux
les responsables du malvivre dans les cités,
alors qu’il est notoire que celuici résulte avant
tout du chômage, de la précarité et du manque de
moyens et d’avenir pour la jeunesse.
Certains commentateurs ont tenté d’expliquer
que ces propos n’étaient pas dans sa nature ;
qu’ils étaient tactiques et destinés à lui rallier
les supporters de son concurrent, dans la suc
cession de JeanMarie Le Pen.
Piètre argument. La surenchère dans les dis
cours fascisants, xénophobes, qui rappellent les
heures les plus sombres de l’Histoire, montre
qu’elle ne craint pas de s’enliser dans les bas
sesses les plus abjectes pour parvenir à ses fins.
Il ne faut pas s’y tromper : les frontières de plus
en plus poreuses entre la droite parlementaire et
son extrême sont porteuses d'énormes dangers car
plus rien ne limite le glissement vers des idées et
des comportements qui conduisent au pire.
Le gouvernement, par l’aval de son Préfet, ne
vientil pas d’autoriser à Paris la tenue d’un
meeting ouvertement xénophobe "contre l’isla
misation de l’Europe" présenté, naturellement,
sous le voile de la laïcité ?
Pour combattre de tels propos et comporte
ments, il ne suffit pas de s’indigner en bran
dissant les valeurs de la République, si dans le
même temps, l’on remet en cause ce qui les
fonde : la liberté, l’égalité, la fraternité.
2. 2
Carnet
Mme Lucette Rozental, son épouse
Michèle, Marianne, Yves et Joëlle,
ses enfants
Azzedine, Sara, Miléna, Mehdi,
Nassim, Nour, ses petitsenfants
Jean et Renée Rozental,
son frère et sa belle soeur
Florence Toussan Rozental
Henri et Suzanne Bocjan
Les familles Lankiewicz, Georget et Zribi
ont la tristesse de vous
faire part du décès de
Mendel Rozental
survenu le 4 décembre 2010
à l'âge de 81 ans
Ses obsèques ont été célébrées
dans la plus stricte intimité.
Mendel Rozental. Sensible, mélomane, cou
rageux, impliqué dans son temps, son engage
ment*, son Belleville, sous des dehors bourrus,
il cultivait l'amitié, le partage et la transmission.
Adhérent de l'UJRE depuis toujours, fidèle lec
teur de la PNM, sa devise, "rien n'est jamais
acquis, que par les luttes", il l'appliqua jusqu'au
bout. Marcel, déjà absent à notre dernière A.G.,
tu nous manques... Nous adressons nos plus sin
cères condoléances dans cette épreuve à Lucette
son épouse et à sa famille.
L'UJRE et la PNM.
* Secrétaire de la Fédération Cgt des Métallos parisiens.
Tous bénévoles !
À l'occasion du 10e anniversaire de l'Année
internationale du Bénévolat Volontariat,
rappelons que tous nos collaborateurs sont
bénévoles. Le témoignage de nos lecteurs
qui expriment leur satisfaction nous encou
rage. Nous continuons. Avec vous ? N'hési
tez pas à nous contacter ! PNM
Magazine Progressiste Juif
fondé en 1934
Editions :
19341993: quotidienne en yiddish, Naïe Presse
(clandestine de 1940 à 1944)
19651982: hebdomadaire en français, P NH
depuis 1982 : mensuelle en français, P NM
éditées par l'U.J.R.E
N° de commission paritaire 0614 G 89897
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Jacques LEWKOWICZ
Rédacteur en chef
Roland Wlos
Conseil de rédaction
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Administration Abonnements
Secrétaire de rédaction
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IMPRIMERIE DE CHABROL
PARIS
P.N.M. 282 Janvier 2011
Communiqué de presse
M
Marine Le Pen et l'entretien d'un vacarme
dangereux pour l'avenir de la France
arine Le Pen a comparé de façon indécente et insensée la présence de musulmans en
prière sur certains trottoirs de ville à l’Occupation allemande au cours de la Seconde
guerre mondiale. S’exprimant ainsi, elle agit comme si elle tenait pour négligeable l’une
des conséquences particulièrement tragique de l’Occupation : les persécutions raciales qui
ont entraîné l’assassinat de millions d’êtres humains. L’UJRE, née dans la Résistance à
l’Occupant nazi, ne saurait l’oublier.
Nous constatons que cette déclaration, dont l’écho sans précédent et injustifié, est relayé par
l’ensemble des médias, dénie le besoin de lieux de réunion auxquels les musulmans ont
droit au même titre que d’autres confessions et génère de lourds dangers.
Stigmatiser une partie de la population qui se sentira exclue, contribue à créer un climat de
violence dont l’extrême droite recueillera tout naturellement les fruits en criant à
l’insécurité.
Tout se passe comme si l’on cherchait par ce vacarme une diversion de nature
profondément raciste et discriminatoire, l’opposition de catégories dont les antagonismes
sont artificiellement dressés et l’occultation d’un débat nécessaire sur les moyens de sortir
la France et l’Europe des crises économique, sociale et politique qui les affectent.
Nous, Union des Juifs pour la Résistance et l’Entraide, dénonçons cette diatribe de Marine
Le Pen et soutenons totalement la démarche du MRAP qui porte plainte pour incitation à la
haine raciale.
Chacun est concerné, du simple citoyen aux organisations laïques et progressistes sans
oublier les médias.
UJRE
Paris, le 15/12/2010
Sophie Szejer nous communique :
"Je recherche mes cousines, Rachel et
Georgette Chimisz, dont le nom est
celui que portait ma maman. Rachel
s'est mariée le 20 juin 1953 avec Henri
Belhassen. La réception a eu lieu au 14
rue de Paradis à Paris. Rachel et son
mari sont partis en Israël en 1969. Je
suis seule et j' éprouve le besoin de
connaître mes racines. J'ai un besoin
terrible de savoir. Il m'est difficile de
parler de Avis de recherche
moi. Mal
heureusement, je n'ai jamais connu
mes grandsparents et de ma jeunesse,
à part mes petites cousines, Rachel,
Georgette, et leurs parents, les sou
venirs sont inexistants. Je suis à votre
disposition pour tous renseignements."
Merci si vous avez des éléments de
réponse de les transmettre au journal.
PNM
Ujre - La Presse Nouvelle - Souscription* n° 57
(décembre 2010)
Depuis longtemps, vous soutenez par vos pétitions et vos dons, notre combat pour
maintenir, dans nos locaux historiques du "14", l'expression d'une voix juive, laïque et pro
gressiste. Long chemin parcouru, mais non en vain. Notre "14" est sauvé !
Première étape franchie, notre "déménagement" du bâtiment C vers les anciens locaux du
Dispensaire du bâtiment B réhabilités par la Ville de Paris. Leur gestion est désormais
assurée par la Fédération "Espace Mémoire du 14" qui regroupe, depuis le mois de no
vembre, ses trois fondateurs : l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide (UJRE),
Mémoire des Résistants Juifs de la MOI (MRJMOI) et Les Amis de la CCE (AACCE). Dès
que tous auront fini... d'emménager, nous saurons fêter dignement l'événement !
Prochaine étape : réaliser l'Espace Mémoire dédié à l'engagement des résistants immigrés
juifs de la M.O.I. dans les anciens locaux de l'imprimerie de la Naïe Presse. Nous soutenons
ce prestigieux projet pris en charge par nos amis de MRJMOI (voir en page 5).
Conscients des multiples appels que vous recevez, nous souhaitons préciser pourquoi nous
maintenons, dans ces colonnes, cette souscription permanente – et où va l'argent ? S'ajou
tant aux cotisations de nos adhérents, aux abonnements de la PNM, il contribue au finance
ment de la Fédération pour sa gestion des locaux et assure le développement des activités
de l'UJRE (rencontres, débats) et notammment de son activité éditoriale. Connaissant votre
attachement à notre journal "pas comme les autres", nous vous remercions d'avance pour
votre soutien.
Tauba Alman, secrétaire de l’Ujre
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bien vouloir renouveler spontanément leur abonnement, pour nous épargner des frais de relance.
Votre PNM vous en remercie d’avance.
Billet
du
Président
L
'année 2010 restera marquée
par les graves reculs que le
pouvoir sarkozyste a, dans l'intérêt
du patronat, imposés dans le do
maine politique et social.
Le plus marquant est certainement
la remise en cause de notre sys
tème de retraites, sous prétexte
d’évolution démographique.
En refusant d’envisager de nou
velles modalités de financement
des pensions et malgré le retard
imposé à l’âge du bénéfice de
cellesci, Sarkozy et ses affidés,
contrairement à leurs affirmations,
mettent en cause l’avenir de la
retraite par répartition.
Comme pour les retraites, Sarkozy
promet aujourd'hui de ne toucher
ni aux salaires, ni au statut des
fonctionnaires. Il continue en fait
de poursuivre, à marches forcées,
le démantèlement du programme
du Conseil National de la Ré
sistance pour lequel, entre autres,
nos aînés ont œuvré et lutté.
C'est dans le cadre de ce pro
gramme réactionnaire qu'est venue
s'ajouter une offensive contre la
démocratie stigmatisant les popu
lations "issues de l’immigration",
à commencer par les Roms. Cela
s'inscrit dans une tradition que la
population juive connaît bien, celle
des chasses à l'homme initiées par
les dirigeants de la période vi
chyste, dont les héritiers souhaite
raient qu'elle s'étende aux mu
sulmans.
L’UJRE, pour sa part, a toujours
considéré comme un devoir de
combattre tout propos, toute poli
tique xénophobe. Elle répondra
toujours présente sur ce front.
En même temps, rien n'est réglé en
matière de recherche de la paix au
ProcheOrient. La population israé
lienne aspire à vivre en sécurité. Ce
désir légitime est inconciliable
avec la poursuite de la colonisation
en Cisjordanie. Menée par le gou
vernement Nethanyaou, elle cons
titue un obstacle insurmontable à
la négociation d'un accord de paix.
La solidarité manifestée à travers
le monde en faveur de la paix au
ProcheOrient doit se maintenir.
Conformément aux valeurs portées
depuis toujours par l'UJRE, celleci
s'associera aux luttes sociales et po
litiques progressistes.
Formons le vœu d'un plein succès
de ces dernières dans ces différents
domaines.
À chacun d’entre vous et à vos pro
ches, nous souhaitons réussite et
bonheur.
Bonne année à tous.
Jacques Lewkowicz
président de l'UJRE
3. Europe
La présidence de la
Hongrie dérange
Le 1er janvier, la Hongrie prend pour six
mois la présidence de l'Union européenne.
Problème ! Les élections législatives d'avril
2010 ont donné la majorité absolue au Fi
desz, parti conservateur allié à la formation
d'extrême droite, nationaliste, populiste et
antisémite*, le Jobbik.
Le 21 décembre, le premier ministre con
servateur Viktor Orban a fait voter une loi
liberticide, contraire notamment à l'article
11** de la Charte européenne des droits
fondamentaux qui garantit « la liberté des
médias et leur pluralisme ». Elle institue
un Conseil des medias composé de six
membres, tous choisis dans les rangs du Fi
desz, qui peut infliger aux médias de très
fortes amendes en cas d' « atteinte à l'ordre
public » ou d'articles jugés « non équili
brés ». La même loi astreint les journalis
tes à dévoiler leurs sources au motif de la
Sécurité nationale.
Vives critiques des organisations de défense
des droits de l'Homme et des journalistes.
Embarras à Bruxelles où les Commissaires
se renvoient le dossier. PK
* A.11 : Liberté d'expression et d'information
1. Toute personne a droit à la liberté d'expres
sion. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la
liberté de recevoir ou de communiquer des in
formations ou des idées sans qu'il puisse y avoir
ingérence d'autorités publiques et sans con
sidération de frontières. 2. La liberté des médias
et leur pluralisme sont
respectés.
Indignons
nous !
L
e
livre*
de
Stéphane Hessel
– ambassadeur de
France – bat tous les
records de vente. Cet ancien résistant,
rescapé de Buchenwald et de Dora,
a aujourd'hui 93 ans. Il a contribué à l'é
laboration du programme du Conseil Na
tional de la Résistance, dont il considère
aujourd'hui encore les valeurs comme
aussi fondamentales que celles de la Dé
claration Universelle des Droits de
l'Homme à l'élaboration de laquelle il
contribuera un peu plus tard.
C'est bien pourquoi il nous exhorte à
"une insurrection pacifique" chaque fois
que ces valeurs sont menacées.
Chaud partisan de la création de l'État
d'Israël, qu'il définit aujourd'hui encore
comme une démocratie, il n'en est que
plus à l'aise pour rappeler, deux ans
après l'opération Plomb durci, la situa
tion désespérée de Gaza :
"Allez à Gaza, allez à Gaza !" répètetil,
invitant ceux qui ne le peuvent, à lire le
rapport du juge Goldstone, juif pratiquant
rappelonsle, qui établit que l'armée is
raélienne a commis des "actes assi
milables à des crimes de guerre et
peutêtre dans certaines circonstances,
à des crimes contre l'humanité".
Stéphane Hessel écrit : "Je partage les
conclusions du juge sudafricain. Que
des Juifs puissent perpétrer euxmêmes
des crimes de guerre, c'est insuppor
table".
* Stephane Hessel, Indignezvous, Ed. Indi
gène, 2010, 32 p., 3€
Point de vue
P
La gangrène qui
pourrit Israël
eu après le massacre de Gaza,
l'éditorialiste du quotidien Haaretz,
Gideon Levy, publiait un article au
titre éloquent, "La gauche [israélienne] est
morte et enterrée".
Constat désespéré mais réaliste : l'ensemble
de la classe politique, gauche sioniste
incluse, avait soutenu l'agression et le
discours politique qui la justifiait. Alors que
le monde entier exprimait son indignation
face aux destructions massives et à
l'assassinat de plus d'un millier de civils, la
Paix Maintenant et le parti Meretz ont
soutenu le gouvernement, se contentant de
critiquer l' "usage disproportionné" des
moyens mis en œuvre.
Pendant un mois, 7 à 8 000 personnes, en
tout et pour tout, ont manifesté leur colère
et leur honte, dans une désolante margina
lité qui n'a fait que confirmer l'alignement
de la société israélienne toute entière der
rière la politique criminelle de la coalition
au pouvoir, et la disparition du mouvement
de la Paix du paysage politique israélien. Il
s'agit d'un tournant majeur, si l'on prend en
compte la centralité et l'efficacité de ce
mouvement pendant la guerre du Liban
(19821985) et l'Intifada (19871990),
efficacité qui avait permis le retrait de
l'armée israélienne du Liban, la recon
naissance de l'OLP et l'ouverture de négo
ciations avec la direction du mouvement
national palestinien.
C'est ce mouvement de masse que Gideon
Levy enterre en 2009, ajoutant qu'il faudra
une génération avant qu'un nouveau mou
vement pacifiste de masse réapparaisse sur
la scène politique de l'État d'Israël.
Quelques mois plus tard, les élections à la
Knesset confirment cet écroulement de la
gauche. Si la "gauche" fait la politique de
la droite, autant voter pour ses repré
sentants directs : le Parlement est donc di
visé aujourd'hui entre extrême droite et
droite extrême, le centre gauche n'étant
plus qu'une force groupusculaire, à
l'exception des neuf députés de partis
arabes; le groupe Travailliste, longtemps
hégémonique, n'a plus aucun poids, et le
Meretz, qui avait il y a une dizaine
d'années 12 députés (sur 120) n'en a plus
que trois. Ehoud Barak, ayant rejoint le
gouvernement d'extrême droite Netanya
houLieberman, les chances d'une résur
rection travailliste sont quasiment inexis
tantes, ce qui ne semble pas gêner son lea
der, personnage cynique dénué de
principes et d'idéologie et pour qui le Parti
n'a jamais été autre chose qu'un outil qui
lui permette d'être Premier Ministre ou
Ministre de la Défense.
Une fois formé, le gouvernement Neta
nyahouLiebermanBarak s’est empressé
de faire voter une longue série de lois qui
étaient au cœur du programme électoral de
Lieberman et feraient mourir de jalousie
Fini, Le Pen et tous les autres racistes de la
planète : la loi sur la nationalité qui exige,
de quiconque (non Juif, évidemment) vou
drait devenir citoyen – un serment d’allé
geance à l'État d'Israël comme État du
Peuple Juif ; un amendement à la loi d’en
trée en Israël qui ne reconnaît plus le droit
au regroupement familial à un citoyen
(non Juif évidemment) et l’oblige, s’il est
marié à un nonrésident à quitter le pays,
s’il veut vivre avec son conjoint. Une
autre loi vient contourner une législation
de la Cour Suprême qui avait déclaré
3
MichelWarschawski
P.N.M. 282 Janvier 2011
illégale l’interdiction faite à des citoyens
arabes de louer ou d’acheter des
appartements dans certaines localités.
Parce qu’elle avait participé à la flottille de
la Liberté, la députée Hanine Zoabi s’est
vue retirer une partie de ses droits de parle
mentaire, plusieurs députés n’hésitant pas à
exiger qu’on lui retire également sa nationa
lité (sic).
Quant aux sanspapiers – pour la plupart
venus par le Sinaï d’Éthiopie ou d’Érythrée,
ils sont les victimes de mesures de rétention
et d’expulsion qui elles aussi feraient pâlir
d’envie Brice Hortefeux.
Une telle politique légitime aux yeux du
reste de la population les pratiques les plus
xénophobes et racistes. C’est ainsi qu'un
groupe important de rabbins – pour la plu
part fonctionnaires – ont publié une Fatwa
interdisant la location d’appartements à des
non juifs. Une déclaration en ce sens, faite
l’an passé par le Grand Rabbin de Safed,
avait entraîné un véritable pogrome anti
arabe dans sa ville, le jour de Kippour.
Un sondage commandé par l’Institut Israé
lien pour la Démocratie nous donne une
image effrayante de l’état d’esprit de la
société juive israélienne : 54% soutiennent
le serment d’allégeance pour avoir le droit
de vote, 45% demandent de limiter les pou
voirs de la Cour Suprême, 33% soutien
nent l’ouverture de camps de détention pour
les citoyens arabes en temps de guerre, 46%
ne veulent pas avoir de voisins arabes, 53%
affirment que l'État devrait encourager l’é
migration des Arabes, 55% soutiennent les
discriminations budgétaires qui favorisent
les Juifs et 70% s’opposent à ce que le
nombre d’Arabes dans les institutions aug
mente, alors que ces derniers sont grave
ment sousreprésentés.
Confronté à ces données par un journaliste,
le ministre des affaires étrangères, Avigdor
Lieberman a accusé les dirigeants de la
communauté arabe :
"Ceux qui manifestent en Israël avec des
portraits de Hassan Nasrallah, expriment
leur soutien au Hezbollah qui soutient le
Hamas contre l'État d'Israël. Ils sont res
ponsables de ces résultats".
Et à la question de savoir s’il ne se sentait
pas un peu responsable de l’aggravation de
la haine des Juifs envers les Arabes, le
ministre d'extrême droite a répondu : "Nous
essayons de défendre une politique sensée,
une politique d’autodéfense. Ce que l’on
peut voir dans l'État d'Israël est inédit, que
ce soit en GrandeBretagne, aux Étatsunis
ou dans tout autre État démocratique :
l’ancien député Azmi Bishara qui a été ac
cusé, à tort, d’espionnage et s’est enfui du
pays, continue de toucher sa retraite d'an
cien parlmentaire (6 000 shekels), bien qu'il
attaque chaque semaine Israël, sur la
chaîne du Hezbollah ou à la télévision
iranienne ."
Ainsi parle le ministre israélien des affaires
étrangères. Pas étonnant alors que les
sondages nous montrent une société
israélienne gangrenée par le racisme.
La gauche s’est acoquinée avec la droite
dans la lutte contre la "menace islamiste".
Elle en paie le prix par sa marginalisation.
La société israélienne le paie par l’absence
d’un antidote à la gangrène raciste, qui
pourrit son corps et son âme.
Michel Warschawski
Journaliste, ancien pdt. du Centre d'infor
mation alternative
Proche-Orient
Tapis rouge...
pour l'extrême droite
L
a réalité dépasse l’affliction : une
délégation de près de 35 parlemen
taires et responsables européens d’extrême
droite – dont le Néerlandais Geert Wil
ders[i], le Belge Filip De Winter et le suc
cesseur de Jorg Haider, l’Autrichien
HeinzChristian Strache – a séjourné en
décembre en Israël, accueillie avec les
honneurs dus aux hôtes de marque : récep
tion à la Chambre des députés, rencontres
avec des ministres et des dirigeants de dif
férents partis, séjour à Sderot à l’invitation
du maire travailliste, sans oublier une
tournée de colonies juives en Cisjordanie.
Qui se ressemble s’assemble : le vicepre
mier ministre et ministre des affaires
étrangères Avigdor Lieberman – cet an
cien videur de boîte de nuit moldave dé
cidé à débarrasser l’État qu’il veut juif de
ses Palestiniens – a conversé chaleureuse
ment avec le Néerlandais Gert Wilders,
qui rêve, lui, d’interdire le Coran.
Qu’ont donc en commun les descendants
– directs ou indirects – de la mouvance
d’où surgit la « bête immonde » et les
héritiers des victimes du génocide nazi –
du moins de celles et ceux qui refirent leur
vie làbas ?
La European Freedom Alliance (EFA),
dont se réclamait cette délégation, cons
titue la branche européenne de l’associa
tion américaine éponyme. 42e fortune de
Los Angeles[ii], évaluée à 750 millions de
dollars, le mécène Aubrey Chernick, qui
finance ce groupe comme d’autres
également liés à la droite israélienne,
prône, avec la Déclaration de Jérusalem,
une alliance des démocraties contre cette
« nouvelle menace globale de type
totalitaire : l’islamisme ».
De retour en Europe, plusieurs de ces
« touristes » d’un genre nouveau en Israël
ont participé à Paris aux Assises de
l’Islamisation, organisées par les grou
puscules islamophobes Riposte Laïque et
Bloc Identitaire – inventeurs des soupes
populaires au porc avec l’appui du site
ultrasioniste et ultraatlantiste drzz.fr.
Boucle bouclée : parmi les administrateurs
dudit site figure PierreAndré Taguieff qui
a fait (re)parler de lui en écrivant sur son «
mur Facebook[iii] » : « Quand un serpent
venimeux est doté de bonne conscience,
comme le nommé [Stéphane] Hessel, il est
compréhensible qu'on ait envie de lui
écraser la tête. »
Dominique Vidal
[i] Selon l’AFP, « Wilders a plaidé contre la res
titution de territoires en échange de la paix avec
les Palestiniens, proposant l'installation “volon
taire” des Palestiniens en Jordanie, qu'il décrit
comme le véritable État palestinien. “Le conflit
ici au MoyenOrient ne porte pas sur le terri
toire et les frontières, mais sur l'opposition entre
le jihadisme islamique et la liberté occidentale”.
Les gens “se trompent en pensant qu'en aban
donnant la JudéeSamarie (Cisjordanie, NDLR)
et JérusalemEst pour les donner aux Palesti
niens, cela mettra fin au conflit entre Israël et les
Arabes”, atil estimé, selon la même source. Il a
défendu les colonies juives en Cisjordanie
comme des “petits bastions de la liberté, défiant
des forces idéologiques qui nient non seulement
à Israël, mais à tout l'Occident le droit de vivre
dans la paix, la dignité et la liberté” ».
[ii] « The 50 Wealthiest Angelenos : Aubrey
Chernick #42 », Los Angeles Business Journal,
24 mai 2010.
[iii] Cf. www.drzz.fr/soutienapierreandre
taguieffcibledunecampagnedediffamation
etdintimidation) (sic).
5. (suite de la page 4)
P.N.M. 282 Janvier 2011
Je veux m’étendre un peu sur ce qu’a
signifié pour moi la rencontre avec le
Parti Communiste et comment s’est
forgée ma vision du monde et de la
société. Avec l’école laïque et les souf
frances de la France occupée, j’avais
compris fusionnellement que ce pays
était le mien. Avec les communistes, je
découvrais le sentiment de l’universel.
J'ai rencontré les ouvriers parisiens dans
les usines de la métallurgie où j'ai tra
vaillé dès mes 18 ans. Ils étaient magni
fiques, de conscience professionnelle, de
fierté ouvrière, de fraternité avec ce
jeune homme que j’étais.
D’ailleurs, si on regarde le XXe siècle,
c’est le mouvement ouvrier et les partis
se réclamant du marxisme qui ont rejeté
le plus fondamentalement l’antisémi
tisme et la xénophobie. Et du même
mouvement, combattu et contenu tous
les obscurantismes.
Je veux ajouter que rencontrant les
ouvriers parisiens, je rencontrais en
même temps l’œuvre des intellectuels
issus de la Résistance et la pensée pro
gressiste. Je découvrais ainsi Picasso,
Aragon, Eluard, François Mauriac… et
le théâtre de Jean Vilar.
Et l’Union Soviétique ?
L’URSS c’était Stalingrad, qui a marqué
le début de l’écrasement de l’Hitlérisme.
C’était le sacrifice exceptionnel d’un
peuple pour sa défense et pour la liberté
du monde. A l’époque, 83 % des
Français – il y avait déjà les premiers
sondages – pensaient que c’était l’URSS
qui avait joué le rôle principal pour
écraser Hitler.
L’URSS, c’était aussi de Gaulle allant à
Moscou, en décembre 1944, "signer la
bonne alliance" pour redonner à la
France sa place parmi les vainqueurs de
la guerre, place contestée par les Améri
cains et les Anglais.
Je n’ai pas changé d’avis depuis sur le
rôle immense de l’Union Soviétique
dans la défaite du nazisme. Les Améri
cains, les Canadiens et les Anglais n’au
raient probablement pas débarqué en
Normandie en juin 1944 sans la marche
décisive des Soviétiques vers Berlin.
Pour le reste, l’immense déception de
l’échec cinglant, et hélas sanglant, de
cette première expérience de sortie du
capitalisme est une autre question. J’y
pense souvent avec une idée maintenant
précise des causes. Pas de socialisme
sans vie politique intense du peuple, sans
démocratie, sans pluralisme. Toute l’ex
périence montre que si l’Histoire n’a pas
fait que ces conditions existent, il faut
agir absolument pour les créer.
J’ajoute que, très importants furent pour
moi, les combats de la solidarité avec les
Vietnamiens, qui me valurent un bref
passage en prison et la solidarité avec le
peuple algérien. J’étais à Charonne dans
le noyau dirigeant d’un des cortèges.
Mais que répondezvous à la question
sur votre judéité ?
Je m’interroge. Le point de vue que j’ex
prime n’a pas de prétention théorique.
C’est le fruit de mon expérience de vie.
Retour aux origines …
Ma famille, leurs amis étaient juifs,
naturellement, mais sans grandes réfé
rences religieuses. Ils aimaient la France,
voulaient leurs enfants Français.
5
L'ami Frits
Ils ne pratiquaient pas, mais lisaient
Le billet d'humeur
chaque jour deux quotidiens en yiddish,
le socialiste et le communiste. C’était
une communauté de fait, mais pas
onsieur Frederik (dit Frits) Bolkestein est un ami du progrès
communautaire d’idéologie.
et des peuples.
Ils n’avaient pas de sympathie Ultralibéral professionnel, ancien membre de la Commission européenne, il
particulière pour Israël, ni pour les avait attaché son nom à une directive connue sous le nom de "Libéralisation
rabbins dont ils se moquaient avec ver des services" prévoyant, en gros, d'exonérer des charges sociales les
deur, comme beaucoup de Français se entreprises installées dans un autre pays de l'Union européenne. Sans succès.
moquaient des curés.
Son pedigree est évocateur et son dévouement aux conseils d'administration
Israël est né de la volonté d’un mouve juteux est exemplaire : Pétrole (Shell), Industrie pharmaceutique, Banques, Air
ment juif aspirant à construire un État France–KLM entre autres.
après toutes les souffrances de la
Seconde guerre mondiale. Notons qu'en Jugeant que l'on n'avait pas parlé de lui depuis longtemps, Monsieur Frits vient
Amérique, en Angleterre et un peu en de s'illustrer en exhortant les juifs néerlandais à quitter le pays dans les délais
France, on ne voulait pas trop voir s’ins les plus brefs. Rien que ça. La raison ? L'antisémitisme de certains membres
taller chez soi ces survivants suspectés de la communauté marocaine résidant aux PaysBas.
de communisme. Et ce fut le début de Monsieur Frits n'est pas un précurseur. D'autres en Hollande et ailleurs,
l’aventure vers Israël.
avaient tenté d'éradiquer l'antisémitisme en expulsant les juifs...
Jacques Franck
Chose inouïe, les Palestiniens se trouvè
19 décembre 2010
rent spoliés alors qu’ils ne portaient
aucune responsabilité dans la Shoah.
C’est l’Allemagne de Hitler – et de
Goethe hélas – qui a brûlé les juifs et non
les Arabes.
Le temps a passé. L’idée de deux États
n décembre 2010, la cour d'assises riens de travailler. C'est grâce à ces
est devenue prépondérante dans le
de Paris condamne par contumace archives que nous savons que le
monde et de fait aussi dans le monde treize dirigeants de l'appareil de répres Dr. Josef Mengele était un paisible ci
arabe. Mais au lieu d’aller dans cette di sion chilien dont Manuel Contrera, chef toyen paraguayen exerçant la médecine
rection, les dirigeants israéliens actuels
sont insensés. Ils créent avec les colonies de la police politique (DINA) et du plan et que Martin Borman, contrairement à
ce qu’ils pensent être irréversible. C’est à Condor qui coordonne la répression ce qu'écrivit Simon Wiesenthal, vécut
coup sûr une catastrophe annoncée. Cela dans les pays du cône Sud : l'Argentine et mourut au Paraguay où il repose.
encourage l’intégrisme chez les (Videla), la Bolivie (Banzer), le Brésil, Cela vous étonneratil d'apprendre que
Palestiniens et dans tout le monde arabe. le Chili, le Paraguay (Stroessner de Monseigneur Lefèvre avait personnel
lement écrit à Stroessner pour lui
Fous de Dieu contre fous de Dieu, ultra 1954 à 1984) et l'Uruguay.
nationalistes contre ultranationalistes. Outre les témoins chiliens, la Cour a demander de poursuvre les adeptes de
Gouffre béant dans lequel se ruent, entendu le célèbre juge Garzon et la théologie de la libération ?
comme inconscients, les dirigeants Martin Almada qui a découvert à Asun Ce procès est certainement le dernier
israéliens.
cion les archives du plan Condor, au d'une longue série, ce n'est pas un
Je ne crois pas qu’il y ait un peuple trement dit les pièces ayant permis aux hasard s'il a été entièrement filmé pour
NM
mondial juif. Il y a des juifs aux États victimes de porter plainte et aux histo les archives.
Unis, en Argentine, en France, en Russie.
T
Produits à la fois de fortes références
L'UJRE, MRJMOI et l'AACCE viennent d'emménager
RGEN
culturelles venues de très loin et des U
dans une partie des locaux rénovés du "14", mais ...
nations où ils sont nés et vivent. Nous
sommes tous un mélange complexe
L NOUS RESTE À ÉDIFIER
d’Histoire et de vécu. C’est vrai avec les
ÉMOIRE DU
L SPACE
enfants d’immigrés d’aujourd’hui qui
vivent les mêmes contradictions avec le
émoire des Résistants Juifs de la M.O.I. – cofondée
particularisme né de la colonisation fran
par l'Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide (UJRE),
çaise.
d'anciens résistants de l'Union de la Jeunesse Juive (UJJ) et les
Je crois à l’avenir des nations. Je crois Amis de la Commission Centrale de l'Enfance (AACCE) – a pour objet d'édifier un
qu'elles existent et existeront longtemps, Espace Mémoire, au 14 rue de Paradis.
égales à ellesmêmes et changeant sans Vous avez signé l’appel qui a permis, avec le soutien et l’engagement de la Ville de
cesse. Je crois que la majorité des juifs, Paris et de son Maire, que ce projet prenne corps. Vous aurez à cœur d'honorer
en France, sont français et y tiennent. Ils l’engagement des résistants immigrés juifs de la M.O.I., partie intégrante de la
vivent d’une façon ou d’une autre leurs Résistance française, de faire vivre les valeurs de leur combat et de les transmettre.
rapports avec une culture juive plus ou Certes, le “14” est sauvé et sa rénovation progresse rapidement mais l’aménage
moins importante qui fait partie de leur ment de l'espace muséal dans ce lieu historique est aujourd'hui suspendu, faute de
personnalité et de leur citoyenneté.
financements suffisants. Quarante mille euros (40.000 €) restent encore à trouver
Il n’y a pas de nation à l’état pur. Nulle pour poursuivre sa réalisation. Le temps presse, il nous reste cinq mois pour réunir
part et jamais. Sans négliger la part cette somme.
d’universel qui porte, dans la difficulté, MRJMOI sollicite les pouvoirs publics et lance, auprès des particuliers, une sous
l’humanité vers son unité. Et je crois que cription faisant appel à leur générosité. Chaque don est important. Les noms des do
les juifs d’Israël sauront un jour se nateurs qui le souhaitent seront inscrits sur un mur de l'Espace Mémoire. La PNM
penser Israéliens. Et juifs, qu’ils soient soutient cette souscription.
religieux ou athées.
Merci de votre soutien. Un reçu fiscal vous sera adressé.
Pourvu qu’il n’y ait pas encore du terri
ble. Et je pense à Gaza, Gaza le désastre.
OUI je veux participer à la création de l’Espace Mémoire dédié
Et les colonies qui n’en finissent plus
aux résistants juifs de la M.O.I.
d’empoisonner la situation.
Nom
Prénom
Je souhaite au peuple israélien et au
peuple palestinien de vivre en paix, et
Adresse
de vivre ensemble dans des Etats indé
CP
Ville
Pays
pendants. Il n’y a pas d’autre chemin.
Et mon chemin ?
Mail
J’aime passionnément la France. C’est
Je fais un don de
mon pays et j’essaie d'en porter le
meilleur, sa tradition progressiste et uni
à inscrire sur le mur de l'Espace Mémoire : OUI NON
versaliste.
Chèque à l’ordre de M.R.J.M.O.I. à envoyer au 14 rue de Paradis 75010 Paris
Henri Malberg
M
La justice française condamne treize
tortionnaires chiliens du régime Pinochet
E
I
M
'E
M
"14"
6. P.N.M. 282 Janvier 2011
6
Mémoire - Point de vue
En alerte brune
S
ans faire preuve de pessimisme
outrancier, ne fautil pas conve
nir que des vents mauvais souf
flent sur le monde et sur notre pays ?
Les progrès électoraux des formations
xénophobes dans maint État européen
se confirment, s’amplifient. Chez
nous, l’ignominieuse médiatisation de
Marine Le Pen a déjà produit ses
effets pervers.
De nombreux téléspectateurs ont
apprécié sa prestation télévisée. Vingt
cinq p. cent des jeunes s’apprêteraient
à voter pour elle à la présidentielle.
Un million de nos jeunes vivent dans
la précarité. Quarante trois p. cent
dans les cités de banlieue sont au
chômage. Le piège leur est tendu.
Les calculs électoraux des sarkozystes
sont mortifères. La création au sein de
la formation présidentielle d’une
"droite populaire", aux thèses relevant
du vichysme et prête à s’allier à
l’extrême droite, en est la pointe
avancée.
Comme par hasard, voilà le retour des
dissertations sur le voile, la burqa, les
tapis de prière ; voilà la réouverture
du nauséabond débat sur l’identité
nationale réclamé par le nouveau pa
tron de l’UMP. Les discours
sécuritaires se succèdent. La crise
économique, l’enrichissement des
riches, la réforme des retraites,
l’augmentation des prix, la pauvreté
sont passées à la trappe. Parlons
d’autre chose que de luttes ou de
solutions réellement alternatives.
Le magma idéologique présent fait
penser au sinistre slogan “ Plutôt
Hitler que le Front Populaire ! ”.
Mais pourquoi évoquer Hitler ? Car le
voilà surgi des grands et petits écrans.
Pas moins de trois expositions à
Berlin, une autre à Nuremberg. Des
guides touristiques proposent à
Munich un parcours historique sur les
traces du Führer. Bien sûr, les
atrocités à l’origine desquelles il se
trouve sont démontrées, mais les
conditions de sa conquête du IIIe
Reich sont évacuées : pas de forces
politiques la complotant, pas de
capitalisme la finançant. Présenté en
halluciné, il se débrouillait tout seul, à
l’aide tout de même de fidèles
compagnons SS.
Comment ne pas s’interroger sur la
fascination qu’à la longue l’ombre
criminelle peut exercer sur des esprits
en errance d’avenir social ? D’autant
qu’un climat de complaisance per
siste. La Cour constitutionnelle
allemande a donné raison à un
révisionniste faisant porter sur les
juifs une part de responsabilité dans
les persécutions subies.
Combien de bourreaux nazis ont mené
des vies paisibles ? Dix mille d’entre
eux ont bénéficié de visas de la part
de l’Administration yankee au
lendemain de la dernière guerre.
D’autres ont été accueillis par les
dictatures sévissant dans divers pays
d’Amérique Latine. IG Farben,
Siemens, Thyssen ont continué à
prospérer, aux EtatsUnis aussi.
En matière d’oubli, l’équipe sarko
zyste n’est pas en reste. Le 291e
bataillon de chasseurs de la Bundes
wehr s’installe près de Strasbourg. Ils
seront sixcentcinquante. Fabien et
son Étatmajor, morts au combat, les
soldats de la IIe DB, avaient pourtant
libéré l’Alsace annexée.
Un autre personnage nous est souvent
présenté dans l’ambiguïté à la télévi
sion et dans la presse. Celui de Pétain,
avec son grade de maréchal restitué.
Certes, il est fait état de sa responsa
bilité
personnelle
dans
les
persécutions contre les juifs mais son
grand âge, son hostilité à Laval,
l’admiration de Français pour le
"vainqueur
de
Verdun"
n’ex
pliqueraientils pas sa collaboration ?
L’affrontement est rude. Restons vigi
lants. Les souvenirs douloureux du
passé sous la croix gammée, martelés
avec insistance, peuvent contribuer à
discréditer les luttes actuelles. Valeurs
républicaines usurpées, droit du sol
piétiné, les roms, les arabes, les im
migrés sont les juifs d’aujourd’hui,
vilipendés, brutalisés, rejetés de la
communauté nationale.
Barrons la route au racisme, aux
antisémites, aux xénophobes ! Il ne
s’agit pas d’un simple impératif
moral. Il s’agit de notre France, de
notre démocratie, de notre peuple.
Mémoire et Histoire marchent de pair.
Nous nous devons d’alerter les
consciences sur les dangers concomi
tants de la politique réactionnaire du
pouvoir et des solutions fausses et
funestes éructées par le Front anti
national. Face à la haine fascisante,
soyons de celles et de ceux qui
œuvrent à un rassemblement lucide,
solidaire, constructif. Notre parole,
notre action y sont nécessaires.
À tous ces attardés du chauvinisme,
Anatole France, en son temps, répli
quait : “ Quoi ! L’amour de la patrie
et l’amour de l’humanité ne peuvent
ils brûler dans un même cœur ? Ils le
peuvent ; ils le doivent. Je dirais
mieux : si on n’aime pas l’humanité,
on ne saurait aimer sa patrie qui en
est un membre qu’on ne peut détacher
sans le faire saigner, souffrir et
mourir. ”
N’estce pas en ce sens et pour cela
que la grande voix de Jean Ferrat nous
interpelle encore ? Que les échos en
résonnent des profondeurs de la
société !
Henri Levart
Histoire
Une première : un musée allemand présente une exposition d’Hitler
- Hitler et les Allemands “Communauté du peuple” et crimes
P
our la première fois, soixantecinq
ans après la mort du dictateur, un
musée allemand, le Musée histo
rique allemand, consacre une exposition à
Hitler : Hitler et les Allemands –
“Communauté du peuple” et crimes.
Dans un pays où la fascination du mal
incarné par le caporal autrichien, son parti
et son règne n’a guère perdu de sa force, on
imagine aisément toutes les questions
posées par l’organisation d’une telle mani
festation.
Un premier projet avec pour thème la
personnalité et le parcours du dictateur
avait rencontré l’opposition unanime du
Comité scientifique de ce musée, créé en
1987 à BerlinOuest, puis installé Unter
den Linden dans l’ancien Arsenal qui,
jusqu’en 1990, avait abrité le Musée
d’Histoire allemande (RDA), et été
inauguré en 2006. Les experts craignaient
encore d’entretenir, malgré eux, une
fascination morbide pour le « Mal ». La
peur du pouvoir de séduction du Führer
s’explique aisément au vu de récents
sondages : plus de 10% des Allemands,
toutes générations confondues, souhaitent
le retour d’un starker Führer [leader fort].
Il y a trois ans seulement, la direction du
musée a fini par charger HansUlrich
Thamer, professeur d’histoire contempo
raine de l’université de Münster, de travail
ler sur le thème général « Hitler et le natio
nalsocialisme ». L’historien, rassemblant
alors « ce qui occupe actuellement la re
cherche historique », contribuerait à « dé
construire » l’image du dictateur. Il a ainsi
précisé ses intentions : « Nous voulons ex
pliquer l’ascension, le mode opératoire,
l’exercice du pouvoir jusqu’à la chute et
l’incroyable potentiel de destruction libéré
par le nationalsocialisme. Pas en partant
de la personnalité d’Hitler qui serait une
sorte de démon malfaisant qui aurait cor
rompu des millions de personnes », mais
en présentant « les mécanismes d’adhé
sion, de mobilisation des masses, mais
aussi d’exclusion qui tissent la relation
entre le Führer et la "communauté du
peuple" – le concept nazi de « Volksge
meinschaft »1.
Six cents objets de l’époque sont exposés
sous l’image omniprésente du Führer ;
quatre cents photographies racontent le
Troisième Reich. En revanche, aucun objet
personnel, aucune relique qui eussent attiré
des bandes néonazies. L’idée qui préside à
cette exposition est que « si le national
socialisme a été possible, c’est parce qu’il
y avait une nation allemande en soif d’un
guide qui redonnerait à l’Allemagne
humiliée par le traité de Versailles et
terrassée par la crise économique toute sa
grandeur », le NSDAP* proposant aux
Allemands un programme simpliste mais
opportunément mobilisateur: anticommu
niste, anticapitaliste, antiparlementaire et
antijuif. Présent dans tous les aspects de la
vie, Hitler se fait la projection des rêves des
Allemands. Il est l’homme fort qui a
réponse à tout, celui qui montre le chemin,
le guide capable de sauver la “communauté
du peuple” du déshonneur, de la misère
économique. Il est l’homme culte, une
« popicône » avant l’heure. D’où un grand
nombre d’objets à usage quotidien utilisés
comme matériel publicitaire, propagan
diste, de décervelage – appelés aujourd’hui
"produits dérivés". Dans ces conditions,
Hitler et le NSDAP étaient partout. Et quand
l’industrie qui fournissait les images hagio
graphiques faisait défaut, le peuple mettait
luimême la main à l’ouvrage. Une tapisse
rie murale de huit mètres carrés brodée en
1935 par des membres de deux associa
tions féminines et destinée à l’église Saint
Jacques de Rotenburg an der Fulda
(Allemagne centrale), fait partie des objets
illustratifs de cette pratique ; cette tenture
représente l’entrée de la Jeunesse hitlé
rienne et de la Ligue des Jeunes Filles alle
mandes dans cette église et ne fut décro
chée de la proximité de l’autel qu’en 1945.
Pendant des décennies, les historiens ouest
allemands se sont partagés entre ceux qui
voyaient dans le régime nationalsocialiste
« l’aboutissement nécessaire de l’histoire
allemande depuis Luther » et ceux qui
« voyaient en lui un simple accident, une
sorte de parenthèse historique », ce devant
quoi le germaniste historien Gilbert Badia
concluait, dans son Histoire de l’Alle
magne contemporaine, que le Troisième
Reich ne constitue pas « un phénomène
imprévisible et inexplicable dans le cours
de l’histoire allemande, pas plus qu’il n’en
est l’aboutissement nécessaire ».
Clairement, cette exposition qui montre un
agitateur, un individu quelconque, margi
nal, que rien ne prédestinait à une carrière
politique, imposant sur un terreau fertile
une dictature populaire profondément an
crée dans toutes les couches sociales, fait
litière de ces deux visions de l’histoire. Il
n’empêche que cette explication présente
un risque qui n’avait pas échappé à Gilbert
Badia : en mettant en scène une mécanique
collective englobant tout le peuple alle
mand, on risque de « confondre victimes et
bourreaux »** – en dépit d’objets qui rap
pellent les pogromes et les lois de 1935
excluant les Juifs de la vie sociale, de
documents des camps de concentration ou
de rares bannières honorant la mémoire de
résistants "officiels".
De même qu’en passant sous silence les
grands industriels et dirigeants de
l’économie allemande, tel Fritz Thyssen
– lequel membre du NSDAP dès 1923 se
vantait dans un livre paru en 1941, J’ai
payé Hitler, d’avoir « assuré la liaison
entre Hitler et les industriels importants
de RhénanieWestphalie » –, sans les
millions de Reichsmarks desquels Hitler
ne serait jamais devenu chancelier, on
risque de voir en lui un produit du
hasard, un phénomène naturel, et de
nourrir le mythe de l’ "autodidacte" et de
l’ "orateur doué" – en fait formé et en
traîné par un des mimes du Théâtre de la
cour de Munich rencontré dans un
Biergarten [brasserie en plein air] bava
rois, Friedrich Basil, l’acteur dont
Bertolt Brecht dit un jour qu’il « gesti
culait comme un chanteur de Wagner ».
FM
1. Volksgemeinschaft Communauté de destin
des Allemands, à la fois communauté d’armes et
du sang. Les "lois des classes et des états" lui
sont "étrangères". En tant que valeur supérieure,
c’estàdire en tant que communauté du peuple
totale, elle est audessus de l’individu et de ses
droits : "Tu n’es rien, ton peuple est tout !" in F.
Mathieu, Dictionnaire NSDeutsch [Allemand
nationalsocialiste], Straelener Manuskitpte
Verlag 1988.
2. Gilbert Badia et JeanMarie Argelès, His
toire de l’Allemagne contemporaine. Weimar
IIIe Reich, Messidor Éditions sociales, 1987, p.
555 et suiv.
NDLR NSDAP : Parti nationalsocialiste (nazi)
des travailleurs allemands
7. P.N.M. 282 Janvier 2011
la chronique de
Laura Laufer
7
Le directeur des
ressources humaines
d’Eran Riklis
C
ette fiction suit les
aven
tures du DRH de la
plus grande boulangerie de
Jérusalem, dont la vie privée
part à vaul’eau. Pris par ses
activités, l’homme ne réussit
ni comme mari, ni comme
père. Son salut viendra d’une
délicate mission menée pour
le compte de son entreprise :
ramener en Roumanie le
corps abandonné à la morgue de Yulia, employée de la boulangerie, morte dans un at
tentatsuicide et identifiée par sa lettre de licenciement. La presse émeut
l’opinion ; il faut éviter le scandale.
Si la première partie du film pêche un peu par excès de psychologie et de didac
tisme, il réussit à nous toucher dans un deuxième temps qui nous entraîne dans
un roadmovie où se succèdent, avec plus ou moins de bonheur, des péripéties
drôles ou tragiques. Quelques idées burlesques – le gag du cercueil conduit sur
un char – mais pas toujours bien exploitées, telle la séquence d’une nuit passée
dans un bunker. Le plus émouvant montre la campagne roumaine, confronte le
fils ou la mère de Yulia au DRH lequel, au terme du voyage, laisse l’intelligence
du cœur l'emporter sur celle du manager.
Le film interroge sur la place de l’étranger en Israël. Mieux traité mort que vif.
Blake Edwards - derniers feux
B
lake Edwards* laisse une cinquantaine de films dont
deux chefsd'œuvre, "La party", "Diamants sur canapé" et
quelques autres beaux films dont "Victor Victoria" – un drame
de l’alcoolisme, "Le jour du vin et des roses" avec Jack
Lemmon, sans oublier la série des aventures de l'inspecteur
gaffeur Clouseau dans "La panthère Rose" – musique d’Henri
Mancini, collaborateur du cinéaste sur une vingtaine de films.
"La party" demeure sans conteste le meilleur film burlesque apparu depuis
1968. Pour avoir déclenché trop tôt l’explosion d’un décor unique, provoquant
ainsi l’arrêt du tournage d’une production hollywoodienne, Hurndi V Bakshi,
obscur figurant de cinéma, est licencié. Au lieu de lui envoyer sa lettre de
licenciement, la secrétaire du studio commet l’erreur de lui adresser une
invitation du patron du studio à une soirée privée dans sa villa.
Le personnage de Peter Sellers dans un extraordinaire jeu de composition,
incarne cet hindou de caractère affable et placide, véritable calamité vivante qui
dérange, perturbe et détruit, avec une innocence bienveillante et une naïveté
déconcertante. Construit en crescendo, le film accumule les gags inventifs au fur
et à mesure que la multiplication des maladresses détraque l’organisation de la
soirée et provoque une catastrophe, fatale pour l’environnement.
Le cinéaste tourne en plans longs et la superbe photographie de Lucien Ballard,
en parfaite maîtrise du champ en perspective, permet à l’action de se dérouler
aussi bien au premier plan qu’en profondeur et à Blake Edwards, qui fut aussi
peintre, de tirer un parti magnifique de l’espace et du décor de la villa par
l’organisation de ses couleurs et de sa lumière. Satire des milieux aisés d’Holly
wood et du showbusiness, "La party" fait la part belle aux caractères simples et
vrais.
"Diamants sur canapé" est une magnifique comédie sentimentale où l’équi
libre et la délicatesse des sentiments font merveille. Georges Peppard et Audrey
Hepburn incarnent deux personnages paumés et touchants. La puissance émo
tionnelle du film est étonnante : on rit aux séquences burlesques avec le person
nage de Monsieur Yunioshi, l’ennemi du bruit qu’incarne formidablement
Mickey Rooney, et l'on pleure dans les moments pathétiques. Je pense bien sûr à
la magnifique scène sous la pluie où Holly (Audrey Hepburn) jette son chat.
"Victor Victoria", excellent remake d’un film allemand de 1933, nous offrit un
beau bouquet de joie, à commencer par le bonheur de voir jouer Robert Preston –
excellent acteur des années 30 – ici merveilleusement gay et en pleine forme, me
nant la danse avec l’excellente Julie Andrews, dans la vie, Madame Blake Edwards.
* Blake Edwards, acteur, producteur, réalisateur et scénariste américain vient de mourir en
Californie à l'âge de 88 ans [15 décembre 2010].
Côté
Expos
Irène Nemirovsky
Culture
I
rène Némirovsky, née en Russie en 1903, émigrée à Paris
avec sa mère en 1919, est une auteure relativement
précoce. Elle publie à l'âge de 18 ans une série de contes,
puis passe en 1929 au roman avec David Golder. Une dizaine de
romans suivront, dictés par l’héritage familial, le souvenir d’être russe,
l’étrangeté d’être juive, le sentiment d’être française, l’angoisse d’être
apatride, puis l’obligation de faire vivre son foyer malgré les lois de Vichy.
En 2004, le prix Renaudot lui est décerné à titre posthume pour Suite française.
L'exposition éclaire les contradictions de l'auteure qui font la richesse de son
oeuvre. Réfugiée en 1940 dans un village du Morvan, elle est arrêtée le
13/07/1942 avant d'être déportée à Auschwitz.
Deux ou trois choses que je retiens de lui...
Mémorial de la Shoah, 17 rue Geoffroy l'Asnier Paris 4°. Exposition jusqu'au 8 mars 2011
Romain Gary (19141980)
J
uive russe, sa mère avait décidé que Roman Kacew serait
français, diplomate et écrivain : il le fut. Elle n’avait pas
décidé qu’il serait pilote de guerre : il le fut pendant la
Seconde guerre mondiale. Elle instaura avec ce fils héroïque
une correspondance qu’elle eut l’art de prolonger audelà de
son trépas, voir « Racines du ciel ».
Diplomate, Romain Gary le fut aux EtatsUnis. Il y découvrit la lutte pour les
droits des Africains Américains. Et ce fut « Chien blanc ». Ce fut aussi Jean
Seberg, la petite Jeanne d’Arc de Preminger, si proche des Panthères noires
qu’on la traita de « fille à nègres ». La douce Jean qui à SOS Amitié était une de
ces voix qui dans la nuit écoutent l’angoisse des autres. Jean qu’il épousa et dont
il se sépara. « Clair de femme »…
Romain Gary, c’est aussi « Les têtes de Stéphanie » signé sous le pseudonyme
de Shatan Bogat qui sous couvert de roman policier dévoile les ruses sordides
des marchands d’armes chaudes, à relire chaque fois qu’on pense à Gaza, par
exemple.
Romain Gary reçut une seconde fois le prix Goncourt pour « La vie devant soi »
publié sous le pseudonyme, endossé par son neveu, d’Emile Ajar. Mme. Kamin
ker, alias Simone Signoret devait immortaliser Mme. Rosa. Il faut lire le livre.
Romain Gary, c’est cet homme qui, rongé par une angoisse qui le conduira au
suicide, appelait fébrilement dès l’aube, le « grand rabbin puis le petit ».
Fraternel, il partageait quelques bouteilles avec les policiers du commissariat
voisin.
Alors, allez voir l’exposition qui retrace la vie et l'oeuvre de Romain Gary, par
ses manuscrits. Elle vous donnera envie de relire ses livres, et on ne les relit
jamais en vain.
NM
Musée des lettres et des manuscrits - Exposition Gary 222 Bd SaintGermain, Paris 7°
jusqu'au 20 février 2011
Sur les traces du Yiddishland
Un pays sans frontières
P
récisons, d’abord, ce que ce livre*
n'est pas. Le lecteur qui cherche une
étude historique sur ce que le Shtetl fut,
sur le plan religieux, social, politique et
culturel, lira avantageusement Rachel Er
tel. Veutil un panorama culturel de la
judéïté ashkénaze ? Nous lui conseillons
de lire Mille ans de culture ashkenaze ou
l'Anthologie de la poésie yiddish de
Charles Dobzynski. Estil curieux du
spectaculaire renouveau de la culture
yiddish de l'entredeux guerres, nous le
renvoyons au travail de Delphine Bechtel.
L'originalité du livre de Guillemoles tient
à ce que son auteur, journaliste à La
Croix, nous propose une série de reporta
ges sur un sujet qu'il connaît bien, la vie
des sociétés juives qui se développent à
partir du Xe siècle de l’Alsace à l’Oural,
de la Baltique à la mer Noire. Il fourmille
d’anecdotes rapportées avec une extrême
précision. On goûtera la saveur des récits
de traditions aujourd’hui perdues et les
amateurs de witzès** ne seront pas déçus.
La résurgence du mysticisme hassidique
y est savoureusement décrite.
Une illustration abon
dante reflète ce qui reste
de la présence juive dans cette région du
monde. Sachons gré à l'auteur de n'avoir
pas fait l'impasse sur les campagnes
antisémites particulièrement préoccu
pantes en Hongrie.
Relevons, à l'inverse, l'étonnante absence
de traces de ces "révolutionnaires du Yid
dishland". Car dans l'entredeux guerres,
qui disait yiddish disait gauche, souvent
communiste, en Europe tout comme en
Amérique Latine. Continent que nous re
grettons que l'auteur n'aie pas exploré
pour faire connaître ces autres "yiddish
lands", celui d'Amérique du Nord et sur
tout celui d'Amérique du Sud.
Rendezvous pour un autre voyage ?
NDLR On ne peut évoquer le yiddish sans rap
peler que la Naïe Presse, éditée par l'Union
des Juifs pour la Résistance et l'Entraide, fut
le quotidien yiddish le plus lu en Europe.
Jacques Lewkowicz
* Alain Guillemoles, SUR LES TRACES DU YIDDI
un pays sans frontières, Ed. Les Petits
matins, 201
** Witz : Mot d'esprit, plaisanterie
SHLAND,
8. 8
Littérature
P.N.M. 282 Janvier 2011
Victor Hugo écrit, combat, évolue
d'un antijudaïsme ordinaire
(IIe partie)
... à la virulente dénonciation de l'antisémitisme
D
ans les années 18301840,
Victor Hugo constate que ses
convictions royalistes et catho
liques des années 1820 se sont écrou
lées "pièce à pièce depuis dix ans
devant l’âge et l’expérience. Il en reste
pourtant encore quelque chose dans
mon esprit, mais ce n’est qu’une reli
gieuse et poétique ruine. Je me détourne
quelquefois pour la considérer avec
respect, mais je n’y viens plus prier."
Fruit littéraire de trois voyages
effectués avec Juliette Drouet en 1838,
1839, 1840, paru en 1842, Le Rhin
contient une pittoresque description du
quartier juif de Francfort parcouru un
samedi : "Deux longues rangées
parallèles de maisons noires, sombres,
hautes, sinistres, presque pareilles,
mais ayant cependant entre elles ces
légères différences dans les choses
semblables qui caractérisent les
bonnes époques d’architecture ; entre
ces maisons toutes contiguës et
compactes et comme serrées avec
terreur les unes contre les autres, une
chaussée étroite, obscure, tirée au
cordeau ; rien que des portes bâtardes
surmontées d’un treillis de fer
bizarrement brouillé ; toutes les portes
fermées ; au rezdechaussée rien que
des fenêtres garnies d’épais volets de
fer ; tous ces volets fermés ; aux
étages supérieurs, des devantures de
bois presque partout armées de
barreaux de fer ; un silence morne,
aucun chant, aucune voix, aucun
souffle, par intervalles le bruit étouffé
d’un pas dans l’intérieur des mai
sons ; à côté des portes un judas grillé
à demi entr'ouvert sur une allée
ténébreuse ; partout la poussière, la
cendre, les toiles d’araignées, l’écrou
lement vermoulu, la misère plutôt af
fectée que réelle ; un air d’angoisse et
de crainte répandu sur les façades des
édifices ; un ou deux passants dans la
rue me regardant avec je ne sais
quelle défiance effarée ; aux fenêtres
des premiers étages, de belles jeunes
filles parées, au teint brun, au profil
busqué, apparaissant furtivement, ou
des faces de vieilles femmes au nez de
hibou,
coiffées
d’une
mode
exorbitante, immobiles et blêmes
derrière la vitre trouble ; dans les
allées des rezdechaussée, des
entassements de ballots et de
marchandises ; des forteresses plutôt
que des maisons, des cavernes plutôt
que des forteresses, des spectres plutôt
que
des
passants."
Suit
ce
commentaire : "À Francfort il y a
encore des juifs et des chrétiens ; de
vrais chrétiens qui méprisent les juifs,
de vrais juifs qui haïssent les
chrétiens. Des deux parts on s’exècre
et l’on se fuit. Notre civilisation, qui
tient toutes les idées en équilibre et qui
cherche à ôter de tout la colère, ne
comprend plus rien à ces regards
d’abomination
qu’on
se
jette
réciproquement entre inconnus. Les
juifs de Francfort vivent dans leurs
lugubres maisons, retirés dans des
arrièrecours pour éviter l’haleine des
chrétiens. Il y a douze ans, cette rue
des Juifs, rebâtie et un peu élargie en
1662, avait encore à ses deux
extrémités des portes de fer,
garnies de barres et d’ar
matures extérieurement et
intérieurement. La nuit
venue, les juifs rentraient
et les deux portes se
fermaient. On les ver
rouillait en dehors comme
des pestiférés, et ils se bar
ricadaient en dedans comme
des assiégés."
En 1843, Victor Hugo publie Les
Burgraves, drame qui, se déroulant
dans l’Allemagne du XIIIe siècle,
contient un vers qui reprend la vieille
accusation du meurtre rituel imputé
traditionnellement aux Juifs depuis le
moyen âge. Le directeur des Archives
israélites de Paris s’en émeut, auquel
Victor Hugo répond : "Vous m’avez
mal compris, monsieur, et je le regrette
vivement, car ce serait un vrai chagrin
pour moi d’avoir affligé un homme
comme vous, plein de mérite, de savoir
et de caractère. Le poète dramatique
est historien et n’est pas plus maître
de refaire l’histoire que l’humanité. Or
le treizième siècle est une époque
crépusculaire, il y a là d’épaisses
ténèbres, peu de lumière, des
violences, des crimes, des supersti
tions sans nombre, beaucoup de
barbarie partout. Les juifs étaient
barbares, les chrétiens l’étaient aussi ;
les chrétiens étaient les oppresseurs,
les juifs étaient les opprimés ; les juifs
réagissaient. Que voulezvous, Mon
sieur ? C’est la loi de tout ressort
comprimé et de tout peuple opprimé.
Les juifs se vengeaient donc dans
l’ombre […] ; fable ou histoire, la
légende du petit enfant de SaintWer
ner* le prouve. Maintenant, on en
croyait plus qu’il n’y en avait ; la ru
meur populaire grossissait les faits ; la
haine inventait et calomniait, ce
qu’elle fait toujours ; cela est possible,
cela même est certain ; mais qu’y
faire ? Il faut bien peindre les époques
ressemblantes ; elles ont été supersti
tieuses, crédules, ignorantes, barba
res ; il faut suivre leurs superstitions,
leur crédulité, leur ignorance, leur
barbarie ; le poète n’y peut mais, il se
contente de dire : c’est le treizième
siècle, et l’avis doit suffire. Cela veut
il dire, grand Dieu ! qu’au temps où
nous vivons, les juifs égorgent et
mangent les petits enfants ? Eh !
Monsieur, au temps où nous vivons, les
juifs sont comme vous pleins de
science et de lumière, et les chrétiens
comme moi sont pleins d’estime et de
considération pour les juifs comme
vous."
Statue de Victor Hugo
à Guernesey
Qui lit les Odes,
Les Orientales, Les Choses
de la Bible, La Légende
des siècles, William Sha
kespeare, Dieu, La Fin de
Satan, entre autres, bute
sur nombre de clichés anti
juifs et s’insurge. Mais, on
l’a compris, Victor Hugo
n’est pas antijuif, encore moins
quand il est devenu républicain.
En Russie, Alexandre III**, qui suc
cède à son père assassiné le 13 mars
1881, mène d’emblée une politique
réactionnaire et antisémite. Le pro
gramme de son gouvernement, opposé
au gouvernement libéral d’Alexandre
II, à l’égard des Juifs est : "Un tiers
des juifs sera converti, un tiers émi
grera, un tiers périra."
La même année, plus d’une centaine
de pogromes avec leur cortège de des
tructions, de pillages, de viols et d’as
sassinats, éclatent de Kiev à Odessa en
passant par Varsovie, encouragés par
la police et les autorités civiles et
religieuses christoorthodoxes, et en
traînent une première vague d’émigra
tion de Juifs russes, ukrainiens, polo
nais vers l’Allemagne et les ÉtatsUnis.
Informé par le directeur du Gaulois et
animateur du "Comité de protestation
en faveur des israélites", Victor Hugo
publie dans Le Rappel du 1er juin
1882 un article dénonciateur, "Les
Juifs. La Russie" : "Ce qui se dresse
en ce moment, ce n’est plus du crime,
c’est de la monstruosité. Un peuple
devient monstre. Phénomène horrible.
[…] D’un côté, l’homme avance, d’un
pas lent et sûr, vers l’horizon de plus
en plus lumineux. […] de l’autre côté
l’homme recule ; l’horizon est de plus
en plus noir ; les multitudes vont et
tâtent dans l’ombre ; les vieilles reli
gions, accablées de leurs deux mille
ans, n’ont plus que leurs contes, jadis
tromperies de l’homme enfant, aujour
d’hui dédain de l’homme fait, jadis
acceptés par l’ignorance, aujourd’hui
démentis par la science. […] Les
erreurs s’entredévorent, le chris
tianisme martyrise le judaïsme ; trente
villes (vingtsept disent d’autres) sont
en ce moment en proie au pillage et à
l’extermination ; ce qui se passe en
Russie fait horreur ; là un crime im
mense se commet, ou pour mieux dire
une action se fait, car ces populations
exterminantes n’ont même plus la con
science du crime ; elles ne sont plus à
cette hauteur ; leurs cultes les ont
abaissées dans la bestialité ; elles ont
l’épouvantable innocence des tigres ;
les vieux siècles, l’un avec les Albi
geois, l’autre avec l’Inquisition,
l’autre avec le SaintOffice, l’autre
avec la SaintBarthélemy, l’autre avec
les dragonnades, l’autre avec l’Autri
che de MarieThérèse, se ruent sur le
dixneuvième et tâchent de l’étouffer ;
la castration de l’homme, le viol de la
femme, la mise en cendres de l’enfant,
c’est l’avenir supprimé ; le passé ne
veut pas cesser d’être ; il tient l’huma
nité ; le fil de la vie est entre ces doigts
de spectre. D’un côté le peuple, de
l’autre la foule. D’un côté la lumière,
de l’autre les ténèbres. Choisis".
Désormais, Victor Hugo, qui voit
sourdre dans son propre pays l’anti
judaïsme des milieux ultras et catho
liques qui conduira à l’affaire Dreyfus,
agit sur un terrain politique nouveau
pour lui : contre l’antisémitisme, mot
qu’un anarchiste allemand vient de
créer pour désigner la haine qu’il voue
aux Juifs.***
Le XIXe siècle avait quatrevingts ans.
François Mathieu
* En 1287 meurt un chrétien du nom de
Werner, prétendument assassiné par des Juifs
dans le Palatinat rhénan et
enterré à
Bacharach, à la suite de quoi, sur sa tombe,
des miracles se seraient produits, entraînant
le massacre de nombreux Juifs par les
populations chrétiennes voisines désireuses
de venger son "assassinat". Werner deviendra
sous différents noms locaux le saint patron
des vignerons ! Heinrich Heine l’évoque
dans Le Rabbin de Bacharach, trad. d’André
Cœuroy, Balland, Paris 1992, p. 9 et suiv.
** Oui, celui du pont éponyme qui
symbolise l’alliance francorusse conclue par
le tsar et Sadi Carnot, et qui fut inauguré par
Émile Loubet lors de l’ouverture de l’Expo
sition universelle de 1900.
*** En 1879, Wilhelm Marr, journaliste
politique anarchiste, publie à Berlin un essai
politique antisémite, Der Sieg des
Judenthums über das Germanenthum [La
Victoire de la judéité sur la germanité],
lequel contient pour la première fois dans
l’Histoire les mots "Antisemit", "Antisemi
tismus". En un an, cet ouvrage est réédité
douze fois. En 18801881, le "Mouvement
antisémite berlinois" adresse à Bismarck une
pétition dite "antisémite" signée par des
intellectuels demandant la suppression des
lois d’émancipation des Juifs.