Position de thèse, « Les radios alternatives : l’exemple de Radio Ici et Maintenant », Le Temps des Médias, n°25, 2015/2, https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2015-2-p-293.htm
1. Position de thèse
Position de thèse, « Les radios alternatives : l’exemple de Radio Ici et Maintenant »,
Temps des médias, n°25, 2015/2, https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2015-2-p-
293.htm
Les « radios libres » ont vite suscité l’intérêt de la société et des chercheurs. P. Flichy
les qualifie de « radios alternatives » en 1981 dans un rapport pour le Conseil européen. Mais
il faut attendre quelques années pour que se développent des travaux scientifiques :
-En 1986, J.-J. Cheval soutien une thèse sur les radios locales privées en Gironde.
-En 2002, M. Dalle focalise sa thèse sur les « radios libres » à un niveau national entre
1977 et 1981 avec une approche culturelle.
-En 2008, T. Lefebvre publie un ouvrage où il s’intéresse à l’action des « radiolibristes »
dans la « bataille des radios libres ».
-En 2011, le GRER profite des 30 ans de la fin du monopole (donc de la fin des « radios
libres ») pour organiser le premier colloque international sur le sujet (lire TDM n°161).
La présente thèse se situe dans la continuité de ces travaux car la radio particulièrement
étudiée ici - Radio Ici et Maintenant (RIM) - est fondée à Paris le 21 juin 1980 et a été l’une
1 http://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2012-2-page-245.htm
2. des radios les plus importantes au sein du mouvement. C’est aujourd’hui la plus ancienne des
radios privées parisiennes et l’une des 600 radios associatives.
Nous nous demandons comment les mouvements contreculturels ont trouvé de
nouveaux lieux d’expression grâce à la démocratisation de l’audiovisuel. Plus précisément,
nous cherchons à savoir comment la société française a permis la constitution d’un média
radiophonique alternatif comme RIM et comment cette radio a trouvé un modèle économique
viable pour diffuser son idéologie. Au moins deux phénomènes se conjuguent :
-la diminution du coût d’entrée dans la radiophonie grâce au développement et au
combat des « radios libres » qui ont donné naissance aux radios associatives avec leur modèle
juridico-économique spécifique,
-la diminution du coût d’entrée dans le marché religieux avec le développement de la
contreculture New Age issue de la contreculture américaine, des pensées religieuses alternatives
occidentales (ésotérisme, médiumnisme) et des religions orientales (hindouisme, bouddhisme).
Ainsi, le modèle spécifique des radios alternatives a permis de faire vivre puis persister
l’idéologie « radiolibriste » et New Age au sein de RIM grâce à l’aide d’animateurs bénévoles,
d’invités militants et d’auditeurs actifs.
Croisant histoire et sociologie du religieux, des médias, de la communication, de la
politique, des sciences, cette thèse repose sur :
-différents fonds d’archives (papier, audio, numérique)
-une écoute assidue,
-des entretiens et discussions informelles,
-des observations ethnographiques.
Nous donnons d’abord les outils scientifiques des études radiophoniques et religieuses
pour analyser ce phénomène. Puis, nous faisons état du contexte historique, radiophonique,
économique, numérique, social, juridique et politique d’apparition et d’existence des radios
alternatives. Enfin, nous étudions le modèle de RIM :
-son origine (intellectuelle, télévisuelle, radiophonique, religieuse) et son histoire2,
-ses acteurs (animateurs, invités, auditeurs),
-son économie (indépendance, diversité des financements),
-son fonctionnement (réticulaire, informel, souple, ouvert, spontané, direct, libre,
transparent, créatif),
-sa programmation (interactivité, informatique, culture, santé, spiritualité, voyance,
ufologie),
-son idéologie New Age (bien être, réenchantement du monde),
-ses difficultés (saisies, procès, scissions, départs, manque de salariés, conflits avec
l’autorité de régulation, grèves de la faim),
-ses réussites (innovations technologiques, couverture presse, survie, modèle alternatif).
Finalement, les radios alternatives appartiennent à l’écosystème sociétal démocratique
moderne en :
-fournissant d’autres horizons symbolique et utopique,
-permettant des innovations et changements sociaux.
Malgré leur petite taille sociopolitique (audience, chiffre d’affaires, influence), elles font
exister médiatiquement des idées, actions et phénomènes sociaux marginaux et différents qui
rendent la société vivable et viable.
2 Lire « Radio Ici et Maintenant, pionnière en expérimentations », CHR, n°121, 2014