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Impressions sur des associations rurales solidaires au Togo
Région des Savanes, Togo, Septembre 2018
Avant-propos : l’objet de notre séjour à Bombouaka n’était pas de réaliser une étude
détaillée du système éducatif des jeunes togolais; ce que nous décrivons ici correspond à
une vision partielle: elle concerne des jeunes de milieu modeste à pauvre, vivant en région
rurale, celle des Savanes ; et à une vision partiale: la plupart des jeunes et acteurs avec
lesquels nous discutons font partie de l’Eglise Catholique du Togo, très investie dans
l’enseignement.
Nous vous partageons un résumé de nos «  impressions  », notre but étant de mettre en
perspective notre propre système éducatif et de trouver des pistes de réflexion.
Constat global:
	 De façon générale, l’accès à une éducation formelle de bonne qualité et à une
carrière épanouissante est encore peu répandu. 

Chez de nombreux jeunes rencontrés on devine un potentiel élevé, mais qui dans de
nombreux cas restera malheureusement peu exploité : parmi ceux qui auront pu
fréquenter l’école, parfois même jusqu’aux études supérieures, beaucoup resteront au village
et vivront finalement des travaux de la terre ou de petits boulots divers. Cette réalité
concerne notamment les filles. Les causes sont multifactorielles.

	 Cependant, il est à noter que tous les jeunes avec qui nous discutons, font preuve d’une
remarquable résilience, une solidarité, une aspiration forte à un avenir meilleur. 

Les particularités du système éducatif du pays:
	 L’éducation des enfants est avant tout la responsabilité de la famille « élargie »: les
enfants sont élevés non seulement par les parents, mais il n’est pas rare qu’ils effectuent
aussi, pour des raisons pratiques, des séjours prolongés (plusieurs années) chez un oncle,
une tante, parfois les grand-parents. L’éducation qu’ils reçoivent est donc marquée par des
valeurs familiales fortes d’une part, un côté transgénérationel d’autre part, avec les
richesses mais aussi le poids des traditions que cela présuppose. 

Système scolaire public et privé:
	 Il se caractérise par un enseignement
principalement magistral et théorique, peu de
pratique, peu de travail en autonomie, que ce
soit individuel ou en groupe. Autre point
important, la langue est uniquement le
français, aucun enseignement ne se fait « en
langue  » (façon de désigner les multiples
dialectes locaux). Or le français est loin d’être
pratiqué dans l’environnement familial de
tous les enfants. 

	 Le premier diplôme visé est le CEP,
sanctionnant la fin du primaire, puis pour un
1
Ecole privée dépendant de la paroisse Saint Antoine
de Padoue (paroisse des Franciscains) à Lomé
nombre encore relativement élevé d’élèves, le BEPC. Un nombre moins important d’élèves
atteindront le bac ou l’université (le coût des études supérieures est hors de portée pour
beaucoup).

	 Il semble que le réseau scolaire public ne donne pas satisfaction sur tous les plans
(principales causes invoquées : système ne valorisant pas suffisamment les enseignants
quant à leur motivation et leur mérite, grèves fréquentes, manque de moyens matériels et
financiers des établissements), si bien que l’enseignement privé occupe une place très
importante au Togo : soit sous forme d’établissements confessionnels, soit sous forme
d’entreprises privées (à la mode anglo-saxonne). 

	 De très nombreuses familles même modestes sont prêtes à payer pour y scolariser leur
enfant. Historiquement, l’Eglise Catholique est la plus investie dans ce domaine.

Un certain nombre d’obstacles à la scolarisation:
	 Les familles que nous avons rencontrées semblent généralement conscientes de
l’importance de l’école, mais le système traditionnel interfère parfois : les filles sont,
encore aujourd’hui, moins souvent et moins longtemps scolarisées que les garçons ; les
travaux au champs ou à la maison rendent compliquées ou viennent parfois carrément
interrompre les études; les punitions corporelles restent fréquentes et sévères, à tel point
qu’elles peuvent interférer avec un bon suivi scolaire. 

A cela se rajoutent diverses difficultés :

- d’ordre structurel: certaines
familles vivent dans des villages très
reculés, les trajets pour se rendre à
l’école sont épuisants ou tout
simplement impossibles, et les
établissements scolaires n’offrent
pas toujours la possibilité d’un
internat, ou bien les familles ne
peuvent se le permettre.

- D’ordre matériel : accès à
l’électricité pour travailler le soir,
disponibilité d’un espace approprié
pour travailler; parfois l’achat des
quelques fournitures scolaires de
base est impossible, la plupart des
enfants travaillent au champs tout
l’été pour se les payer.

- D’ordre nutritionnel et sanitaire :
l’accès à une alimentation suffisante et équilibrée n’est pas généralisée ; le régime dit
«  mort subite  », faisant référence à un seul repas par jour, n’est pas rare. Les enfants
consomment dès le plus jeune âge la bière locale dite « chapalo », plus salubre que l’eau,
mais entraînant des problèmes de développement et d’attention. Les grossesses
2
La région des Savanes est très belle, notamment durant la
saison des pluies; mais les villages y sont très dispersés, et il
faut souvent plusieurs heures de marche pour rejoindre le
chef-lieu de Bombouaka et Tandjouaré
précoces sont fréquentes, ayant souvent pour conséquence l’arrêt de leurs études par les
jeunes filles. 

- D’ordre financier : Il est fréquent de croiser des personnes au parcours d’études
interrompu pour des raisons purement financières. Les bourses d’étude existent, mais ne
remplissent pas toujours leur office : par exemple, si l’établissement est éloigné et que la
bourse ne couvre que les frais scolaires, alors que la famille n’a pas les moyens de couvrir
les frais de transport et logement. Il arrive que les bourses soient revendues à des
étudiants plus aisés.

Un système alternatif fréquent : l’apprentissage:
	 Pour toutes ces raisons, une partie non négligeable
des jeunes togolais ne fréquenteront pas, ou que
brièvement l’école ; ils se rabattront sur un système
d’apprentissage d’un métier manuel, comme nous
l’avons constaté dans le milieu modeste, qui leur
permettra en quelques années d’accéder à un métier de
type coiffure ou couture pour les filles, travail du bois ou
soudure pour les garçons. 

	 L’une des grandes différences avec le système
français, est que les familles payent le professionnel
chez qui leur jeune est en apprentissage; c’est un
général pour eux un investissement financier important. 



Difficultés d’accès à l’emploi:
	 Pour pouvoir accéder à des métiers plus
rémunérateurs, il faut passer par l’école ; mais jeunes
comme adultes nous signalent un écueil majeur : avoir
un diplôme ne garantit pas forcément l’accès à
l’emploi. Cet état de fait est un autre gros frein à la scolarisation, car pourquoi faire des
études, pour au final ne pas avoir de métier?

	 Parmi les causes de ce phénomène, nos interlocuteurs évoquent l’absence de système
d’orientation, qui permettrait d’étudier les besoins du marché du travail d’une part, d’aider
les jeunes à discerner sur leurs aspirations et capacités d’autre part. Lorsque nous
demandons aux jeunes ce qu’ils voudraient faire plus tard, la majorité nous répond
« médecin" ou « avocat »; mais est-ce vraiment ce dont ils rêvent, ou bien ces métiers ne
sont-ils que l’image qu’ils se font d’une réussite professionnelle et sociale ? Ainsi, un certain
nombre de jeunes se lancent dans des études qui ne correspondent ni à leurs capacités, ni à
leur vocation réelle.

	 Plusieurs personnes ont également souligné la déconnexion des études avec le milieu
du travail, la difficulté à obtenir des stages d’observation ou professionnalisant ; ainsi, cette
jeune-fille qui mène des études de laborantine, mais dont la fac a suspendu les TP en cours
d’année, faute de moyens ; or impossible d’obtenir un stage en laboratoire. Comment donc,
être correctement formé à ce métier?

3
Jeunes apprenties viennent de passer
l’examen final; elles transportent leur
machine à coudre sur leur tête
Enfin jeunes comme adultes dénoncent un système social verrouillé, tendant à
reproduire, selon le milieu dont on est issu, la réussite des uns, la situation difficile des autres.
Cette difficulté est signalée de façon récurrente sous la formulation «  à partir d’un certain
niveau de métier, il faut « avoir le bras long …». Dans un tel système, l’éducation ne peut pas
- ou que très peu - jouer son rôle essentiel de moteur de la promotion sociale. 

Nos rencontres associatives :
	 C’est dans ce contexte globalement difficile pour la jeunesse
togolaise, que nous avons, grâce aux frères franciscains implantés
dans les Savanes depuis une quarantaine d’année, rencontré plusieurs
organismes à vocation sociale dans le région de Bombouaka et
Dapaong. 

Toutes ne concernent pas directement les jeunes, mais chacune nous
a permis de découvrir un visage différent de la résilience et de l’espoir
en un avenir meilleur, des populations locales. 

- CASPF (centre d’animation sociale et de promotion féminine) de
Bombouaka: à l’initiative du frère Germain, titulaire d’un diplôme d’état de consultant en
action sociale, il s’appuie sur les volontaires et leaders des communautés de base de
Bombouaka pour fournir des services d’alphabétisation, d’éducation sociale, de prise
charge des personnes vulnérables de la communauté. Il s’agit donc d’actions de type
« empowerment », par des togolais pour des togolais.

- Nous avons également rencontré totalement par hasard Jovial,
chef cuisinier qui rendait alors ponctuellement service à la
mission catholique. Son histoire personnelle illustre bien les
réalités de vie auxquelles sont confrontés les jeunes togolais de
milieu modeste, mais aussi comment, avec de la ténacité et de
l’ambition, il est possible de réaliser ses rêves.

- Centre Don Orione : la communauté Don Orione, d’origine
italienne, gère un très gros complexe hospitalier et
d’apprentissage professionnel. Créé à l’origine pour les
personnes en situation de handicap moteur ou mental, il
bénéficie aujourd’hui à toutes les populations voisines. 

- Association «  Vivre dans l’espérance  »: Cette association est gérée par les soeurs
hospitalières du Sacré Coeur de Jésus, ainsi que des soeurs de l’Immaculée Conception
de Saint Amand les Eaux (près de Lille) ; son objet initial est la prise en charge et l’insertion
des enfants infectés ou affectés par le sida, ainsi qu’un travail de prévention auprès des
populations. Le centre hospitalier créé à l’origine pour les personnes séropositives, est
également ouvert à tous et permet notamment aux plus pauvres d’accéder aux services de
santé. 

	 Pour voir les photos et détail de nos rencontres avec chacun de ces acteurs, voir les
articles prochainement postés.

4
Jovial devant
l’apatam de la
Ce que nous retiendrons:
* L’implication des familles, facteurs d’épanouissement et de réussite pour les jeunes:
Toutes les structures que nous avons visitées mettent l’accent sur la sensibilisation (=
information + formation à un rôle actif) des familles ; que ce soit pour le retour à domicile d’un
enfant en situation de handicap, l’acceptation et l’intégration en société d’un enfant porteur
du sida, ou la mise en place d’un cadre favorable aux études par les familles des écoliers.
Cette sensibilisation se fait par plusieurs canaux, alliant souvent réunions d’information,
échange de pratiques, et visites à domicile. 

	 La famille est souvent comprise dans un sens plus large que chez nous: il peut s’agir
des oncles, tantes, grands frères ou soeurs, grand-parents; il peut aussi s’agir de la famille
d’adoption, comme c’est le cas dans les « maisons familiales » (et non pas orphelinats) de
Vivre dans l’espérance. Dans le même état d’esprit, nous avons vu toutes formes de
référents, tuteurs, mentors etc. Finalement, un facteur important de réussite pour le jeune
est le fait de compter pour, et de compter sur un ou des adultes bienveillants (qui ne
sont pas forcément les parents).

	 Dans le même ordre d’idée, toutes les structures que
nous avons visitées favorisent une approche écosystémique
des jeunes: à savoir considérer ce dernier non pas que sous
l’angle de ses performances, mais aussi de son
environnement familial, physique, de sa santé physique et
psychologique, de son histoire. L’idée paraît couler de source,
mais concrètement cela suppose des dispositifs dédiés (par
exemple, dispositif de visite à domicile des famillles) et
surtout, une équipe pluridisciplinaire, qui se réunit
régulièrement pour décider d’une approche commune. 

* Réflexions sur le rôle et les effets de l’aide humanitaire au Togo:
	 Les ONG et associations internationales fleurissent souvent là où l’état ou la société
civile ne pourvoient pas aux besoins locaux. On comprend les besoins urgents de terrain
d’une part, l’envie de partage des donateurs occidentaux d’autre part. Mais concrètement
des structures fournissant une quantité notable de services de base pour la société
(santé, éducation, prise en charge sociale) dépendent de la solidarité étrangère.
Les impacts sur le terrain sont multiples :

⁃ Désengagement de l’Etat et de la population locale dans la gestion de certaines
problématique. Un exemple qui nous a interpellés est celui du « parrainage ». Dans ce
système, un occidental soutient un jeune défavorisé dans ses études, financièrement et
affectivement (lettres, cadeaux...). Dans la grande majorité des cas, les bénéfices de ce
système sont évidents : non seulement partage de richesses, mais aussi création de
5
liens privilégiées entre le parrain/marraine et l’enfant, pour qui il est essentiel de
« compter pour quelqu’un ». 

Il faut cependant savoir que sur le terrain au Togo, le
parrainage ne fait pas toujours l’unanimité. En effet d’une
part, il permet indirectement aux pouvoirs publics de
contourner leurs responsabilités en termes d’amélioration
de l’accès à l’éducation des jeunes. 

D’autre part, certains acteurs locaux constatent que les
jeunes parrainés ne sont pas forcément ceux qui réussissent
le mieux : certains jeunes développent une dépendance à
cette aide régulière qui devient non pas un moyen mais une
finalité, voire parfois même un dû. Selon eux, il serait
souhaitable d’organiser ce parrainage localement, selon
d’autres modalités (par exemple : prêt de locaux et de
matériel aux jeunes sortant de formation pour démarrer leur
activité), de sorte que la communauté se sente plus
concernée par la réussite de ses jeunes, et que ceux-ci se
sentent plus directement redevables. Bien sûr, il ne s’agit
pas là de remettre en cause ce système, mais de réfléchir à
des modalités de mise en oeuvre qui permettraient d’en
éviter les écueils, ainsi que de plus investir la communauté. 

⁃ La pérennité de ces actions, si elles dépendent quasi trop de financements étrangers
d’une part, si elles ne sont pas suffisamment investie par les togolais eux-même d’autre
part. 

⁃ Persistance d’un certain néo-colonialisme, d’autant plus pervers qu’il découle d’un
évidente bonne volonté et générosité des donateurs occidentaux. A à ce sujet, nous
avons été très frappés par le statut du « blanc" au Togo : pour résumer, l’idée qu’il serait
« supérieur », reste encore très présente dans l’inconscient collectif. Apparemment ce
n’est pas le cas dans tous les pays africains, notamment moins dans les pays
anglophones dans lesquels noirs et blancs se mélangent plus. Mais au delà de ces
considérations, ne porte-t-on pas atteinte à la dignité des personnes, lorsque l’on fait
« à leur place »? Même si l’aide internationale se défend aujourd’hui de « faire à la place
de », mettant en avant plutôt le « faire avec », sur le terrain la limite entre les deux est
parfois ténue. 

	 Notre conclusion est donc que les actions initiées et gérées par des locaux, sont
probablement celles qui porteront à long terme le développement du pays. A cet égard,
l’exemple du CASPF, même s’il est en partie financé par de l’argent étranger (fond de
solidarité franciscain….), nous a paru le plus intéressant et pertinent, ne serait-ce que parce
qu’il rend dignité et confiance en eux à ceux qui y participent et en bénéficient. 

Il nous ramène à la loi de base du Community organizing « ne fais jamais pour quelqu’un, ce
que tu penses qu’il ou elle est capable de faire pour lui même ». 

6
* Des similitudes entre les difficultés de la jeunesse togolaise et de la jeunesse
française:
- Une partie des jeunes togolais ont du mal à croire
en la possibilité d’un avenir meilleur, notamment au
moyen des études ; et parmi ceux qui y croient encore,
les études puis le travail à l’étranger (principalement
France, mais aussi Canada, pays anglo-saxons
occidentaux mais aussi africains) restent un el dorado
largement idéalisé. Un certain désenchantement est
également palpable auprès d’une partie de la jeunesse
Française, cependant les causes diffèrent notablement:
au Togo, elles sont plutôt les difficultés financières, ainsi
qu’un système entretenant la disparité des classes
notamment du fait de la corruption. En France, elles
correspondent plutôt un malaise existentiel, « qui suis-
je », « qu’est ce que je veux vraiment faire de ma vie »,
et aussi parfois « pourquoi devrais-je me bouger alors
que je peux vivoter sans faire trop d’effort ». Ainsi, les
jeunes togolais sont-ils surpris d’entendre que lorsque
les freins extérieurs d’accès à l’éducation et à l’emploi
sont levés, d’autres freins intérieurs viennent parfois les
remplacer. 

- La difficulté des jeunes à accéder au monde du travail pendant leurs études, que ce
soit sous forme de stages ou de petits boulots, créé pour eux des difficultés à discerner
leur vocation professionnelle, ainsi qu’un décalage entre les compétences acquises et les
attentes des futurs employeurs.

* Comment relever le challenge du « reach back » (le fait, pour quelqu’un qui a été aidé,
de « renvoyer l’ascenseur »):
	 Nous pensions que le fait pour un individu d’avoir connu l’adversité, le prédispose à une
certaine empathie envers d’autres rencontrant les mêmes difficultés, en particulier dans une
société où le lien social est si central. Mais la plupart des acteurs sociaux que nous avons
rencontrés, constatent que parmi ceux qu’ils aident et qui s’en sortent, une certains ne
renvoient pas l’ascenseur, voir vont jusqu’à se couper de leur milieu initial pour mieux profiter
de leur nouveau confort. 

	 Bien sûr, d’autres décident de s’investir pour partager l’aide qu’eux-même ont reçue, le
font avec un dévouement exemplaire : par exemple les moniteurs bénévoles du CASPF, ou
les jeunes de Vivre dans l’Espérance qui reviennent aider au centre pendant leurs vacances.

Il n’en reste pas moins que ce constat général nous interpelle :

	 On pourrait penser que l’absence de propension au reach back est l’apanage de
sociétés occidentales fortement individualistes, mais il semble qu’il s’agisse plutôt d’un trait
de nature humaine, avec lequel il faille tant bien que mal composer ?

Par ailleurs, dans la mesure où le reach back est un moteur puissant de développement et de
pérennisation du progrès social, comment le favoriser ?

7
À la sortie de la messe à Bombouaka:
ces jeunes filles sont à peine plus
âgées que Lili, et partagent les
mêmes aspirations, les mêmes rêves
Inspire 2019 - Alex et Sara Baudoux

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  • 1. Impressions sur des associations rurales solidaires au Togo Région des Savanes, Togo, Septembre 2018 Avant-propos : l’objet de notre séjour à Bombouaka n’était pas de réaliser une étude détaillée du système éducatif des jeunes togolais; ce que nous décrivons ici correspond à une vision partielle: elle concerne des jeunes de milieu modeste à pauvre, vivant en région rurale, celle des Savanes ; et à une vision partiale: la plupart des jeunes et acteurs avec lesquels nous discutons font partie de l’Eglise Catholique du Togo, très investie dans l’enseignement. Nous vous partageons un résumé de nos «  impressions  », notre but étant de mettre en perspective notre propre système éducatif et de trouver des pistes de réflexion. Constat global: De façon générale, l’accès à une éducation formelle de bonne qualité et à une carrière épanouissante est encore peu répandu. Chez de nombreux jeunes rencontrés on devine un potentiel élevé, mais qui dans de nombreux cas restera malheureusement peu exploité : parmi ceux qui auront pu fréquenter l’école, parfois même jusqu’aux études supérieures, beaucoup resteront au village et vivront finalement des travaux de la terre ou de petits boulots divers. Cette réalité concerne notamment les filles. Les causes sont multifactorielles. Cependant, il est à noter que tous les jeunes avec qui nous discutons, font preuve d’une remarquable résilience, une solidarité, une aspiration forte à un avenir meilleur. Les particularités du système éducatif du pays: L’éducation des enfants est avant tout la responsabilité de la famille « élargie »: les enfants sont élevés non seulement par les parents, mais il n’est pas rare qu’ils effectuent aussi, pour des raisons pratiques, des séjours prolongés (plusieurs années) chez un oncle, une tante, parfois les grand-parents. L’éducation qu’ils reçoivent est donc marquée par des valeurs familiales fortes d’une part, un côté transgénérationel d’autre part, avec les richesses mais aussi le poids des traditions que cela présuppose. Système scolaire public et privé: Il se caractérise par un enseignement principalement magistral et théorique, peu de pratique, peu de travail en autonomie, que ce soit individuel ou en groupe. Autre point important, la langue est uniquement le français, aucun enseignement ne se fait « en langue  » (façon de désigner les multiples dialectes locaux). Or le français est loin d’être pratiqué dans l’environnement familial de tous les enfants. Le premier diplôme visé est le CEP, sanctionnant la fin du primaire, puis pour un 1 Ecole privée dépendant de la paroisse Saint Antoine de Padoue (paroisse des Franciscains) à Lomé
  • 2. nombre encore relativement élevé d’élèves, le BEPC. Un nombre moins important d’élèves atteindront le bac ou l’université (le coût des études supérieures est hors de portée pour beaucoup). Il semble que le réseau scolaire public ne donne pas satisfaction sur tous les plans (principales causes invoquées : système ne valorisant pas suffisamment les enseignants quant à leur motivation et leur mérite, grèves fréquentes, manque de moyens matériels et financiers des établissements), si bien que l’enseignement privé occupe une place très importante au Togo : soit sous forme d’établissements confessionnels, soit sous forme d’entreprises privées (à la mode anglo-saxonne). De très nombreuses familles même modestes sont prêtes à payer pour y scolariser leur enfant. Historiquement, l’Eglise Catholique est la plus investie dans ce domaine. Un certain nombre d’obstacles à la scolarisation: Les familles que nous avons rencontrées semblent généralement conscientes de l’importance de l’école, mais le système traditionnel interfère parfois : les filles sont, encore aujourd’hui, moins souvent et moins longtemps scolarisées que les garçons ; les travaux au champs ou à la maison rendent compliquées ou viennent parfois carrément interrompre les études; les punitions corporelles restent fréquentes et sévères, à tel point qu’elles peuvent interférer avec un bon suivi scolaire. A cela se rajoutent diverses difficultés : - d’ordre structurel: certaines familles vivent dans des villages très reculés, les trajets pour se rendre à l’école sont épuisants ou tout simplement impossibles, et les établissements scolaires n’offrent pas toujours la possibilité d’un internat, ou bien les familles ne peuvent se le permettre. - D’ordre matériel : accès à l’électricité pour travailler le soir, disponibilité d’un espace approprié pour travailler; parfois l’achat des quelques fournitures scolaires de base est impossible, la plupart des enfants travaillent au champs tout l’été pour se les payer. - D’ordre nutritionnel et sanitaire : l’accès à une alimentation suffisante et équilibrée n’est pas généralisée ; le régime dit «  mort subite  », faisant référence à un seul repas par jour, n’est pas rare. Les enfants consomment dès le plus jeune âge la bière locale dite « chapalo », plus salubre que l’eau, mais entraînant des problèmes de développement et d’attention. Les grossesses 2 La région des Savanes est très belle, notamment durant la saison des pluies; mais les villages y sont très dispersés, et il faut souvent plusieurs heures de marche pour rejoindre le chef-lieu de Bombouaka et Tandjouaré
  • 3. précoces sont fréquentes, ayant souvent pour conséquence l’arrêt de leurs études par les jeunes filles. - D’ordre financier : Il est fréquent de croiser des personnes au parcours d’études interrompu pour des raisons purement financières. Les bourses d’étude existent, mais ne remplissent pas toujours leur office : par exemple, si l’établissement est éloigné et que la bourse ne couvre que les frais scolaires, alors que la famille n’a pas les moyens de couvrir les frais de transport et logement. Il arrive que les bourses soient revendues à des étudiants plus aisés. Un système alternatif fréquent : l’apprentissage: Pour toutes ces raisons, une partie non négligeable des jeunes togolais ne fréquenteront pas, ou que brièvement l’école ; ils se rabattront sur un système d’apprentissage d’un métier manuel, comme nous l’avons constaté dans le milieu modeste, qui leur permettra en quelques années d’accéder à un métier de type coiffure ou couture pour les filles, travail du bois ou soudure pour les garçons. L’une des grandes différences avec le système français, est que les familles payent le professionnel chez qui leur jeune est en apprentissage; c’est un général pour eux un investissement financier important. Difficultés d’accès à l’emploi: Pour pouvoir accéder à des métiers plus rémunérateurs, il faut passer par l’école ; mais jeunes comme adultes nous signalent un écueil majeur : avoir un diplôme ne garantit pas forcément l’accès à l’emploi. Cet état de fait est un autre gros frein à la scolarisation, car pourquoi faire des études, pour au final ne pas avoir de métier? Parmi les causes de ce phénomène, nos interlocuteurs évoquent l’absence de système d’orientation, qui permettrait d’étudier les besoins du marché du travail d’une part, d’aider les jeunes à discerner sur leurs aspirations et capacités d’autre part. Lorsque nous demandons aux jeunes ce qu’ils voudraient faire plus tard, la majorité nous répond « médecin" ou « avocat »; mais est-ce vraiment ce dont ils rêvent, ou bien ces métiers ne sont-ils que l’image qu’ils se font d’une réussite professionnelle et sociale ? Ainsi, un certain nombre de jeunes se lancent dans des études qui ne correspondent ni à leurs capacités, ni à leur vocation réelle. Plusieurs personnes ont également souligné la déconnexion des études avec le milieu du travail, la difficulté à obtenir des stages d’observation ou professionnalisant ; ainsi, cette jeune-fille qui mène des études de laborantine, mais dont la fac a suspendu les TP en cours d’année, faute de moyens ; or impossible d’obtenir un stage en laboratoire. Comment donc, être correctement formé à ce métier? 3 Jeunes apprenties viennent de passer l’examen final; elles transportent leur machine à coudre sur leur tête
  • 4. Enfin jeunes comme adultes dénoncent un système social verrouillé, tendant à reproduire, selon le milieu dont on est issu, la réussite des uns, la situation difficile des autres. Cette difficulté est signalée de façon récurrente sous la formulation «  à partir d’un certain niveau de métier, il faut « avoir le bras long …». Dans un tel système, l’éducation ne peut pas - ou que très peu - jouer son rôle essentiel de moteur de la promotion sociale. Nos rencontres associatives : C’est dans ce contexte globalement difficile pour la jeunesse togolaise, que nous avons, grâce aux frères franciscains implantés dans les Savanes depuis une quarantaine d’année, rencontré plusieurs organismes à vocation sociale dans le région de Bombouaka et Dapaong. Toutes ne concernent pas directement les jeunes, mais chacune nous a permis de découvrir un visage différent de la résilience et de l’espoir en un avenir meilleur, des populations locales. - CASPF (centre d’animation sociale et de promotion féminine) de Bombouaka: à l’initiative du frère Germain, titulaire d’un diplôme d’état de consultant en action sociale, il s’appuie sur les volontaires et leaders des communautés de base de Bombouaka pour fournir des services d’alphabétisation, d’éducation sociale, de prise charge des personnes vulnérables de la communauté. Il s’agit donc d’actions de type « empowerment », par des togolais pour des togolais. - Nous avons également rencontré totalement par hasard Jovial, chef cuisinier qui rendait alors ponctuellement service à la mission catholique. Son histoire personnelle illustre bien les réalités de vie auxquelles sont confrontés les jeunes togolais de milieu modeste, mais aussi comment, avec de la ténacité et de l’ambition, il est possible de réaliser ses rêves. - Centre Don Orione : la communauté Don Orione, d’origine italienne, gère un très gros complexe hospitalier et d’apprentissage professionnel. Créé à l’origine pour les personnes en situation de handicap moteur ou mental, il bénéficie aujourd’hui à toutes les populations voisines. - Association «  Vivre dans l’espérance  »: Cette association est gérée par les soeurs hospitalières du Sacré Coeur de Jésus, ainsi que des soeurs de l’Immaculée Conception de Saint Amand les Eaux (près de Lille) ; son objet initial est la prise en charge et l’insertion des enfants infectés ou affectés par le sida, ainsi qu’un travail de prévention auprès des populations. Le centre hospitalier créé à l’origine pour les personnes séropositives, est également ouvert à tous et permet notamment aux plus pauvres d’accéder aux services de santé. Pour voir les photos et détail de nos rencontres avec chacun de ces acteurs, voir les articles prochainement postés. 4 Jovial devant l’apatam de la
  • 5. Ce que nous retiendrons: * L’implication des familles, facteurs d’épanouissement et de réussite pour les jeunes: Toutes les structures que nous avons visitées mettent l’accent sur la sensibilisation (= information + formation à un rôle actif) des familles ; que ce soit pour le retour à domicile d’un enfant en situation de handicap, l’acceptation et l’intégration en société d’un enfant porteur du sida, ou la mise en place d’un cadre favorable aux études par les familles des écoliers. Cette sensibilisation se fait par plusieurs canaux, alliant souvent réunions d’information, échange de pratiques, et visites à domicile. La famille est souvent comprise dans un sens plus large que chez nous: il peut s’agir des oncles, tantes, grands frères ou soeurs, grand-parents; il peut aussi s’agir de la famille d’adoption, comme c’est le cas dans les « maisons familiales » (et non pas orphelinats) de Vivre dans l’espérance. Dans le même état d’esprit, nous avons vu toutes formes de référents, tuteurs, mentors etc. Finalement, un facteur important de réussite pour le jeune est le fait de compter pour, et de compter sur un ou des adultes bienveillants (qui ne sont pas forcément les parents). Dans le même ordre d’idée, toutes les structures que nous avons visitées favorisent une approche écosystémique des jeunes: à savoir considérer ce dernier non pas que sous l’angle de ses performances, mais aussi de son environnement familial, physique, de sa santé physique et psychologique, de son histoire. L’idée paraît couler de source, mais concrètement cela suppose des dispositifs dédiés (par exemple, dispositif de visite à domicile des famillles) et surtout, une équipe pluridisciplinaire, qui se réunit régulièrement pour décider d’une approche commune. * Réflexions sur le rôle et les effets de l’aide humanitaire au Togo: Les ONG et associations internationales fleurissent souvent là où l’état ou la société civile ne pourvoient pas aux besoins locaux. On comprend les besoins urgents de terrain d’une part, l’envie de partage des donateurs occidentaux d’autre part. Mais concrètement des structures fournissant une quantité notable de services de base pour la société (santé, éducation, prise en charge sociale) dépendent de la solidarité étrangère. Les impacts sur le terrain sont multiples : ⁃ Désengagement de l’Etat et de la population locale dans la gestion de certaines problématique. Un exemple qui nous a interpellés est celui du « parrainage ». Dans ce système, un occidental soutient un jeune défavorisé dans ses études, financièrement et affectivement (lettres, cadeaux...). Dans la grande majorité des cas, les bénéfices de ce système sont évidents : non seulement partage de richesses, mais aussi création de 5
  • 6. liens privilégiées entre le parrain/marraine et l’enfant, pour qui il est essentiel de « compter pour quelqu’un ». Il faut cependant savoir que sur le terrain au Togo, le parrainage ne fait pas toujours l’unanimité. En effet d’une part, il permet indirectement aux pouvoirs publics de contourner leurs responsabilités en termes d’amélioration de l’accès à l’éducation des jeunes. D’autre part, certains acteurs locaux constatent que les jeunes parrainés ne sont pas forcément ceux qui réussissent le mieux : certains jeunes développent une dépendance à cette aide régulière qui devient non pas un moyen mais une finalité, voire parfois même un dû. Selon eux, il serait souhaitable d’organiser ce parrainage localement, selon d’autres modalités (par exemple : prêt de locaux et de matériel aux jeunes sortant de formation pour démarrer leur activité), de sorte que la communauté se sente plus concernée par la réussite de ses jeunes, et que ceux-ci se sentent plus directement redevables. Bien sûr, il ne s’agit pas là de remettre en cause ce système, mais de réfléchir à des modalités de mise en oeuvre qui permettraient d’en éviter les écueils, ainsi que de plus investir la communauté. ⁃ La pérennité de ces actions, si elles dépendent quasi trop de financements étrangers d’une part, si elles ne sont pas suffisamment investie par les togolais eux-même d’autre part. ⁃ Persistance d’un certain néo-colonialisme, d’autant plus pervers qu’il découle d’un évidente bonne volonté et générosité des donateurs occidentaux. A à ce sujet, nous avons été très frappés par le statut du « blanc" au Togo : pour résumer, l’idée qu’il serait « supérieur », reste encore très présente dans l’inconscient collectif. Apparemment ce n’est pas le cas dans tous les pays africains, notamment moins dans les pays anglophones dans lesquels noirs et blancs se mélangent plus. Mais au delà de ces considérations, ne porte-t-on pas atteinte à la dignité des personnes, lorsque l’on fait « à leur place »? Même si l’aide internationale se défend aujourd’hui de « faire à la place de », mettant en avant plutôt le « faire avec », sur le terrain la limite entre les deux est parfois ténue. Notre conclusion est donc que les actions initiées et gérées par des locaux, sont probablement celles qui porteront à long terme le développement du pays. A cet égard, l’exemple du CASPF, même s’il est en partie financé par de l’argent étranger (fond de solidarité franciscain….), nous a paru le plus intéressant et pertinent, ne serait-ce que parce qu’il rend dignité et confiance en eux à ceux qui y participent et en bénéficient. Il nous ramène à la loi de base du Community organizing « ne fais jamais pour quelqu’un, ce que tu penses qu’il ou elle est capable de faire pour lui même ». 6
  • 7. * Des similitudes entre les difficultés de la jeunesse togolaise et de la jeunesse française: - Une partie des jeunes togolais ont du mal à croire en la possibilité d’un avenir meilleur, notamment au moyen des études ; et parmi ceux qui y croient encore, les études puis le travail à l’étranger (principalement France, mais aussi Canada, pays anglo-saxons occidentaux mais aussi africains) restent un el dorado largement idéalisé. Un certain désenchantement est également palpable auprès d’une partie de la jeunesse Française, cependant les causes diffèrent notablement: au Togo, elles sont plutôt les difficultés financières, ainsi qu’un système entretenant la disparité des classes notamment du fait de la corruption. En France, elles correspondent plutôt un malaise existentiel, « qui suis- je », « qu’est ce que je veux vraiment faire de ma vie », et aussi parfois « pourquoi devrais-je me bouger alors que je peux vivoter sans faire trop d’effort ». Ainsi, les jeunes togolais sont-ils surpris d’entendre que lorsque les freins extérieurs d’accès à l’éducation et à l’emploi sont levés, d’autres freins intérieurs viennent parfois les remplacer. - La difficulté des jeunes à accéder au monde du travail pendant leurs études, que ce soit sous forme de stages ou de petits boulots, créé pour eux des difficultés à discerner leur vocation professionnelle, ainsi qu’un décalage entre les compétences acquises et les attentes des futurs employeurs. * Comment relever le challenge du « reach back » (le fait, pour quelqu’un qui a été aidé, de « renvoyer l’ascenseur »): Nous pensions que le fait pour un individu d’avoir connu l’adversité, le prédispose à une certaine empathie envers d’autres rencontrant les mêmes difficultés, en particulier dans une société où le lien social est si central. Mais la plupart des acteurs sociaux que nous avons rencontrés, constatent que parmi ceux qu’ils aident et qui s’en sortent, une certains ne renvoient pas l’ascenseur, voir vont jusqu’à se couper de leur milieu initial pour mieux profiter de leur nouveau confort. Bien sûr, d’autres décident de s’investir pour partager l’aide qu’eux-même ont reçue, le font avec un dévouement exemplaire : par exemple les moniteurs bénévoles du CASPF, ou les jeunes de Vivre dans l’Espérance qui reviennent aider au centre pendant leurs vacances. Il n’en reste pas moins que ce constat général nous interpelle : On pourrait penser que l’absence de propension au reach back est l’apanage de sociétés occidentales fortement individualistes, mais il semble qu’il s’agisse plutôt d’un trait de nature humaine, avec lequel il faille tant bien que mal composer ? Par ailleurs, dans la mesure où le reach back est un moteur puissant de développement et de pérennisation du progrès social, comment le favoriser ? 7 À la sortie de la messe à Bombouaka: ces jeunes filles sont à peine plus âgées que Lili, et partagent les mêmes aspirations, les mêmes rêves Inspire 2019 - Alex et Sara Baudoux