Saint-Exupéry. Vers une poétique de l’homme par le langage.pdf
Philosophie politique textes
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Chapitre 1- Philosophie politique et morale
Leçon 2 « pourquoi devrions-nous êtres gouvernés ?»
Textes et références
Œuvres et textes mentionnés – conseils de lecture (** pour ce cours - * en
complément)
**Horace, Corneille, 1640
**Antigone, Sophocle
Philosophie et théorie politiques :
**La République, Platon (livre II)
** Les politiques, Aristote (livre I)
**Le Contrat Social, Rousseau (livre I et II)
**Le métier d’homme politique, Max Weber
*La dynamique de l’Occident, Norbert Elias
*Le Léviathan, Hobbes
**Le Prince (dernier chapitre) – Discours sur la première décade de Tite-Live,
Machiavel
**Pensées, Trois discours sur la condition des grands Pascal,
*Qu’est-ce que la justice sociale ?, Nancy Frazer
*Etat, Anarchie, Utopie, Robert Nozick
*L’Utopie, Thomas More
*La liberté et ses traîtres, Isaiah Berlin
**Ecrits politiques, Benjamin Constant
Ethnologie :
**La société contre l’Etat, Pierre Clastres (dernier chapitre)
*Âge de fer, Âge d’abondance, Marshall Salins
Introduction
« Périsse ainsi toute Romaine qui osera pleurer la mort d'un ennemi. »
Dernier mots d’Horace à Camille, d’après Tite Live, Histoire romaine.
Villes Hommes Femmes
ROME Trois Horaces Sabine (originaire
d’Albe) femme d’Horace
Horace, mari de Sabine, et sœur de Curiace
frère de Camille
Camille sœur d’Horace
et amante de Camille
ALBE Trois Curiaces
Curiace, amant de
Camille, frère de Sabine
Horace, Corneille, Acte IV, scène 5
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Camille (à Horace) :
Rome, l’unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant !
Rome qui t’a vu naître, et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore !
Puissent tous ses voisins ensemble conjurés
Saper ses fondements encor mal assurés !
Et si ce n’est assez de toute l’Italie,
Que l’orient contre elle à l’occident s’allie ;
Que cent peuples unis des bouts de l’univers*
Passent pour la détruire et les monts et les mers !
Qu’elle-même sur soi renverse ses murailles,
Et de ses propres mains déchire ses entrailles !
Que le courroux du ciel allumé par mes vœux
Fasse pleuvoir sur elle un déluge de feux !
Puissé-je de mes yeux y voir tomber ce foudre,
Voir ses maisons en cendre, et tes lauriers en poudre,
Voir le dernier Romain à son dernier soupir,
Moi seule en être cause, et mourir de plaisir !
Développement
Rousseau, Du contrat social, I, 5 (1762)
« Que des hommes épars soient successivement asservis à un seul, en quelque nombre
qu’ils puissent être, je ne vois là qu’un maître et des esclaves, je n’y vois point un peuple
et son chef ; c’est si l’on veut une agrégation, mais non pas une association ; il n’y a là ni
bien public ni corps politique. »
Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes (1754)
« Le premier qui ayant enclos un terrain, s’avisa de dire, « ceci est à moi » et trouva des
gens assez simple pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile »
« Ce sont le fer et le blé qui ont civilisé les hommes et perdu le genre humain. La
métallurgie et l’agriculture furent les deux arts dont l’invention produisit cette grande
révolution »
Du contrat social, I, 6 (1762)
« Trouver une forme d’association qui défende et protège de toute la force commune la
personne et les biens de chaque associé, et par laquelle chacun s’unissant à tous n’obéisse
pourtant qu’à lui-même et reste aussi libre qu’auparavant »
Texte, du manuel Rousseau Contrat Social I, 3 « Du droit du plus fort »
Isaiah Berlin, La liberté et ses traîtres L’auteur évoque Rousseau et sa "découverte"
essentielle dans l'histoire des idées politiques
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« Il était parti rendre visite à son ami Diderot, alors emprisonné, quand la
solution au problème du vice et de la vertu lui est apparue dans un éclair d’inspiration
aveuglant. Il était comme un mathématicien qui aurait soudain résolu le problème qui
le tourmentait depuis longtemps, comme un artiste à qui la vision aurait été tout à coup
accordée, comme un mystique qui aurait soudain vu la vérité, rien moins que la vérité
transcendantale et béatifique. Il nous raconte qu’il s’est assis sur la route pour pleurer,
qu’il était hors de lui, que c’était l’événement central de sa vie tout entière. Le ton dont
il communique ses réponses aux anciens problèmes, dans le Contrat Social, est
exactement celui d’un homme en proie à une idée fixe, du maniaque qui se voit
soudain octroyer, à lui seul, la solution du cosmos, de celui qui, le premier dans
l’histoire, trouve la réponse à une énigme qui tourmentait l’humanité depuis des
siècles : une réponse anticipée dans une certaine mesure par quelques grands penseurs
du passé, peut-être par Platon, peut-être par le fondateur du christianisme, mais que lui
seule a découverte dans toute son ampleur, tant et si bien que plus personne n’aurait
jamais à se donner de mal pour la trouver.
Il est dans ces moments-là, pareil à un mathématicien fou qui a trouvé une
solution non seulement correcte mais encore démontrable au moyen de règles d’une
logique si inflexible que personne ne pourra rouvrir le débat. Quelle est cette
solution ? Rousseau procède comme un géomètre avec deux lignes qui se rencontrent
en un point et un seul. Il se dit : j’ai d’un côté la liberté, de l’autre l’autorité, et il est
difficile, logiquement impossible d’arranger un compromis. Comment les
réconcilier ? » Sa réponse présente cette forme de simplicité dont font souvent preuve
les naturels maniaques. Il n’est pas question de compromis. Le problème doit être
envisagé de telle sorte que l’on perçoive soudain que, loin d’être incompatibles, ces
deux valeurs opposées ne sont pas opposées du tout ; il n’y a même pas deux valeurs,
mais une seule. La liberté et l’autorité ne peuvent entrer en conflit, car elles se
confondent, elles coïncident ; elles sont l’envers et le revers de la même médaille. Il y
a une liberté qui est identique à l’autorité ; il est possible de jouir d’une liberté
personnelle qui ne diffère en rien d’un contrôle total, d’une autorité totale. Plus vous
êtes libre, plus vous avez d’autorité, et plus vous obéissez ; plus il y a de liberté plus il
y a de contrôle.
Comment parvenir à ce mystérieux point d’intersection ? La solution de
rousseau, c’est que la liberté, après tout, n’est rien d’autre qu’une situation dans
laquelle les hommes veulent certaines choses et ne sont pas empêchés de les obtenir.
Qu’est-ce qu’ils veulent alors ? Ce que je veux nécessairement, c’est ce qui est bon
pour moi, ce qui seul pourra satisfaire ma nature. Bien sûr, si je ne sais pas ce qui est
bon pour moi, alors je souffre quand je n’obtiens pas ce que je veux, parce qu’il
s’avère que ce n’est pas du tout ce que je voulais vraiment. C’est pourquoi ceux-là
seuls sont libres qui ne se contentent pas de vouloir certaines choses, mais qui, en
outre, savent ce qui seul, en réalité, pourra les satisfaire ».
Discours sur la première décade de Tite-Live, Nicolas Machiavel, I, 3 (1469-1527)
Ecrivain et homme politique italien. On a retenu de lui Le Prince (1513), ouvrage dans lequel il étudie la
prise et la conservation du pouvoir personnel par un mélange de ruse sans scrupules et d’audace. On a vu
dans ce livre tantôt un aveu cynique de ce que les politiques font sans le dire (d’où l’adjectif
machiavélique), tantôt une dénonciation du pouvoir destinée à instruire les républicains. Il a d’autre part
décrit le fonctionnement du régime républicain en étudiant la République romaine dans le Discours sur la
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première décade de Tite Live (1520). Auteur aussi de comédies, d’une vaste correspondance et d’études
d’histoire politique.
« Quiconque veut fonder un Etat et lui donner des lois doit supposer d’avance les hommes
méchants, et toujours prêts à montrer leur méchanceté toutes les fois qu’ils en trouveront
l’occasion. Si ce penchant demeure caché pour un temps, il faut l’attribuer à quelque
raison qu’on ne connait point, et croire qu’il n’a pas eu l’occasion de se montrer ; mais le
temps qui, comme on dit, est le père de toute vérité le met ensuite au grand jour »
Pascal, Pensées (25-308)
(1623-1662)
Mathématicien précoce et physicien, après diverses rencontres et une expérience d’extase mystique, il se voue
d’abord à la défense des Jansénistes, puis à la composition d’une Apologie de la religion chrétienne, que sa très
mauvaise santé et sa mort l’empêcheront d’achever. Il décrit l’homme comme misérable par la faiblesse de la
raison et la force d’une imagination trompeuse, comme grand par la pensée et la conscience, labyrinthe mystérieux
dont le christianisme, dans son interprétation janséniste, donne la clef. Principales œuvres, outre des opuscules
scientifiques : le pamphlet des Provinciales (1657), et les Pensées, notes et esquisses en vue de son Apologie,
publiées après sa mort en 1670.
« La coutume de voir les rois accompagnés de gardes, de tambours, d’officiers, et de
toutes les choses qui ploient la machine vers le respect et la terreur, fait que leur visage,
quand il est quelquefois seul et sans ces accompagnements, imprime dans leurs sujets le
respect et la terreur, parce qu’on ne sépare point dans la pensée leurs personnes d’avec
leurs suites, qu’on y voit d’ordinaire jointes. Et le monde, qui ne sait pas que cet effet vient
de cette coutume, croit qu’il vient d’une force naturelle ; et de là viennent ces mots : «le
caractère de la divinité est empreint sur son visage. »
Une illustration du jusnaturalisme dans le droit : La déclaration d’indépendance des
Etats-Unis d’Amérique du 16 juillet 1776
Lorsque dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour un peuple de
dissoudre les liens politiques qui l'ont attaché à un autre et de prendre, parmi les
puissances de la Terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu
de la nature lui donnent droit, le respect dû à l'opinion de l'humanité oblige à déclarer les
causes qui le déterminent à la séparation.
Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes* : tous les hommes
sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables; parmi
ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements
sont établis parmi les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du
consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient
destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d'établir un
nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui
lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur. La prudence enseigne, à
la vérité, que les gouvernements établis depuis longtemps ne doivent pas être changés pour
des causes légères et passagères, et l'expérience de tous les temps a montré, en effet, que
les hommes sont plus disposés à tolérer des maux supportables qu'à se faire justice à eux-
mêmes en abolissant les formes auxquelles ils sont accoutumés.
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Mais lorsqu'une longue suite d'abus et d'usurpations, tendant invariablement au même but,
marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur
devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur
sécurité future. Telle a été la patience de ces Colonies, et telle est aujourd'hui la nécessité
qui les force à changer leurs anciens systèmes de gouvernement. L'histoire du roi actuel de
Grande-Bretagne est l'histoire d'une série d'injustices et d'usurpations répétées**, qui
toutes avaient pour but direct l'établissement d'une tyrannie absolue sur ces Etats.
*ces vérités sont donc naturelles, elles sont évidentes du fait de la nature humaine.
** l’affirmation du droit naturel par les colonies permet donc de s’opposer au droit
positif de la Grande Bretagne en soulignant son illégitimité. La justice ne se réduit donc
pas au droit : c’est ce postulat qui permet aux Etats-Unis de revendiquer leur
indépendance.
Hannah Arendt, Les origines du totalitarisme, tome 3 : Le système totalitaire.
L’Etat totalitaire est un Etat où s’exerce « la domination totale » où l’on tente de
« fabriquer quelque chose qui n’existe pas : à savoir une sorte d’espèce humaine qui
ressemble aux autres espèces animales et dont la seule « liberté » consisterait à « conserver
l’espèce »(…) Les camps ne sont pas seulement destinés à l’extermination des gens et à la
dégradation des êtres humains : ils servent aussi à l’horrible expérience qui consiste à
éliminer, dans des conditions scientifiquement contrôlées, la spontanéité elle-même en tant
qu’expression du comportement humain et à transformer la personnalité humaine en une
simple chose, en quelque chose que même les animaux ne sont pas ; car le chien de
Pavlov, qui comme on sait, était dressé à manger, non quand il avait faim, mais quand une
sonnette retentissait, était un animal dénaturé ».
(P 173 174 « la domination totale », Seuil, Points Essais)
Pierre-Joseph Proudhon, Du principe fédératif
Le système fédératif est l’opposé de la hiérarchie ou centralisation administrative et
gouvernementale par laquelle se distinguent ex aequo, les démocraties impériales, les
monarchies constitutionnelles et les républiques unitaires. Sa loi fondamentale,
caractéristique, est celle-ci : dans la fédération, les attributs de l’autorité centrale se
spécialisent et se restreignent, diminuent de nombre, d’immédiateté, et, si j’ose dire,
d’intensité à mesure que la Confédération se développe par l’accession de nouveaux Etats.
Dans les gouvernements centralisés au contraire, les attributs du pouvoir suprême se
multiplient, s’étendent et s’immédiatisent, attirent dans la compétence des princes les
affaires des provinces, communes, corporations et particuliers, en raison directe de la
superficie territoriale et du chiffre de la population. De là cet écrasement sous lequel
disparaît toute la liberté, non seulement communale et provinciale, mais même
individuelle et nationale.
Une conséquence, de ce fait, par laquelle je terminerai ce chapitre, c’est que, le système
unitaire étant l’inverse du système fédératif, une confédération entre grandes monarchies, à
plus fortes raison, entre démocraties impériales, est chose impossible. Des Etats comme la
France, l’Autriche, l’Angleterre, la Russie, la Prusse, peuvent faire entre eux des traités
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d’alliance ou de commerce ; il répugne qu’ils se fédéralisent, d’abord, parce que leur
principe y est contraire, qu’ils les mettraient en opposition avec le pacte fédéral ; qu’en
conséquence il leur faudrait abandonner quelque chose de leur souveraineté, et reconnaitre
au-dessus d’eux, au moins pour certains cas, un arbitre. Leur nature est de commander,
non de transiger ni d’obéir.