1. Gestion des interactions dans un dispositif hybride :
les rôles et les stratégies des tuteurs.
Le cas du présentiel réduit de l'Alliance française de La Havane.
Nom : Pollo Gonzalez
Prénom : Raquel
No. Étudiant : 21033557
No. Inscrit CNED : 047576760
No. INE : o86mok01191
UFR LLASIC (Sciences du langage)
Mémoire de Master 1 – 15 crédits – Mention Sciences du langage
Spécialité : Français Langue Etrangère (FLE) – 1ere
session d’examens
Sous la direction de : Thierry SOUBRIE
Année universitaire 2012-2013
2. 2
Dédicace et remerciements
Je commence tout d’abord par exprimer ma gratitude la plus sincère aux personnes qui m’ont inspirée
(Ana Vetter, François Mangenot) et aux personnes qui m’ont aidée а cibler le sujet et la problématique :
Bérangère Jourdain, Ariel Rojas, Emilio Arturo Marill, Pierre Salam, Thierry Soubrié. Je remercie ensuite l’appui
technique offert par Arturo Pollo Garcia et Daniel Carvajal Hervé (pour m’avoir prêté leurs ordis), Santiago
Sanchez Cifuentes (pour le DDE), Elvis Morales (pour la mise au point des ordis). J’en profite aussi pour faire
part du plaisir d’avoir partagé l’aventure magique de cette FOAD avec Paula Ardanza (informaticienne) et
Hector Garcés (enseignant-tuteur). Je vous remercie pour votre courage, patience et dévouement.
Je suis très reconnaissante du soutien offert dans la recherche bibliographique, dues aux contraintes de
connexion, par: Maria Isabel Gonzalez Albear depuis la Chine, Isayda del Pino Gonzalez depuis le Mexique et
Maiyén Sulera Freyre depuis l’Espagne. Quant à cette dernière, je n’ai pas de mots pour remercier son «
encadrement » « proactif » et « socio-affectif », « en présentiel » et au cours de notre amitié « à distance ». Je
remercie sincèrement tous ceux et celles qui m’ont aidée pour la lecture et correction des textes : Daniel Carvajal
(encore !) et Emilio Marill (encore et pour tant de choses…), Emmanuel Rafin, Xavier Goergler, Mme Rosa
Duarte Sow (Directrice Pédagogique de l’Alliance française, toujours disponible et à l’écoute), Maiyén Sulera
Freyre (encore et toujours).
Ensuite, un énorme merci pour le coup de main donné par Maricel Fernandez Millet (édition du
mémoire et « poursuite » des apprenants pour leur faire répondre au questionnaire final), à ma cousine Isayda
pour la tabulation, le travail méticuleux sur Excel et l’étayage émotionnel (En Cuba o desde México, no habrá
distancia geográfica que nos separe querida.), à et Gemma Garcia Oliva pour l’aide avec les graphiques.
Pour finir, je voudrais remercier vivement tous ceux et celles qui m’ont assistée d’une façon ou d’une
autre, qui m’ont encouragée dans les moments de faiblesse ou de difficulté, qui m’ont aidée à trouver des
solutions de toutes sortes et qui m’ont supportée pendant cette longue période de stress, d’éloignement et de
changements d’humeur : ma mère, toute ma famille, mes amis (Irasema, Suzette, Léonardo, Ilse, Yoisel et
Miraydi, Greytel), mes collègues, l'Alliance française (qui me manque trop!), La Havane, et mes deux petits
trésors (Rubencito et Hectico) !
Raquel Pollo González
3. 3
Table des matières
Dédicace et remerciements................................................................................................................................................2
Introduction .........................................................................................................................................................................4
1) L’ancrage théorique....................................................................................................................................................8
1.1-Dispositifs de formation : définitions et typologies ...........................................................................................8
1.1.1-La Formation à distance : de FAD à FOAD, définitions et spécificités.................................................9
1.1.2 Quelques fondements théoriques de la formation à distance .................................................................11
1.1.3- Les Dispositifs Hybrides : définition, avantages......................................................................................11
1.1.4- Les Plateformes de formation à distance ..................................................................................................12
1.2-De la nécessité d’un suivi humain à distance : encadrement, entraide et tutorat.........................................12
1.2.1- Accompagnement tutoral : rôles et fonctions des tuteurs......................................................................13
1.2.2-Les compétences requises des tuteurs à distance......................................................................................15
1.2.3-Les modalités d’intervention tutorales à distance .....................................................................................16
1.2.4-Les effets des interventions tutorales sur l’apprentissage ........................................................................17
1.3-Les interactions à distance : la socialisation dans la construction des connaissances .................................18
1.3.1- Les outils véhiculant les interactions dans une formation à distance ...................................................19
1.3.2- Modalités interactionnelles : configuration de la participation à distance............................................20
1.3.3- Quelques aspects socio-affectifs des interactions dans une formation à distance..............................21
2) Le contexte................................................................................................................................................................23
2.1- L’enseignement du FLE à Cuba.........................................................................................................................23
2.1.2- Spécificités de l’Alliance française de La Havane.....................................................................................23
2.1.3- Les étudiants : rapport au français et culture d’apprentissage................................................................24
2.2- Les TIC et la Formation à distance au service de l’enseignement à Cuba...................................................25
2.3- État de lieux des TICE et de la FOAD à l’AFH : du présentiel enrichi au quasi-inexistant....................25
2.3.1- Volonté institutionnelle versus utilisation réelles.....................................................................................26
2.3.2- Besoin de mettre à distance l’enseignement : implémentation de dispositifs hybrides......................28
2.3.3-Le projet national de FOAD : brève description historique de l’expérience........................................30
2.3.3.1-Évolution et transformations du cours : des tâtonnements aux aboutissements.........................31
2.3.3.2-Situation actuelle et perspectives pour une 4e édition du cours 2012-2013..................................37
3) Le cadre méthodologique .......................................................................................................................................41
3.1-Le choix et description de la méthodologie : adaptabilité et dimension évolutive......................................41
3.2-Description de l’échantillon, du public et du type de données recueillies ....................................................42
3.2.1 Les questionnaires : l’opinion des tuteurs et des apprenants...................................................................42
3.2.2 Recueil des traces d’interactions sur la plateforme : les pratiques observées........................................44
4) L’Analyse commentée des données recueillies....................................................................................................46
4.1- Le profil des tuteurs et des apprenants : motivation, formation, expérience préalable, …......................46
4.2- Les attentes des apprenants et des tuteurs : analyse du questionnaire initial. .............................................48
4.3- Les contributions des apprenants sur la plateforme et les modalités d’intervention tutorales.................49
4.4-Gestion des interactions à travers la plateforme: les enjeux d’un contexte contraignant...........................58
4.4.1 Les interactions qui ont eu lieu hors la plateforme : gestion et particularités.......................................62
4.4.2- Analyse commentée des messages, des interventions, des productions...............................................67
5) Conclusions, hypothèses, préconisations et recommandations........................................................................73
5.1- Bilan: impressions et recommandations postérieures des apprenants et tuteurs........................................73
5.2-Analyse et comparaison des effets des modalités tutorales observées. .........................................................75
Bibliographie......................................................................................................................................................................79
4. 4
Introduction
Professeure de FLE de l’Alliance française de La Havane (désormais AFH) pendant sept ans et diplômée
d’Études socioculturelles, j’ai voulu suivre ce Master afin d’enrichir le bagage théorique sur lequel j’ai appuyé,
depuis ma formation initiale, mes pratiques d’enseignante. Consciente que le manque de formation académique
en FLE pourrait constituer une limite dans ma pratique professionnelle, j’ai voulu, après une certaine expérience
pratique, mettre à jour mes connaissances pédagogiques, en enrichissant ma culture personnelle et mon savoir-
faire. Dans l’univers du FLE, je me suis intéressée aux Technologies de l’information et des communications
(désormais TIC), dont j’ai appris les bénéfices dans l’enseignement tout au long de ma pratique professionnelle.
Pour cette raison, j’ai voulu inscrire mon mémoire dans le domaine des TICE.
L’AF, constitue un référant méthodologique des TICE et de la Formation Ouverte et à Distance (désormais
FOAD) au service du FLE à Cuba. Cette institution exerce aussi un rôle rassembleur et mobilisateur dans notre
pays, où le contexte pour le développement de la FOAD est assez contraignant et où l’utilisation d’Internet
devient de plus en plus fréquente, mais l’accès est sécurisé et très restreint. J’ai décidé d’axer mon mémoire sur ce
type de formation liée à l’enseignement du FLE, dans l’espoir d’apporter des réponses, de proposer de nouvelles
réflexions et enfin d’influencer le fait francophone dans mon pays, en impulsant le développement de la FOAD
et la désacralisation (ou dédiabolisation) d’Internet.
À Cuba, on constate l’augmentation constante du nombre de personnes voulant apprendre le français.
Cependant l’AFH (acteur de diffusion du français le plus puissant dans l’île) ne peut pas répondre complètement
à cette demande au moyen de ses cours présentiels ; par conséquent des milliers de candidatures sont rejetées
chaque année. C’est pourquoi, l’AFH a lancé en 2006 un projet d’envergure nationale : la création d’une FOAD,
ce qui s’est matérialisé fondamentalement par la mise en place d’un dispositif hybride, alliant à la fois un cours de
FLE hébergé sur une plateforme d’apprentissage, et des recours à des séances en présentiel. Suite à l’ouverture en
2009 de ce cours à distance, première expérience de FOAD et de tutorat pour l’enseignement du FLE à Cuba, on
a dû faire face à un contexte difficile et à diverses limitations (technologiques, sur le plan ingénierique du projet,
de conception pédagogique du cours, logistiques, économies, politiques et à d’autres aspects d’ordre culturel).
Donc, j’ai vu dans la réalisation d’un mémoire à propos de ce dispositif (présentiel réduit), une opportunité pour
mettre en œuvre une démarche d’observation détaillée et d’analyse critique, dans le but de contribuer à une
implantation réelle et effective, à sa durabilité et à sa reproduction dans d’autres provinces du pays et pourquoi
pas ailleurs…
Dans le cadre des trois éditions de cette FOAD pour des débutants, j’ai assuré le tutorat en ligne d’une partie des
apprenants, ainsi que le feed-back des concepteurs et des informaticiens. D’autre part, j’ai participé à la
conception de matériel pédagogique pour l’amélioration du cours, et en conséquence, du dispositif. Néanmoins,
au moment de la confection de ce mémoire, je continue à avancer moi-même sur un terrain récemment défriché :
5. 5
une situation d’enseignement-apprentissage novice. Dès le début de la mise en œuvre du cours à distance, je me
suis posé de nombreuses questions liées toutes à ce sujet : apprend-on plus ou moins vite, mieux, ou d’avantage
avec les TICE? Quelles difficultés les apprenants pourraient-ils rencontrer pour s’approprier la plateforme et tirer
mieux profit du cours ? Qu’est-ce qui change au niveau des pratiques d’apprentissage et d’enseignement ?
Comment les apprenants perçoivent-ils les tuteurs et la « distance » ? Quelles modifications apparaissent dans les
interactions humaines? Grâce aux premières recherches documentaires que j’ai effectuées pour la réalisation de
ce mémoire, je me suis posé un certain nombre de questions concernant les tuteurs: quelles sont les attentes
envers les tuteurs et leurs rôles ? Quelles sont les spécificités de leurs fonctions en présentiel/distanciel ? Quels
sont les prérequis pour développer des pratiques efficaces ? Relèvent-ils plutôt des connaissances linguistiques,
de l’informatique ou de la psychologie ? Quelles stratégies compensent davantage le sentiment d’isolement des
apprenants et lesquelles favorisent le plus les interactions et la participation de ces apprenants ? Puisque les
interactions en français constituent un objectif en soi, quelles interventions (réponses) ou évaluations le tuteur
doit-il faire? Comment le tutorat peut-il assurer l’efficacité du cours hébergé sur la plateforme ?
Différentes mesures ont été mises en place afin d’améliorer le cours proprement dit et le dispositif, depuis sa
création: la transformation des cours notionnels et des entrées traditionnelles en unités actionnelles,
l’augmentation des matériels audiovisuels, l’enrichissement des éléments communicatifs, la modification des
consignes visant la notion de tâche, l’amélioration et l’ajout d’outils d’échanges, le rallongement de la durée du
cours, entre autres. Après trois ans d’évolution de ce cours à distance, nous continuons à nous heurter aux
mêmes difficultés : malgré les nombreuses demandes d’inscriptions au cours, le taux d’abandon élevé est aussi
démoralisant pour les tuteurs que pour l’institution, les interactions ne sont pas abondantes et le nombre de
contributions est très réduit sur la plateforme. Il m’a donc paru intéressant d’analyser les stratégies des tuteurs,
leur influence sur les interactions, et l’incidence de celles-ci sur la motivation des apprenants. J’ai alors décidé de
formuler ma problématique ainsi : Quels rôles et quelles stratégies les tuteurs doivent-ils mettre en place
pour gérer les interactions?
C’est en constatant les problèmes récurrents du cours que je me suis rendu compte de la nécessité d’observer les
pratiques des tuteurs, dans le but de répondre aux besoins et aux attentes des apprenants inscrits, ainsi que de les
motiver (quelles stratégies mettre en place ?). Par ailleurs, de plus en plus d’environnements hybrides et des
dispositifs pour mettre à distance l’enseignement-apprentissage se créent, alors que les expectatives envers les
tuteurs (professeurs pas toujours formés dans la FOAD) se multiplient. C’est pourquoi j’ai pensé cibler ma
recherche du côté des enseignants, et sur les rôles qu’ils sont censés jouer dans un processus d’apprentissage
guidé via Internet. Je suis partie de l’hypothèse qu’à cause d’une culture d’enseignement-apprentissage très
paternaliste, de l’appréhension que génèrent la technologie et la difficulté de connexion, travailler principalement
le pôle psychoaffectif du tutorat pourrait contribuer fortement au soutien psychologique des apprenants, et à leur
motivation. D’autre part, mon expérience précédente comme tutrice -du dispositif de formation (désormais
DdF) qui constitue l’objet de cette étude- m’a fait constater que la manière dont le tuteur intervient et interagit
avec les apprenants en situation d’enseignement collective et à distance, influence le développement et les
6. 6
résultats de la formation, et surtout incite les apprenants à utiliser davantage les aides/ outils disponibles, ainsi
qu’à augmenter le nombre de leurs contributions.
Ce mémoire de Master 1 est donc une modeste initiation à une démarche de recherche. Elle s’inscrit plus
particulièrement dans le champ d’études qui portent sur l’enseignement collectif assisté par ordinateur (EAO), la
redéfinition des rôles occupés par les acteurs humains qu’a entraîné l’arrivée d’Internet, et l’importance de
l’intervention de l’enseignant.
Ce travail serait une occasion de nous questionner sur la place des interventions humaines dans une relation
professeur-étudiant via Internet. Ma contribution se situe dans cette problématique de l’accompagnement
humain d’étudiants en situation d’apprentissage collectif et institutionnel via Internet, et plus précisément sur les
modalités d’intervention tutorale (désormais MiT). Ce mémoire, inscrit dans une perspective cognitiviste et
constructiviste, emprunte ses bases méthodologiques et théoriques à l’ethnométhodologie, à la psychologie et à la
psychologie sociale, et à l’ethnographie critique. Ce travail concerne des notions telles que l’autonomie de
l’apprenant, la motivation, l’apprentissage coopératif assisté par ordinateur, l’accompagnement tutoral,
encadrement, entre autres. Mais l’analyse d’une FOAD nous fait plonger dans un champ multidisciplinaire et
nous amène à un vraie transversalité des concepts.
La recherche que j’ai effectuée est fondamentalement qualitative, mais aussi quantitative. Les fonctions tutorales
réalisées, de manière empirique, par les tuteurs impliqués ont été identifiées à partir de l’analyse des perceptions
des apprenants inscrits et des tuteurs, ainsi que des messages échangés entre ces acteurs. Le plan de recherche
déroulé a essayé de permettre la comparaison des stratégies mises en place par trois tuteurs tout au long du
déroulement d’un cours, et des résultats des trois groupes d’étudiants placés dans des conditions de suivi tutoral
différentes. Pour tenter de répondre à la problématique que j’ai dû cibler, j’ai adopté une méthodologie de recueil
de données double. D’une part, des enquêtes préalables m’ont permis de connaître à priori les attentes de tuteurs
et d’étudiants envers ce cours. Puis, des enquêtes en aval m’ont permis de connaître la perception des apprenants
et des tuteurs sur le déroulement du cours et ses résultats. D’autre part, l’observation des interactions en ligne,
des contributions (des apprenants), des interventions (des enseignants) et des séances présentielles, m’ont aidée à
classer les modalités mises en pratiques par les tuteurs de ce dispositif. D’ailleurs, la comptabilisation et analyse
des productions des apprenants m’ont permis de mieux comprendre et d’identifier les effets d’une MiT ou d’une
autre, sur la qualité de l’apprentissage des apprenants.
Dans la première partie de ce travail, je m’arrêterai sur quelques notions théoriques concernant les DdF et la
FOAD, je préciserai ensuite les axes théoriques autour desquels s’articule cette recherche. J’aborderai aussi
l’encadrement pédagogique et l’importance du suivi humain dans les DdF à distance (notamment hybrides). Je
me centrerai en particulier sur la manière dont sont envisagés les rôles des enseignants-tuteurs lors d’un
accompagnement humain, et leurs effets ou incidences sur la motivation et la participation des apprenants. Dans
un deuxième temps, je décrirai sous plusieurs angles les conditions sous lesquelles le dispositif que j’étudie a été
7. 7
implémenté. Je me suis proposé de décrire le contexte où ma recherche a été réalisée, en faisant un état des lieux
des TICE et de la FOAD appliqués au FLE à Cuba et ensuite à l’AFH.
Une troisième partie de ce travail sera consacrée aux aspects méthodologiques de la recherche : le choix de la
méthodologie et la description de son adaptabilité. Je décrirai l’échantillon et le public, et je présenterai les
techniques adoptées afin de cerner les méthodes d’intervention tutorale appliquées par les trois tuteurs impliqués.
La partie 4, en étroite relation avec la précédente, est consacrée à l’analyse des données collectées. J’aborderai
d’abord les attentes des tuteurs et des apprenants, ainsi que l’influence qu’elles ont eues sur la motivation des
apprenants, mais également sur les pratiques de suivi mises en place par les tuteurs. Je détaillerai ensuite les
pratiques tutorales observées, ainsi que leurs implications dans les comportements des apprenants.
Pour conclure, je ferai un bilan réflexif des résultats de mon analyse, j’aborderai d’autres facteurs périphériques à
l’axe de ma recherche, et je formulerai des observations générales qui, je l’espère, pourront être utiles à l’AF et à
d’autres tuteurs/ institutions ayant implémenté un Dispositif de formation semblable.
8. 8
L’ancrage théorique
1.1-Dispositifs de formation : définitions et typologies
De façon générale, le terme « dispositif » est issu de l'ingénierie qui désigne l'ensemble des critères pris en
compte pour réaliser une action. Guy Le Boterf (cité par Jean-Paul Droz) en donne la définition suivante:
« Ensemble cohérent et organisé d'éléments (méthodes, outils, procédures, routines, principes d'action) articulés poursuivant un but. ».
Le groupe GreCO (Grenoble, campus ouverts1) le définit d’une manière qui se rapproche davantage au but de ce
mémoire: « Un dispositif de formation désigne les conditions pédagogiques, organisationnelles et technologiques dans lesquelles vont
se dérouler les formations. ». Ces deux définitions montrent que la notion de dispositif renvoie à une problématique
de conception globale de formation qui implique plusieurs acteurs : des concepteurs pédagogiques, des
techniciens, des graphistes, des spécialistes de l'évaluation, des commerciaux… Pour choisir de mettre en place
un DdF2, il faudra tenir compte de plusieurs variables : les objectifs de la formation, le temps, le(s) lieu(x), le
public-cible, les contenus, la configuration de la participation, l’accompagnement pédagogique, les outils ou
technologies, et d’autres facteurs de type socioéconomique, politique et culturel.
Les typologies et termes qui seront utilisés dans ce travail sont tirés de la Typologie « Compétice » de dispositifs
de formation de Jean-Louis Schaff, de la société de conseil ASKA3, qui caractérise les dispositifs en fonction de
l’intégration du multimédia et de la proportion présentiel/ distanciel.
Figure 0-1: Typologie Compétice de dispositifs de formation
En fonction de cette typologie Compétice, on parle de cinq scénarii4: le présentiel enrichi, le présentiel amélioré
ou augmenté, le présentiel allégé, le présentiel réduit, le présentiel (quasi)inexistant (Anna Vetter, 2005).
A- Le présentiel enrichi (durant): Désigne l’utilisation en classe par le formateur et /ou les apprenants d’outils de
présentation ou de ressources multimédia. Par exemple : des diaporamas, de ressources (textuelles,
graphiques, audio, vidéo) issues d’un cédérom, de l’Internet ou d’un intranet ; mais aussi des outils de
communication (audio ou visioconférence).
B- Le présentiel amélioré ou augmenté (en amont et/ ou en aval) : Renvoie à la mise à disposition, de ressources ou
d’activités, en amont ou en aval du cours présentiel. Par exemple : le plan du cours, un résumé, une
bibliographie ou une sitographie, des fiches de travaux pratiques, des exercices, des ressources utilisées
1
Tiré du glossaire du site http://greco.grenet.fr/bases/indexbases.php
2
Dispositif de formation
3
http://www.aska.fr/
4
Tiré de http://www.educnet.education.fr/bd/competice, 2007
9. 9
pendant le cours, des dispositifs d’autoévaluation ou d’autoformation, mais aussi les échanges entre
formateurs et apprenants (demande de renseignements, corrections de devoirs…).
C- Le présentiel allégé (Travail donné en prolongement du présentiel amélioré) : Dispositif dans lequel l’essentiel de
la formation se réalise en présentiel, mais où certains cours ou TD sont remplacés intégralement par des
modules en autoformation, et/ ou du travail collaboratif avec un tutorat en asynchrone.
D- Le présentiel réduit : Dans le présentiel réduit la tendance s’inverse : c’est maintenant l’essentiel de la formation
qui est à distance et ne demeurent que quelques séances de regroupement en présentiel. La structuration des
ressources et la scénarisation d’activités sont donc très importantes. Le formateur intervient en présentiel et à
distance pour donner des explications, orienter et évaluer le travail, motiver les apprenants.
E- Le présentiel (quasi) inexistant : Dispositif entièrement à distance qui prévoit l'accès distant aux ressources et un
tutorat synchrone et/ou asynchrone. On précise ici "quasi", car dans l'état actuel de la législation, on ne peut
pas faire passer des examens à distance. Les candidats devront donc le faire en présentiel.
En reprenant cette typologie, le dispositif de formation analysé ici peut être considéré comme un présentiel
réduit, étant donné :
-le poids majoritaire du non présentiel (le cours ne propose que 10 séances présentielles),
-l’intégration de l’autoformation et le degré de responsabilisation de l’apprenant (la majorité du cours est
conçue pour l’autoformation dans un environnement numérique),
-les fonctions que remplissent les enseignants-tuteurs de ce cours (accompagnement, soutien).
1.1.1-La Formation à distance : de FAD à FOAD, définitions et spécificités
La Formation à distance (FAD) ou Éducation à distance, est un dispositif d’enseignement-apprentissage
qui se déroule totalement ou en partie à distance.
« Ce qui différencie la FAD de l’autodidaxie, soit l’apprentissage "réalisé en dehors de tout dispositif éducatif formel […]
et sans l’intervention d’un agent éducatif institué" (Carré, 1994, cité par Cyrot, 2006 : 2), réside dans l’insertion ou non de
la formation dans un cadre institutionnel (Keegan, 1996 ; Glikman, 2002). L’implication d’une structure organisatrice
dans la mise en œuvre de la formation tient à favoriser l’adoption de démarches rationnelles de conception (planification,
production de supports didactisés, mise en place de modalités de soutien durant l’apprentissage), ainsi que la division et la
spécialisation des fonctions d’enseignement, processus qui procèdent d’une forme d’industrialisation de la formation (Fichez,
2007) » (Quintin, 2008 : 15).
Les éléments qui caractérisent principalement la FAD et la distinguent d’une éducation face-à-face classique
seraient :
-la « distance » qui sépare les différents participants à un moment donné du déroulement de la formation
(distance spatiale et souvent temporelle),
-la discontinuité (dans l’espace et dans le temps) entre les actions des enseignants et les actions des apprenants,
- et la distance « transactionnelle » (Moore & Kearsley, 1996 ; Moore, 2000 cités par Quintin, 2008) inhérente à
toute forme de relation pédagogique.
10. 10
« Cette forme de distance serait liée à trois facteurs : le degré d’autonomie de l’étudiant, les possibilités de dialogue entre
l’apprenant et l’environnement pédagogique […], ainsi que la structure plus ou moins contraignante du cours » (Quintin,
2008). « Notons enfin que la FAD peut se dérouler totalement à distance ou intégrer des périodes durant lesquelles les
acteurs de la formation sont regroupés en un même lieu au même moment », au delà des moments de passation
d’examens sur table. « Cette dernière forme d’organisation, qui se caractérise par une articulation variable "présence-
distance", est habituellement qualifiée d’" hybride" (Perriault, 1996 ; Depover & al., 2004 ; Charlier & al., 2005 ;
Degache & Nissen, 2007) » (Quintin, 2008 : 14).
La FAD, qui se distingue de l’enseignement traditionnel par une séparation physique entre l’enseignant et
l’étudiant, existe depuis plus d’un siècle. Les premiers cours à distance (par correspondance) sont nés en
Angleterre et aux États-Unis en 1840. Depuis lors, d’autres types de formations à distance se sont succédés : le
téléapprentissage (audioconférences, conférences audiographiques, vidéoconférences, télévision interactive,
émissions radiophoniques), la communication intégrée ou modèle télématique (intégration combinée de
différents moyens de communication -y compris le format papier et la voie postale- et d’information permettant
la diffusion par un réseau télématique et la communication bidirectionnelle entre les participants).
« Lorsque la participation à la formation proposée par l’institution n’est soumise à aucune condition administrative
susceptible de limiter l’accès aux seuls étudiants disposant, par exemple, des titres académiques requis, il est d’usage de
qualifier le dispositif de "formation ouverte et à distance" (FOAD) (UNESCO, 2002 ; Page-Lamarche, 2004) » (cité
par Quintin, 2008).
L’apparition du qualificatif « ouvert » dans le dispositif de « Formation ouverte et à distance » (FOAD), introduit
des notions supplémentaires :
-des situations qui offrent une plus grande accessibilité, une plus grande flexibilité dans leur mode d'organisation
pédagogique,
-une meilleure adaptation de la formation aux styles différents d’apprentissage des étudiants,
-un accompagnement de l’auto-apprentissage,
-un rôle complémentaire pour le formateur qui n’est pas seulement associé à la conception des contenus mais
aussi à celles des scénarios pédagogiques et des modalités d'accompagnement (tutorat).
Ce qui définit fondamentalement la FOAD (d’après Viviane Glikman cité par Anna Vetter, 2007) serait: un
espace et un temps différents, une médiatisation importante, un lien avec une institution éducative, des publics
spécifiques (adultes qui font un choix), absence d'une collectivité permanente, la présence d’une médiation
humaine qui assiste/guide et encourage, et les interactions entre les étudiants et avec le professeur. Ces éléments
définissent également la formation qui sera l’objet d’étude de ce mémoire.
11. 11
1.1.2 Quelques fondements théoriques de la formation à distance
La mise à distance totale ou partielle d’une formation s’ancre sur des conceptions pédagogiques. « Si la
formation à distance existe depuis une centaine d’années, ce n’est que récemment que cette pratique est mise en relation avec des
théories » (Keegan, 1996 : 55, cité par Quintin, 2008). D’après les positions adoptées par les auteurs et les
praticiens, Keegan propose de regrouper trois catégories ou approches : « théories de l’autonomie et de
l’indépendance », « théories de l’industrialisation », « théories de l’interaction et de la communication ».
L’approche où s’inscrivent l’objet d’étude de ce mémoire et son contexte, est celle qui -n’excluant pas
l’indépendance et l’autonomie de l’apprenant- se centre sur l’interaction entre les participants : théories de
l’interaction et de la communication. Selon Holmberg, certains aspects positifs que l’on trouve dans une relation en
face-à-face peuvent être avantageusement transposés dans un dispositif à distance. « Ainsi, partant de l’idée qu’un
climat amical, des suggestions constructives et des encouragements favorisent la motivation des étudiants et, par là, contribuent à
l’apprentissage […)» (Quintin 2008). Cette approche ne manque pas de remarquer la nécessité de liberté de
l’apprenant mais elle insiste davantage sur la nécessité de la prise en compte des interventions des enseignants.
1.1.3- Les Dispositifs Hybrides : définition, avantages
Un Dispositif hybride constitue une combinaison, une association de cours en face-à-face et de travail en
autoformation, via des sessions à distance.
« Des dispositifs articulant à des degrés divers des phases de formation en présentiel et des phases de formation à
distance, soutenues par un environnement technologique comme une plateforme de formation. L’analyse de dispositifs
hybrides ne peut se construire en dehors de la question de l’innovation. « Blend », en anglais, connote un mélange
harmonieux, équilibré. Hybride, en biologie dénote une nouvelle espèce combinant des espèces existantes. » (Charlier,
Deschryver, Peraya 2006).
L’insertion du travail via Internet/intranet permet de réduire les contraintes temporelles existantes dans les
dispositifs d’apprentissage conçus complètement en présentiel. Les actions qui se déroulent à distance sont
soutenues par des moyens technologiques, des environnements numériques. L’insertion du travail à distance par
le biais d’un environnement numérique permet également de personnaliser l’enseignement, de centrer
l’apprentissage sur l’apprenant. D’après Mangenot, le travail via Internet, en plus du présentiel, permet des
configurations communicatives nouvelles. Mais ceci ne se passe pas sans contraintes car la mise à distance (à
n’importe quel degré) d’une formation quelconque implique aussi un bouleversement, un défi :
« Et passer de la mise en place de formations en « présentiel » à l’élaboration de formations intégrant la distance,
nécessite des mutations culturelles, organisationnelles et bien évidemment pédagogiques. Les relations formés – contenus –
formateurs s’en trouvent bouleversées, rendant cette transformation délicate. » (Charpille, J-L & Counil, E).
12. 12
La formation à distance de type « présentiel réduit » qui sera étudiée dans ce mémoire constitue un dispositif de
formation hybride, car elle alterne des séances présentielles avec le distanciel ou formation tutorée, en autonomie
et à distance. Ce travail aura pour but d’analyser certains éléments du « bouleversement » et quelques
« mutations » que cette situation nouvelle a causé pour l’enseignement du FLE à l’Alliance française de La
Havane.
1.1.4- Les Plateformes de formation à distance
Une Plateforme est un système informatique qui facilite l’organisation et la participation des acteurs
impliqués dans une formation à distance, gérant l’ensemble d’éléments intégrés dans un environnement
numérique. Le terme français « plateforme » rejoint le terme anglo-saxon
« Learning Management System » (LMS). « La "plateforme" désigne […] les fonctionnalités techniques (e.g. outils
de connexion, d’inscription, de collaboration, de communication, de suivi des étudiants, de conception de cours) qui, intégrées
et accessibles à partir d’un même site Internet (ou Intranet, sont mobilisées par les différents intervenants –selon le rôle de
chacun- pour administrer, concevoir, gérer ou suivre la formation ». […]Tournée vers les fonctionnalités disponibles quelle
que soit la formation considérée, la plateforme se définit en lien avec les possibilités techniques offertes aux enseignants,
concepteurs ou tuteurs, pour concevoir ou encadrer les activités d’apprentissage, et aux étudiants pour communiquer,
collaborer ou réaliser les tâches qui leur sont proposées. » (Quintin, 2008.)
Il s’agit d’un support, d’un outil permettant l’interaction. Une plateforme est en informatique une base matérielle,
un support (numérique) à partir duquel on peut écrire, lire, utiliser un ensemble de logiciels. Le cours à distance
qui constitue l’objet d’étude de ce travail est supporté par une plateforme Moodle5. Moodle est une plateforme
d’apprentissage en ligne servant à créer des communautés d'apprenants, des « groupes-classe » virtuels autour de
contenus et d'activités pédagogiques. S’y ajoute un système de gestion de contenu (SGC), ainsi que des fonctions
pédagogiques ou communicatives pour créer un environnement d'apprentissage en ligne: cet outil application
permettant de créer, par l'intermédiaire du réseau, des interactions entre des pédagogues, des apprenants et des
ressources pédagogiques.
1.2-De la nécessité d’un suivi humain à distance : encadrement, entraide et tutorat.
Selon les statistiques de différentes études, les taux importants d’abandons que l’on constate en formation à
distance constituent pour les spécialistes une conséquence de l’isolement que ressent l’apprenant qui est amené à
prendre en charge son processus de formation. Pour certains, la formation à distance offre un marge de
manœuvre plus large que l’enseignement classique. Mais, en même temps, se former à distance demande aux
apprenants de faire preuve de plus de capacités à prendre en charge leur processus d’apprentissage. Cette liberté
est sans doute ressentie comme un avantage pour certains étudiants. Mais elle peut s’avérer une cause de
5
http://moodle.org
13. 13
démotivation pour d’autres qui finissent par abandonner la formation. « D’après Gauducheau et Marcoccia (2007 : 4),
l’autonomie requise et le sentiment d’isolement « créeraient un déficit socio-affectif qu’il reviendrait au tuteur de compenser »
(Quintin, 2008). La présence d’un suivi humain dans le cadre d’une formation à distance est fréquemment citée
comme un des facteurs susceptibles de contribuer favorablement au succès d’une FOAD.
Dans une FOAD, à la différence de l’enseignement traditionnel, l’enseignement et le soutient ne se confondent
pas systématiquement et ne sont pas toujours des responsabilités d’une même personne. Durant le déroulement
de la formation, le soutien peut être aussi pris en charge par un autre apprenant sous la forme de ce qu’Abricoux
(1985) a nommé « le groupe d’entraide ». Il se peut aussi que le support soit assuré par des fonctionnalités
intégrées dans le système informatique.
La notion d‘« encadrement », élargie par Gounon et al. (2004), viendrait à combiner toutes les modalités de
soutien qui sont offertes aux étudiants, tout au long d’une formation à distance supportée par la technologie : les
ressources disponibles/informations fournies dans l’environnement numérique (dispositif technologiques), le
soutien humain (enseignant), et l’entraide (co-apprenant). « […] nous considérons que l’encadrement est constitué de
l’ensemble de ressources destinées à soutenir les étudiants durant leur démarche d’apprentissage afin de les aider à surmonter les
difficultés […] » (Dionne &al., 1999 ; De lièvre, 2000 ; Paquette, 2001 ; cités par Quintin, 2008).
Le tutorat est le processus d’intervention d’un agent humain qualifié de « tuteur » dans une situation
d’enseignement-apprentissage, et constitue une des manifestations d’encadrement possibles dans le cas d’une
formation à distance. « Dans la littérature francophone, […] le terme tuteur désigne l’enseignant qui assure l’encadrement à
distance de l’ensemble des étudiants participant au cours en ligne » (Quintin 2008). Dans un sens générique, le terme
« tuteur » est utilisé pour designer un enseignant qui intervient pour soutenir les apprenants durant le
déroulement d’une formation à distance.
1.2.1- Accompagnement tutoral : rôles et fonctions des tuteurs
Ce travail se situe dans la problématique du suivi humain d’étudiants qui se trouvent en situation
d’apprentissage collectif à distance, via Internet dans un dispositif de formation de type hybride, c’est- à- dire qui
combine des moments de formation en présentiel et des moments de formation tutorée à distance.
Dans une étude exhaustive, Quintin (2008)6 nous fait remarquer que la littérature traitant l’encadrement humain
dans un environnement numérique « représente une part infime du total des publications ». Dans son analyse affinée de la
bibliographie existante, il s’est aperçu que les travaux identifiant de manière empirique les fonctions tutorales et
l’impact du tuteur sont minoritaires. « De ces quelques observations, il ressort que la problématique du suivi tutoral semble très
peu investie par les chercheurs en formation à distance et que la question de l’impact des actions sur les processus ou sur les résultats
de l’apprentissage reste par conséquent largement ouverte. » (Quintin, 2008). Or, nous avons vu que l’aspect motivationnel
6
Lors de sa thèse de Doctorat sur l’accompagnement tutoral via Internet.
14. 14
peut être déterminant dans une situation d’enseignement-apprentissage, et peut difficilement être pris en charge
par l’ordinateur ; le rôle du tuteur peut être donc déterminant dans une formation à distance via Internet. De
nombreuses enquêtes réalisées auprès d’apprenants qui suivent une formation à distance révèlent que ce public
est demandeur de la présence d’un tuteur à distance.
D’après plusieurs perspectives et théories de références analysées7, quatre grands principes du tutorat pourraient
être définis : la centration sur l’apprenant et les apprentissages, la prise en compte de la dimension sociale et
collective des apprentissages, la reconnaissance des démarches d’apprentissage par projet, l’importance des
interactions. Quant aux interactions, et selon Soubrié (2006), il est question de mettre en œuvre « des dispositifs qui
accordent tout autant d’importance à l’activité de l’apprenant, sans laquelle il n’y a pas de construction des connaissances, qu’à la
sociabilité des apprentissages, aussi bien entre pairs qu’entre apprenants et enseignants ».
Dans ce travail, je m’intéresse aux missions/fonctions des tuteurs, ce que plusieurs études ont tenté d’identifier
soit à travers une analyse conceptuelle, soit en utilisant une démarche empirique. La plupart des auteurs qui se
sont basés sur une analyse de la littérature proposent de considérer les rôles et fonctions des tuteurs autour des
quatre grandes catégories d’intervention : pédagogique, socio-affective, organisationnelle et technico-
administrative. Je reprendrai pour mon étude les quatre propositions de catégories d’intervention de Bernatchez
(2003) : « le soutien pédagogico-intellectuel », « le soutien technique et logistique », « le soutien socio-affectif », et
finalement le soutien communicationnel ou de « gestion de la communication ».
A- Dans le soutien « pédagogico-intellectuel » ou « pédagogique-métacognitive », l’attention des apprenants
est centrée sur les contenus abordés, à savoir ils sont engagés dans une réflexion métacognitive.
B- Le soutien « technique et logistique » ou organisationnel est destiné à soutenir l’organisation du travail,
la gestion du temps et des ressources disponibles dans l’environnement numérique ou échangées entre
les participants. Ce soutien est aussi conçu pour aider les étudiants à planifier les activités afin de
respecter les délais fixés.
C- En offrant du soutien « socio-affectif » ou motivationnel, le tuteur essaie de faire naître le groupe en
développant la cohésion entre les apprenants, en établissant des relations positives entre eux, il s’agit de
la gestion des émotions par le développement de l’estime de soi, la valorisation du travail accompli.
D- Avec le soutien communicationnel ou de « gestion de la communication », le tuteur assume le rôle
d’animateur et modérateur des échanges, des interactions qui se produisent entre les apprenants dans
l’environnement numérique de formation. Le tuteur est censé fournir des occasions d’échanges avec
d’autres apprenants et favoriser ces échanges, il devra « articuler entre le statut de pair et celui de tuteur »
(Mangenot, 2011).
Les formes de tutorat qui peuvent être mises en pratique dans une situation d’enseignement-apprentissage à
distance changent en fonction du dispositif de formation qui est mis en place, du contexte institutionnel, des
7
Cécile Veran pour la réalisation de son mémoire de master professionnelle en 2011 (Piaget, Barbot, Tabary, Soubrie, Bruner,
Nissen)
15. 15
objectifs de la formation, des outils techniques et pédagogiques mis à la disposition des acteurs concernés, du
modèle pédagogique adopté par les concepteurs et les tuteurs, des connaissances à enseigner/apprendre, des
activités proposées, des critères d’évaluation, du nombre d’étudiants et de leurs caractéristiques, de leurs attentes,
etc. Les rôles et les fonctions des formateurs impliqués dans une formation à distance sont modulables et seront
définis par l’ensemble de ces éléments. Les études tendent toutefois à montrer que, au niveau des pratiques
tutorales, « les interventions cognitives et méthodologiques sont privilégiés au dépens des actions tutorales socio-affectives et
motivationnelles » (Quintin, 2008).
Enfin, parmi les nombreuses définitions de tutorat consultées ainsi que les tentatives associées à l’heure de bien
préciser les rôles et les fonctions des tuteurs, il me semble que la définition de Nissen (2005) -assez générale et
peu ambitieuse-, correspond à ce qui pourrait faire évoluer favorablement le dispositif de formation hybride
(présentiel réduit) de l’AFH. N’oublions pas que ce travail, en plus d’être un exercice académique a comme
objectif l’amélioration de la mise en route du cours de FLE à distance.8
« Le tuteur a pour fonction de guider l’apprenant dans le choix de ses activités, de faciliter son apprentissage, de
répondre aux éventuelles questions, de donner des retours sur la langue et sur le contenu par rapport aux productions
intermédiaires ou finales que lui remet l’étudiant. De plus, lorsqu’il s’agit d’une activité en groupe, le tuteur aide le groupe à
se gérer et à s’organiser le fonctionnement commun ».
1.2.2-Les compétences requises des tuteurs à distance
De façon générale, les compétences habituellement associées aux fonctions tutorales sont : les
compétences pédagogiques et relationnelles, les compétences techniques et les compétences disciplinaires. De
nombreux auteurs mettent en avant l’importance des compétences de réflexion et de formation de soi (Salam et
Valmas, 2009), ainsi que la capacité d’adaptation et d’innovation. Pour Linard (2003) le tuteur doit également être
« capable d’affronter des situations imprévues, embrouillés et instables, et de définir lui-même les tâches si nécessaire ». Ben Sallah
(2010) regrette, de son côté, « l’improvisation du traitement de la question tutorale qui prévaut dans le choix de nombreux
dispositifs ».
Pour circonscrire dans ce travail les compétences nécessaires à la fonction de tuteur, j’ai tenu compte du
« Référentiel de compétences de la certification au tutorat à distance » (notamment des rubriques I à VI) de
l’Agence Universitaire de la Francophonie, qui recense « les rôles, compétences requises et tâches des tuteurs à
distance ». Toutes les compétences décrites relèvent de connaissances transversales, et d’une perspective de
centration sur l’apprenant.
Connaissances Correspondance entre connaissances et compétences
I
Les caractéristiques de la situation d’apprenant à
distance
Connaissances transversales, mais particulièrement
liées aux compétences de type psychologique et
psychosociologique et aux compétences de type
8
Cette définition, pourrait être la plus facilement comprise et acceptée par les enseignants-tuteurs impliqués dans le projet FOAD
de l’AFH.
16. 16
pédagogique
II Les différentes fonctions du tuteur Connaissances transversales
III
Quelques notions courantes (par exemple :
réactivité/proactivité; communication en mode
synchrone/asynchrone; autonomie…)
Connaissances transversales
IV
Les moyens de communication à distance et leurs
caractéristiques et usages pédagogiques
Connaissances transversales, mais liées aux
compétences de type communicationnel et aux
compétences de type technique
V
Les techniques d’animation d’un groupe
d’apprenants à distance
Connaissances particulièrement liées aux compétences
de type relationnel et communicationnel
VI
Les modes de mise en œuvre d’un soutien
individualisé
Connaissances transversales
Figure 0-2: Compétences nécessaires à la fonction du tuteur
1.2.3-Les modalités d’intervention tutorales à distance
Comme nous l’avons déjà vu, le rôle du tuteur est indissociable du dispositif de formation mis en place
dans lequel il exerce sa pratique, car il engendre des contraintes pour les apprenants mais aussi pour les tuteurs.
Les pratiques tutorales mises en place tout au long d’une formation à distance évolueront en fonction du
comportement des différentes composantes du dispositif de formation.
Une première différenciation à faire entre les modalités d’accompagnement tutoral serait par rapport à la
temporalité, à savoir au décalage temporel existant ou non entre la « présence » du tuteur sur l’environnement
numérique (c’est-à-dire ses interventions), et la « présence » des apprenants, à savoir leurs contributions ou leurs
sollicitations. On peut alors parler d’un tutorat «synchrone» (les échanges peuvent se faire à plusieurs heures,
voire jours, d’intervalle) ou «asynchrone»9. Ces critères sont fortement liés aux canaux de communication
utilisés par les acteurs participant à une formation à distance: mail, forum, blogs, wikis (asynchrone) ; téléphone,
chat, visioconférence (synchrone). Cependant, dans une situation d’enseignement-apprentissage à distance,
même si les possibilités de configuration de la participation des acteurs et les moyens qui viabilisent les
interactions peuvent être variés, les moments d’échanges synchrones sont plutôt rares ou moins nombreux. Dans
le cas de la FOAD que j’analyse, le tutorat préconisé par l’institution et les concepteurs du dispositif est
asynchrone, à cause des conditions techniques et une connectivité défavorable, ce qui n’empêche pas les tuteurs
d’avoir d’autres initiatives. Le suivi asynchrone permet aux tuteurs de disposer de plus de temps pour déceler les
erreurs, pour mieux élaborer des réponses, pour personnaliser davantage leurs interventions.
Ensuite, la plupart des études sur les types d’interventions tutorales distinguent fondamentalement deux postures
tutorales ou modèles d’exercice de la pratique de tuteur : le tutorat « réactif » et le tutorat « proactif ». Voyons les
deux modèles proposés par Glickman (2002) :
9
A partir d’un critère de classification tenant compte de cette différence de temps dans la présence des uns et des autres.
17. 17
A- « Les tuteurs (plutôt) réactifs sont ceux qui se contentent de répondre aux demandes explicites des apprenants sans anticiper
ces demandes et sans chercher au-delà ». Dans cette modalité, la plus courante, les tuteurs attendent d’être sollicités
par les apprenants pour intervenir. Le tuteur ne fait que réagir a une demande, message, travail qui a été
posté ou que lui a été envoyé par l’apprenant.
B- « Les tuteurs (plutôt) proactifs sont ceux qui répondent aux demandes explicites des apprenants, mais qui prennent
l’initiative de proposer une aide et s’appliquent à faire émerger des demandes ». Le tuteur n’attend pas que les
apprenants formulent une demande mais essaie de l’impliquer, de le faire participer/contribuer, socialiser.
Dans ce sens, Glickman (2002 :9) propose un schéma pour comprendre les particularités des quatre catégories de
tuteurs, et afin d’expliquer les facteurs qui sont à l’origine des différences observables entre les tuteurs (culture,
formation, motivation). Ces facteurs seraient : « […] l’idéologie pédagogique des dispositifs institutionnels dans lesquels
exercent les tuteurs », « la formation première des tuteurs et leur expérience professionnelle », leur satisfaction par rapport à l’emploi
qu’ils occupent et à l’exercice d’une fonction tutorale […] ainsi que la manière dont leurs enjeux professionnels ou leurs options
idéologiques les conduisent à investir dans cette fonction ».
1.2.4-Les effets des interventions tutorales sur l’apprentissage
Comme le souligne Quentin (2008), il existe à ce jour, parmi les nombreuses études de nature
prescriptive ou descriptive qui se penchent sur les fonctions tutorales, un déséquilibre et une faible quantité de
recherches empiriques qui évaluent les effets des actions des tuteurs.
Mais «[…] les quelques résultats obtenus à ce jour par le recherches empiriques dans ce domaine tendent à montrer que la manière
dont le tuteur intervient dans un dispositif de formation à distance influence le déroulement de la formation, ainsi que les résultats qui
en découlent. »
D’autres auteurs, ayant aussi fait une analyse bibliographique, ont montré que « jusqu’à présent, les études se sont
principalement centrées sur la comparaison entre deux modalités d’intervention tutorale : "proactive" et "réactive" ». D’après les
résultats obtenus dans ces études, « la proactivité inciterait les étudiants à utiliser les aides disponibles et à augmenter le nombre
de leurs interventions » (De Lièvre, 2000 ; Bernatchez & Marchand, 2005, cités par Quentin, 2008). À l’instar de
Quintin (2005), je considère que « un accompagnement tutoral proactif se révèle plus efficace qu’une modalité de suivi réactive
». D’ailleurs, une modalité nettement réactive pourrait provoquer des effets négatifs comme la démotivation, le
manque de participation sur l’environnement numérique. D’autre part, la réactivité compromettrait l’implication
des apprenants dans la communauté virtuelle qu’ils sont censés créer car « la constitution d’un groupe via un forum se
fait plus lentement qu’en présentiel » Mangenot (2004), alors la gestion du groupe implique plus d’effort,
d’intervention, de la part des tuteurs. Les effets d’une modalité ou de l’autre ont une incidence directe sur la
qualité de l’apprentissage, ainsi que sur l’augmentation ou diminution du taux d’abandons.
18. 18
Quant aux modalités synchrone/ asynchrone, une étude de De Lièvre et al. (2006) montre qu’il y a en effet une
différence comportementale quant au nombre d’interventions, et quant au contenu des messages. D’abord, les
tuteurs interviennent davantage sur les chats et s’adressent davantage à un individu que sur les forums, aussi les
étudiants ont-ils plus de possibilités de s’entraider en asynchrone. En revanche, en asynchrone (sur les forums)
les tuteurs informent en priorité et les messages portent surtout sur le contenu, alors qu’en synchrone ils
stimulent davantage et informent moins, et les messages des tuteurs sont plutôt axés sur le lien social.
L’ensemble des auteurs consulté souligne l’importance d’offrir un soutien socio-affectif et motivationnel, de créer
un climat favorable à l’apprentissage. Cela implique de développer une cohésion entre les apprenants
participants, afin de favoriser l’établissement de relations positives.
1.3-Les interactions à distance : la socialisation dans la construction des connaissances
De nombreux philosophes du langage considèrent l’utilisation de la langue comme une coaction sous
contrainte relationnelle. En d’autres mots, « on dit donc on agit » et puisqu’on a (ou cherche) un interlocuteur, on
dit « à quelqu’un » donc on « agit avec quelqu'un » et on construit un contexte d’interaction. D’autre part,
l’interaction sociale, vue comme un facteur d’apprentissage (individuel pour certains auteurs et surtout collectif
pour d’autres théoriciens), sert à la réalisation d’une tâche (même non langagière). Dans le cas de l’apprentissage
d’une langue étrangère, l’interaction sert à la réalisation d’une tâche en langue cible. D’ailleurs, dans une situation
d’enseignement-apprentissage d’une langue, les échanges entre les acteurs impliqués peuvent être considérés
comme une fin en soi car ces échanges véhiculent la pratique et la manipulation de la langue cible.
La communication entre apprenants dans une FAD naît avec l’apparition des réseaux locaux, les étudiants se
trouvant alors dans la même salle d’ordinateurs. A partir du moment où les réseaux locaux ont été remplacés par
Internet (réseau mondial) dans les années 1990, le développement d’outils de communication numérique
(courriel, forum de discussion, chat, visioconférence, audioconférence, etc.) a permis une interaction plus rapide
entre les acteurs d’une formation à distance : tuteur-apprenants, apprenante-apprenants. L’interaction qu’Internet
véhicule est davantage écrite. Dans un dispositif de formation présentiel réduit, comme c’est le cas du contexte
analysé dans ce travail, la plupart des interactions se font à distance, fondamentalement par écrit, par le biais
d’outils de communication numérique et en langue étrangère, même si pour des raisons pédagogiques ou
ergonomiques le recours à la langue première est récurrent et admis. C’est la présence d’un tuteur qui permet de
veiller, d’assurer que l’interaction se déroule autant que possible en langue étrangère dans le cadre d’une FOAD.
En fait, les interventions du tuteur servent de modèle à être imité par les apprenants, qui apprennent par
observation.
Mais la gestion des interactions en ligne (majoritairement écrites) constitue un défi pour les tuteurs car elle est
d’autant plus problématique que les participants n’ont aucun contact présentiel. Il existe au départ un déficit
socio-affectif qu’il va falloir compenser, à savoir que le tuteur devra estomper. D’ailleurs, nous constatons que la
19. 19
simple mise à disposition d’outils de communication n’amène pas les étudiants à échanger entre eux, par
conséquent le tuteur ne peut pas se contenter d’attendre tout simplement que les interactions se produisent pour
intervenir ou répondre, il devra donc inciter les apprenants à le faire, il devra provoquer ces interactions.
1.3.1- Les outils véhiculant les interactions dans une formation à distance
Les moyens/outils de communication en ligne les plus habituellement fournis par les
dispositifs/environnement numériques destinés à assister le travail collectif sont : mail, blog, chat, forum, wiki,
sites de partage, etc. Ils permettent des échanges accordant une place plus importante à l’écrit et
fondamentalement asynchrones. Grâce à ces outils, la distance temporelle et géographique qui sépare les
apprenants impliqués dans une formation à distance pourrait devenir un avantage : les apprenants prennent
davantage de la distance par rapport à leur apprentissage.
« Le temps de l’apprentissage n’est pas le temps des technologies, ce n’est pas l’immédiateté [...]. On apprend quand on est
capable d’exprimer des choses, de confronter ses idées, de revenir sur une opinion. Autrement dit de réfléchir. Et Internet,
justement, permet de ralentir ce temps de l’apprentissage. » (Bruillard, 2003).
La plateforme Moodle, environnement numérique qui supporte le cours de FLE de notre dispositif de formation
permet l’utilisation de blogs, chat, courriel et de forums. Nous verrons par la suite les caractéristiques, les
avantages et les inconvénients propres à chacun de ces outils, ainsi que les raisons pour lesquelles ils ont été soit
priorisés, soit négligés par les concepteurs du cours d’abord et par les tuteurs ensuite.
Chats:
Ersatz par excellence de l’interaction synchrone avec le tuteur et les autres apprenants, certains théoriciens émettent l’hypothèse
que le chat se révèle un bon outil au service du développement des compétences de production/ communication orale. Animer un
chat implique pour le tuteur la préparation d'une discussion synchrone qui sera d'autant plus importante que durera l'échange
(de 30 min à 1h en fonction du nombre de participants).
Dans le cadre du dispositif présentiel réduit que je prétends analyser, le chat n’a pas été prévu comme moyen
d’interaction à cause de la lenteur et la mauvaise connexion qui caractérisent le service d’Internet, dont disposent
les apprenants inscrits. D’ailleurs, le fait d’avoir un accès restreint (question de permissions, de quotas de temps,
de lignes téléphoniques et d’ordinateurs partagés, etc.) a rendu impensable le fait de se donner rendez-vous sur
un chat, de coïncider en ligne.
Blogs:
Le blog permet de développer des pratiques collaboratives et de co-construction à l’intérieur d’espaces éducatifs
toujours plus vastes, ce qui rend la tâche plus visible et met en valeur les productions des apprenants. Il inscrit le
travail des enseignants et des apprenants dans une logique possible de conception, de développement et de
20. 20
collaboration dans et hors de la classe. L’apprenant peut ainsi partager ses travaux avec son entourage ce qui peut
participer à donner une image positive d’un tel apprentissage et le pérenniser. D’ailleurs, le blog permet aussi une
intervention (en classe) de locuteurs de langue première de la langue cible du cours. Cette communication
authentique respecte néanmoins le rythme des jeunes apprenants car asynchrone. L’utilisation d’un blog en classe
de FLE ne nécessite pas d’équipement et de connaissance informatiques d’envergure et est transposable à la
plupart des cadres pédagogiques.
Je ne connais pas les raisons exactes qui conduit les premiers concepteurs du cours à ne pas concevoir/ mettre
en œuvre le blog comme outil de partage. Je me permets de penser qu’ils ont peut-être laissé cette incitative aux
tuteurs, ou à des phases secondaires de l’implémentation du dispositif. Outres les raisons techniques déjà
mentionnées, la méconnaissance de l’outil informatique en général par les personnes censées manipuler la
plateforme, utiliser le cours ultérieurement (apprenants et tuteurs), ainsi que l’appropriation encore insuffisante
de l’environnement numérique sont-elles de possibles réponses.
Le forum comme outil pédagogique
Un forum, d’après Mangenot (2004), est un « Service permettant l’échange et la discussion sur un thème donné :
chaque utilisateur peut lire à tout moment les interventions de tous les autres et apporter sa propre contribution
sous forme d’articles». Le forum constitue un outil unique, notamment pour la formation à distance, grâce à
quatre particularités (qui ont été résumées par Mangenot): c’est un espace écrit, asynchrone, public et structuré.
Je considère à la suite de Mangenot (2004), que dans une situation de formation à distance,
« ce qui est posté sur le forum est considéré par les participants comme faisant partie de la connaissance du groupe : il y a une
volonté de ne pas se répéter, donc -peut-être de façon non consciente- de constituer un objet collectif harmonieux, « peu à peu les
discours se font moins distants, plus personnels, le groupe se rapproche ».
1.3.2- Modalités interactionnelles : configuration de la participation à distance
Malgré ce qu’on pourrait penser, à distance, toutes les configurations de la participation sont possibles :
travail individuel, travail par pairs, travail par petits groupes. Le travail en groupe est rarement prévu dans une
formation à distance car la configuration de la participation est très liée au lieu et au temps.
La pratique de plus en plus répandue en formation à distance est celle du travail en binôme, où les interactions
ont lieu entre les/deux apprenants. Cette modalité est justifiée par les chercheurs qui mettent en valeur les
apports du conflit socio-cognitif qui s’origine entre pairs, à savoir : les contradictions entre les solutions
proposées par chaque apprenant et la recherche d’une solution commune. D’autres théoriciens pensent que le
conflit socio-cognitif se produit en réalité rarement, car il est plus fréquent qu’un individu approuve simplement
ce qu’autre sujet propose ; mais ils voient aussi des effets bénéfiques pour l’apprentissage dans la co-élaboration,
l’imitation et l’étayage qui peut se produire dans les interactions symétriques (et sans conflit) entre pairs, toujours
d’accord ou non. Même dans le cas d’une interaction en dyade, la présence ou intervention du tuteur est/ peut
21. 21
être prévue, ses commentaires, suggestions ou corrections ne s’adressant pas (seulement) à chaque individu mais
au binôme, à la différence de la modalité du tutorat individuel. Le tuteur est chargé d’enseigner à travailler en
collaboration.
1.3.3- Quelques aspects socio-affectifs des interactions dans une formation à distance
Les études des aspects socio-affectifs des interactions qui se produisent en ligne, par le biais de l’outil
informatique, nous montrent que la communication par ordinateur incite le sujet à révéler ses émotions et à avoir
une participation active, car cette interaction communicative à distance favorise la perte d’inhibition.
L’expression des sentiments dans les écrits sur les forums se manifeste à travers l’utilisation d’émoticônes, de la
mise en majuscules de mots/phrases, de la ponctuation expressive, de l’utilisation du soulignement, des couleurs
et des caractères différents, etc. D’ailleurs, des études portant sur l’expression des émotions sur des forums en
ligne font constater que plus les apprenants exprimaient leurs émotions, plus ils s’impliquaient dans le processus
d’apprentissage (Hassan, 2005).
Néanmoins, d’autres études plus récentes ont démontré que dans un contexte didactique et dans le cadre d’une
formation à distance il n’y pas d’échanges réels à cause du déficit socio-affectif provoqué par le manque de
contact présentiel (Lamy, 2001 ; Develotte & Mangenot, 2004). Ware (2003), de son côté, est arrivée au constat
que dans une situation d’échange par des moyens langagiers autres que la langue maternelle commune aux
participants, ceux-ci ne s’impliquaient pas dans un réel échange interpersonnel, soulignant de cette manière un
déficit socio-affectif dans l’interaction en ligne. Or, Atifi, Gauducheau et Marcoccia (2005) considèrent en
revanche que la proximité relationnelle qui n’est pas présente par défaut sur les forums peut être développée par
l’expression d’émotions (sur les messages écrits). La situation que l’on considère dans ce travail n’est pas celle
d’un forum anonyme, car le nombre de participants par groupe n’est pas trop nombreux, ceux-ci sont identifiés
par leur vrai nom et une photo.
À la suite de nombreux chercheurs, je considère que, compte tenu de l’outil utilisé pour véhiculer la
communication, de la configuration de la participation et de la nature des échanges et du contexte socioculturel,
l’importance d’un accompagnement humain qui gère les interactions dans une formation à distance se voit
renforcée. Le tuteur est amené à faire naître le groupe, à jouer le rôle de soutien technique, à exercer celui de
médiateur interculturel, à tricoter le lien social entre les apprenants pour pallier le manque socio-affectif et
provoquer une dynamique interactionnelle. Comme le décrit Grosjean (2005), reprenant les deux dimensions du
lien social définies par Develotte et Mangenot (2004) :
« – En montrant un engagement personnel dans la conversation, en créant dans le discours une entité « groupe », en cherchant à
renforcer l’engagement et la participation des apprenants, le tuteur construit la dimension socio-affective du lien social.
– Par des questionnements, des commentaires évaluatifs sur les contributions des apprenants, des encouragements à poursuivre
la discussion, le tuteur engage cognitivement les apprenants, renforçant la dimension socio-cognitive du lien social ».
22. 22
En guise de conclusion :
La place et le rôle que jouent les interactions à distance dans une FOAD, ainsi que les outils voies de
communication qui seront utilisés/priorisés dans l’environnement numérique doivent être préconisés, planifiés
en amont et parfois réadaptés par les tuteurs (durant la formation) pour qu’il y ait des échanges, et pour qu’ils
soient efficaces : ils servent à créer des liens, à motiver les apprenants, à s’impliquer dans l’apprentissage, et à
s’entraider.
L’étude ou l’observation des interactions, des échanges qui ont lieu en situation d’enseignement-apprentissage à
distance permet de saisir la manière dont les tuteurs et les apprenants s’approprient l’environnement numérique,
la façon dont les tuteurs exercent leur rôle et dans quelle mesure les étudiants échangent des informations et des
messages qui relèvent du pédagogique au socio-affectif.
23. 23
Le contexte
2.1- L’enseignement du FLE à Cuba
Le français est la deuxième langue étrangère enseignée à Cuba, après l’anglais. De fortes empreintes
historiques10 de la culture française sont présentes dans certaines régions de l’île comme à Cienfuegos et à
Santiago de Cuba. Au début du XXe siècle, « l’immigration française a constitué le second composant ethnique européen qui a
le plus immigré à Cuba, derrière les composants ethniques hispaniques » (Cobiella, Michael, 2011). « Les immigrants ont
fondé des écoles avec les méthodes d’enseignement de grands Français […] » (Lauzan, J.R., cité par Amaro,
Leonor). La culture française, à savoir le cinéma, les arts plastiques, l’histoire, la littérature et la chanson, a
toujours attiré la population cubaine autant que la langue. Pour donner un exemple insolite, en 2011 Cuba a été
après La France l’endroit au monde où un festival de cinéma français compte le plus de spectateurs (plus de
130 000)11. D’ailleurs, à côté de cette sensibilité particulière pour la langue française, il y a aussi l’espoir d’accéder
à de meilleurs emplois. Le français a été bercé par l’idéal d’émancipation humaine qu’a incarné la France dans les
stéréotypes nationaux, ces idéaux ayant influencé la pensée politique cubaine et les divers processus de
libération/ émancipation nationale. Cette langue a aussi constitué pour Cuba une porte d’ouverture économique
et politique au monde, et une sorte d’échappatoire à la suprématie linguistique de l’anglais, et à l’hégémonie
politique des États-Unis dans les Amériques.
L’Alliance française est actuellement l’acteur de diffusion de la langue française le plus important à Cuba, et sans
doute le plus puissant, mais il n’est pas le seul12.
2.1.2- Spécificités de l’Alliance française de La Havane
Les cours de français généraliste vont du niveau A1 au niveau C2 13 du CECR et préparent aux diplômes
DELF et DALF14 du CIEP15 ; les cours de FOS16 visent également les diplômes de français professionnel
juridique, médical, des affaires et du tourisme de la CCIP17. Contrairement aux autres Alliances dans le monde,
les cours sont donnés toute la journée (de 9 heures du matin à 9 heures du soir) et, jusqu’à 201118, ils s’étalaient
sur une année scolaire (octobre-juin). Cela a créé chez l’apprenant, pendant des années, un sentiment
10
Pour avoir un bref panorama historique de l’enseignement du FLE à Cuba lisez l’Annexe 22
11
Les films sont exhibés dans toutes les municipalités des 15 provinces du pays entier, une programmation spéciale pour les
enfants est aussi prévue. En 2011, Cuba a gagné le 1
er
lieu à l’Australie www.ambafrance-cu.org/Isabelle-Huppert-invitada-de-
honor
12
Pour connaitre la situation actuelle de l’enseignement-apprentissage du FLE à Cuba consultez l’Annexe 25
13
Pour connaître davantage sur la distribution des niveaux, les cours proposés à l’Alliance et leur correspondance avec les examens
DELF DALF correspondants jusqu’au cours 2011-2012. Voir l’Annexe 23, tableau illustratifs 2
14
L’AF est le seul centre d’examens à Cuba pour les diplômes internationaux français.
15
Centre international d’études pédagogiques.
16
Français sur Objectifs Spécifiques.
17
Chambre de commerce et d’industrie de Paris.
18
Pour savoir plus sur la correspondance entre l’ancien niveau et le nouveau système, à savoir durée des cours, niveaux, examens
DELF-DALF qui leurs correspondent, veuillez consulter l’Annexe 23, tableau illustratifs 3.
24. 24
« d’appartenance » vis-à-vis de son professeur, du groupe-classe et, à long terme, de l’institution. Une session
d’examens DELF-DALF est organisée chaque mois de juin, qui vient compléter l’évaluation continue réalisée par
les professeurs tout le long de l’année. Des cours de niveau supérieur et de FOS sont également proposés qui
passent les examens correspondants de la CCIP.
Depuis septembre 2006, la méthode utilisée pour les quatre niveaux généralistes a été Tout Va Bien ! (1 à 4, A1 à
B2). À partir de l’année scolaire 2012-2013, TVB sera remplacée par Alter ego plus. L’AF est une véritable ruche,
en mouvement permanent, qui totalise plus de 1.100.000 heures de cours par an. De plus, l’Alliance est aussi au
cœur d’événements culturels cubains qui dépassent son cadre, et propose à ses étudiants des ateliers de théâtre,
d’écriture et de cinéma. Le public attiré vers le français par l’Alliance française et ses atouts a toujours été très
hétérogène (du point de vue de l’âge, de la formation académique-professionnelle, de l’origine socioéconomique,
etc). Dotée d’une très forte attrayance, l’Alliance française se voit obligée de décliner chaque année, pour des
raisons de capacité, plus de 30% des demandes d’inscription qu’elle reçoit.
En outre, l’Alliance française de Cuba constitue un référant théorique et méthodologique pour les enseignants du
FLE du pays entier. Son investissent dans la formation continue de ses professeurs mais aussi des enseignants de
FLE de toute l’île est remarquable. Chaque année, l’Alliance offre à ses professeurs et à des enseignants d’autres
institutions et provinces, des stages animés par des spécialistes cubains et étrangers, et envoie des professeurs à
suivre des stages en France.
2.1.3- Les étudiants : rapport au français et culture d’apprentissage
L’âge minimal requis pour étudier à l’Alliance est de 18 ans. Même si nombre de ces étudiants dépassent les
45 ans, il n’en est pas moins vrai que l’Alliance Française accueille un grand nombre de jeunes élèves qui font
souvent leurs études dans des universités cubaines. Les tarifs extrêmement bas que propose l’Alliance à Cuba
permettent à un public très hétérogène –du point de vue de sa formation académique et de son origine
socioéconomique–d’accéder à ces cursus. D’ailleurs, l’intérêt du public de l’AF pour le français trouve bien plus
souvent ses origines dans le désir d’épanouissement intellectuel et culturel que dans des besoins concrets,
professionnels ou économiques par exemple19. De plus, l’enseignement assuré par l’Alliance ayant une réputation
d’excellence auprès des Cubains et l’offre étant malgré tout bien au-dessous de la demande, les étudiants inscrits
éprouvent généralement un fort sentiment de fierté et d’appartenance vis-à-vis de l’Institution.
L’enseignement à Cuba, même au niveau supérieur, est parfois un peu scolaire et paternaliste. Aussi les étudiants
cubains sont-ils par nature peu autonomes et considérablement attachés au professeur en tant que détenteur
absolu du savoir (pas seulement académique). Une pédagogie frontale ne leur déplaît donc pas. En revanche,
s’effacer pour favoriser leur autonomie peut s’avérer un défi pour l’enseignant qui essaie d’inscrire ses démarches
dans une perspective actionnelle. Celui-ci est alors contraint de négocier un contrat didactique lui permettant
19
Cela constitue le résultat d’une politique éducative et culturelle menée par la Révolution.
25. 25
d’habituer ses élèves à jouer un rôle actif dans leur apprentissage et dans celui de leurs camarades. Encore faut-il
que l’enseignant lui-même veuille se rapprocher de la philosophie prônée par le CECR, ce qui n’est pas toujours
le cas. Un effort est fait dans ce sens par la direction pédagogique de l’Alliance, notamment au niveau des
formations continues mises en place chaque année.
2.2- Les TIC et la Formation à distance au service de l’enseignement à Cuba
Malgré les gros efforts politiques et budgétaires réalisés par l’État cubain dans tous les niveaux de l’éducation
nationale, Cuba ne peut pas se permettre d’être au sommet dans le domaine des NTIC 20pour l’enseignement. Si
à cela on ajoute le fait que le pourcentage de foyers cubains possédant un ordinateur et une connexion Internet
reste très faible, et que le pourcentage de professionnels devant partager un même ordinateur avec plusieurs
collègues est très élevé, on comprend vite pourquoi il n’est pas rare de trouver des étudiants qui manquent
d’aisance avec l’outil informatique. L’autonomie d’apprentissage que permettent les TICE et face à laquelle,
l’étudiant cubain a des réserves, peut représenter pour lui un facteur anxiogène supplémentaire. Il ne faut pas
oublier non plus l’appréhension que ressentent certains enseignants –de surcroît lorsqu’ils sont âgés- face à ce
phénomène.
Une révision bibliographique sur Internet permet de constater que l’information portant sur la situation ou
comportement des TICE à Cuba est très éparpillée, et peu nombreuse. Il existe des articles écrits par des
spécialistes cubains faisant référence aux TICE, les NTIC et la FAD, mais ils sont très axés sur des questions
théoriques et visent plutôt la formation continue d’autres professionnels. La plupart des documents trouvés sur
la Toile (une vingtaine) n’illustrent guère la réalité cubaine au sujet des TICE, ni approfondissent pas beaucoup
dans l’histoire/ évolution des TICE et de la FOAD dans le contexte national.
2.3- État de lieux des TICE et de la FOAD à l’AFH : du présentiel enrichi au inexistant
L’Alliance consacre, depuis des années, des efforts budgétaires et logistiques non négligeables à
l’introduction des TIC en classe et à la formation continue de son équipe dans ce domaine, ce qui commence à
porter des fruits chez les jeunes professeurs récemment formés (et chez les apprenants !). Toutes les salles de
l’AFH ont presque toujours été munies d’outils audiovisuels en vogue (qui ont été modernisés sans cesse). En
2001, la médiathèque de l’Alliance offrait aux inscrits un tout petit espace multimédia (deux ordinateurs), où il
était possible d’accéder à des matériels multimédias, des ressources numérisés. En 2004, après les travaux de
rénovation qu’ont permis à l’Alliance d’agrandir ses locaux, l’espace multimédia a ensuite été agrandit (9
ordinateurs) et il continue à fonctionner. Un laboratoire multimédia a été ouvert en 2006 et deux professeurs ont
été formés en France pour la conception de fiches/ parcours pédagogiques. De la même manière, une matière
TIC et FLE fait partie depuis 2009 du curriculum du cours de formation initiale de professeurs (4 éditions). Des
20
Pour connaître davantage sur les antécédents historiques des NTIC au service de l’enseignement, sur le contexte actuel, ainsi que
sur les NTIC appliquées à l’enseignement du FLE à Cuba, veillez consulter l’ANNEXE 24.
26. 26
thèmes tels que Les dispositifs de formation, Internet pour l’enseignement et l’apprentissage du FLE, Les TICE et la perspective
actionnelle, La tâche dans le scénario pédagogique, Les logiciels pour la création de matériels pédagogiques et L’utilisation du
multimédia dans un cours de FLE y sont abordés. Les ressources de ce cours, conçu par les professeurs-formateurs
comme un dispositif présentiel allégé, sont hébergées sur une plateforme Moodle locale. Ainsi, plusieurs stages
sur les NTIC ont été proposés aux professeurs de français, et quelques enseignants ont eu des bourses en France,
pour être formés afin de pouvoir développer les projets de TICE menés par la Direction de l’Alliance. Un autre
exemple récent témoigne de la volonté manifeste de l’institution d’insérer les TICE dans les pratiques
d’enseignement-apprentissage de ses professeurs: la formation de professeurs pour une ultérieure habilitation
comme tuteurs pour des formations continues à distance ProFLE. Ce projet a été mis en place en partenariat
avec le CIEP et le CNED, une vingtaine de professeurs ont été habilités en octobre 2010 et ont assuré deux
sessions de formation avec plus de 160 enseignants de toute l’île. Le dernier signe illustrant la volonté d’insertion
des NTIC à l’AF est l’achat et installation (en 2011) d’un TBI, ainsi qu’une courte et très pratique préparation des
professeurs21 , qui a été assurée à l’Alliance de La Havane, par une enseignante colombienne de l’Alliance
française de Bogota22.
2.3.1- Volonté institutionnelle versus utilisation réelles
Comme nous l’avons vu, l’engouement de l’Alliance envers les TICE et son investissement pour être à la
hauteur des tendances pédagogiques et méthodologiques les plus actuelles sont incontestables. Néanmoins, la
mise à disposition des professeurs des ressources technologiques n’est pas directement proportionnelle à une
utilisation réelle par les enseignants. De la même manière, les stages et formations n’éliminent pas toujours
l’appréhension des enseignants envers la technologie, ni fournissent toujours les connaissances nécessaires pour
une utilisation aisée.
Dans le tableau qui apparaît ci-dessous23, nous avons essayé de synthétiser les dispositifs existants à l’Alliance, et
la part de nos enseignants utilisant actuellement les TICE dans leur pratique quotidienne, selon différentes
modalités.
21
Pour en savoir davantage consultez le mémoire de Master1 de Marill, E (2012), référencié dans la bibliographie de ce travail
22
Adriana Borrero
23
Tableau créé par l’auteure de ce mémoire (pour le dossier évaluatif de la matière TIC et FLE). Au moment de la rédaction de ce
mémoire, il n’a pas encore été soumis à la Direction de l’Alliance française pour une éventuelle validation ou l’approbation de sa
diffusion.
27. 27
Dispositifs intégrant les TICE Pourcentage
Présentiel conventionnel : cours 100% présentiels => salle de classe, professeur,
apprenants, méthodes (pas d’utilisation de TICE, même si elles sont dans les salles de
classe, à la disposition des enseignants).
2%
Présentiel enrichi : cours 100% en présentiel, dans de salle de classe => méthode,
utilisation des TICE : télé, vidéo, appareil DVD, magnétophone, présentations power
point, tableau blanc interactif (ce dernier introduit depuis mars 2011, encore très peu
utilisé par les enseignants).
95%
Présentiel augmenté : en présentiel, mais mise à la disposition de ressources (envoi par
courriel, références médiathèque, petits parcours balisés) et demande de travaux
supplémentaires de révision des contenus/ thèmes abordés en salle de classe
(personnalisés ou pas) évalués lors de séances en présentiel.
Cela correspond à une initiative personnelle/ ponctuelle de certains professeurs. Ce
dispositif n’a pas été explicitement favorisé par la Direction de l’Alliance et aucun stage
ou formation n’ont été offerts pour donner aux enseignants des pistes concrètes pour
la mise en œuvre efficace de ce dispositif.
*Le pourcentage indiqué (30%) correspond, plutôt qu’à ce qui est décrit ici comme
présentiel augmenté, à une adaptation que font les professeurs d’un Présentiel allégé
proposé/ existant à l’Alliance.
30%*
Présentiel allégé : 90% des cours en présentiel, mais certains remplacés en amont ou en
aval les cours présentiels par « des modules d’autoformation » au Laboratoire
multimédia, ou ailleurs (à la médiathèque, par la voie du courriel).
Le travail réalisé par les tuteurs du laboratoire (plus de 50 fiches pédagogiques)
permettrait la mise en œuvre réelle, effective et simple de ce dispositif. Cependant les
habitudes d’enseignement ne permettent pas aux professeurs de remplacer certains
cours/ leçons/ module en présentiel par le travail orienté en autoformation. La plupart
de professeurs, parmi ceux qui amènent leurs groupes au laboratoire multimédia, le
font pour réviser, systématiser des contenus (Présentiel augmenté). D’ailleurs, le matériel
existant à la médiathèque permettrait également une mise en œuvre efficace d’un
présentiel allégé, mais il faut admettre que cela impliquerait un travail supplémentaire
de balisage de la part des professeurs, et des compétences qu’ils n’ont peut-être pas.
Le cours de TICE et FLE compris dans la formation initiale de professeurs de FLE
(déjà décris plus haut), assuré par trois formateurs-tuteurs, confirmerait la présence à
l’Alliance française de La Havane du dispositif présentiel allégé.
6%
Présentiel réduit : Des cours en ligne sur plateforme Moodle, Niveau A1 du CECR pour
les langues, tutorat asynchrone, présentiel en proportion 1/3. Les deux premiers
éditions ont ouvert avec deux groupes, 40 inscrits par groupes la première fois, 30 par
groupe la 2e. La 3e édition de ce cours a fonctionné avec trois groupes de 25
apprenants.
Formation continue ProFLE pour des professeurs ayant deux modalités: cours en ligne
hébergé sur la plateforme Blackboard, tutorat asynchrone, présentiel quasi inexistant (2
séances de regroupement en présentiel, 5 mois de formation). Malheureusement,
certains professeurs-tuteurs ont évité d’utiliser la plateforme (surtout pendant la
deuxième édition de la formation), se servant uniquement d’un système de messagerie
(prétextant des problèmes de connectivité), ce qui a limité les interactions, appauvri les
réflexions collectives et empêché la mutualisation de nouveaux matériels pédagogiques
créés.
3%
28. 28
Une autre modalité, sans plateforme, n’utilisant que le courriel électronique a été mise
en œuvre pour les professeurs-stagiaires de province.
Présentiel inexistant. => La médiathèque met à disposition des apprenants (inscrits ou
non à l’Alliance française de La Havane) les outils nécessaires pour (continuer à)
étudier le français sans suivre un cours officiellement : multimédias, télé, vidéos, CD,
livres, DVD, journaux, magazines, dictionnaires, manuels de français de tous les
niveaux, matériels pour la préparation aux examens internationaux.
Certains (ex)apprenants de français entreprennent une auto-préparation pour les
examens internationaux. Le nombre de personnes qui osent s’impliquer dans une
autoformation est très restreint, l’Alliance/ médiathèque ne disposant pas de guides
d‘étude, de parcours balisés, ni d’aucune suivi humain pour une formation de la sorte.
Je suis de l’avis que l’Alliance française et quelques professeurs ayant une formation
comme tuteurs sont déjà en mesure de proposer un service d’encadrement pour
satisfaire les besoins particuliers de ce public.
2%
Figure 0-1: Dispositifs de formation existant à l’Alliance : pourcentage d’intégration des TICE
2.3.2- Besoin de mettre à distance l’enseignement : implémentation de dispositifs hybrides
Comme on l’a déjà vu, il y a une demande croissante de personnes voulant apprendre le français à La
Havane et dans le reste des provinces du pays. L’AF, au moyen de ses cours présentiels ne peut pas satisfaire
complètement cette demande, n’oublions pas qu’elle n’a que le siège de La Havane et celui de Santiago. Mettre en
œuvre des pratiques d’enseignement apprenant aux étudiants à apprendre en autonomie, ainsi que mettre à
distance la formation situe l’AF à un bon échelon au niveau international du développement des TICE et de la
FOAD. Mais le développement des ces pratiques et l’implémentation de dispositifs d’enseignement incorporant
la distance ne servent pas seulement à augmenter le prestige de cette institution et la fierté des directeurs et des
professeurs, cela permettrait à l’Alliance de pallier son déficit d’espace d’accueil et de professeurs. Parmi ces
différents dispositifs, regardons de plus près deux des plus importants en termes de budget, de durabilité, de
nombre d’acteurs impliqués ainsi qu’en termes de renouvellement des pratiques pédagogiques et des conceptions
théoriques sur l’enseignement-apprentissage.
Le Laboratoire multimédia 24
Le cours de FLE à distance
Le cours est disponible en ligne sur une plateforme Moodle hébergée par le serveur du Ministère de l’éducation
cubain. Il est constitué par un ensemble de ressources pédagogiques multimédia : matériels audio et audiovisuels,
diaporamas et fichiers Flash explicatifs, exercices autocorrectifs Hot Potatoes. Il est aussi équipé d’outil pour les
interactions : des forums et un système de messagerie. De plus, dans ce cours en ligne se voulant actionnel,
chaque leçon est organisée de façon à aboutir à la réalisation de tâches écrites et orales.
Le dispositif FOAD dont ce cours est le noyau conçoit la progression de l’apprenant selon trois types
d’interactions humaines : d’abord un professeur-tuteur qui assure un tutorat à distance sur le site (correction et
évaluation des devoirs et des tâches, gestion des interactions en ligne entre les apprenants, orientation
24
Pour en savoir d’avantage, veuillez consulter l’Annexe 26
29. 29
méthodologique et aide technique) ; ensuite, des séances de regroupement en présentiel pilotées par ce même
enseignant-tuteur; enfin, une configuration de la participation qui prévoit la réalisation de certaines tâches du
cours en binôme. À la fin du cours les étudiants qui réussissent ont le droit de passer l’examen DELF A1 du
CECR et ils ont la possibilité de continuer leurs études à l’AF. Ce cours de FLE à distance permettrait de
redonner une place importante au français dans le système éducatif cubain, tel que le désiraient les acteurs de
diffusion du français à Cuba et le gouvernement cubain.
Bref feedback des premières expériences
Lors des tests avec les 7 premiers groupes témoins, un taux élevé d’abandon a été constaté. Des apprenants
questionnés à ce propos (1ère édition du cours)25 disent trouver les causes à ce phénomène dans le manque de
temps, l’accès limité à Internet et le débit de connexion très faible. Les tuteurs26 se sont aperçus que le nombre
d’exercices autocorrectifs27 provoquait une surcharge de travail considérable chez les apprenants, surtout si l’on
le compare avec des cours en présentiel. De plus, l’accès au cours nécessite un environnement technologique
complexe : un ordinateur et une connexion Internet, bien sûr, mais aussi des écouteurs et un micro, puis des
logiciels exigeant une installation personnalisée. Les apprenants, qu’on ne met pas suffisamment en garde à ce
sujet pendant leur inscription, découvrent en avançant dans le cours qu’ils doivent prévoir et gérer ces aspects
techniques. Cette difficulté supplémentaire s’ajoutant à l’apprentissage serait aussi à l’origine du découragement
ressenti par les apprenants et les tuteurs.
Suite à des entretiens avec les tuteurs28, on a remarqué d’autres facteurs qui occasionneraient également ces
abandons. En effet, la culture d’apprentissage des apprenants cubains exige de la part du tuteur un effort
redoublé de tutorat proactif afin de pallier leur sentiment d’isolement et leur manque d’autonomie. Or, ceci
n’est pas toujours le cas, certainement à cause de problèmes de connexion des tuteurs, de la surcharge de
travail des tuteurs par ailleurs, du manque de formation spécifique et d’une compensation économique
insuffisante. Le calendrier du cours plutôt intensif et la progression pédagogique accéléré est aussi ce qui
amène à une contradiction, car ce cours est offert à des gens qui n’ont pas le temps d’aller au cours de l’AF,
et qui ont en réalité encore moins de temps pour travailler en ligne. On aboutit à un blocage du dispositif.
Ce cours vient de finir sa troisième édition à l’AFH, avec l’incorporation d’un troisième groupe et d’un
troisième tuteur, et une première édition a été mise en œuvre dans quelques provinces. Plusieurs
changements ont été faits, les résultats continuent à être plus au moins les mêmes : démotivations des
apprenants, des tuteurs et de l’administration de l’AFH, un rythme trop accéléré, un taux d’abandons élevé,
peu de contributions sur la plateforme. Actuellement, l’Alliance a ouvert une quatrième édition au mois
d’Octobre (2012), avec un seul groupe. Le fait d’étaler le cours sur une période plus longue le rendra plus
25
Pour en savoir davantage sur la première expérience, consultez le mémoire professionnel (Master 2) de Bérangère Jourdain
(2011), référencié dans la bibliographie de ce travail.
26
L’auteur de ce mémoire a été une de tutrices des trois éditions de ce cours à distance, à La Havane.
27
Cela a été corrigé à partir de la 2
e
édition du cours, par deux professeurs-concepteurs (Emilio Marill et Raquel Pollo).
28
Lire note numéro 21, de bas de page
30. 30
réalisable pour les apprenants et moins stressant pour le (seul) tuteur à charge. Si la demande d’inscription
n’a jamais constitué un problème, le recrutement de professeurs devient chaque fois plus difficile, ce qu’il
serait judicieux d’analyser de plus près.
2.3.3-Le projet national de FOAD : brève description historique de l’expérience
Depuis 2007, l’AF en partenariat avec plusieurs ministères cubains29 a commencé la création et puis la mise
en place d’un projet national TICE et FOAD. Il s’agissait d’un dispositif d’enseignement hybride, à savoir, un
réseau national de 12 centres de ressources multimédia pour l’apprentissage du français à distance, avec un
accompagnement partiel d’un enseignant-tuteur. Ce projet d’enseignement-apprentissage du FLE en autonomie
permettrait d’atteindre le niveau A1 du CECR à des étudiants des provinces cubaines où le FLE n’est pas
enseigné. Le dispositif conjuguait d’importantes ressources humaines –des responsables cubains et français de
projet, une équipe de concepteurs, des professeurs-tuteurs dans chaque centre de province, mais également des
formateurs français– et des ressources matérielles et technologiques non négligeables – un cours en ligne conçu à
L’AFH et mis en ligne sur place. Pour ce projet FOAD, c’est le Ministère de l’Éducation – sous les sigles de
MINED - qui donne l’accès à Internet à l’AF et aux centres de ressources qui sont dans le projet30.
Chaque centre de ressource serait équipé de trois ordinateurs reliés à un serveur local, connectés à Internet pour
accéder au cours en ligne, une imprimante, de nombreux matériels multimédia, des CD et DVD. Le cours allait
se dérouler sur une année scolaire et un nombre de séances en présentiel (26 heures sur les 80 définies par le
CECR pour le A1) serait assuré par un tuteur local, le reste du temps devait être accordé au travail individuel,
réalisé en autonomie par les étudiants inscrits. Mais l’étudiant ne travaillerait pas complètement isolé car sa
progression serait appuyée par trois types d’interaction (pédagogique) humaine : avec le tuteur du centre à
distance, sur la plateforme et pendant les séances présentielles, et les interactions avec les autres étudiants. Ce
serait aussi à ce tuteur assurant le suivi en présentiel et en distanciel d’assurer également l’évaluation de l’étudiant
à distance par le biais de la plateforme Moodle. La méthode papier qui compléterait le cours en ligne serait Tout
Va Bien ! 1.
Alors, l’AF a organisé la formation des futurs concepteurs et ceux qui seraient les tuteurs du cours en ligne, ce
cours étant le pilier central du dispositif. Mais la formation a été plus utile aux concepteurs car plus centrée sur la
manipulation pratique de la plateforme et la conception de matériels pédagogiques insérables sur la plateforme
que sur les pratiques tutorales/ les techniques d’encadrement et de suivi en distanciel-présentiel. Au niveau de la
conception, chaque concepteur (3) s’est occupé de sa rubrique, et un concepteur-responsable a été chargé
d’insérer le matériel pédagogique sur la plateforme, il n’y a pas eu de travail collaboratif. D’autre part, l’avis des
futurs tuteurs n’a pas été tenu en compte dans le processus de conception du matériel pédagogique. Même celui
29
Le Ministère de l’éducation (MINED), le Ministère de l’éducation supérieure (MES) et le Ministère de l’investissement étranger et
de la coopération (MINVEC).
30
Pour en savoir plus sur l’accès à Internet à Cuba, les caractéristiques de la connexion, et le service offert par le MINED au projet,
consultez le mémoire de Bérangère Jourdain (2010), (pages 28-30) qui est référencié sur la Bibliographie.