1. Joëlle André-Vert Service Bonnes pratiques professionelles [email_address] Rééducation après chirurgie des ruptures de coiffe : ambulatoire ou soins de suite et de réadaptation? Analyse des données médico-administratives dans le cadre de l’élaboration de recommandations professionnelles
Bonjour, Je vais vous présenter l’analyse des données médico-administratives qui a été menée dans le cadre de l’élaboration de recommandations professionnelles au sein de la Haute Autorité de Santé. Cette analyse devait permettre d’apporter certains éléments de réponse à la question suivante : après une intervention chirurgicale pour ruptures de coiffe des rotateurs de l’épaule, faut-il orienter le patient vers une rééducation ambulatoire ou vers un service de soins de suite et de réadaptation ?
La méthode d’élaboration de recommandations pour la pratique clinique repose, d’une part, sur l’analyse et la synthèse critiques de la littérature médicale disponible, et, d’autre part, sur l’avis d’un groupe multidisciplinaire de professionnels, concernés par le thème. A l’issue de la revue systématique de la littérature, on a pu constater que : aucune des modalités d’organisation de la rééducation n’a fait la preuve de sa supériorité. les critères d’orientation du patient en ambulatoire ou en SSR n’ont été décrits dans aucune étude. aucune étude clinique n’a évalué les risques et les complications rencontrés au cours de la prise en charge en fonction des modalités d’organisation de la rééducation. C’est sur cette question de la sécurité des soins que les professionnels n’avaient pu obtenir de consensus dans le cadre du travail réalisé en 2006 par la HAS. Du fait de l’hétérogénéité des pratiques constatée au cours du consensus formalisé de 2006 et des réponses incomplètes apportées par la littérature, le groupe de travail ayant en charge l’élaboration de ces recommandations s‘est appuyé parallèlement à la revue systématique de la littérature sur une analyse des données médico-administratives françaises disponibles sur laquelle devait s’appuyer une analyse économique ultérieure.
Après cette présentation du contexte, centrons nous sur l’analyse des données médico-administratives Les objectifs de cette analyse sont doubles : 1. décrire : - la population opérée d’une rupture de coiffe des rotateurs sur les trois dernières années en France ; - le parcours du patient du service de chirurgie à la rééducation ambulatoire en passant éventuellement par le SSR ; - les activités de rééducation proposées en ambulatoire et en SSR. 2. identifier d’éventuelles caractéristiques pour lesquelles le taux de transfert en SSR est supérieur au taux moyen de transfert. Ces caractéristiques, (démographiques, structurelles, médicales, chirurgicales ou de rééducation) pourraient contribuer à la définition de critères d’orientation du patient.
Les données médico-administratives hospitalières sont collectées par l’Agence technique de l’information hospitalière (ATIH) grâce au programme médicalisé des systèmes d’information (PMSI-MCO et PMSI-SSR). Les données ambulatoires sont elles collectées par le système d’information des régimes d’assurance maladie (SNIRAM) géré par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS). Après un premier contact avec ces organismes, les critères d’inclusion des dossiers ont été définis comme suit : Patient de plus de 15 ans Ayant effectué un séjour en chirurgie au cours duquel un des 34 actes relatifs à la chirurgie pour rupture de coiffe de l’épaule était codé entre le 1 er Janvier 2004 et le 31 Décembre 2005. En effet, seules 2 années ont pu être exploitées : les données de 2006 n’étaient pas disponibles au début de ce projet et les années 2003 et 2004 ne peuvent être chaînées entre elles, du fait d’un nouveau procédé de cryptage des numéros d’anonymat. A partir des dossiers extraits de la base du PMSI-MCO, l’ATIH a cherché si un séjour avait eu lieu en SSR dans les 14 jours suivants la date de sortie de chirurgie, et ce grâce au chaînage des dossiers par le numéro anonyme du patient Ensuite, on souhaitait voir si les patients opérés avaient bénéficié du remboursement d’actes de rééducation ambulatoire à l’issue de leurs séjours hospitaliers.
88915 séjours en chirurgie avec au moins un acte de chirurgie des ruptures de coiffe ont été identifiés en 2004 et 2005 soit un peu moins 45000 séjours par an. La population opérée se répartit équitablement entre hommes et femmes; c’est une population en âge d’être active Les codages des actes permettent dans une certaine mesure de distinguer les actes simples que sont les acromioplasties des actes plus complexes (réinsertions de plusieurs tendon, ténodèse du long biceps associée). Plus de 1000 codes différents étaient représentés dans le diagnostics associés (tous < 6% de la population totale)
On constate que les parcours sont très divers : Le parcours le plus fréquent : 3,7 jours en chirurgie puis domicile : 85% des patients Le second parcours :qui concerne 8% des patients : 6,1 j en chirurgie plutôt en établissement privé puis transfert plutôt en secteur public pour une finalité principale de prise en charge relative à la poursuite de la rééducation, dans 87% des cas en hospitalisation complète
La rééducation en SSR est diversifiée, 85% des patients ont 2 d’activités différentes de rééducation ou plus, représentant 1 heure de rééducation individuelle avec un thérapeute. Aucune donnée ambulatoire n’a pu être transmise par la CNAM ; rappelons juste que la nomenclature générale des actes professionnels fixe la durée d’une séance de kinésithérapie à 30 minutes par jour.
Les caractéristiques associées à un taux de transfert en SSR supérieur au taux moyen sont nombreuses. Les patients opérés dans le secteur public sont plus fréquemment transférés en SSR que ceux opérés dans le secteur privé (11,7% [11,5 ; 12,0]) L’âge des patients hospitalisés en SSR est légèrement supérieur à celui de la population opérée, en particulier pour les femmes ( tableau 3 ). Ces dernières sont plus fréquemment transférées que les hommes (femme : 13,4% [13,1 ; 13,7] ; homme : 10,9 % [10,6 ; 11,2]). 5 actes opératoires entraînent des hospitalisations plus fréquentes en SSR; il s’agit d’actes complexes, essentiellement par abord direct En dehors des interventions chirurgicales pour séquelles d’une lésion traumatique de muscles et tendons de membre supérieur où près d’un patient sur 2 est transféré en SSR (49,4 % [39,1 ; 59,8]), aucun diagnostic principal n’est associé à un taux de transfert très élevé puisqu’au maximum un patient sur 5 est transféré s’il présente l’un de ces facteurs Les comorbidités associées à un taux de transfert en SSR supérieur au taux moyen sont nombreuses et très hétérogènes. Celles qui sont associées aux quatre taux de transfert les plus élevés sont les paraplégies (63,6 % [43,5 ; 83,7], n=22), les tétraplégies (50 %, n=[35,2 ; 64,8], n=44), les antécédents de tumeur maligne du sein (27,9 % [20,8 ; 35,0]) et les épisodes dépressifs (24,8% [20,0 ; 29,7]). La polyarthrite rhumatoïde (13,5 % [8,3 ; 18,6], n=171) ou l’obésité (11,0 % [10,1 ; 11,9], n=4357) ne sont pas un facteur de transfert en SSR plus élevé, les capsulites rétractiles et autres raideurs de l’épaule non plus. (Réparation de la coiffe des rotateurs de l'épaule par autoplastie et/ou matériel prothétique, par abord direct (MJMA0030) 28,0% [26,6 ; 29,3] Réinsertion et/ou suture de plusieurs tendons de la coiffe des rotateurs de l'épaule, par abord direct (MJEA0060)126972326 18,3% [17,6 ; 19,0] + les interventions étendues au-delà de la coiffe (ténodèse du long biceps) ou des réparations complexes de plusieurs tendons sous arthroscopie)
Bien que l’objectif initial du PMSI soit médico-économique, le PMSI peut être utilisé dans le cadre de l’épidémiologie descriptive, sous réserve que l’acte nécessite une hospitalisation, ce qui est le cas de la chirurgie des ruptures de coiffe. La première limite de ce type d’étude est alors la non exhaustivité du codage. L’exhaustivité du codage serait supérieure à 99% dès lors qu’un acte classant est utilisé dans la tarification ce qui est le cas des actes chirurgicaux. La non exhaustivité de transmission en SSR n’interfère pas avec notre étude puisque les établissements concernés sont les hôpitaux locaux et les centres de convalescence, établissements où ne sont pas transférés les patients après chirurgie de l’épaule. Les erreurs de chaînage ne peuvent être négligés ; dans cette étude qui est la première à avoir chaîné les bases MCO et SSR du PMSI, 1,4% d’erreurs de codage ont été repérées. Les données transmises par l’ATIH étant des données agrégées par actes ou diagnostics et non des données individuelles par patient, il n’a pas été possible d’envisager une analyse multivariée. Celle-ci aurait permis de mieux définir le poids de chacune des variables caractérisant un profil de patient transféré en SSR. Seules des comparaisons univariées ont été réalisées, pouvant introduire un risque de biais de confusion. Enfin, les actes de rééducation ambulatoire étant codés selon la NGAP, plusieurs actes peuvent figurer sous un même code (ex : « rééducation du genou » et « rééducation de l’épaule » sont codés tous deux AMS 7). Les données ambulatoires n’ont donc pas pu être exploitées.