1. Regnabit. Revue universelle du Sacré-Coeur. 1922/02.
1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la
BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 :
*La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source.
*La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits
élaborés ou de fourniture de service.
Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence
2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques.
3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit :
*des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés sauf dans le cadre de la copie privée sans
l'autorisation préalable du titulaire des droits.
*des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source Gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation.
4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code la propriété intellectuelle.
5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue par un autre pays, il appartient à chaque utilisateur
de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays.
6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non
respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978.
7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisation@bnf.fr.
2. 1" ANNÉE - N°9 FÉVRIER 1322
EN FAMILLE
Amis,
Agréez mes excuses :
Je ne puis pas.
Je ne puis pas tenir ma résolution de décembre.
J'avais dit : « Nous cesserons de publier les lettres qui nous
parviennent, très encourageantes toujours ».
Je ne puis pas :
Elles sont trop belles.
*
Que de mains affectueuses se tendent vers Regnabit :
Pour le recevoir ;
Pour le bénir.
Evêché d'Aire et de Dax
Dax, le 8 décembre 1921.
MON CHERET RÉVÉREND PÈRE,
Une de mes anciennes diocésaines de la Martinique, à Fort de
France, où j'ai été évêque pendant 12 ans, m'avait écrit déjà pour
me dire son enthousiasme à la lecture de votre Revue, et me la signaler
comme très intéressante. -
Le nom même de la Revue, « Regnabit » exprime un sentiment
d'espoir, et est, pour ainsi dire, un signe de triomphe. Il nous révèle
une des prédictions du Sacré-Coeur : Je régnerai malgré mes ennemis.
Pour aider à l'avènement du règne du Sacré-Coeur dans le monde
vous avez fondé cette revue qui nous apparaît comme une tribune
sacrée, ouverte aux prêtres et aux pieux laïques, et où tous peuvent
apporter des nouvelles du règne du Sacré-Coeur en France et dans les
nations les plus lointaines.
3. En famille 242
Les articles que vous donnez sous le titre : « les idées » renferment
tout un programme de questions théologiques, historiques, liturgiques,
scientifiques et de patristique, relativement à la dévotion au Sacré-
Coeur et au règne du Sacré-Coeur.
Je ne peux que vous féliciter, prier le Sacré-Coeur de vous bénir
tout particulièrement et de donner à votre Revue vie, prospérité et
succès pour la gloire de Dieu et la sanctification des âmes.
Je vous prie, mon Cher et Révérend Père, d'agréer mes religieux
hommages et mes sentiments tout dévoués en N.-S.
MARIE-CHARLES CORMONT,
DE
Ëvêque d'Aire et de Dax.
Lettre d'un vénérable Archiprêtre.
MONSIEUR L'ABBÉ,
J'ai reçu en communication le'6e n° de votre Revue « Regnabit ».
que j'ai lu avec un vif intérêt.
Après cette lecture, si variée et fertile en pieux enseignements,
il me semble que je faillirais à mon dsvoir de prêtre, apôtre du Sacré-
Coeur, si ne je vous apportais pas, avec la promesse de mes humbles
prières, le modeste tribut de ma religieuse admiration et de mes voeux
les plus ardents pour la plus grande extension de cette Revue, belle
et évangélique que vous dirigez avec un zèle et une compétence si
remarquables, en l'honneur et à la suprême gloire du Coeur adorable
de Jésus, notre divin maître.
je me dis respectueusement votre tout dévoué dans le coeur
. de Jésus.
POLI, curé archiprêtre.
Sartène, le 7 décembre 1921.
Lettre de Monsieur le Chanoine Maucotel, Supérieur du
Grand Séminaire de Verdun.
Je lis la Revue avec le plus grand intérêt et je constate avec un
grand plaisir qu'elle est variée et devient de plus en plus intéressante.
Il faut qu'elle soit la vraie Lumière de tous ceux qui veulent parler
du SacrérCoeur et propager sa dévotion, et faire l'union de tous les
vrais chrétiens et leur donner à tous espérance et réconfort en face
des ennemis du christianisme, qui d'une extrémité du monde à l'autre
sont unis dans un même plan de destruction méthodique, étudiée et
persévérante, de l'Église du Christ.
Lettre d'un Aumônier :
Permettez-moi de vous exprimer la vive satisfaction que j'éprouve
chaque fois que je reçois cette Revue mensuelle : je vous avoue fran-
chement que je m'en donne à coeur joie en la parcourant, et que je
n'ai pas encore vu de Revue plus pratique que celle-là ! Je la trouve
« universelle », une vraie mine d'or pour tout apôtre du S.-C. qui
désire approfondir cette belle et fondamentale dévotion. — J'espère
que j'aurai le plaisir de m'y abonner pendant de longues années.
4. 243 En fam|lle
Je fais de fréquentes conférences sur le S.-C. à nos Religieuses
et la « chère Revue » vient à propos pour le prédicateur. Encore une
fois, c'est un vrai délice pour moi de la recevoir chaque mois.
D'une Religieuse :
Tout me plait en Regnabit : son titre, sa couleur, son format, ses
gravures, son plan si simple et si vaste, sa belle tenue littéraire. Mais
que dire de sa doctrine ! Puisée aux sources les plus pures de la théo-
logie, de la sainte liturgie,etc, — est exposée par— apôtres au coeur
elle des
de feu dont la seule ambition on le sent bien est de faire aimer
davantage le Sacré-Coeur. Ils y réussissent. A ce foyer de lumière et
d'amour qu'est Regnabit, il est impossible de ne pas sentir son coeur
s'embraser pour Jésus, impossible de ne pas éprouver un redoublement
de zèle pour le faire connaître et aimer autour de soi, impossible de ne
pas prendre la résolution de parler de la Revue à tous ceux qui peuvent
s'y abonner et s'y dévouer. On voudrait être riche pour la soutenir et
la propager à ses frais, avoir de l'influence pour la faire pénétrer dans
tous les foyers. Du moins après avoir fait matériellement tout ce qu'il
est possible de faire — même si ce tout se réduisait à fort peu de chose,
il reste un grand moyen d'action : la prière, le sacrifice, le travail,
avec l'invocation cent fois répétée : « Coeur Sacré de Jésus, que votre
Règne arrive ! »
Voilà, bien résumé et bien mal dit, ce que je pense de Regnabit
et ce qu'en pense notre Mère qui me charge d'être son interprête
auprès de vous. J'ajoute que cette lecture m'est devenue tellement
nécessaire que m'en passer maintenant serait un dur sacrifice. Heu-
reusement nous n'en sommes pas là. — Toute la Communauté prie
pour vous. Chacune a son jour désigné pour cela. Le mien tombe un
jeudi ; j'en suis heureuse : c'est le jour consacré à la sainte Eucharistie
D'un Monastère de la Visitation :
Regnabit ! nous l'aimons chaque jour davantage, nous ne saurions
plus nous en passer, c'est une nouvelle fête chaque fois qu'il apparaît.
Tout est lu: depuis la première ligne jusqu'à la dernière de la Revue
des Revues, il y a des trésors cachés partout ; puis les grands, beaux
articles sérieux sont relus et médités, et souvent aussi les délicieuses
pages de vieux français avec leur charme naïf si prenant, leurs com-
mentaires si intéressants. Ah ! mon Père, il faut être loin de la patrie
comme quelques-unes d'entre nous, privées depuis plusieurs années
de nourriture substantielle et ...actuelle ? pour l'âme et l'esprit, pour
comprendre le bien que nous fait Regnabit et la reconnaissance émue que
nous éprouvons envers celui qui nous l'envoie.
Vous demandez des prières, des sacrifices, mon Révérend Père ;
chacune a licence d'en faire autant qu'elle veut pour votre si belle
oeuvre et la Ste Communion générale de tous les vendredis sera offerte
désormais pour répondre à votre appel, pour que Regnabit soit vrai-
ment la Revue universelle, lue, goûtée, aimée dans tout l'univers ;
pour implorer les bénédictions les plus abondantes du Divin Coeur
sur le Vénéré Secrétaire Général et ses collaborateurs.
5. En famille 244
D'un bon foyer chrétien :
Nous aimons Regnabit. Nous sommes trop petits et trop pauvres
pour oser porter sur une pareille Revue, le moindre jugement. Nous
ne savons que l'admirer, l'aimer, vouloir son extension partout afin
que partout le Sacré-Coeur soit enfin connu, aimé.
Nous prions, nous offrons les petits ennuis, les grosses peines
pour le succès de cette publication qui nous tient au coeur comme si
elle était nôtre, et plus encore.
Près du berceau de l'Enfant Divin, tandis que nous dirons nos
voeux au petit Jésus..., dans un Adveniat très tendre et très fort,
unissant nos accents à ceux de « Béthanie », aux vôtres, mon Père,
nous ajouterons tout bas, en nous pressant plus fort encore contre
son Coeur... Adveniat regnum tuum par Regnabit.
Il me semble que le petit Jésus dira oui.
Impossible de tout citer. Terminons par cette lettre tou-
chante.
Laissez-moi vous dire toute mon admiration profonde pour l'oeuvre
magnifique que vous avez entreprise, dans le but de faire connaître
et aimer et surtout régner le Sacré-Coeur !
Oh ! comme vous avez deviné juste et compris la soif des âmes
après une telle Revue !
je bénis Dieu de me l'avoir fait connaître par une sainte amie
madame A***, l'ange et l'édification de notre paroisse, une âme-
apôtre, s'il en est, et dont le zèle contribuera puissamment à répandre
votre Regnabit si consolant et si beau.
Je n'ai malheureusement ni la fortune, ni le pouvoir d'action de
madame A***. Je suis une réfugiée belge que des revers et des malheurs
épouvantables ont éprouvée de mille manières et ont rangée parmi
les effacés et les souffrants. Mais le Bon Dieu m'a donné un grand
attrait vers la prière et la résignation dans tous mes maux. C'est le
seul don que je puis faire à a Regnabit» et je viens humblement vous
l'offrir. J'entendrai tous les jours, à partir de demain une Sté Messe
et je ferai trois Communions par semaine pour la glorification du Divin
Coeur par « Regnabit ».
Je me priverai dans mes dépenses déjà bien restreintes pour, en
plus de mon abonnement personnel, en fournir un à un Missionnaire.
Si le Sacré-Coeur me permet de trouver quelque travail (leçon ou
autre) je partagerai de si grand coeur avec « Regnabit ».
Je m'emploierai de toute mon âme à faire connaître « Regnabit »
et j'inculquerai le même zèle à mes trois enfants. Combien je voudrais
: que nous puissions, mes enfants et moi, être du nombre de ces toutes
petites âmes dont parle le R. P. Mathéo dont Notre-Seigneur veut
bien se servir pour le faire connaître autour d'elles ! J'aurai l'avantage
de vous faire une liste des prêtres, religieux et religieuses et des dames
d'oeuvres que je connais.
Enfin je demanderai le plus que je pourrai des prières et des
sacrifices pour le succès de votre OEuvre, à mes enfants,-à mes amies
et connaissances.
N'avais-je pas le devoir de dire en commençant : que de
mains affectueuses se tendent pour bénir Regnabit !
6. 245 En famille
J'ajoute : Et combien se tendraient pour le défendre ! Un
ardent ami de Regnabit — un ami de la première heure — s'est
indigné qu'on ait osé dire : « Chère Revue ; mais Revue chère ».
— Oui, 20 francs, c'est un chiffre pour le pauvre budget d'un
curé de campagne, d'une maison de religieuses; d'un professeur, et
de beaucoup d'autres de la vie civile — c'est entendu —
Mais comparée aux autres Revues françaises, et à cause des néces-
sités de son programme, non, Regnabit n'est pas une revue chère.
Certes, Regnabit a j'en suis sûr, un éditeur aussi accommodant
que possible, mais il faut tout de même qu'il paie son papier, son encre
et ses typos, et c'est cela qui est cher.
il faut aussi que sa Direction fasse les frais sérieux que demande
la rédaction d'un organe qui correspond déjà d'un bout du monde à
l'autre !
Je connais une revue d'histoire qui n'est que trimestrielle et paraît
sous 80 ou 100 pages — Son directeur depuis la guerre a dû porter l'abon-
nement de 12 à 15 frs. A ce prix il n'y perd plus mais n'y gagne rien.
Or Regnabit est mensuel, son dernier numéro portait 144 pages et des
illustrations qu'il veut augmenter parce que son accroissement en *
perfection et en beauté, est une nécessité imposée par le but même
qu'il poursuit.
En ces conditions, non ! Regnabit à 20 frs n'est pas une revue
chère, tous les publicistes qui la lisent ne peuvent qu'être absolument
de mon avis.
Elle l'est si peu qu'ils estimeront avec moi que le seul moyen
qu'elle a de pouvoir vivre à ce prix, c'est de voir ses abonnés augmenter
le plus rapidement possible et c'est un devoir pour tous ses amis de
l'y aider.
*
* *
Il est peu intéressant de parler de gros sous. Mais si les
amis de Regnabit entendent redire cette invraisemblable « ob-
jection », je les prie d'y répondre.
Le Démon ne peut tout de même pas ne pas combattre
Regnabit. Des raisons valables, il n'en saurait trouver. Il en pré-
sentera de stupides. Protégez contre lui les esprits inattentifs.
*
* *
L'exacte vérité, qu'il faut dire, la voici.
Regnabit compte aujourd'hui un peu plus de mille abonnés.
Ce chiffre dépasse toutes les prévisions. Et les amis de Regnabit
se feront un devoir d'en remercier le Sacré-Coeur. Mais pour
que Regnabit vive de ses abonnements en gardant son prix ac-
tuel, il en faut trois fois plus.
Jamais Regnabit ne rétrécira-son programme. Ce programme,
immense comme le sujet dont il traite, Regnabit entend le réa-
liser en plénitude et en splendeur. Et c'est pour cela, Amis, que
vous l'aimez.
7. En famille 246
Je vous dis nettement ceci : Pour que Regnabit remplisse
parfaitement sa mission, en maintenant son prix actuel, il lui
faut trois fois plus d'abonnés encore.
A l'oeuvre donc !
Il est pourtant un procédé de propagande, employé déjà,
qui n'est pas à conseiller.
Pour faire connaître la Revue, plusieurs abonnés ont prêté
— et perdu — leurs exemplaires personnels.
C'est trop de désintéressement. Dans quelques années, la
collection complète de Regnabit aura une valeur inestimable. Il
sera impossible alors de compléter votre collection. Aujourd'hui,
nous le pourrions encore. S'il vous manque déjà quelques nu-
méros, demandez-les nous. Mais, désormais, ne donnez plus, ne
prêtez plus vos exemplaires de Regnabit. Pour la propagande,
qu'il faut continuer intense, demandez-nous des spécimens. Et
gardez, jalousement, votre : collection.
*
* *
L'un des avantages *de cette Collection de Regnabit, ce sera
de « grouper » les documents qui, disséminés partout, sont pra-
tiquement introuvables.
Un autre, ce sera de les « conserver ».
Il en a tant péri, déjà !
« Dans la nuit du 27 au 28 juin 1921 la foudre tombait sur
le clocher de l'église de Luché, au département de la Sarthe, et
allumait un incendie qui détruisit complètement la partie haute
de la tour ainsi que la nef de l'église.
« Heureusement, à peine un mois avant le désastre, le 30
mai, la Société historique et archéologique du Maine avait visité
l'église de Luché. La disparition partielle d'un monument qui
était intéressant à divers points de vue suggéra à M. Robert
Trigef l'idée d'écrire une notice sur l'église de Luché. On y lit
ce passage fort intéressant pour nous :
« A défaut de plus grand mérite architectural, cette nef de
Luché offrait enC 1, une chaire en pierre de la fin du XVIe siècle,
très curieuse à certains égards. Portée sur un cul de lampe for-
mé de plusieurs tores, en retrait les uns sur les autres, la tribune
avait sa face extérieure ornée de la corde franciscaine et de
blasons,-alternés avec le monogramme I H S. Or, l'un de ces
(1) Positionsur le plan donné dans l'opuscule.
8. 247 En famille
blasons représentait le Sacré-Coeur, entouré de la couronne d'é-
pines, et pouvait être considéré comme l'un des premiers indices(l)
de la dévotion au Sacré-Coeur, déjà propagée par les Capucins
français. Au haut, se déroulait en beaux caractères romains du
XVIe siècle l'inscription EXIIT QVI SEMINAT SEMINARE
SEMEN SVVM. En bas. OMNIS QVI (EST) EX VERITATE
AVDIT VOCEM MEAM ». (2)
Amis :
Semez autour de vous Regnabit ;
Recueillez, de peur qu'elles ne se perdent, toutes les par-
celles des trésors du passé.
Et demandez au Sacré-Coeur la grâce sans laquelle tous les
efforts sont vains.
F. ANIZAN
(l Mais non ; mais non ! À la fin du XVIe siècle,ces indiceslà ne peuvent
plus être les premiers.Qu'il faut doncse défier, en histoire, et quand il s'agit du
Sacré-Coeururtout, de certainesidées — impressionsplutôt que convictions
s —
accréditées trop de manuels.
par 1
Je demandai naguère à un prêtre, » *ort versé en iconographiereligieuse»,
s'il ne connaîtrait pas quelqueimage inéditedu Sacré-Creur, u quinzièmesiècle.
a
• Trèshonoréde votre demande.Je ne puispourtant pas vous répondre— m'écri-
vit-il avec une désarmante candeur— : les Primitifs n'ont jamais représentéle
Sacré-Coeur. PREMIER
Le dessina été lait par Margueriie-Marieelle-même»M...
(2) Robert Triger. L Églisede Luché(canton de Lude-Sarthe). oticehisto-,
N
rique et archéologique. e Mans 1921,n. 13. (Extrait de la RevueHistoriqueet
L
Archéologique du*Maine2e série, tome I (1921)- (Communiqué ar un des très
p
cherscollaborateursde Regnabit: Dom A. MÉNAGER S. B. O.
Voici la traduction des deux phrases latines inscrites sur la chaire de
Luché: «Celui qui s*me est sorti semersa semence.»—« Quiconqueest de
la vérité, entendma voix ».
9. 248 Doctrine
/. - DOCTRINE
LES SOUVERAINS PONTIFES
'
et le Sacré-Coeur.
" "
Fête du Très Sacré-Ccsur de Jésus Eucharistique
Sa Sainteté le Souverain Pontife Benoit XV, glorieusement
régnant — Quem Deus Incolumem Servet— vient d'ajouter un
nouveau fleuron à la couronne d'hommages que. l'Église Catho-
lique Romaine tresse inlassablement au divin Coeur de Jésus.
En effet :
Par un Décret pour le diocèse de Rome, formulé par l'or-
gane de la Sacrée Congrégation des Rites, en date du 9 novembre
1921, Benoit XV approuve, sous le titre du TRES SACRÉ-COEUR
DE JÉSUS EUCHARISTIQUE, un nouvel Office avec Messe
propre, pour le jeudi après l'octave de la Fête-Dieu, et en concède
la Fête au clergé séculier de sa « Bonne Ville » de Rome, et à
chacun des diocèses qui lui en font la demande.
Voici, d'après les Acta Apostolicoe Sedis — n° du 23 novem-
bre 1921, page 545 — le texte officiel latin de ce « Décret >>,
auquel
il convient de donner dans la langue originale même, la plus
large diffusion.
Nous l'accompagnons simplement d'une traduction litté-
rale interlinéaire...
Qu'on nous pardonne ce procédé qui rappelle les méthodes
scolaires classiques... Mais il nous permettra de serrer d'aussi
près que possible le sens de chacun des mots de cette pièce juri-
dique, dont tous les termes, — qu'on veuille bien le remarquer,
— sont de réelles valeurs. •
Au surplus, c'est à genoux qu'il faudrait prendre connais-
sance de. ce précieux document.
C'est à l'église — devant le Saint-Sacrement exposé,, après
une fervente communion, au cours d'une brûlante action de
grâces — qu'il conviendrait de méditer et de peser « au poids
de l'Amour Eucharistique » de Jésus, chacune des expressions
10. Fête du T. S. Coeur de Jésus Eucharistique 249
augustes de ce Décret pontifical suggestif, qui doit faire époque
dans la piété de tous, comme il fait époque dans la Sainte Église
Romaine.
* *
Nous disions naguère — on s'en souvient — dans un ar-
ticle précédent : (1)
« Sa dévotion et son culte pontifical du Sacré-Coeur, à lui
(le Pape) sont d'emblée les plus théologiques, les plus liturgi-
ques, les plus historiques de tous ceux qui soient ».
Et encore :
« C'est lui qui fait, de mille manières, ex officia, la Théo-
logie, la Liturgie, l'Histoire de la Dévotion au Sacré-Coeur».
En voici aujourd'hui — pour ceux qui savent — une nou-
velle preuve péremptoire.
Recueillons-nous donc !...
Et lisons pieusement...
* *
ROM3.N&. — Diocèse de Rome
Pro feria V post octavam SSmi Corporis Christi Sacratis-
Pour le jeudi après l'octave de la Fête-Dieu, un office propre
simi Cordis Jesu Eucharistici officium proprium cum respondente
avec messe correspondante du Très Sacré Coeur de Jésus Eucha-
missa approbatur.
ristiqiie est' approuvé.
DECRETUM — DÉCRET
Insiantibus compluribus Revmis Ordinariis
Sur.les instances d'un grand nombre de Révérendissimes Ordinaires
dioecesiumSanctissimus Dominus Noster Benedictus Papa XV,
des diocèses, Sa Sainteté Notre Seigneur, Benoit XV, Pape,
referente infrascripto Cardinali Sacrae Rituum Congregationis
sur la relation du cardinal soussigné Préfet de la Sacrée Congrégation
Praefecto, Officium proprium cum respondente Missa
des Rites, a daigné approuver l'Office propre avec Messe correspondante
SACRÀTISSIMI CORDIS. JESU EUCHARISTICI exhïbitum
du Très Sacré: Coeur de Jésus Eucharistique (qu'ils ont) présenté
et ab ipsa Sacra Congregatione revisum, prouti
et (qui a été) revisé par la Sacrée Congrégation elle-même, telle
0
(1) Voir; RegnabitTome II, 1T année n»7 (décembre1921)pages 13 et 14.
11. 250 Doctrine
in separato prostat exemplari, approbare dignatus est, illudque
qu'il existe dans un exemplaire sépare, (1) et il a décrété de
feria V post octavam SSmi Corporis Christi adhibendumdecrevit.
l'employer le jeudi après l'octave de la Fête-Dieu,
Peculiaris ratio et finis huius Festi cum Officio et Missa
La raison et la fin spéciale de cette Fête avec Office et Messe
propriis, ad commemorandum Domini Nostri Jesu Christi amorem
propres, pour commémorer l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ
in Eucharistiae mysterio, enucleatius explicatur in
dans le mystère de l'Eucharistie, est expliquée très à fond dans les
Sacris Litteris et inoperibus sanctorum Ecclesiae Patrum et Doctorum,
'.'Saintes Lettres et dans les ouvrages des Saints Pères et Docteurs de
atqûe etiam innuitur in Ma pia, usitata
l'Eglise, et (se trouve) aussi indiquée dans cette pieuse prière, très
et a Summo Pontifice Pio VU probata oratione : Ecco fin dove
en usage et approuvée par le Souverain Pontife Pie VII : Voilà jus-
è giunta, etc. (2) — Insimul in iteratis
qu'où est arrivée, etc. (2) — En même temps dans les prières réitérées
supplicantium precibus ipsiusque Beatissimi Patris
des (évêques) suppliants et dans les voeux du Très Bienheureux Père
(1) Les Acta Apostolicoe Sedisdu 23 novembre1921ne l'ont pas publié. (Note
de Regnabit).
(2) Raccoltadi orazioni e pie opèrepar le quali sonostateconcesse Sommi
dai
Pontejici le santé indulgenze.Roma, 1898,p. 105, n° 73. (Note des ACTA APOSTO-
LICOE SEDIS). ,
De ce « Recueil(officiel) e prières et d'oeuvres ies pourlesquelles nt été accor-
d p o
»
déespar tes SouverainsPontifes les saintes indulgences nous tirons le texte origi-
nal italien de la Prière mentionnée — ORAZIONE. fin doveè giunta la caritti
ECCO
vostraeccessiva, Gesùmio amantissimo.Voi délievosirecarni e del preiiosissimo
o
vostrosangue mi aveteappre&tata una mensa divina par donarmi tulto Voi stesso.
Chi mai vi spinsc a tali trasportldi amore? Non aliri certamente, il vostroamo-
clic
rosissimoCuore. O Cuorcadorabiledel mio Oesii,fornace ardentissimadel divino
amore, ricevetenella vostra Piaga sacratissima l'anima mia, affinchè in quesla
scuoladi carità, io impari a riamare quelDio, citemi die provesi ammirabili dell'
amorsuo ; e cosisia.
Pour l'utilité du lecteur et afin de permettre la comparaisonavec l'original
italien, plus expressif nous semble-t-U,nous aioutons la traduction française de
cette Orazione, elle qu'elle est'donnée par l'ouvrage de BÉRINOER J. Les Indul-
t S.
gences,3e édition française par l'abbé Mazoyer, Paris, Lethielleux, 1905. Cette
édition française est approuvée et déclarée authentique la S. Congi.des Indul-
par
gences,décret du 6 août 1904.Voir : Tome I, page 204, n° 89 — PRIÈRE AUTRÈS
SAINTACREMENT
S ETAUSACRÉ-COEUR DEJÉSUS. h ! jusqu'à quelpoint est arrivée
O
votreexcessive charité,Jésus très aimant ! Vousm'avezpréparé une nourriturecé-
lestede votrechair et de votresang très précieuxpour vousdonnertout entier à moi.
Qui vous a pousséà de tels transports d'amour ? Certes,rien autre choseque votre
Coeurplein de charité.O Coeuradorablede mon Jésus, fournaise ardentedu divin
amour,recevez monâme dans votreplaie sacrée,afin qu'à cetteécolede charité,j'ap-
prenneà aimerenretourceDieu qui m'a donnédespreuves admirables
si desa charité.
Ainisi soit-il.
Pie VII, par Rescrit de la Secrétaireriedes Mémoriauxdu 9 février 1818,
a confirméà perpétuité l'indulgencede 100 jours, une foisle jour, pour les iidèles
qui récitent cette Prière. (Raccolta cit.) — Son prédécesseurPie VI ne l'avait
loc.
•accordéeque pour sept ans. (BÉRINGER loc.
MATOYER, cit.)
12. Fête du T. S. Coeur de Jésus Eucharistique 251
votis aller finis est, mediante hoc Festo, magis excitare
lui-même, il est une autre fin (à savoir : ) moyennant cette Fête, d'exciter.
in Christifidelium animis fiduciam et-
davantage dans les âmes des fidèles du Christ (un mouvement) de
accessum in Sanctissimae Eucharistiae Mysterium,
confiance et d'accès envers le mystère de la Très Sainte Eucharistie,
eorumque corda ferventius inflammare igné divini amoris
et d'enflammer leurs coeurs avec plus de ferveur du feu du divin amour
quo Dominus Noster Jésus Christus, infinita caritate in Corde
avec lequel Notre-Seigneur Jésus-Christ, brûlant dans son Coeur
suo flagrans, Sanstissimam Eucharistiam instituit, suosque
d'infinie charité, a institué la Très Sainte Eucharistie, et garde et
discipulos in eodem sacratissimo Corde suo custodit ac diligit,
aime ses disciples dans ce même sien Très Sacré-Coeur, (en)
vivens et manens in eis sicut ipsi vivunt et manent in illo,
vivant et demeurant en eux comme eux vivent et demeurent en lui,
qui in eiusdem sanctissimae Eucharistiae mysterio se nobis
(lui) qui dans le mystère de cette même Très Sainte Eucharistie s'offre
offert ac donat, victimam, socium, cibum, viaticum et
et se donne à nous, (comme) victime, compagnon, nourriture, viatique
futurae gloriae pignus.
et gage de la gloire future.
Hoc autem Festum eadem Sanctitas Sua clero
Or, cette Fête, Sa Sainteté la même (Benoit XV) l'a concédée par
saeculari huius Almae Urbis et-
bienveillance au clergé séculier de cette bonne Ville (de Rome) et à
singulis dioecesibus petentibus, sub ritu duplici maiori
chacun des diocèses qui le demandent, sous le rit double majeur,
bénigne concessit, servatis de cetero Rubricis atque Apostolicae
(demeurant) observés quant au reste les Rubriques et les décrets du Siège
Sedis decretis. Nonobstantibus contrariis quibuscumque.
Apostolique. Nonobstant les choses contraires qu'elles quelles soient,
Die 9 novembris 1921.
Le 9e jour de novembre 1921.
A. CARD.Vico, Ep. Portuen, et S. Rufinae, S. R. Ç. Praefctus.
A. Cardinal Vico, évêque de Porto et Sainte Rufine, Préfet de la
S. Congr. des Rites.
L t S
Lieudu sceau Alexander Verde, Secretarîus.
Alexandre Verde, Secrétaire.
13. 252 Doctrine
Inutile de commenter ce document, très clair p*ar lui-même,
qui se déroule logiquement, dans une synthèse rigoureuse.
En voici, pour l'oeil et pour l'esprit, la charpente analy-
tique d'ensemble.
Après le TITRE, le CORPS DU DÉCRET.
Deux Parties le composent. La lre : concernant l'Appro-
bation des Textes. La 2e : la Concession de la Fête.
Ire partie : RPPROBRTION DES TEXTES
On y fait : I — L'Exposé des Faits ; et II — celui des Motifs.
I. — Les FAITS.
Trois catégories de personnes y concourent :
1 — Les Évêques : par leurs instances, et l'office présenté.
2 — La S. Congrégation. des Rites : par la révision des
textes, et la relation du Cardinal Préfet au Pape.
3 — Le S. Pontife : par des actes d'autorité : a) approba-
tion des textes liturgiques, et b) décision de s'en servir au jour
marqué.
II. — Les MOTIFS. Ils sont doubles.
1 —Raison et Fin spéciale. — C'est le motif particulier
propre, intrinsèque, immédiat et objectif ; pris de la Fête en soi:
a) Liturgiquement : Fête avec Office et Messe propres « pour
commémorer l'amour de N.-S. J.-C. dans le mystère de l'Eu-
charistie ».
b) Théologiquement : Selon la doctrine catholique « ex-
posée à fond » dans l'Écriture, les Pères et les Docteurs de l'É-
glise ; et « indiquée » dans la prière approuvée par Pie VII.
2,— Autre Fin. — C'est le motif extrinsèque, médiat, sub-
jectif ; de la Fête quant à nous.
Fin qui « est » positivement dans les « prières réitérées »
des Évêques, et les « voeux » personnels du S. Père. — Elle vise,
« moyennant cette Fête » :
a) Vu l'Eucharistie : A « exciter davantage dans les âmes
Un mouvement de « confiance » et d'« accès » vers elle.
b) Vu le S. Coeur de Jésus Eucharistique : A « enflammer
avec plus de ferveur les coeurs, du feu du divin amour » avec
lequel Notre-Seigneur Jésus-Christ :
14. Fête du T. S. Coeur de Jésus Eucharistique 253
1) Institue l'Eucharistie : « d'un Coeur brûlant d'infinie
charité ».
et 2) Garde et aime ses disciples «dans ce même Coeur» :-Y
Spirituellement, par la charité : « Vivant et demeurant en eux »r
comme eux en Lui. Sacramentellement, par l'Eucharistie : où
il « s'offre et se donne à nous », à tous les titres, comme « com-
pagnon aliment, viatique et gage de gloire future ».
Ile Partie: CONCESSION DE LR FÊTE
I. — Par qui ? — La bienveillance expresse de Sa Sainteté.
IL — A qui ? — Au clergé séculier de la Ville de Rome
et à chaque diocèse qui le demande.
III. — Sous quel rite ? — Double majeur.
IV. — Sous quelle réserve ? — Celle des Rubriques et des
Décrets du Siège Apostolique.
V. — Avec quelle clause ? — Clausule dérogatoire générale»
Suivent : Les Signatures canoniquement requises, du car-
dinal Préfet et du Secrétaire, avec le Sceau de la S. Congréga-
tion des Rites.
*
* *
Léon XIII, dans cette magistrale Encyclique Miroe cari-
tatis sur la S. Eucharistie, du 28 mai 1902, qui est un pur chef-
d'oeuvre qu'on ne vulgarise pas assez, s'écriait avec force :
« La charité apostolique nous meut et en quelque sorte
nous pousse... à recommander d'une façon plus instante au
peuple chrétien la Très Sainte Eucharistie, ce don très divin
sorti du plus intime du Coeur (1) de ce même Rédempteur qui
désira d'un vif désir (2) cette union toute spéciale avec les hom-
mes... Apostolica charitate movemur ac prope impellimur... ut...
commendémus SS. Eucharistiam, quippe,donum divinissimum ex
intimo plane Corde prolatum ejusdem Redemptoris, desiderio desi-
derantis singularem hujusmodi eum hominibus conjunctionem... »3
Benoit XV « mu » par la même « charité apostolique » vient
donner à cette belle parole de Léon XIII son commentaire le
plus intégral et le plus autorisé par l'Office et la Messe propres
du « Très Sacré-Coeur de Jésus Eucharistique ».
La voix populaire l'a dénommé déjà le «Pape du Sacré-
Coeur ».
(1) C'est nous qui soulignons.-
(2) Soulignédans le texte.
(3) Voir : LettresApostoliaues
deS. S. LéonXI H. Pari«,5, rue Bavard.Tome
VI p. 296.
15. 254 Doctrine
Pie IX, Léon XIII et Pie X ont maintes fois dirigé, comme
lui — suaviter et fortiter — les aspirations ardentes et les pas
inexpérimentés de la « dévotion au Coeur Eucharistique ». Mais
c'est lui seul qui lui donne aujourd'hui, de sa main libérale, ce
beau couronnement liturgique.
Désormais, l'Univers catholique, devançant l'Histoire, ap-
pellera Benoit XV — le premier !... — le « Pape du Coeur de
Jésus Eucharistique ».
Car — le premier !... — il en inaugure la « Solennité » au
centre même de la Catholicité.
De là, cette Fête rayonnera sur le monde entier...
Le clergé séculier de la « Bonne Ville » de Rome aura des
«mules partout.
Et, puisque la voie des « Induits apostoliques pour l'exten-
sion de la Fête » est ouverte, les Ordres religieux et les Églises
particulières n'ont plus qu'à s'y engager avec confiance. Le
coeur de Benoit XV et le Coeur de Jésus Eucharistique leur réser-
vent le meilleur accueil...
* **
Nous transcrivons ici, en hommage au Coeur de Jésus Eu-
charistique, les gracieuses paroles si expressives du pape Urbain
IV dans la Constitution Transiturus de hoc mundo, du S sep-
. tembre 1264, pour l'institution de la solennité de la Fête-Dieu.
Elles formulent, à ravir, les sentiments que la nouvelle
Fête doit nous inspirer.
« In hac itaque sacratissima commemoratione — dit Urbain
IV — adsunt nobis suavitatis gaudium simul et lacrimoe ; quia
et in ea congaudemus lacrimantes, et lacrimamur dévote gaudentes,
loetos habendo lacrimas et loetitiam lacrimahtem ; nom et cor, in-
genti perfusum gaudio, dulces per oculos stillat guttas. O divini
amoris immensitas, divinoe pietatis superabundantia, divinoe af-
fluentioe largitas... — Or donc, dans cette commémoration sacrée
il y a pour nous un bonheur de suavité en même temps que des
larmes ; parceque, à la fois, nous y sommes heureux ensemble
quoique pleurant, et nous y pleurons quoique heureux dévote-
ment ; estimant joyeuses nos larmes et notre joie qui pleure.
Car, le coeur inondé d'un immense bonheur, lui aussi, distille
par les yeux de douces perles de larmes. O immensité du divin
amour, ô surabondance de la divine bonté, ô affluence de la
divine largesse !... ». (1).
(1) CORPUSJURIS, . Si Dominum, e reliq.et venerat. SS., Clem.,III 16. —
C D
Cité par NILLES e rationibusfestorum, tc. (éd. 1885)Vol. I, pt 504 et suiv:
D e
16. Fête du T. S. Coeur de Jésus Eucharistique 255
Toute la famille de Regnabit, — « revue universelle du
Sacré-Coeur » (sic) — formule humblement et respectueuse- •
ment à Sa Sainteté Benoit XV l'expression ardente de sa joie
profonde et le cantique ému de ses plus vives actions de grâces.
VIVAT
BENEDICTUS XV
PAPA
SACRATISSIMI
CORDIS JESU EUCHARÏSTICI
Vive Benoit XV le Pape du Très Sacré-Coeur de Jésus Eu-
charistique !...
Paris, Noël 1921.
MORT DE BENOIT XV
22 janvier 1922,
Au momentoù s'achève l'impression lignesqui précèdent,retentit dans
des
l'Univers« commeun coup de foudredans un ciel serein» l'effarante nouvelle:
•« Pape estmalade...Le Pape estmourant...BENOITv estmort1.. »
Le x
Hélas!.. En ce mondela joie s'achèvedans le deuil : Extremagaudii luctus
occupât(PROV. IV, 13). C'est donc sur un cercueilque nous déposonsnotre
X
hommage, aignéde larmes.C'est au ciel que le Vivatde REGNABIT
b rejoint, pour
l'éternité, le «Pape du CoeurEucharistique que le Sacré-Coeur e Jésus s'est
» d
hâté de récompenser.
Agenouillés u bord de cette tombe prématurée,nous vénéronsavec admi-
a
ration cette noble figurequi entre dans la gloire de Dieu commedans celledes
hommes.
BENOIT Vmeurt vaillammentà la tâche, en plein labeur.
X
Sa Majestéfut douce.Sa Saintetéprofonde.Son âme : simple,délicate,pru-
dente et laborieuse.Son action : sereine, pacifique,charitable et conquérante.
Son coeuret sa main : royalement,divinement,généreux.
Le PONTIFEomina le fracas des batailles, le choc des passionshumaines,
d
le flot des calomnieset des calamitéspubliques,commele désarroides dynasties
croulantesou l'effervescence es démocratiesen travail. Son OEuvre
d pacificatrice
survit à toutes les ruines.Plus clairvoyantque les Sages,plus avisé que les Cabi-
nets et les Congrès,bienfaiteur universel,il fit crédit à l'avenir de l'Humanité
en renouveauque le Christlui confiapour la pétrir d'Evangilede sesdoucesmains
paternelles... Holocaustesublime, il donne sa vie «pour la Paix du Monde».
Constantinople t Paris lui ont rendu plein hommage.Vivant, l'Orient de toutes
e
croyances dresseune statue ; mort, l'Histoirelui prépare pour demainun dia-
lui
dème sans égal.
Sa profondeempreintea marquéplus d'une institutionutileou d'une initiative
heureuse: en doctrine,discipline, astorale,diplomatieou bienfaisance. a Prédi-
p L
cationet l'Apostolat sont renouvelés,le Droit canon promulgué,la Piété et la
—
Charitéuniversellesavivées.Là-haut,lesSaints qu'il a glorifiés Saints antiques,
r
du Moyen-Age des Temps modernes,ou Saints nouveaux; ceux de France
et
«Mère des Saints » et ceux du Purgatoire délivrés; les Martyrs de l'Ouganda
commele Patron de l'Église universelleet la « Reinede la Paix» •—lui font une
escortetriomphaleau trône du CHRIST il fut, sur la terre, le VICAIRE
dont toujours
si miséricordieux.
Qu'à JACQUES DELLA —
CHIESA »français de coeur qui <regrettaitde n'être
»
Pasfrançaisdenaissance — le «COEUR JÉSUS
» DE délices touslesSaints » daigne
de
accorder,selonla formuleliturgique,le repos et la lumièreéternelles.
R. I. P.
Em. HOFFET
17. 256 Doctrine
LE BIENHEUREUX JEAN EUDES
précurseur de la dévotion
AU COEUR EUCHARISTIQyE
L'idée commence à prévaloir un peu de tous côtés que,
dès le dix-septième siècle, le B. J. Eudes a été, comme porte
le bref de béatification, le docteur de la dévotion au Sacré-Coeur
de Jésus. Et c'est avec raison.
Il n'est pas, en effet, un aspect important, essentiel, de
cette dévotion qu'il n'ait envisagé et approfondi. Un regard,
même distrait, jeté sur la table des matières du douzième livre
de son grand ouvrage « le Coeur admirable de la T. S. Mère de
Dieu, suffit à en convaincre.
Relations du Sacré-Coeur avec les trois divines Personnes,
avec le Coeur de Marie, avec l'Église triomphante, souffrante
et militante, relations aussi avec « un chacun de nous », il n'a
rien oublié.
Sans doute, la doctrine a parfois besoin d'être dégagée,
pour ainsi dire, des pieuses effusions qui l'enveloppent et lui
communiquent une onction si pénétrante ; mais elle est là tout
entière, avec les lignes essentielles de la dévotion tracées de
main de maître.
De celle-ci même certaines formes, que d'aucuns seraient
tentés de croire récentes, y sont déjà dessinées d'un trait ferme
et net. Ainsi en est-il, par exemple, de la dévotion au Coeur eu-
charistique de Jésus. Elle s'y trouve enseignée avec une admi-
rable clarté'et précision. C'est ce que nous nous proposons d'éta-
blir dans cet article avec l'espoir que les lecteurs de Regnabit
saisiront mieux encore la vérité du jugement porté par le Pape X
sur le rôle du B. J. Eudes, lorsqu'il l'a proclamé «le Père, le
Docteur et l'Apôtre de cette suave dévotion ». (1)
. Quel développement a pris de nos jours cette forme du culte
du Sacré-Coeur, grâce à l'archiconfrérie établie, à Rome, dans
l'église Saint-joachim, nul ne l'ignore, et cette rapide diffusion
se comprend facilement, si l'on réfléchit que la dévotion au
Coeur eucharistique a pour objet, selon les paroles mêmes de
Léon XIII, «l'acte de suprême dilection par lequel notre Ré-
(1) Aux Coeursde Jésus et de Marie.
18. Le B. Jean Eudes et le Sacré-Coeur Eucharistique 257
dempteur, répandant toutes les richesses dé son Coeur, afin de
demeurer avec nous jusqu'à la fin des siècles, a institué l'ado-
rable sacrement de l'Eucharistie ».
Un tout récent décret (1), par lequel la Sacrée Congréga-
tion des Rites accorde une messe et un office propres du Coeur
eucharistique de Jésus au clergé séculier de Rome et à tous les
diocèses qui en feront la demande, revient sur cette idée et ex-
plique que le but principal de cette fête n'est autre que de com-
mémorer l'amour de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le mys-
tère de l'Eucharistie.
De cet amour saint Thomas avait déjà parlé, quand il avait
appelé la sainte Eucharistie « Maximae charitatis signum ». (2)
Et, ce nous semble, l'Évangile lui-même nous invite à contem-
pler le Coeur de Jésus dans l'Eucharistie, puisque les premières
paroles du récit de la Cène rapportent à l'amour dont le divin
Coeur était embrasé, comme à sa cause première, l'institution
de ce sacrement. « Ayant aimé les siens qui étaient dans le monde
il les aima jusqu'à la fin». (3)
C'est ce que le B. J. Eudes a fort bien exprimé en disant
que l'Eucharistie « est l'un des fruits du Coeur incomparable de
Jésus ». (4) Il a, d'ailleurs, très bien analysé cet acte de suprême
amour qui constitue l'objet même de la dévotion au Coeur eu-
charistique. Dans/un beau passage du Manuel destiné aux prêtres
de sa congrégation (5), il nous dit que Jésus est « tout coeur »
dans la sainte Eucharistie, puis il nous dépeint l'intimité de cet
amour : Jésus en nous ; — sa libéralité : tout Jésus en nous ; —
son intensité : tout Jésus en nous, malgré la claire prévision de
nos outrages et de nos infidélités. Mais c'est au livre douzième de
son Coeur admirable qu'il parle lé plus explicitement du coeur
eucharistique. Le seul titre du chapitre neuvième est à cet égard
d'une étonnante clarté. N'est-ce pas même déjà comme la for-
mule de la dévotion : « Que le coeur de Jésus est une fournaise
d'amour au regard de nous dans le saint-Sacrement ? » Qu'on lise
encore, dans le même chapitre, ces quelques lignes bien signifi-
catives : « Votre Coeur tout aimable, ô mon Jésus, est dans ce sacre-
ment tout embrasé d'amour au regard de nous, et il y est opérant
mille et mille bontés ».
De cet amour du Coeur eucharistique le B. J. Eudes détaille
les principaux actes avec une remarquable précision ; et comme
il les dépeint sous la forme de huit flammes « qui sortent conti-
. nuellement de cette admirable fournaise », il est tout naturel d'exa-
(1) Cf. Acta, 23 Novembre1921p. 545.'
(2) 3. Q. 75. a. I.
(3) IAON. III, 11.
X
(4) CoeurAdmirable. . XII, ch. 7, p. 242.
L
(5) P. IV, § 3, p. 417.
19. 258 Doctrine
miner, d'une façon assez complète, le parallélisme très exact
qui existe entre les révélations du Sacré-Coeur à sainte Marguerite-
Marie et les vues du Bienheureux relatives au coeur eucharistique.
Dans la première grande révélation, le Sacré-Coeur parle
à la sainte des flammes de son amour. Dans la deuxième, il lui
apparaît comme dans un trône de flammes. Dans la troisième,
devant le Saint-Sacrement exposé, Notre-Seigneur se montre à
elle tout éclatant de gloire avec ses cinq plaies brillantes comme
cinq soleils. De cette sacrée humanité des flammes sortaient de
toutes parts, mais surtout de son adorable poitrine qui ressem-
blait à une fournaise. Puis la poitrine s'ouvre, laissant à décou-
vert « le tout aimant et tout aimable Coeur, qui était la vive
source de ces flammes ». Bien plus, de ce même Coeur sort, à
un certain moment, une flamme si ardente que la Sainte pense
en être consumée.
Qu'on relise maintenant le titre du chapitre consacré par
le B. J. Eudes au Coeur eucharistique : « Que le divin Coeur de
Jésus est une fournaise d'amour au regard de nous dans le Très
Saint-Sacrement ». Ces quelques mots ne semblent-ils pas résu-
mer tout le symbolisme des visions de sainte Marguerite-Marie ?
Et, d'autre part, l'exposition très détaillée des huit flammes
d'amour faite par le Bienheureux ne pourrait-elle servir de com-
mentaire très éloquent et d'explication très exacte aux flammes
vues par la Sainte ?
C'est bien aussi sur l'amour du Coeur eucharistique au re-
gard de nous — c'est le titre même du chapitre — que le B. J.
Eudes insiste avec complaisance. D'après lui, le Coeur de Jésus
est réellement présent sur l'autel « pour être toujours avec nous » :
il y aime et glorifie son Père « pour mot » ; — il nous donne
dans la sainte Eucharistie des biens immenses et infinis et des
grâces très abondantes et très particulières, — il se donne lui- .
même entièrement à nous par la sainte communion ; — il se
sacrifie entièrement pour nous à la sainte Messe. N'y a-t-il pas
là comme un écho des paroles du Sacré-Coeur de Jésus à sainte
Marguerite prosternée devant le Saint-Sacrement :- « Voilà ce
Coeur qui a tant aimé les hommes qu'il n'a rien épargné jusqu'à
s'épuiser et se consommer pour leur témpigner son amour».
Le Sacré-Coeur ajoutait : «Et pour reconnaissance je ne
reçois de la plupart que des ingratitudes par leurs irrévérences
et leurs sacrilèges et par les froideurs et les mépris qu'ils ont
pour lui dans ce sacrement d'amour ! » Et, de son côté, entrant
comme d'instinct dans ces vues du Sacré-Coeur, sans avoir jamais
20. Le B. Jean Eudes et le Sacré-Coeur Eucharistique 259
eu connaissance des révélations faites à Sainte Marguerite-Marie,
le B. J. Eudes de s'écrier après avoir parlé des merveilles d'amour
du Coeur eucharistique envers les hommes : «Mais qu'est-ce-V.
que nous vous rendons, mon Seigneur ? Rien que des ingra-
titudes et des offenses en mille manières, de pensées, de paroles
et d'effets, foulant aux pieds vos divins commandements et
ceux de votre Église. .Ah ! ingrats que nous sommes !.„ Mou-
rons, mourons de douleur à la vue de nos péchés, mourons de
honte de ce que nous avons si peu d'amour pour lui ; mourons
de mille morts plutôt que de l'offenser à l'avenir. O mon Sauveur,
faites-nous cette grâce, s'il vous plaît. O Mère de Jésus, obtenez-
nous cette faveur de votre Fils bien-aimé ».
C'est sur cette pensée bien nette de réparation que se ter-
mine le chapitre consacré par le B. J. Eudes au Coeur eucharis-
tique de Jésus. On peut même ajouter que la vue de l'ingra-
titude des hommes au regard du sacrement d'amour, si vive-
ment ressentie par le Sacré-Coeur de Jésus, est l'une de celles
qui ont le plus frappé l'imagination du Bienheureux. Et préci-
sément, la huitième flamme, qui, d'après lui, s'échappe du Coeur
eucharistique consiste en cette fidélité d'amour de notre bon
Sauveur, qui se donne tout entier aux hommes sous les saintes
Espèces, alors que les hommes cherchent à le trahir. Il déve-
loppe très puissamment le contraste impressionnant exprimé
par saint Paul en. ces quelques mots : « Dominus Jésus, in qua
nocte tradebatur, accepit panem ». (1) et par saint Thomas dans
cette strophe de son bel office :
« In mortem a discipulo
« Suis tradendus aemulis,
« Prius in vitae ferculo
« Se tradidit discipulis ». -,
Le Bienheureux montre le Coeur de Jésus tout occupé à
sauver les hommes, et les hommes uniquement soucieux de le
livrer à ses pires ennemis : le Coeur de Jésus instituant l'Eucha-
ristie, afin de rester avec les hommes et les hommes s'efforçant
de l'anéantir, s'ils le pouvaient ; le Coeur de Jésus comblant les
hommes de grâces, et les hommes lui préparant une croix, des
clous et des opprobres de tout genre ! Ému jusqu'au fond des
entrailles à la vue de tant d'amour d'une part et de tant d'in-
gratitude, de l'autre, il s'écrie dans un transport de douleur :
« Oh ! quelle bonté ! Oh ! qUelle charité ! Oh ! quelle ingratitude !
Oh ! quelle impiété ! Oh ! quelle cruauté du coeur humain au
' '
regard de vous !»
Peut-on désirer plus complète harmonie entre les paroles
(1) II Cor. XI. 23.
21. 260 Doctrine
de Notre-Seigneur à sainte Marguerite-Marie et la doctrine du
Bienheureux?
Après la doctrine, les pratiques qui en sont le corollaire.
Le B. j. Eudes en recommande plusieurs, belles et faciles, en l'hon-
neur du Coeur eucharistique.
Tout d'abord, et d'une façon générale, il sent, entre ce Coeur
et le nôtre, des relations extrêmement intimes, et il nous engage
à le considérer comme « notre oracle ». C'est que pour lui, comme
pour sainte Marguerite -Marie, ce Coeur est une source non seu-
lement de flammes, mais de lumière. Que nous ayons besoin,
profondément besoin de cette lumière pénétrante du Sacré-
Coeur c'est chose indéniable. Dans la vie intime des âmes, il y
a parfois, sous une surface calme et souriante, tant de doutes,
d'obscurités, de perplexités, de scrupules ! Ou bien ce sont de
difficiles questions à résoudre, et les lumières font défaut, et
nul conseiller autour de soi pour éclairer. En pareil cas, saint
Thomas allait appuyer sa tête contre le tabernacle. Imitons-le,
et retenons précieusement cette pensée du Bienheureux : « Notre
oracle se trouve partout où notre sauveur est présent ». Adressons-
nous à Jésus sans crainte, et Jésus, nous assure-t-il, nous fera
connaître ses volontés, répondra à nos doutes, éclaircira nos
difficultés pourvu toutefois que nous ayons recours à son aimable
Coeur « avec foi, humilité et confiance ».
Foi, humilité, confiance, hélas ! ce sont là précisément des
vertus qui sont absentes de trop d'âmes superbes et raides, et telle
est la grande raison de l'espèce de crépuscule qui enveloppe
pour elles les choses de Dieu et les vérités de la foi. L'humble
abandon à « notre oracle », si ardemment préconisé par le B. J.
Eudes, leur vaudrait plus de lumière.
Une autre pratique eucharistique bien sanctifiante recom-
mandée par le Bienheureux dans les mêmes circonstances, est
la sainte Messe offerte, à tout le moins la sainte communion
reçue en l'honneur du Sacré-Coeur de Jésus, «Ayons, dit-il,
recours à ce très bon Coeur en disant la messe en son honneur
si nous sommes prêtres, en communiant si nous ne le sommes
pas, et nous ressentirons les effets de ses bontés ». (1)
De notre impuissance à payer les dettes d'amour, d'ado-
ration, de reconnaissance, d'expiation que nous avons contractées
envers la'majesté divine, le B. J. Eudes à été pénétré plus que
personne et il nous l'a décrit dans ses ouvrages en des termes
d'une étonnante vigueur. Pourtant, en présence de tant de mi-
sère, jamais chez lui de découragement. C'est qu'il compte,pour
(1) CoeurAdmirable. Liv. XII, "4e méditation, p. 316.
22. Le B. Jean Eudes et le Sacré-Coeur Eucharistique 261
y suppléer, sur la grâce, sur le Coeur de Jésus, et d'une façon
plus spéciale, sur le Coeur eucharistique. Voilà pourquoi, durant
son action de grâces, après la messe, se sentant incapable d'ai-
mer dignement Notre-Seigneur, il répétait ces paroles enflam-
mées: « Amo te, amantissime Jesu; amote, Bonitas infinita; amote
ex toto corde meo » ; et par ces derniers mots « ex Mo corde meo »
il entendait, non pas tant son propre coeur, que le Coeur de Jésus
présent en lui, divin supplément à sa faiblesse. Dans le même
ordre d'idées, il nous conseille, quand nous avons communié en
état de grâce, de nous adresser aux trois personnes de la sainte
Trinité et de leur offrir le Coeur eucharistique de Jésus qui s'est
donné tout entier à nous pour satisfaire à toutes les obligatios ,
que nous avons de les adorer, louer, aimer et de leur demander
pardon. Cela fait penser à la belle apparition de 1674, où Jésus,
montrant son Coeur à sainte Marguerite-Marie prosternée devant
le Saint-Sacrement exposé, lui dit : « Tiens, voilà de quoi suppléer
à tout ce qui te manque » ; et cela montre une fois de plus la mer-
veilleuse harmonie qui existe entre la dévotion du B. J. Eudes
envers le Sacré-Coeur et les révélations faites à la sainte de Paray.
Il faudrait encore mentionner la belle prière que le Bienheu-
reux conseille de faire pendant la saint sacrifice de la messe,
et dans laquelle nous demandons à Jésus de changer « la pesan-
teur, froideur et sécheresse de notre coeur tout terrestre et aride
en l'ardeur, tendresse et agilité des dispositions saintes et divines
de son Coeur divin et céleste (1) » ; demande bien opportune
qui contribuerait grandement à nous faire pratiquer ce « Sur-
sum corda ! » que nous chantons si souvent de tout coeur à la
Préface, mais hélas ! sans le réaliser dans notre vie.
Insistons particulièrement sur une méthode de faire l'ac-
tion de grâces après la sainte Communion dans et par leXoeur
eucharistique, de Jésus : le B. J. Eudes la recommande d'une
façon toute spéciale : « Vous pouvez vous en servir en tout temps,
comme j'ai déjà dit ; mais je vous dis encore et vous exhorte de
tout mon coeur de vous en servir toujours, tant que vous pour-
rez, après avoir dit la sainte Messe ou avoir communié ». (2)
C'est la prière bien connue faussement attribuée soit à saint
Augustin soit à saint Ignace : « Anima Christi, sanctifica me ;
corpus christi, salve me, etc. » Mais le Bienheureux — et c'est
le point de vue sur lequel nous voulons fixer l'attention —
ajoute cette invocation au Coeur eucharistique, au Coeur a que
nous devons regarder en nous», suivant son expression : a Cor
Jesu, pur if ica me, illumina me, accende me O Sacré-Coeur de
Jésus, purifiez-moi, illuminez-moi embrasez-moi ! » Puis il con-
tinue : « En disant ces paroles, donnez votre coeur au divin Coeur
(1) Vie et Royaume de Jésus. P. VI, g 24, p. 460.
(2) CoeurAdmirable Liv. P., ch. V, p.- 113,
23. 262 Doctrine
de Jésus qui est dans votre poitrine, afin qu'il le purifie, l'éclairé
et l'embrase du feu sacré de cette fournaise ardente qui le brûle
toujours dedans lui, et qu'il y établisse sa vie et son règne pour
jamais ».
Cette petite phrase : a Cor Jesu, purifica me, illumina me,
accende me », est, à elle seule, une formule de prière très complète,
car elle résume bien tous les besoins de la vie spirituelle : besoin
de purification, besoin de lumière, besoin d'amour ; très effi-
cace aussi, car elle s'adresse à la source de toute pureté et de
toute lumière et à. la fournaise d'amour. C'est à peu près la même
ardente supplication que le Bienheureux met sur les lèvres de
ses Enfants dans YAve, Cor sanctissimum ; mais là elle s'adresse
aux Coeurs de Jésus et de Marie considérés dans leur unité de
pensées, de sentiments et de vertus, tandis qu'ici elle s'adresse
exclusivement au Coeur eucharistique de Jésus. « Et purifica,
et illumina, et sanctifica ». Ce sont aussi, du même coup, les
trois voies purgative, illuminative, et unitive rattachées au Coeur
eucharistique comme à leur centre et à leur foyer, et devenant,
par là même, plus attirantes et plus aimables.
Que si de cette brève mais importante prière l'on voulait
un commentaire détaillé et exact, composé par le B. J. Eudes
lui-même, il faudrait lire, au livre douzième du Coeur admirable
la huitième méditation : « Que le Coeur de Jésus est une fournaise
d'amour purifiant, illuminant, sanctifiait,, transformant et déi-
jiant ». Nous aimons cette façon de comprendre la vie spirituelle
et de la rattacher au Coeur eucharistique : elle inspire force et
confiance. Car, comme le dit.très justement la Vénérable soeur
Thérèse de l'Enfant Jésus, « plus on est faible et misérable,
plus on est propre aux opérations de cet Amour consumant
et transformant ».
Fournaise d'amour transformant ! C'est bien, en effet, une
transformation de notre coeur qui doit être, d'après le B. J.
Eudes, le fruit de la pratique dont nous venons de parler. « En
disant ces^ mots, donnez votre coeur au divin Coeur de Jésus
qui est; dans votre poitrine, afin qu'il y établisse sa vie et son
règne pour jamais». .
La dévotion au Coeur eucharistique est donc bien, d'après
le B. J; Eudes, un moyen d'établir cette «vie et royaume de
Jésus dans les âmes chrétiennes », qu'il a toujours désiré de toute
l'ardeur de son âme. Il veut que « le Coeur de Jésus soit vivant
et régnant dans notre coeur », que nous n'ayons avec Jésus
«qu'une même volonté, un même sentiment, un même coeur
tant corporel que spirituel» ; Jésus doit être notre esprit, notre
coeur, notre amour; notre vie et notre tout. Et l'on peut croire
sans présomption que si, à l'époque où il écrivait le Coeur Ad-
24. Eudes et le Sacré-Coeur * 263
Le B. Jean Eucharistique
mirable, c'est-à-dire au déclin de sa vie, le Bienheureux avait
donné une nouvelle édition de sa « Vie et Royaume de Jésus,
il l'eût intitulé : « Vie et Royaume du Coeur de Jésus dans les
âmes chrétiennes ».
*
* *
Des considérations précédentes tirons trois importantes con-
clusions.
La première est que, si l'on veut comprendre l'Eucharistie,
il faut, de toute nécessité, penser au Coeur infiniment bon qui
nous l'a donnée ; et d'autre part, c'est qu'ici-bas l'Eucharistie,
et l'Eucharistie seulement, nous donne le Sacré-Coeur avec tout
ce qu'il a et tout ce qu'il est.
La deuxième, c'est qu'étant donnée la merveilleuse attrac-
tion de l'amour, il n'y a rien de mieux pour attirer les âmes à
la communion fréquente et quotidienne, à cette « consuetudo
Jesu Christi», dont parle Pie X, que de leur faire clairement
comprendre que, sous les voiles sacramentels, palpite, selon l'ex-
pression du B. J. Eudes, le coeur d'un « père plein de tendresse ».
Et notre Bienheureux aura eu la gloire de contribuer à ce ré-
sultat si opportun, en se faisant l'un des précurseurs de la dévo-
tion au Coeur eucharistique.
La troisième, c!est qu'il n'y a pas de vraie dévotion au
Coeur de Jésus réellement présent sous les saintes Espèces sans
cette transformation du Coeur dont nous avons parlé tout à
l'heure et que le B. J. Eudes exige de tous les vrais dévots du
Coeur eucharistique. Cette doctrine est austère en apparence
car toutes les fois qu'il s'agit de se réformer, de se perfectionner,
notre pauvre nature se révolte ; mais, en réalité elle est douce
et facile, puisque les efforts de notre coeur faible et misérable
sont encouragés et soutenus par les grâces d'un Coeur dont la
toute-puissance est au service d'une bonté infinie. Nous n'a-
vons donc qu'à répéter avec confiance ces paroles que l'on enten-
dait si souvent sortir de la bouche du Bienheureux, au cours de
ses visites au Saint-Sacrement : « O amour ! ô amour ! Qui
vous aimera ? O Jésus, plus de coeur, plus d'amour que pour
vous ! O fournaise d'amour, échauffez, embrasez, consumez mon
coeur, mon âme, mon esprit et mon corps dans vos divines
flammes ».
J. QAUDERON, eudiste
25. 264 Doctrine
LE PETIT SCEAU DESTÈME COURET
(XIVe SIÈCLE)
La merveilleuse collection d'art de M. le comte Raoul de
Rochébrune, une des plus magnifiques de France, (1) contient
un petit sceau en bronze, au nom d'Estème Couret, qui depuis
longtemps a retenu mon attention.
Encore inédit, je l'ai signalé en 1917, aux lecteurs de la
Revue du Bas-Poitou (2), parce qu'il a été recueilli en province
poitevine, au bourg de Curzon (Vendée), par le célèbre graveur-
aquafortiste Octave de Rochébrune, père de l'érudit collec-
tionneur qui le possède aujourd'hui. Il intéresse trop l'icono-
graphie du culte rendu au Coeur divin dans la France médiévale
pour qu'il n'ait pas sa place dans la somme de documents an-
•cièns, relatifs à cette partie de l'Archéologie sacrée, dont Regnabit
se propose de recueillir et de grouper les images.
Description du Sceau de Couret.
La forme générale de l'objet qui nous occupe
est celle d'une sorte de cône hexagonal à pans
infléchis, surmonté d'une boucle tréflée où passait
une chaînette de suspension. Ce fut la forme
ordinaire des petits sceaux, dits « signets », du
XIIe siècle jusqu'au XVIe.
La, partie gravée porte, dans une un double nimbe fait de
deux cercles conjugués verticalement, un coeur, figuré en dessin
au trait, et surmonte d une croix qui est plantée
dans son sommet ; du pied de cette croix partent
six rayons de gloire. Autour, se déroule le nom
du titulaire du sceau :
S' (sigillum) ESTEME COVRET.
La Date du Sceau de Couret.
La gravure de cet ensemble incisé dans le bronze est d'une
fermeté d'exécution qui touche à la raideur, et ce caractère de
rigidité m'avait paru, en 1917, se rapprocher de la facture de
plusieurs autres sceaux du début du XVe siècle; depuis, j'ai
remarqué la même sécheresse de trait sur nombre d'autres dont
; les dates s'échelonnent entre le XIIe siècle et la fin du XIVe.
Elle ne peut donc être que le résultat de l'outillage employé
(1) Au château de la Court-d'Aron, Saint-Cyr-en-Talmondais(Vendée).
(2) Revue du Bas-Poitou, ann. 1917. IIIe Iivr.
26. Le sceau d'Estème Couret 265
pour inciser le métal du signet, ou dépendre de la « manière »
personnelle de l'orfèvre graveur, qui, du reste, fait preuve en
ce travail d'une absolue maîtrise de son outil.
Les lettres de l'inscription, de la forme dite « onciale »,
sont indiscutablement de la famille de celles qui furent com-
munément employées sur les sceaux durant la première moitié
du XIVe siècle ; elles furent abandonnées par les graveurs fran-
çais, précise l'éminent sigillographe J. Roman, vers 1350, date
où la minuscule gothique leur devient d'un usage habituel. (1)
Pour attribuer au XVe siècle le sceau d'Estème Couret,
il faut admettre cette hypothèse, exposée dans ma note de 1917,
que le graveur ait employé pour écrire la légende de ce sceau,
des poinçons beaucoup plus anciens que son temps — s'il s'est
toutefois servi, comme c'était généralement l'usage, de poin-
çons d'acier pour frapper la lettre avant la retouche finale du
burin. —
Assurément cette hypothèse ne sort pas du domaine des
possibilités mais elle est si improbable qu'à moi-même qui ne
l'ai jadis émise que par prudence, par souci d'exactitude chro-
nologique, elle ne me paraît plus à retenir. D'érudits confrères
en archéologie m'ont fait du reste judicieusement, observer, qu'à
la rigueur, on la pourrait appliquer à tous les sceaux du monde,
sauf à ceux, assez rares, qui portent des millésimes, ou à ceux,
plus nombreux, qui appartiennent à des personnages dont la
date de vie est connue.
En dernier état de cause il apparaît que l'on peut, sans
présomption, attribuer au XIVe siècle — première moitié, si
le graveur a usé des lettres de son temps ; seconde moitié, s'il
s'est servi de caractères un peu désuets — le petit signet d'Es- .-
tème Couret.
Le Sujet du Sceau de Couret.
Pourquoi un coeur sur le signet de Couret ?
Le nom patronymique Couret est le même que Coeuret,
et si l'on applique à la lettre u de ce dernier nom le son latin
ou, comme ce fut {ongtemps l'usage au Moyen-Age dans les
pays de langue d'Oc, les noms Couret et Coeuret acquièrent
une similitude de prononciation quasi totale ; étymologique-
ment, l'un et l'autre sont des diminutifs du substantif coeur.
En choisissant un coeur comme, motif emblématique de
. son sceau, Couret faisait simplement, comme on disait alors,
usage de ces « armes parlantes » qui passèrent souvent dans
(1) J. Roman, correspondant de l'Institut : Manuel de sigillographie fran.
iatse, p. 226. Paris, Picard, 1912.
27. :«VB*'-
266 Doctrine
les familles, de père en fils, durant des siècles* comme de vrais
blasons populaires ; et le grand nombre d'armoiries nobles qui
ont été «meublées» de cette façon nous montre combien au
Moyen-Age, ce genre de symbolisme fut affectionné : les La
Tour, comtes souverains d'Auvergne, les Créqui, les La Fare,
les Mauléon, les Martel, les La Bourdonnaye, les Dupleix, pour
ne citer au hasard, que ceux-là, n'ont pas blasonné autrement.
Mais qu'est, en réalité le coeur du signet d'Estème Couret ?
Deux suppositions seules sont admissibles : Ou c'est le
coeur de Couret lui-même, ou bien, s'inclinant devant Celui
qui régnait alors sur toutes les pratiques de la vie familiale —
Christus régnât, Christus imperat, disaient en ce temps-là les
monnaies royales de France — Couret voulut marquer son sceau
du Coeur glorieux du Sauveur, le prenant tout à la fois comme
un «, emblème parlant » et comme un signe protecteur, ainsi
qu'à ces mêmes titres la tête de saint Jean-Baptiste était figurée,
dans un linge ou sur un blason, au milieu des signets de Jean
Cloche (1414) et de Jean Crête (1385), et le gril de saint Laurent
sur celui de Simon Laurent (XIV s.).
A la vérité, surtout vers la fin du XVe siècle, nombre d'ar-
tisans, notamment les premiers imprimeurs libraires, représen-
tèrent souvent, sur leurs firmes et marques professionnelles di-
verses, leurs propres coeurs ; et quelquefois, tel Anthoine Vérard,
, imprimeur parisien, le Coeur de Jésus et le leur, l'un au-dessus
de l'autre, mais avec des attributs propres à empêcher qu'ils
soient confondus l'un avec l'autre.
Et ce caractère attributif me parait établi sur le petit sceau
de Couret par ce fait que de l'endroit où la croix pénètre dans
le coeur s'échappent des rayons.
On sait que, dans l'iconographie religieuse du Moyen-Age,
les rayons furent le signe spécial et réservé de l'état glorieux ;
or, sur l'objet qui nous occupe, ils ne se rapportent pas à la croix,
mais au coeur. S'ils étaient la glorification de l'arbre rédempteur
ce ne serait pas de son pied que l'artiste les aurait fait jaillir,
mais de son centre, c'est-à-dire du point de croisement du tronc
et de la branche transversale,' comme ce fut toujours l'usage
pour les croix rayonnantes. Assurément un artiste d'aujourd'hui
ne les aurait pas superposées, mais concentrés davantage à leur
point de naissance; le graveur d'alors parait surtout là s'être
défié, non de son burin, qu'il maniait en maître, mais plutôt
du métal qu'il travaillait et qu'il trouvait peut-être cassant.
Attribués d'autre part au coeur de Couret, les rayons ne
s'expliquent en aucune façon. Et s'ils ne sont applicables, en
le cas présent, ni à la croix, ni au coeur du chrétien vivant qu'é-
tait Couret, c'est que Celui qui est là, si fermement gravé dans.
28. Le sceau d'Estème Couret 267
la chair inaltérable du bronze est bien le Coeur glorifié du Sau-
veur Jésus !
Cette conclusion que je donnais en 1917, j'ai eu la satisy
faction de la voir acceptée par de savants confrères en archéo-
logie et par d'érudits spécialistes de l'iconographie du Coeur
divin, notamment par le R. P. jésuite J. V. Bainvel. (1)
Le Coeur de Jésus figuré sur un sceau du XIVe siècle cons-
titue-t-il un fait qui puisse être qualifié d'insolite ? Non, assu-
rément, pas plus que la figuration de ce même Coeur sacré sur
la gravure murale du donjon de Chinon que j'ai signalé dans
Regnabit du mois dernier (janvier 1922).
Et précédemment l'article si documenté de M. Emile
Hoffet, Le Sacré-Coeur au Moyen-Age en Allemagne et en France,
ne prouve-t-il pas, mieux que je ne saurais le dire, combien les
monuments littéraires du culte du Coeur divin nous sont restés
nombreux de la piété du XIVe siècle en ces deux pays ?.. Une
telle ferveur de pensée ne pouvait pas aller sans s'extérioriser
en quelques monuments représentatifs.
Les documents d'art de cette même époque, insoupçonnés
ou presque il y a quinze ans, alors qu'on ne citait guère que le
coeur divin sculpté sur le crucifix de l'abbé Trémy, de Taren-
taise, (2) commencent à se montrer moins rares qu'on le croyait
alors, les études actuelles et les recherches en cours.ne peuvent
manquer d'accroître le nombre de ces précieux et vénérables
témoins de la piété d'autrefois : Regnabit et ses amis y contri-
bueront grandement, j'en ai la ferme espérance.
Loudun, décembre 1921.
, L. CHARBONNEAU-LASSAY.
(1) J. V. Bainvel : La dévotionau Sacré-Coeurde Jésus. Append. III, pages.
640-641.Paris, Beauchesne, 1921.
Eléments d'IconographieChrétienne,ch. IV, p. •84. (note)
— Lille,Cf. L. Cloquet.Brouwer, 1890.
(2)
Desclée et de
29. 268
LE COEUR EUCHARISTIQUE DE JÉSUS
au Quinzième Siècle.
Le coeur sacre de Jésus blessé par la flèche de l'amour - enfermé
dans la couronne d'épines - percé par la lance.
Le coeur eucharistique: 1) au-dessus au calice - 2) ostensoir et
source de la sainte hostie.
(Gravure çur bois allemande du XV" siècle, communiquéepar le R..P. Rich-
staetter, S. J.)
30. Le Hiéron 269
La Société du Règne Social de Jésus-Christ :
à j>ctray~le-)tfonial (Suite)
IV. - APOSTOLAT ACTUEL DU HIÉRON
Visite expliquée (Suite)
SALLE DES HOMMAGESET DES PROMOTEURSDU RÉGNE SOCIAL
De tous temps, les adieux aux êtres aimés ont été une des
scènes les plus touchantes de la terre. Ce sont les heures où le
coeur se livre et où se font les suprêmes échanges.
Le Christ Jésus, qui voulut avoir tout de l'homme sauf le
péché, se soumet à cette loi commune. C'est au dernier soir de
sa vie terrestre qu' 11 scella la « Splendeur du Père » sous l'humble
apparence de l'Hostie et renferma le Verbe éternel dans le silence
eucharistique, et cela jusqu'à la consommation des siècles (1)
Pour Marguerite-Marie, sa confidente il n'agit pas autre-
ment.
Déjà plus de 60 fois il s'est communiqué à elle. Mais c'est
en 1689, l'année qui précède sa mort, qu'il lui révêlera le grand
désir' de son Coeur. H change soudain de ton avec elle. Ce n'est
plus l'accent de la tristesse, du regret, de l'amoureux reproche.
Il commande. Il parle en Roi.
Je veux, dit-II, que mon coeur soit adoré dans les palais
des grands (de ceux qui alors détenaient le pouvoir).
Je veux un temple national.
Je veux la consécration et les hommages (2) du Roi (3) et
des Grands.
Je veux que mon Coeur soit peint sur les étendards. (4)
C'est ce que nous appelons avec juste motif, les grandes
Révélations ou Révélations sociales.
N. Seigneur en réclamant ce culte social n'innovait rien.
Au moment où l'absolutisme de Louis XIV, par une cen-
tralisation outrancière, menaçait d'ébranler les fondements de
(1) Matth. XXVIII. 20.
, 0) C'est en suivant la pensée et ies paroies de Mar?uerite-Marieque nous
séparons comme elle les consécrations,actes du chrétien s'adressant à son Pieu
et les hommages, ctes du citoyen qui s'adresse à J-C. en tant que Roi des Sociétés.
a
(3) « Le Prince, en tant que prince, n'est pas regardé comme,un homme ...
particulier ; c'est un personnage public. Tout l'Etat est en lui» (Bossuetj. C'est
donc bien la consécration et les hommages de l'État que réclame le Sacré-Coeur
(3) Lettres de juin et du 28 août 1689de Marg.-Marieà la Mèrede Saumaise.
31. 270 Doctrine
la société d'une part, et de l'autre de faire perdre au Roi cons-
cience de la sujétion au pouvoir moral de l'Église, J.-C. inter-
venait en imposant la reconnaissance de ses Droits suprêmes
auxquels la Chrétienté s'était soumise pendant neuf siècles.
Cette salle toute entière confirmera notre assertion. Elle
montrera aux visiteurs les hommages publics, officiels rendus
par les Princes, par les Républiques, par les Rois et les Empereurs
au temps de la Chrétienté à Celui qui est le Roi des Rois et te
Seigneur des Seigneurs, « Dominus dominorum est et Rex regum (1)
et qui aux yeux de tous, au jour du jugement général, paraîtra
portant sur sa cuisse ses titres souverains. « Et habet in femore
suo scriptum » : Rex regum et Dominus dominantium » (2)
D'ailleurs si les sociétés, toutes visées dans la société fran-
çaise, rendent à nouveauau Christ les hommages qu'il demande,
Il ouvrira encore sur elles les trésors de sa miséricorde — « S'H
triomphe, comme II le veut, du coeur du Roi, et par son entre-
mise de celui des grands de la terre, Il abattra à ses pieds les
têtes orgueilleuses et superbes, nous affirme Marguerite ; Il le
rendra triomphant de tous les ennemis de l'Église,.... de tous
ses ennemis visibles et invisibles. Il répandra ses bénédictions
sur toutes ses entreprises (3)
On sait que Louis XIV n'écouta point le message de l'hum-
ble religieuse.
On sait que cent ans après, au rebours de Jésus-Chrsit établis-
sant ses droits en créant et rachetant l'humanité, cette pauvre hu-
manité déclarait les siens d'une façon destructive et pitoyable. Elle
. le faisait aux sourds grondements de la guillotine invisible des idées
fausses. Ces idées fausses, en rasant dans les âmes la foi, les espoirs
divins, les liens de la charité entre les classes, écrivaient leurs
premiers triomphes sur les échafauds de 1793 ; elles les ont con-
tinués dans les barbaries de Luther pendant la grande guerre
de 1914rl918 et avec des cris d'affranchissement plus reten-
tissants encore, elles atteignent leurs dernières conséquences dans
le bolchevisme qui ruine, affame, torture, pestiféré un empire
de 180 millions d'habitants et aspire à l'hécatombe universelle.
Oui, pauvre humanité ! « Quand elle renie le Ciel, le Ciel
peut se reposer sur elle-même du soin de Le venger et de la punir ;
entraînée par son délire, elle tombe dans l'abîme de l'anarchie » (4)
Mais Jésus-CHrist est Médiateur et Sauveur. Et dans ce désarroi
(1) Apoc. XVII, 15.
(2) Apoç. XIX. 16.
(3) Lettres déjà citées.
(4) Panég. de S?Augustin, Père de Neuville.Nous nous permettons de mettre
ici au présent ce que ce penseur prédisait 45 ans avant la grande Révolution.
32. Le Hiéron 271
général des consciences et des événements, tous les Catholiques
se retournent vers son Coeur Sacré comme vers l'Arche de salut:.
Tous, des plus grands : Léon XIII, Pie X, Benoit XV, aux plus
petits : nous croyons avec certitude aux promesses politiques
du Christ. Auteur et détenteur de la paix et de la prospérité,
Il les rendra aux nations quand les nations se soumettront au Règne
de son amour.
On comprendra que devant la Ie vitrine dont les médailles,
les objets d'art,le sceau authentique du Concordat de François lr
et Léon X, un écrit, authentique aussi de Marguerite-Marie,
les souvenirs du Roi-Martyr, rappellent les diverses phases de
la religion en France, nous devions donner ainsi la philosophie
générale de cette salle à des visiteurs dont beaucoup ne con-
naissent l'histoire que depuis 89 et par les Manuels primaires ! . ,
Bien d'autres connaissent les faits, mais selon la pensée
de Mr Guizot on doit les aider à rechercher les causes, à déduire
les conséquences sans quoi le présent ne serait jamais pour eux
Maire par le passé.
Pour développer le courage de travailler à la rénovation
sociale suivons-en, dans une série de Portraits, les illustres Pro-
moteurs qui, « ne craignant que Dieu, libérèrent le monde » (1)
C'est d'abord Constantin (305-337). Il chevauche à la tête
de son armée qui s'échelonne entre Châlon et Louhans (2) dans
3a province bénie qui doit un jour recevoir la révélation du Sacré-
Coeur quand à ses regards stupéfaits une lumière éclatante irradie
dans les airs la Croix sacrée et il Ht les paroles mystérieuses :
•«Par ce signe tu vaincras ».
Obéissant à la voix divine, Constantin fait exécuter son
fameux « Labarum ». Il le déploie à la Bataille du Pont Milvius
que nous montre la fine gravure de Belli (n° 202) (3) où ses lé-
gions électrisées fondent sur Maxence, assurant à Constantin
un empire qu'il déclare hautement devoir au Christ et que, du
même coup, il ouvre à tous les chrétiens, car l'étendard du La-
barum portait dans ses plis l'édit de Milan (312).
(1) Bossuet. Politique de l'É. Ste.
(2) Les savants ont longuement discuté pour savoir où avait eu lieu la lro
apparition de la Croixà Constantin. Après de sérieuses controverses,l'opinion la
plus accréditée la place dans les environs des villages-de notre région, entre les
hameaux de La Barre, de Lux, de Bellecroix,de Lusigny, au sud-est de Chalon-
sur-Saône. ans cette incidence,on ne s'expliqueraitpas mêmele nom de Labarum,
S
nul n'ayant pu trouver à ce mot une racine latine ou grecque. Voir à ^ce sujet
Histoiredu duché de Bourgogne,par Courtépée, Vie de S' Légerpar Dom Pitra,
lé Labarum par l'abbé Canet, les six intéressantes Conférencesde M1le Chanoine
Gaudeau en 1902.
(3) Un sculpteur, amateur de gravures, venant l'an dernier au Musée,s'arrêta
•ongtempsdevant celle-ciet déclara que pour la posséder il donnerait toute la
salle.Ces paroles hyperboliques témoignent cependant de la valeur de la gravure;
«lies représentant le *Triomphe de l'Eucharistie » exécutées d'après les cartons
da Rubens sont encore plus suggestives.
33. 272 Doctrine
Voyez ici ce farouche et franc regard dominé par une force
supérieure. C'est le portrait de Clovis, qui s'écrie à Tolbiac :
« Dieu de Clotilde, à moi la victoire.et je t'adore !—
Et Dieu donne la victoire pour qu'en tout temps, la France
adore.
Quel est cet autre qui assied notre patrie « comme une
Reine au milieu des peuples naissants » ? Sa physionomie n'a
plus rien de farouche. Mais elle en impose à tous par son carac-
tère de sereine noblesse. C'est Charles le Grand (Portrait de
Charlemagne 768-814) qui a voulu recevoir la couronne impé-
. riale du Christ lui-même se survivant en la personne de S* Léon,
pape. Étonnez-vous après que dans 53 guerres, il soit victorieux
des Lombards sacrilèges, des Arabes musulmans, des Saxons,
idolâtres, qu'il jette les fondements de la Chrétienté par ses
inoubliables Capitulaires, affirmant l'heureuse vassalité des na-
tions du Moyen-Age vis-à-vis de leur Roi suprême :
« Christo Jesu régnante in perpetuum ».
Elle va être, avec le signe auguste de la Trinité, la formule
de tout grand acte civil pendant le Moyen-Age. Tels se patron-
neront les contrats d'achats, les traités, les testaments .De Char-
lemagne à Louis XII les monnaies elles-mêmes seront frappées
à l'effigie ou au monogramme du Roi suprême, ainsi que nous
le prouvent de beaux écus d'or et d'argent dans la 3e vitrine.
Le Christ-Hostie ne préside. pas seulement aux lois qui
s'inspirent alors de la morale de l'Église et respectent ses dogmes;
le peuple, les grands Le reconnaissent comme le "vrai Dieu des
batailles. En élevant son drapeau chargé aux cinq plaies du
Christ, Alphonse Henriqùez de Bourgogne a culbuté à Ourique
5 émirs maures (1) (1139). Il nous convenait d'admirer sa tête
d'extatique et de roi. Portrait d'Alphonse lr — Aux croisades,
pendant tout le cours du Moyen-Age, à l'exemple de ce souverain,
Jésus-Hostie est triomphalement porté dans son Char sur les
champs des combats. Nous voici en 1176, à la bataille de Legnano
(Grand panneau de droite). C'est un corps à corps, un cheval à
cheval poignant et magnifique. Les troupes gibelines, celles de
l'empereur Barberoussë semblent d'abord l'emporter. Mais, au
moment le plus décisif, un moine après avoir célébré la messe
sur le Char eucharistique qui se profile à l'horizon donne la béné-
diction aux armées représentant le droit et les Guelfes, partisans
du Pape, remportent une victoire libératrice.
Maintes fois, ces années-ci nous avons eu l'occasion de faire
comparer aux poilus, revenant de la grande guerre, la différence
fl) Voir l'article précèdent dans RegnabitSalle des Consécrations- et tout
le récit de la bataille dansGinther1.1,Cons IX «S. S. Coret nomen Iesu,utrumque
scuttim inexpugnable contra omnes hostium insultus etc. page 68.
34. Le Hiéron 273
de portée civilisatrice entre ce geste moralisateur qui protège
le droit et unira les victimes au Sacrifice des autels, à l'acte
brutal qui, au nom du progrès, lance les gaz lacrymogènes fai-
sant des milliers d'aveugles, des gaz narguant tout héroïsme
individuel comme les droits les plus indiscutables.
Retournez-vous d'ailleurs.et jugez si la Chrétienté trouva
dans l'Hostie de moindres inspirations au point de vue des arts
qu'au point de vue diplomatique.
Une Arche eucharistique dont s'enorgueillirait le musée de
Cluny atteste le génie de l'inspiration comme celui de l'exécu-
tion avec ses merveilleux ivoires représentant le duc et la duchesse
d'Albano auxquels elle appartint, les apôtres, les 4 évangélistes,
les symboles eucharistiques, tous les emblèmes de la Passion
et plus de 80 figurines de saints et de prêtres. Pendant trois
siècles, cette arche sainte porta le Dieu voilé mais tout-puis-
sant au milieu des luttes entre chrétiens et turcs, guelfes bu
gibelins. Elle est l'ancêtre vénérée des autels portatifs de nos
prêtres soldats, supérieure en beauté intrinsèque, « oh combien !
égale en fécondité morale, en rempart contre la licence, en sur-
naturelle beauté communiquée aux âmes.
Comment Barberousse avait-il pu vouloir, avant Legnano,
en pleine chrétienté, prévariquer contre le Pape ? Il n'avait
plus présent à la mémoire l'acte de foi de son premier devancier
sur le trône du Saint-Empire, acte de foi que Rubens a immor-
talisé, et que Salvator Martinez Cubells, un artiste attaché au
Prado (musée de Madrid) a reproduit pour le Hiéron. (1)
A la vue d'un prêtre à pied portant le SMsacrement, Ro-
dolphe comte Suisse cède au moine son propre coursier qu'il
conduit lui-même par la bride, à travers un torrent (n° 130).
Arrivé à la chaumière où il va porter le viatique, le prêtre se
retourne vers Rodolphe : Mon fils, lui dit-il, Jésus-Christ ne se
laisse jamais vaincre en générosité : tu lui as donné ta monture,
Il te fera monter au faite du S* Empire. Et Rodolphe, de simple
seigneur suisse devient empereur et fonde la dynastie des Habs-
bourg.
Qu'ils viennent à sa suite se ranger fièrement dans cette
salle les héros qui défendirent les droits du Christ Jésus. Qu'ils
nous redisent les protections divines éprouvées par eux bien
avant même les promesses de Marguerite-Marie.
C'est S* Ferdinand, roi d'Espagne (1217-1251) qui repousse
les Maures de Cordoue et de Séville ; Jean 1er roi de Portugal
qui les défait à Ceuta ; Isabelle la Catholique (1450-1504) qui
termine splendidement la lutte contre le croissant dans la pé-
ninsule Ibérique en lui arrachant Grenade (1492).
(1) CrtEfbleau de Rubens porte au Prado le n° 1566.
35. 274 Doctrine
Vaincu à l'Occident, Mahomet veut au moins augmenter
ses possessions d'Orient. Déjà, depuis longtemps les croisés se
sont levés contre lui, tantôt avec leurs rois, tantôt avec leurs
seigneurs et leurs doges. Au XVIe siècle, un grand pape surtout,
S* Pie V (1) organise là flotte, stimule l'honneur de l'héroïque
Bragadino (2) que nous sommes heureux de saluer en passant
et met à genoux la chrétienté pour obtenir la victoire de Lépante
(1571) Cinq tableaux qui s'y rapportent occupent le panneau
du fond.
Dans le principal, Paul Véronèse met en mouvement les
deux vaisseaux amiraux des adversaires qui s'agrippent et vont
s'éventrer. Mais sur celui des chrétiens, commandé par Don
Juan d'Autriche, deux anges apparaissent, l'un porteur de la
Croix, L'autre de l'Eucharistie. C'est assez dire. C'en est fait.
Les chrétiens remportent un triomphal succès.
Heureuse époque où l'on faisait appel au génie pour redire
franchement aux siècles futurs que la victoire venait de Dieu !
Le catholicisme n'a point seulement à se défendre, sa grande
mission est de conquérir les âmes. Inclinons-nous devant Chris-
tophe Colomb (3) (f en 1505) et Vasco de Gama (4) (1525) dont le
but principal en découvrant de nouveaux pays était de leur ap-
porter la bonne nouvelle de l'Évangile. Par une de ces idées
profondes dont il est coutumier, Vasco de Gama veut que le pre-
mier Etre qui prenne possession des terres qu'il aborde, ce soit le
Christ Jésus, et il fait célébrer la Sainte Messe lorsque son vais-
seau est encore à l'ancre et qu'il vient d'atteindre les Indes
(Curieuse marine du XVIIe s. n° 181).
Non loin de là les ors fins de la coupole de S* Marc rutilent
sur le fond azuré du ciel de Venise et jettent des reflets joyeux
sur la vaste place couverte d'innombrables groupes qui proces-
sionnent majestueusement. Le doge Cigogna a consacré la répu-
blique de Venise au S* Sacrement et il a ordonné que toutes
(1) Voir sa belle vie, par Falloux, en 2 volumes.
(2) Bragadino résista 11 mois dans Fàmagousteassiégéepar les Turcs, afin
de retenir une partie de la flotte ennemieet d assurer ainsi le succèsde Lépnnte.
Héros indomptable, il vint après l'entrée des musulmanstraiter de l'embarque-
ment des chrétiens sous la tente de Mustapha. Celui-ci,violant le droit des gens,
, fit saisir, mutiler et écorchervif l'intrépide gouverneur.Bragadinosupporta l'af-
freux supplice sans une plainte. Il agonisa, nové dans son sang, en répétant les
paroles du Miserere: « Lavabis me et super nivem déalbabor... Tune acceptabis
sacrificium justitia? et holocausta. »
(3) Le célèbreartiste contemporain Cubellsa restitué à l'art et A l'histoire
le portrait de ChristopheColombà l'occasionde son dernier centenaire.
(4) On sait que Vasco de Gama dans une épouvantable tempête qui mena-
çait de l'engloutir, saisit un tout petit enfant et l'élevant au-dessusdes flots en
rage, s'écria : (O Seigneur, au nom de cet innocent, sauve-nous,pécheurs que
nous sommes! » Les flots se turent et Vascodoubla le cap de Bonne Espérance.
(5) Spera in Deo, fac bonitatem. et habita terram et pasceris in divitias ejus-
(Ps. XXVI, 3)