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Regnabit. Revue universelle du Sacré-Coeur. 1921/07.




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1" ANNÉE-N-2                                             .JUILLET1921




 La      bienvenue                   à   ." ï^egnabit"


     Dès son apparition, Regnabit a reçu un accueil profondément
                                                                       '
sympathique.
     11 semble, en vérité, que la « Revue Universelle du Sacré-
Coeur» était attendue.
     Lisez plutôt!
     •Lettre de S. E. le Cardinal Van Rossum, à M. le directeur-de
la revue Regnabit, à Paris :
           MONSIEUR,
     Je viens de recevoir votre excellente revue Regnabit consacrée
 à la dévotion que les besoins du temps actuel requiert toujours
plus, à la dévotion du Coeur Sacré de Jésus.
     La solidité de doctrine qui se montre dès le premier numéro,
 l'universalité et la bonne conception du plan que vous vous êtes
tracé, ainsi que l'élévation et l'utilité suprême du but que vous vous
proposez, sont pour moi une raison d'applaudir à votre travail et
 de vous donner de grand coeur ma bénédiction avec les meilleurs
 souhaits pour l'avenir dé la revue.
      Rome, Fête du Sacré Coeur, 1921.
                                ,      G. M., CARD.VANROSSUM.
      Lettre de S. E. le Cardinal Mercier, archevêque de Malines :
            MONRÉVÉREND       PÈRE,
 "~
     Je vous remercie d'avoir songé à m'envoyer le premier numéro
 de la revue Regnabit dont le but est de propager la dévotion au
  Sacré Coeur.
     Je vous félicite de cette nouvelle initiative, à laquelle je souhaite
 tout le succès qu'elle mérite.
     Volontiers, je bénis vos efforts pour étendre le règne du Sacré-
 Coeur de Jésus.
     Croyez, je vous prie, mon Révérend Père, à mes sentiments
  tout dévoués.
                             -J-D. J., CARD. MERCIER,archevêque de
                                                                  Malines.
      Lettre de S. G. Mgr Rutten, évêque de Liège :
            MONSIEUR    L'ABBÉ,
      J'ai reçu l'exemplaire de la nouvelle revue Regnabit que vous
66

avez bien voulu m'envoyer. Après l'avoir rapidement parcourue,
je ne puis que louer le but qu'elle poursuit et encourager les rédac-
teurs à persévérer dans la voie où ils marchent. •
    Je souhaite de tout coeur que leurs efforts soient couronnés de
succès et je les bénis.
                            f M. H. RUTTEN, vêque de Liège.
                                                é
      Liège, le 30 mai 1921.
     De l'Excme et Illme Sr. Dr. Fr. José Lopez Mendoza Garcia,
évêque de Pampelune :
                                        Pampelune., le 23 mai 1921.
            MONSIEUR   L'ABBÉF. ANIZAN,
     J'ai reçu l'annonce de votre revue Regnabit dédiée à déclarer
toutes les questions qu'on peut susciter du Sacré Coeur de Jésus
pour inspirer à tout le monde la plus grande reconnaissance du
 même et en conséquence la plus grande vénération et l'amour le
plus ardent envers Lui.
      Il est évident qu'un but si sublime et si nécessaire doit mériter
 l'approbation de toutes les âmes bonnes et de ceux- qui sont placés
 par le Saint-Esprit pour diriger les fidèles par les voies désignées
 par le Bon Dieu.
      Je bénis de tout mon coeurvotre revue qui commence et je prie le
 Seigneur de vous donner ses grâces spéciales afin de réussir le but
 désiré.
      Veuillez agréer, mon Révérend Père, mes meilleures salutations.
                                       L'EVÊQUEDE PAMPELUNE.
     Del'Illme et Rdme. Sr. D. Marcial Lopez Criado, évêque de
 Cadix :
                                    Cadix, le 28 mai 1621.
           MONSIEUR   L'ABBÉFÉLIX ANIZAN, aris.
                                             P
     En vous accusant réception de votre lettre, ainsi que du premier
 numéro de la nouvelle revue Regnabit, que vous avez bien voulu
 m'offrir en hommage, j'ai le plaisir et l'honneur d'ajouter à celle
 très autorisée du Cardinal Dubois, l'expression de mes félicitations,
 mes voeux et ma bénédiction pour la pleine réalisation de votre
 haut idéal
                                  t MARTIAL,    évêque de Cadix.
     Après ces bénédictions, qui nous sont très chères, voici des
 encouragements qui nous sont bien précieux aussi :
     De M. le Chanoine Maucotel, v. g., supérieur de l'Ecole de
  Théologie, à Bar-le-Duc :
           MONSIEUR BIENCHERPÈRE,
                       ET
     Je salue avec une très grande joie la « Revue Universelle du Sacré
 Coeur », et je lui souhaite la plus large diffusion, car elle sera d'une
 très précieuse utilité pour tous ceux qui travaillent à l'extension
 du Règne du Sacré Coeur.
     De M. l'abbé Duplessy, le directeur de la vaillante Réponse :
     Aux premières vêpres du mois du Sacré-Coeur,je viens de prendre
 connaissance de,votre premier numéro de Regnabit. Permettez^moi
67

àe vous adresser mes humbles et sincères félicitations. Si vous conti-
nuez comme vous avez commencé, votre Revue fera beaucoup dé
bien et aura une très grande valeur. Que le Sacré Coeur de Jésus
bénisse l'oeuvre et l'ouvrier ! C'est un souhait qui, je n'en doute pas,
sera réalisé ».
     Du R. P. Chrysostome Laneurdth, des Sacrés-Coeurs de
Picpus,    directeur national de l'oeuvre de l'Intronisation en
Allemagne :
                      LE
          MONSIEUR DIRECTEUR,
     Hier, j'ai reçu le premier numéro de votre excellente revue
Regnabit. Je l'ai lu d'un trait ; effectivement, une revue pareille
comble une lacune, car elle nous manquait, surtout à nous autres
prêtres. Je n'ai qu'un regret : celui de savoir pas assez bien le français
pour me ranger au nombre de vos collaborateurs. En tout cas, je
 suis votre abonné et je ne manquerai pas de recommander votre
 revue à d'autres confrères sachant le français. Puisse votre revue,
 dans son idée d'universalité qui la caractérise, contribuer aussi à
 rapprochement des coeurs des peuples au coeur de Celui qui a tant
 aimé les hommes ! Je vous promets aussi mes prières pour que votre
 travail soit fructueux et réalise dans son dernier succès le beau
 titre de votre revue Regnabit.
      De M. l'abbé Tocquet, curé de Bréhéville :
          CHERMONSIEUR       L'ABBÉ,
    Bien que le programme m'ait donné.quelque idée de ce que serait
 Regnabit,- j'ai été heureusement surpris en constatant que vous
 avez pleinement réalisé toutes les espérances. C'est vraiment une revue
 magistrale qui plaira aux intellectuels, un foyer ou tout les apôtres
 du Sacré Coeur pourront venir renouveler et réchauffer leur zèle.
     Vous vous êtes entouré de collaborateurs qui lui apporteront le
 résultat apprécié de leur science-et de leur dévouement.
     Un missionnaire m'écrit :
            BIEN CHERAMI,
      Votre idée est excellente, et si vous pouvez soutenir votre pro-
 gramme, ce sera vraiment merveilleux. Cette revue manque. Les >
  autres sont « trop exclusives ».
       — Non, les autres ne sont pas « trop exclusives ». Elles sont
  ce qu'elles doivent être. L'organe d'une oeuvre doit avant tout
  s'occuper de cette oeuvre, et c'est par là qu'il sert la cause com-
  mune.
       D'autre part, les membres d'une oeuvre, restant très
  dévoués à cette oeuvre, et fidèles au bulletin qui en est l'organe,
  ont avantage à savoir tout ce qui se passe autour d'eux. La « Revue
. Universelle du Sacré Coeur » entend bien leur donner une vue
  d'ensemble de tout le rayonnement du Sacré Coeur, de tout le
   mouvement des âmes vers Lui. Telle sera; dans l'ordre des
   faits, son très grand avantage. Mais les Bulletins spéciaux
   des oeuvres particulières seront nécessaires toujours.
68 —

   Mon correspondant continue :
   Votre supplément sera bien vu par nos directeurs de groupes,
qui ne savent vraiment comment entretenir les réunions.
    Or, le directeur d'une de nos églises du Sacré-Coeur vient
justement de m'écrire :
    Voyez comme le Sacré-Coeur est attentif à tous nos besoins !
je cherchais précisément à m'entoUrer de documents pour l'érection
de ma confrérie des Hommes 'deFrance au Sacré-Coeur— dont l'idée
a été lancée pendant la mission — et votre excellente revue me les
fournit. Merci.
   Mêmes sentiments dans cette lettre :
           MONRÉVÉREND       PÈRE,
     Je vous suis très reconnaissant d'avoir bien voulu m'envoyer
votre revue du Sacré Coeur Regnabit.
     Les essais plus ou moins médiocres, plus ou moins malheureux,
tentés ces dernières années rendaient plus manifeste la nécessité
d'une revue de doctrine et de renseignements sur tout ce qui touche
au culte du Sacré Coeur.
     C'est donc avec la plus vive joie que je salue l'apparition de
Regnabit.
     L'ampleur du programme adopté, la largeur de vues dont vous.
vous inspirez, la valeur doctrinale des collaborateurs que vous avez
groupés, nous sont un très sûr garant des enseignements qui nous
 seront apportés par la revue.
      Heureuse trouvaille encore que le supplément sacerdotal. Comme
 il sera apprécié par nous, pauvres curés de campagne, démunis si
 souvent des moyens d'étude et de renseignements pratiques si
 nécessaires !
      Je souhaite donc de tout coeur la plus large diffusion à cet apôtre
 nouveau.
     D'un autre :
     De tout coeur j'applaudis à votre initiative et, malgré les charges
nombreuses et parfois bien lourdres qu'ont à supporter aujourd'hui
les curés, je veux m'abonner à votre revue Regnabit. Tout ce qui
touche, en effet, à la dévotion au Sacré Coeur de Jésus m'intéresse
vivement. J'estime qu'elle doit passionner les prêtres surtout et que
c'est un devoir pour eux de la propager par tous les moyens possibles.
     Votre revue les y aidera puissamment en raison de sa caracté-
ristique et je me réjouis d'y puiser les lumières nécessaires pour faire
mieux connaître ce Coeur qui nous a tant aimés..
    A quoi bon multiplier des redites ?
    Ces extraits du courrier montrent assez les sentiments           qui
 ont accueilli Regnabit .et qui nous encouragent.

     «La Revue Universelle du Sacré Coeur » entend réaliser
 les espérances qu'elle a-fait naître. Par la grâce du Sacré Coeur,
 elle y réussira.
 v                                           F. ANIZAN
                                 Secrétaire Général de Rédaction
69


                                          /. — LES IDÉES



            Les      Révélations             privées


     De toutes les grandes dévotions approuvées par l'Eglise il n'en
est pas une seule qui dépende de révélations faites par Dieu à quel-
ques âmes privilégiées comme la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus. Il
est bien vrai qu'elle se trouve implicitement contenue dans le culte
que l'Eglise a, de tout temps, rendu à la personne du Verbe Incarné,
principalement dans les deux mystères de la Passion et de l'Eucha-
ristie ; il est bien vrai aussi, que, longtemps avant les célèbres
révélations du Sacré-Coeur, quelques âmes plus saintes et plus
éclairées l'avaient déjà pratiquée d'une manière formelle et expli-
cite ; mais il est certain toutefois que, dans sa forme actuelle et dans
le développement qu'elle a pris depuis deux siècles, elle dépend, eh
grande partie, des révélations particulières faites à sainte Margue-
rite-Marie.
    C'est pourquoi l'attitude différente que l'on prend en face dès
révélations privées entraîne tout naturellement différentes appré-
 ciations des fidèles ou des théologiens au sujet de la dévotion au
Sacré-Coeur de Jésus.
     Les uns, préoccupés probablement d'éviter tout reproche de
crédulité, et ne voulant baser leur jugement que sur des données
absolument certaines, prétendent qu'il ne faut tenir aucun compte
 des révélations privées, seraient-cc les révélations d'une sainte
 Gertrude ou d'une sainte Marguerite-Marie. « L'Eglise, disent-ils,
 ne les fait _pas siennes ; nous n'avons aucune preuve incontestable
 de leur origine divine, ni surtout aucun critérium certain de leur
 interprétation. Par conséquent nous devons les considérer purement
 et simplement comme tous les autres écrits des saints, ni plus ni
moins. Et ainsi, pour eux, les demandes, par exemple, faites par
 N. S. à sa confidente, Marguerite-Marie, sont comme non avenues,
ils n'acceptent la dévotion au Sacré-Coeur que selon la stricte rigueur
4e la doctrine catholique ou des dé isions officielles du Saint-Siège.
     D'autres, au contraire, dès qu'ils croient — peut-être avec raison —
 devoir accepter comme divines certaines révélations privées, les
 •acceptent si absolument qu'ils prennent pour parole de Dieu tout
 ce qu'elles contiennent, jusque dans le moindre détail. C'est ainsi
 qu'Us voient dans les révélations de sainte Marguerite-Marie comme
  tin évangile dont il est défendu de s'écarter, et auquel l'autorité
  même de l'Eglise a le devoir de se conformer.
      L'une ou l'autre de ces deux appréciations se trouve, en fait,
  plus ou moins explicite dans bon nombre d'esprits, surtout la
70 —

 seconde. Elles sont cependant, toutes deux, également fausses.
  Comment, en effet, d'une part, ne tenir aucun compte de révélations
 si bien prouvées et authentiquées, que l'Eglise elle-même, après un
  examen très sérieux, les a reconnues et approuvées ! Comment aussi,
  d'autre part, accepter sans hésitation, comme paroles divines, des
  écrits qui n'offrent aucune garantie d'infaillibilité dans chacune de
  leurs assertions, et que l'Eglise ne veut jamais approuver positi-
  vement dans le détail des révélations qu'ils rapportent !
       Il y a certainement un juste milieu à garder. La plupart des
  fidèles s'y tiennent, confusément du moins, par l'effet de ce sens
  catholique que nous donnent la vertu de foi et l'éducation chrétienne,
   et qui est comme une sorte d'instinct surnaturel de la vérité. La
   plupart des théologiens et des prédicateurs s'y tiennent aussi, mais
   pas toujours avec la précision et la netteté que l'on souhaiterait.
         Nous avons donc pensé être utiles à nos lecteurs en leur mettant
. sous les yeux un résumé aussi complet et aussi clair que possible
   de la doctrine théologique sur tes révélations privées.
         Après avoir, tout d'abord, examiné les notions de révélation
   en général, de révélation publique et de révélation privée, nous
   exposerons ce qu'il faut penser de l'existence des révélations privées,
   de leur nature et de leurs différents modes, de la certitude qu'elles
   peuvent donner, de l'approbation que l'Eglise leur accorde, de
    l'importance qu'elles ont dans le développement de la vie catholique,
. et enfin de l'influence spéciale qu'ont eu pour la dévotion au Sacré-
    Coeur les révélations faites par Notre-Seigneur à sainte Marguerite-
    Marie.
         Nous ne nous dissimulons pas la difficulté de notre tâche, car
    nous rencontrerons plusieurs points sur lesquels les théologiens,
    ou bien ne s'accordent pas, ou bien gardent quelquefois trop pru-
     demment le silence. Nous nous efforcerons cependant de rester
     toujours dans la ligne des directions données par le Magistère
     ecclésiastique en adhérant entièrement aux actes du Saint-Siège
     en ces matières, et en suivant autant que possible les grandes auto-
     rités de saint Thomas, de Benoît XIV, et des meilleurs théologiens
     de notre époque,

                                     I

            Ce qu'on      doit   entendre     par   révélation


       Le mot de « révélation », d'après son évidente étymologie,.
   signifie toute manifestation d'une chose auparavant voilée ou
   cachée. Dans ce sens premier, il est fréquemment employé, non
   seulement dans le langage courant, mais aussi en théplogie et
   dans l'Ecriture elle-même. Par exemple : Luc XII, 2 « Il n'y a rien-
.de caché qui ne doive être révélé , rien de secret qui ne doive être
  connu »                                                        -
         Même appliqué aux choses divines, et entendu comme mani-
  festation faitepar Dieu d'unevéritécachée,cemot       comporte encore
  plusieurs significations qu'il sera bon de mentionner ici, afin de
   mieux déterminer, par exclusion, celle que nous avons à.considérer
   et à étudier. Dieu, en effet; peut se révéler ou se manifester à nous,
   soit comme auteur de la nature, soit comme auteur de la grâce.
    Delà, deux sortes de révélations correspondant à deux ordres de
    vérités : celles que Dieu nous manifeste par ses oeuvres et par
    la lumière de notre raison naturelle, et celles qu'il nous fait
    connaître par une intervention surnaturelle de sa Providence à
    notre égard. Dans le premier sens, il faut entendre ces paroles de
    saint Paul, parlant des peuples païens : « La colère de Dieu se
    révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des
    hommes... qui retiennent la vérité captive. Car ce qui se peut
    connaître de Dieu, ils le lisent en eux-mêmes : Dieu le leur a
  ' manifesté. En effet ses perfections invisibles... sont rendues
     visibles à l'intelligence par le moyen de ses oeuvres » Rom. I, 18-20
          Il s'agit ici évidemment de toute la connaissance naturelle
     que l'homme peut acquérir de Dieu par le moyen des choses créées,
     qui portent toutes quelque reflet des perfections de leur auteur.
     Mais ce n'est là qu'une révélation improprement dite : car, en
     réalité, ces vérités divines que la raison peut découvrir ne lui
     sont pas absolument cachées, et par conséquent Dieu n'a pas à
     intervenir spécialement pour les faire connaître à l'homme.
          Tout autre est la manifestation de ces vérités mystérieuses
'    que saint Paul appelle « profunda Dei », les profondeurs de Dieu.
     Celles-ci sont complètement en dehors de la portée de l'esprit
     humain, et, à moins que Dieu lui-même n'enlève le voile qui le
      recouvre, l'homme ne pourra jamais les apercevoir, ni même peut-
      être les soupçonner. C'est ici que le mot de révélation divine est
      employé dans toute la force du terme pour désigner l'ensemble
      des manifestations par lesquelles Dieu nous fait connaître les
      vérités de l'ordre surnaturel : mystères de la nature de Dieu et
   . de sa vie intime, mystères de sa Providence sur nous et sur toute
      créature, mystères de notre origine et de notre destinée, mystères
      dont la connaissance nous initie déjà à cette adorable société
      que Dieu veut avoir éternellement avec nous dans le ciel. « Nous
      prêchons, dit saint Paul, une sagesse de Dieu mystérieuse et
      cachée que Dieu, avant les siècles, avait destinée pour notre
      glorification. Cette sagesse, nul des princes de ce siècle ne l'a
       connue... Ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille
       n'a point entendues et qui ne sont pas montées au coeur de
       l'homme... C'est à nous que Dieu les a révélées par son Esprit,
       car l'Esprit pénètre tout, même les profondeurs de Dieu »
        1 Cor. //,8-10.
Mais cette révélation surnaturelle elle-même a plusieurs
degrés. Dans sa plénitude, elle n'est autre chose que la vision
béatifique : Dieu se montrant avec toutes ses perfections infinies
à l'esprit divinement éclairé de ses élus dans le ciel. C'est la
révélation définitive et éternelle, c'est le plein jour, la claire
vision après les obscurités ou les-demi-clartés de la foi. « Mainte-
nant, dit saint Paul, nous voyons dans un miroir et d'une manière
obscure; mais alors nous verrons face à face. Aujourd'hui je
connais en partie ; mais alors je connaîtrai comme je suis
connu». 1 Cor. XIII, 12.
     Sur la terre, la révélation divine peut approcher plus ou moins
de la clarté de la vision béatifique. Il est même possible, d'après
saint Thomas (2-2, q. 174 a. 4. et q. 175 a. 3) que certains saints
plus particulièrement privilégiés, comme Moyse et saint Paul,
aient eu momentanément la vision directe des mystères de Dieu
et de l'essence divine. Mais ce n'est là qu'une exception, et proba-
blement très rare. Normalement la révélation telle qu'elle se
vérifie ici-bas, ne donne pas l'évidence, mais seulement la crédi-
 bilité des vérités surnaturelles. En dernière analyse, elle se réduit
 à un témoignage, une affirmation par laquelle Dieu nous dit
 des vérités, que nous né pouvons pas voir encore, mais que nous
 devons croire sur sa parole. (Vatic. Sess. 111 De fidé cap. 3). Elle
 n'est donc autre chose que la parole de Dieu adressée aux hommes
 sur la terre.
      Tel est l'enseignement unanime des théologiens quand ils
 démontrent que le motif formel de notre foi ne peut être que
 la parole ou l'autorité de Dieu. Telle est aussi l'idée exprimée en
 mille endroits de l'Ecriture, surtout dans les Prophètes, et que
 saint Paul rapporte de la manière la plus explicite au début de
 l'épître aux Hébreux :.« Après avoir à plusieurs reprises, et en
 diverses manières, parlé autrefois à nos pères par les Prophètes,
  Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu'il a
  établi héritier de toutes choses et par lequel il a aussi créé le
  monde ». Heb. I, 1-2
       Sans doute, du fait que Dieu daigne parler à l'homme, il ne
  suit pas. qu'il ne lui dise que des vérités auparavant inconnues.
  Il arrivera donc, dans certains cas, que le mot de révélation,
  appliqué à la parole de Dieu, n'aura plus strictement sa signi-
  fication étymologique. Mais comme le but que Dieu se propose
  principalement en parlant à l'homme est de lui manifester des
  vérités qu'il ne pouvait pas connaître, il reste qu'on peut, à bon
  droit, selon l'usage reçu, considérer ces deux- termes comme
  parfaitement synonymes : « Révélation divine » et « parole de
   Dieu adressée aux hommes sur la terre ».
                                     * *
       Cependant l'idée de révélation serait incomplète, si nous
   n'expliquions en outre comment il faut entendre cette parole de
Dieu ; car ici encore les confusions sont possibles et même faciles.
     Evidemment nous ne devons pas nous représenter la parole
de Dieu au sens purement humain et matériel, comme si Dieu
pour parler à l'homme avait besoin d'employer des mots sen-
sibles ou des sons de voix semblables à ceux que nous proférons
nous-mêmes, quand nous parlons à un autre. Notre manière
humaine de parler nous est imposée par nôtre condition corpo-
relle ; mais elle ne saurait convenir à un pur esprit, comme Dieu.
      Que faut-il donc pour qu'un esprit parle à un autre ? Simple-
ment ceci : qu'il y ait entre eux communication de pensées.
Nihil enim est aliud loqui ad alterum quam conceptum mentis
alteri manifestare (S. Th. 1 p. q. 107 a. 1). Parler à un autre c'est
lui manifester l'idée qu'on a soi-même. Analysons ces quelques
mots et nous verrons tout de suite quelles sont les conditions
requises pour qu'il y ait véritablement paroie de Dieu à l'homme,
 c'est-à-dire révélation.
      Communiquer sa pensée à un autre, c'est tout d'abord poser
 un acte qui soit ordonné directement à ce but ; la transmission
 de la pensée. Ainsi nous parlons lorsque nous proférons des paroles
 extérieures, ou que nous écrivons, ou que nous employons d'autres
 signes sensibles, dans le but direct de faire connaître nos pensées
 à d'autres. Mais on ne pourrait pas dire que nous parlons à quel-
 qu'un, si nous faisions ces mêmes actes, par exemple' pour nous
 exercer, et sans avoir l'intention de transmettre actuellement
 à un autre les pensées que nous exprimons. A plus forte raison,
 ne pourrait-on pas dire que nous parlons par chacune de nos
 actions qui, cependant, en fait, manifestent nos idées à ceux qui
 nous voient agir. La raison en est que, dans ces deux hypothèses,
 les actes que nous faisons n'ont pas pour but direct de transmettre
 nos pensées à un autre.
      Pour « parler à quelqu'un » il faut donc tout d'abord qu'il y
 ait transmission de la pensée par un acte fait spécialement à
 cette intention. Mais cela ne suffit pas., Il faut aussi qu'il y ait
  détermination de la personne à qui on veut transmettre sa pensée.
  En effet, quand nous parlons, nous ne parlons qu'à ceux à qui
 nous avons l'intention de parler, même si par ailleurs d'autres
  reçoivent nos paroles. Dans nos conversations, nous ne parlons
  qu'à ceux à qui nous nous adressons, mênie si nous savons que
  d'autres nous écoutent ; dans nos lettres, nous ne parlons qu'aux
  seuls destinataires, m:me si nous savons que d'autres nous
  liront. Si notre parole humaine est saisie par d'autres que ceux
  à qui elle est destinée, c'est uniquement à cause de la forme
  matériell - extérieure que nous sommes obligés de lui donner ;
  mahdedroit elle appartient seulement à ceuxà qui elle est destinée.
   La pensée appartient si intimement à l'être intelligent et libre
  -qui la conçoit qu'il, en reste toujours le maître, avec pouvoir
  ou de la garder, ou de la donner à qui il veut.
Il n'y aurait pas encore cependant vraie communication
de pensées d'un esprit à un autre, s'il, n'y avait enfin
une troisième condition, c'est-à-dire : que celui à qui on parle
saisisse, ou du moins soit en état de saisir, ce qu'on lui dit, et
qu'il le reçoive comme venant de celui qui le dit. Sans cela, il
n'y aurait, en réalité, aucun' commerce entre ces deux esprits,
puisque le deuxième ne recevrait rien du premier. Ainsi, s'adresser
à quelqu'un qui dort, ou qui ne comprend pas l'idiome dont on
se sert, ce n'est pas vraiment lui parler, puisque en effet « cela
ne lui dit rien ». Il y a bien d'un côté expression de cette pensée,
 mais il n'y a pas, de l'autre côté, réception de cette pensée. Il n'y
 a donc pas pleinement transmission ou communication de pen-
 sées. De même, écouter une parole qu'on entend et que l'on com-
 prend, mais sans savoir de qui elle vient, ni à qui elle s'adresse,
 ce n'est pas "être complètement en communication de pensées
 avec un autre, parce que cette communication n'est pas consciente
 de part et d"autre.
       En résumé, on dit, au sens strict, que quelqu'un parle à un
 autre lorsqu'un être intelligent pose un acte délibéré dans le
 but direct de manifester sa pensée à une autre personne déter-
 minée par lui, et capable de recevoir cette pensée comme venant
  de celui qui la lui communique. Appliquons, maintenant ces
  notions à la parole de Dieu, et nous verrons facilement ce qu'elle
  exclut et ce qu'elle comporte.
       La première condition et la plus importante, pour qu'il y
  ait formellement parole de Dieu, c'est que l'action divine soit
  directement ordonnée à transmettre/la pensée de Dieu à l'esprit
  de l'homme. Si donc nous disons parfois que Dieu nous parle par
  la création entière et par chacune de ses oeuvres, nous n'employons
  cette expression que dans un sens dérivé et métaphorique. Dieu,
  en effet, met bien dans son oeuvre un reflet de sa puissance et de
  sa perfection, et pour autant il se manifeste à nous ; mais les choses
   créées ont un autre but direct et immédiat que celui de nous
   transmettre lés pensées de Dieu.
        Dieu ne nous parle pas, non plus, au sens strict, parles effets
   de sa Providence qui dispose si merveilleussement toutes choses
   dans l'univers. Il veut bien, il est vrai, que nous contemplions
   l'ordre qu'il met partout, que nous admirions la.beauté de ses
    oeuvres, et que nous nous instruisions dans la méditation de
    son infinie sagesse. Cependant ici encore, s'il nous parle et s'il
    nous instruit, il n'emploie que des moyens indirects, car le gou-
    vernement divin n'a pas pour fin propre et immédiate de nous
    faire connaître les pensées de Dieu.
         Il ne nous parle pas non plus formellement par ces bienfaits
    extraordinaires, où sa puissance et sa bonté se manifestent plus
    clairement et plus sensiblement, et.que nous appelons les miracles.
     Dieu veut certainement que nous sachions y voir son inter-
vention et des marques spéciales de son amour ; souvent même
il n'opère les miracles qu'à cette intention. Cependant on ne
peut pas dire que les miracles sont l'expression directe d'une
pensée de Dieu ; ils ne sont donc pas proprement une parole, un
témoignage de Dieu, une chose que Dieu nous dit.
      Pourrait-on dire, du moins, que Dieu nous parle d'une
manière formelle, par les opérations surnaturelles de sa grâce,
par cette action intérieure qui illumine notre âme (Bèb. X, 32 ;
 Eph. 1,18) qui ouvre nos coeurs à la vérité (Act. XVI, 14/ qui nous
 inspire même ce que nous devons dire et demander; {Rom. VIII,
 26-27) ouencore par l'inspiration secrète de son Esprit « qui rend
 témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » ?
 (Rom. VIII, 16). Cette action divine, le langage de la Théologie
 bien que aussi celui de la piété, l'appellent couramment : parole de
 Dieu. L'auteur de 1<Imitation », par exemple, en fait l'objet prin-
  cipal de son troisième livre, et il en parle en termes enthousiastes :
  « Heureuse l'âme qui entend le Seigneur lui parler intérieurement,
  etqui reçoit de sa bouche la parole de consolation ! Heureuses les
•oreilles toujours attentives à recueillir ce souffle divin, et sourdes
  au bruit du monde !... Parlez-moi, Seigneur, pour consoler mon
  âme, pour m'apprendre à réformer ma vie ; parlez-moi pour
  la louange, la gloire et l'honneur éternel de votre nom». Lib. III,
  cap. I— etc.
            II,
        Que faut-il penser de ce langage ? Faut-il tenir pour égales
  la parole de Dieu qui s'appelle « Révélation » et la
   parole de Dieu qui est l'illumination intérieure de la grâce ?
   On doit avouer qu'il y a entre les deux quelque ressemblance :
   c'est pourquoi, faute de termes appropriés, nous employons les
   mêmes expressions, soit qu'il s'agisse de la révélation divine,
   soit qu'il s'agisse simplement de l'action de la grâce. Mais, en
   réalité, la différence est très grande, et l'idée n'est venue qu'aux
   Protestants de confondre ces deux choses. L'Eglise les confond
    si peu qu'elle à porté à leur sujet des définitions dogmatiques
    tout à fait opposées. Pour ce qui est des inspirations de la grâce,
    elle a défini que, a moins d'une révélation spéciale, nous ne pouvons
    pas croire de foi divine que nous sommes en état de grâce.
    (Trid. Sess. VI cap. 9 et can. 13.-Denz. 802, 823). A plus forte
     raison, nous ne pouvons pas croire par la même foi divine à
    chacune des inspirations de la grâce. Toutes les fois, au contraire,
     qu'il y a parole de Dieu proprement dite, c'est-à-dire témoi-
     gnage de Dieu nous affirmant quelqu'une de ses pensées, nous
     lui devons la soumission absolue de notre intelligence et le plein
     assentisement de notre foi. (Vatic. Sess. III. Defide cap. 3.-Denz.
      1789).
          La différence entre ces deux modes de l'action divine tient
      en ceci que l'illumination de notre âme par la grâce n'est pas
      la transmission d'une pensée de Dieu, ni d'une vérité dite par
Dieu, mais seulement une lumière spéciale qui nous fait mieux
comprendre les vérités que nous croyons déjà ou nous les fait
mieux appliquer à notre état d'âme et à nos besoins spirituels.
Elle vient en nous, non.pas comme parole reçue, ni comme vérité
transmise, mais seulement comme secours qui fortifie notre intel-
ligence pour lui faire mieux voir la vérité divine qu'elle a déjà
reçue par ailleurs. Si donc nous l'appelons « parole de Dieu »
ce ne pourra pas être au sens strict, parce qu'elle n'est pas direc-
tement l'expression de la pensée même de Dieu.
      Dans les lignes qui précédent nous avons exposé l'idée de
révélation divine, ou de parole de Dieu, dans ce qu'elle contient
d'essentiel. Il resterait maintenant à appliquer les deux autres
conditions que nous avons trouvées dans toute parole humaine
adressée à un autre : c'est-à-dire que la parole de Dieu, comme
 notre parole à nous, ne concerne directement que ceux à qui elle
 est destinée, et enfin qu'elle n'existe complètement, comme telle,
 que si ceux à qui elle est-adressée sont en état de la comprendre.
      Nous n'avons pas besoin cependant de développer longue-
 ment ces deux assertions.
      La première peut présenter quelque difficulté, mais nous
 aurons bientôt l'occasion d'y revenir et d'y insister, en expliquant
 la différence entre Révélation publique et révélations privées.
 La deuxième est claire par elle-même, et un exemple, au besoin,
 suffira pour en faire voir la portée. Il semble bien que les
 textes de l'Ancien Testament, pris dans leur sens objectif,
 affirment déjà implicitement la Trinité des personnes en Dieu ;
 cependant ce mystère n'a pas été révélé aux Juifs avant Notre-
 Seigneur, parce que, sans une explication nouvelle, ils ne pouvaient
 pas comprendre ce sens dans les paroles des livres sacrés.
       Nous pouvons donc terminer ici cette courte étude sur
  l'idée de révélation en général, et retenir comme suffisamment
  démontré : 1° que la révélation divine n'est autre chose que la
  parole de Dieu au sens strict et formel -;2° qu'il y a parole formelle
  de Dieu seulement dans le cas où l'action divine est directement
  et immédiatement ordonnée à transmettre à l'esprit de l'homme,
  et à imprimer en lui, l'idée que Dieu a dans sa propre pensée.
                                          Aug. ESTÈVE, o. m. i.
— 77


               LA           SOCIÉTÉ

             du Règne       Social-de    Jésus-Christ



             I. -     LES      FONDATEURS

    « Regnabit » a présenté à ses lecteurs, le mois dernier, la vaillante
Société des Missionnaires du Sacré-Coeur a"Issoudun. Nous sommes
heureux de leur parler aujourd'hui d'une autre Société, bien moins
connue qu'elle ne mérite de l'être.
    Fleur deParay, elle est restée longtemps enveloppée dans le silence
qui planait sur l'humble cité.
    Mais puisque en cette année jubilaire, les regards du monde
chrétien sont tournés vers Paray, pour en scruter toutes les gloires,
l'heure est venue de manifester toute l'influence d'une Société qui,
sans beaucoup paraître, a su travailler beaucoup.
    En la faisant mieux connaître, puissions-nous l'aider à réa-
liser davantage encore son vaste programme.



      On était alors au lendemain de la guerre de 1870. La France
vaincue d'hier, mais « dont les maladies ne vont jamais à la mort »,
comme le déclarait Pie X (1) ; qui « fluctuât sed non mergitur »,
selon sa fière devise (2), se tournait vers le signe que Léon XIII
devait appeler le « Labarum des temps modernes » (3), vers ta
Sacré-Coeur de Jésus.
      Déjà, au plus fort de la tourmente, MM. Rohault de Fleury
 et Legentil avaient fait voeu d'ériger, à Montmartre, le Temple de
réparation et d'impétration nationales. Or, en 1872, vivait
 un fervent religieux, frère, disciple, et émule du P. de la Colom-
 bière, le R. P. Drevon S. j., descendant par sa mère de Bayard,
 le Chevalier sans peur et sans reproches; il en avait l'envergure
 d'idées et la tenace bravoure.
      Passionné de l'Eucharistie, il avait déjà fondé la Communion
 Réparatrice qui, absorbée ensuite par « l'Apostolat de la Prière »,
  allait bientôt se répandre sur le monde entier.
       Habitué à créer de vastes mouvements, il méditait souvent
 et profondément devant Jésus-Hostie exposé là où jadis, en
  1689, Il avait dit : Je veux que mon Coeur soit adoré dans le Palais
    (1) Allocution Pie X aux Cardinaux
                  de                    français.
     (2) Devisede la ville de Paris.
     (3) Encyclique nnUm
                   A       Sacrum, ai1899.
                                   M
78 —

des Grands... Je veux les Consécrations et les Hommages... Je veux
régner... Je régnerai malgré mes ennemis... (1).
      Sans doute, le P. Drevon entendait déjà le murmure gran-
dissant du voeu de Montmartre, les négociations du Cardinal
Guibert, les prières particulières qui jaillissaient de tous côtés au
Sacré-Coeur, Mais cela ne suffisait pas à l'Apôtre de l'Eucharistie.
 Il voulait que « tout cela » éclatât en public ; il voulait procurer
 à son Roi les Hommages officiels, la pompe qu'il a daigné
 réclamer. (2). La Chambre des députés est devenue le Palais dû
 peuple français. C'est à la Chambre des députés qu'il veut faire
 prescrire des Prières publiques ; mieux que cela, il attirera les
 députés, représentants de la nation, à Paray-le-Monial même ; il
 courbera leur tête devant le Christ vivant dans l'Hostie que
 viendront également acclamer les foules...
       Et, parce qu'il était profondément humble, détaché de tout
  amour-propre, l'Eucharistie réalisa par ce religieux lié par l'obéis-
  sance et la pauvreté, cette chose que ses supérieurs estimaient
  d'une irréalisable beauté. En 1873, il avait, au prix de quelles
  démarches ? Dieu le sait ! gagné deux cents députés à son idée.
  Le 20 juin, deux mille prêtres et trente mille pèlerins, répondant
  à ses appels, envahissaient la petite cité sainte, le jour même de
  la fête du Sacré-Coeur, et ponctuaient la consécration lue par
  Mgr l'évêque d'Autun (3) par ce cri répété : « 0 Jésus, Vous serez
  notre Roi ! Le pèlerinage de Paray-le-Monial était créé.
        •Le 29 Juin de la même année, les deux cents députés dont
   nous avons parlé, faisaient, par la voix de M. de Belcastel et de
   cinquante des leurs, hommage au Sacré-Coeur de leur patrie, de
   leurs biens et de leurs personnes, à l'endroit même où Notre-
   Seigneur avait réclamé ce culte social.
         Bientôt après, ces fiers chrétiens, grandis eux-mêmes par
   l'acte généreux qu'ils venaient d'accomplir, faisaient décréter
   des prières publiques par l'Assemblée Nationale, et reconnaître
    par elle l'érection de Montmartre comme étant d'utilité publi-
    que (4).
         Nul ne peut dire la profonde influence' de cette grande Mani-
    festation. Elle fut le germe de deux OEuvres providentielles :
    « Les Congrès Eucharistiques internationaux » (5) et « La Société
    du Règne de Jésus-Christ » qui, nous occupe actuellement.
         En effet, au soir.de ces journées inoubliables, par lesquelles
    le P. Drevon inaugurait magnifiquement les pèlerinages à
     Paray-le-Monial, inusités jusqu'alors et commençait le grand
       (1) Lettre47,lettre 104.Vie etOEuvres deSainteMarguerite-Marie,tomeII.
       (2) Lettrede Marguerite-Marie, 23février1689, t lettredu 17Juin 1689,outes
                                                     e                     t
     deuxà la mèrede Saumaise.
       (3) Futur CardinalPerraud.
       (4) Loivotéele 25 Juillet 1873et promulguée 31 Juillet.
                                                     le
       (5) MUc'Tamisier  l'écrira plus tard au deuxièmefondateurde la Sociétédu
     RègneSocialde Jésus-Christ,   dansunelettredatéedu 29 Juin 1897.     •
— 79; — .

mouvement qui ébranlera nos sociétés et les ramènera vers leur
Roi (1), son zèle inlassable lui faisait ébaucher la pensée d'un
organe qui stabiliserait et approfondirait ces reconnaissances
passagères de la Royauté d'amour de Jésu-Çhrist.
     Or, Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité. Lorsqu'il
voit une âme dépouillée d'elle-même et se déclarant servante
inutile, après des réussites dont II garde ainsi toute la gloire, Il
lui procure les éléments d'oeuvres nouvelles. C'est ainsi que, par
une providentielle attraction, le deuxième fondateur de la Société
du Règne Social de Jésus-Christ, le baron Alexis de Sarachaga
s'était senti pressé, en visitant, à la Wartburg, le tombeau de
sainte Elisabeth de Hongrie, de se rendre à Paray-le-Monial,
pour demander au Sacré-Coeur d'orienter sa vie, après sa toute
récente conversion.
      C'était une figure aussi originale qu'intéressante que celle
 de ce jeune homme de trente-deux ans. NéàBilbao, en Espagne,
 d'une fort ancienne famille, Alexis de Sarachaga descendait,
 par son père, d'un frère de sainte Thérèse, et par sa mère, des
 princes russes Lobanof de Rostof.
      Orphelin à l'âge de sept ans, son enfance avait été singuliè-
 rement ballottée, entre le palais Mac-Donald où habitait, à Flo-
 rence, la princesse Lobanof sa grand-mère, la pension Coulon, à
 Paris, près des Invalides, et Prestro, dans une baie.de Norwège,
 dont il goûtait particulièrement les habituelles distractions de
 patinage et de traversées maritimes. Puis, il était entrée à l'Ecole
  Polytechnique de Fribourg, et, réussissant dans les sciences
  comme clans les lettres, en sortait ingénieur.
       I! parcourt alors les capitales de l'Europe où il se perfectionne
  dans les sept langues vivantes qu'il parlait aisément, et finit,
  après avoir passé trois studieux hivers à Rome, par se fixer à
  Madrid, au Ministère des Affaires Etrangères, sous la direction
  de M. Merry del Val, père de l'éminent Cardinal de ce nom.
       Là, de 1867 à 1870, et sans négliger ses devoirs profes-
• sionnels, Alexis de Sarachaga, auquel sa naissance et sa fortune
  ouvraient les salons de la Cour, se laisse entraîner par les plaisirs
  du monde. Dès le 5 Décembre 1867, il écrit à sa soeur, baronne de
  Truchess et dame d'honneur de la princesse de Bavière-: « Je suis
   tellement lancé dans le tourbillon que mon clan ne me laisse plus
   m'arrêter (sic) et je reste avec lui sans haleine ». — Et encore :
   « Outre les invitations diverses, je vais deux fois par semaine
   chez les Volskonsky ; le dimanche chez la comtesse de Montijo,
   le lundi chez le Ministre de Russie, le vendredi chez les Scafani ! ! »
        Mais de temps à autre, la nature noble et généreuse de Sara-

    (1) Dansl'année 1873,le P. Drevonattira à Paray deuxcent millepèlerins
                                                                         ;
  nombre Inconnu jusqu'alors queseules, esfêtesjubilairesde Marguerite-Marie
                            et         l
  font espéreren 1921.
— 80 —

chaga lui fait jeter un cri de regret sur la vie mondaine qui l'enlace-
et le disperse.
      «-L'existence que j'ai menée, déclare-t-il à ses parents, a été
si agitée, si frivole... qu'elle a eu pour résultat lai fatigue et un
désordre abominable. C'en est assez ! Les bals, les soupers, les.
nuits blanches, le Carnaval et son cortège ont passé devant nous,
nous entraînant        dans leur course, mais nous les abandonnons
sans peine... quel bonheur de redevenir maître de soi ! et du temps.
dont on dispose à son gré !... »                   .
      Entre temps,.d'ailleurs,      il traduisait Macaulay, « l'Etat libre
dans l'Eglise libre » de Gladstone, et versait dans les erreurs
irrédentistes     socialistes qui fermentaient        alors dans la Pénin-
sule.
      Il ne fallait rien moins, pour l'éclairer, que la mêlée révolu- .
tionnaire, la vue du sang répandu avec férocité, le meurtre du
général Prim, les intrigues pour placer sur le trône d'Espagne
un Hohenzollern...
      D'ailleurs, il ne rencontrait pas davantage à Paris, la paix qu'il
 était venu y chercher. La guerre de 70 éclatait, suivie des horreurs
 de la Commune... Désabusé des luttes politiques auxquelles il
 s'était mêlé, Sarachaga se réfugia à Saint-Pétersbourg.           La Pro-
vidence l'attendait         là (1).
      Un matin de l'année 1872, son valet de chambre vint l'avertir
 qu'on avait trouvé, à la porte de sa demeure, un enfant, couvert
 de givre et mort de froid...
      Sarachaga,     ému de, compassion,          prend quelques milliers.
 de roubles et va les porter à des religieux, afin qu'ils secourent
 les. enfants pauvres pendant les rigoureux hivers de' Russie.
 Etonnés de cette princière générosité, les bons Prêtres lui pro-
 mettent de célébrer plusieurs fois pour lui le saint sacrifice de la
 Messe. Et ce fut à l'Oblation de l'Hostie sainte, faite en récom-
 pense de sa charité, que Sarachaga attribua toujours l'impul-
 sion qui le fit pénétrer un jour dans une église catholique, dédiée
 à Saint Georges, patron de son père, où un Dominicain prêchait
 sur la beauté morale des martyrs. Là, il aperçoit derrière l'autel,
 un petit tableau du Sacré-Coeur. Il le regarde, il en est bouleversé...
  Eh quoi ? il a été baptisé, il a fait jadis sa Première Communion
  et depuis lors, lui qui a communié à toutes les vanités de la terre,
  il n'a jamais communié à l'Amour infini de son Dieu....
       Lui qui se dit chrétien il renie tous les jours, par sa vie molle
  et facile, le sceptre de son Dieu qui est une Croix et son diadème
  qui est tressé d'épines !...
       A la Lumière divine qui l'envahit, sa vie passée ne lui paraît
  plus qu'ombre et chimères. Avec sa loyauté native, il la confesse à
  deux genoux, dans une église vouée à sainte Catherine, patronne
     (9) Sa grand-tante Koucheleffétait Grande-Maîtresse Palais.
                                                          du
— 81 —

de sa mère ; il va déposer sa croix de Charles III au tombeau de
« la bonne duchesse » de Hongrie, et vient prendre rang parmi les
plus humbles pèlerins de Paray-le-Monial.
    A la fin du mois de Juin 1873, l'arrière-petit-neveu    de sainte
Thérèse, tombait aux pieds de Tarrière-petit-fils      de.Bayard, et
lui demandait d'orienter désormais son existence entière selon
les divins vouloirs du Christ Jésus.
          (A suivre.)
                                          M. DE NOAILLAT,
                                       directeur du " Hiéron ".
82

     Essais                d*Hymnographie
                                                                    1)
         La Russie         catholique        au Sacré-Coeur(


     Continuant à méditer doucement ces « Mystères du Sacré-
Coeur », — comme on fait pour ceux du Rosaire, — nous arrivons
au mystère de l'Epiphanie. Un hymnographe oriental se devait
de donner un relief spécial à cette « fête des Saintes Lumières ».
Mais on verra avec quelle aisance, de cet objet, comme de la vie
cachée et du ministère public, se fait le retour au Coeur de Jésus.
            Kontakiong.                                 3e Invitatoire.
 llluminati a gloria tua                   Illuminésde votre gloire,
sicut pastores,                           comme les bergers de Bethléem,
et directi Stella fulgoristui,             et guidés par votre splendeur,
sicut regesMagi,                           commelesrois Magespar l'étoile,
adoramuste jacéntempropter nos            nous vous adorons,6 Jésus,
 in antro Bethléem,Jesu ;                 couchépour nousdansune grotte;
 et offerimus  tibi                       et nousvenonsvous présenter
 tanquam aurum, thUset myrrham,           notre or, notre encens,notre myrrhe,
 confessionem regni,
                tui                       reconnaissanten vous le Roi,
 et tuaeDivinitatis,                      le Dieuqu'on adore à genoux,
 et mortalispropter nos humanitatis, et l'Hommequi s'est vouéà la mort.
 canentesinvestigabili mori Cordistui Coeuraimant, laissez-nousedire
                        a                                               r
 angelicumhymnumAlléluia.                  l'hymne des Anges: Alléluia.
               Oikosg.                                 3e Strophe.
  Unigenitus  FiliusPatris tui caelestis, O Fils unique du Père céleste.
  dcscendisti d nos,
              a                            Vousêtes descenduvers nous,
  Salvator,occulte,                        Sauveur, dansl'ombredu mystère,
  sicut olimpluvia in vellus,               tellela roséesur la toison (2).
  et primostriginta conversationisua; Les trente premièresannées
                                    t
  cum hominibusannos,                      de votre vie parmi les hommes,
  propter nos traduxisti,                  vous lesavez passéespour nous
  in abscondito,in humilitatc,'             dans une obscurecondition,
  in paupertate, in laboribus,              la pauvreté et le travail,
  in indcfesso certamineprecum(3)           infatigableintercesseur  (3)
  pro salute nostra,                       près de.Dieupour notre salut.
  subjicienste per omnia                   Vousvousêtes soumisen tout
  parentibus tuis terrenis;                 à vos parents sur terre,
  incumbensarti lignarise,                 choisissantl'art du charpentier
  ut jugiter haberesante oculos             pour avoir toujours sousles yeux 4
  lignumCrucis,quo redempturuseras ce bois qui nous arracherait
  nos mancipatosSatanae                    un jour au pouvoirde Satan,
  per lignummortiferum(4).                  à la mort causéepar le bois (4).
   Ideo immensurabili                       Aussidevant l'immensité
   (1) Cf. Regnabit,n° 1, p. 18-27.
   (2) Allusionau miraclefait en faveur de Gédéon,rapporté au Livre des Juges,
 VII, 36, et fréquemment ommentépar les Pèresde l'Eglise.Nouschantonsencore
                          c
 aux Vêpresdela Circonscision  : Sicutpluviain vellus          «
                                                    descendisti.Vousêtes descendu
 comme la pluie sur la toison».
    (3) Il faut remarquerici la forcede l'expressionoriginale: « Jésus, danssa lutte
 infatigable avec son Père », expressionqui s'inspire de la lutte de Jacob avec
 l'Ange(Genèse,XXXII, 24), commeon le voit par la strophe suivante : tanquam
 Jacob cum angelo,contendistiprecibus cum Pâtre iuo. »«Vousluttez avec votre
                                 .
 Père pour nous commeJacob avec l'ange ».
                            dans toutes les           à l'arbre néfaste du Paradis
 —(4) Allusion,fréquente à Satan, selonla liturgies,
     qui nous avait vendus                                                     —
                                             théorieanciennede la rédemption, et
 à l'arbre de la Croix,qui nous en a délivrés.
profunditati amoris                        de cet amour sans fond,
Cordistui canimus:                        nous chantonsvotre divin Coeurr
AveCor Jesu. obedirehominibus              Salut, Coeur Jésus,qui nous prêchez
                                                        de
propter Deumnos erudiens!                  pour Dieul'obéissance hommes!
                                                                  aux
Ave CorJesu, humiliasaperenossuble- Salut, Coeurde Jésus, qui faites aimer
                                  [vans!                             [l'abaissement  !
Ave Cor Jesu, ad laborositatemnos Salut, Coeurde Jésus, qui nous animez
                               [ammans!                                  [au travail
Ave dulcissimum Jesu  Cor                  Salut, très douxCoeurde Jésus,
ïnflammatumamore                           tout enflamméd'amour
erga filioshominum.                        pour lesenfantsdes hommes!
                Kontakiond.                              4e Jnvitatoire.
 Sedentitibi in solio                       Devant vous qui siégezau ciel
solemniet elevato,                         sur un trône élevé,sublime,
 et accipientitrisagiumhymnum              recevant les Sanctussans fin
 a sex alarum Seraphimis,                   des Séraphinsailés,
 hiinoratoautem modoperegrino               et qui vousfîtes pèlerin
 in paupere domunculaNazareth,              dansla pauvre maisonde Nazareth
 una cumimmaculatatua matre                 avec votre mèresanstache
 et beatissimoejus sponso,                  et son bienheureuxépoux,
 stupentes canimusAlléluia.                pleins d'effroinous disons: Alléluia.
        Nous avons vu, dans la strophe précédente, Jésus à Nazareth
  lutter avec Dieu son Père dans l'intérêt de notre salut ; nous allons
  maintenant assister à d'autres luttes du Fils de Dieu. La 4e stro-
  phe nous donne sa retraite au désert comme une préparation
  au combat, par l'onction du Saint-Esprit, idée étrange au premier
  aspect, insinuée pourtant par les Prophètes et les Evangélistes,
  et développée par les Pères grecs. Qu'on se reporte à cette parole
   que saint Pierre emprunte à Isaïe : Jesum Nararenum, quem
   unxit Deus Spiritu sancto (Actes X, 38) ; qu'on lise, dans les belles
   Etudes du P. de Régnon sur la Trinité les enseignements de
   saint Irénée, de saint Athanase, des docteurs Cappadociens sur
   l'onction du Christ (1), et l'on verra que notre liturgiste moderne
   est dans la même ligne de pensée. Voici, pour faire court, le
   commentaire         que le pieux Jésuite donne de ces textes splen-
    dides : « Le Verbe divin, considéré dans sa nature divine, est 1*
    source éternelle d'un parfum qui le recouvre éternellement (c'est
    le Saint-Esprit).      Et lorsque le Verbe a revêtu l'humanité,                   ce
    parfum, sorti de lui, inonde le vêtement divin, le pénètre et
    l'embaume. Et alors, il advient par une sorte de réaction, que le
    Verbe reçoit l'onction dont il est la source, et commence à
    prendre un nom de forme passive : Christus » (2). Ainsi notre
    auteur peut dire :
                      Oikos d.                               4e Strophe.
     Post consummationem    trigintaanriorum Aprèstrente ans passés
     vitse tua; privatsa,                     dansla vie privée, conforté
     unctus ab initioà Spiritu Domini,        par l'onctiondé l'Esprit de Dieu

     <1)Th. DERÉGNON,     Etudesdethéologie ositive
                                             p       surla SainteTrinité,t. III, p. 401
   et sqq.
      (2) C. ç. p. 405. Les Pèreslatins disent plus généralementque c'est la divinité
   du Christ qui a oint sa nature humaineet la nôtre, laquelleest comme son corps
   et sonvêtement. C'est ce point de vue qui a été adopté par la spéculationthéo-
   logique. Cf. THOMASSIN,   Dogmata theologica,  édit. Ecalle,t. III, p. 733 sqq.
84
et certans quadragintadierumjejunio et un combatde quarante jours
in deserto,et tentatus ibidema Satana, dans1ejeûne'et la tentation,
egressuses in prsdicationem...         du désert voussortez pour prêcher...
     Qu'on nous permette d'abréger ce récit, pourtant si ému du
ministère public, pour en voir la consommation dans la strophe
suivante ":
                   Oikose.                            5e Strophe.
 Videns,Jesu, dilectumtuum amicum A la vue de votre ami Lazare,
 Lazarumq'uatriduanum sepulchro, depuisquatre jours au tombeau,
                          in
 indoluisticordetuo divino,            votre divinCoeurs'est serré,
 et lacrimatuses,                      et vos yeux, Jésus, ont pleuré,
 ità ut dicerentJudaù :                au point que les Juifs se disaient:
 « Videquomododilexit eum »;           « Voyezcommeil l'aimait ! »
 Suscitansautçm eumex mortuis,         Puis, vous l'avez ressuscité,
 mutasti planctumMaria;                 changeanten joie les pleurs
 et Marthaein gaudium.                 de Marieet de Marthe.
 Verumsub forma Lazarila.crimatu   es Maissous ce symbolede Lazare,
 super universo dilecto tibi génère     Vouspleuriezsur le genrehumain,
                             [humano,
  tnortuo tibi per peccatum.            mort à sonDieu par le péché.
 « Videtequomododilexitnos! »                « Voyezcommeil nous a aimés ! »
 Et grato ànimoconcinimus      ;             Oui, chantonsnotre gratitude :
 AveCor Jesu, infinitéamans,                 Salut, Coeur Jésus, infinimentaimant'
                                                           de
      et infinitéamandum!                          aimableinfiniment!
 AveCorJesu, demortenostra profunde Salut, Coeurde Jésus, pleurant sur notre
                            contristatum!                                      mort!
 AveCor Jesu. mortisaculeumin nos Salut, Coeur Jésus, brisant par votre
                                                           de
                                                                              amour
 virtute amoristui obtundens!...               l'aiguillonde la mort pointé surnous !..'.
                                             *
                                          * *
       Nous arrivons ainsi, — Jésus porté par un continuel élan
 d'amour, et nous entraînés à sa suite dans un rythme tout
 semblable, par le mouvement de la reconnaissance, — nous
  arrivons a l'Eucharistie et à la Passion, à ce que nous appel-
  lerions les « Mystères douloureux du Coeur de Jésus ».
              Koniakionz.                                    6e Jnvitatoiie..
  Antequampatereris,                          Avant de souffrir,votre Coeur
  desiderioCordistui desiderasti               désirait d'un très grand désir
  manducarenobiscum                           mangerune dern'èrefois
  ultimumPaschalégale,                        avecnousla Pâque des Juifs;
  ut nosmelioriPaschate                        maisc'était pour nous inviter
  dignarerisin régnoPatris tui,                au festindu royaumecéleste.
  inenarrabiliamori Gordistui                  A cet excèsd'amour,
   canentesAlléluia.                           nousvenonsdire : Alléluia.
                    Oikosz.                                   '6e Strophe.
   Discedens Patrem tuum caelestem, Retournant au Père céleste,
              ad
   non es passusseparari a nobis,              maisne voulant pas nous quitter,
   sed reliquistinobis teipsum                 vous nous avez laissé,
   sub speciebus   panis et vini,              souslessaintes espèces,
   sacrificium juge, et manna caeleste,        un sacrificeet une manne,
   in viaticumversusterram                     pour soutenirnos pas
   promissionis upernam.
                 s                             versla Terre promiseau ciel.
   Nobiscumergo conversans,                     Restant doncavec nous,
   O Pastor bone.nutris nos                    ô bon Pasteur, vousnousdonnez
 ' immaculatatua carne,                         à mangervotre chair si pure,
   et potas pretiosotuo sanguine;               et à boirevotre précieuxsang.
   çommiscese nobisin unum,
               t                               Vous vous mêlezà nous,
   tanquam commiscenturpartes ceroe commefont deux cires au feu.
                                           ;
                                 [liquefacta
   rex autem gloriae  existens,                 Pourtant c'est bienle Roi de gloire
— 85.—'

intras comitatusaula tua coelesti.        escorté de la cour céleste,
sub nostra quamvispaupera tecta,          qui entré sous notre pauvre toit,
et consolaris confirmasnos
              et                          et nousconsoleet nous conforte
in supremoagonenostro.                    dans le dernier combat.
Quare stupentes extrerham                 C'est pourquoiétonnés
Cordistui condesccndentiàm                de cette extrêmecondescendance
 erga nos, canimusita :                   de votre Coeur,nous vous chantons:
Ave Cor Jesu, in sancta Missa             Salut, Coeurde Jésus',victime
 jugiter pro nobis seseimmolans!          pour nous à la Sainte Messe!
 AveCor Jesu, in sancta communione Salut, Coeurde Jésus, qui vous donnez
in vitam seternamseipsonos alens!          en aliment pour la vie éternelle!
 AveCorJesu, in sanctissimis    mysteriis Salut, Coeurde Jésus, qui dans cessaints
                                                                             mystères
 usque ad consummationem     sasculï obis- restez ici jusqu'à la fin des siècles!
                                    n
                         [cum manens!
  Avedulcissimum Jesu
                   Cor                     Salut, très doux Coeurde Jésus,
  inflammatumamore                         tout enflamméd'amour
  erga filioshominum!                      pour les enfants des hommes!
        Dans cette strophe eucharistique             au divin Coeur, les mots
  soulignés nous rappellent maint passage des Docteurs de l'Eglise.
   Ecoutons, par exemple, saint Cyrille d'Alexandrie : « Si vous
  faites fondre ensemble deux morceaux de cire, il ne font bientôt
  plus qu'un ; ainsi, par la communion au corps du Christ et à son
   précieux sang, il s'écoule en nous, et nous en lui » (1).
        Dans l'invitatoire      suivant, il y a un mot pour le Coeur
   eucharistique     de Jésus ; mais combien discret, en regard de
   certains livres modernes !                                                    -
                    Oikosh.                                7e Invitatoire.
   Habenfes te, Salvator,panemangelorum Puisque nous vous avons, Seigneur
   omnedelectamentum se habentem, ô pain des Anges, ô mets délicieux,
                         in
   ne convertamurcordibus nostris           ne laissezpaz nos coeurscourir
   in /Egyptumcarnalittmcupiditatum, après les délicesde l'Egypte ;
   Sed sentiamusdulcedinem    ejus,         mais qu'ils goûtent ce pain,
   et dulcedinem  ineffabilem Cordistui, qu'ils goûtent les charmesde votre Coeur
   canentesei Alléluia.                     et qu'ils lui chantent : Alléluia.
         Si nous avions le loisir de donner les strophes sur la Passion,
   on verrait comment les Orientaux mettent l'accent sur la trahison
    de Judas et sur l'agonie du Sauveur, eux qui, dans leurs
   liturgies, ont la journée du Mercredi-Saint consacrée tout entière
    à ces deux prodromes de la Passion. On remarquerait comment
    l'analogie de l'onction d'huile trouve ici une nouvelle appli-
    cation : « Le Christ subit la sueur de sang pour nous oindre de
    l'huile de sa grâce et faire de nous des lutteurs pleins de vigueur. »
     On remarquerait        enfin, — et c'est là encore un héritage des
     anciens jours, — le caractère de lutte victorieuse que notre hymne
     slave affecte de donner à l'agonie du Sauveur, caractère
     qui s'affirme encore au début de la strophe suivante :, «Coelum et
    terra obstupuerunt de abysso amoris tui erga nos, TiliDei /««Votre
     mort, Seigneur est un abîme d'amour. Le ciel et la terre en sont
      dans l'étonnement. » Nous le disons bien, nous aussi, à la lumière
      de la foi chrétienne ou simplement des faits évangéliques. Il faut
      avouer cependant que notre piété préfère voir dans le Crucifix
      les souffrances et l'amour.
         (1)CYRILL.ALEX. Joannis Evangelium,ib. X, 2 ; Patr. gr. t. LXXIV,col 343.
                          In                       l
— 86 —

      A la grande époque patristique, qui était en même temps,
celle du triomphe de l'Eglise sur le monde paieri, c'était presque
le contraire Sans doute, les souffrances du Christ n'ont pas été
oubliées, mais elles n'ont pas été mises en puissant relief par les
Docteurs; bien au contraire, la Passion et la Mort sur la Croix
ont été données comme des symboles de la puissance divine par
 saint Jean Chysostome et le mélode Romanos. Mais, durant ces
 mêmes siècles, une série de compositions pieuses anticipaient
 déjà surladévotion des âges postérieurs : les Evangiles apocryphes,,
 encouragés par la prophétie de Siméon : « Tuam ipsius animant
 pertransibit gladius», se sont plu à décrire les douleurs de Marie
 Puis, ce sont les mélôdes byzantins, et particulièrement Georges
  de Nicomédie, qui ont familiarisé par leurs compositions litur-
  giques, les fidèles de leur Eglise avec le réalisme de la vie de
  Jésus, avec le pathétique de sa Passion.
       Aussi bien, à partir du XIe siècle, c'est avant tout, l'amour et
  la douleur qu'ils aiment à montrer dans les scènes de l'Evan-
  gile, surtout dans celles du Calvaire, à tel point qu'en 1094,1e
  pape Léon IX en fait un reproche à l'Eglise grecque. Mais atten-
  dons le xme siècle et saint François d'Assise, et nous verrons
  toute cette sentimentalité,            cette piété tendre qu'on voudrait
   nous donner comme moderne, couler dans les effusions de saint
   Bonaventure et de ses continuateurs. C'est la première floraison,
   et non la moins expressive, de la dévotion au coeur ouvert de
   Notre-Seigneùr (l). Et maintenant, phénomène inverse : ce sont
   les Latins, qui dans le Sacré-Coeur comme dans la Passion, n'ont
   retenu que les signes de la souffrance et de la résignation, tandis
    que les Orthodoxes et les Catholiques orientaux leur ont conservé
  .quelque chose de leur caractère primitif : pour eux, le Crucifix
    a gardé un peu de cette majesté triomphale qui inspirait de si
    beaux accents à un Chrysostome, la Piéta présente encore aux
    adorations des fidèles le Roi deîgloire immolé. C'est dans ces
    sentiments qu'il faut lire les strophes suivantes, où le réalisme
    des descriptions ne voile jamais les splendeurs du mystère du
    Christ.
                                       S' Invitatoirt
     Lés soufflets,les crachats, les humilia- pournousdélivrerdestourmentséternels,.
                                     [tions,
     es terriblescoups de fouet,               et nous comblerd'honneurs, .
    et là couronne d'épines,                   et de couronnesau ciel.
     vous aveztout porté, 6 SeigneurDieu, Chantons l'incomparableamour
                                               de votre Coeur: Alléluia.
         Voici une dernière citation empruntée aux mystères doulou-
     reux qui nous indique l'a rnanière la plus féconde de retrouver
     dans la tradition des anticipations de notre dévotion.

    (1) Cf. MILLET,             sur
                    Recherches l'iconographiee l'Evangileaux XIV, XVe et
                                            d
   XVI* siècles,p. 396, 488, etc.
Oikosi.            .                   9» Strophe.
... Carneautem soporatusin cruce,       ... Endormisur la Croix,
ex lateresimul et Cordetuo vuliierato, de votreCôté,de votreCoeurblessé,
 emisistisanguiriem aquam,
                     et                 vousavez laissés'épancher
 ex quibus Pater tuus coelestis         le sang et l'eau dont votre Père
 sedificavitibi nos sponsarri ccleslam a fait l'Eglisevotre épouse,
           t                E
                          [sanctam,
 quam amore Cordis tui inseparabili que vous aimez d'amour inséparable.
                             dilexistl!


    Nous ne voulons pas-abuser plus longtemps de la patience du lec-
teur. Omettant donc les dernières strophes sur les mystères glori-
rieux, nous terminerons par urte dernière considération            sur
l'ensemble      de cette pièce liturgique.   N'y a-t-il pas là une
façon large et pleine de concevoir la dévotion au Sacré-Coeur
comme le résumé de tous les mystères du Christ, de toutes
ses bontés, de toutes ses souffrances et de toutes ses gloires?
 Nous avons dit précédemment que les Grecs, considérant avant
 tout en Notre-Seigneur la personne concrète sont portés par là
 même à honorer le Coeur de Jésus dans l'ensemble du mystère
 de l'Incarnation, comme l'une de ses innombrables conséquences,
 selon l'expression de pom Guéranger. Il y aurait peut-être là,
 pour nos dévotions en général, un enseignement opportun, ensei-
 gnement autorisé, puisque par-delà l'Eglise orientale, il nous
 vient de l'Eglise catholique et de toute l'ancienne liturgie. Il y
 aurait certainement un profit a en tirer pour notre culte duSacré-
  Coeur ; car les fidèles se plairaient à repasser, au cours de
 l'année liturgique, lé cycle de là vie du Seigneur, avec rappel
  du Coeur Sacre qui par l'amour, leur donnerait la clef de tout
  ce mystère. Bien des âmes, revenues quelquefois de très loin à
  la religion, ne pourront aller au Sacré-Coeur que par cette voie ;
  mais bien dès âmes pieuses gagneraient à élargir ainsi leur dévotion
  préférée et à se rappeler que le culte du Sacré-Coeur, selon lé
  mot du vénéré Cardinal-archevêque      de Paris, «est le résumé et
   comme l'essence même du christianisme. ?»
                                            DOM P. S. O.S.B:
88 —


  L'Intronisation     du   Sacré-Coeur

                           dans    les   familles   chrétiennes



     L'oeuvre de VIntronisation est un instrument très efficace de la
Royauté sociale dû Sacré-Coeur. Donner la famille au Sacré-Coeur,
faire entrer le Sacré-Coeur au foyer, n'est-ce pas Le faire régner
sur la Société dont la famille est la cellule vivante ?
     La Revue Universelle du Sacré-Coeur est très heureuse de
présenter à ses lecteurs l'oeuvre de l'Intronisation.
     Or, les amis de cette oeuvre savent déjà que nul n'en peut mieux
 parler que le R. P. Eusèbe, des SS. C.C. de Picpus.



    Le temps n'est plus où l'oeuvre de l'Intronisation se présentait
aux amis du Sacré-Coeur comme une inconnue qui sollicite sa
place à côté de tant d'autres, pour propager la belle dévotion
à Jésus aimant et aimé. Bien que jeune encore, elle est aujour-
d'hui universellement connue et estimée. Sans crainte de ren-
contrer des contradicteurs, nous pouvons dire que les quatorze
premières années de son existence ont été bien remplies. Cet
article n'a d'autre prétention que celle de le montrer brièvement.
                                               SA NATURE.
      Si nous voulons dégager l'idée dominante de la croisade de
 l'intronisation du Sacré-Coeur dans les familles chrétiennes, nous
 devons examiner le but qu'elle se propose. Car c'est de là que part
 la première impulsion ; c'est vers là que retourne — chargé de
 fruits, nous l'espérons — le dernier effort.
       Or, ce but n'est autre que d'établir solidement l'empire d'amour
 de Notre-Seigneur dans la famille, fondement de la société, pour
 restaurer ainsi cette souveraineté dans l'ordre social.
       Nous n'avons pas besoin d'insister ici sur le bien-fondé de
                                                    '
 ce vaste programme, ni sur les fondements doctrinaux qui en
 sont la base en même temps que les principes. Que Jésus-Christ est
  le Roi des individus, des familles et de la Société;— que de cette
  royauté l'amour est le point de départ, le centre et le dévelop-
               — que cette royauté est aujourd'hui méconnue, sur-
  pement ;
  tout dans le domaine social, et qu'elle doit être restaurée ; ce
  sont là des vérités dogmatiques et historiques qui ne souffrent.
   pas de doute.             ;
-89   —

      Mais, pour apprécier la véritable portée de l'Intronisation
et la différencier en même temps des oeuvres similaires, il est
important de ne pas perdre de vue son but final et explicite :
le règne Social du Sacré-Coeur.
       C'est pour y arriver qu'elle s'adresse à la famille. Car, d'une
part, elle n'ignore pas que la famille est le fondement de la société;
elle sait que si la dévotion au Roi d'amour est profondément
ancrée dansle sanctuaire domestique,elle ne tardera pas à dépasser
 ce cadre et à faire sentir son influence salutaire dans la vie
 publique.
       D'autre part, elle veut que cet hommage royal, rendu au
 Sacré-Coeur dans la famille, en tant que cellule sociale, soit une
 réparation publique et solennelle de l'apostasie officielle qui désho-
 nore notre société.
       En insistant fortement sur ce caractère familial de l'acte d'in-
 tronisation, l'oeuvre ne fait qu'appliquer les principes de la socio-
 logie chrétienne. Elle affirme hautement le rôle providentiel de
  la famille dans l'économie divine et humaine ; elle, s'oppose
  radicalement aux théories subversives du libéralisme économique
  et du socialisme, qui sacrifient la famille à l'individu ou à la
  collectivité;   elle se dresse également contre le libéralisme reli-
  gieux qui veut restreindre à la vie privée la profession d'une
  catholicité douteuse.
        Voilà donc le but et l'influence qu'il exerce sur la méthode
  préconisée. Cependant, pour assurer la vitalité d'une oeuvre, il
  faut davantage : il est nécessaire de concrétiser cette fin et cette
   méthode dans une cérémonie sensible et extérieure. La nature
  composée de l'homme réclame cet appui, et l'inconstance de son
   esprit le rend encore plus nécessaire.
        Cette cérémonie doit exprimef plus qu'une simple consécra-
   tion de la famille au Sacré-Coeur ; elle doit porter un caractère
   nettement royal, familial et réparateur: — royal, parce qu'il s'agit
   de reconnaître et de proclamer explicitement la royauté du Coeur
   de Jésus ;— familial, parce que cet hommage doit être rendu par
   la famille en tant que fondement de la Société ; — réparateur, parce
   que la cérémonie domestique doit être une protestation éloquente
    et indignée contre le. mépris social des droits souverains de Jésus-
   Christ. C'est de ce souci qu'est né le Cérémonial de VIntronisation,
    fixe et uniforme dès le début, et qui résume admirablement ces
    trois caractères. L'hommage royal a déterminé l'installation, à
    la place d'honneur du foyer, de l'image du Sacré-Coeur. Le cachet
    jamilial se retrouve à chaque phase des cérémonies et s'exprime
    clairement dans l'acte de consécration du foyer au Roi d'amour.
     Le caractère réparateur, enfin, a inspiré toutes les prières du
     cérémonial, comme il est facile de s'en convaincre à la lecture.
     Et parce que cet acte est destiné à unir les deux tabernacles, —
     celui du temple et celui du foyer — et qu'il doit être le point de
— 90^      -.'.'

départ d'une vie chrétienne plus intense, on a exigé l'a présence
 du prêtre pour présider la cérémonie et lui donner son cachet
 essentiellement religieux.
      On voit par là combien se trompent ceux qui rejettent l'intro-
 nisation comme une manifestation passagère d'une piété enthou-
 siaste, sinon exaltée. Rien n'est moins conforme à la vérité. Sans
 douté, ici comme partout,            quelques-uns     peuvent ne ps
 saisir ou ne pas faire ressortir la' portée profonde           de cet
 hommage familial au Coeur de Jésus. Mais on aurait tort de
 condamner une oeuvre pour une application malheureuse qui en
 méconnaît la véritable nature. Il suffit d'ailleurs de lire, soit les
  conférences du R.P. Matéô,soit la brochure officielle de l'OEùvre(l)
  pour voir combien on a toujours insisté sur cette convïvance de
  la famille avec le Sacré-Coeur que doit inaugurer l'intronisation
.et sans laquelle elle est essentiellement         incomplète. Nous le
  verrons mieux encore, en parlant de l'organisation pratique.
       Cet exposé explique encore pourquoi cette oeuvre est désignée
   tantôt par le titre « Intronisation du Sacré-Coeur — qui indique
   directement l'acte initial et insinue le but ultérieur, — tantôt
   par celui de Règne Social du Sacré-Coeur, qui assigne explici-
   tement la fin proposée.
                                                LES ORIGINES.
      Par ce qui précède, il apparaît clairement que l'oeuvre de
 l'Intronisation     plonge ses racines, indépendamment           de toute
 révélation privée, dans la plus pure doctrine de l'Évangile. On
 serait étonné cependant dé ne pas en retrouver l'idée dans lés
 écrits de sainte Marguerite-Marie.        Nous l'y trouvons, en effet,
 et dans la lettré doctrinale que Son Eminence le Cardinal
 Billot a consacrée à l'intronisation,        l'illustre théologien a pu
 écrire : « Si le livre de l'avenir avait été présenté à la Bienheureuse,
  et dans ce livre, la page qui a pour titre Intronisation du Sacré-
  Coeur dans les foyers, elle eût reconnu l'extension du geste esquissé
  par ses petites novices, et vu le véritable accomplissement des
  augustes désirs dont elle avait été faite la confidente » (2)
       Toutefois, dans sa forme concrète et déterminée, dans sa
  modalité d'oeuvre distincte et méthodiquement          organisée,f Intro-
  nisation" ne' daté que de l'année 1907. C'est alors, en effet, que le
  R. P. Matéo Crowièy-Boèyey, religieux péruvien de îai Congré-
  gation des Sacrés-Coeurs {dite de Picpus), après avoir obtenu sa
   guérison dans le sanctuaire de Paray-ié-Mpnial, conçut et éla-
   bora le plan méthodique dé cette oeuvre de régénération chré-
   tienne et sociale et se mit en demeure de l'exécuter.

    <1) S'adresserau Secrétariat internationalde la Rue de Picpus, 35. paris XII»
  ou à la Directiongénérale,16, rue Dàmien,Braihé^l&Cômte     (Belgique).
    (2) Voir cette lettre dans'la brochureofficielle.
— '91.— -

                           DÉBUTS ET PREMIÈRE DIFFUSION.
       Le premier soin du R. P. Matéo fut d'aller à Rome pour sou-
mettre son idée au Vicaire de Jésus-Christ. Bientôt, il eut le
bonheur d'entendre, de la bouche de S. S. Pie X, ces paroles qui
lui furent comme un ordre du ciel : « Non seulement j.e vous
permets, mais je vous ordonne de donner votre vie pour cette
oeuvre de salut social ».
        Les mêmes bénédictions et encouragements ne tardèrent pas
à lui arriver de son Supérieur Général. Alors, le R. P. Matéq
rentra à Valparaiso (Chili), où il entreprit aussitôt sa croisade
d'amour.
        En juin 1908, Mgr l'Archevêque        de Santiago approuvait
la première brochure de propagande.             Le premier Secrétariat
fut établi à Valparaiso et se mît à l'oeuvre avec un zèle admi-
 rable. Le succès fut merveilleux et inattendu : d'insignes conver- .
 sions vinrent réjouir le coeur de l'apôtre et de ses collaborateurs :
 elles forment les premiers anneaux d'une chaîne de grâces qui
 depuis n'a jamais été interrompue. Du Chili, le feu passa bientôt
 dans toutes les Républiques de l'Amérique latine : au Pérou, à
 l'Equateur, dans l'Uruguay, l'Argentine, le Brésil, la Colombie,
 le Panama, la Bolivie.
        Témoin des merveilles de grâce qui l'accompagnèrent partout,
 l'Assemblée générale des Evêques du Chili adressa, le 23 mars 1913,
 une lettre collective au Saint-Père pour obtenir des indulgences
  qui furent accordées aux fidèles du Chili par un décret du 24 Juil-
  let 1913.
        Mais déjà, à cette époque, l'oeuvre était en voie de devenir
  mondiale. Le 10 mars 1911, S. S. Pie X lui avait accordé une
  nouvelle bénédiction ; les secrétariats s'étaient multipliés ; la
  brochure était traduite de l'espagnol en français, anglais, alle-
  mand, italien, portugais ; dans sa 3é édition, elle pouvait déjà
  mentionner l'approbation        collective de Tëpîscopat chilien, celle
   du Cardinal-Archevêque       de Rio-de-Janeiro, de neuf Evêques de
   la République argentine, de l'Archevêque de New-York et du
   Patriarche de Jérusalem.
         Car elle avait dépassé TAinérique latine depuis longtemps.
   Dans sa Revue El primer Viernes, le R. P. Matéo avait écrit : « En
   vue de l'évidente approbation du ciel... nous ayons résolu et
   décidé... de nous diviser le monde en confiant aux divers secré-
    tariats la conquête d'une nation déterminée ». Ce programme
   fut fidèlement exécuté. Dès 1910, un grand nombre de lettres
    partirent de Valparaiso pour L'Espagne, la France, la Belgique
    l'Italie et les Etats-Uniè.
         Aussi, après avoir parcouru et enflammé les Etats-Unis, Je
    Mexique, le Venezuela, cette «nouvelle Pentecôte » — comme la
     nomma dès 1908 Mgr Macliado, S. J., Evêque de Riobamba dans
— 92 —
                                  s
l'Equateur — pénétra presque en même temps en Espagne, en
Belgique, en France, en Hollande, en Italie, en Angleterre, en
Pologne, en Corée, au Caire, à Madagascar, au Gabon, au Congo,
au Sénégal, en Océanie et jusque parmi les lépreux de Molokaï.
                                            EXTENSION RAPIDE.
      C'est surtout à partir de 1914 que l'Intronisation        prit un
grand essor en Europe. Au mois d'août de cette année, le R. P.
Matéo débarqua en France. A première vue, la situation créée
par la formidable guerre qui venait d'éclater ne semblait guère
favorable à la propagation de sa crqisade. Mais, une fois de plus,
le Sacré Coeur montra que cette oeuvre est sienne. A Paris, le
R. P. Matéo trouva, à la maison-mère des religieuses de sa Congré-
gation, un secrétariat tout prêt et qui depuis plusieurs mois fonc-
tionnait en répandant des brochures imprimées en Belgique par
les soins de la maison-mère des Pères-des Sacrés-Coeurs.
      Cependant Paris était trop exposé alors pour y exercer beau-
 coup d'apostolat. Le Père se rendit à Paray-le-Monial et c'est là
 qu'il commença ses prédications et présida les premières intro-
 nisations. Là encore, il rencontra un noyau d'apôtres qui s'em-
 pressèrent d'entrer dans ses vues. De Paray, le P. Matéo rayonna
 dans divers diocèses de France ; partout, NN. SS. les Evêques
 lui firent bon accueil ; partout aussi des secrétariats furent peu
 à peu organisés.
       Cependant, l'apôtre de l'intronisation avait hâte d'aller pré-
 senter ses hommages à l'auguste Pontife qui avait succédé à
 Pie X. On connaît l'accueil enthousiaste qu'il eut le bonheur de
  trouver auprès de S. S. Benoît XV et dont la lettre pontificale du
  27 avril 1915 restera le mémorial inoubliable (1). Pat ce docu-
  ment, les indulgences accordées par Pie X aux fidèles du Chili,
  furent étendues à l'univers entier. Il faut lire cette lettre en entier
  pour en évaluer toute l'importance. Ne rappelons ici que ces
  simples mots : « Rien, en effet, n'a plus d'opportunité dans les
  temps présents que votre entreprise ».
        Le R. P. Matéo profita de ce premier séjour à Rome pour faire
   connaître l'OEuvre dans les assemblées de la Ligue des Femmes
   catholiques italiennes et dans les principales'communautés           de
   la ville. Les premiers secrétariats furent alors organisés et la
   direction nationale fut confiée à l'inlassable dévouement du
    R. P. Anzuini, S. J. Une brochure fut éditée en italien et envoyée
   à tous les Evêques d'Italie, par le R. P. Matéo lui-même. Les
    réponses furent encourageantes et pleines de promesses.
        Cependant, à -côté des succès, les premières contradictions
    se firent jour. Une connaissance incomplète de la portée de l'Intro-
    nisation faisait accuser l'entreprise de nouveauté dangereuse ou

    (1) Voir cette lettre dans la brochureofficielle.
— 93 —                                  .

suspecte. C'est la seule objection qui fut faite à l'Intronisation                -
jusqu'au mois de juin 1918. Son Eminence le Cardinal Billot
voulut bien se charger de la réfutation : il le fit dans sa lettre
magistrale du 26 avril 1915.
      Avec une nouvelle ardeur, puisée dans, les encouragements
du S. Pontife, le R. P. Matéo se remit à la tâche. Il parcourut
la France et l'Espagne, organisant partout les secrétariats et
récoltant partout aussi les merveilles de grâce auxquelles le
 Sacré-Coeur l'avait habitué en Amérique.
       En 1916, il retourna à Rome, mais cette fois pour parcourir
 les principales villes d'Italie où il prêcha sa croisade et organisa
 les principaux centres de propagande. Il visita pendant cette
 même année la Hollande et la Suisse avec un succès non moins
 remarquable, et ne cessa plus depuis lors de se dépenser sans
 mesure pour la cause du Roi d'amour. Grâce aux centres natio-
 naux diocésains et locaux qu'il établit, par lui-même ou par ses
  coopérateurs, dans les pays parcourus, l'oeuvre s'y développa
  rapidement. Dès le mois de mai 1917, il est facile d'en suivre la
  marche progressive dans la Revue officielle de l'Intronisation,
  commencée à Fontarabie par les confrères du R. P. Matéo et
  transférée depuis à la Maison-Mère de sa Congrégation (1). C'est
  surtout dans les numéros de décembre 1918, 1919, 1920, qu'on
  trouvera un aperçu complet de l'extension qu'à prise, dans un
  si petit espace de temps, la croisade de l'Intronisation.             Il n'est
  pas possible d'entrer ici dans les détails ; mais nous pouvons dire
   en toute vérité qu'à présent elle' est connue et pratiquée, non
   seulement en Europe et en Amérique, mais jusque dans les
   missions les plus éloignées des autres pays du monde. Le timide
   chant de triomphe, commencé à Valparaiso en 1907, est devenu
   aujourd'hui un Hosanna universel. Qu'on relise, dans la revue citée,
   les échos de la tournée du R. P. Matéo en Espagne (1919), en
   Belgique (1919, 1920), en Hollande et en Angleterre (1920).
        Comme il fallait s'y attendre, l'Intronisation         dans les familles
    a eu sa répercussion dans la vie publique ; de là la magnifique
    efflorescence sociale de cette dévotion. La cérémonie a été faite
    chez des Rois et des Princes, comme en Espagne, au Luxembourg,
    en Autriche. Elle a été réalisée avec éclat dans les palais légis-
    latifs et dans des populations entières,foyer par foyer, pour abou-
    tir tout naturellement        à l'Intronisation     officielle et publique
    dans ces villes, sous la présidence des autorités civiles et reli-
    gieuses, comme au Canada, aux Antilles, en Espagne, en Belgique.
     Elle a amené, dans beaucoup de localités, l'inauguration solen-
     nelle d'une statue du Roi d'amour sur la place publique, comme
     en Espagne encore, au Canada, au Mexique, en Belgique et en
     Hollande. Enfin, l'intronisation a été célébrée avec pompe dans

       (1) LeRègneSocialdu SacréCoeur eJésus danslesfamilleschrétiennes.
                                        d                                  Bulletin
    mensuel.(3 fr. 50 ou 5 francspar an pour la France).
— 94 —

la nation colombienne, où les Chambres ratifièrent par une
loi l'hommage national au Coeur de Jésus-Roi ; dans la nation
espagnole, par sa majesté Alphonse XIII, entouré de tous ses
ministres et de toutes les autorités.
       Aussi, le R. P. Matéo a-t-il pu écrire avec raison: « Il semble
 bien évident que la volonté manifeste du Coeur de Jésus, de régner
 sur toutes les âmes et toutes les sociétés comme le centre de ieur
 vie divine, se réalise de plus en plus. De même que toutes les
 grâces rayonnent de ce soleil, ainsi toutes les activités intimes ou
 sociales, convergent vers ce Coeur adorable » (1).
        Pour être complets, nous devrions dire ici un mot des oeuvres
 secondaires qui se sont groupées peu à peu autour de l'entreprise
 principale et qui visent surtout le fondement surnaturel de l'apos-
  tolat, puisqu'elles tendent à assurer aux apôtres du Sacré-
  Coeur un fonds inépuisable de prières et de sacrifices, de commu-
  nions surtout, pour obtenir le succès dans leur activité extérieure.
        Contentons-nous de les énumérer brièvement ; ce sont : la
  ligue de la Communion perpétuelle, dont les membres s'engagent
   à communier une fois par semaine ou par mois pour llextension
   du Règne social du Sacré-Coeur ; — la ligue des Benjamins et
   des Tharsicius du Sacré-Coeur, qui groupe les enfants, petits
   et grands des deux sexes, pour seconder l'apostolat de l'intro-
   nisation ; — la ligue des Ames victimes, qui s'immolent en silence
   pour hâter le règne social du Roi d'amour. Nous pourrions y
   ajouter la ligue de la Modestie chrétienne, fondée par le R. P.
   Matéo à Barcelone, et que le Souverain Pontife vient d'honorer
    d'une très belle lettre.                  '
                                                SON ORGANISATION.
         11reste encore à exposer en quelques lignes l'organisation de
    l'OEuvre de l'Intronisation. ,Elle se diversifie d'après les deux
    parties du programme.
         Il y a d'abord l'acte de l'intronisation au foyer, cérémonie
    initiale qui doit être le point de départ d'une vie nouvelle. Cette
    base de l'édifice à construire a trouvé dès le début une organi-
    sation fixe et stable dans l'échelonnement hiérarchique des
    secrétariats locaux, régionaux, diocésains, nationaux et internatio-
     naux. Au-dessus de tous ces centres et en contact intime avec
     eux, la Direction générale, établie à la Maison-Mère de la Congréga-
     tion des Sacrés-Coeurs, sous la direction du R. P. Matéo(2), s'efforce
     de maintenir l'unité de fond et de forme dans la propagande, et
     le véritable esprit de l'intronisation. On conçoit aisément la
     nécessité de cet organisme d'unification,      pour une oeuvre aussi
     répandue dans l'univers entier que l'Intronisation. C'est à cet
      effet que la Direction générale a pris l'initiative de la Revue: offi-

    .(1) Circulaire ourla Fêtedu Sacré-Coeur 921.
                  p                         1
     (2) 16, rue Damien.Brainc-le-ComteBelgique).
                                          (
— 95 —                                  ' '
                                                                .- .           .

cielle de l'oeuvre, qui contient chaque mois un article spécial pour
les secrétariats. C'est encore pour cela que chaque année, à l'ap-
proche de la Fête du Sacré-Coeur, le R. P. Matéo envoie aux secré-
tariats du monde entier une circulaire pour stimuler leur zèle et
Orienter leur activité apostolique. Pour plus de détails sur l'orga-
nisation des secrétariats, nous renvoyons à la brochure spéciale
du R. P. Matéo sur ce sujet.
      La seconde partie du programme, et sans doute son élément
 principal, c'est-à-dire le Règne effectif du Sacré Coeur dans la
famille et dans la Société, se réalise méthodiquement par divers
moyens.
      Il y a d'abord la visite régulière des familles qui ont fait l'intro-
 nisation. Ce travail, pénible mais combien méritoire et fécond !
 incombe aux membres du secrétariat local. Il est complété par
 la distribution, à l'occasion de cette visite, d'un petit message
 mensuel qui chaque mois indique aux familles, une façon
 pratique d'être fidèles à leurs engagements, dans l'esprit de l'intro-
 nisation.
      Mais enfin et surtout, cet entretien constant des familles s'ob-
  tient par l'érection canonique, dans les paroisses, de l'Associa-
  tion pieuse du Règne social du Sacré-Coeur dans les familles chré-
  tiennes. '
      Cette Association, déjà répandue et florissante dans beaucoup
 de pays, a pour but, comme nous le disent les Statuts; de faire
 mieux connaître Jésus Christ et de restaurer ses droits sur la famille
 et la Société. A cet effet, elle groupe, à l'église paroissiale ou dans
 une chapelle religieuse, les familles qui ont défà fait l'Introni-
 sation chez elles. Là, sous la bénédiction féconde de l'Eglise que
 lui assure son érection canonique, l'Association travaille à déve-
 lopper dans ses membres les fruits de l'intronisation. Par des
 réunions fréquentes à l'église, par des exhortations et des encou-
 ragements répétés, par la célébration des fêtes de l'Eglise, surtout
 de celle du Sacré Coeur^ et par la fête annuelle de l'intronisation,
  elle assure aux familles associées le secours surnaturel et les grâces
  nécessaires pour établir d'une manière stable le règne du Sacré
  Coeur.
       Qu'on lise dans les Statuts les articles qui traitent des obli-
  gations communes et des pratiques conseillées, et l'on verra quels
  sont les principaux moyens dont elle dispose.
       Le 12 mai 1917, S. S. Benoît XV bénissait cette institution
  dans un autographe précieux adressé au R. P. Matéo, et le
   16 avril 1920, le même Pontife l'enrichissait de.nombreuses indul-
   gences, à"la demande du T. R. P. Sup. Général de la Congrégation
   des Sacrés-Coeurs.
                                                    CONCLUSION.
       Nous sommes loin d'avoir tout dit sur le sujet si vaste de
'—96-

l'intronisation. Il y aurait un chapitre intéressant à écrire sur les
résultats surnaturels que l'on constate partout où l'oeuvre est
bien comprise et sérieusement appliquée. La bibliographie sur
l'oeuvre, dans toutes les langues deyl'Eùrope et dans beaucoup
 de dialectes des divers continents, fournirait un autre sujet plein
 d'intérêt. Nous le traiterons un jour... Par ce qui pfécède, nous
 croyons avoir suffisamment montré la portée profonde de cette
 oeuvre de salut social, et la vitalité merveilleuse qu'elle manifeste
 sous la bénédiction du Roi d'amour qu'elle fait connaître, aimer
 et régner.
      Nous sommes assurés que tous nos lecteurs voudront se joindre
 à nous dans cette croisade mondiale, et unir leurs efforts généreux
 à ceux des apôtres innombrables de tous les rangs sociaux,
  du clergé régulier et séculier, qui s'y dévouent au cri de :
      Vive le Coeur de Jésus ! Que son Règne arrive !
                                        P. EUSÈBE,SS. CC. (Picpus).
                                         Directeur du Règne Social.
r- 97 —

        LA    BASILIQUE         DU     SACRÉ-COEUR

                         à Jérusalem


             Voeu         des        Nations


       Au lendemain de l'entrée victorieuse des Alliés à Jérusalem,,
en décembre 1917, un document émané de Rome remarquait :
« Les nouveaux libérateurs du Saint-Sépulcre ne portent point
tous dans le coeur, comme les Croisés de Godefroy, la sainte
unité de la foi voulue par le Christ, mais tous montrent sur le
front le nom chrétien, et plus les siècles s'éloignent du point
où fut brisée l'admirable unité de l'Eglise, plus aussi s'avive
au fond des consciences de tous, l'aspiration vers l'unité catho-
lique universelle. »
       Certes, ce disant, Rome traçait bien la voie que la Provi-
dence ne peut manquer de faire prendre aux événements qui
ont jalonné le temps de guerre et à ceux qui, depuis, se succèdent.
Mais il est loisible à l'homme, et il n'y manque pas, de s'efforcer
 d'imprimer à ces mêmes événements, dont il se croit le maître,
 telle autre direction que propose son orgueil ou le souci de '
 certains intérêts auxquels il attache un prix particulier. Ainsi
 la politique humaine est-elle intervenue pour réduire la portée
 de la prise de Jérusalem et enfermer, pour ainsi dire, ce grand
 événement dans un cadre plus restreint, fait à la mesure d'égoïstes
 calculs.                                                      '
     ; Les Lieux Saints n'ont pas été rendus aux Chrétiens. Jéru-
 salem est.devenue le point d'appui d'opérations d'ordre politique
  oui;économique. Les espérances de Décembre 1917 seront-elles
  donc sans lendemain? Poursuivant son oeuvre au sein même
  des contestations et intrigues, des hommes, par-dessus elles
  toutes, la Providence a paré au péril. Elle avait suscité à temps
  les pensées et les énergies propres à seconder ses propres desseins,
  et voici que la réalisation de ceux-ci est commencée, la France
   étant, selon sa tradition privilégiée, au tout premier rang des
  ouvriers.


      Le plan de guerre qui amena les armes alliées à cerner victo-
 rieusement, le 8 décembre 1917, là ville de Jérusalem, avait été
 mis à l'étude à Londres, en 1915, quand certains succès turcs sur
 le Canal de Suez donnèrent de grandes inquiétudes à lAngleterre.
 C'est à cette même époque qu'au sein de l'Archiconfrérie de
 Gethsémani, établie à Toulouse, la pensée se formulait de.pro-
 mouvoir un mouvement universel pour l'érection, à Jérusalem,
 d'une Basilique au Sacré-Coeur de Jésus.
      Monseigneur Germain, le vénéri.^archevêque de Toulouse,
 prit avec autant de zèle que de^tfëtéjjjt affection de ce mouve-
 ment. Dès le 22 février îgi^Sv^toriHatlh^'impression         d'une
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  • 1. Regnabit. Revue universelle du Sacré-Coeur. 1921/07. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés sauf dans le cadre de la copie privée sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont signalés par la mention Source Gallica.BnF.fr / Bibliothèque municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisation. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue par un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter reutilisation@bnf.fr.
  • 2. 1" ANNÉE-N-2 .JUILLET1921 La bienvenue à ." ï^egnabit" Dès son apparition, Regnabit a reçu un accueil profondément ' sympathique. 11 semble, en vérité, que la « Revue Universelle du Sacré- Coeur» était attendue. Lisez plutôt! •Lettre de S. E. le Cardinal Van Rossum, à M. le directeur-de la revue Regnabit, à Paris : MONSIEUR, Je viens de recevoir votre excellente revue Regnabit consacrée à la dévotion que les besoins du temps actuel requiert toujours plus, à la dévotion du Coeur Sacré de Jésus. La solidité de doctrine qui se montre dès le premier numéro, l'universalité et la bonne conception du plan que vous vous êtes tracé, ainsi que l'élévation et l'utilité suprême du but que vous vous proposez, sont pour moi une raison d'applaudir à votre travail et de vous donner de grand coeur ma bénédiction avec les meilleurs souhaits pour l'avenir dé la revue. Rome, Fête du Sacré Coeur, 1921. , G. M., CARD.VANROSSUM. Lettre de S. E. le Cardinal Mercier, archevêque de Malines : MONRÉVÉREND PÈRE, "~ Je vous remercie d'avoir songé à m'envoyer le premier numéro de la revue Regnabit dont le but est de propager la dévotion au Sacré Coeur. Je vous félicite de cette nouvelle initiative, à laquelle je souhaite tout le succès qu'elle mérite. Volontiers, je bénis vos efforts pour étendre le règne du Sacré- Coeur de Jésus. Croyez, je vous prie, mon Révérend Père, à mes sentiments tout dévoués. -J-D. J., CARD. MERCIER,archevêque de Malines. Lettre de S. G. Mgr Rutten, évêque de Liège : MONSIEUR L'ABBÉ, J'ai reçu l'exemplaire de la nouvelle revue Regnabit que vous
  • 3. 66 avez bien voulu m'envoyer. Après l'avoir rapidement parcourue, je ne puis que louer le but qu'elle poursuit et encourager les rédac- teurs à persévérer dans la voie où ils marchent. • Je souhaite de tout coeur que leurs efforts soient couronnés de succès et je les bénis. f M. H. RUTTEN, vêque de Liège. é Liège, le 30 mai 1921. De l'Excme et Illme Sr. Dr. Fr. José Lopez Mendoza Garcia, évêque de Pampelune : Pampelune., le 23 mai 1921. MONSIEUR L'ABBÉF. ANIZAN, J'ai reçu l'annonce de votre revue Regnabit dédiée à déclarer toutes les questions qu'on peut susciter du Sacré Coeur de Jésus pour inspirer à tout le monde la plus grande reconnaissance du même et en conséquence la plus grande vénération et l'amour le plus ardent envers Lui. Il est évident qu'un but si sublime et si nécessaire doit mériter l'approbation de toutes les âmes bonnes et de ceux- qui sont placés par le Saint-Esprit pour diriger les fidèles par les voies désignées par le Bon Dieu. Je bénis de tout mon coeurvotre revue qui commence et je prie le Seigneur de vous donner ses grâces spéciales afin de réussir le but désiré. Veuillez agréer, mon Révérend Père, mes meilleures salutations. L'EVÊQUEDE PAMPELUNE. Del'Illme et Rdme. Sr. D. Marcial Lopez Criado, évêque de Cadix : Cadix, le 28 mai 1621. MONSIEUR L'ABBÉFÉLIX ANIZAN, aris. P En vous accusant réception de votre lettre, ainsi que du premier numéro de la nouvelle revue Regnabit, que vous avez bien voulu m'offrir en hommage, j'ai le plaisir et l'honneur d'ajouter à celle très autorisée du Cardinal Dubois, l'expression de mes félicitations, mes voeux et ma bénédiction pour la pleine réalisation de votre haut idéal t MARTIAL, évêque de Cadix. Après ces bénédictions, qui nous sont très chères, voici des encouragements qui nous sont bien précieux aussi : De M. le Chanoine Maucotel, v. g., supérieur de l'Ecole de Théologie, à Bar-le-Duc : MONSIEUR BIENCHERPÈRE, ET Je salue avec une très grande joie la « Revue Universelle du Sacré Coeur », et je lui souhaite la plus large diffusion, car elle sera d'une très précieuse utilité pour tous ceux qui travaillent à l'extension du Règne du Sacré Coeur. De M. l'abbé Duplessy, le directeur de la vaillante Réponse : Aux premières vêpres du mois du Sacré-Coeur,je viens de prendre connaissance de,votre premier numéro de Regnabit. Permettez^moi
  • 4. 67 àe vous adresser mes humbles et sincères félicitations. Si vous conti- nuez comme vous avez commencé, votre Revue fera beaucoup dé bien et aura une très grande valeur. Que le Sacré Coeur de Jésus bénisse l'oeuvre et l'ouvrier ! C'est un souhait qui, je n'en doute pas, sera réalisé ». Du R. P. Chrysostome Laneurdth, des Sacrés-Coeurs de Picpus, directeur national de l'oeuvre de l'Intronisation en Allemagne : LE MONSIEUR DIRECTEUR, Hier, j'ai reçu le premier numéro de votre excellente revue Regnabit. Je l'ai lu d'un trait ; effectivement, une revue pareille comble une lacune, car elle nous manquait, surtout à nous autres prêtres. Je n'ai qu'un regret : celui de savoir pas assez bien le français pour me ranger au nombre de vos collaborateurs. En tout cas, je suis votre abonné et je ne manquerai pas de recommander votre revue à d'autres confrères sachant le français. Puisse votre revue, dans son idée d'universalité qui la caractérise, contribuer aussi à rapprochement des coeurs des peuples au coeur de Celui qui a tant aimé les hommes ! Je vous promets aussi mes prières pour que votre travail soit fructueux et réalise dans son dernier succès le beau titre de votre revue Regnabit. De M. l'abbé Tocquet, curé de Bréhéville : CHERMONSIEUR L'ABBÉ, Bien que le programme m'ait donné.quelque idée de ce que serait Regnabit,- j'ai été heureusement surpris en constatant que vous avez pleinement réalisé toutes les espérances. C'est vraiment une revue magistrale qui plaira aux intellectuels, un foyer ou tout les apôtres du Sacré Coeur pourront venir renouveler et réchauffer leur zèle. Vous vous êtes entouré de collaborateurs qui lui apporteront le résultat apprécié de leur science-et de leur dévouement. Un missionnaire m'écrit : BIEN CHERAMI, Votre idée est excellente, et si vous pouvez soutenir votre pro- gramme, ce sera vraiment merveilleux. Cette revue manque. Les > autres sont « trop exclusives ». — Non, les autres ne sont pas « trop exclusives ». Elles sont ce qu'elles doivent être. L'organe d'une oeuvre doit avant tout s'occuper de cette oeuvre, et c'est par là qu'il sert la cause com- mune. D'autre part, les membres d'une oeuvre, restant très dévoués à cette oeuvre, et fidèles au bulletin qui en est l'organe, ont avantage à savoir tout ce qui se passe autour d'eux. La « Revue . Universelle du Sacré Coeur » entend bien leur donner une vue d'ensemble de tout le rayonnement du Sacré Coeur, de tout le mouvement des âmes vers Lui. Telle sera; dans l'ordre des faits, son très grand avantage. Mais les Bulletins spéciaux des oeuvres particulières seront nécessaires toujours.
  • 5. 68 — Mon correspondant continue : Votre supplément sera bien vu par nos directeurs de groupes, qui ne savent vraiment comment entretenir les réunions. Or, le directeur d'une de nos églises du Sacré-Coeur vient justement de m'écrire : Voyez comme le Sacré-Coeur est attentif à tous nos besoins ! je cherchais précisément à m'entoUrer de documents pour l'érection de ma confrérie des Hommes 'deFrance au Sacré-Coeur— dont l'idée a été lancée pendant la mission — et votre excellente revue me les fournit. Merci. Mêmes sentiments dans cette lettre : MONRÉVÉREND PÈRE, Je vous suis très reconnaissant d'avoir bien voulu m'envoyer votre revue du Sacré Coeur Regnabit. Les essais plus ou moins médiocres, plus ou moins malheureux, tentés ces dernières années rendaient plus manifeste la nécessité d'une revue de doctrine et de renseignements sur tout ce qui touche au culte du Sacré Coeur. C'est donc avec la plus vive joie que je salue l'apparition de Regnabit. L'ampleur du programme adopté, la largeur de vues dont vous. vous inspirez, la valeur doctrinale des collaborateurs que vous avez groupés, nous sont un très sûr garant des enseignements qui nous seront apportés par la revue. Heureuse trouvaille encore que le supplément sacerdotal. Comme il sera apprécié par nous, pauvres curés de campagne, démunis si souvent des moyens d'étude et de renseignements pratiques si nécessaires ! Je souhaite donc de tout coeur la plus large diffusion à cet apôtre nouveau. D'un autre : De tout coeur j'applaudis à votre initiative et, malgré les charges nombreuses et parfois bien lourdres qu'ont à supporter aujourd'hui les curés, je veux m'abonner à votre revue Regnabit. Tout ce qui touche, en effet, à la dévotion au Sacré Coeur de Jésus m'intéresse vivement. J'estime qu'elle doit passionner les prêtres surtout et que c'est un devoir pour eux de la propager par tous les moyens possibles. Votre revue les y aidera puissamment en raison de sa caracté- ristique et je me réjouis d'y puiser les lumières nécessaires pour faire mieux connaître ce Coeur qui nous a tant aimés.. A quoi bon multiplier des redites ? Ces extraits du courrier montrent assez les sentiments qui ont accueilli Regnabit .et qui nous encouragent. «La Revue Universelle du Sacré Coeur » entend réaliser les espérances qu'elle a-fait naître. Par la grâce du Sacré Coeur, elle y réussira. v F. ANIZAN Secrétaire Général de Rédaction
  • 6. 69 /. — LES IDÉES Les Révélations privées De toutes les grandes dévotions approuvées par l'Eglise il n'en est pas une seule qui dépende de révélations faites par Dieu à quel- ques âmes privilégiées comme la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus. Il est bien vrai qu'elle se trouve implicitement contenue dans le culte que l'Eglise a, de tout temps, rendu à la personne du Verbe Incarné, principalement dans les deux mystères de la Passion et de l'Eucha- ristie ; il est bien vrai aussi, que, longtemps avant les célèbres révélations du Sacré-Coeur, quelques âmes plus saintes et plus éclairées l'avaient déjà pratiquée d'une manière formelle et expli- cite ; mais il est certain toutefois que, dans sa forme actuelle et dans le développement qu'elle a pris depuis deux siècles, elle dépend, eh grande partie, des révélations particulières faites à sainte Margue- rite-Marie. C'est pourquoi l'attitude différente que l'on prend en face dès révélations privées entraîne tout naturellement différentes appré- ciations des fidèles ou des théologiens au sujet de la dévotion au Sacré-Coeur de Jésus. Les uns, préoccupés probablement d'éviter tout reproche de crédulité, et ne voulant baser leur jugement que sur des données absolument certaines, prétendent qu'il ne faut tenir aucun compte des révélations privées, seraient-cc les révélations d'une sainte Gertrude ou d'une sainte Marguerite-Marie. « L'Eglise, disent-ils, ne les fait _pas siennes ; nous n'avons aucune preuve incontestable de leur origine divine, ni surtout aucun critérium certain de leur interprétation. Par conséquent nous devons les considérer purement et simplement comme tous les autres écrits des saints, ni plus ni moins. Et ainsi, pour eux, les demandes, par exemple, faites par N. S. à sa confidente, Marguerite-Marie, sont comme non avenues, ils n'acceptent la dévotion au Sacré-Coeur que selon la stricte rigueur 4e la doctrine catholique ou des dé isions officielles du Saint-Siège. D'autres, au contraire, dès qu'ils croient — peut-être avec raison — devoir accepter comme divines certaines révélations privées, les •acceptent si absolument qu'ils prennent pour parole de Dieu tout ce qu'elles contiennent, jusque dans le moindre détail. C'est ainsi qu'Us voient dans les révélations de sainte Marguerite-Marie comme tin évangile dont il est défendu de s'écarter, et auquel l'autorité même de l'Eglise a le devoir de se conformer. L'une ou l'autre de ces deux appréciations se trouve, en fait, plus ou moins explicite dans bon nombre d'esprits, surtout la
  • 7. 70 — seconde. Elles sont cependant, toutes deux, également fausses. Comment, en effet, d'une part, ne tenir aucun compte de révélations si bien prouvées et authentiquées, que l'Eglise elle-même, après un examen très sérieux, les a reconnues et approuvées ! Comment aussi, d'autre part, accepter sans hésitation, comme paroles divines, des écrits qui n'offrent aucune garantie d'infaillibilité dans chacune de leurs assertions, et que l'Eglise ne veut jamais approuver positi- vement dans le détail des révélations qu'ils rapportent ! Il y a certainement un juste milieu à garder. La plupart des fidèles s'y tiennent, confusément du moins, par l'effet de ce sens catholique que nous donnent la vertu de foi et l'éducation chrétienne, et qui est comme une sorte d'instinct surnaturel de la vérité. La plupart des théologiens et des prédicateurs s'y tiennent aussi, mais pas toujours avec la précision et la netteté que l'on souhaiterait. Nous avons donc pensé être utiles à nos lecteurs en leur mettant . sous les yeux un résumé aussi complet et aussi clair que possible de la doctrine théologique sur tes révélations privées. Après avoir, tout d'abord, examiné les notions de révélation en général, de révélation publique et de révélation privée, nous exposerons ce qu'il faut penser de l'existence des révélations privées, de leur nature et de leurs différents modes, de la certitude qu'elles peuvent donner, de l'approbation que l'Eglise leur accorde, de l'importance qu'elles ont dans le développement de la vie catholique, . et enfin de l'influence spéciale qu'ont eu pour la dévotion au Sacré- Coeur les révélations faites par Notre-Seigneur à sainte Marguerite- Marie. Nous ne nous dissimulons pas la difficulté de notre tâche, car nous rencontrerons plusieurs points sur lesquels les théologiens, ou bien ne s'accordent pas, ou bien gardent quelquefois trop pru- demment le silence. Nous nous efforcerons cependant de rester toujours dans la ligne des directions données par le Magistère ecclésiastique en adhérant entièrement aux actes du Saint-Siège en ces matières, et en suivant autant que possible les grandes auto- rités de saint Thomas, de Benoît XIV, et des meilleurs théologiens de notre époque, I Ce qu'on doit entendre par révélation Le mot de « révélation », d'après son évidente étymologie,. signifie toute manifestation d'une chose auparavant voilée ou cachée. Dans ce sens premier, il est fréquemment employé, non seulement dans le langage courant, mais aussi en théplogie et dans l'Ecriture elle-même. Par exemple : Luc XII, 2 « Il n'y a rien-
  • 8. .de caché qui ne doive être révélé , rien de secret qui ne doive être connu » - Même appliqué aux choses divines, et entendu comme mani- festation faitepar Dieu d'unevéritécachée,cemot comporte encore plusieurs significations qu'il sera bon de mentionner ici, afin de mieux déterminer, par exclusion, celle que nous avons à.considérer et à étudier. Dieu, en effet; peut se révéler ou se manifester à nous, soit comme auteur de la nature, soit comme auteur de la grâce. Delà, deux sortes de révélations correspondant à deux ordres de vérités : celles que Dieu nous manifeste par ses oeuvres et par la lumière de notre raison naturelle, et celles qu'il nous fait connaître par une intervention surnaturelle de sa Providence à notre égard. Dans le premier sens, il faut entendre ces paroles de saint Paul, parlant des peuples païens : « La colère de Dieu se révèle du haut du ciel contre toute impiété et toute injustice des hommes... qui retiennent la vérité captive. Car ce qui se peut connaître de Dieu, ils le lisent en eux-mêmes : Dieu le leur a ' manifesté. En effet ses perfections invisibles... sont rendues visibles à l'intelligence par le moyen de ses oeuvres » Rom. I, 18-20 Il s'agit ici évidemment de toute la connaissance naturelle que l'homme peut acquérir de Dieu par le moyen des choses créées, qui portent toutes quelque reflet des perfections de leur auteur. Mais ce n'est là qu'une révélation improprement dite : car, en réalité, ces vérités divines que la raison peut découvrir ne lui sont pas absolument cachées, et par conséquent Dieu n'a pas à intervenir spécialement pour les faire connaître à l'homme. Tout autre est la manifestation de ces vérités mystérieuses ' que saint Paul appelle « profunda Dei », les profondeurs de Dieu. Celles-ci sont complètement en dehors de la portée de l'esprit humain, et, à moins que Dieu lui-même n'enlève le voile qui le recouvre, l'homme ne pourra jamais les apercevoir, ni même peut- être les soupçonner. C'est ici que le mot de révélation divine est employé dans toute la force du terme pour désigner l'ensemble des manifestations par lesquelles Dieu nous fait connaître les vérités de l'ordre surnaturel : mystères de la nature de Dieu et . de sa vie intime, mystères de sa Providence sur nous et sur toute créature, mystères de notre origine et de notre destinée, mystères dont la connaissance nous initie déjà à cette adorable société que Dieu veut avoir éternellement avec nous dans le ciel. « Nous prêchons, dit saint Paul, une sagesse de Dieu mystérieuse et cachée que Dieu, avant les siècles, avait destinée pour notre glorification. Cette sagesse, nul des princes de ce siècle ne l'a connue... Ce sont des choses que l'oeil n'a point vues, que l'oreille n'a point entendues et qui ne sont pas montées au coeur de l'homme... C'est à nous que Dieu les a révélées par son Esprit, car l'Esprit pénètre tout, même les profondeurs de Dieu » 1 Cor. //,8-10.
  • 9. Mais cette révélation surnaturelle elle-même a plusieurs degrés. Dans sa plénitude, elle n'est autre chose que la vision béatifique : Dieu se montrant avec toutes ses perfections infinies à l'esprit divinement éclairé de ses élus dans le ciel. C'est la révélation définitive et éternelle, c'est le plein jour, la claire vision après les obscurités ou les-demi-clartés de la foi. « Mainte- nant, dit saint Paul, nous voyons dans un miroir et d'une manière obscure; mais alors nous verrons face à face. Aujourd'hui je connais en partie ; mais alors je connaîtrai comme je suis connu». 1 Cor. XIII, 12. Sur la terre, la révélation divine peut approcher plus ou moins de la clarté de la vision béatifique. Il est même possible, d'après saint Thomas (2-2, q. 174 a. 4. et q. 175 a. 3) que certains saints plus particulièrement privilégiés, comme Moyse et saint Paul, aient eu momentanément la vision directe des mystères de Dieu et de l'essence divine. Mais ce n'est là qu'une exception, et proba- blement très rare. Normalement la révélation telle qu'elle se vérifie ici-bas, ne donne pas l'évidence, mais seulement la crédi- bilité des vérités surnaturelles. En dernière analyse, elle se réduit à un témoignage, une affirmation par laquelle Dieu nous dit des vérités, que nous né pouvons pas voir encore, mais que nous devons croire sur sa parole. (Vatic. Sess. 111 De fidé cap. 3). Elle n'est donc autre chose que la parole de Dieu adressée aux hommes sur la terre. Tel est l'enseignement unanime des théologiens quand ils démontrent que le motif formel de notre foi ne peut être que la parole ou l'autorité de Dieu. Telle est aussi l'idée exprimée en mille endroits de l'Ecriture, surtout dans les Prophètes, et que saint Paul rapporte de la manière la plus explicite au début de l'épître aux Hébreux :.« Après avoir à plusieurs reprises, et en diverses manières, parlé autrefois à nos pères par les Prophètes, Dieu, dans ces derniers temps, nous a parlé par le Fils, qu'il a établi héritier de toutes choses et par lequel il a aussi créé le monde ». Heb. I, 1-2 Sans doute, du fait que Dieu daigne parler à l'homme, il ne suit pas. qu'il ne lui dise que des vérités auparavant inconnues. Il arrivera donc, dans certains cas, que le mot de révélation, appliqué à la parole de Dieu, n'aura plus strictement sa signi- fication étymologique. Mais comme le but que Dieu se propose principalement en parlant à l'homme est de lui manifester des vérités qu'il ne pouvait pas connaître, il reste qu'on peut, à bon droit, selon l'usage reçu, considérer ces deux- termes comme parfaitement synonymes : « Révélation divine » et « parole de Dieu adressée aux hommes sur la terre ». * * Cependant l'idée de révélation serait incomplète, si nous n'expliquions en outre comment il faut entendre cette parole de
  • 10. Dieu ; car ici encore les confusions sont possibles et même faciles. Evidemment nous ne devons pas nous représenter la parole de Dieu au sens purement humain et matériel, comme si Dieu pour parler à l'homme avait besoin d'employer des mots sen- sibles ou des sons de voix semblables à ceux que nous proférons nous-mêmes, quand nous parlons à un autre. Notre manière humaine de parler nous est imposée par nôtre condition corpo- relle ; mais elle ne saurait convenir à un pur esprit, comme Dieu. Que faut-il donc pour qu'un esprit parle à un autre ? Simple- ment ceci : qu'il y ait entre eux communication de pensées. Nihil enim est aliud loqui ad alterum quam conceptum mentis alteri manifestare (S. Th. 1 p. q. 107 a. 1). Parler à un autre c'est lui manifester l'idée qu'on a soi-même. Analysons ces quelques mots et nous verrons tout de suite quelles sont les conditions requises pour qu'il y ait véritablement paroie de Dieu à l'homme, c'est-à-dire révélation. Communiquer sa pensée à un autre, c'est tout d'abord poser un acte qui soit ordonné directement à ce but ; la transmission de la pensée. Ainsi nous parlons lorsque nous proférons des paroles extérieures, ou que nous écrivons, ou que nous employons d'autres signes sensibles, dans le but direct de faire connaître nos pensées à d'autres. Mais on ne pourrait pas dire que nous parlons à quel- qu'un, si nous faisions ces mêmes actes, par exemple' pour nous exercer, et sans avoir l'intention de transmettre actuellement à un autre les pensées que nous exprimons. A plus forte raison, ne pourrait-on pas dire que nous parlons par chacune de nos actions qui, cependant, en fait, manifestent nos idées à ceux qui nous voient agir. La raison en est que, dans ces deux hypothèses, les actes que nous faisons n'ont pas pour but direct de transmettre nos pensées à un autre. Pour « parler à quelqu'un » il faut donc tout d'abord qu'il y ait transmission de la pensée par un acte fait spécialement à cette intention. Mais cela ne suffit pas., Il faut aussi qu'il y ait détermination de la personne à qui on veut transmettre sa pensée. En effet, quand nous parlons, nous ne parlons qu'à ceux à qui nous avons l'intention de parler, même si par ailleurs d'autres reçoivent nos paroles. Dans nos conversations, nous ne parlons qu'à ceux à qui nous nous adressons, mênie si nous savons que d'autres nous écoutent ; dans nos lettres, nous ne parlons qu'aux seuls destinataires, m:me si nous savons que d'autres nous liront. Si notre parole humaine est saisie par d'autres que ceux à qui elle est destinée, c'est uniquement à cause de la forme matériell - extérieure que nous sommes obligés de lui donner ; mahdedroit elle appartient seulement à ceuxà qui elle est destinée. La pensée appartient si intimement à l'être intelligent et libre -qui la conçoit qu'il, en reste toujours le maître, avec pouvoir ou de la garder, ou de la donner à qui il veut.
  • 11. Il n'y aurait pas encore cependant vraie communication de pensées d'un esprit à un autre, s'il, n'y avait enfin une troisième condition, c'est-à-dire : que celui à qui on parle saisisse, ou du moins soit en état de saisir, ce qu'on lui dit, et qu'il le reçoive comme venant de celui qui le dit. Sans cela, il n'y aurait, en réalité, aucun' commerce entre ces deux esprits, puisque le deuxième ne recevrait rien du premier. Ainsi, s'adresser à quelqu'un qui dort, ou qui ne comprend pas l'idiome dont on se sert, ce n'est pas vraiment lui parler, puisque en effet « cela ne lui dit rien ». Il y a bien d'un côté expression de cette pensée, mais il n'y a pas, de l'autre côté, réception de cette pensée. Il n'y a donc pas pleinement transmission ou communication de pen- sées. De même, écouter une parole qu'on entend et que l'on com- prend, mais sans savoir de qui elle vient, ni à qui elle s'adresse, ce n'est pas "être complètement en communication de pensées avec un autre, parce que cette communication n'est pas consciente de part et d"autre. En résumé, on dit, au sens strict, que quelqu'un parle à un autre lorsqu'un être intelligent pose un acte délibéré dans le but direct de manifester sa pensée à une autre personne déter- minée par lui, et capable de recevoir cette pensée comme venant de celui qui la lui communique. Appliquons, maintenant ces notions à la parole de Dieu, et nous verrons facilement ce qu'elle exclut et ce qu'elle comporte. La première condition et la plus importante, pour qu'il y ait formellement parole de Dieu, c'est que l'action divine soit directement ordonnée à transmettre/la pensée de Dieu à l'esprit de l'homme. Si donc nous disons parfois que Dieu nous parle par la création entière et par chacune de ses oeuvres, nous n'employons cette expression que dans un sens dérivé et métaphorique. Dieu, en effet, met bien dans son oeuvre un reflet de sa puissance et de sa perfection, et pour autant il se manifeste à nous ; mais les choses créées ont un autre but direct et immédiat que celui de nous transmettre lés pensées de Dieu. Dieu ne nous parle pas, non plus, au sens strict, parles effets de sa Providence qui dispose si merveilleussement toutes choses dans l'univers. Il veut bien, il est vrai, que nous contemplions l'ordre qu'il met partout, que nous admirions la.beauté de ses oeuvres, et que nous nous instruisions dans la méditation de son infinie sagesse. Cependant ici encore, s'il nous parle et s'il nous instruit, il n'emploie que des moyens indirects, car le gou- vernement divin n'a pas pour fin propre et immédiate de nous faire connaître les pensées de Dieu. Il ne nous parle pas non plus formellement par ces bienfaits extraordinaires, où sa puissance et sa bonté se manifestent plus clairement et plus sensiblement, et.que nous appelons les miracles. Dieu veut certainement que nous sachions y voir son inter-
  • 12. vention et des marques spéciales de son amour ; souvent même il n'opère les miracles qu'à cette intention. Cependant on ne peut pas dire que les miracles sont l'expression directe d'une pensée de Dieu ; ils ne sont donc pas proprement une parole, un témoignage de Dieu, une chose que Dieu nous dit. Pourrait-on dire, du moins, que Dieu nous parle d'une manière formelle, par les opérations surnaturelles de sa grâce, par cette action intérieure qui illumine notre âme (Bèb. X, 32 ; Eph. 1,18) qui ouvre nos coeurs à la vérité (Act. XVI, 14/ qui nous inspire même ce que nous devons dire et demander; {Rom. VIII, 26-27) ouencore par l'inspiration secrète de son Esprit « qui rend témoignage à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu » ? (Rom. VIII, 16). Cette action divine, le langage de la Théologie bien que aussi celui de la piété, l'appellent couramment : parole de Dieu. L'auteur de 1<Imitation », par exemple, en fait l'objet prin- cipal de son troisième livre, et il en parle en termes enthousiastes : « Heureuse l'âme qui entend le Seigneur lui parler intérieurement, etqui reçoit de sa bouche la parole de consolation ! Heureuses les •oreilles toujours attentives à recueillir ce souffle divin, et sourdes au bruit du monde !... Parlez-moi, Seigneur, pour consoler mon âme, pour m'apprendre à réformer ma vie ; parlez-moi pour la louange, la gloire et l'honneur éternel de votre nom». Lib. III, cap. I— etc. II, Que faut-il penser de ce langage ? Faut-il tenir pour égales la parole de Dieu qui s'appelle « Révélation » et la parole de Dieu qui est l'illumination intérieure de la grâce ? On doit avouer qu'il y a entre les deux quelque ressemblance : c'est pourquoi, faute de termes appropriés, nous employons les mêmes expressions, soit qu'il s'agisse de la révélation divine, soit qu'il s'agisse simplement de l'action de la grâce. Mais, en réalité, la différence est très grande, et l'idée n'est venue qu'aux Protestants de confondre ces deux choses. L'Eglise les confond si peu qu'elle à porté à leur sujet des définitions dogmatiques tout à fait opposées. Pour ce qui est des inspirations de la grâce, elle a défini que, a moins d'une révélation spéciale, nous ne pouvons pas croire de foi divine que nous sommes en état de grâce. (Trid. Sess. VI cap. 9 et can. 13.-Denz. 802, 823). A plus forte raison, nous ne pouvons pas croire par la même foi divine à chacune des inspirations de la grâce. Toutes les fois, au contraire, qu'il y a parole de Dieu proprement dite, c'est-à-dire témoi- gnage de Dieu nous affirmant quelqu'une de ses pensées, nous lui devons la soumission absolue de notre intelligence et le plein assentisement de notre foi. (Vatic. Sess. III. Defide cap. 3.-Denz. 1789). La différence entre ces deux modes de l'action divine tient en ceci que l'illumination de notre âme par la grâce n'est pas la transmission d'une pensée de Dieu, ni d'une vérité dite par
  • 13. Dieu, mais seulement une lumière spéciale qui nous fait mieux comprendre les vérités que nous croyons déjà ou nous les fait mieux appliquer à notre état d'âme et à nos besoins spirituels. Elle vient en nous, non.pas comme parole reçue, ni comme vérité transmise, mais seulement comme secours qui fortifie notre intel- ligence pour lui faire mieux voir la vérité divine qu'elle a déjà reçue par ailleurs. Si donc nous l'appelons « parole de Dieu » ce ne pourra pas être au sens strict, parce qu'elle n'est pas direc- tement l'expression de la pensée même de Dieu. Dans les lignes qui précédent nous avons exposé l'idée de révélation divine, ou de parole de Dieu, dans ce qu'elle contient d'essentiel. Il resterait maintenant à appliquer les deux autres conditions que nous avons trouvées dans toute parole humaine adressée à un autre : c'est-à-dire que la parole de Dieu, comme notre parole à nous, ne concerne directement que ceux à qui elle est destinée, et enfin qu'elle n'existe complètement, comme telle, que si ceux à qui elle est-adressée sont en état de la comprendre. Nous n'avons pas besoin cependant de développer longue- ment ces deux assertions. La première peut présenter quelque difficulté, mais nous aurons bientôt l'occasion d'y revenir et d'y insister, en expliquant la différence entre Révélation publique et révélations privées. La deuxième est claire par elle-même, et un exemple, au besoin, suffira pour en faire voir la portée. Il semble bien que les textes de l'Ancien Testament, pris dans leur sens objectif, affirment déjà implicitement la Trinité des personnes en Dieu ; cependant ce mystère n'a pas été révélé aux Juifs avant Notre- Seigneur, parce que, sans une explication nouvelle, ils ne pouvaient pas comprendre ce sens dans les paroles des livres sacrés. Nous pouvons donc terminer ici cette courte étude sur l'idée de révélation en général, et retenir comme suffisamment démontré : 1° que la révélation divine n'est autre chose que la parole de Dieu au sens strict et formel -;2° qu'il y a parole formelle de Dieu seulement dans le cas où l'action divine est directement et immédiatement ordonnée à transmettre à l'esprit de l'homme, et à imprimer en lui, l'idée que Dieu a dans sa propre pensée. Aug. ESTÈVE, o. m. i.
  • 14. — 77 LA SOCIÉTÉ du Règne Social-de Jésus-Christ I. - LES FONDATEURS « Regnabit » a présenté à ses lecteurs, le mois dernier, la vaillante Société des Missionnaires du Sacré-Coeur a"Issoudun. Nous sommes heureux de leur parler aujourd'hui d'une autre Société, bien moins connue qu'elle ne mérite de l'être. Fleur deParay, elle est restée longtemps enveloppée dans le silence qui planait sur l'humble cité. Mais puisque en cette année jubilaire, les regards du monde chrétien sont tournés vers Paray, pour en scruter toutes les gloires, l'heure est venue de manifester toute l'influence d'une Société qui, sans beaucoup paraître, a su travailler beaucoup. En la faisant mieux connaître, puissions-nous l'aider à réa- liser davantage encore son vaste programme. On était alors au lendemain de la guerre de 1870. La France vaincue d'hier, mais « dont les maladies ne vont jamais à la mort », comme le déclarait Pie X (1) ; qui « fluctuât sed non mergitur », selon sa fière devise (2), se tournait vers le signe que Léon XIII devait appeler le « Labarum des temps modernes » (3), vers ta Sacré-Coeur de Jésus. Déjà, au plus fort de la tourmente, MM. Rohault de Fleury et Legentil avaient fait voeu d'ériger, à Montmartre, le Temple de réparation et d'impétration nationales. Or, en 1872, vivait un fervent religieux, frère, disciple, et émule du P. de la Colom- bière, le R. P. Drevon S. j., descendant par sa mère de Bayard, le Chevalier sans peur et sans reproches; il en avait l'envergure d'idées et la tenace bravoure. Passionné de l'Eucharistie, il avait déjà fondé la Communion Réparatrice qui, absorbée ensuite par « l'Apostolat de la Prière », allait bientôt se répandre sur le monde entier. Habitué à créer de vastes mouvements, il méditait souvent et profondément devant Jésus-Hostie exposé là où jadis, en 1689, Il avait dit : Je veux que mon Coeur soit adoré dans le Palais (1) Allocution Pie X aux Cardinaux de français. (2) Devisede la ville de Paris. (3) Encyclique nnUm A Sacrum, ai1899. M
  • 15. 78 — des Grands... Je veux les Consécrations et les Hommages... Je veux régner... Je régnerai malgré mes ennemis... (1). Sans doute, le P. Drevon entendait déjà le murmure gran- dissant du voeu de Montmartre, les négociations du Cardinal Guibert, les prières particulières qui jaillissaient de tous côtés au Sacré-Coeur, Mais cela ne suffisait pas à l'Apôtre de l'Eucharistie. Il voulait que « tout cela » éclatât en public ; il voulait procurer à son Roi les Hommages officiels, la pompe qu'il a daigné réclamer. (2). La Chambre des députés est devenue le Palais dû peuple français. C'est à la Chambre des députés qu'il veut faire prescrire des Prières publiques ; mieux que cela, il attirera les députés, représentants de la nation, à Paray-le-Monial même ; il courbera leur tête devant le Christ vivant dans l'Hostie que viendront également acclamer les foules... Et, parce qu'il était profondément humble, détaché de tout amour-propre, l'Eucharistie réalisa par ce religieux lié par l'obéis- sance et la pauvreté, cette chose que ses supérieurs estimaient d'une irréalisable beauté. En 1873, il avait, au prix de quelles démarches ? Dieu le sait ! gagné deux cents députés à son idée. Le 20 juin, deux mille prêtres et trente mille pèlerins, répondant à ses appels, envahissaient la petite cité sainte, le jour même de la fête du Sacré-Coeur, et ponctuaient la consécration lue par Mgr l'évêque d'Autun (3) par ce cri répété : « 0 Jésus, Vous serez notre Roi ! Le pèlerinage de Paray-le-Monial était créé. •Le 29 Juin de la même année, les deux cents députés dont nous avons parlé, faisaient, par la voix de M. de Belcastel et de cinquante des leurs, hommage au Sacré-Coeur de leur patrie, de leurs biens et de leurs personnes, à l'endroit même où Notre- Seigneur avait réclamé ce culte social. Bientôt après, ces fiers chrétiens, grandis eux-mêmes par l'acte généreux qu'ils venaient d'accomplir, faisaient décréter des prières publiques par l'Assemblée Nationale, et reconnaître par elle l'érection de Montmartre comme étant d'utilité publi- que (4). Nul ne peut dire la profonde influence' de cette grande Mani- festation. Elle fut le germe de deux OEuvres providentielles : « Les Congrès Eucharistiques internationaux » (5) et « La Société du Règne de Jésus-Christ » qui, nous occupe actuellement. En effet, au soir.de ces journées inoubliables, par lesquelles le P. Drevon inaugurait magnifiquement les pèlerinages à Paray-le-Monial, inusités jusqu'alors et commençait le grand (1) Lettre47,lettre 104.Vie etOEuvres deSainteMarguerite-Marie,tomeII. (2) Lettrede Marguerite-Marie, 23février1689, t lettredu 17Juin 1689,outes e t deuxà la mèrede Saumaise. (3) Futur CardinalPerraud. (4) Loivotéele 25 Juillet 1873et promulguée 31 Juillet. le (5) MUc'Tamisier l'écrira plus tard au deuxièmefondateurde la Sociétédu RègneSocialde Jésus-Christ, dansunelettredatéedu 29 Juin 1897. •
  • 16. — 79; — . mouvement qui ébranlera nos sociétés et les ramènera vers leur Roi (1), son zèle inlassable lui faisait ébaucher la pensée d'un organe qui stabiliserait et approfondirait ces reconnaissances passagères de la Royauté d'amour de Jésu-Çhrist. Or, Dieu ne se laisse pas vaincre en générosité. Lorsqu'il voit une âme dépouillée d'elle-même et se déclarant servante inutile, après des réussites dont II garde ainsi toute la gloire, Il lui procure les éléments d'oeuvres nouvelles. C'est ainsi que, par une providentielle attraction, le deuxième fondateur de la Société du Règne Social de Jésus-Christ, le baron Alexis de Sarachaga s'était senti pressé, en visitant, à la Wartburg, le tombeau de sainte Elisabeth de Hongrie, de se rendre à Paray-le-Monial, pour demander au Sacré-Coeur d'orienter sa vie, après sa toute récente conversion. C'était une figure aussi originale qu'intéressante que celle de ce jeune homme de trente-deux ans. NéàBilbao, en Espagne, d'une fort ancienne famille, Alexis de Sarachaga descendait, par son père, d'un frère de sainte Thérèse, et par sa mère, des princes russes Lobanof de Rostof. Orphelin à l'âge de sept ans, son enfance avait été singuliè- rement ballottée, entre le palais Mac-Donald où habitait, à Flo- rence, la princesse Lobanof sa grand-mère, la pension Coulon, à Paris, près des Invalides, et Prestro, dans une baie.de Norwège, dont il goûtait particulièrement les habituelles distractions de patinage et de traversées maritimes. Puis, il était entrée à l'Ecole Polytechnique de Fribourg, et, réussissant dans les sciences comme clans les lettres, en sortait ingénieur. I! parcourt alors les capitales de l'Europe où il se perfectionne dans les sept langues vivantes qu'il parlait aisément, et finit, après avoir passé trois studieux hivers à Rome, par se fixer à Madrid, au Ministère des Affaires Etrangères, sous la direction de M. Merry del Val, père de l'éminent Cardinal de ce nom. Là, de 1867 à 1870, et sans négliger ses devoirs profes- • sionnels, Alexis de Sarachaga, auquel sa naissance et sa fortune ouvraient les salons de la Cour, se laisse entraîner par les plaisirs du monde. Dès le 5 Décembre 1867, il écrit à sa soeur, baronne de Truchess et dame d'honneur de la princesse de Bavière-: « Je suis tellement lancé dans le tourbillon que mon clan ne me laisse plus m'arrêter (sic) et je reste avec lui sans haleine ». — Et encore : « Outre les invitations diverses, je vais deux fois par semaine chez les Volskonsky ; le dimanche chez la comtesse de Montijo, le lundi chez le Ministre de Russie, le vendredi chez les Scafani ! ! » Mais de temps à autre, la nature noble et généreuse de Sara- (1) Dansl'année 1873,le P. Drevonattira à Paray deuxcent millepèlerins ; nombre Inconnu jusqu'alors queseules, esfêtesjubilairesde Marguerite-Marie et l font espéreren 1921.
  • 17. — 80 — chaga lui fait jeter un cri de regret sur la vie mondaine qui l'enlace- et le disperse. «-L'existence que j'ai menée, déclare-t-il à ses parents, a été si agitée, si frivole... qu'elle a eu pour résultat lai fatigue et un désordre abominable. C'en est assez ! Les bals, les soupers, les. nuits blanches, le Carnaval et son cortège ont passé devant nous, nous entraînant dans leur course, mais nous les abandonnons sans peine... quel bonheur de redevenir maître de soi ! et du temps. dont on dispose à son gré !... » . Entre temps,.d'ailleurs, il traduisait Macaulay, « l'Etat libre dans l'Eglise libre » de Gladstone, et versait dans les erreurs irrédentistes socialistes qui fermentaient alors dans la Pénin- sule. Il ne fallait rien moins, pour l'éclairer, que la mêlée révolu- . tionnaire, la vue du sang répandu avec férocité, le meurtre du général Prim, les intrigues pour placer sur le trône d'Espagne un Hohenzollern... D'ailleurs, il ne rencontrait pas davantage à Paris, la paix qu'il était venu y chercher. La guerre de 70 éclatait, suivie des horreurs de la Commune... Désabusé des luttes politiques auxquelles il s'était mêlé, Sarachaga se réfugia à Saint-Pétersbourg. La Pro- vidence l'attendait là (1). Un matin de l'année 1872, son valet de chambre vint l'avertir qu'on avait trouvé, à la porte de sa demeure, un enfant, couvert de givre et mort de froid... Sarachaga, ému de, compassion, prend quelques milliers. de roubles et va les porter à des religieux, afin qu'ils secourent les. enfants pauvres pendant les rigoureux hivers de' Russie. Etonnés de cette princière générosité, les bons Prêtres lui pro- mettent de célébrer plusieurs fois pour lui le saint sacrifice de la Messe. Et ce fut à l'Oblation de l'Hostie sainte, faite en récom- pense de sa charité, que Sarachaga attribua toujours l'impul- sion qui le fit pénétrer un jour dans une église catholique, dédiée à Saint Georges, patron de son père, où un Dominicain prêchait sur la beauté morale des martyrs. Là, il aperçoit derrière l'autel, un petit tableau du Sacré-Coeur. Il le regarde, il en est bouleversé... Eh quoi ? il a été baptisé, il a fait jadis sa Première Communion et depuis lors, lui qui a communié à toutes les vanités de la terre, il n'a jamais communié à l'Amour infini de son Dieu.... Lui qui se dit chrétien il renie tous les jours, par sa vie molle et facile, le sceptre de son Dieu qui est une Croix et son diadème qui est tressé d'épines !... A la Lumière divine qui l'envahit, sa vie passée ne lui paraît plus qu'ombre et chimères. Avec sa loyauté native, il la confesse à deux genoux, dans une église vouée à sainte Catherine, patronne (9) Sa grand-tante Koucheleffétait Grande-Maîtresse Palais. du
  • 18. — 81 — de sa mère ; il va déposer sa croix de Charles III au tombeau de « la bonne duchesse » de Hongrie, et vient prendre rang parmi les plus humbles pèlerins de Paray-le-Monial. A la fin du mois de Juin 1873, l'arrière-petit-neveu de sainte Thérèse, tombait aux pieds de Tarrière-petit-fils de.Bayard, et lui demandait d'orienter désormais son existence entière selon les divins vouloirs du Christ Jésus. (A suivre.) M. DE NOAILLAT, directeur du " Hiéron ".
  • 19. 82 Essais d*Hymnographie 1) La Russie catholique au Sacré-Coeur( Continuant à méditer doucement ces « Mystères du Sacré- Coeur », — comme on fait pour ceux du Rosaire, — nous arrivons au mystère de l'Epiphanie. Un hymnographe oriental se devait de donner un relief spécial à cette « fête des Saintes Lumières ». Mais on verra avec quelle aisance, de cet objet, comme de la vie cachée et du ministère public, se fait le retour au Coeur de Jésus. Kontakiong. 3e Invitatoire. llluminati a gloria tua Illuminésde votre gloire, sicut pastores, comme les bergers de Bethléem, et directi Stella fulgoristui, et guidés par votre splendeur, sicut regesMagi, commelesrois Magespar l'étoile, adoramuste jacéntempropter nos nous vous adorons,6 Jésus, in antro Bethléem,Jesu ; couchépour nousdansune grotte; et offerimus tibi et nousvenonsvous présenter tanquam aurum, thUset myrrham, notre or, notre encens,notre myrrhe, confessionem regni, tui reconnaissanten vous le Roi, et tuaeDivinitatis, le Dieuqu'on adore à genoux, et mortalispropter nos humanitatis, et l'Hommequi s'est vouéà la mort. canentesinvestigabili mori Cordistui Coeuraimant, laissez-nousedire a r angelicumhymnumAlléluia. l'hymne des Anges: Alléluia. Oikosg. 3e Strophe. Unigenitus FiliusPatris tui caelestis, O Fils unique du Père céleste. dcscendisti d nos, a Vousêtes descenduvers nous, Salvator,occulte, Sauveur, dansl'ombredu mystère, sicut olimpluvia in vellus, tellela roséesur la toison (2). et primostriginta conversationisua; Les trente premièresannées t cum hominibusannos, de votre vie parmi les hommes, propter nos traduxisti, vous lesavez passéespour nous in abscondito,in humilitatc,' dans une obscurecondition, in paupertate, in laboribus, la pauvreté et le travail, in indcfesso certamineprecum(3) infatigableintercesseur (3) pro salute nostra, près de.Dieupour notre salut. subjicienste per omnia Vousvousêtes soumisen tout parentibus tuis terrenis; à vos parents sur terre, incumbensarti lignarise, choisissantl'art du charpentier ut jugiter haberesante oculos pour avoir toujours sousles yeux 4 lignumCrucis,quo redempturuseras ce bois qui nous arracherait nos mancipatosSatanae un jour au pouvoirde Satan, per lignummortiferum(4). à la mort causéepar le bois (4). Ideo immensurabili Aussidevant l'immensité (1) Cf. Regnabit,n° 1, p. 18-27. (2) Allusionau miraclefait en faveur de Gédéon,rapporté au Livre des Juges, VII, 36, et fréquemment ommentépar les Pèresde l'Eglise.Nouschantonsencore c aux Vêpresdela Circonscision : Sicutpluviain vellus « descendisti.Vousêtes descendu comme la pluie sur la toison». (3) Il faut remarquerici la forcede l'expressionoriginale: « Jésus, danssa lutte infatigable avec son Père », expressionqui s'inspire de la lutte de Jacob avec l'Ange(Genèse,XXXII, 24), commeon le voit par la strophe suivante : tanquam Jacob cum angelo,contendistiprecibus cum Pâtre iuo. »«Vousluttez avec votre . Père pour nous commeJacob avec l'ange ». dans toutes les à l'arbre néfaste du Paradis —(4) Allusion,fréquente à Satan, selonla liturgies, qui nous avait vendus — théorieanciennede la rédemption, et à l'arbre de la Croix,qui nous en a délivrés.
  • 20. profunditati amoris de cet amour sans fond, Cordistui canimus: nous chantonsvotre divin Coeurr AveCor Jesu. obedirehominibus Salut, Coeur Jésus,qui nous prêchez de propter Deumnos erudiens! pour Dieul'obéissance hommes! aux Ave CorJesu, humiliasaperenossuble- Salut, Coeurde Jésus, qui faites aimer [vans! [l'abaissement ! Ave Cor Jesu, ad laborositatemnos Salut, Coeurde Jésus, qui nous animez [ammans! [au travail Ave dulcissimum Jesu Cor Salut, très douxCoeurde Jésus, ïnflammatumamore tout enflamméd'amour erga filioshominum. pour lesenfantsdes hommes! Kontakiond. 4e Jnvitatoire. Sedentitibi in solio Devant vous qui siégezau ciel solemniet elevato, sur un trône élevé,sublime, et accipientitrisagiumhymnum recevant les Sanctussans fin a sex alarum Seraphimis, des Séraphinsailés, hiinoratoautem modoperegrino et qui vousfîtes pèlerin in paupere domunculaNazareth, dansla pauvre maisonde Nazareth una cumimmaculatatua matre avec votre mèresanstache et beatissimoejus sponso, et son bienheureuxépoux, stupentes canimusAlléluia. pleins d'effroinous disons: Alléluia. Nous avons vu, dans la strophe précédente, Jésus à Nazareth lutter avec Dieu son Père dans l'intérêt de notre salut ; nous allons maintenant assister à d'autres luttes du Fils de Dieu. La 4e stro- phe nous donne sa retraite au désert comme une préparation au combat, par l'onction du Saint-Esprit, idée étrange au premier aspect, insinuée pourtant par les Prophètes et les Evangélistes, et développée par les Pères grecs. Qu'on se reporte à cette parole que saint Pierre emprunte à Isaïe : Jesum Nararenum, quem unxit Deus Spiritu sancto (Actes X, 38) ; qu'on lise, dans les belles Etudes du P. de Régnon sur la Trinité les enseignements de saint Irénée, de saint Athanase, des docteurs Cappadociens sur l'onction du Christ (1), et l'on verra que notre liturgiste moderne est dans la même ligne de pensée. Voici, pour faire court, le commentaire que le pieux Jésuite donne de ces textes splen- dides : « Le Verbe divin, considéré dans sa nature divine, est 1* source éternelle d'un parfum qui le recouvre éternellement (c'est le Saint-Esprit). Et lorsque le Verbe a revêtu l'humanité, ce parfum, sorti de lui, inonde le vêtement divin, le pénètre et l'embaume. Et alors, il advient par une sorte de réaction, que le Verbe reçoit l'onction dont il est la source, et commence à prendre un nom de forme passive : Christus » (2). Ainsi notre auteur peut dire : Oikos d. 4e Strophe. Post consummationem trigintaanriorum Aprèstrente ans passés vitse tua; privatsa, dansla vie privée, conforté unctus ab initioà Spiritu Domini, par l'onctiondé l'Esprit de Dieu <1)Th. DERÉGNON, Etudesdethéologie ositive p surla SainteTrinité,t. III, p. 401 et sqq. (2) C. ç. p. 405. Les Pèreslatins disent plus généralementque c'est la divinité du Christ qui a oint sa nature humaineet la nôtre, laquelleest comme son corps et sonvêtement. C'est ce point de vue qui a été adopté par la spéculationthéo- logique. Cf. THOMASSIN, Dogmata theologica, édit. Ecalle,t. III, p. 733 sqq.
  • 21. 84 et certans quadragintadierumjejunio et un combatde quarante jours in deserto,et tentatus ibidema Satana, dans1ejeûne'et la tentation, egressuses in prsdicationem... du désert voussortez pour prêcher... Qu'on nous permette d'abréger ce récit, pourtant si ému du ministère public, pour en voir la consommation dans la strophe suivante ": Oikose. 5e Strophe. Videns,Jesu, dilectumtuum amicum A la vue de votre ami Lazare, Lazarumq'uatriduanum sepulchro, depuisquatre jours au tombeau, in indoluisticordetuo divino, votre divinCoeurs'est serré, et lacrimatuses, et vos yeux, Jésus, ont pleuré, ità ut dicerentJudaù : au point que les Juifs se disaient: « Videquomododilexit eum »; « Voyezcommeil l'aimait ! » Suscitansautçm eumex mortuis, Puis, vous l'avez ressuscité, mutasti planctumMaria; changeanten joie les pleurs et Marthaein gaudium. de Marieet de Marthe. Verumsub forma Lazarila.crimatu es Maissous ce symbolede Lazare, super universo dilecto tibi génère Vouspleuriezsur le genrehumain, [humano, tnortuo tibi per peccatum. mort à sonDieu par le péché. « Videtequomododilexitnos! » « Voyezcommeil nous a aimés ! » Et grato ànimoconcinimus ; Oui, chantonsnotre gratitude : AveCor Jesu, infinitéamans, Salut, Coeur Jésus, infinimentaimant' de et infinitéamandum! aimableinfiniment! AveCorJesu, demortenostra profunde Salut, Coeurde Jésus, pleurant sur notre contristatum! mort! AveCor Jesu. mortisaculeumin nos Salut, Coeur Jésus, brisant par votre de amour virtute amoristui obtundens!... l'aiguillonde la mort pointé surnous !..'. * * * Nous arrivons ainsi, — Jésus porté par un continuel élan d'amour, et nous entraînés à sa suite dans un rythme tout semblable, par le mouvement de la reconnaissance, — nous arrivons a l'Eucharistie et à la Passion, à ce que nous appel- lerions les « Mystères douloureux du Coeur de Jésus ». Koniakionz. 6e Jnvitatoiie.. Antequampatereris, Avant de souffrir,votre Coeur desiderioCordistui desiderasti désirait d'un très grand désir manducarenobiscum mangerune dern'èrefois ultimumPaschalégale, avecnousla Pâque des Juifs; ut nosmelioriPaschate maisc'était pour nous inviter dignarerisin régnoPatris tui, au festindu royaumecéleste. inenarrabiliamori Gordistui A cet excèsd'amour, canentesAlléluia. nousvenonsdire : Alléluia. Oikosz. '6e Strophe. Discedens Patrem tuum caelestem, Retournant au Père céleste, ad non es passusseparari a nobis, maisne voulant pas nous quitter, sed reliquistinobis teipsum vous nous avez laissé, sub speciebus panis et vini, souslessaintes espèces, sacrificium juge, et manna caeleste, un sacrificeet une manne, in viaticumversusterram pour soutenirnos pas promissionis upernam. s versla Terre promiseau ciel. Nobiscumergo conversans, Restant doncavec nous, O Pastor bone.nutris nos ô bon Pasteur, vousnousdonnez ' immaculatatua carne, à mangervotre chair si pure, et potas pretiosotuo sanguine; et à boirevotre précieuxsang. çommiscese nobisin unum, t Vous vous mêlezà nous, tanquam commiscenturpartes ceroe commefont deux cires au feu. ; [liquefacta rex autem gloriae existens, Pourtant c'est bienle Roi de gloire
  • 22. — 85.—' intras comitatusaula tua coelesti. escorté de la cour céleste, sub nostra quamvispaupera tecta, qui entré sous notre pauvre toit, et consolaris confirmasnos et et nousconsoleet nous conforte in supremoagonenostro. dans le dernier combat. Quare stupentes extrerham C'est pourquoiétonnés Cordistui condesccndentiàm de cette extrêmecondescendance erga nos, canimusita : de votre Coeur,nous vous chantons: Ave Cor Jesu, in sancta Missa Salut, Coeurde Jésus',victime jugiter pro nobis seseimmolans! pour nous à la Sainte Messe! AveCor Jesu, in sancta communione Salut, Coeurde Jésus, qui vous donnez in vitam seternamseipsonos alens! en aliment pour la vie éternelle! AveCorJesu, in sanctissimis mysteriis Salut, Coeurde Jésus, qui dans cessaints mystères usque ad consummationem sasculï obis- restez ici jusqu'à la fin des siècles! n [cum manens! Avedulcissimum Jesu Cor Salut, très doux Coeurde Jésus, inflammatumamore tout enflamméd'amour erga filioshominum! pour les enfants des hommes! Dans cette strophe eucharistique au divin Coeur, les mots soulignés nous rappellent maint passage des Docteurs de l'Eglise. Ecoutons, par exemple, saint Cyrille d'Alexandrie : « Si vous faites fondre ensemble deux morceaux de cire, il ne font bientôt plus qu'un ; ainsi, par la communion au corps du Christ et à son précieux sang, il s'écoule en nous, et nous en lui » (1). Dans l'invitatoire suivant, il y a un mot pour le Coeur eucharistique de Jésus ; mais combien discret, en regard de certains livres modernes ! - Oikosh. 7e Invitatoire. Habenfes te, Salvator,panemangelorum Puisque nous vous avons, Seigneur omnedelectamentum se habentem, ô pain des Anges, ô mets délicieux, in ne convertamurcordibus nostris ne laissezpaz nos coeurscourir in /Egyptumcarnalittmcupiditatum, après les délicesde l'Egypte ; Sed sentiamusdulcedinem ejus, mais qu'ils goûtent ce pain, et dulcedinem ineffabilem Cordistui, qu'ils goûtent les charmesde votre Coeur canentesei Alléluia. et qu'ils lui chantent : Alléluia. Si nous avions le loisir de donner les strophes sur la Passion, on verrait comment les Orientaux mettent l'accent sur la trahison de Judas et sur l'agonie du Sauveur, eux qui, dans leurs liturgies, ont la journée du Mercredi-Saint consacrée tout entière à ces deux prodromes de la Passion. On remarquerait comment l'analogie de l'onction d'huile trouve ici une nouvelle appli- cation : « Le Christ subit la sueur de sang pour nous oindre de l'huile de sa grâce et faire de nous des lutteurs pleins de vigueur. » On remarquerait enfin, — et c'est là encore un héritage des anciens jours, — le caractère de lutte victorieuse que notre hymne slave affecte de donner à l'agonie du Sauveur, caractère qui s'affirme encore au début de la strophe suivante :, «Coelum et terra obstupuerunt de abysso amoris tui erga nos, TiliDei /««Votre mort, Seigneur est un abîme d'amour. Le ciel et la terre en sont dans l'étonnement. » Nous le disons bien, nous aussi, à la lumière de la foi chrétienne ou simplement des faits évangéliques. Il faut avouer cependant que notre piété préfère voir dans le Crucifix les souffrances et l'amour. (1)CYRILL.ALEX. Joannis Evangelium,ib. X, 2 ; Patr. gr. t. LXXIV,col 343. In l
  • 23. — 86 — A la grande époque patristique, qui était en même temps, celle du triomphe de l'Eglise sur le monde paieri, c'était presque le contraire Sans doute, les souffrances du Christ n'ont pas été oubliées, mais elles n'ont pas été mises en puissant relief par les Docteurs; bien au contraire, la Passion et la Mort sur la Croix ont été données comme des symboles de la puissance divine par saint Jean Chysostome et le mélode Romanos. Mais, durant ces mêmes siècles, une série de compositions pieuses anticipaient déjà surladévotion des âges postérieurs : les Evangiles apocryphes,, encouragés par la prophétie de Siméon : « Tuam ipsius animant pertransibit gladius», se sont plu à décrire les douleurs de Marie Puis, ce sont les mélôdes byzantins, et particulièrement Georges de Nicomédie, qui ont familiarisé par leurs compositions litur- giques, les fidèles de leur Eglise avec le réalisme de la vie de Jésus, avec le pathétique de sa Passion. Aussi bien, à partir du XIe siècle, c'est avant tout, l'amour et la douleur qu'ils aiment à montrer dans les scènes de l'Evan- gile, surtout dans celles du Calvaire, à tel point qu'en 1094,1e pape Léon IX en fait un reproche à l'Eglise grecque. Mais atten- dons le xme siècle et saint François d'Assise, et nous verrons toute cette sentimentalité, cette piété tendre qu'on voudrait nous donner comme moderne, couler dans les effusions de saint Bonaventure et de ses continuateurs. C'est la première floraison, et non la moins expressive, de la dévotion au coeur ouvert de Notre-Seigneùr (l). Et maintenant, phénomène inverse : ce sont les Latins, qui dans le Sacré-Coeur comme dans la Passion, n'ont retenu que les signes de la souffrance et de la résignation, tandis que les Orthodoxes et les Catholiques orientaux leur ont conservé .quelque chose de leur caractère primitif : pour eux, le Crucifix a gardé un peu de cette majesté triomphale qui inspirait de si beaux accents à un Chrysostome, la Piéta présente encore aux adorations des fidèles le Roi deîgloire immolé. C'est dans ces sentiments qu'il faut lire les strophes suivantes, où le réalisme des descriptions ne voile jamais les splendeurs du mystère du Christ. S' Invitatoirt Lés soufflets,les crachats, les humilia- pournousdélivrerdestourmentséternels,. [tions, es terriblescoups de fouet, et nous comblerd'honneurs, . et là couronne d'épines, et de couronnesau ciel. vous aveztout porté, 6 SeigneurDieu, Chantons l'incomparableamour de votre Coeur: Alléluia. Voici une dernière citation empruntée aux mystères doulou- reux qui nous indique l'a rnanière la plus féconde de retrouver dans la tradition des anticipations de notre dévotion. (1) Cf. MILLET, sur Recherches l'iconographiee l'Evangileaux XIV, XVe et d XVI* siècles,p. 396, 488, etc.
  • 24. Oikosi. . 9» Strophe. ... Carneautem soporatusin cruce, ... Endormisur la Croix, ex lateresimul et Cordetuo vuliierato, de votreCôté,de votreCoeurblessé, emisistisanguiriem aquam, et vousavez laissés'épancher ex quibus Pater tuus coelestis le sang et l'eau dont votre Père sedificavitibi nos sponsarri ccleslam a fait l'Eglisevotre épouse, t E [sanctam, quam amore Cordis tui inseparabili que vous aimez d'amour inséparable. dilexistl! Nous ne voulons pas-abuser plus longtemps de la patience du lec- teur. Omettant donc les dernières strophes sur les mystères glori- rieux, nous terminerons par urte dernière considération sur l'ensemble de cette pièce liturgique. N'y a-t-il pas là une façon large et pleine de concevoir la dévotion au Sacré-Coeur comme le résumé de tous les mystères du Christ, de toutes ses bontés, de toutes ses souffrances et de toutes ses gloires? Nous avons dit précédemment que les Grecs, considérant avant tout en Notre-Seigneur la personne concrète sont portés par là même à honorer le Coeur de Jésus dans l'ensemble du mystère de l'Incarnation, comme l'une de ses innombrables conséquences, selon l'expression de pom Guéranger. Il y aurait peut-être là, pour nos dévotions en général, un enseignement opportun, ensei- gnement autorisé, puisque par-delà l'Eglise orientale, il nous vient de l'Eglise catholique et de toute l'ancienne liturgie. Il y aurait certainement un profit a en tirer pour notre culte duSacré- Coeur ; car les fidèles se plairaient à repasser, au cours de l'année liturgique, lé cycle de là vie du Seigneur, avec rappel du Coeur Sacre qui par l'amour, leur donnerait la clef de tout ce mystère. Bien des âmes, revenues quelquefois de très loin à la religion, ne pourront aller au Sacré-Coeur que par cette voie ; mais bien dès âmes pieuses gagneraient à élargir ainsi leur dévotion préférée et à se rappeler que le culte du Sacré-Coeur, selon lé mot du vénéré Cardinal-archevêque de Paris, «est le résumé et comme l'essence même du christianisme. ?» DOM P. S. O.S.B:
  • 25. 88 — L'Intronisation du Sacré-Coeur dans les familles chrétiennes L'oeuvre de VIntronisation est un instrument très efficace de la Royauté sociale dû Sacré-Coeur. Donner la famille au Sacré-Coeur, faire entrer le Sacré-Coeur au foyer, n'est-ce pas Le faire régner sur la Société dont la famille est la cellule vivante ? La Revue Universelle du Sacré-Coeur est très heureuse de présenter à ses lecteurs l'oeuvre de l'Intronisation. Or, les amis de cette oeuvre savent déjà que nul n'en peut mieux parler que le R. P. Eusèbe, des SS. C.C. de Picpus. Le temps n'est plus où l'oeuvre de l'Intronisation se présentait aux amis du Sacré-Coeur comme une inconnue qui sollicite sa place à côté de tant d'autres, pour propager la belle dévotion à Jésus aimant et aimé. Bien que jeune encore, elle est aujour- d'hui universellement connue et estimée. Sans crainte de ren- contrer des contradicteurs, nous pouvons dire que les quatorze premières années de son existence ont été bien remplies. Cet article n'a d'autre prétention que celle de le montrer brièvement. SA NATURE. Si nous voulons dégager l'idée dominante de la croisade de l'intronisation du Sacré-Coeur dans les familles chrétiennes, nous devons examiner le but qu'elle se propose. Car c'est de là que part la première impulsion ; c'est vers là que retourne — chargé de fruits, nous l'espérons — le dernier effort. Or, ce but n'est autre que d'établir solidement l'empire d'amour de Notre-Seigneur dans la famille, fondement de la société, pour restaurer ainsi cette souveraineté dans l'ordre social. Nous n'avons pas besoin d'insister ici sur le bien-fondé de ' ce vaste programme, ni sur les fondements doctrinaux qui en sont la base en même temps que les principes. Que Jésus-Christ est le Roi des individus, des familles et de la Société;— que de cette royauté l'amour est le point de départ, le centre et le dévelop- — que cette royauté est aujourd'hui méconnue, sur- pement ; tout dans le domaine social, et qu'elle doit être restaurée ; ce sont là des vérités dogmatiques et historiques qui ne souffrent. pas de doute. ;
  • 26. -89 — Mais, pour apprécier la véritable portée de l'Intronisation et la différencier en même temps des oeuvres similaires, il est important de ne pas perdre de vue son but final et explicite : le règne Social du Sacré-Coeur. C'est pour y arriver qu'elle s'adresse à la famille. Car, d'une part, elle n'ignore pas que la famille est le fondement de la société; elle sait que si la dévotion au Roi d'amour est profondément ancrée dansle sanctuaire domestique,elle ne tardera pas à dépasser ce cadre et à faire sentir son influence salutaire dans la vie publique. D'autre part, elle veut que cet hommage royal, rendu au Sacré-Coeur dans la famille, en tant que cellule sociale, soit une réparation publique et solennelle de l'apostasie officielle qui désho- nore notre société. En insistant fortement sur ce caractère familial de l'acte d'in- tronisation, l'oeuvre ne fait qu'appliquer les principes de la socio- logie chrétienne. Elle affirme hautement le rôle providentiel de la famille dans l'économie divine et humaine ; elle, s'oppose radicalement aux théories subversives du libéralisme économique et du socialisme, qui sacrifient la famille à l'individu ou à la collectivité; elle se dresse également contre le libéralisme reli- gieux qui veut restreindre à la vie privée la profession d'une catholicité douteuse. Voilà donc le but et l'influence qu'il exerce sur la méthode préconisée. Cependant, pour assurer la vitalité d'une oeuvre, il faut davantage : il est nécessaire de concrétiser cette fin et cette méthode dans une cérémonie sensible et extérieure. La nature composée de l'homme réclame cet appui, et l'inconstance de son esprit le rend encore plus nécessaire. Cette cérémonie doit exprimef plus qu'une simple consécra- tion de la famille au Sacré-Coeur ; elle doit porter un caractère nettement royal, familial et réparateur: — royal, parce qu'il s'agit de reconnaître et de proclamer explicitement la royauté du Coeur de Jésus ;— familial, parce que cet hommage doit être rendu par la famille en tant que fondement de la Société ; — réparateur, parce que la cérémonie domestique doit être une protestation éloquente et indignée contre le. mépris social des droits souverains de Jésus- Christ. C'est de ce souci qu'est né le Cérémonial de VIntronisation, fixe et uniforme dès le début, et qui résume admirablement ces trois caractères. L'hommage royal a déterminé l'installation, à la place d'honneur du foyer, de l'image du Sacré-Coeur. Le cachet jamilial se retrouve à chaque phase des cérémonies et s'exprime clairement dans l'acte de consécration du foyer au Roi d'amour. Le caractère réparateur, enfin, a inspiré toutes les prières du cérémonial, comme il est facile de s'en convaincre à la lecture. Et parce que cet acte est destiné à unir les deux tabernacles, — celui du temple et celui du foyer — et qu'il doit être le point de
  • 27. — 90^ -.'.' départ d'une vie chrétienne plus intense, on a exigé l'a présence du prêtre pour présider la cérémonie et lui donner son cachet essentiellement religieux. On voit par là combien se trompent ceux qui rejettent l'intro- nisation comme une manifestation passagère d'une piété enthou- siaste, sinon exaltée. Rien n'est moins conforme à la vérité. Sans douté, ici comme partout, quelques-uns peuvent ne ps saisir ou ne pas faire ressortir la' portée profonde de cet hommage familial au Coeur de Jésus. Mais on aurait tort de condamner une oeuvre pour une application malheureuse qui en méconnaît la véritable nature. Il suffit d'ailleurs de lire, soit les conférences du R.P. Matéô,soit la brochure officielle de l'OEùvre(l) pour voir combien on a toujours insisté sur cette convïvance de la famille avec le Sacré-Coeur que doit inaugurer l'intronisation .et sans laquelle elle est essentiellement incomplète. Nous le verrons mieux encore, en parlant de l'organisation pratique. Cet exposé explique encore pourquoi cette oeuvre est désignée tantôt par le titre « Intronisation du Sacré-Coeur — qui indique directement l'acte initial et insinue le but ultérieur, — tantôt par celui de Règne Social du Sacré-Coeur, qui assigne explici- tement la fin proposée. LES ORIGINES. Par ce qui précède, il apparaît clairement que l'oeuvre de l'Intronisation plonge ses racines, indépendamment de toute révélation privée, dans la plus pure doctrine de l'Évangile. On serait étonné cependant dé ne pas en retrouver l'idée dans lés écrits de sainte Marguerite-Marie. Nous l'y trouvons, en effet, et dans la lettré doctrinale que Son Eminence le Cardinal Billot a consacrée à l'intronisation, l'illustre théologien a pu écrire : « Si le livre de l'avenir avait été présenté à la Bienheureuse, et dans ce livre, la page qui a pour titre Intronisation du Sacré- Coeur dans les foyers, elle eût reconnu l'extension du geste esquissé par ses petites novices, et vu le véritable accomplissement des augustes désirs dont elle avait été faite la confidente » (2) Toutefois, dans sa forme concrète et déterminée, dans sa modalité d'oeuvre distincte et méthodiquement organisée,f Intro- nisation" ne' daté que de l'année 1907. C'est alors, en effet, que le R. P. Matéo Crowièy-Boèyey, religieux péruvien de îai Congré- gation des Sacrés-Coeurs {dite de Picpus), après avoir obtenu sa guérison dans le sanctuaire de Paray-ié-Mpnial, conçut et éla- bora le plan méthodique dé cette oeuvre de régénération chré- tienne et sociale et se mit en demeure de l'exécuter. <1) S'adresserau Secrétariat internationalde la Rue de Picpus, 35. paris XII» ou à la Directiongénérale,16, rue Dàmien,Braihé^l&Cômte (Belgique). (2) Voir cette lettre dans'la brochureofficielle.
  • 28. — '91.— - DÉBUTS ET PREMIÈRE DIFFUSION. Le premier soin du R. P. Matéo fut d'aller à Rome pour sou- mettre son idée au Vicaire de Jésus-Christ. Bientôt, il eut le bonheur d'entendre, de la bouche de S. S. Pie X, ces paroles qui lui furent comme un ordre du ciel : « Non seulement j.e vous permets, mais je vous ordonne de donner votre vie pour cette oeuvre de salut social ». Les mêmes bénédictions et encouragements ne tardèrent pas à lui arriver de son Supérieur Général. Alors, le R. P. Matéq rentra à Valparaiso (Chili), où il entreprit aussitôt sa croisade d'amour. En juin 1908, Mgr l'Archevêque de Santiago approuvait la première brochure de propagande. Le premier Secrétariat fut établi à Valparaiso et se mît à l'oeuvre avec un zèle admi- rable. Le succès fut merveilleux et inattendu : d'insignes conver- . sions vinrent réjouir le coeur de l'apôtre et de ses collaborateurs : elles forment les premiers anneaux d'une chaîne de grâces qui depuis n'a jamais été interrompue. Du Chili, le feu passa bientôt dans toutes les Républiques de l'Amérique latine : au Pérou, à l'Equateur, dans l'Uruguay, l'Argentine, le Brésil, la Colombie, le Panama, la Bolivie. Témoin des merveilles de grâce qui l'accompagnèrent partout, l'Assemblée générale des Evêques du Chili adressa, le 23 mars 1913, une lettre collective au Saint-Père pour obtenir des indulgences qui furent accordées aux fidèles du Chili par un décret du 24 Juil- let 1913. Mais déjà, à cette époque, l'oeuvre était en voie de devenir mondiale. Le 10 mars 1911, S. S. Pie X lui avait accordé une nouvelle bénédiction ; les secrétariats s'étaient multipliés ; la brochure était traduite de l'espagnol en français, anglais, alle- mand, italien, portugais ; dans sa 3é édition, elle pouvait déjà mentionner l'approbation collective de Tëpîscopat chilien, celle du Cardinal-Archevêque de Rio-de-Janeiro, de neuf Evêques de la République argentine, de l'Archevêque de New-York et du Patriarche de Jérusalem. Car elle avait dépassé TAinérique latine depuis longtemps. Dans sa Revue El primer Viernes, le R. P. Matéo avait écrit : « En vue de l'évidente approbation du ciel... nous ayons résolu et décidé... de nous diviser le monde en confiant aux divers secré- tariats la conquête d'une nation déterminée ». Ce programme fut fidèlement exécuté. Dès 1910, un grand nombre de lettres partirent de Valparaiso pour L'Espagne, la France, la Belgique l'Italie et les Etats-Uniè. Aussi, après avoir parcouru et enflammé les Etats-Unis, Je Mexique, le Venezuela, cette «nouvelle Pentecôte » — comme la nomma dès 1908 Mgr Macliado, S. J., Evêque de Riobamba dans
  • 29. — 92 — s l'Equateur — pénétra presque en même temps en Espagne, en Belgique, en France, en Hollande, en Italie, en Angleterre, en Pologne, en Corée, au Caire, à Madagascar, au Gabon, au Congo, au Sénégal, en Océanie et jusque parmi les lépreux de Molokaï. EXTENSION RAPIDE. C'est surtout à partir de 1914 que l'Intronisation prit un grand essor en Europe. Au mois d'août de cette année, le R. P. Matéo débarqua en France. A première vue, la situation créée par la formidable guerre qui venait d'éclater ne semblait guère favorable à la propagation de sa crqisade. Mais, une fois de plus, le Sacré Coeur montra que cette oeuvre est sienne. A Paris, le R. P. Matéo trouva, à la maison-mère des religieuses de sa Congré- gation, un secrétariat tout prêt et qui depuis plusieurs mois fonc- tionnait en répandant des brochures imprimées en Belgique par les soins de la maison-mère des Pères-des Sacrés-Coeurs. Cependant Paris était trop exposé alors pour y exercer beau- coup d'apostolat. Le Père se rendit à Paray-le-Monial et c'est là qu'il commença ses prédications et présida les premières intro- nisations. Là encore, il rencontra un noyau d'apôtres qui s'em- pressèrent d'entrer dans ses vues. De Paray, le P. Matéo rayonna dans divers diocèses de France ; partout, NN. SS. les Evêques lui firent bon accueil ; partout aussi des secrétariats furent peu à peu organisés. Cependant, l'apôtre de l'intronisation avait hâte d'aller pré- senter ses hommages à l'auguste Pontife qui avait succédé à Pie X. On connaît l'accueil enthousiaste qu'il eut le bonheur de trouver auprès de S. S. Benoît XV et dont la lettre pontificale du 27 avril 1915 restera le mémorial inoubliable (1). Pat ce docu- ment, les indulgences accordées par Pie X aux fidèles du Chili, furent étendues à l'univers entier. Il faut lire cette lettre en entier pour en évaluer toute l'importance. Ne rappelons ici que ces simples mots : « Rien, en effet, n'a plus d'opportunité dans les temps présents que votre entreprise ». Le R. P. Matéo profita de ce premier séjour à Rome pour faire connaître l'OEuvre dans les assemblées de la Ligue des Femmes catholiques italiennes et dans les principales'communautés de la ville. Les premiers secrétariats furent alors organisés et la direction nationale fut confiée à l'inlassable dévouement du R. P. Anzuini, S. J. Une brochure fut éditée en italien et envoyée à tous les Evêques d'Italie, par le R. P. Matéo lui-même. Les réponses furent encourageantes et pleines de promesses. Cependant, à -côté des succès, les premières contradictions se firent jour. Une connaissance incomplète de la portée de l'Intro- nisation faisait accuser l'entreprise de nouveauté dangereuse ou (1) Voir cette lettre dans la brochureofficielle.
  • 30. — 93 — . suspecte. C'est la seule objection qui fut faite à l'Intronisation - jusqu'au mois de juin 1918. Son Eminence le Cardinal Billot voulut bien se charger de la réfutation : il le fit dans sa lettre magistrale du 26 avril 1915. Avec une nouvelle ardeur, puisée dans, les encouragements du S. Pontife, le R. P. Matéo se remit à la tâche. Il parcourut la France et l'Espagne, organisant partout les secrétariats et récoltant partout aussi les merveilles de grâce auxquelles le Sacré-Coeur l'avait habitué en Amérique. En 1916, il retourna à Rome, mais cette fois pour parcourir les principales villes d'Italie où il prêcha sa croisade et organisa les principaux centres de propagande. Il visita pendant cette même année la Hollande et la Suisse avec un succès non moins remarquable, et ne cessa plus depuis lors de se dépenser sans mesure pour la cause du Roi d'amour. Grâce aux centres natio- naux diocésains et locaux qu'il établit, par lui-même ou par ses coopérateurs, dans les pays parcourus, l'oeuvre s'y développa rapidement. Dès le mois de mai 1917, il est facile d'en suivre la marche progressive dans la Revue officielle de l'Intronisation, commencée à Fontarabie par les confrères du R. P. Matéo et transférée depuis à la Maison-Mère de sa Congrégation (1). C'est surtout dans les numéros de décembre 1918, 1919, 1920, qu'on trouvera un aperçu complet de l'extension qu'à prise, dans un si petit espace de temps, la croisade de l'Intronisation. Il n'est pas possible d'entrer ici dans les détails ; mais nous pouvons dire en toute vérité qu'à présent elle' est connue et pratiquée, non seulement en Europe et en Amérique, mais jusque dans les missions les plus éloignées des autres pays du monde. Le timide chant de triomphe, commencé à Valparaiso en 1907, est devenu aujourd'hui un Hosanna universel. Qu'on relise, dans la revue citée, les échos de la tournée du R. P. Matéo en Espagne (1919), en Belgique (1919, 1920), en Hollande et en Angleterre (1920). Comme il fallait s'y attendre, l'Intronisation dans les familles a eu sa répercussion dans la vie publique ; de là la magnifique efflorescence sociale de cette dévotion. La cérémonie a été faite chez des Rois et des Princes, comme en Espagne, au Luxembourg, en Autriche. Elle a été réalisée avec éclat dans les palais légis- latifs et dans des populations entières,foyer par foyer, pour abou- tir tout naturellement à l'Intronisation officielle et publique dans ces villes, sous la présidence des autorités civiles et reli- gieuses, comme au Canada, aux Antilles, en Espagne, en Belgique. Elle a amené, dans beaucoup de localités, l'inauguration solen- nelle d'une statue du Roi d'amour sur la place publique, comme en Espagne encore, au Canada, au Mexique, en Belgique et en Hollande. Enfin, l'intronisation a été célébrée avec pompe dans (1) LeRègneSocialdu SacréCoeur eJésus danslesfamilleschrétiennes. d Bulletin mensuel.(3 fr. 50 ou 5 francspar an pour la France).
  • 31. — 94 — la nation colombienne, où les Chambres ratifièrent par une loi l'hommage national au Coeur de Jésus-Roi ; dans la nation espagnole, par sa majesté Alphonse XIII, entouré de tous ses ministres et de toutes les autorités. Aussi, le R. P. Matéo a-t-il pu écrire avec raison: « Il semble bien évident que la volonté manifeste du Coeur de Jésus, de régner sur toutes les âmes et toutes les sociétés comme le centre de ieur vie divine, se réalise de plus en plus. De même que toutes les grâces rayonnent de ce soleil, ainsi toutes les activités intimes ou sociales, convergent vers ce Coeur adorable » (1). Pour être complets, nous devrions dire ici un mot des oeuvres secondaires qui se sont groupées peu à peu autour de l'entreprise principale et qui visent surtout le fondement surnaturel de l'apos- tolat, puisqu'elles tendent à assurer aux apôtres du Sacré- Coeur un fonds inépuisable de prières et de sacrifices, de commu- nions surtout, pour obtenir le succès dans leur activité extérieure. Contentons-nous de les énumérer brièvement ; ce sont : la ligue de la Communion perpétuelle, dont les membres s'engagent à communier une fois par semaine ou par mois pour llextension du Règne social du Sacré-Coeur ; — la ligue des Benjamins et des Tharsicius du Sacré-Coeur, qui groupe les enfants, petits et grands des deux sexes, pour seconder l'apostolat de l'intro- nisation ; — la ligue des Ames victimes, qui s'immolent en silence pour hâter le règne social du Roi d'amour. Nous pourrions y ajouter la ligue de la Modestie chrétienne, fondée par le R. P. Matéo à Barcelone, et que le Souverain Pontife vient d'honorer d'une très belle lettre. ' SON ORGANISATION. 11reste encore à exposer en quelques lignes l'organisation de l'OEuvre de l'Intronisation. ,Elle se diversifie d'après les deux parties du programme. Il y a d'abord l'acte de l'intronisation au foyer, cérémonie initiale qui doit être le point de départ d'une vie nouvelle. Cette base de l'édifice à construire a trouvé dès le début une organi- sation fixe et stable dans l'échelonnement hiérarchique des secrétariats locaux, régionaux, diocésains, nationaux et internatio- naux. Au-dessus de tous ces centres et en contact intime avec eux, la Direction générale, établie à la Maison-Mère de la Congréga- tion des Sacrés-Coeurs, sous la direction du R. P. Matéo(2), s'efforce de maintenir l'unité de fond et de forme dans la propagande, et le véritable esprit de l'intronisation. On conçoit aisément la nécessité de cet organisme d'unification, pour une oeuvre aussi répandue dans l'univers entier que l'Intronisation. C'est à cet effet que la Direction générale a pris l'initiative de la Revue: offi- .(1) Circulaire ourla Fêtedu Sacré-Coeur 921. p 1 (2) 16, rue Damien.Brainc-le-ComteBelgique). (
  • 32. — 95 — ' ' .- . . cielle de l'oeuvre, qui contient chaque mois un article spécial pour les secrétariats. C'est encore pour cela que chaque année, à l'ap- proche de la Fête du Sacré-Coeur, le R. P. Matéo envoie aux secré- tariats du monde entier une circulaire pour stimuler leur zèle et Orienter leur activité apostolique. Pour plus de détails sur l'orga- nisation des secrétariats, nous renvoyons à la brochure spéciale du R. P. Matéo sur ce sujet. La seconde partie du programme, et sans doute son élément principal, c'est-à-dire le Règne effectif du Sacré Coeur dans la famille et dans la Société, se réalise méthodiquement par divers moyens. Il y a d'abord la visite régulière des familles qui ont fait l'intro- nisation. Ce travail, pénible mais combien méritoire et fécond ! incombe aux membres du secrétariat local. Il est complété par la distribution, à l'occasion de cette visite, d'un petit message mensuel qui chaque mois indique aux familles, une façon pratique d'être fidèles à leurs engagements, dans l'esprit de l'intro- nisation. Mais enfin et surtout, cet entretien constant des familles s'ob- tient par l'érection canonique, dans les paroisses, de l'Associa- tion pieuse du Règne social du Sacré-Coeur dans les familles chré- tiennes. ' Cette Association, déjà répandue et florissante dans beaucoup de pays, a pour but, comme nous le disent les Statuts; de faire mieux connaître Jésus Christ et de restaurer ses droits sur la famille et la Société. A cet effet, elle groupe, à l'église paroissiale ou dans une chapelle religieuse, les familles qui ont défà fait l'Introni- sation chez elles. Là, sous la bénédiction féconde de l'Eglise que lui assure son érection canonique, l'Association travaille à déve- lopper dans ses membres les fruits de l'intronisation. Par des réunions fréquentes à l'église, par des exhortations et des encou- ragements répétés, par la célébration des fêtes de l'Eglise, surtout de celle du Sacré Coeur^ et par la fête annuelle de l'intronisation, elle assure aux familles associées le secours surnaturel et les grâces nécessaires pour établir d'une manière stable le règne du Sacré Coeur. Qu'on lise dans les Statuts les articles qui traitent des obli- gations communes et des pratiques conseillées, et l'on verra quels sont les principaux moyens dont elle dispose. Le 12 mai 1917, S. S. Benoît XV bénissait cette institution dans un autographe précieux adressé au R. P. Matéo, et le 16 avril 1920, le même Pontife l'enrichissait de.nombreuses indul- gences, à"la demande du T. R. P. Sup. Général de la Congrégation des Sacrés-Coeurs. CONCLUSION. Nous sommes loin d'avoir tout dit sur le sujet si vaste de
  • 33. '—96- l'intronisation. Il y aurait un chapitre intéressant à écrire sur les résultats surnaturels que l'on constate partout où l'oeuvre est bien comprise et sérieusement appliquée. La bibliographie sur l'oeuvre, dans toutes les langues deyl'Eùrope et dans beaucoup de dialectes des divers continents, fournirait un autre sujet plein d'intérêt. Nous le traiterons un jour... Par ce qui pfécède, nous croyons avoir suffisamment montré la portée profonde de cette oeuvre de salut social, et la vitalité merveilleuse qu'elle manifeste sous la bénédiction du Roi d'amour qu'elle fait connaître, aimer et régner. Nous sommes assurés que tous nos lecteurs voudront se joindre à nous dans cette croisade mondiale, et unir leurs efforts généreux à ceux des apôtres innombrables de tous les rangs sociaux, du clergé régulier et séculier, qui s'y dévouent au cri de : Vive le Coeur de Jésus ! Que son Règne arrive ! P. EUSÈBE,SS. CC. (Picpus). Directeur du Règne Social.
  • 34. r- 97 — LA BASILIQUE DU SACRÉ-COEUR à Jérusalem Voeu des Nations Au lendemain de l'entrée victorieuse des Alliés à Jérusalem,, en décembre 1917, un document émané de Rome remarquait : « Les nouveaux libérateurs du Saint-Sépulcre ne portent point tous dans le coeur, comme les Croisés de Godefroy, la sainte unité de la foi voulue par le Christ, mais tous montrent sur le front le nom chrétien, et plus les siècles s'éloignent du point où fut brisée l'admirable unité de l'Eglise, plus aussi s'avive au fond des consciences de tous, l'aspiration vers l'unité catho- lique universelle. » Certes, ce disant, Rome traçait bien la voie que la Provi- dence ne peut manquer de faire prendre aux événements qui ont jalonné le temps de guerre et à ceux qui, depuis, se succèdent. Mais il est loisible à l'homme, et il n'y manque pas, de s'efforcer d'imprimer à ces mêmes événements, dont il se croit le maître, telle autre direction que propose son orgueil ou le souci de ' certains intérêts auxquels il attache un prix particulier. Ainsi la politique humaine est-elle intervenue pour réduire la portée de la prise de Jérusalem et enfermer, pour ainsi dire, ce grand événement dans un cadre plus restreint, fait à la mesure d'égoïstes calculs. ' ; Les Lieux Saints n'ont pas été rendus aux Chrétiens. Jéru- salem est.devenue le point d'appui d'opérations d'ordre politique oui;économique. Les espérances de Décembre 1917 seront-elles donc sans lendemain? Poursuivant son oeuvre au sein même des contestations et intrigues, des hommes, par-dessus elles toutes, la Providence a paré au péril. Elle avait suscité à temps les pensées et les énergies propres à seconder ses propres desseins, et voici que la réalisation de ceux-ci est commencée, la France étant, selon sa tradition privilégiée, au tout premier rang des ouvriers. Le plan de guerre qui amena les armes alliées à cerner victo- rieusement, le 8 décembre 1917, là ville de Jérusalem, avait été mis à l'étude à Londres, en 1915, quand certains succès turcs sur le Canal de Suez donnèrent de grandes inquiétudes à lAngleterre. C'est à cette même époque qu'au sein de l'Archiconfrérie de Gethsémani, établie à Toulouse, la pensée se formulait de.pro- mouvoir un mouvement universel pour l'érection, à Jérusalem, d'une Basilique au Sacré-Coeur de Jésus. Monseigneur Germain, le vénéri.^archevêque de Toulouse, prit avec autant de zèle que de^tfëtéjjjt affection de ce mouve- ment. Dès le 22 février îgi^Sv^toriHatlh^'impression d'une