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L’®economie sociale et solidaire ou la modernit®e de la
tradition en Kabylie
CÂŽecile Perret, Mohamed Achir
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C®ecile Perret, Mohamed Achir. L’®economie sociale et solidaire ou la modernit®e de la tradition
en Kabylie. 2014. <hal-00995426>
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publics ou privÂŽes.
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
1
L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie
CĂ©cile PERRET
Maßtre de conférences
IUT de Chambéry, Technolac, 73370 Le Bourget du Lac
Cecile.perret@univ-savoie.fr
Mohamed ACHIR
Maßtre assistant, Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou
INTRODUCTION
Qu’entend-on par le terme Ă©conomie sociale et solidaire (ESS) ? L’ESS n’est ni une Ă©conomie caritative
qui prĂ©sente le risque de substituer la sollicitude et la bienveillance au droit, ni une Ă©conomie d’insertion
pensĂ©e uniquement comme un secteur de transition, un sas vers l’économie de marchĂ© (Eme et Laville,
2004, 21). Les grands principes sur lesquels fonctionnent les entreprises de l’ESS sont la « lucrativitĂ© »
limitée (répartition équitable des bénéfices, encadrement des salaires
), une gouvernance démocratique,
une finalitĂ© d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou collectif, un ancrage territorial et une mobilisation citoyenne.1 Les
entreprises dites solidaires, dont une partie des ressources provient de l’épargne solidaire, produisent des
biens ou des services qui ont une forte utilité sociale et/ou environnementale et elles participent à la
rĂ©solution de problĂ©matiques d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral (dĂ©veloppement de l’agriculture biologique, dĂ©veloppement
des Ă©nergies renouvelables, rĂ©sorption de l’habitat prĂ©caire
). Au cƓur de l’ESS l’on trouve finalement les
notions de solidarité, de lien social, de citoyenneté, de démocratie, de responsabilité, de transformation des
formes institutionnelles et/ou organisationnelles, d’innovations sociales et de territoire.
Les échanges entre les personnes sont régis par trois modes distincts : le marché, la redistribution et la
rĂ©ciprocitĂ© qui agit pour entretenir la relation (LavouĂ©, JĂ©zequel et Janvier, 2010, 34). L’ESS propose en
réalité une recomposition de ces liens qui ont évolué au fil des siÚcles et sont spécifiques à une culture et
un territoire, inventant de nouvelles formes d’organisation. Les types de liens (liens horizontaux entre
individus de statut identique ou liens verticaux intergroupes) et la nature des solidaritĂ©s mises en Ɠuvre
doivent donc ĂȘtre examinĂ©s (associationnisme solidaire, solidaritĂ© organisĂ©e autour de la redistribution,
solidarité institutionnelle, solidarités de proximité, solidarité formelle ou informelle, solidarité
intergénérationnelle
).
S’il est notable que l’économie sociale et solidaire connaĂźt un regain d’intĂ©rĂȘt dans les pĂ©riodes de crise
financiĂšre, mais Ă©galement de crise morale accompagnĂ©e d’une perte de confiance dans les institutions
comme c’est le cas en AlgĂ©rie (Perret et Abrika, 2013-a), il n’en reste pas moins que les pratiques solidaires
sont vieilles comme le monde et qu’elles ont permis de financer les activitĂ©s Ă©conomiques des personnes
exclues du systĂšme bancaire dans de nombreux pays (tontines en Afrique sub-saharienne par exemple) ou
Ɠuvrer pour le bien collectif (tiwiza en AlgĂ©rie
).
En novembre 2013, le Collectif algĂ©rien pour le dĂ©veloppement de l’économie sociale et solidaire
(CADESS) a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en Kabylie.2 Le choix de la Wilaya de Tizi-Ouzou n’est sans doute pas un hasard car
la tiwiza, pratique solidaire ancestrale qui contribue au renforcement des liens sociaux et Ă  la lutte contre
l’exclusion et la pauvretĂ©, y a toujours cours. D’ailleurs, Hanoteau et Letourneux le soulignaient dĂ©jĂ  en
1893, toute la sociĂ©tĂ© kabyle est effectivement imprĂ©gnĂ©e de « l’esprit d’association et de solidaritĂ© » et «
partout, on retrouve, Ă  ses divers degrĂ©s, l’association solidaire, aussi bien dans les moindres intĂ©rĂȘts de la
vie privĂ©e que dans les relations de la famille, du village et de la tribu ». C’est pourquoi, nous concentrons
dans cette recherche sur les Monts de Kabylie dans la région du Djurdjura que les Romains appelaient
Mons Ferratus et ses habitants Quinque Gentii, ce qui signifie les cinq nations ou les cinq tribus, et sur
laquelle Hanoteau et Letourneux prĂ©cisaient Ă©galement que « l'organisation politique et administrative [
]
est l’une des plus dĂ©mocratiques et, en mĂȘme temps, [l’une] des plus simples qui se puissent imaginer ».
Dans la premiĂšre partie de ce travail, nous prĂ©cisons ce que recouvre l’ESS au travers de l’étude des
diffĂ©rentes catĂ©gories de liens sociaux et des types de solidaritĂ©s mises en Ɠuvre (LavouĂ©, JĂ©zequel et
1
http://www.finansol.org
2
T.Ch. « Il a Ă©tĂ© crĂ©Ă© hier lors d’une journĂ©e organisĂ©e Ă  l’APW. Le Collectif algĂ©rien pour le dĂ©veloppement de l’économie
sociale et solidaire est nĂ© », La DĂ©pĂȘche de Kabylie, 28 novembre 2013.
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
2
Janvier, 2010, Eme et Laville, 2004
). Nous analysons également le passage de la solidarité
institutionnelle Ă  des solidaritĂ©s de proximitĂ© complĂ©mentaires. Enfin, nous positionnons l’ESS entre
rĂ©ciprocitĂ© et proximitĂ© et Ă©tudions ses diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s (finance solidaire, rĂ©seaux d’échanges non
monétaires, commerce équitable). Dans la seconde partie de cette recherche, nous nous attachons à
montrer en quoi l’ESS, qui a le vent en poupe en Kabylie, ne fait que rĂ©activer des pratiques ancestrales
qui ont toujours cours dans les villages kabyles, villages encore souvent organisés grùce aux comités de
village, émanations de la sorte de « république villageoise » décrite par Camps (2007, 297), Lacoste-
Dujardin (2001 et 2002) ou Perret et Abrika (2013-b).
1. LE CONCEPT D’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE
1.1. Liens sociaux et solidarités
La nature des liens entre les agents Ă©conomiques a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©e par la typologie aujourd’hui bien connue
proposée par la Banque mondiale (2000). Elle distingue le lien qui unit (bonding), le lien qui lie (linking) et le
lien qui relie (bridging). Les liens de type bonding unissent des individus de statut identique (liens
horizontaux) au sein d'une mĂȘme communautĂ©. S’ils caractĂ©risent des relations de type communautaire,
c'est-Ă -dire de personnes adhĂ©rant Ă  un mĂȘme systĂšme de reprĂ©sentation, ils tendent vers une « fermeture
relationnelle » (Coleman, 1988), voire peuvent dĂ©boucher sur de la discrimination. Ils peuvent ĂȘtre ceux
existant au sein d’une famille, d’un village, d’une tribu, d’une ethnie etc. Les liens de type linking
caractérisent des interactions entre des agents aux statuts différents. Ces liens sont dits verticaux. Ces liens
intergroupes nĂ©cessitent d’ĂȘtre rĂ©affirmĂ©s et se caractĂ©risent par des transactions de rĂ©ciprocitĂ© qui
obligent à la poursuite des échanges (Angeon, Caron et Lardon, 2006, 10). La fréquence des interactions
tend à déboucher sur la convergence des représentations. Enfin, les liens de type bridging lient des agents
distants, cette distance peut ĂȘtre gĂ©ographique (un membre du village qui a Ă©migrĂ©) ou le lien n’est pas
activé en permanence (Angeon, Caron et Lardon, 2006, 13). Pour la Banque Mondiale, le bridging social
capital entre membres de la mĂȘme communautĂ© ou avec les membres d’autres communautĂ©s peut Ă  la fois
permettre d’obtenir de meilleurs services de l’État, permettre une amĂ©lioration des infrastructures ou
l’accĂšs Ă  certains marchĂ©s ou au crĂ©dit. Selon Loudiyi, Angeon et Lardon (2004, 10), trois catĂ©gories
d’acteurs simplifiĂ©s existent : (i) la premiĂšre (G) est une simple formation d’individus ayant une action
collective intentionnelle ou non (par exemple les habitants d’un village rĂ©unis au sein d’une association),
(ii) la deuxiĂšme (GP) est un groupe dit productif, un collectif d’acteurs ayant un but commun finalisĂ© qui
se dotent de rĂšgles communes et (iii) le troisiĂšme (I) est reprĂ©sentĂ© par les acteurs institutionnels. À ces
trois types d’acteurs, les auteurs associent des qualitĂ©s reconnaissables, la forme prĂ©dominante de capital
social : au groupe G, elles associent la recherche du « vivre ensemble (Bonding), au groupe GP elles
associent la recherche du « produire ensemble » (Linking) et aux acteurs institutionnels I un rÎle
d’organisation et d’encadrement, « organiser ensemble » (Bridging). Le passage d’un type d’acteur Ă  un autre
correspond Ă  un changement de rĂŽle et la prĂ©sence d’un lien prĂ©dominant.
Les échanges entre les personnes sont régis par trois modes distincts : le marché, qui se veut agir sans
aucune rĂ©gulation (libertĂ© de l’offre et de la demande), la redistribution, qui oblige au lien Ă  un pouvoir
politique et la rĂ©ciprocitĂ© qui agit pour entretenir la relation (LavouĂ©, JĂ©zequel et Janvier, 2010, 34). L’ESS
propose en rĂ©alitĂ© une recomposition de ces liens au travers d’« une recomposition des rapports entre
l’économique et le social » (Eme et Laville, 2004, 21) et elle est en recherche d’un sens en mettant
l’économique au service de l’Homme. En France, l’évolution de ces trois liens a permis de passer, au fil
des siĂšcles, d’une solidaritĂ© corporative Ă  une solidaritĂ© organisĂ©e autour de la redistribution (cf. tableau 1
en annexes). Si la charité implique une dissymétrie des rapports entre le donateur et le donataire, la
solidaritĂ© peut ĂȘtre dĂ©finie comme un lien social qui unit des citoyens libres et Ă©gaux. L’émergence de la
solidaritĂ© n’implique cependant pas la disparition de la charitĂ©. La solidaritĂ© peut ĂȘtre soit horizontale, soit
verticale. La solidarité horizontale consiste en une auto-organisation des individus pour résoudre des
problĂšmes communs tandis que la solidaritĂ© verticale est constituĂ©e par l'action correctrice de l'État qui
permet de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s. L’État Providence confrontĂ© Ă  des contraintes financiĂšres engendrera au
fil du temps une privatisation de l’aide sociale comme complĂ©ment nĂ©cessaire de l’action publique.
Aujourd’hui, les excĂšs de l’individualisme et les crises nĂ©cessitent de repenser le lien social. C’est lĂ  tout
l’enjeu de l’ESS.
La solidaritĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle peut Ă©galement ĂȘtre un cadre pertinent pour mobiliser des acteurs autour
de projets collectifs susceptibles d’ĂȘtre pilotĂ©s avec des critĂšres d’efficacitĂ© sociale plutĂŽt que de rentabilitĂ©
financiĂšre. Il s’agit donc d’identifier des pratiques sociales organisĂ©es de maniĂšre Ă  crĂ©er un champ de
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
3
crĂ©dibilitĂ© permettant l’intervention de tiers en appui aux projets via, par exemple, la microfinance.
L’importance et les formes de la solidaritĂ© familiale intergĂ©nĂ©rationnelle dĂ©pendent Ă  la fois des normes
familiales et de la culture mais Ă©galement des traditions de politique sociale et de l’importance de la
protection sociale. La protection sociale est ici entendue comme l'ensemble des mécanismes de
prévoyance collective qui permettent aux individus de faire face financiÚrement aux conséquences des
risques sociaux (c'est-Ă -dire aux situations pouvant provoquer une baisse des ressources ou une hausse des
dĂ©penses) que sont la vieillesse, la maladie, l’invaliditĂ©, le chĂŽmage
 Deux types de solidaritĂ©
intergĂ©nĂ©rationnelle et de protection contre le risque peuvent ĂȘtre distinguĂ©es : une solidaritĂ© que l’on
pourrait qualifier de formelle qui passe par les institutions de protection sociale et une solidaritĂ© que l’on
pourrait qualifier d’informelle qui proviendrait d’usages, de traditions d’entraide ayant cours dans une
société. Si elles peuvent se compléter, solidarité collective et solidarité familiale ne sont pas régies par les
mĂȘmes rĂšgles : une Ă©thique de justice faite d’égalitĂ© de traitement prĂ©side Ă  l’exercice de la solidaritĂ©
collective tandis que les Ă©changes solidaires au sein des familles peuvent ĂȘtre entachĂ©s d’inĂ©galitĂ© dues Ă  un
Ă©cart entre les normes et les pratiques (ChauviĂšre et Messu, 2003, 327-328).
1.2. L'économie sociale et solidaire (ESS) : de la solidarité institutionnelle à des solidarités de
proximité complémentaires
Quelle réalité recouvre exactement le concept d'économie sociale et solidaire (ESS) ? Selon le MinistÚre de
l’économie et des finances français c’est « un ensemble d'entreprises organisĂ©es sous forme de
coopératives, mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activités sont
fondés sur un principe de solidarité et d'utilité sociale [
et qui] adoptent des modes de gestion
dĂ©mocratiques et participatifs »3, un ensemble d’entreprises capables de concilier l’activitĂ© Ă©conomique et
l’utilitĂ© sociale en donnant la primautĂ© aux personnes sur la recherche de profits. Il s’agit de considĂ©rer que
l’économie est au service de la personne et non l’inverse. L’éthique de l’économie sociale et solidaire est
traditionnellement définie par la finalité de service à la collectivité ou aux membres plutÎt que la finalité de
profit, l’autonomie de gestion, la gestion dĂ©mocratique et participative, la primautĂ© des personnes et du
travail sur le capital dans la répartition des revenus et un ancrage territorial et/ou sectoriel.4 Mais, au-delà
de cette image d’Épinal, il s’agit d’entreprises de proximitĂ© qui forment une vĂ©ritable « Ă©cologie sociale
ayant pour spĂ©cificitĂ© de fonder l‘activitĂ© Ă©conomique sur une prise en compte des interactions sociales et
environnementales » (Eme et Laville, 2004, 15). Les liens de ces entreprises avec leur environnement social
ou naturel local doivent donc ĂȘtre analysĂ©s afin de mettre en lumiĂšre leurs spĂ©cificitĂ©s, notamment le fait
qu’en pĂ©riode de crise et de dĂ©litement du lien social elles supplĂ©ent les organisations conventionnelles
pour satisfaire de nombreux besoins. Les initiatives locales analysables dans une perspective d'Ă©conomie
solidaire fondent leur « action économique sur la volonté de promouvoir des rapports sociaux de solidarité
à travers deux caractéristiques majeures : la construction conjointe des services et l'hybridation des
économies » (Eme et Laville, 2004, 14-15).
Quels sont les traits communs des pratiques des acteurs de l’ESS ? Selon Eme et Laville (2004, 20-21), ce
sont : la recherche de nouvelles régulations qui ont comme objectif de créer des formes de solidarité
concrĂštes, une rĂ©inscription de la solidaritĂ© au cƓur de l’économique, une rĂ©flexion sur la nature du lien
social et les finalitĂ©s de l’échange Ă©conomique, le choix de la combinaison marchand / non marchand et
une synergie entre Ă©conomies produisant des innovations organisationnelles. Finalement, les acteurs de
l’ESS recherchent une articulation socio-Ă©conomique spĂ©cifique. L’ESS a Ă©galement une dimension
politique car les acteurs refusent de subir la crise et l’insatisfaction de leurs besoins. C’est enfin un
nouveau modĂšle d’action collective. Pour autant, il ne s’agit pas de remplacer la solidaritĂ© institutionnelle
mais d’imaginer des solidaritĂ©s de proximitĂ© complĂ©mentaires qui permettent de compenser la faiblesse ou
la baisse des financements publics et d’amĂ©liorer la cohĂ©sion sociale, confortant le « mieux vivre
ensemble ». En France, la qualité « sociale et solidaire » est reconnue à une structure à partir du moment
oĂč elle a reçu l’agrĂ©ment5 dĂ©livrĂ© par l’UnitĂ© territoriale (UT) des Directions rĂ©gionales des entreprises, de
la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ou par la préfecture.
En France toujours, les Banques Alimentaires (BA), dont les produits sont des dons et qui sont gérées
majoritairement par des personnes bĂ©nĂ©voles, sont un bel exemple d’innovation organisationnelle. Les BA
accompagnent quotidiennement quelques 1117 centres communaux d'action sociale (CCAS) ainsi que des
3
http://www.economie.gouv.fr/cedef/economie-sociale-et-solidaire.
4
http://www.direccte.gouv.fr/obtenir-son-agrement-entreprise-sociale-et-solidaire-a
5
L’agrĂ©ment est accordĂ© pour 2 ans. À Ă©chĂ©ance, et si la structure dĂ©sire conserver cet agrĂ©ment, elle peut prĂ©senter une
nouvelle demande qui, si elle acceptĂ©e, sera cette fois d’une durĂ©e de 5 ans.
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
4
associations tout au long de l'année dans leur mission : aider les personnes démunies à se restaurer. Les
BA, grĂące aux collectes alimentaires qu’elles rĂ©alisent en partenariat avec un grand nombre d’associations,
« permettent d’aider 750 000 personnes qui vont recevoir en moyenne 10 kg de produits alimentaires par
mois et par personne tout au long de l’annĂ©e »6. Les BA dĂ©veloppent Ă©galement depuis quelques annĂ©es,
en collaboration avec leurs partenaires, des modes de distribution d’aide alimentaire innovants, comme les
Épiceries sociales7. Ces Ă©piceries sont souvent crĂ©Ă©es sous l’égide des CCAS (ou parrainĂ©es), les
municipalitĂ©s mettant des locaux Ă  leur disposition. Les bĂ©nĂ©ficiaires des Épiceries sociales, orientĂ©s par les
services sociaux de la municipalitĂ© ou d’un centre mĂ©dico-social, achĂštent leurs produits, qui sont en
grande partie fournis par les Banques Alimentaires, à 10% du prix des grandes surfaces. Au-delà de l’aide
purement alimentaire, les bĂ©nĂ©voles des Épiceries sociales crĂ©ent du lien avec les personnes accueillies
(Ă©coute, partage d’un cafĂ©, ateliers conseils en cuisine
). Pour devenir client des Épiceries sociales, il faut
constituer un dossier de demande d’aide alimentaire qui sera prĂ©sentĂ© Ă  une commission de pilotage8
comprenant principalement des travailleurs sociaux, des responsables d’Épiceries sociales, de la Caisse
d’allocations familiales (CAF), de la BA et du CCAS. Le critĂšre analysĂ© par la commission est le « restant
pour vivre » (c’est-Ă -dire ce qui reste pour vivre aprĂšs paiement du loyer, des factures d’électricitĂ©, de
tĂ©lĂ©phone
) et le nombre de personnes composant le mĂ©nage. Les Épiceries sociales voient aujourd’hui
venir des personnes touchées par les nouvelles formes de pauvreté que les services sociaux ont commencé
à découvrir dans les années 1980 : familles monoparentales, travailleurs pauvres, jeunes de moins de 30
ans.9
1.3. L’ESS entre rĂ©ciprocitĂ© et proximitĂ©
1.3.1. Le cas services de proximité
Le principe de rĂ©ciprocitĂ© nĂ©cessite que les personnes agissant dans l’économie sociale et solidaire soient Ă 
la fois volontairement impliquĂ©es et que « l’intercomprĂ©hension [soit] recherchĂ©e Ă  travers la rĂ©fĂ©rence Ă 
une Ă©galitĂ© de droit » (Eme et Laville, 2004, 15). L’idĂ©e sous-jacente Ă  celle de rĂ©ciprocitĂ© Ă©tant une co-
construction de l’offre et de la demande de services de proximitĂ© dans un climat de parole partagĂ©e et de
confiance interpersonnelle. C’est ce processus de co-construction qui peut aboutir à des innovations
socio-économiques qui permettent de « mieux vivre ensemble » sur un territoire. Il convient de
différencier les services de voisinage (faits de solidarités spontanées et simples relations de bon voisinage)
des services solidaires de proximitĂ©, mĂȘme si les services de proximitĂ© peuvent s’appuyer sur des
ressources familiales. Les acteurs de services solidaires décident volontairement de conduire une action
leur permettant de rĂ©soudre les problĂšmes rencontrĂ©s par chacun d’entre eux (Eme et Laville, 2004, 16).
Cette action de rĂ©ciprocitĂ© n’implique cependant pas d’agir dans le cadre d’une Ă©conomie non monĂ©taire.
Les services de proximitĂ© peuvent ĂȘtre dĂ©finis comme des services, qui, « Ă  partir d’une impulsion
rĂ©ciprocitaire » rĂ©alisent une co-construction de l’offre et de la demande et combinent Ă  la fois principe de
marchĂ© et principe de la redistribution (Eme et Laville, 2004, 17). L’enjeu est alors leur durabilitĂ©.
1.3.2. La finance solidaire
Face aux contraintes de financement de certains acteurs et dans le but de dĂ©mocratiser l’accĂšs au crĂ©dit,
des actions de mobilisation de l’épargne locale et solidaire s’organisent. L’objectif est Ă  la fois
d’accompagner la crĂ©ation d’entreprises, souvent celles qui ont objectif social ou Ă©cologique, et d’amĂ©liorer
leur taux de survie. L’épargne solidaire, apparue en France au dĂ©but des annĂ©es 80, satisfait Ă  la fois le
désir de solidarité des épargnants (qui donnent ainsi sens à leur épargne) et les besoins de financement
d’entreprises qui n’ont pas accĂšs au prĂȘt bancaire classique et, enfin, elle aide Ă  l’insertion de personnes en
difficulté. Des banques ou des établissements financiers solidaires permettent la mise en relation de ces
deux catĂ©gories d’acteurs. ConcrĂštement, l’épargne est collectĂ©e au profit de « financeurs solidaires » qui
6
http://www.banquealimentaire.org
7
Une Association nationale de développement des épiceries solidaires (ANDES), qui est association loi 1901 apolitique et
laĂŻque, a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en avril 2000. L’ANDES a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral en 2004. Cette reconnaissance ouvre le droit Ă 
réduction d'impÎts à hauteur de 60% du montant de l'aide, dans la limite de 5% du chiffre d'affaires, pour les entreprises
partenaires.
8
La commission de pilotage se rĂ©unit gĂ©nĂ©ralement chaque mois. Elle statue sur l’accord d‘une aide sous forme d’aliments,
et pour une durée déterminée, en général 3 à 6 mois éventuellement renouvelable aprÚs réexamen du dossier en fonction de
l’évolution de la situation du mĂ©nage.
9
« Le regard des usagers sur les épiceries solidaires: une évaluation sur trois sites », Rapport final, Réalisé par Gilles
Malandrin avec la collaboration de Cyrille Ferraton, mars 2004, 49 p.
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
5
peuvent ĂȘtre des associations, des institutions de micro-finance, des sociĂ©tĂ©s coopĂ©ratives ou des fonds de
capital-investissement10 qui agissent dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’environnement et de
la solidaritĂ© internationale. Les produits financiers proposĂ©s, aujourd’hui par la plupart des banques, sont
des produits traditionnels (livrets bancaires, livrets de développement durable, SICAV ou FCP,
assurances-vie
) auxquels s’ajoutent des mĂ©canismes de solidaritĂ© de formes variables. En France, les
« placements solidaires » bĂ©nĂ©ficient d’une fiscalitĂ© avantageuse. Lorsque l’épargne est investie directement
dans une entreprise solidaire, on parle d’épargne d’investissement solidaire. Quand l’épargnant cĂšde tout
ou partie de la rémunération de son épargne à un organisme menant des activités à forte utilité sociale
et/ou environnementale et habilitĂ© Ă  recevoir des dons (associations, fondations), on parle d’épargne de
partage. L’association Finansol, qui fĂ©dĂšre les financeurs solidaires, a labellisĂ© en 2010 quelque 120
produits d’épargne solidaire.
1.3.3. Les rĂ©seaux d’échanges non monĂ©taires : « pour changer, Ă©changeons »
Les rĂ©seaux d’échange rĂ©ciproques de services ou de savoirs, appelĂ©s systĂšmes d'Ă©change locaux en France
(SEL), ont un statut d’association. Ils ont Ă©tĂ© imaginĂ©s au Canada dans les annĂ©es 70 (Local Exchange
Trading System (LETS) en anglais) avant d’essaimer en Australie et en Angleterre puis de conquĂ©rir le
monde entier. L’idĂ©e des SEL est de mettre en relation des personnes qui manquent de moyens financiers
mais qui disposent de temps, de compĂ©tences inexploitĂ©es ou de produits qu’elles ne peuvent Ă©changer sur
le marché. Les membres échangent entre eux, sans avoir recours à la monnaie, grùce à une unité de
compte locale et compensable entre les membres du SEL. En France, les premiers SEL ont vu le jour en
1994 et on comptait plus de 470 SEL actifs en 2012 (voir le tableau 2 en annexes). Les motivations Ă  la
crĂ©ation d’un SEL sont diverses : favoriser la crĂ©ation de liens sociaux, Ă©changer sans monnaie, valoriser
des savoir-faire
 Pour qu’il fonctionne correctement, une masse critique d’adhĂ©rents est nĂ©cessaire, au
moins une vingtaine de personnes selon Selidaire11. En décembre 2013, nous avons contacté le secrétariat
de Selidaire, qui, s’il ne dispose pas de statistiques prĂ©cises, estime le nombre de SEL en France Ă  600
avec une moyenne d’une cinquantaine de membres par SEL.
1.3.4. Le commerce équitable : « Aidez-nous à vendre [nos produits] à un prix juste plutÎt que de
nous donner de l’argent »
D’aprĂšs Jean-Pierre Doussin (2012), le commerce Ă©quitable est sans doute nĂ© dans l’immĂ©diat aprĂšs-guerre
dans une optique de charité (on achetait alors divers petits objets en provenance des pays du Sud).
Rapidement, ce type de commerce s’est dĂ©veloppĂ© dans une dĂ©marche de renforcement des capacitĂ©s des
producteurs afin qu’ils deviennent les acteurs de leur propre dĂ©veloppement collectif. En 1948, la
DĂ©claration universelle des droits de l’homme prĂ©cise dans son article 23 que « Quiconque travaille a droit
Ă  une rĂ©munĂ©ration Ă©quitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme Ă  la
dignité humaine ». En 1964, une recommandation de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce
et le DĂ©veloppement (CNUCED) souligne que « le commerce [n’est pas] pas la charitĂ© ». « Aidez-nous Ă 
vendre notre cafĂ© Ă  un prix juste plutĂŽt que de nous donner de l’argent », lançaient dans les annĂ©es 80 les
membres d’une coopĂ©rative mexicaine de petits planteurs de cafĂ© (Union des coopĂ©ratives indigĂšnes de la
rĂ©gion de l’Isthme (UCIRI)) Ă  l’association nĂ©erlandaise de solidaritĂ© internationale Solidaridad qui les
aidait grĂące Ă  des dons financiers. Ce fut l’origine de la crĂ©ation du label Fairtrade/Max Havelaar12.
L’objectif affichĂ© du commerce Ă©quitable est un partenariat commercial fondĂ© sur le dialogue, la
transparence et le respect et dont l’objectif est une plus grande Ă©quitĂ© dans le commerce mondial
traditionnel. Il replace le petit producteur au centre et donne un sens à l’acte de consommation. Ce
commerce concerne aujourd’hui les produits alimentaires et artisanaux mais on peut imaginer qu’il
s’intĂ©resse un jour aux produits industriels. En France, le chiffre d’affaires total des produits labellisĂ©s
vendus par l’ensemble des acteurs commerciaux ayant un label Fairtrade/Max Havelaar est de 345 millions
d’euros (mĂȘme si son taux de croissance est en net ralentissement par rapport Ă  la pĂ©riode [2006-2008]) et
concerne environ 400 organisations de producteurs bénéficiaires (cf. tableau 3 en annexes). Les produits
10
Le capital-investissement consiste Ă  prendre des participations dans le capital de petites et moyennes entreprises
gĂ©nĂ©ralement non cotĂ©es. L’Association française des investisseurs pour la croissance (AFIC) assure la promotion du capital-
investissement. L’AFIC comptait en 2012 prùs de 270 membres actifs regroupant l’ensemble des structures de capital-
investissement installées en France (http://www.afic.asso.fr).
11
http://selidaire.org.
12
Fairtrade/Max Havelaar regroupe des ONG et des reprĂ©sentants de producteurs. Son but est d’utiliser le commerce pour
donner Ă  des paysans et travailleurs agricoles de l’hĂ©misphĂšre sud les moyens de lutter eux-mĂȘmes contre la pauvretĂ©.
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
6
labellisĂ©s Fairtrade/Max Havelaar sont commercialisĂ©s par plus de 200 entreprises, pour l’essentiel des
PME françaises. Les produits les plus vendus en France sont le café, les produits chocolatés, le textile, le
thé, le sucre et la banane.
2.L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE EN ALGERIE
2.1. L’organisation traditionnelle du village kabyle ou l’importance des liens horizontaux
En Kabylie, les liens horizontaux (de type bonding) sont primordiaux. Traditionnellement, « la place d’unitĂ©
sociale et politique qu’occupe la famille se justifie par une vision profonde de la vie en sociĂ©tĂ©. Ce qui est
primordial est la volonté de vivre ensemble, partagée par tous les habitants » (Adli, 2010-b, 20). Sans la
famille et le respect de ses normes, un individu « risque d’aller au devant de grandes dĂ©convenues ». Une
expression populaire prĂ©cise d’ailleurs que « dans son isolement l’homme est toujours disqualifiĂ© » (« awhid
yenghat ccraù ») (Adli, 2010-b, 20-21). Dans le village kabyle, unité de base territoriale et politique qui unit
les citoyens, des liens horizontaux unissent les villageois qui adhĂ©rent Ă  un mĂȘme systĂšme de
représentation. Parmi les nombreuses formes politiques anciennes connues dans le monde berbÚre, la plus
répandue chez les sédentaires est une « sorte de république villageoise » (Camps, 2007, 297) qui comporte
plusieurs niveaux, dont la jemaĂą (l’« assemblĂ©e villageoise » qui est masculine) et l’ñarch (la tribu) (Lacoste-
Dujardin, 2001, 75). Dans la tradition, l’ñarch est le regroupement de plusieurs villages d’une rĂ©gion liĂ©s
par un ancĂȘtre Ă©ponyme (Direche-Slimani, 2006, 185). C’est la jemaĂą (oĂč les anciens ou les chefs de famille
peuvent prendre la parole) qui possĂšde le pouvoir politique, administratif et judiciaire. Cheikh Mohand13
identifie les fondements-mĂȘmes de la sociĂ©tĂ© kabyle comme Ă©tant la jemaĂą, la valeur de l’effort et
l’importance de la fratrie (Adli, 2010-b, 47-48). Le chef du village (Amghar ou Amqran) est Ă©lu par les
membres de l’assemblĂ©e (Thadjmaat) composĂ©e des reprĂ©sentants des familles qui peuplent le village. Les
dĂ©cisions de la jemaĂą, vĂ©ritable cour de justice, s’appliquent Ă  tous les domaines de la vie, ce, suivant la loi
du village (Lqanoun tadarth), une sorte de Constitution Ă  laquelle sont soumis tous les villageois. Lqanoun
tadarth repose sur une coutume transmise oralement14 (Llùda) grùce à la mémoire des anciens (ouqal) et elle
est adaptée par les jemaù des différents villages (taùrfit) (Adli, 2010-a, 181). Llùda et taùrfit sont basées sur
l’égalitĂ© des droits et des devoirs de l’ensemble des citoyens du village (Adli, 2010-a, 181). Le droit kabyle,
qui est un droit humain, et non pas révélé comme le droit musulman (fiqh), repose essentiellement sur la
famille qui est l’unitĂ© sociale et politique du village (Adli, 2010-a, 186-187).
Si la « sorte de république villageoise » décrite par Camps a subi des transformations au fil du temps, ce
que l’on appelle les comitĂ©s de villages (CV)15 continuent aujourd’hui Ă  rĂ©aliser des projets d’utilitĂ©
collective, Ă  statuer dans tous les domaines de la vie quotidienne ou dans les conflits qui opposent le
village Ă  l’extĂ©rieur. Ces comitĂ©s possĂšdent leur propre caisse (alimentĂ©e par les cotisations des villageois et
des Ă©migrĂ©s du village, des dons
), qui permet de financer des projets d’utilitĂ© publique (pavage des rues,
mise en place d’un rĂ©seau d’eau courante
). Dans les environnements urbains, ces comitĂ©s prennent la
forme de comitĂ©s de quartier. Les CV peuvent Ă©galement jouer le rĂŽle l’interface (liens de type linking dans
la terminologie de la Banque mondiale (2000)) entre les habitants et les autoritĂ©s locales. L’organisation
des villages kabyles, issue de la tradition et encastrĂ©e dans une culture imprĂ©gnĂ©e de « l’esprit d’association
et de solidaritĂ© », a non seulement permis de pallier les dĂ©faillances de l’État et financer des projets locaux
de dĂ©veloppement mais a aussi « contribuĂ© Ă  maintenir le lien social malmenĂ© par plus d’une dĂ©cennie de
guerre civile et de crise économique » (Direche-Slimani, 2006, 183). Au travers des CV, les villageois sont
en rĂ©alitĂ© organisĂ©s en un « groupe productif »16 qui a un but commun finalisĂ© (un projet d’utilitĂ© collective
par exemple) et se dote de rÚgles communes (Lqanoun tadarth) qui, si elles ne sont pas respectées, peuvent
donner lieu Ă  sanction financiĂšre ou Ă  une exclusion. Perret et Abrika (2013-b) montrent que les liens
distants (de type bridging) avec la communauté des émigrés du village sont essentiels au développement
territorial et que, selon les cas, le comitĂ© de village (CV) kabyle, survivance d’une organisation sociale issue
des traditions locales, peut ĂȘtre un substitut Ă  l’État ou un complĂ©ment Ă  l’État. Le rĂšglement intĂ©rieur du
13
Poùte kabyle (1836 – 1901).
14
Il semble que ces codes de lois ont Ă©galement Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s par Ă©crit. En 1895, un “comitĂ© de lĂ©gislation Ă©trangĂšre” va
publier un recueil intitulĂ© Kanoun kabyle. Suivront ensuite Le kanoun d’Adni de Boulifa en 1905 et une note de recherche de
Rahmani Slimane sur le kanoun de la rĂ©gion d’Aokas (Adli, 2010, 182-183).
15
Trois catĂ©gories de CV existent aujourd’hui : certains se sont dĂ©clarĂ©s sous forme d’association, d’autres non et enfin les
derniers ont crĂ©Ă©e une association en parallĂšle afin de disposer d’un compte bancaire.
16
Un groupe dit productif est un collectif d’acteurs ayant un but commun finalisĂ© qui se dotent de rĂšgles communes (Loudiyi,
Angeon et Lardon (2004, 10)).
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
7
village de Tazrouts prĂ©cise ainsi dans son article 54 : « En cas de projet d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, le comitĂ© Ă©tudie
le cas tout en consultant les services techniques de la daïra et prend une décision qui sera transmise à
l’[assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale]. Le comitĂ© crĂ©Ă© un lien de type linking. La rĂ©partition du travail collectif est
également précisée dans les articles 18 à 27, indiquant les sanctions encourues en cas de non respect des
rĂšgles du CV. Sont dispensĂ©s du travail collectif les Ă©tudiants durant les pĂ©riodes d’étude, les appelĂ©s, les
plus de 65 ans ainsi que les malades. Il n’y a pas de travail collectif durant les fĂȘtes ou les pĂ©riodes de deuil.
À noter qu’aujourd'hui, nous assistons à la modernisation de ces structures et à leur renforcement par la
création de commissions distinctes chargées de traiter généralement des questions d'urgence. Les
commissions sont composées des membres du comité et de quelques volontaires du village comme des
universitaires, des ingĂ©nieurs
 qui peuvent jouer un rĂŽle d’expert (Achir, 2013, 22).
2.2. La solidarité intergénérationnelle en Algérie
Les solidarités entre les générations sont largement façonnées par la culture. Un axe Nord/Sud est
souvent évoqué pour différencier les valeurs familiales ; « les pays du Nord étant plus individualistes et
ceux du Sud plus familialistes » (Attias-Donfut et Gallou, 2006, 87). Par ailleurs, dans les pays du Maghreb,
on observe toujours une trÚs forte tendance des personnes ùgées à cohabiter avec leurs enfants, « signe de
piété filiale » (Attias-Donfut et Gallou, 2006, 87). Dans le modÚle traditionnel tel qu'il a existé en Algérie
avant la colonisation, l'identification sociale opĂšre Ă  deux niveaux : au niveau de la tribu et au niveau de la
‘ayla qui est une communautĂ© familiale patrilinĂ©aire. Elle est composĂ©e de fils mariĂ©s, demeurant unis du
vivant du pÚre, et souvent aprÚs sa mort, sous la direction du frÚre aßné ou de l'un des frÚres dont la
compétence est reconnue (Addi, 2004). « L'indivision de la propriété exploitée en commun, la crainte et le
respect du pĂšre, le culte des ancĂȘtres, l'attachement Ă  la gĂ©nĂ©alogie agnatique17 et Ă  la solidaritĂ© qui en
découle donnent à la communauté familiale algérienne les traits de la famille patriarcale telle qu'elle a été
définie par les anthropologues. » (Addi, 2004, 71-72). L'enfant est défini comme le fils de tel homme, de
tel pùre, et est petit-fils de tel grand-pùre. La femme, elle, est socialement invisible. L’exploitation agricole
de l’hĂ©ritage commun et les possibilitĂ©s d’extension des habitations rurales permettent Ă  chaque couple de
disposer d’une piĂšce oĂč vivre son intimitĂ© (Addi, 2004, 75). La dĂ©structuration sociale induite par la
colonisation (expropriations, Ă©parpillement des tribus, exode rural, Ă©change marchand) a fait disparaĂźtre la
‘ayla qui prend la forme de la famille Ă©largie, « groupement d'individus dĂ©chirĂ©s entre l'attirance de la forme
familiale suscitée par le salariat (famille conjugale) et le désir de reconduire la forme patriarcale » (Addi,
2004, 72). Cette tendance va se renforcer dans la période post-coloniale avec des politiques agraires et une
urbanisation (appartements conçus pour des familles conjugales) qui vont renforcer la destruction du
modÚle traditionnel patriarcal. Les jeunes sont de plus en plus tiraillés entre le mode de vie traditionnel ou
ce qu’il en reste et le modĂšle occidental diffusĂ© par les mĂ©dias ou relatĂ© par les Ă©migrĂ©s. La famille
patriarcale essaie, cependant, de se reconstituer dans un environnement architectural inapproprié
(bidonvilles, villes) se transformant alors en groupe domestique Ă©largi ou famille Ă©largie18 (Addi, 2004, 73).
Le rĂ©seau familial, regroupant frĂšres et sƓurs mariĂ©s, tire sa cohĂ©rence de la prĂ©sence des parents dans une
famille principale. Au décÚs des parents, le réseau initial se scinde en plusieurs réseaux qui se dotent de
centres respectifs en s'autonomisant. Le réseau familial n'inclut pas des cousins mariés ; le réseau lignager
se regroupe Ă  l'occasion de fĂȘtes de famille, de naissances, de dĂ©cĂšs, etc. (Addi, 2004, 74-75). Au lendemain
de la guerre d’indĂ©pendance, la structuration en famille Ă©largie a amorti les consĂ©quences sociales des
mutations économiques. Elle a amoindri le volume de demandes de logements « en prenant en charge les
vieilles personnes et les infirmes de la parentĂšle, en assurant la nourriture et le gĂźte aux enfants adultes
souvent mariĂ©s et sans emploi, [et a facilitĂ©] la tĂąche de l'État en matiĂšre de questions sociales » au
lendemain de la guerre d’indĂ©pendance (Addi, 2004, 79). La loi 84-11 du 9 Juin 1984 (JORA n°24 du
12.06.1984) portant code de la famille prĂ©cise d’ailleurs dans son article 77 que « L'entretien des
ascendants incombe aux descendants et vice-versa, selon les possibilités, les besoins et le degré de parenté
dans l'ordre successoral » et l’article 78 que « L'entretien consiste en la nourriture, l'habillement, les soins
médicaux, le logement ou son loyer et tout ce qui est réputé nécessaire au regard de l'usage et de la
coutume ».
Le cadre conceptuel de la solidarité intergénérationnelle conçoit les relations parents-enfants adultes
comme la source premiÚre de soutien affectif et physique mutuel. Les relations intergénérationnelles sont
considĂ©rĂ©es comme un Ă©lĂ©ment important des relations familiales notamment pour l’intĂ©gration sociale
17
La gĂ©nĂ©alogie est dite agnatique en cas de descendance d'une mĂȘme souche masculine.
18
Les termes de famille élargie, composée ou étendue sont employés.
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
8
des personnes ùgées. Selon Bengtson et Schrader (in Lowenstein et alii., 2003, 50), le modÚle de la
solidarité familiale intergénérationnelle comprend six dimensions : la dimension structurelle (distance
gĂ©ographique qui peut freiner ou faciliter l’interaction entre les parents ĂągĂ©s et leurs enfants, la co-
résidence
), la dimension associative (nombre de contacts entre les parents vieillissants et leurs enfants,
nombre de visites, nombre d’appels tĂ©lĂ©phoniques
), la dimension fonctionnelle (aide mutuelle pour les
activités de la vie quotidienne fournie par les parents aux enfants et reçue des enfants), la dimension
affective (sentiment de proximité émotionnelle entre membres de la famille), la dimension consensuelle
(degré de similarité des opinions et valeurs entre les parents ùgés et leurs enfants) et la dimension
normative (valeurs relatives aux obligations entre gĂ©nĂ©rations). Ces six dimensions peuvent ĂȘtre
regroupées en deux sous-ensembles : les aspects comportementaux et structurels (solidarité associative,
fonctionnelle et structurelle) et les aspects cognitifs et affectifs (solidarité affective, consensuelle et
normative). Malgré les mutations sociales (affaiblissement des liens communautaires, transformation de la
cellule familiale vers la famille conjugale
), les mutations démographiques (vieillissement de la
population, allongement de l’espĂ©rance de vie
), les mutations de styles de vie et les mutations
Ă©conomiques et politiques (informalisation de l’économie, place de l’État, difficultĂ© d’insertion des jeunes,
évolution du systÚme de protection sociale
), une étude appliquée de Perret et Paranque (2013) montre
que la solidarité affective et consensuelle entre les générations reste relativement forte et que la structure
de la famille conjugale est de plus en plus fréquente au détriment de la structure patriarcale19. La structure
patriarcale s’est en rĂ©alitĂ© transformĂ©e, selon ses moyens financiers et son niveau culturel, soit en famille
Ă©largie (plusieurs couples dans la mĂȘme rĂ©sidence), soit en rĂ©seau familial structurĂ© autour d’un mĂ©nage
principal (les parents, le grand frÚre ou tout autre homme reconnu pour ses compétences, son sérieux
ou
 ses revenus).
2.3. Les pratiques solidaires traditionnelles et leur réactivation grùce au monde associatif
Tiwizi est un terme amazigh féminin qui vient du verbe iwiss (aider). Tiwizi est un travail bénévole réalisé
pour la communauté ou une famille en particulier. Le terme tiwiza (qui est un pluriel et est parfois écrit
touiza (terme arabisĂ©), ou twiza) peut signifier l’entraide, la solidaritĂ©, le volontariat, le bĂ©nĂ©volat ou la
gĂ©nĂ©rositĂ©.20 Il s’agit de mettre en commun les efforts des membres d’une mĂȘme communautĂ© pour des
travaux d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral (l’amĂ©nagement d’une fontaine, le pavage d’une rue, la rĂ©alisation de canalisation,
la construction d’un dispensaire dans un village
) ou de solidaritĂ© Ă  l’égard de ceux qui ont besoin d’aide
(personnes ĂągĂ©es, orphelins, un propriĂ©taire d’oliveraie Ă  la saison de la cueillette
). Selon Mohamed
Azergui21, ce type d’organisation est nĂ© du fait qu’historiquement la sociĂ©tĂ© amazigh (au Maroc ou en
AlgĂ©rie en particulier) n’a jamais connu ni esclaves, ni serfs, ni systĂšme de mĂ©tayage. Tiwiza constitue une
forme de coopération sinon de développement communautaire. Les saisons sont marquées de tiwiza
correspondant aux nécessités du calendrier agraire. Mohamed Azergui se souvient ainsi des tiwiza dans
son village de Tanalt dans l’anti Atlas occidental « le gaulage des olives se fait en Janvier [
] De fait, Ă 
cette Ă©poque de l’annĂ©e les olives sont bien mĂ»res et pleines. Il faut les faire rentrer rapidement Ă  la
maison [
] Ainsi, durant quelques jours, notre grande l’oliveraie [
] est en grande fĂȘte. Elle est envahie
de partout par des Ă©quipes joyeuses de Tiwizis. Autrefois, notre Tiwizi Ă  nous se compose de presque tous
les membres de la famille vivant dans les villages voisins oĂč il y a surtout des arganiers. Notre travail de
gaulage commence au lever du soleil [
]. Les hommes, surtout les jeunes, grimpent aux cimes des grands
oliviers un long bĂąton (gaule) Ă  la main. Les moins jeunes et les enfants restent au pied des oliviers avec
leur long bñton. [
] Entre temps, les filles et les femmes arrivent du village pour le ramassage des olives
»22.
En Algérie, afin de perpétuer une tradition qui a tendance à se perdre, une association, appelée Touiza, a
Ă©tĂ© crĂ©e en mars 1989. Elle s’inspire de « la pratique ancestrale d’entraide et de solidaritĂ© qui consiste Ă 
mettre en commun les efforts des membres d’une mĂȘme communautĂ© pour des travaux d’intĂ©rĂȘt
19
Famille néo-patriarcale étendue = couple + enfants célibataires et mariés + petits-enfants. Famille néo-patriarcale réduite =
couple + enfants célibataires (selon une typologie élaborée par Fatima Oussedik (in Lahouari ADDI, « Femme, famille et lien
social en Algérie, in Azadeh KIAN-THIEBAUT et Marie LADIER-FOULADI, Famille et mutations sociopolitiques.
L'approche culturaliste Ă  l'Ă©preuve, Marie (Ed.), pp. 71-87, 2004, p.73).
20
Voir l’article « Tiwizi (ou tradition amazighe de solidaritĂ© active) » Par Azergui Mohamed sur le site :
http://tawiza.x10.mx/Tawiza131/tiwizi.htm.
21
Voir l’article « Tiwizi (ou tradition amazighe de solidaritĂ© active) » Par Azergui Mohamed sur le site :
http://tawiza.x10.mx/Tawiza131/tiwizi.htm.
22
Cf. Ibid.
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
9
général »23. Touiza a également initié depuis 1997/1998 plusieurs programmes de développement rural et
de prĂ©servation de l’environnement ainsi que des micro-entreprises. Un dispositif d’appui a Ă©tĂ© mis en
place : il concerne le montage, le suivi et l’accompagnement ainsi que la formation technique des porteurs
de projets. Une autre association, basĂ©e Ă  Marseille, Touiza solidaritĂ©, Ɠuvre dans le mĂȘme sens : la
rĂ©activation des principes d’entraide traditionnelle afin de soutenir des projets concrets et innovants qui
rĂ©pondent aux besoins des acteurs du dĂ©veloppement au Maghreb en s’appuyant sur l’implication de la
diaspora maghrĂ©bine en France. Touiza solidaritĂ© propose des formations (3 par an) dont l’objectif final
est le renforcement des capacités24 des acteurs des deux rives de la Méditerranée (cadres des collectivités
territoriales, Ă©lus, reprĂ©sentants d’associations ou de la sociĂ©tĂ© civile
) avec une approche participative
dans la mise en Ɠuvre des projets de dĂ©veloppement local. Touiza solidaritĂ© travaille en partenariat avec
des partenaires locaux pour rĂ©aliser ces objectifs : en AlgĂ©rie, il s’agit de l’Association nationale de
volontariat Touiza (ANV Touiza) qui est en charge de la sélection des candidats et de la diffusion des
informations sur les sessions de formation.
En 2009, Touiza Solidarité a ainsi mis en place un projet pilote de développement local durable dans la
Wilaya de Tizi-Ouzou. Pour ce faire, une convention de partenariat a été signée avec le MinistÚre de la
solidaritĂ© nationale, de la famille et de la communautĂ© nationale Ă  l’étranger et une autre avec le
Conservatoire national des formations pour l’environnement (CNFE) rattachĂ© au MinistĂšre de
l’AmĂ©nagement du territoire et de l’environnement. Deux associations algĂ©riennes ont Ă©tĂ© impliquĂ©es :
l’Association pour la jeunesse innovatrice et l’environnement (AJIE à Tizi-Ouzou) qui est maütre d’Ɠuvre
du projet pour les communes du bassin versant de Taksebt et l’Association nationale du volontariat
(ANTV Ă  Alger) qui dispose d’une pĂ©piniĂšre d’entreprises Ă  Boghni. Des sĂ©minaires de formation ont Ă©tĂ©
organisĂ©s pour les acteurs locaux (cf. tableau 4 en annexes). À la suite de ce projet, un Fond Solidaire a Ă©tĂ©
crĂ©Ă© dans le but de financer d’autres activitĂ©s Ă©conomiques.
2.4. La finance traditionnelle et l’importance des liens de type bridging
La caisse du village continue aujourd’hui Ă  jouer le rĂŽle de « trĂ©sor public » du village. Elle est une source
de financement du dĂ©veloppement et d’amĂ©nagement des infrastructures du village (les routes, les
fontaines, les mosquĂ©es, les aires de jeux, les places publiques et les terrains collectifs (Lemachemal)). À
noter que les pauvres du village ne sont pas obligés de cotiser mais peuvent bénéficier des aides et des
dons de la caisse de village (Achir, 2013, 21). Le village d’Achallam a ainsi acquis un mini bus de 35 places
de marque Toyota grùce, notamment, au concours des émigrés du village à la caisse du village à hauteur de
40 000 euros. Le choix de cet investissement a Ă©tĂ© actĂ© au cours d’une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du village et
adoptĂ© Ă  l’unanimitĂ©. Ces transferts de fonds (souvent rĂ©alisĂ©s lors de voyages « au pays ») sont rĂ©alisĂ©s en
euros et permettent via le marchĂ© parallĂšle des devises d’obtenir des dinars Ă  un cours supĂ©rieur au cours
officiel.
CONCLUSION
La solidarité formelle qui passe par les institutions de protection sociale est, en Kabylie, traditionnellement
complĂ©tĂ©e par une solidaritĂ© informelle qui provient d’usages et de traditions d’entraide. La solidaritĂ©
traditionnelle se manifeste dans l’organisation familiale et tribale dans laquelle les liens horizontaux
(bonding) sont primordiaux. La volonté de « vivre ensemble », norme partagée, explique cette vision
profonde de la vie en société. L'organisation politique et administrative des villages, qualifiée par Hanoteau
et Letourneux comme l’une des plus dĂ©mocratiques, renforce cet Ă©tat de fait. La tiwiza, pratique ancestrale
qui a encore cours aujourd’hui, participe au bien collectif et amortit les effets de la prĂ©caritĂ© ou de
l’isolement. L’organisation des villages kabyles et l’existence des comitĂ©s de villages, que l’on peut
considérer comme une instance exécutive horizontale dont les décisions se prennent par voie délibérative
ou consensuelle, permettent de mener à bien des projets collectifs qui participent au développement des
territoires. Le financement des projets choisis démocratiquement par les villageois appartenant au comité
23
http://touiza.com/
24
Le programme de formation à la gestion participative de projets de développement local comprend un volet formation (3
sessions par an) et un volet d’accompagnement des collectivitĂ©s territoriales maghrĂ©bines et françaises dans leurs relations de
coopération décentralisée (le MinistÚre des affaires étrangÚres assure un financement à hauteur de 50%. Les 50% restants
proviennent de collectivitĂ©s territoriales françaises (Conseil rĂ©gional Provence-Alpes-CĂŽte d’Azur et Conseil gĂ©nĂ©ral des
Bouches du RhĂŽne (30%) + 20% d’apports privĂ©s (dont l’Agence de l'environnement et de la maĂźtrise de l'Ă©nergie (ADEME))
(informations extraites du bilan d’activitĂ©s 2009 de Touiza solidaritĂ© sur http://touiza.com).
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
10
de village est réalisé grùce à la caisse du village alimentée principalement par des cotisations, des dons et du
bénévolat.
Si les relations intergénérationnelles sont considérées comme un élément important des relations
familiales, notamment pour l’intĂ©gration sociale des personnes ĂągĂ©es, la pratique de la tiwiza peut prendre
en charge celles qui sont isolĂ©es du fait des transformations de la cellule familiale et de l’émergence des
familles conjugales.
L’émergence d’une Ă©conomie sociale et solidaire en Kabylie permet Ă  la fois de compenser les
insuffisances de la solidaritĂ© organisĂ©e autour de la redistribution et de rĂ©activer des pratiques d’entraide
sĂ©culaires dans une culture baignĂ©e de « l’esprit d’association et de solidaritĂ© ». Au travers des activitĂ©s
conduites par l’association Touiza solidaritĂ©, l’on comprend bien toute l’importance des liens distants (de
type bridging) avec la communauté des émigrés qui participent au développement territorial, notamment
par le transfert des connaissances aux associations locales via les sessions de formations et les projets
concrets choisis en concertation avec les acteurs locaux (membres des associations, Ă©lus, responsables de
chambres consulaires
).
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solidaire, Presses de Sciences Po | Écologie & politique, 2004/1 - N°28 pages 93 à 103.
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
11
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(http://books.google.com).
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La Découverte, N°103 2001/4, p. 57-91.
LACOSTE-DUJARDIN C. (2002) Grande Kabylie. Du danger des traditions montagnardes, Revue de
géographie et de géopolitique, Hérodote, La Découverte, N°107 2002/4.
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et solidaire face à la crise du lien social, Crise du collectif et intervention, ErÚs, n°94/2010-2, 260 p.
LOUDIYI S, ANGEON V, LARDON S. (2004) Capital social et développement territorial. Quel impact
spatial des relations sociales ? », mimeo, 16 p.
LOWENSTEIN A., KATZ R. et MEHLHAUSEN-HASSOEN D. (2003) Une comparaison
transnationale de la solidarité intergénérationnelle, Retraite et société, no 38 2003/1, pp. 49-75, 2003,
p.54 (http://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe-2003-1-p-49.htm).
PERRET C., ABRIKA B. (2013-a) Capital social, confiance et développement territorial. Une étude
appliquée en Kabylie, n°13-26, IREGE, Université de Savoie, 16 p.
PERRET C., ABRIKA B. (2013-b) Les systĂšmes de gouvernance traditionnels en Kabylie Ă  la lumiĂšre du
concept de capital social, colloque Tourisme, services et développement des Territoires en Méditerranée.
Quelles stratégies pour un développement durable ? , Université de Jijel, 22 et 23 octobre 2013 (Algérie).
PERRET C., PARANQUE B. (2013) « Les nouvelles dynamiques de la solidarité intergénérationnelle en
Algérie. Une étude appliquée à ses différentes dimensions », Recherches familiales, n°10, p.163-173.
Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la
tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, Université de Savoie.
12
Annexes
Tableau 1 – L’évolution des types de solidaritĂ© en France
Période Conception afférentes Environnement Type de solidarité mise
en Ɠuvre
La solidarité
démocratique ou
l’associationnisme
solidaire
On passe de la « main
invisible » (qui permet à
la recherche individuelle
du profit et des intĂ©rĂȘts
particuliers d'assurer
l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral (cf.
Adam Smith) ainsi que
de pacifier les liens) aux
théoriciens socialistes.
PĂ©riode marquĂ©e par le paupĂ©risme, oĂč les principaux
droits sociaux n’ont pas encore Ă©tĂ© conquis.
La question sociale Ă©merge.
L’associationnisme solidaire (associations ouvriùres, de
secours mutuel) nĂ© malgrĂ© l’interdiction des associations
professionnelles imposée par la loi Le Chapelier (1791)
contre les corporations de l’Ancien RĂ©gime.
Tout un ensemble de pratiques va se développer autour
de la notion de solidarité démocratique dans les années
1830-1848.
La solidarité démocratique
ou l’associationnisme
solidaire succĂšde Ă  la
charité.
Solidarité corporative.
Seconde moitié du
19Ăšme
Essor du capitalisme
industriel et
discriminations
associatives.
La prospérité doit
résoudre la question
sociale.
La révolution de 1848 reconnaßt officiellement le droit
d’association : on entre dans l’ñge d’or de
l’associationnisme.
Les « ateliers sociaux » (Louis Blanc) résorbent
artificiellement le chÎmage. Ils « ressemblent davantage aux
ateliers de charitĂ© de l’Ancien RĂ©gime [soumis Ă  un ordre
disciplinaire des plus rigides] qu’à un vĂ©ritable systĂšme public
d’organisation du travail ».
1851 marque l’arrĂȘt de ces expĂ©riences qui reprennent
petit Ă  petit Ă  partir de 1857.
Le paupérisme structure la question sociale avec une
dimension méritoire (bons pauvres / mauvais pauvres).
La solidarité
philanthropique se
concentre sur les formes de
la pauvreté mais elle ne
résout pas les problÚmes
sociaux.
Fin du 19Úme / début
du 20Ăšme
Le marché pour
l’économie.
La redistribution pour le
social.
Penser à la cohésion sociale.
On entre dans l’univers des lois.
La solidaritĂ© s’organise
autour de la redistribution.
Courant solidariste avec
naissance de l’État social.
La solidarité démocratique
est promue.
Les 30 glorieuses ProgrĂšs Ă©conomique et
progrĂšs social peuvent
intervenir de concert.
L’État Providence met en Ɠuvre des politiques visant à
améliorer la vie des citoyens.
Progression de la solidarité
organisée autour de la
redistribution.
AprĂšs les annĂ©es 60 L’État veut organiser les
organisations de
l’intervention sociale en
opérateurs, plate-formes
techniques, en capacité à
répondre aux appels
d’offre.
L’État Providence confrontĂ© aux limites financiĂšres.
RĂ©duction du rapport Ă  l’Autre.
L’idĂ©ologie humanitaire.
Le rapport Ă  autrui est un rapport de service : risque de
« déliaison sociale ».
Le lien social « chahuté ».
L’emphase est mise sur la gĂ©nĂ©rositĂ© individuelle (cf. Les
restau du cƓur (1985)) : il y a privatisation de l’aide
sociale comme complĂ©ment nĂ©cessaire de l’action
publique.25
Nouvelles formes
d’associationnisme.
On entre dans l’ùre de
l’intervention
sociale individuelle
(intervention sociale d'aide Ă 
la personne) ou collective
(intervention sociale
d'intĂ©rĂȘt collectif) qui est
centrée sur la personne dans
l'objectif de l'accompagner
et de parvenir aux
conditions de bien-ĂȘtre.
Aujourd’hui L’État social est remis en
cause par la crise.
Les excĂšs de l’individualisme et les crises nĂ©cessitent de
repenser le lien social.
Une demande citoyenne de sens Ă©merge.
L’engagement citoyen cîtoie la relation de service.
Le « vivre ensemble » suppose l’intĂ©gration de tous sur
un territoire donné.
Transfert de l’État vers la conscience de chacun de
l’attention vis-Ă -vis de son prochain : sociĂ©tĂ© du care.26
De la solidarité
institutionnelle Ă  des
solidarités de proximité
complémentaires.
L’émergence de l’ESS
s’accompagne d’innovations
organisationnelles.
Engagement citoyen.
25
Bernard Hours « L’accordĂ©on de la philanthropie globale », Le Monde diplomatique, mai 2013.
26
Bernard Hours « L’accordĂ©on de la philanthropie globale », Le Monde diplomatique, mai 2013.
Tableau 2 - Nombre de SEL actifs en France par département en Juin 2012
Numéro
DĂ©partement
Nombre
SEL
Numéro
DĂ©partement
Nombre
SEL
Numéro
DĂ©partement
Nombre
SEL
Numéro
DĂ©partement
Nombre
SEL
1 3 26 6 51 1 76 5
2 1 27 3 52 1 77 5
3 4 28 4 53 2 78 9
4 3 29 11 54 4 79 2
5 3 30 8 55 2 80 3
6 7 31 6 56 6 81 9
7 4 32 2 57 2 82 4
8 0 33 13 58 4 83 6
9 1 34 12 59 14 84 8
10 4 35 13 60 4 85 2
11 5 36 1 61 3 86 4
12 6 37 4 62 7 87 2
13 12 38 14 63 5 88 2
14 3 39 1 64 4 89 5
15 1 40 4 65 2 90 2
16 4 41 2 66 4 91 5
17 11 42 10 67 5 92 9
18 2 43 2 68 6 93 6
19 4 44 15 69 10 94 6
20 1 45 2 70 2 95 6
21 3 46 3 71 8 971 2
22 7 47 4 72 2 972 1
23 2 48 1 73 3 973 1
24 7 49 7 74 5 987 1
Tableau : réalisation personnelle grùce aux données Selidaire.
Tableau 3 - Évolution du commerce Ă©quitable en France
Nombre
de
produits
labellisés
Marques
engagées*
Chiffre
d'affaires**
en millions
d’euros
Taux de
croissance du
chiffre
d’affaires
Panier moyen par
ménage
consommateur
Organisations de
producteurs
bénéficiaires***
2006 1542 149 166 16,70 € 152
2007 1941 175 210 26,51% 17,50 € 168
2008 3015 180 256 21,90% 15,80 € 179
2009 3864 206 287 12,11% 15 € 246
2010 3977 205 303 5,57% 14,90 € 400
2011 3586 226 315 3,96% 15,50 € 404
2012 3624 215 345 9,52% 16,10 € 400
* Chacune proposant un ou plusieurs produits labellisĂ©s ; ** Correspond au chiffre d’affaires total des produits labellisĂ©s vendus
par l’ensemble des acteurs commerciaux ; *** Organisations de producteurs certifiĂ©s exportant sur le marchĂ© français (au total 905
organisations exportent dans le monde sous les conditions du label).
Source des données : http://www.maxhavelaarfrance.org
Tableau 4 – SĂ©minaires de formation des acteurs locaux
Formations Dates Destinataires Associations locales
concernées
Formation sur la gestion de
cycle de projet (DZ)
27 au 29 mai 2010 BĂ©ni Douala, BĂ©ni AĂŻssi et
AĂŻt Mahmoud
Formation sur la gestion de
cycle de projet (DZ)
24 au 26 juin 2010
23 personnes
Larba Nath Irathen et
Irdjen Ă  Larabaa Nath
Ireten
DĂ©veloppement local durable
(DZ)
3 sessions de début juillet à fin
octobre 2010 :
- 7 et 8 juillet : « Le
développement local
durable » : diagnostic territoire
- 19, 20 et 21 septembre :
réaliser une premiÚre
restitution du travail d’enquĂȘte
+ formulation des projets
- 24 au 26 octobre : poursuite
du travail de rédaction des
projets
35 animateurs de développement local
proposés par les communes, des
représentants des directions techniques,
des chambres consulaires + des
reprĂ©sentants d’associations.
Organisé par Touiza
SolidaritĂ© et l’AJIE
Ateliers d’études en Provence
(F)
12 au 19 dĂ©cembre 2010 10 membres du ComitĂ© d’initiatives
locales (Ă©lus, responsables de chambres
consulaires
) ont suivi cet atelier pour
aider les participants à développer chez
eux un programme pilote de
développement local
Rapprochement de l’APWI
de Tizi-Ouzou et du
Conseil général des Alpes
de Haute-Provence
Soutien Ă  la crĂ©ation d’activitĂ©s
génératrices de revenus
- 87 porteurs de projets identifiés
(36 prĂȘts d’une valeur globale d’environ
70 000 euros ont été attribués)
- 17 porteurs de projets déjà formés, les
autres le seront ultérieurement
Mobilisation de la communauté
algérienne résidant en France
4 tables rondes se sont tenues
en France avec l’appui du
consulat d’AlgĂ©rie en France :
29 janvier, 26 juin, 10 juillet et
25 septembre 2010
respectivement Ă  Paris,
Marseille, Montpellier et
Libercourt
RĂ©unissent 55 membres de la
communauté algérienne, personnes à
compétences particuliÚres,
entrepreneurs

+ 12 membres associatifs de la
communauté algérienne formés à Paris
du 27 au 29 novembre.
Missions d’appui de
compétences de la communauté
algérienne auprÚs des acteurs de
la région de Boghni
- 30 compétences de la
communauté résidant en
France ont été identifiées pour
rĂ©aliser des missions d’appui
dans la région de Boghni.
- 3 missions ont été réalisées
en 2010.
Mise en place de projets de
développement solidaire par des
associations portées par les
membres de la communauté
algérienne
Mise en place d’un espace multimĂ©dia
ouvert au sein de l’école
Pour l’Association de
parents d’élĂšves de l’école
Salmi Laifa Ighzer N’Chebel
Beni Kouffi
Chantiers de jeunes volontaires 12 au 14 juillet 2010 Au profit de l’association omnisport de
Tizi-Rached : travaux de restauration,
maçonnerie

Touiza solidarité en
partenariat avec AJIE, les
Centres sociaux de Roubaix
et l’association omnisport
de Tizi-Rached
Source des donnĂ©es : Bilan d’activitĂ©s 2010 de Touiza solidaritĂ©.

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  • 1. L’®economie sociale et solidaire ou la modernitÂŽe de la tradition en Kabylie CÂŽecile Perret, Mohamed Achir To cite this version: CÂŽecile Perret, Mohamed Achir. L’®economie sociale et solidaire ou la modernitÂŽe de la tradition en Kabylie. 2014. <hal-00995426> HAL Id: hal-00995426 http://hal.univ-grenoble-alpes.fr/hal-00995426 Submitted on 23 May 2014 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entiïŹc research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinÂŽee au dÂŽepˆot et `a la diïŹ€usion de documents scientiïŹques de niveau recherche, publiÂŽes ou non, ÂŽemanant des ÂŽetablissements d’enseignement et de recherche franžcais ou ÂŽetrangers, des laboratoires publics ou privÂŽes.
  • 2. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 1 L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie CĂ©cile PERRET MaĂźtre de confĂ©rences IUT de ChambĂ©ry, Technolac, 73370 Le Bourget du Lac Cecile.perret@univ-savoie.fr Mohamed ACHIR MaĂźtre assistant, UniversitĂ© Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou INTRODUCTION Qu’entend-on par le terme Ă©conomie sociale et solidaire (ESS) ? L’ESS n’est ni une Ă©conomie caritative qui prĂ©sente le risque de substituer la sollicitude et la bienveillance au droit, ni une Ă©conomie d’insertion pensĂ©e uniquement comme un secteur de transition, un sas vers l’économie de marchĂ© (Eme et Laville, 2004, 21). Les grands principes sur lesquels fonctionnent les entreprises de l’ESS sont la « lucrativitĂ© » limitĂ©e (rĂ©partition Ă©quitable des bĂ©nĂ©fices, encadrement des salaires
), une gouvernance dĂ©mocratique, une finalitĂ© d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral ou collectif, un ancrage territorial et une mobilisation citoyenne.1 Les entreprises dites solidaires, dont une partie des ressources provient de l’épargne solidaire, produisent des biens ou des services qui ont une forte utilitĂ© sociale et/ou environnementale et elles participent Ă  la rĂ©solution de problĂ©matiques d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral (dĂ©veloppement de l’agriculture biologique, dĂ©veloppement des Ă©nergies renouvelables, rĂ©sorption de l’habitat prĂ©caire
). Au cƓur de l’ESS l’on trouve finalement les notions de solidaritĂ©, de lien social, de citoyennetĂ©, de dĂ©mocratie, de responsabilitĂ©, de transformation des formes institutionnelles et/ou organisationnelles, d’innovations sociales et de territoire. Les Ă©changes entre les personnes sont rĂ©gis par trois modes distincts : le marchĂ©, la redistribution et la rĂ©ciprocitĂ© qui agit pour entretenir la relation (LavouĂ©, JĂ©zequel et Janvier, 2010, 34). L’ESS propose en rĂ©alitĂ© une recomposition de ces liens qui ont Ă©voluĂ© au fil des siĂšcles et sont spĂ©cifiques Ă  une culture et un territoire, inventant de nouvelles formes d’organisation. Les types de liens (liens horizontaux entre individus de statut identique ou liens verticaux intergroupes) et la nature des solidaritĂ©s mises en Ɠuvre doivent donc ĂȘtre examinĂ©s (associationnisme solidaire, solidaritĂ© organisĂ©e autour de la redistribution, solidaritĂ© institutionnelle, solidaritĂ©s de proximitĂ©, solidaritĂ© formelle ou informelle, solidaritĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle
). S’il est notable que l’économie sociale et solidaire connaĂźt un regain d’intĂ©rĂȘt dans les pĂ©riodes de crise financiĂšre, mais Ă©galement de crise morale accompagnĂ©e d’une perte de confiance dans les institutions comme c’est le cas en AlgĂ©rie (Perret et Abrika, 2013-a), il n’en reste pas moins que les pratiques solidaires sont vieilles comme le monde et qu’elles ont permis de financer les activitĂ©s Ă©conomiques des personnes exclues du systĂšme bancaire dans de nombreux pays (tontines en Afrique sub-saharienne par exemple) ou Ɠuvrer pour le bien collectif (tiwiza en AlgĂ©rie
). En novembre 2013, le Collectif algĂ©rien pour le dĂ©veloppement de l’économie sociale et solidaire (CADESS) a Ă©tĂ© crĂ©Ă© en Kabylie.2 Le choix de la Wilaya de Tizi-Ouzou n’est sans doute pas un hasard car la tiwiza, pratique solidaire ancestrale qui contribue au renforcement des liens sociaux et Ă  la lutte contre l’exclusion et la pauvretĂ©, y a toujours cours. D’ailleurs, Hanoteau et Letourneux le soulignaient dĂ©jĂ  en 1893, toute la sociĂ©tĂ© kabyle est effectivement imprĂ©gnĂ©e de « l’esprit d’association et de solidaritĂ© » et « partout, on retrouve, Ă  ses divers degrĂ©s, l’association solidaire, aussi bien dans les moindres intĂ©rĂȘts de la vie privĂ©e que dans les relations de la famille, du village et de la tribu ». C’est pourquoi, nous concentrons dans cette recherche sur les Monts de Kabylie dans la rĂ©gion du Djurdjura que les Romains appelaient Mons Ferratus et ses habitants Quinque Gentii, ce qui signifie les cinq nations ou les cinq tribus, et sur laquelle Hanoteau et Letourneux prĂ©cisaient Ă©galement que « l'organisation politique et administrative [
] est l’une des plus dĂ©mocratiques et, en mĂȘme temps, [l’une] des plus simples qui se puissent imaginer ». Dans la premiĂšre partie de ce travail, nous prĂ©cisons ce que recouvre l’ESS au travers de l’étude des diffĂ©rentes catĂ©gories de liens sociaux et des types de solidaritĂ©s mises en Ɠuvre (LavouĂ©, JĂ©zequel et 1 http://www.finansol.org 2 T.Ch. « Il a Ă©tĂ© crĂ©Ă© hier lors d’une journĂ©e organisĂ©e Ă  l’APW. Le Collectif algĂ©rien pour le dĂ©veloppement de l’économie sociale et solidaire est nĂ© », La DĂ©pĂȘche de Kabylie, 28 novembre 2013.
  • 3. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 2 Janvier, 2010, Eme et Laville, 2004
). Nous analysons Ă©galement le passage de la solidaritĂ© institutionnelle Ă  des solidaritĂ©s de proximitĂ© complĂ©mentaires. Enfin, nous positionnons l’ESS entre rĂ©ciprocitĂ© et proximitĂ© et Ă©tudions ses diffĂ©rentes rĂ©alitĂ©s (finance solidaire, rĂ©seaux d’échanges non monĂ©taires, commerce Ă©quitable). Dans la seconde partie de cette recherche, nous nous attachons Ă  montrer en quoi l’ESS, qui a le vent en poupe en Kabylie, ne fait que rĂ©activer des pratiques ancestrales qui ont toujours cours dans les villages kabyles, villages encore souvent organisĂ©s grĂące aux comitĂ©s de village, Ă©manations de la sorte de « rĂ©publique villageoise » dĂ©crite par Camps (2007, 297), Lacoste- Dujardin (2001 et 2002) ou Perret et Abrika (2013-b). 1. LE CONCEPT D’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE 1.1. Liens sociaux et solidaritĂ©s La nature des liens entre les agents Ă©conomiques a Ă©tĂ© prĂ©cisĂ©e par la typologie aujourd’hui bien connue proposĂ©e par la Banque mondiale (2000). Elle distingue le lien qui unit (bonding), le lien qui lie (linking) et le lien qui relie (bridging). Les liens de type bonding unissent des individus de statut identique (liens horizontaux) au sein d'une mĂȘme communautĂ©. S’ils caractĂ©risent des relations de type communautaire, c'est-Ă -dire de personnes adhĂ©rant Ă  un mĂȘme systĂšme de reprĂ©sentation, ils tendent vers une « fermeture relationnelle » (Coleman, 1988), voire peuvent dĂ©boucher sur de la discrimination. Ils peuvent ĂȘtre ceux existant au sein d’une famille, d’un village, d’une tribu, d’une ethnie etc. Les liens de type linking caractĂ©risent des interactions entre des agents aux statuts diffĂ©rents. Ces liens sont dits verticaux. Ces liens intergroupes nĂ©cessitent d’ĂȘtre rĂ©affirmĂ©s et se caractĂ©risent par des transactions de rĂ©ciprocitĂ© qui obligent Ă  la poursuite des Ă©changes (Angeon, Caron et Lardon, 2006, 10). La frĂ©quence des interactions tend Ă  dĂ©boucher sur la convergence des reprĂ©sentations. Enfin, les liens de type bridging lient des agents distants, cette distance peut ĂȘtre gĂ©ographique (un membre du village qui a Ă©migrĂ©) ou le lien n’est pas activĂ© en permanence (Angeon, Caron et Lardon, 2006, 13). Pour la Banque Mondiale, le bridging social capital entre membres de la mĂȘme communautĂ© ou avec les membres d’autres communautĂ©s peut Ă  la fois permettre d’obtenir de meilleurs services de l’État, permettre une amĂ©lioration des infrastructures ou l’accĂšs Ă  certains marchĂ©s ou au crĂ©dit. Selon Loudiyi, Angeon et Lardon (2004, 10), trois catĂ©gories d’acteurs simplifiĂ©s existent : (i) la premiĂšre (G) est une simple formation d’individus ayant une action collective intentionnelle ou non (par exemple les habitants d’un village rĂ©unis au sein d’une association), (ii) la deuxiĂšme (GP) est un groupe dit productif, un collectif d’acteurs ayant un but commun finalisĂ© qui se dotent de rĂšgles communes et (iii) le troisiĂšme (I) est reprĂ©sentĂ© par les acteurs institutionnels. À ces trois types d’acteurs, les auteurs associent des qualitĂ©s reconnaissables, la forme prĂ©dominante de capital social : au groupe G, elles associent la recherche du « vivre ensemble (Bonding), au groupe GP elles associent la recherche du « produire ensemble » (Linking) et aux acteurs institutionnels I un rĂŽle d’organisation et d’encadrement, « organiser ensemble » (Bridging). Le passage d’un type d’acteur Ă  un autre correspond Ă  un changement de rĂŽle et la prĂ©sence d’un lien prĂ©dominant. Les Ă©changes entre les personnes sont rĂ©gis par trois modes distincts : le marchĂ©, qui se veut agir sans aucune rĂ©gulation (libertĂ© de l’offre et de la demande), la redistribution, qui oblige au lien Ă  un pouvoir politique et la rĂ©ciprocitĂ© qui agit pour entretenir la relation (LavouĂ©, JĂ©zequel et Janvier, 2010, 34). L’ESS propose en rĂ©alitĂ© une recomposition de ces liens au travers d’« une recomposition des rapports entre l’économique et le social » (Eme et Laville, 2004, 21) et elle est en recherche d’un sens en mettant l’économique au service de l’Homme. En France, l’évolution de ces trois liens a permis de passer, au fil des siĂšcles, d’une solidaritĂ© corporative Ă  une solidaritĂ© organisĂ©e autour de la redistribution (cf. tableau 1 en annexes). Si la charitĂ© implique une dissymĂ©trie des rapports entre le donateur et le donataire, la solidaritĂ© peut ĂȘtre dĂ©finie comme un lien social qui unit des citoyens libres et Ă©gaux. L’émergence de la solidaritĂ© n’implique cependant pas la disparition de la charitĂ©. La solidaritĂ© peut ĂȘtre soit horizontale, soit verticale. La solidaritĂ© horizontale consiste en une auto-organisation des individus pour rĂ©soudre des problĂšmes communs tandis que la solidaritĂ© verticale est constituĂ©e par l'action correctrice de l'État qui permet de rĂ©duire les inĂ©galitĂ©s. L’État Providence confrontĂ© Ă  des contraintes financiĂšres engendrera au fil du temps une privatisation de l’aide sociale comme complĂ©ment nĂ©cessaire de l’action publique. Aujourd’hui, les excĂšs de l’individualisme et les crises nĂ©cessitent de repenser le lien social. C’est lĂ  tout l’enjeu de l’ESS. La solidaritĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle peut Ă©galement ĂȘtre un cadre pertinent pour mobiliser des acteurs autour de projets collectifs susceptibles d’ĂȘtre pilotĂ©s avec des critĂšres d’efficacitĂ© sociale plutĂŽt que de rentabilitĂ© financiĂšre. Il s’agit donc d’identifier des pratiques sociales organisĂ©es de maniĂšre Ă  crĂ©er un champ de
  • 4. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 3 crĂ©dibilitĂ© permettant l’intervention de tiers en appui aux projets via, par exemple, la microfinance. L’importance et les formes de la solidaritĂ© familiale intergĂ©nĂ©rationnelle dĂ©pendent Ă  la fois des normes familiales et de la culture mais Ă©galement des traditions de politique sociale et de l’importance de la protection sociale. La protection sociale est ici entendue comme l'ensemble des mĂ©canismes de prĂ©voyance collective qui permettent aux individus de faire face financiĂšrement aux consĂ©quences des risques sociaux (c'est-Ă -dire aux situations pouvant provoquer une baisse des ressources ou une hausse des dĂ©penses) que sont la vieillesse, la maladie, l’invaliditĂ©, le chĂŽmage
 Deux types de solidaritĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle et de protection contre le risque peuvent ĂȘtre distinguĂ©es : une solidaritĂ© que l’on pourrait qualifier de formelle qui passe par les institutions de protection sociale et une solidaritĂ© que l’on pourrait qualifier d’informelle qui proviendrait d’usages, de traditions d’entraide ayant cours dans une sociĂ©tĂ©. Si elles peuvent se complĂ©ter, solidaritĂ© collective et solidaritĂ© familiale ne sont pas rĂ©gies par les mĂȘmes rĂšgles : une Ă©thique de justice faite d’égalitĂ© de traitement prĂ©side Ă  l’exercice de la solidaritĂ© collective tandis que les Ă©changes solidaires au sein des familles peuvent ĂȘtre entachĂ©s d’inĂ©galitĂ© dues Ă  un Ă©cart entre les normes et les pratiques (ChauviĂšre et Messu, 2003, 327-328). 1.2. L'Ă©conomie sociale et solidaire (ESS) : de la solidaritĂ© institutionnelle Ă  des solidaritĂ©s de proximitĂ© complĂ©mentaires Quelle rĂ©alitĂ© recouvre exactement le concept d'Ă©conomie sociale et solidaire (ESS) ? Selon le MinistĂšre de l’économie et des finances français c’est « un ensemble d'entreprises organisĂ©es sous forme de coopĂ©ratives, mutuelles, associations, ou fondations, dont le fonctionnement interne et les activitĂ©s sont fondĂ©s sur un principe de solidaritĂ© et d'utilitĂ© sociale [
et qui] adoptent des modes de gestion dĂ©mocratiques et participatifs »3, un ensemble d’entreprises capables de concilier l’activitĂ© Ă©conomique et l’utilitĂ© sociale en donnant la primautĂ© aux personnes sur la recherche de profits. Il s’agit de considĂ©rer que l’économie est au service de la personne et non l’inverse. L’éthique de l’économie sociale et solidaire est traditionnellement dĂ©finie par la finalitĂ© de service Ă  la collectivitĂ© ou aux membres plutĂŽt que la finalitĂ© de profit, l’autonomie de gestion, la gestion dĂ©mocratique et participative, la primautĂ© des personnes et du travail sur le capital dans la rĂ©partition des revenus et un ancrage territorial et/ou sectoriel.4 Mais, au-delĂ  de cette image d’Épinal, il s’agit d’entreprises de proximitĂ© qui forment une vĂ©ritable « Ă©cologie sociale ayant pour spĂ©cificitĂ© de fonder l‘activitĂ© Ă©conomique sur une prise en compte des interactions sociales et environnementales » (Eme et Laville, 2004, 15). Les liens de ces entreprises avec leur environnement social ou naturel local doivent donc ĂȘtre analysĂ©s afin de mettre en lumiĂšre leurs spĂ©cificitĂ©s, notamment le fait qu’en pĂ©riode de crise et de dĂ©litement du lien social elles supplĂ©ent les organisations conventionnelles pour satisfaire de nombreux besoins. Les initiatives locales analysables dans une perspective d'Ă©conomie solidaire fondent leur « action Ă©conomique sur la volontĂ© de promouvoir des rapports sociaux de solidaritĂ© Ă  travers deux caractĂ©ristiques majeures : la construction conjointe des services et l'hybridation des Ă©conomies » (Eme et Laville, 2004, 14-15). Quels sont les traits communs des pratiques des acteurs de l’ESS ? Selon Eme et Laville (2004, 20-21), ce sont : la recherche de nouvelles rĂ©gulations qui ont comme objectif de crĂ©er des formes de solidaritĂ© concrĂštes, une rĂ©inscription de la solidaritĂ© au cƓur de l’économique, une rĂ©flexion sur la nature du lien social et les finalitĂ©s de l’échange Ă©conomique, le choix de la combinaison marchand / non marchand et une synergie entre Ă©conomies produisant des innovations organisationnelles. Finalement, les acteurs de l’ESS recherchent une articulation socio-Ă©conomique spĂ©cifique. L’ESS a Ă©galement une dimension politique car les acteurs refusent de subir la crise et l’insatisfaction de leurs besoins. C’est enfin un nouveau modĂšle d’action collective. Pour autant, il ne s’agit pas de remplacer la solidaritĂ© institutionnelle mais d’imaginer des solidaritĂ©s de proximitĂ© complĂ©mentaires qui permettent de compenser la faiblesse ou la baisse des financements publics et d’amĂ©liorer la cohĂ©sion sociale, confortant le « mieux vivre ensemble ». En France, la qualitĂ© « sociale et solidaire » est reconnue Ă  une structure Ă  partir du moment oĂč elle a reçu l’agrĂ©ment5 dĂ©livrĂ© par l’UnitĂ© territoriale (UT) des Directions rĂ©gionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ou par la prĂ©fecture. En France toujours, les Banques Alimentaires (BA), dont les produits sont des dons et qui sont gĂ©rĂ©es majoritairement par des personnes bĂ©nĂ©voles, sont un bel exemple d’innovation organisationnelle. Les BA accompagnent quotidiennement quelques 1117 centres communaux d'action sociale (CCAS) ainsi que des 3 http://www.economie.gouv.fr/cedef/economie-sociale-et-solidaire. 4 http://www.direccte.gouv.fr/obtenir-son-agrement-entreprise-sociale-et-solidaire-a 5 L’agrĂ©ment est accordĂ© pour 2 ans. À Ă©chĂ©ance, et si la structure dĂ©sire conserver cet agrĂ©ment, elle peut prĂ©senter une nouvelle demande qui, si elle acceptĂ©e, sera cette fois d’une durĂ©e de 5 ans.
  • 5. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 4 associations tout au long de l'annĂ©e dans leur mission : aider les personnes dĂ©munies Ă  se restaurer. Les BA, grĂące aux collectes alimentaires qu’elles rĂ©alisent en partenariat avec un grand nombre d’associations, « permettent d’aider 750 000 personnes qui vont recevoir en moyenne 10 kg de produits alimentaires par mois et par personne tout au long de l’annĂ©e »6. Les BA dĂ©veloppent Ă©galement depuis quelques annĂ©es, en collaboration avec leurs partenaires, des modes de distribution d’aide alimentaire innovants, comme les Épiceries sociales7. Ces Ă©piceries sont souvent crĂ©Ă©es sous l’égide des CCAS (ou parrainĂ©es), les municipalitĂ©s mettant des locaux Ă  leur disposition. Les bĂ©nĂ©ficiaires des Épiceries sociales, orientĂ©s par les services sociaux de la municipalitĂ© ou d’un centre mĂ©dico-social, achĂštent leurs produits, qui sont en grande partie fournis par les Banques Alimentaires, Ă  10% du prix des grandes surfaces. Au-delĂ  de l’aide purement alimentaire, les bĂ©nĂ©voles des Épiceries sociales crĂ©ent du lien avec les personnes accueillies (Ă©coute, partage d’un cafĂ©, ateliers conseils en cuisine
). Pour devenir client des Épiceries sociales, il faut constituer un dossier de demande d’aide alimentaire qui sera prĂ©sentĂ© Ă  une commission de pilotage8 comprenant principalement des travailleurs sociaux, des responsables d’Épiceries sociales, de la Caisse d’allocations familiales (CAF), de la BA et du CCAS. Le critĂšre analysĂ© par la commission est le « restant pour vivre » (c’est-Ă -dire ce qui reste pour vivre aprĂšs paiement du loyer, des factures d’électricitĂ©, de tĂ©lĂ©phone
) et le nombre de personnes composant le mĂ©nage. Les Épiceries sociales voient aujourd’hui venir des personnes touchĂ©es par les nouvelles formes de pauvretĂ© que les services sociaux ont commencĂ© Ă  dĂ©couvrir dans les annĂ©es 1980 : familles monoparentales, travailleurs pauvres, jeunes de moins de 30 ans.9 1.3. L’ESS entre rĂ©ciprocitĂ© et proximitĂ© 1.3.1. Le cas services de proximitĂ© Le principe de rĂ©ciprocitĂ© nĂ©cessite que les personnes agissant dans l’économie sociale et solidaire soient Ă  la fois volontairement impliquĂ©es et que « l’intercomprĂ©hension [soit] recherchĂ©e Ă  travers la rĂ©fĂ©rence Ă  une Ă©galitĂ© de droit » (Eme et Laville, 2004, 15). L’idĂ©e sous-jacente Ă  celle de rĂ©ciprocitĂ© Ă©tant une co- construction de l’offre et de la demande de services de proximitĂ© dans un climat de parole partagĂ©e et de confiance interpersonnelle. C’est ce processus de co-construction qui peut aboutir Ă  des innovations socio-Ă©conomiques qui permettent de « mieux vivre ensemble » sur un territoire. Il convient de diffĂ©rencier les services de voisinage (faits de solidaritĂ©s spontanĂ©es et simples relations de bon voisinage) des services solidaires de proximitĂ©, mĂȘme si les services de proximitĂ© peuvent s’appuyer sur des ressources familiales. Les acteurs de services solidaires dĂ©cident volontairement de conduire une action leur permettant de rĂ©soudre les problĂšmes rencontrĂ©s par chacun d’entre eux (Eme et Laville, 2004, 16). Cette action de rĂ©ciprocitĂ© n’implique cependant pas d’agir dans le cadre d’une Ă©conomie non monĂ©taire. Les services de proximitĂ© peuvent ĂȘtre dĂ©finis comme des services, qui, « Ă  partir d’une impulsion rĂ©ciprocitaire » rĂ©alisent une co-construction de l’offre et de la demande et combinent Ă  la fois principe de marchĂ© et principe de la redistribution (Eme et Laville, 2004, 17). L’enjeu est alors leur durabilitĂ©. 1.3.2. La finance solidaire Face aux contraintes de financement de certains acteurs et dans le but de dĂ©mocratiser l’accĂšs au crĂ©dit, des actions de mobilisation de l’épargne locale et solidaire s’organisent. L’objectif est Ă  la fois d’accompagner la crĂ©ation d’entreprises, souvent celles qui ont objectif social ou Ă©cologique, et d’amĂ©liorer leur taux de survie. L’épargne solidaire, apparue en France au dĂ©but des annĂ©es 80, satisfait Ă  la fois le dĂ©sir de solidaritĂ© des Ă©pargnants (qui donnent ainsi sens Ă  leur Ă©pargne) et les besoins de financement d’entreprises qui n’ont pas accĂšs au prĂȘt bancaire classique et, enfin, elle aide Ă  l’insertion de personnes en difficultĂ©. Des banques ou des Ă©tablissements financiers solidaires permettent la mise en relation de ces deux catĂ©gories d’acteurs. ConcrĂštement, l’épargne est collectĂ©e au profit de « financeurs solidaires » qui 6 http://www.banquealimentaire.org 7 Une Association nationale de dĂ©veloppement des Ă©piceries solidaires (ANDES), qui est association loi 1901 apolitique et laĂŻque, a Ă©tĂ© crĂ©Ă©e en avril 2000. L’ANDES a Ă©tĂ© dĂ©clarĂ©e d'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral en 2004. Cette reconnaissance ouvre le droit Ă  rĂ©duction d'impĂŽts Ă  hauteur de 60% du montant de l'aide, dans la limite de 5% du chiffre d'affaires, pour les entreprises partenaires. 8 La commission de pilotage se rĂ©unit gĂ©nĂ©ralement chaque mois. Elle statue sur l’accord d‘une aide sous forme d’aliments, et pour une durĂ©e dĂ©terminĂ©e, en gĂ©nĂ©ral 3 Ă  6 mois Ă©ventuellement renouvelable aprĂšs rĂ©examen du dossier en fonction de l’évolution de la situation du mĂ©nage. 9 « Le regard des usagers sur les Ă©piceries solidaires: une Ă©valuation sur trois sites », Rapport final, RĂ©alisĂ© par Gilles Malandrin avec la collaboration de Cyrille Ferraton, mars 2004, 49 p.
  • 6. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 5 peuvent ĂȘtre des associations, des institutions de micro-finance, des sociĂ©tĂ©s coopĂ©ratives ou des fonds de capital-investissement10 qui agissent dans les domaines de l’emploi, du logement, de l’environnement et de la solidaritĂ© internationale. Les produits financiers proposĂ©s, aujourd’hui par la plupart des banques, sont des produits traditionnels (livrets bancaires, livrets de dĂ©veloppement durable, SICAV ou FCP, assurances-vie
) auxquels s’ajoutent des mĂ©canismes de solidaritĂ© de formes variables. En France, les « placements solidaires » bĂ©nĂ©ficient d’une fiscalitĂ© avantageuse. Lorsque l’épargne est investie directement dans une entreprise solidaire, on parle d’épargne d’investissement solidaire. Quand l’épargnant cĂšde tout ou partie de la rĂ©munĂ©ration de son Ă©pargne Ă  un organisme menant des activitĂ©s Ă  forte utilitĂ© sociale et/ou environnementale et habilitĂ© Ă  recevoir des dons (associations, fondations), on parle d’épargne de partage. L’association Finansol, qui fĂ©dĂšre les financeurs solidaires, a labellisĂ© en 2010 quelque 120 produits d’épargne solidaire. 1.3.3. Les rĂ©seaux d’échanges non monĂ©taires : « pour changer, Ă©changeons » Les rĂ©seaux d’échange rĂ©ciproques de services ou de savoirs, appelĂ©s systĂšmes d'Ă©change locaux en France (SEL), ont un statut d’association. Ils ont Ă©tĂ© imaginĂ©s au Canada dans les annĂ©es 70 (Local Exchange Trading System (LETS) en anglais) avant d’essaimer en Australie et en Angleterre puis de conquĂ©rir le monde entier. L’idĂ©e des SEL est de mettre en relation des personnes qui manquent de moyens financiers mais qui disposent de temps, de compĂ©tences inexploitĂ©es ou de produits qu’elles ne peuvent Ă©changer sur le marchĂ©. Les membres Ă©changent entre eux, sans avoir recours Ă  la monnaie, grĂące Ă  une unitĂ© de compte locale et compensable entre les membres du SEL. En France, les premiers SEL ont vu le jour en 1994 et on comptait plus de 470 SEL actifs en 2012 (voir le tableau 2 en annexes). Les motivations Ă  la crĂ©ation d’un SEL sont diverses : favoriser la crĂ©ation de liens sociaux, Ă©changer sans monnaie, valoriser des savoir-faire
 Pour qu’il fonctionne correctement, une masse critique d’adhĂ©rents est nĂ©cessaire, au moins une vingtaine de personnes selon Selidaire11. En dĂ©cembre 2013, nous avons contactĂ© le secrĂ©tariat de Selidaire, qui, s’il ne dispose pas de statistiques prĂ©cises, estime le nombre de SEL en France Ă  600 avec une moyenne d’une cinquantaine de membres par SEL. 1.3.4. Le commerce Ă©quitable : « Aidez-nous Ă  vendre [nos produits] Ă  un prix juste plutĂŽt que de nous donner de l’argent » D’aprĂšs Jean-Pierre Doussin (2012), le commerce Ă©quitable est sans doute nĂ© dans l’immĂ©diat aprĂšs-guerre dans une optique de charitĂ© (on achetait alors divers petits objets en provenance des pays du Sud). Rapidement, ce type de commerce s’est dĂ©veloppĂ© dans une dĂ©marche de renforcement des capacitĂ©s des producteurs afin qu’ils deviennent les acteurs de leur propre dĂ©veloppement collectif. En 1948, la DĂ©claration universelle des droits de l’homme prĂ©cise dans son article 23 que « Quiconque travaille a droit Ă  une rĂ©munĂ©ration Ă©quitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme Ă  la dignitĂ© humaine ». En 1964, une recommandation de la ConfĂ©rence des Nations Unies pour le Commerce et le DĂ©veloppement (CNUCED) souligne que « le commerce [n’est pas] pas la charitĂ© ». « Aidez-nous Ă  vendre notre cafĂ© Ă  un prix juste plutĂŽt que de nous donner de l’argent », lançaient dans les annĂ©es 80 les membres d’une coopĂ©rative mexicaine de petits planteurs de cafĂ© (Union des coopĂ©ratives indigĂšnes de la rĂ©gion de l’Isthme (UCIRI)) Ă  l’association nĂ©erlandaise de solidaritĂ© internationale Solidaridad qui les aidait grĂące Ă  des dons financiers. Ce fut l’origine de la crĂ©ation du label Fairtrade/Max Havelaar12. L’objectif affichĂ© du commerce Ă©quitable est un partenariat commercial fondĂ© sur le dialogue, la transparence et le respect et dont l’objectif est une plus grande Ă©quitĂ© dans le commerce mondial traditionnel. Il replace le petit producteur au centre et donne un sens Ă  l’acte de consommation. Ce commerce concerne aujourd’hui les produits alimentaires et artisanaux mais on peut imaginer qu’il s’intĂ©resse un jour aux produits industriels. En France, le chiffre d’affaires total des produits labellisĂ©s vendus par l’ensemble des acteurs commerciaux ayant un label Fairtrade/Max Havelaar est de 345 millions d’euros (mĂȘme si son taux de croissance est en net ralentissement par rapport Ă  la pĂ©riode [2006-2008]) et concerne environ 400 organisations de producteurs bĂ©nĂ©ficiaires (cf. tableau 3 en annexes). Les produits 10 Le capital-investissement consiste Ă  prendre des participations dans le capital de petites et moyennes entreprises gĂ©nĂ©ralement non cotĂ©es. L’Association française des investisseurs pour la croissance (AFIC) assure la promotion du capital- investissement. L’AFIC comptait en 2012 prĂšs de 270 membres actifs regroupant l’ensemble des structures de capital- investissement installĂ©es en France (http://www.afic.asso.fr). 11 http://selidaire.org. 12 Fairtrade/Max Havelaar regroupe des ONG et des reprĂ©sentants de producteurs. Son but est d’utiliser le commerce pour donner Ă  des paysans et travailleurs agricoles de l’hĂ©misphĂšre sud les moyens de lutter eux-mĂȘmes contre la pauvretĂ©.
  • 7. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 6 labellisĂ©s Fairtrade/Max Havelaar sont commercialisĂ©s par plus de 200 entreprises, pour l’essentiel des PME françaises. Les produits les plus vendus en France sont le cafĂ©, les produits chocolatĂ©s, le textile, le thĂ©, le sucre et la banane. 2.L’ÉCONOMIE SOCIALE ET SOLIDAIRE EN ALGERIE 2.1. L’organisation traditionnelle du village kabyle ou l’importance des liens horizontaux En Kabylie, les liens horizontaux (de type bonding) sont primordiaux. Traditionnellement, « la place d’unitĂ© sociale et politique qu’occupe la famille se justifie par une vision profonde de la vie en sociĂ©tĂ©. Ce qui est primordial est la volontĂ© de vivre ensemble, partagĂ©e par tous les habitants » (Adli, 2010-b, 20). Sans la famille et le respect de ses normes, un individu « risque d’aller au devant de grandes dĂ©convenues ». Une expression populaire prĂ©cise d’ailleurs que « dans son isolement l’homme est toujours disqualifiĂ© » (« awhid yenghat ccraĂą ») (Adli, 2010-b, 20-21). Dans le village kabyle, unitĂ© de base territoriale et politique qui unit les citoyens, des liens horizontaux unissent les villageois qui adhĂ©rent Ă  un mĂȘme systĂšme de reprĂ©sentation. Parmi les nombreuses formes politiques anciennes connues dans le monde berbĂšre, la plus rĂ©pandue chez les sĂ©dentaires est une « sorte de rĂ©publique villageoise » (Camps, 2007, 297) qui comporte plusieurs niveaux, dont la jemaĂą (l’« assemblĂ©e villageoise » qui est masculine) et l’ñarch (la tribu) (Lacoste- Dujardin, 2001, 75). Dans la tradition, l’ñarch est le regroupement de plusieurs villages d’une rĂ©gion liĂ©s par un ancĂȘtre Ă©ponyme (Direche-Slimani, 2006, 185). C’est la jemaĂą (oĂč les anciens ou les chefs de famille peuvent prendre la parole) qui possĂšde le pouvoir politique, administratif et judiciaire. Cheikh Mohand13 identifie les fondements-mĂȘmes de la sociĂ©tĂ© kabyle comme Ă©tant la jemaĂą, la valeur de l’effort et l’importance de la fratrie (Adli, 2010-b, 47-48). Le chef du village (Amghar ou Amqran) est Ă©lu par les membres de l’assemblĂ©e (Thadjmaat) composĂ©e des reprĂ©sentants des familles qui peuplent le village. Les dĂ©cisions de la jemaĂą, vĂ©ritable cour de justice, s’appliquent Ă  tous les domaines de la vie, ce, suivant la loi du village (Lqanoun tadarth), une sorte de Constitution Ă  laquelle sont soumis tous les villageois. Lqanoun tadarth repose sur une coutume transmise oralement14 (LlĂąda) grĂące Ă  la mĂ©moire des anciens (ouqal) et elle est adaptĂ©e par les jemaĂą des diffĂ©rents villages (taĂąrfit) (Adli, 2010-a, 181). LlĂąda et taĂąrfit sont basĂ©es sur l’égalitĂ© des droits et des devoirs de l’ensemble des citoyens du village (Adli, 2010-a, 181). Le droit kabyle, qui est un droit humain, et non pas rĂ©vĂ©lĂ© comme le droit musulman (fiqh), repose essentiellement sur la famille qui est l’unitĂ© sociale et politique du village (Adli, 2010-a, 186-187). Si la « sorte de rĂ©publique villageoise » dĂ©crite par Camps a subi des transformations au fil du temps, ce que l’on appelle les comitĂ©s de villages (CV)15 continuent aujourd’hui Ă  rĂ©aliser des projets d’utilitĂ© collective, Ă  statuer dans tous les domaines de la vie quotidienne ou dans les conflits qui opposent le village Ă  l’extĂ©rieur. Ces comitĂ©s possĂšdent leur propre caisse (alimentĂ©e par les cotisations des villageois et des Ă©migrĂ©s du village, des dons
), qui permet de financer des projets d’utilitĂ© publique (pavage des rues, mise en place d’un rĂ©seau d’eau courante
). Dans les environnements urbains, ces comitĂ©s prennent la forme de comitĂ©s de quartier. Les CV peuvent Ă©galement jouer le rĂŽle l’interface (liens de type linking dans la terminologie de la Banque mondiale (2000)) entre les habitants et les autoritĂ©s locales. L’organisation des villages kabyles, issue de la tradition et encastrĂ©e dans une culture imprĂ©gnĂ©e de « l’esprit d’association et de solidaritĂ© », a non seulement permis de pallier les dĂ©faillances de l’État et financer des projets locaux de dĂ©veloppement mais a aussi « contribuĂ© Ă  maintenir le lien social malmenĂ© par plus d’une dĂ©cennie de guerre civile et de crise Ă©conomique » (Direche-Slimani, 2006, 183). Au travers des CV, les villageois sont en rĂ©alitĂ© organisĂ©s en un « groupe productif »16 qui a un but commun finalisĂ© (un projet d’utilitĂ© collective par exemple) et se dote de rĂšgles communes (Lqanoun tadarth) qui, si elles ne sont pas respectĂ©es, peuvent donner lieu Ă  sanction financiĂšre ou Ă  une exclusion. Perret et Abrika (2013-b) montrent que les liens distants (de type bridging) avec la communautĂ© des Ă©migrĂ©s du village sont essentiels au dĂ©veloppement territorial et que, selon les cas, le comitĂ© de village (CV) kabyle, survivance d’une organisation sociale issue des traditions locales, peut ĂȘtre un substitut Ă  l’État ou un complĂ©ment Ă  l’État. Le rĂšglement intĂ©rieur du 13 PoĂšte kabyle (1836 – 1901). 14 Il semble que ces codes de lois ont Ă©galement Ă©tĂ© prĂ©servĂ©s par Ă©crit. En 1895, un “comitĂ© de lĂ©gislation Ă©trangĂšre” va publier un recueil intitulĂ© Kanoun kabyle. Suivront ensuite Le kanoun d’Adni de Boulifa en 1905 et une note de recherche de Rahmani Slimane sur le kanoun de la rĂ©gion d’Aokas (Adli, 2010, 182-183). 15 Trois catĂ©gories de CV existent aujourd’hui : certains se sont dĂ©clarĂ©s sous forme d’association, d’autres non et enfin les derniers ont crĂ©Ă©e une association en parallĂšle afin de disposer d’un compte bancaire. 16 Un groupe dit productif est un collectif d’acteurs ayant un but commun finalisĂ© qui se dotent de rĂšgles communes (Loudiyi, Angeon et Lardon (2004, 10)).
  • 8. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 7 village de Tazrouts prĂ©cise ainsi dans son article 54 : « En cas de projet d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral, le comitĂ© Ă©tudie le cas tout en consultant les services techniques de la daĂŻra et prend une dĂ©cision qui sera transmise Ă  l’[assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale]. Le comitĂ© crĂ©Ă© un lien de type linking. La rĂ©partition du travail collectif est Ă©galement prĂ©cisĂ©e dans les articles 18 Ă  27, indiquant les sanctions encourues en cas de non respect des rĂšgles du CV. Sont dispensĂ©s du travail collectif les Ă©tudiants durant les pĂ©riodes d’étude, les appelĂ©s, les plus de 65 ans ainsi que les malades. Il n’y a pas de travail collectif durant les fĂȘtes ou les pĂ©riodes de deuil. À noter qu’aujourd'hui, nous assistons Ă  la modernisation de ces structures et Ă  leur renforcement par la crĂ©ation de commissions distinctes chargĂ©es de traiter gĂ©nĂ©ralement des questions d'urgence. Les commissions sont composĂ©es des membres du comitĂ© et de quelques volontaires du village comme des universitaires, des ingĂ©nieurs
 qui peuvent jouer un rĂŽle d’expert (Achir, 2013, 22). 2.2. La solidaritĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle en AlgĂ©rie Les solidaritĂ©s entre les gĂ©nĂ©rations sont largement façonnĂ©es par la culture. Un axe Nord/Sud est souvent Ă©voquĂ© pour diffĂ©rencier les valeurs familiales ; « les pays du Nord Ă©tant plus individualistes et ceux du Sud plus familialistes » (Attias-Donfut et Gallou, 2006, 87). Par ailleurs, dans les pays du Maghreb, on observe toujours une trĂšs forte tendance des personnes ĂągĂ©es Ă  cohabiter avec leurs enfants, « signe de piĂ©tĂ© filiale » (Attias-Donfut et Gallou, 2006, 87). Dans le modĂšle traditionnel tel qu'il a existĂ© en AlgĂ©rie avant la colonisation, l'identification sociale opĂšre Ă  deux niveaux : au niveau de la tribu et au niveau de la ‘ayla qui est une communautĂ© familiale patrilinĂ©aire. Elle est composĂ©e de fils mariĂ©s, demeurant unis du vivant du pĂšre, et souvent aprĂšs sa mort, sous la direction du frĂšre aĂźnĂ© ou de l'un des frĂšres dont la compĂ©tence est reconnue (Addi, 2004). « L'indivision de la propriĂ©tĂ© exploitĂ©e en commun, la crainte et le respect du pĂšre, le culte des ancĂȘtres, l'attachement Ă  la gĂ©nĂ©alogie agnatique17 et Ă  la solidaritĂ© qui en dĂ©coule donnent Ă  la communautĂ© familiale algĂ©rienne les traits de la famille patriarcale telle qu'elle a Ă©tĂ© dĂ©finie par les anthropologues. » (Addi, 2004, 71-72). L'enfant est dĂ©fini comme le fils de tel homme, de tel pĂšre, et est petit-fils de tel grand-pĂšre. La femme, elle, est socialement invisible. L’exploitation agricole de l’hĂ©ritage commun et les possibilitĂ©s d’extension des habitations rurales permettent Ă  chaque couple de disposer d’une piĂšce oĂč vivre son intimitĂ© (Addi, 2004, 75). La dĂ©structuration sociale induite par la colonisation (expropriations, Ă©parpillement des tribus, exode rural, Ă©change marchand) a fait disparaĂźtre la ‘ayla qui prend la forme de la famille Ă©largie, « groupement d'individus dĂ©chirĂ©s entre l'attirance de la forme familiale suscitĂ©e par le salariat (famille conjugale) et le dĂ©sir de reconduire la forme patriarcale » (Addi, 2004, 72). Cette tendance va se renforcer dans la pĂ©riode post-coloniale avec des politiques agraires et une urbanisation (appartements conçus pour des familles conjugales) qui vont renforcer la destruction du modĂšle traditionnel patriarcal. Les jeunes sont de plus en plus tiraillĂ©s entre le mode de vie traditionnel ou ce qu’il en reste et le modĂšle occidental diffusĂ© par les mĂ©dias ou relatĂ© par les Ă©migrĂ©s. La famille patriarcale essaie, cependant, de se reconstituer dans un environnement architectural inappropriĂ© (bidonvilles, villes) se transformant alors en groupe domestique Ă©largi ou famille Ă©largie18 (Addi, 2004, 73). Le rĂ©seau familial, regroupant frĂšres et sƓurs mariĂ©s, tire sa cohĂ©rence de la prĂ©sence des parents dans une famille principale. Au dĂ©cĂšs des parents, le rĂ©seau initial se scinde en plusieurs rĂ©seaux qui se dotent de centres respectifs en s'autonomisant. Le rĂ©seau familial n'inclut pas des cousins mariĂ©s ; le rĂ©seau lignager se regroupe Ă  l'occasion de fĂȘtes de famille, de naissances, de dĂ©cĂšs, etc. (Addi, 2004, 74-75). Au lendemain de la guerre d’indĂ©pendance, la structuration en famille Ă©largie a amorti les consĂ©quences sociales des mutations Ă©conomiques. Elle a amoindri le volume de demandes de logements « en prenant en charge les vieilles personnes et les infirmes de la parentĂšle, en assurant la nourriture et le gĂźte aux enfants adultes souvent mariĂ©s et sans emploi, [et a facilitĂ©] la tĂąche de l'État en matiĂšre de questions sociales » au lendemain de la guerre d’indĂ©pendance (Addi, 2004, 79). La loi 84-11 du 9 Juin 1984 (JORA n°24 du 12.06.1984) portant code de la famille prĂ©cise d’ailleurs dans son article 77 que « L'entretien des ascendants incombe aux descendants et vice-versa, selon les possibilitĂ©s, les besoins et le degrĂ© de parentĂ© dans l'ordre successoral » et l’article 78 que « L'entretien consiste en la nourriture, l'habillement, les soins mĂ©dicaux, le logement ou son loyer et tout ce qui est rĂ©putĂ© nĂ©cessaire au regard de l'usage et de la coutume ». Le cadre conceptuel de la solidaritĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle conçoit les relations parents-enfants adultes comme la source premiĂšre de soutien affectif et physique mutuel. Les relations intergĂ©nĂ©rationnelles sont considĂ©rĂ©es comme un Ă©lĂ©ment important des relations familiales notamment pour l’intĂ©gration sociale 17 La gĂ©nĂ©alogie est dite agnatique en cas de descendance d'une mĂȘme souche masculine. 18 Les termes de famille Ă©largie, composĂ©e ou Ă©tendue sont employĂ©s.
  • 9. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 8 des personnes ĂągĂ©es. Selon Bengtson et Schrader (in Lowenstein et alii., 2003, 50), le modĂšle de la solidaritĂ© familiale intergĂ©nĂ©rationnelle comprend six dimensions : la dimension structurelle (distance gĂ©ographique qui peut freiner ou faciliter l’interaction entre les parents ĂągĂ©s et leurs enfants, la co- rĂ©sidence
), la dimension associative (nombre de contacts entre les parents vieillissants et leurs enfants, nombre de visites, nombre d’appels tĂ©lĂ©phoniques
), la dimension fonctionnelle (aide mutuelle pour les activitĂ©s de la vie quotidienne fournie par les parents aux enfants et reçue des enfants), la dimension affective (sentiment de proximitĂ© Ă©motionnelle entre membres de la famille), la dimension consensuelle (degrĂ© de similaritĂ© des opinions et valeurs entre les parents ĂągĂ©s et leurs enfants) et la dimension normative (valeurs relatives aux obligations entre gĂ©nĂ©rations). Ces six dimensions peuvent ĂȘtre regroupĂ©es en deux sous-ensembles : les aspects comportementaux et structurels (solidaritĂ© associative, fonctionnelle et structurelle) et les aspects cognitifs et affectifs (solidaritĂ© affective, consensuelle et normative). MalgrĂ© les mutations sociales (affaiblissement des liens communautaires, transformation de la cellule familiale vers la famille conjugale
), les mutations dĂ©mographiques (vieillissement de la population, allongement de l’espĂ©rance de vie
), les mutations de styles de vie et les mutations Ă©conomiques et politiques (informalisation de l’économie, place de l’État, difficultĂ© d’insertion des jeunes, Ă©volution du systĂšme de protection sociale
), une Ă©tude appliquĂ©e de Perret et Paranque (2013) montre que la solidaritĂ© affective et consensuelle entre les gĂ©nĂ©rations reste relativement forte et que la structure de la famille conjugale est de plus en plus frĂ©quente au dĂ©triment de la structure patriarcale19. La structure patriarcale s’est en rĂ©alitĂ© transformĂ©e, selon ses moyens financiers et son niveau culturel, soit en famille Ă©largie (plusieurs couples dans la mĂȘme rĂ©sidence), soit en rĂ©seau familial structurĂ© autour d’un mĂ©nage principal (les parents, le grand frĂšre ou tout autre homme reconnu pour ses compĂ©tences, son sĂ©rieux ou
 ses revenus). 2.3. Les pratiques solidaires traditionnelles et leur rĂ©activation grĂące au monde associatif Tiwizi est un terme amazigh fĂ©minin qui vient du verbe iwiss (aider). Tiwizi est un travail bĂ©nĂ©vole rĂ©alisĂ© pour la communautĂ© ou une famille en particulier. Le terme tiwiza (qui est un pluriel et est parfois Ă©crit touiza (terme arabisĂ©), ou twiza) peut signifier l’entraide, la solidaritĂ©, le volontariat, le bĂ©nĂ©volat ou la gĂ©nĂ©rositĂ©.20 Il s’agit de mettre en commun les efforts des membres d’une mĂȘme communautĂ© pour des travaux d’intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral (l’amĂ©nagement d’une fontaine, le pavage d’une rue, la rĂ©alisation de canalisation, la construction d’un dispensaire dans un village
) ou de solidaritĂ© Ă  l’égard de ceux qui ont besoin d’aide (personnes ĂągĂ©es, orphelins, un propriĂ©taire d’oliveraie Ă  la saison de la cueillette
). Selon Mohamed Azergui21, ce type d’organisation est nĂ© du fait qu’historiquement la sociĂ©tĂ© amazigh (au Maroc ou en AlgĂ©rie en particulier) n’a jamais connu ni esclaves, ni serfs, ni systĂšme de mĂ©tayage. Tiwiza constitue une forme de coopĂ©ration sinon de dĂ©veloppement communautaire. Les saisons sont marquĂ©es de tiwiza correspondant aux nĂ©cessitĂ©s du calendrier agraire. Mohamed Azergui se souvient ainsi des tiwiza dans son village de Tanalt dans l’anti Atlas occidental « le gaulage des olives se fait en Janvier [
] De fait, Ă  cette Ă©poque de l’annĂ©e les olives sont bien mĂ»res et pleines. Il faut les faire rentrer rapidement Ă  la maison [
] Ainsi, durant quelques jours, notre grande l’oliveraie [
] est en grande fĂȘte. Elle est envahie de partout par des Ă©quipes joyeuses de Tiwizis. Autrefois, notre Tiwizi Ă  nous se compose de presque tous les membres de la famille vivant dans les villages voisins oĂč il y a surtout des arganiers. Notre travail de gaulage commence au lever du soleil [
]. Les hommes, surtout les jeunes, grimpent aux cimes des grands oliviers un long bĂąton (gaule) Ă  la main. Les moins jeunes et les enfants restent au pied des oliviers avec leur long bĂąton. [
] Entre temps, les filles et les femmes arrivent du village pour le ramassage des olives »22. En AlgĂ©rie, afin de perpĂ©tuer une tradition qui a tendance Ă  se perdre, une association, appelĂ©e Touiza, a Ă©tĂ© crĂ©e en mars 1989. Elle s’inspire de « la pratique ancestrale d’entraide et de solidaritĂ© qui consiste Ă  mettre en commun les efforts des membres d’une mĂȘme communautĂ© pour des travaux d’intĂ©rĂȘt 19 Famille nĂ©o-patriarcale Ă©tendue = couple + enfants cĂ©libataires et mariĂ©s + petits-enfants. Famille nĂ©o-patriarcale rĂ©duite = couple + enfants cĂ©libataires (selon une typologie Ă©laborĂ©e par Fatima Oussedik (in Lahouari ADDI, « Femme, famille et lien social en AlgĂ©rie, in Azadeh KIAN-THIEBAUT et Marie LADIER-FOULADI, Famille et mutations sociopolitiques. L'approche culturaliste Ă  l'Ă©preuve, Marie (Ed.), pp. 71-87, 2004, p.73). 20 Voir l’article « Tiwizi (ou tradition amazighe de solidaritĂ© active) » Par Azergui Mohamed sur le site : http://tawiza.x10.mx/Tawiza131/tiwizi.htm. 21 Voir l’article « Tiwizi (ou tradition amazighe de solidaritĂ© active) » Par Azergui Mohamed sur le site : http://tawiza.x10.mx/Tawiza131/tiwizi.htm. 22 Cf. Ibid.
  • 10. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 9 gĂ©nĂ©ral »23. Touiza a Ă©galement initiĂ© depuis 1997/1998 plusieurs programmes de dĂ©veloppement rural et de prĂ©servation de l’environnement ainsi que des micro-entreprises. Un dispositif d’appui a Ă©tĂ© mis en place : il concerne le montage, le suivi et l’accompagnement ainsi que la formation technique des porteurs de projets. Une autre association, basĂ©e Ă  Marseille, Touiza solidaritĂ©, Ɠuvre dans le mĂȘme sens : la rĂ©activation des principes d’entraide traditionnelle afin de soutenir des projets concrets et innovants qui rĂ©pondent aux besoins des acteurs du dĂ©veloppement au Maghreb en s’appuyant sur l’implication de la diaspora maghrĂ©bine en France. Touiza solidaritĂ© propose des formations (3 par an) dont l’objectif final est le renforcement des capacitĂ©s24 des acteurs des deux rives de la MĂ©diterranĂ©e (cadres des collectivitĂ©s territoriales, Ă©lus, reprĂ©sentants d’associations ou de la sociĂ©tĂ© civile
) avec une approche participative dans la mise en Ɠuvre des projets de dĂ©veloppement local. Touiza solidaritĂ© travaille en partenariat avec des partenaires locaux pour rĂ©aliser ces objectifs : en AlgĂ©rie, il s’agit de l’Association nationale de volontariat Touiza (ANV Touiza) qui est en charge de la sĂ©lection des candidats et de la diffusion des informations sur les sessions de formation. En 2009, Touiza SolidaritĂ© a ainsi mis en place un projet pilote de dĂ©veloppement local durable dans la Wilaya de Tizi-Ouzou. Pour ce faire, une convention de partenariat a Ă©tĂ© signĂ©e avec le MinistĂšre de la solidaritĂ© nationale, de la famille et de la communautĂ© nationale Ă  l’étranger et une autre avec le Conservatoire national des formations pour l’environnement (CNFE) rattachĂ© au MinistĂšre de l’AmĂ©nagement du territoire et de l’environnement. Deux associations algĂ©riennes ont Ă©tĂ© impliquĂ©es : l’Association pour la jeunesse innovatrice et l’environnement (AJIE Ă  Tizi-Ouzou) qui est maĂźtre d’Ɠuvre du projet pour les communes du bassin versant de Taksebt et l’Association nationale du volontariat (ANTV Ă  Alger) qui dispose d’une pĂ©piniĂšre d’entreprises Ă  Boghni. Des sĂ©minaires de formation ont Ă©tĂ© organisĂ©s pour les acteurs locaux (cf. tableau 4 en annexes). À la suite de ce projet, un Fond Solidaire a Ă©tĂ© crĂ©Ă© dans le but de financer d’autres activitĂ©s Ă©conomiques. 2.4. La finance traditionnelle et l’importance des liens de type bridging La caisse du village continue aujourd’hui Ă  jouer le rĂŽle de « trĂ©sor public » du village. Elle est une source de financement du dĂ©veloppement et d’amĂ©nagement des infrastructures du village (les routes, les fontaines, les mosquĂ©es, les aires de jeux, les places publiques et les terrains collectifs (Lemachemal)). À noter que les pauvres du village ne sont pas obligĂ©s de cotiser mais peuvent bĂ©nĂ©ficier des aides et des dons de la caisse de village (Achir, 2013, 21). Le village d’Achallam a ainsi acquis un mini bus de 35 places de marque Toyota grĂące, notamment, au concours des Ă©migrĂ©s du village Ă  la caisse du village Ă  hauteur de 40 000 euros. Le choix de cet investissement a Ă©tĂ© actĂ© au cours d’une assemblĂ©e gĂ©nĂ©rale du village et adoptĂ© Ă  l’unanimitĂ©. Ces transferts de fonds (souvent rĂ©alisĂ©s lors de voyages « au pays ») sont rĂ©alisĂ©s en euros et permettent via le marchĂ© parallĂšle des devises d’obtenir des dinars Ă  un cours supĂ©rieur au cours officiel. CONCLUSION La solidaritĂ© formelle qui passe par les institutions de protection sociale est, en Kabylie, traditionnellement complĂ©tĂ©e par une solidaritĂ© informelle qui provient d’usages et de traditions d’entraide. La solidaritĂ© traditionnelle se manifeste dans l’organisation familiale et tribale dans laquelle les liens horizontaux (bonding) sont primordiaux. La volontĂ© de « vivre ensemble », norme partagĂ©e, explique cette vision profonde de la vie en sociĂ©tĂ©. L'organisation politique et administrative des villages, qualifiĂ©e par Hanoteau et Letourneux comme l’une des plus dĂ©mocratiques, renforce cet Ă©tat de fait. La tiwiza, pratique ancestrale qui a encore cours aujourd’hui, participe au bien collectif et amortit les effets de la prĂ©caritĂ© ou de l’isolement. L’organisation des villages kabyles et l’existence des comitĂ©s de villages, que l’on peut considĂ©rer comme une instance exĂ©cutive horizontale dont les dĂ©cisions se prennent par voie dĂ©libĂ©rative ou consensuelle, permettent de mener Ă  bien des projets collectifs qui participent au dĂ©veloppement des territoires. Le financement des projets choisis dĂ©mocratiquement par les villageois appartenant au comitĂ© 23 http://touiza.com/ 24 Le programme de formation Ă  la gestion participative de projets de dĂ©veloppement local comprend un volet formation (3 sessions par an) et un volet d’accompagnement des collectivitĂ©s territoriales maghrĂ©bines et françaises dans leurs relations de coopĂ©ration dĂ©centralisĂ©e (le MinistĂšre des affaires Ă©trangĂšres assure un financement Ă  hauteur de 50%. Les 50% restants proviennent de collectivitĂ©s territoriales françaises (Conseil rĂ©gional Provence-Alpes-CĂŽte d’Azur et Conseil gĂ©nĂ©ral des Bouches du RhĂŽne (30%) + 20% d’apports privĂ©s (dont l’Agence de l'environnement et de la maĂźtrise de l'Ă©nergie (ADEME)) (informations extraites du bilan d’activitĂ©s 2009 de Touiza solidaritĂ© sur http://touiza.com).
  • 11. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 10 de village est rĂ©alisĂ© grĂące Ă  la caisse du village alimentĂ©e principalement par des cotisations, des dons et du bĂ©nĂ©volat. Si les relations intergĂ©nĂ©rationnelles sont considĂ©rĂ©es comme un Ă©lĂ©ment important des relations familiales, notamment pour l’intĂ©gration sociale des personnes ĂągĂ©es, la pratique de la tiwiza peut prendre en charge celles qui sont isolĂ©es du fait des transformations de la cellule familiale et de l’émergence des familles conjugales. L’émergence d’une Ă©conomie sociale et solidaire en Kabylie permet Ă  la fois de compenser les insuffisances de la solidaritĂ© organisĂ©e autour de la redistribution et de rĂ©activer des pratiques d’entraide sĂ©culaires dans une culture baignĂ©e de « l’esprit d’association et de solidaritĂ© ». Au travers des activitĂ©s conduites par l’association Touiza solidaritĂ©, l’on comprend bien toute l’importance des liens distants (de type bridging) avec la communautĂ© des Ă©migrĂ©s qui participent au dĂ©veloppement territorial, notamment par le transfert des connaissances aux associations locales via les sessions de formations et les projets concrets choisis en concertation avec les acteurs locaux (membres des associations, Ă©lus, responsables de chambres consulaires
). BIBLIOGRAPHIE ACHIR M., 2013, La perspective d’émergence des institutions de micro finance Ă  partir des envois de fonds des travailleurs migrants : cas de la Kabylie, mimeo, 25 p. ADDI L. (2004) Femme, famille et lien social en AlgĂ©rie, in Kian- Thiebaut, Azadeh et Lader-Fouladi Famille et mutations socio-politiques. L'approche culturaliste Ă  l'Ă©preuve, Marie (Ed.), pp. 71-87. ADLI Y. (2010-a) Les efforts de prĂ©servation de la pensĂ©e kabyle aux XVIIIe et XIXe siĂšcles, Tome 1, L’OdysĂ©e Ă©dition, 254 p. ADLI Y. (2010-b) Les efforts de prĂ©servation de la pensĂ©e kabyle aux XVIIIe et XIXe siĂšcles, Tome 2, L’OdysĂ©e Ă©dition, 239 p. ANGEON V., CARON P, et LARDON S. (2006) Des liens sociaux Ă  la construction d'un dĂ©veloppement territorial durable : quel rĂŽle de la proximitĂ© dans ce processus ? , DĂ©veloppement durable et territoire, Dossier 7 ProximitĂ© et environnement, p.1-21 (http://developpementdurable.revues.org/). ATTIAS-DONFUT C. et GALLOU R. (2006) L’impact des cultures d’origine sur les pratiques d’entraide familiale. ReprĂ©sentation de la solidaritĂ© familiale par les immigrĂ©s ĂągĂ©s, Informations sociales 2006/6, N° 134, p. 86-97. BANQUE MONDIALE (2000) Combattre la pauvretĂ©. Rapport sur le dĂ©veloppement dans le monde, Washington, 204 p. BOUTILLIER S. et ALLEMAND S. (2010) L’économie sociale et solidaire, une dĂ©finition pluridimensionnelle pour innovation sociale, in Boutillier S. et Allemand S. MarchĂ© et organisations, n°11, 2010/1, 228 pages, pp.9-14. BRUNDTLAND G.H. (1987) Our Commun Future, Oxford, Oxford University Press. CHAUVIERE M., MESSU M. (2003) Les apories de la solidaritĂ© familiale. Contribution Ă  la sociologie des configurations de justice entre les familles et l’État, dans le cas français, Sociologie du travail, volume 45, dĂ©cembre, p. 327-342. COLEMAN J. S. (1988) Social capital in the creation of human capital, The American Journal of Sociology, 94, S95-S120. COMMISSION EUROPEENNE (2002) Les PME europĂ©ennes et les responsabilitĂ©s sociale et environnementale, Observatoire des PME europĂ©ennes 2002/No 4, Publications — DG Entreprises, 71 p. CAMPS G. (2007) Les BerbĂšres. MĂ©moire et identitĂ©, Actes Sud, Collection Babel, 350 p. DAUMAS M., FABAR M. (1847) Grande Kabylie, Études historiques, L. Hachette et Cie, Libraires de l’universitĂ© royale de France, 495 p. DIRECHE-SLIMANI K. (2006) Le mouvement des Ăąarch en AlgĂ©rie : pour une alternative dĂ©mocratique autonome ?, Les partis politiques dans les pays arabes. Tome 2 Le Maghreb, p. 183-196. DOUSSIN J-P. (2012) Le commerce Ă©quitable, PUF, 128p. EME B. et LAVILLE J-L. (2004) L'Ă©conomie solidaire ou l'Ă©conomie comme Ă©cologie sociale, Presses de Sciences Po | Ecologie & politique, 2004/1 - N°28 pages 13 Ă  25. GIANFALDONI P. (2004) UtilitĂ© sociale versus utilitĂ© Ă©conomique. L’entrepreuneuriat en Ă©conomie solidaire, Presses de Sciences Po | Écologie & politique, 2004/1 - N°28 pages 93 Ă  103.
  • 12. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 11 GODET M, DURANCE P. et MOUSLI M. (2010) CrĂ©ativitĂ© et innovation dans les territoires, Conseil d’Analyse Économique, Rapport, 457 p. HANOTEAU A., LETOURNEUX A. (1893) La Grande Kabylie et les coutumes kabyles, livre digital (http://books.google.com). LACOSTE-DUJARDIN C. (2001) GĂ©ographie culturelle et gĂ©opolitique en Kabylie. La rĂ©volte de la jeunesse Kabyle pour une AlgĂ©rie dĂ©mocratique, Revue de gĂ©ographie et de gĂ©opolitique, HĂ©rodote, La DĂ©couverte, N°103 2001/4, p. 57-91. LACOSTE-DUJARDIN C. (2002) Grande Kabylie. Du danger des traditions montagnardes, Revue de gĂ©ographie et de gĂ©opolitique, HĂ©rodote, La DĂ©couverte, N°107 2002/4. LAVOUÉ J., JÉZEQUEL M., JANVIER R. (2010) La ressource des organisations de l’économie sociale et solidaire face Ă  la crise du lien social, Crise du collectif et intervention, ErĂšs, n°94/2010-2, 260 p. LOUDIYI S, ANGEON V, LARDON S. (2004) Capital social et dĂ©veloppement territorial. Quel impact spatial des relations sociales ? », mimeo, 16 p. LOWENSTEIN A., KATZ R. et MEHLHAUSEN-HASSOEN D. (2003) Une comparaison transnationale de la solidaritĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle, Retraite et sociĂ©tĂ©, no 38 2003/1, pp. 49-75, 2003, p.54 (http://www.cairn.info/revue-retraite-et-societe-2003-1-p-49.htm). PERRET C., ABRIKA B. (2013-a) Capital social, confiance et dĂ©veloppement territorial. Une Ă©tude appliquĂ©e en Kabylie, n°13-26, IREGE, UniversitĂ© de Savoie, 16 p. PERRET C., ABRIKA B. (2013-b) Les systĂšmes de gouvernance traditionnels en Kabylie Ă  la lumiĂšre du concept de capital social, colloque Tourisme, services et dĂ©veloppement des Territoires en MĂ©diterranĂ©e. Quelles stratĂ©gies pour un dĂ©veloppement durable ? , UniversitĂ© de Jijel, 22 et 23 octobre 2013 (AlgĂ©rie). PERRET C., PARANQUE B. (2013) « Les nouvelles dynamiques de la solidaritĂ© intergĂ©nĂ©rationnelle en AlgĂ©rie. Une Ă©tude appliquĂ©e Ă  ses diffĂ©rentes dimensions », Recherches familiales, n°10, p.163-173.
  • 13. Pour citer ce travail : PERRET C., ACHIR M., « L’économie sociale et solidaire ou la modernitĂ© de la tradition en Kabylie », Notes de Recherches n°14-06, IREGE, UniversitĂ© de Savoie. 12 Annexes Tableau 1 – L’évolution des types de solidaritĂ© en France PĂ©riode Conception affĂ©rentes Environnement Type de solidaritĂ© mise en Ɠuvre La solidaritĂ© dĂ©mocratique ou l’associationnisme solidaire On passe de la « main invisible » (qui permet Ă  la recherche individuelle du profit et des intĂ©rĂȘts particuliers d'assurer l'intĂ©rĂȘt gĂ©nĂ©ral (cf. Adam Smith) ainsi que de pacifier les liens) aux thĂ©oriciens socialistes. PĂ©riode marquĂ©e par le paupĂ©risme, oĂč les principaux droits sociaux n’ont pas encore Ă©tĂ© conquis. La question sociale Ă©merge. L’associationnisme solidaire (associations ouvriĂšres, de secours mutuel) nĂ© malgrĂ© l’interdiction des associations professionnelles imposĂ©e par la loi Le Chapelier (1791) contre les corporations de l’Ancien RĂ©gime. Tout un ensemble de pratiques va se dĂ©velopper autour de la notion de solidaritĂ© dĂ©mocratique dans les annĂ©es 1830-1848. La solidaritĂ© dĂ©mocratique ou l’associationnisme solidaire succĂšde Ă  la charitĂ©. SolidaritĂ© corporative. Seconde moitiĂ© du 19Ăšme Essor du capitalisme industriel et discriminations associatives. La prospĂ©ritĂ© doit rĂ©soudre la question sociale. La rĂ©volution de 1848 reconnaĂźt officiellement le droit d’association : on entre dans l’ñge d’or de l’associationnisme. Les « ateliers sociaux » (Louis Blanc) rĂ©sorbent artificiellement le chĂŽmage. Ils « ressemblent davantage aux ateliers de charitĂ© de l’Ancien RĂ©gime [soumis Ă  un ordre disciplinaire des plus rigides] qu’à un vĂ©ritable systĂšme public d’organisation du travail ». 1851 marque l’arrĂȘt de ces expĂ©riences qui reprennent petit Ă  petit Ă  partir de 1857. Le paupĂ©risme structure la question sociale avec une dimension mĂ©ritoire (bons pauvres / mauvais pauvres). La solidaritĂ© philanthropique se concentre sur les formes de la pauvretĂ© mais elle ne rĂ©sout pas les problĂšmes sociaux. Fin du 19Ăšme / dĂ©but du 20Ăšme Le marchĂ© pour l’économie. La redistribution pour le social. Penser Ă  la cohĂ©sion sociale. On entre dans l’univers des lois. La solidaritĂ© s’organise autour de la redistribution. Courant solidariste avec naissance de l’État social. La solidaritĂ© dĂ©mocratique est promue. Les 30 glorieuses ProgrĂšs Ă©conomique et progrĂšs social peuvent intervenir de concert. L’État Providence met en Ɠuvre des politiques visant Ă  amĂ©liorer la vie des citoyens. Progression de la solidaritĂ© organisĂ©e autour de la redistribution. AprĂšs les annĂ©es 60 L’État veut organiser les organisations de l’intervention sociale en opĂ©rateurs, plate-formes techniques, en capacitĂ© Ă  rĂ©pondre aux appels d’offre. L’État Providence confrontĂ© aux limites financiĂšres. RĂ©duction du rapport Ă  l’Autre. L’idĂ©ologie humanitaire. Le rapport Ă  autrui est un rapport de service : risque de « dĂ©liaison sociale ». Le lien social « chahutĂ© ». L’emphase est mise sur la gĂ©nĂ©rositĂ© individuelle (cf. Les restau du cƓur (1985)) : il y a privatisation de l’aide sociale comme complĂ©ment nĂ©cessaire de l’action publique.25 Nouvelles formes d’associationnisme. On entre dans l’ùre de l’intervention sociale individuelle (intervention sociale d'aide Ă  la personne) ou collective (intervention sociale d'intĂ©rĂȘt collectif) qui est centrĂ©e sur la personne dans l'objectif de l'accompagner et de parvenir aux conditions de bien-ĂȘtre. Aujourd’hui L’État social est remis en cause par la crise. Les excĂšs de l’individualisme et les crises nĂ©cessitent de repenser le lien social. Une demande citoyenne de sens Ă©merge. L’engagement citoyen cĂŽtoie la relation de service. Le « vivre ensemble » suppose l’intĂ©gration de tous sur un territoire donnĂ©. Transfert de l’État vers la conscience de chacun de l’attention vis-Ă -vis de son prochain : sociĂ©tĂ© du care.26 De la solidaritĂ© institutionnelle Ă  des solidaritĂ©s de proximitĂ© complĂ©mentaires. L’émergence de l’ESS s’accompagne d’innovations organisationnelles. Engagement citoyen. 25 Bernard Hours « L’accordĂ©on de la philanthropie globale », Le Monde diplomatique, mai 2013. 26 Bernard Hours « L’accordĂ©on de la philanthropie globale », Le Monde diplomatique, mai 2013.
  • 14. Tableau 2 - Nombre de SEL actifs en France par dĂ©partement en Juin 2012 NumĂ©ro DĂ©partement Nombre SEL NumĂ©ro DĂ©partement Nombre SEL NumĂ©ro DĂ©partement Nombre SEL NumĂ©ro DĂ©partement Nombre SEL 1 3 26 6 51 1 76 5 2 1 27 3 52 1 77 5 3 4 28 4 53 2 78 9 4 3 29 11 54 4 79 2 5 3 30 8 55 2 80 3 6 7 31 6 56 6 81 9 7 4 32 2 57 2 82 4 8 0 33 13 58 4 83 6 9 1 34 12 59 14 84 8 10 4 35 13 60 4 85 2 11 5 36 1 61 3 86 4 12 6 37 4 62 7 87 2 13 12 38 14 63 5 88 2 14 3 39 1 64 4 89 5 15 1 40 4 65 2 90 2 16 4 41 2 66 4 91 5 17 11 42 10 67 5 92 9 18 2 43 2 68 6 93 6 19 4 44 15 69 10 94 6 20 1 45 2 70 2 95 6 21 3 46 3 71 8 971 2 22 7 47 4 72 2 972 1 23 2 48 1 73 3 973 1 24 7 49 7 74 5 987 1 Tableau : rĂ©alisation personnelle grĂące aux donnĂ©es Selidaire. Tableau 3 - Évolution du commerce Ă©quitable en France Nombre de produits labellisĂ©s Marques engagĂ©es* Chiffre d'affaires** en millions d’euros Taux de croissance du chiffre d’affaires Panier moyen par mĂ©nage consommateur Organisations de producteurs bĂ©nĂ©ficiaires*** 2006 1542 149 166 16,70 € 152 2007 1941 175 210 26,51% 17,50 € 168 2008 3015 180 256 21,90% 15,80 € 179 2009 3864 206 287 12,11% 15 € 246 2010 3977 205 303 5,57% 14,90 € 400 2011 3586 226 315 3,96% 15,50 € 404 2012 3624 215 345 9,52% 16,10 € 400 * Chacune proposant un ou plusieurs produits labellisĂ©s ; ** Correspond au chiffre d’affaires total des produits labellisĂ©s vendus par l’ensemble des acteurs commerciaux ; *** Organisations de producteurs certifiĂ©s exportant sur le marchĂ© français (au total 905 organisations exportent dans le monde sous les conditions du label). Source des donnĂ©es : http://www.maxhavelaarfrance.org
  • 15. Tableau 4 – SĂ©minaires de formation des acteurs locaux Formations Dates Destinataires Associations locales concernĂ©es Formation sur la gestion de cycle de projet (DZ) 27 au 29 mai 2010 BĂ©ni Douala, BĂ©ni AĂŻssi et AĂŻt Mahmoud Formation sur la gestion de cycle de projet (DZ) 24 au 26 juin 2010 23 personnes Larba Nath Irathen et Irdjen Ă  Larabaa Nath Ireten DĂ©veloppement local durable (DZ) 3 sessions de dĂ©but juillet Ă  fin octobre 2010 : - 7 et 8 juillet : « Le dĂ©veloppement local durable » : diagnostic territoire - 19, 20 et 21 septembre : rĂ©aliser une premiĂšre restitution du travail d’enquĂȘte + formulation des projets - 24 au 26 octobre : poursuite du travail de rĂ©daction des projets 35 animateurs de dĂ©veloppement local proposĂ©s par les communes, des reprĂ©sentants des directions techniques, des chambres consulaires + des reprĂ©sentants d’associations. OrganisĂ© par Touiza SolidaritĂ© et l’AJIE Ateliers d’études en Provence (F) 12 au 19 dĂ©cembre 2010 10 membres du ComitĂ© d’initiatives locales (Ă©lus, responsables de chambres consulaires
) ont suivi cet atelier pour aider les participants Ă  dĂ©velopper chez eux un programme pilote de dĂ©veloppement local Rapprochement de l’APWI de Tizi-Ouzou et du Conseil gĂ©nĂ©ral des Alpes de Haute-Provence Soutien Ă  la crĂ©ation d’activitĂ©s gĂ©nĂ©ratrices de revenus - 87 porteurs de projets identifiĂ©s (36 prĂȘts d’une valeur globale d’environ 70 000 euros ont Ă©tĂ© attribuĂ©s) - 17 porteurs de projets dĂ©jĂ  formĂ©s, les autres le seront ultĂ©rieurement Mobilisation de la communautĂ© algĂ©rienne rĂ©sidant en France 4 tables rondes se sont tenues en France avec l’appui du consulat d’AlgĂ©rie en France : 29 janvier, 26 juin, 10 juillet et 25 septembre 2010 respectivement Ă  Paris, Marseille, Montpellier et Libercourt RĂ©unissent 55 membres de la communautĂ© algĂ©rienne, personnes Ă  compĂ©tences particuliĂšres, entrepreneurs
 + 12 membres associatifs de la communautĂ© algĂ©rienne formĂ©s Ă  Paris du 27 au 29 novembre. Missions d’appui de compĂ©tences de la communautĂ© algĂ©rienne auprĂšs des acteurs de la rĂ©gion de Boghni - 30 compĂ©tences de la communautĂ© rĂ©sidant en France ont Ă©tĂ© identifiĂ©es pour rĂ©aliser des missions d’appui dans la rĂ©gion de Boghni. - 3 missions ont Ă©tĂ© rĂ©alisĂ©es en 2010. Mise en place de projets de dĂ©veloppement solidaire par des associations portĂ©es par les membres de la communautĂ© algĂ©rienne Mise en place d’un espace multimĂ©dia ouvert au sein de l’école Pour l’Association de parents d’élĂšves de l’école Salmi Laifa Ighzer N’Chebel Beni Kouffi Chantiers de jeunes volontaires 12 au 14 juillet 2010 Au profit de l’association omnisport de Tizi-Rached : travaux de restauration, maçonnerie
 Touiza solidaritĂ© en partenariat avec AJIE, les Centres sociaux de Roubaix et l’association omnisport de Tizi-Rached Source des donnĂ©es : Bilan d’activitĂ©s 2010 de Touiza solidaritĂ©.